Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 21 - Annexe A - Annexe 5900-2.40/L1-C-15, 21 « 9 »
Nota :
La présente annexe donne les réponses aux questions
posées par les sénateurs Nolin et Baker lors de la réunion de ce comité du 25
novembre.
Pour trouver les témoignages complets de cette réunion, veuillez consulter le
fascicule no 20.
JOHN W. CONROY. Q.C.* ONDINE SNOWDON Associates
KIRK TOUSAW BIBHAS VAZE |
CONROY & COMPANY 2459 Pauline Street |
Telephone: (604) 852-5110 |
30 novembre 2009
Jessica Richardson, greffière du Comité,
Sénat du Canada,
40, rue Elgin, pièce 1057
Ottawa (Ontario) K1A 04A
Madame Richardson,
OBJET : Réponses par écrit aux questions posées par les sénateurs Nolin et Baker relativement aux peines minimales obligatoires, aux libérations et aux dispositions générales de l’article 1(1)(a)(ii)(A) du projet de loi C-15
Suite aux questions posées à la fin de ma comparution par les sénateurs Nolin et Baker, et à la demande d’une réponse par écrit, j’ai écrit ce qui suit :
1. En ce qui concerne les répercussions de ce projet de loi sur les absolutions inconditionnelles et conditionnelles, et sur leur disponibilité, l’article 730 du Code criminel du Canada énonce la disponibilité des absolutions inconditionnelles et conditionnelles. Elles ne sont disponibles que si l’infraction n’est pas passible d’une sanction minimale prévue par la loi et si l’infraction n’est pas passible d’une peine d’emprisonnement de 14 ans ou à perpétuité. En d’autres termes, si l’infraction est passible d’une peine de 14 ans au maximum ou d’une peine d’emprisonnement à perpétuité, ou si l’infraction est passible d’une peine minimale obligatoire, quelle qu’elle soit, le tribunal qui détermine la peine ne peut appliquer l’article 730 pour accorder une absolution inconditionnelle ou conditionnelle.
De toute évidence, les dispositions du projet de loi C-15 prévoient des peines minimales obligatoires dans l’ensemble des cas et elles prévoient aussi, à l’article 1(1)(a) que, sous réserve de l’alinéa (a.1), si l’objet de l’infraction est une substance inscrite à l’Annexe I ou II, le particulier est coupable d’une infraction punissable par mise en accusation et passible d’une peine d’emprisonnement à vie, ainsi que de diverses peines minimales énoncées par la suite. L’alinéa (a.1) est la disposition en vertu de laquelle si la quantité de la substance visée par l’Annexe H (cannabis) est inférieure à la quantité de 3 kilogrammes prévue à l’Annexe VII,
* Désigne une personne morale
l’infraction demeure punissable par mise en accusation, mais la peine maximale est de cinq ans moins un jour, ce qui fait en sorte que le droit constitutionnel à un jury garanti par l’article 11(f) de la Charte canadienne des droits et libertés est refusé d’une journée.
À mon avis, la seule façon de garantir que le tribunal ait la souplesse nécessaire pour pratiquer une justice individualisée et pour accorder une absolution dans un cas approprié en vertu de l’article 730 Iorsque sont applicables des peines minimales obligatoires et des sanctions plus lourdes est de modifier le projet de loi de la façon énoncée à l’article 255(5) du Code criminel du Canada qui énonce les sanctions pour les infractions prévues à l’article 253 du Code, à savoir la capacité de conduite affaiblie (article 253). L’article contient expressément les mots « Nonobstant le paragraphe 730(1), un tribunal peut… » et autorise le tribunal à imposer une absolution en dépit des limitations figurant à l’article 730.
De ce fait, pour qu’un tribunal puisse, dans un cas approprié, accorder une absolution absolue ou conditionnelle pour n’importe laquelle des infractions relevant de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui sont passibles de peines minimales obligatoires ou de peines pouvant atteindre 14 ans ou la perpétuité, il faudrait amender le projet de loi C-15 pour y ajouter une disposition similaire à l’article 255(5) et, surtout, il doit contenir les mots « Nonobstant le paragraphe 730(1) » afin que l’absolution puisse être accordée dans des circonstances où, sinon, cela ne serait pas permis par l’article 730. En outre, il faudrait que ce paragraphe soit proclamé dans l’ensemble du pays, et non pas seulement dans certaines provinces.
2. En ce qui concerne le libellé du sous-alinéa 1(1)(a)(ii)(A), nous soumettons respectueusement que les mots « … dans tout autre lieu public normalement fréquenté par des personnes de moins de dix-huit ans ou près d’un tel lieu » sont nettement vastes et insuffisamment précis qu’une personne pourrait recevoir la peine minimale obligatoire de deux ans d’emprisonnement (une journée de plus que le minimum pour entrer dans le régime fédéral) parce que le hasard a voulu qu’il y ait dans les environs une église ou un centre communautaire, ou des locaux similaires, sans même que le délinquant ne le sache. Il semble suffisamment large pour comprendre un arrêt d’autobus assez fréquenté.
Des problèmes assez similaires se sont posés en ce qui concerne l’application de l’article 161 du Code criminel, qui dispose que sur déclaration de culpabilité ou absolution aux termes de l’article 730 relativement à une infraction concernant une personne âgée de moins de seize ans, le tribunal peut, outre toute autre peine, imposer une ordonnance interdisant à un délinquant :
a. de se trouver dans un parc public ou une zone publique où l’on peut se baigner s’il y a des personnes âgées de moins de seize ans ou s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il y en ait, une garderie, un terrain d’école, un terrain de jeu ou un centre communautaire.
Un libellé similaire a été adopté par le Parlement à l’article 810.1(3.02)(b), qui permit à un juge d’une cour provinciale d’imposer des conditions raisonnables interdisant à un défendeur de « se trouver dans un parc public ou une zone publique où l’on peut se baigner, s’il s’y trouve des personnes âgées de moins de seize ans ou s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il s’y en trouve, ou dans une garderie, une cour d’école ou un terrain de jeu. » Cette disposition a été acceptée, pour l’essentiel, par la Cour d’appel de l’Ontario dans le jugement R. c. Budreo (2000) 142 C.C.C. (3e) 225 (Ont.C.A.) et la permission d’en appeler à la Cour suprême a été refusée en 2001 dans 271 N.R.197 (CSC). La question qui se pose est celle de savoir si cet article est trop large, ou encore nul parce qu’il est vague, arbitraire ou disproportionné. Dans le cas des articles 161 et 810, la situation porte expressément sur les termes de la sentence, d’après le type de conduite sous-jacente qui a débouché sur la déclaration de culpabilité. Dans le projet de loi C-15, il est proposé qu’il y ait une peine minimale de deux ans si l’infraction a été commise « dans tout autre lieu public normalement fréquenté par des personnes de moins de dix-huit ans ou près d’un tel lieu. »
Nous soumettons respectueusement que le libellé ci-dessus est vraisemblablement nul parce qu’il est vague, trop large et, pourrait-on soutenir, quelque peu arbitraire. Il serait difficile pour une personne de déterminer au préalable si le lieu est habituellement fréquenté par des personnes de moins de 18 ans. En étant dans un tel « lieu public », on peut observer des gens qui semblent avoir moins de 18 ans, mais il pourrait néanmoins être difficile de déterminer si elles « fréquentent habituellement » ce lieu et il serait certainement difficile de déterminer ces facteurs si on se trouve simplement « près d’un tel lieu » sans savoir si ledit lieu est « normalement fréquenté » par ces personnes.
Le libellé des articles 810 et 161 du Code précise d’abord le type de lieu et pose ensuite la question de savoir si ledit lieu est un endroit où des personnes de moins de 14 ans sont présentes ou si on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elles le soient. Ces articles ne font tout simplement pas mention de « tout autre lieu public » en général comme le fait le projet de loi C-15.
En outre, pendant que j’étais assis et que j’observais les délibérations avant mon exposé, le sénateur a interrogé divers témoins au sujet des réalités sous-tendant le nombre disproportionné d’Autochtones dans notre système carcéral et des répercussions potentielles du projet de loi à cet égard. C’est pourquoi je joins un résumé d’un document du Comité spécial sur l’emprisonnement et la libération de l’Association du Barreau du Canada, d’août 1988, qui résume un de nos documents de travail intitulé « Locking up Natives in Canada » (Enfermer les Autochtones au Canada). Je vais m’efforcer d’obtenir le texte intégral du rapport et je le ferai parvenir au Comité, car je crois que les réalités que nous avons étudiées en 1988 sont jusqu’à un certain point les mêmes environ 20 ans plus tard.
Veuillez agréer, Madame Richardson, l’expression de mes cordiales salutations.
CONROY & COMPANY Per:
J HN W. CONROY, Q.C. JVVC-dmi