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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 1 - Témoignages du 2 mars 2009


OTTAWA, le lundi 2 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 heures pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je vois que nous avons le quorum, je déclare donc la séance ouverte. Je vous souhaite à tous la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité.

J'aimerais tout d'abord vous présenter les membres du comité qui sont avec nous aujourd'hui. En commençant à mon extrême gauche, le sénateur Andrée Champagne du Québec qui est aussi vice-présidente du comité; le sénateur Yoine Goldstein, également du Québec. Nous accueillons un nouveau sénateur à notre comité, le sénateur Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

Soyez le bienvenu à notre comité.

Le sénateur Martin : Cela me fait plaisir d'être parmi vous.

[Français]

De l'Ontario, nous accueillons le sénateur Lowell Murray, ainsi qu'un autre membre nouvellement arrivé à notre comité, le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis du Québec. Je vous souhaite la bienvenue, madame le sénateur.

Nous accueillons aujourd'hui, le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, qui est un habitué de notre comité. Nous sommes toujours très heureux de l'accueillir. Il est accompagné de plusieurs de ses collègues qu'il nous présentera dans quelques instants.

Le commissaire comparaît devant notre comité ce soir pour donner son point de vue sur différents enjeux en matière de langues officielles, et nous présenter ses plus récentes études ainsi que sa dernière vérification.

Monsieur Fraser, le comité vous remercie d'avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole.

Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles : Madame la présidente, je vous remercie. C'est toujours un plaisir de comparaître devant vous.

Mesdames et messieurs, honorables sénateurs, bonsoir. J'aimerais d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent, car il y a eu des changements au sein du personnel du commissariat depuis notre dernière rencontre.

[Traduction]

Veuillez maintenant accueillir Mme Johane Tremblay, commissaire adjointe par intérim, Direction générale des politiques et des communications, Mme Pascale Giguère, directrice par intérim des affaires juridiques, Mme Lise Cloutier, commissaire adjointe, Direction générale des services corporatifs et M. Pierre Coulombe, commissaire adjoint par intérim, Direction générale de l'assurance de la conformité.

Je me réjouis d'avoir l'occasion de vous rencontrer au début de cette nouvelle session parlementaire, et j'en profite pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux sénateurs qui se joignent à votre institution et à votre comité.

Votre comité, de même que celui de « l'autre Chambre », constitue un lien essentiel entre mon bureau et le Parlement. Vos rapports et vos interventions contribuent grandement à l'avancement des droits linguistiques des Canadiens et des Canadiennes.

Je trouve inspirant le fait d'être ici, car 2009 marque le 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Le droit de s'exprimer en français ou en anglais au sein des institutions parlementaires est l'un des premiers droits linguistiques à avoir été garanti aux Canadiens et aux Canadiennes. Ce lieu m'apparaît donc idéal pour entreprendre une évaluation pondérée des succès, des défis et des possibilités qui s'offrent au Canada sur le plan des langues officielles 40 ans après l'adoption de la première loi.

[Français]

Des progrès considérables ont été accomplis en matière des langues officielles. Certains sont le fruit de l'énergie déployée par les groupes linguistiques eux-mêmes, en particulier au sein des communautés de langues officielles, de la population francophone du Québec et du mouvement pour l'apprentissage du français langue seconde. D'autres sont une conséquence directe de l'action des parlementaires. Finalement, certains changements sont attribuables aux décisions des tribunaux, en particulier à celle de la Cour suprême du Canada.

À cet égard, il est important de mentionner le jugement très important que la Cour suprême vient tout juste de rendre dans l'affaire Desrochers c. Canada (Industrie), pour lequel j'étais co-appelant. Je me réjouis de ce jugement, car il représente une victoire pour les communautés de langues officielles.

Cette affaire a permis de clarifier la portée des obligations linguistiques des institutions fédérales, en matière de prestation de services bilingues. Plus précisément, la cour a jugé important d'établir clairement que l'égalité linguistique ne doit pas être examinée de façon étroite et que le gouvernement doit plutôt s'assurer que le service soit adapté aux besoins de la communauté.

Parmi les réalisations des 40 dernières années, mentionnons à titre d'exemples les suivantes : l'augmentation de la capacité bilingue de la fonction publique, bien que des améliorations continuent d'être nécessaires; la vitalité remarquable des communautés de langues officielles; l'augmentation lente, mais constante du nombre de Canadiens bilingues, tant parmi les francophones que parmi les anglophones.

Ces progrès ont profité à l'ensemble du pays. Ils ont contribué non seulement à la prospérité de diverses façons, mais aussi au bien-être des citoyens.

[Traduction]

Un des défis les plus importants à l'heure actuelle, et je sais que le comité s'y est intéressé à la dernière session, est la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. La pleine application de cette partie de la Loi continue d'être une priorité importante. Les bulletins de rendement de plusieurs institutions fédérales qui seront publiés à même mon rapport annuel, au mois de mai, y accorderont une place importante.

Si certaines institutions fédérales ont pris des mesures positives pour favoriser le développement des communautés de langue officielle et pour promouvoir la dualité linguistique, d'autres en sont toujours à s'interroger sur leurs obligations.

Les institutions fédérales devront tenir compte de la partie VII dans l'exécution de leur programme, particulièrement dans l'application des volets de la Feuille de route pour la dualité linguistique, annoncée au mois de juin dernier par le gouvernement. Évidemment, j'attends avec grande impatience que celui-ci fasse part à la population canadienne des détails des investissements annoncés et des initiatives qui en découleront.

À mon avis, le silence du récent budget à ce sujet était une occasion manquée. Si le gouvernement croit véritablement que l'égalité linguistique est une valeur canadienne, celle-ci doit être plus visible dans ses actions. Les engagements qui ne sont pas clairement établis, ou les délais dans leur mise en œuvre, donnent souvent lieu à un certain recul. C'est pourquoi le délai actuel m'inquiète.

Pour les ministères et leurs partenaires communautaires, le prochain exercice financier débutera dans 29 jours. Il me semble que cela devrait inciter le gouvernement à se hâter.

[Français]

Je sais aussi que le comité continuera de s'intéresser à la façon dont les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010, à Vancouver et à Whistler, refléteront la dualité linguistique au Canada. Je partage cet intérêt. Cet évènement d'envergure mondiale est une occasion unique de montrer au monde entier que la dualité linguistique constitue une valeur fondamentale du Canada. Il s'agit également d'une occasion pour célébrer la richesse culturelle de ces communautés francophones et anglophones.

Dans une étude que j'ai publiée le 2 décembre dernier, à Vancouver, j'ai souligné que le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 témoigne d'un intérêt certain à l'égard du bilinguisme. Cependant, j'ai également noté que les efforts demeuraient nécessaires dans divers domaines.

Une attention particulière doit être accordée aux communications avec le grand public, les médias et les athlètes, trois groupes qui joueront un rôle-clé dans le succès des Jeux.

Mon étude comporte 18 recommandations concernant la traduction et l'interprétation simultanée, le recrutement des bénévoles bilingues, la signalisation, l'implication des commanditaires, le rôle du secrétariat des Jeux, les manifestations culturelles et les ressources allouées à la fonction des langues officielles de l'organisation.

L'étude a été bien accueillie par le COVAN. Cependant, l'un des aspects qui me semblent très problématique est la traduction et l'interprétation simultanées. En effet, le budget prévu m'apparaît tout à fait insuffisant compte tenu de la tâche à accomplir, et je crains que le COVAN n'attende trop longtemps avant d'apporter des correctifs. Nous continuerons à surveiller de près le progrès réalisé et la mise en œuvre des recommandations au cours des mois précédant les Jeux.

Outre cette étude, nous avons entrepris une campagne de sensibilisation auprès des institutions fédérales dont la contribution est nécessaire au succès des Jeux. Il s'agit d'une vingtaine d'institutions travaillant, par exemple, dans les domaines de la sécurité, du transport ou des services directs au public. Notre campagne prévoit des interventions tant auprès des hauts dirigeants que des fonctionnaires chargés de mettre en œuvre des programmes et des initiatives dans le cadre des Jeux.

Il est important que les institutions fédérales comprennent que les Canadiens et les étrangers qui se rendront aux Jeux s'attendront à traiter avec les autorités du Canada en français comme en anglais. L'expérience olympique canadienne commencera dès que les visiteurs arriveront au pays.

Nous ciblons évidemment les installations aéroportuaires de Vancouver, mais également celles de Toronto. En effet, l'Aéroport international Lester B. Pearson servira de porte d'entrée à environ la moitié des visiteurs étrangers qui se rendront à Vancouver. Nous communiquons régulièrement avec les administrateurs de cet aéroport depuis plusieurs mois déjà, et j'ai pu constater qu'assurer l'offre des services bilingues au cours d'une période d'achalandage exceptionnelle représente un défi de taille. Air Canada devrait relever un défi semblable. Le rendement du transporteur sera évalué dans le cadre de son bulletin de rendement qui sera inclus dans mon rapport annuel comme le sera d'ailleurs le rendement de certains des grands aéroports canadiens.

[Traduction]

Je sais que la culture francophone au Canada est un sujet qui intéresse aussi ce comité et que plusieurs d'entre vous s'intéressent à la représentation sur les ondes des communautés anglophone et francophone en situation minoritaire. Dans une étude que j'ai rendue publique le 8 janvier dernier, je signalais que les intervenants fédéraux doivent redoubler d'efforts pour mieux représenter les communautés de langues officielles au petit écran. L'éloignement des centres de décisions, le sous-développement de leurs infrastructures et le manque de fonds figurent parmi les défis examinés dans l'étude. Les 11 recommandations du rapport avancent certains gestes que pourraient poser Patrimoine Canadien, le CRTC et Radio-Canada pour appuyer davantage la production télévisuelle des communautés de langue officielle. L'application des mesures proposées permettrait aux institutions fédérales de respecter leurs obligations de prendre des mesures positives à l'égard des communautés francophones et anglophones en milieu minoritaire et de faire la promotion des deux langues officielles.

[Français]

Un changement important dans la gouvernance des langues officielles vient tout juste de se produire. En effet, certaines des fonctions de l'Agence de la fonction publique seront désormais assumées par le Conseil du Trésor. On ne connaît pas encore la place que tiendra à l'avenir le dossier des langues officielles dans cette organisation. J'espère que nous verrons des changements qui viseront à améliorer le rendement du gouvernement fédéral à l'égard de ces obligations linguistiques ainsi qu'un leadership plus ferme de la part du Conseil du Trésor dans ce domaine.

[Traduction]

En conclusion, je ne vous cacherai pas ma crainte de voir les gouvernements réduire, en cette période de difficultés économiques, les investissements dans les programmes appuyant le développement des communautés de langue officielle et l'enseignement des langues. C'est ce qui s'est produit au milieu des années 1990, et les reculs provoqués par cette décision ont, à ce jour, à peine été rattrapés.

Dans un contexte de commerce global, la dualité linguistique est un atout important qu'il nous faut préserver. Le gouvernement fédéral a des responsabilités très importantes dans le domaine des langues officielles. Les reculs se sont toujours produits durant les périodes où le leadership à Ottawa était chancelant; les progrès, quant à eux, ont été le fruit d'un leadership fort. En cette période d'incertitude économique, il est particulièrement important de garder une main ferme sur le gouvernail et de ne pas compromettre les gains des 40 dernières années.

Il va de soi que nous veillons à ce que les fonds publics utilisés par le Commissariat soient gérés avec rigueur. Nos démarches auprès des diverses institutions fédérales assujetties à la Loi sur les langues officielles font l'objet des mêmes soucis d'efficacité et d'atteinte de résultats. Au cours des derniers mois, nous avons mis en place de nouvelles façons de faire pour traiter les plaintes de citoyens, mais également pour agir de façon proactive dans le but de prévenir ou de corriger des situations qui pourraient susciter des plaintes.

[Français]

Je vous remercie de votre attention. Ce sera un plaisir de répondre à vos questions et d'accueillir vos commentaires.

La présidente : Monsieur le commissaire, je vous remercie.

[Traduction]

Le sénateur Goldstein : Je vous remercie, monsieur Fraser, de cet éclairant rapport. Bien que je parle en mon nom, je suis sûr que tous les membres du comité sont d'accord pour dire que c'est un plaisir de vous accueillir parmi nous. Nous vous souhaitons donc la bienvenue et sommes fiers du magnifique travail que vous avez fait et que vous allez poursuivre.

Au cours des derniers mois, vous avez dit avoir mis sur pied de nouveaux mécanismes de traitement des plaintes du public. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet? Qu'avez-vous fait au juste?

M. Fraser : Ma prédécesseure et moi-même avons tous les deux observé qu'il y a des limites à ce que nous pouvons faire en nous contentant tout simplement de répondre aux plaintes. Le processus même de dépôt des plaintes, nécessaire et essentiel du point de vue de la loi et de l'exercice de mes responsabilités, est tout de même limité lorsqu'il s'agit de modifier le comportement des institutions.

Il y a un peu plus de deux ans, peu de temps après mon entrée en fonction, j'ai trouvé décourageant de voir toute une série de plaintes visant la même institution et portant sur des incidents semblables dans diverses régions du pays, et à chaque fois, par exemple, on donnait une explication différente de la raison pour laquelle tel service n'avait pas été offert. Cela nous a porté à réfléchir à la manière dont nous pourrions modifier notre rôle d'ombudsman de manière à être plus proactif et à aller au-delà du simple processus des plaintes afin d'aider les institutions à modifier leur comportement.

On trouve un exemple de cela dans la manière dont nous avons décidé d'agir pour répondre au défi des Jeux olympiques. Je ne voulais pas venir après coup reprocher aux organisateurs de n'avoir pas fait telle ou telle chose. Nous avons donc commandé une étude sur les préparatifs en cours, en espérant que le comité organisateur des Jeux et les divers organismes gouvernementaux auront suffisamment de temps pour répondre à nos suggestions, de remédier à certaines carences que nous avons constatées.

Ainsi que je l'ai dit au cours de mon exposé, réunir suffisamment de traducteurs et d'interprètes pour offrir les services nécessaires pendant les deux semaines que dureront les olympiades en février 2010 pose un défi considérable. Il y aura également des problèmes à cause de l'affichage à l'extérieur des sites de compétition. Cette dernière situation ne relève pas directement du comité organisateur, mais il devrait y avoir un affichage dans les deux langues officielles, par exemple, le long de l'autoroute qui mène à Whistler.

Pour donner suite à notre recommandation dans le rapport, nous avons lancé une campagne de sensibilisation auprès des ministères fédéraux pour souligner le fait que l'expérience olympique doit commencer dès l'arrivée des visiteurs au Canada, que ce soit à l'aéroport ou à un poste frontière terrestre. Nous avons donc parlé aux autorités de l'aéroport international Pearson et d'autres aéroports situés dans l'ensemble du pays ainsi qu'aux services frontaliers. Je dois d'ailleurs rencontrer les sous-ministres de tous les ministères qui traiteront avec le public dans le cadre de ces Jeux olympiques.

Si vous le souhaitez, nous pourrons vous donner davantage de détails là-dessus ultérieurement. M. Coulombe sera en mesure de le faire.

Le sénateur Goldstein : Mes collègues voudraient peut-être poser des questions. Je suis sûr qu'il y en a beaucoup.

[Français]

Le sénateur Champagne : En lisant l'énorme quantité de documents, au cours de la fin de semaine, deux choses me sont venues à l'idée. Lors d'une réunion du comité, nous avions discuté de la question après avoir rencontré les représentants du COVAN et de Globemédia, que vous alliez rencontrer d'ailleurs. Or, dans une entrevue télévisée, votre réaction fut très négative. On avait l'impression que la francophonie aux Jeux olympiques de Vancouver serait un réel désastre. À vous entendre, les problèmes se multipliaient. En lisant votre document intitulé « Une occasion en or », je me suis rendu compte que certains points vous laissent encore perplexe, où il reste du travail. Il est question des bénévoles, on ne sait pas exactement où les loger. Il restait encore à faire pour ce qui est de la traduction et de l'interprétation. Toutefois, en lisant le document, on se rend compte que le COVAN a fait un travail énorme pour faire en sorte que le français soit le plus présent possible.

Je vous avoue qu'en pensant à cette entrevue télévisée et en relisant ces documents je me pose la question suivante : aujourd'hui, à quoi doit-on s'attendre? Après avoir écouté votre présentation liminaire, il semble encore que certaines choses soient acceptables et d'autres ne le soient moins. Que doit-on faire, atteindre l'équilibre? À votre avis, où en sommes-nous?

M. Fraser : Je vous avoue ne pas me souvenir de l'entrevue télévisée dont vous parlez.

Le sénateur Champagne : Vous arriviez de Vancouver et étiez devant un groupe de journalistes.

M. Fraser : Ce que j'essaie de faire, c'est de balancer équitablement le positif et le négatif. Ayant été moi-même journaliste, je sais que les mauvaises nouvelles courent plus vite que les bonnes. Je dirais, effectivement, que le portrait est nuancé. Dans mon rapport et dans ma présentation, j'ai souligné que j'étais très impressionné par la bonne volonté des membres du COVAN, par le leadership de M. Furlong et sa détermination à faire en sorte que les Jeux soient présentés dans les deux langues officielles. Je crains, par contre, qu'un écart existe entre les objectifs et les ressources. Je crois qu'ils ont peut-être sous-estimé la tâche consistant à faire en sorte que tous les aspects de ces Jeux soient interprétés et traduits. On a remarqué ces écarts dans le budget pour la traduction et l'interprétation.

Il serait bien dommage, après tout ce travail, que les spectateurs ou encore ceux et celles qui accompagnent leurs fils ou leurs filles aux Jeux ne soient pas en mesure de bénéficier d'une interprétation à quelque évènement que ce soit. Tous nos athlètes et leur famille de même que les francophones du Canada qui désirent assister aux Jeux ont droit à un service d'interprétation pour chaque évènement. Offrir un service complet de traduction et d'interprétation n'est pas chose facile.

Je n'ai jamais voulu critiquer les intentions ni la volonté de l'organisation, mais il reste encore des lacunes.

Le sénateur Champagne : Je suis ravie tout de même de voir que vous avez un certain optimisme.

M. Fraser : Il reste encore un an. Selon l'analyse que l'on peut faire des préparatifs, un an c'est soit beaucoup ou très peu.

Le sénateur Tardif : Monsieur le commissaire, c'est toujours un plaisir de vous recevoir. Je tiens à m'excuser de mon léger retard.

Dans la conclusion de votre rapport, vous indiquez que, dans la situation actuelle, compte tenu des difficultés économiques, vous craignez que l'engagement en matière de langues officielles soit réduit dans le but d'être plus efficace et de réduire les coûts. À votre avis, le gouvernement tient-il suffisamment compte de la nouvelle partie VII dans ses décisions alors qu'il examine les dépenses dans tous les secteurs? Dans l'examen des dépenses, tient-on suffisamment compte de la nouvelle partie VII?

M. Fraser : J'ai quelques inquiétudes à cet égard étant donné le genre de projet qu'on mentionne actuellement, le silence qui a entouré la Feuille de route et les programmes qui touchent directement les communautés minoritaires. Évidemment, les détails de la Feuille de route n'ont pas encore été annoncés, mais le silence en soi m'inquiète.

Une des choses que j'ai souhaitée, avant l'annonce de cette Feuille de route, c'était une approche stratégique globale. J'étais très inquiet, il y a un an, lorsque le budget fut annoncé et qu'il ne fut question d'aucun chiffre rattaché à la Feuille de route. Au mois de juin, on a annoncé ce chiffre et les enveloppes budgétaires. Nous attendons toujours les détails. On nous assure que les sommes ne seront pas réduites. J'espère que ce soit vrai. Toutefois, je me souviens qu'en 1995 il y a eu des compressions budgétaires et des programmes furent éliminés. On a fermé, par exemple, le Collège militaire royal de Saint-Jean. Aujourd'hui, presque 15 ans plus tard, on a rétabli un programme de niveau collégial, ce qui est très bien. Il s'agit là d'une première étape. On n'en est pas au point où on en était quand le collège militaire a été aboli il y a 15 ans. Quand je parle d'un besoin de faire du rattrapage, je pense donc au collège militaire.

D'autres fonds ont également été éliminés. On peut penser, plus récemment, au fonds d'innovation. On sait que ce fonds a servi à offrir la formation linguistique aux fonctionnaires en région qui ne sont pas désignées bilingues. Or, des fonctionnaires de régions qui ne sont pas désignées bilingues ont demandé du financement et des conseils fédéraux pour la formation linguistique. Ces personnes se sont fait répondre qu'elles n'en avaient pas besoin étant donné qu'elles ne sont pas dans une région désignée bilingue. C'est justement parce qu'on est dans une région qui n'est pas désignée bilingue qu'on a besoin d'efforts supplémentaires.

C'est en ce sens que je crains certaines lacunes quant à l'application de la partie VII. Toutefois, il est trop tôt pour me prononcer de façon définitive étant donné que nous sommes toujours en attente des annonces officielles.

Le sénateur Tardif : Vous avez parlé de la partie VII et de son importance. À l'heure actuelle, quels sont les éléments principaux dont on a besoin pour assurer une pleine mise en œuvre de la partie VII? Pourquoi les choses ne progressent-elles pas plus rapidement? Que manque-t-il?

M. Fraser : Je pense qu'on a besoin de plus de réflexion, de stratégie globale. Il y a de petits succès, et les succès de la partie VII, jusqu'à présent, dépendent de la consultation individuelle des fonctionnaires en région ou des gens individuellement, des présidents-directeurs généraux, qui ont établi des contacts avec, par exemple, le conseil d'administration de la Fédération des communautés francophones et acadienne pour discuter des choses qu'ils pourraient faire.

On est toujours un peu minimaliste dans l'approche, je crois. Ce qui est important, par contre, c'est de voir à quel point la Cour suprême a souligné l'importance, pour le gouvernement fédéral, de travailler avec les communautés. La décision Desrochers, qui traite de la Partie IV, la partie des services au public, a dit très clairement qu'il est essentiel que les services qui sont élaborés pour des communautés le soient en collaboration avec la communauté, ce qui veut nécessairement dire des programmes distincts en fonction des besoins des communautés.

Donc, si on définit les obligations du gouvernement fédéral en fonction des services au public, cela établirait davantage l'importance, pour ce dernier, de mieux développer son réflexe de prendre des « mesures positives « pour la communauté, ainsi que pour la promotion de la dualité linguistique. On n'entend pas beaucoup de promotion du gouvernement pour la dualité linguistique.

[Traduction]

Le sénateur Martin : Cela me fait grand plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. C'est la première fois que je siège à cette table, et je ne suis pas très à l'aise en français. Toutefois, je peux vous assurer qu'en Colombie-Britannique, l'immersion en français et le bilinguisme se portent très bien. J'ai enseigné pendant 22 ans et j'ai enseigné dans des écoles d'immersion de niveau intermédiaire et secondaire. Bon nombre de parents s'intéressent de plus en plus à ces programmes parce qu'ils reconnaissent l'importance des langues officielles.

De plus, le ministre du Patrimoine canadien, l'honorable James Moore, qui vient de Colombie-Britannique, est un proche voisin. Je le vois d'ailleurs régulièrement à notre caucus hebdomadaire de la Colombie-Britannique. Je prends donc diligemment des notes aujourd'hui pour faire rapport lors de notre caucus de Colombie-Britannique mercredi.

J'aimerais aborder la question des Jeux olympiques de 2010. Cet événement revêt une très grande importance pour Vancouver. Or, j'habite cette ville. Tout ce que vous venez de dire sur ce sujet me concerne donc à la fois personnellement et professionnellement. Quant à James Moore, que je respecte, c'est aussi un ancien des écoles d'immersion; il est parfaitement bilingue et il travaille sans relâche depuis qu'il exerce ses nouvelles fonctions de ministre.

Je travaille aussi étroitement avec Mme Johanne Dumas et Donald Cyr, membres de la collectivité francophone de la Colombie-Britannique. La question de la traduction et de l'interprétation que doit offrir le comité organisateur des Jeux olympiques de Vancouver et des Jeux paralympiques de 2010, VANOC, a donc piqué ma curiosité. Je me réjouis que vous ayez tenu des consultations approfondies. Peut-être pourrions-nous prendre des mesures proactives, ou nouer des partenariats. Johanne a justement souligné le fait que les divers milieux de la collectivité francophone du Canada sont très bien reliés entre eux grâce à un réseau qui leur permet de communiquer régulièrement. Pour ma part, je sais qu'à Maillardville, par exemple, il existe bon nombre de groupes communautaires disposant de beaucoup de ressources. Les écoles comptent aussi sans doute des gens bilingues. Par conséquent, est-ce que nous ne pourrions pas chercher à créer des partenariats avec des groupes communautaires, riches en ressources humaines, si le VANOC a besoin de cette aide? Je suis sûr qu'à Vancouver, des gens comme moi, qui tiennent absolument au succès de ces Jeux, peuvent remplir cette fonction.

Je suis extrêmement favorable aux partenariats public-privé. Alors, lorsque vous parlez des choses qu'il faut faire pour améliorer la prestation des services dans les collectivités, je pense qu'il faut mettre en contact les parties concernées. Nous soutenons fermement le bilinguisme, car nous savons à quel point il fait partie de notre identité canadienne, et notre premier ministre et son cabinet se réunissent à toutes les semaines pour discuter de ces besoins.

Que pensez-vous de ces ententes de partenariat, si elles existent déjà, ou y a-t-il autre chose que nous puissions faire aujourd'hui?

M. Fraser : En réponse à vos premières remarques, j'ai été impressionné par l'engagement manifesté envers l'immersion en français en Colombie-Britannique, par l'énergie et le dynamisme de ceux qui préconisent cette idée et pour l'énergie de la minorité francophone. J'ai aussi été frappé par un trait de cette collectivité francophone de la Colombie-Britannique, à savoir que 90 p. 100 de ses membres viennent d'ailleurs. Il ne s'agit donc pas d'un milieu qui nourrit des griefs historiques parce que les gens y sont arrivés de leur propre choix. Dans bien des cas, ils ont fait un voyage avec un sac à dos il y a 30 ou 40 ans qui les a menés là-bas, ils ont rencontré quelqu'un et sont restés. On remarque aussi un esprit d'entreprise. Les institutions de la minorité francophone prennent toutes sortes de mesures novatrices, qu'elles soient technologiques ou autres — par exemple, diverses écoles sont reliées par un réseau informatique, de telle sorte que les classes de partout dans la province peuvent suivre un cours de physique donné dans une classe de Victoria.

L'Éducacentre fournit des cours postsecondaires conçus sur mesure pour répondre aux divers besoins des collectivités. Il se passe donc beaucoup de choses dans ce milieu et cela m'a impressionné. J'abonde aussi dans le même sens que vous lorsque vous affirmez qu'on s'intéresse à la dualité linguistique et qu'on la soutient.

Maintenant, pour ce qui est de la question des partenariats, on a créé une fondation pour le dialogue qui s'est occupée de réunir les groupes de francophones de l'ensemble du pays. À ma connaissance, on a alors tenu des consultations poussées. Le comité organisateur des Jeux olympiques a consulté de près les collectivités de langue minoritaire avant d'adopter l'itinéraire que suivrait la flamme olympique afin qu'elle passe dans nombre de leurs agglomérations au cours de son périple. Il n'a pas favorisé le trajet le plus court d'un océan à l'autre du pays et on doit lui reconnaître le mérite d'avoir cherché à faire en sorte que la flamme passe dans des milieux très divers, y compris dans des collectivités francophones minoritaires.

Après que la ville de Vancouver a été désignée comme ville hôtesse des Jeux olympiques, l'une des premières choses qui a suivi a été une entente entre les premiers ministres Campbell et Charest. Malgré toute la bonne volonté manifestée lors de la négociation de certaines de ces ententes, que ce soit avec les groupes de langue minoritaire ou avec d'autres provinces, toute la bonne volonté au monde ne suffira pas nécessairement pour réunir les interprètes professionnels dont on aura besoin pour interpréter des épreuves sportives très techniques à un moment précis.

Je n'ai pas de solutions magiques.

Lors de certains de mes échanges avec des hauts fonctionnaires, j'ai soulevé la possibilité que le Parlement fasse relâche en hiver au moment des Jeux afin que les interprètes parlementaires, d'ordinaire occupés pendant la session, puissent se porter volontaires pour travailler aux Jeux olympiques. J'ai aussi parlé de la possibilité qu'on défraie leurs déplacements ou les autres choses indispensables à leur participation professionnelle. L'une des réponses qu'on m'a donnée, c'est que c'est une chose d'interpréter les travaux d'un comité parlementaire, mais que c'en est une autre d'interpréter une épreuve de danse sur glace. Voilà un exemple parmi d'autres.

Ces problèmes ne sont pas faciles à résoudre mais, à mon avis, il importe de le faire.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Avant de passer à ma question, j'aimerais dire que je suis réconfortée par ce que le sénateur Tardif a mentionné tout à l'heure à propos de l'effet du bilinguisme. À la lecture du Globe and Mail de ce matin, je suis tombée sur une étude qui m'a estomaquée. Cette étude traitait de l'importance de créer des projets.

Le dernier paragraphe de cette étude dit bien :

[Traduction]

Selon les résultats du sondage, 83 p. 100 des Québécois accordent « énormément d'importance » au français et à l'anglais en tant que langues officielles tandis que seulement 35 p. 100 des habitants du reste du Canada sont du même avis.

[Français]

Qu'est-ce qu'on va faire? On aurait beau avoir les meilleurs programmes au monde, la question reste : comment changer ou améliorer cette culture? Ce n'est que lorsqu'on aura des personnes comme le sénateur Martin, qui sont conscientes de l'importance des deux langues officielles, qu'on pourra avancer.

Je reviens à la question de la culture. Vous avez dit dans vos remarques que notre comité avait entrepris une étude sur la culture des francophones en situation minoritaire. Nous avons effectivement entendu plusieurs témoins. Nous nous sommes rendus également au Nouveau-Brunswick.

En mars 2008, vous avez publié un rapport qui fait état du soutien des institutions fédérales aux arts et à la culture dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Est-ce qu'il y a des mesures dans la Feuille de route qui répondraient aux recommandations que vous avez soumises dans ce rapport de mars 2008?

M. Fraser : J'étais content de voir qu'il y avait un volet pour la culture dans la Feuille de route. J'avais souligné que c'était un des défauts du Plan d'action précédent, qui n'avait pas de volet pour la culture.

Je suis toujours en attente de voir comment cet engagement se traduira dans un projet spécifique. Plusieurs annonces ont été faites, mais si on éparpille les annonces ou si elles sont trop ciblées ou invisibles, on n'arrivera jamais à concevoir une stratégie globale pour changer la tendance que vous avez vue dans cette étude.

J'aimerais revenir à cette étude publiée dans le Globe and Mail de ce matin. Elle va à l'encontre d'autres études que j'ai lues. Pour approfondir la question, j'aimerais donc prendre connaissance du contexte qui entoure cette étude.

Les résultats des sondages dépendent souvent de quelle était la question précédente, du contexte de la question, et ce que j'ai compris du texte, c'est qu'elle faisait état particulièrement d'une comparaison entre des Canadiens de longue date et les Canadiens de deuxième génération seulement.

Une des choses qui m'a frappé dans la présentation du journal est que le responsable de l'étude était étonné de découvrir qu'il y avait un sentiment d'insécurité culturelle au Québec. Que l'on découvre en 2008 qu'il existe un sentiment d'insécurité au Québec, je trouve cela étonnant. L'insécurité est un facteur qui a toujours été présent, avec des hauts et des bas, dépendamment. Nous vivons également une période d'incertitude économique qui engendre d'autres insécurités et cela change peut-être les priorités des gens qui répondent au sondage.

Le sénateur Losier-Cool : J'avoue que ma première réaction fut la même que la vôtre et j'espère que quelqu'un réagira à cette étude, car moi-même je suis convaincue que ce n'est pas exact. Il y a certainement eu d'autres études donnant d'autres résultats.

M. Fraser : Tout à fait.

Le sénateur Losier-Cool : Je reviens maintenant à la culture. Est-ce que vous avez reçu des plaintes de la part de minorités francophones quant aux compressions budgétaires qui ont eu cours? Est-ce que les compressions budgétaires de l'an dernier ont suscité des plaintes de la part des communautés minoritaires?

M. Fraser : Oui, on a reçu des plaintes. On est en train de faire enquête sur les plaintes. Je ne sais pas où on est rendu. Je demanderais à mon collègue de vous répondre à ce sujet.

Pierre Coulombe, commissaire adjoint par intérim, Direction générale de l'assurance de la conformité, Commissariat aux langues officielles : C'est toujours sous enquête. Les discussions ont toujours lieu.

Le sénateur Losier-Cool : Vous n'avez pas encore le résultat des enquêtes?

M. Coulombe : Pas encore. Les enquêtes sont un processus confidentiel et les résultats des enquêtes demeurent confidentiels à moins que le plaignant donne la permission de les rendre publics.

Le sénateur Losier-Cool : Y aura-t-il quelque chose pour étoffer le rapport que ce comité-ci a entrepris sur la culture? Je sais que vous ne pouvez pas dévoiler votre enquête.

M. Fraser : Disons que c'est une préoccupation constante dans nos observations. On peut voir ce qu'on a fait sur la télévision, par exemple. C'est vrai que des plaintes particulières en ce qui concerne les compressions budgétaires font partie d'un processus spécifique, mais il reste au plaignant de décider s'il est dans son intérêt ou non de rendre publics les résultats de l'enquête. Nous ne contrôlons pas cela. C'est le plaignant qui a le contrôle final des résultats d'une plainte. Ce n'est pas à nous de dévoiler le rapport d'enquête.

Le sénateur Champagne : Je ne comprends pas comment les compressions budgétaires qui ont eu lieu depuis les deux dernières élections ont pu toucher davantage les francophones que les anglophones qu'ils soient en situation minoritaire ou majoritaire. Je ne vois pas le lien, parce que les deux programmes qui ont été touchés, à mon grand désespoir, je vous l'avoue, concernaient des voyages à l'étranger. Ils visaient à faire connaître nos artistes à l'étranger qu'ils soient de langue française ou anglaise et à faciliter les tournées à l'étranger. Comment ce dossier peut-il se retrouver chez vous?

M. Fraser : C'est comparable aux plaintes que nous avons reçues quand on a éliminé le Programme de contestation judiciaire. Il y a eu aussi d'autres compressions budgétaires pour lesquelles nous avons enquêté. C'était dans le contexte de la partie VII de la loi. Donc la question qui se pose : est-ce que le gouvernement a tenu compte des besoins des communautés minoritaires en faisant cette compression budgétaire? Je ne peux pas dévoiler si c'est le cas ou pas, car c'est sous enquête, mais la pertinence de l'enquête découle de cette question. Est-ce que le gouvernement, en prenant cette décision, a tenu compte des besoins des communautés minoritaires?

Le sénateur Champagne : En ce qui concerne la question de la langue, on n'a pas dit qu'on était pour enlever ce programme pour éviter que les francophones aillent à l'étranger. À mon humble avis, cela n'a rien à voir avec la question linguistique.

M. Fraser : Ce qui est présentement sous enquête est de savoir si le gouvernement a tenu compte des besoins des communautés linguistiques minoritaires en prenant cette décision. Nous sommes arrivés à la conclusion, dans le Programme de contestation judiciaire et des autres cultures, que, sauf pour une exception en particulier, on n'a pas vu de preuves que le gouvernement a tenu compte des besoins de la communauté.

Si je tente de faire une comparaison, dans certaines juridictions, il y a une obligation de faire une évaluation environnementale avant toute décision concernant l'infrastructure. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut plus jamais faire un investissement dans un programme d'infrastructures, mais avant que cela soit fait, il faut qu'il y ait une évaluation d'impact.

Maintenant, selon la loi qui a été amendée, il faut en effet que l'évaluation d'impact soit faite avant qu'une décision soit prise. Vous pensez qu'il n'y a pas eu d'impact? Nous, on est en train de faire enquête pour voir s'il y a eu un impact, et non seulement s'il y a eu un impact, mais est-ce que l'évaluation d'impact a été faite?

Le sénateur Champagne : Je reviendrai parce que je veux revenir sur la Feuille de route. Ma question n'était qu'une question complémentaire à celle du sénateur Losier-Cool.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie. Monsieur le commissaire, cela me fait extrêmement plaisir de vous rencontrer. Je suis un nouveau membre de ce comité — j'ai assisté à ma première réunion la semaine dernière. Je suis sensible surtout aux soins de santé qui sont donnés aux personnes en minorité linguistique, comme les francophones dans la région de Toronto... Vous avez sûrement entendu parler de cette réalité. Comme on le sait, l'application des soins de santé relève des gouvernements provinciaux. Comment le gouvernement fédéral peut-il obliger les gouvernements provinciaux à faciliter l'accès aux soins de santé dans leur langue aux personnes en minorité linguistique? On a vu dans un article comment cette situation était terrible et cela m'a énormément touchée.

M. Fraser : Une des choses importantes qui ont d'abord fait partie du Plan d'action pour ensuite être renouvelées dans la Feuille de route était le réseau de santé. Je pense que des progrès ont été faits.

Vous parlez de l'Ontario. La Loi sur les services en français en Ontario apporte des obligations assez considérables pour les régies de la santé. Mon collègue François Boileau, qui a travaillé ici au commissariat pendant un certain temps, est maintenant le commissaire aux services en français en Ontario. Il tient, tout comme moi, un rôle d'ombudsman : il reçoit des plaintes, fait des enquêtes ainsi qu'un travail de sensibilisation auprès des institutions qui, souvent, ne sont pas conscientes de leurs responsabilités.

Je pense qu'on peut voir, dans le réseau de santé, qu'il y a eu des investissements considérables dans la formation en santé, en français, dans les hôpitaux. Des programmes ont fait en sorte que des infirmières au Nouveau-Brunswick ont pu recevoir une formation particulière en français. Également, grâce à ces fonds du gouvernement fédéral, le Québec a lancé un programme de formation conçu par l'Université McGill offert aux employés du ministère de la Santé afin qu'ils puissent offrir des services en anglais à la minorité anglophone.

Il y a quand même certaines limites à ce qu'on peut réussir avec ce genre de formation. J'ai demandé à une personne faisant partie de l'Association des Townshippers, à Granby, sa perception de l'efficacité du programme. Elle m'a dit que c'était très valable pour des soins primaires. Quand un jeune de 14 ans tombe de sa bicyclette et se casse un bras, cela veut dire qu'il y a une infirmière dans un CLSC qui est capable de lui donner un service en anglais. Mais elle a rajouté que c'est différent lorsqu'il s'agit d'un fermier d'un certain âge souffrant des symptômes précoces de la maladie d'Alzheimer, que ce genre de thérapie ou d'appui exige une maîtrise de la langue beaucoup plus avancée. Donc, le fait que le programme soit considéré comme une réussite ne répond pas nécessairement les besoins d'une population vieillissante, où il y a des besoins particuliers. Il y a toujours des défis, il y a toujours des choses à faire, mais on peut voir qu'il y a eu quand même du progrès.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Mais de mémoire — j'espère que je ne me trompe pas —, il y avait 37 places en soins prolongés dans la région de Toronto pour des soins qui pouvaient être donnés en français. Ce n'est pas normal : il y a plus de francophones que cela dans la région de Toronto. Le besoin de places est beaucoup plus grand.

M. Fraser : Tout à fait. Et je pense que cela souligne l'importance, pour le gouvernement fédéral, d'appuyer le réseau de santé et de sensibiliser le gouvernement provincial à cette réalité. Mais comme vous le dites, la responsabilité directe de la gestion reste une responsabilité provinciale, et l'interprétation qu'on a tendance à donner au transfert des fonds du gouvernement fédéral aux provinces, c'est qu'on n'exige pas de comptes rendus de l'utilisation des fonds. C'est une bataille qui a été établie depuis assez longtemps. Mais je pense qu'il y a quand même des façons informelles de souligner l'importance de la question aux instances provinciales.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Dans les engagements financiers inscrits sur la Feuille de route, je vois que Patrimoine canadien appuie l'enseignement dans la langue de la minorité, appuie ensuite l'enseignement dans la langue seconde, et le troisième bénéficiaire, c'est Santé Canada pour la formation et l'accès aux services de santé. Les fonds sont quand même assez importants.

M. Fraser : C'est ce que j'appelle le réseau de santé. Madame Tremblay, désirez-vous développer sur le sujet?

Johanne Tremblay, commissaire adjointe intérimaire, Direction générale des politiques et des communications, Commissariat aux langues officielles : Effectivement, il y a quand même un financement important du fédéral au niveau de la santé, mais le défi est énorme parce que c'est la formation du personnel en santé et les besoins qui changent de plus en plus, aussi. Cela prend effectivement l'appui du fédéral auprès des provinces, mais aussi un engagement des provinces elles-mêmes d'injecter du financement à ce niveau, au niveau des services offerts aux francophones, ou des anglophones du Québec qui vivent en situation minoritaire.

La présidente : Je me permets une question supplémentaire aux questions du sénateur Tardif à l'égard de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Monsieur le commissaire, il semble évident que les institutions ont de la difficulté à saisir le concept des mesures positives. Ce n'est pas clair. La meilleure façon d'assurer une approche stratégique globale serait-elle d'instaurer une réglementation à l'égard de la partie VII? Est-ce que la partie VII de la Loi sur les langues officielles nécessite vraiment une réglementation afin de définir ces « mesures positives «?

M. Fraser : Il y a déjà des directives, des rapports que les institutions sont obligées de faire à Patrimoine canadien. J'avoue qu'au début du processus j'étais un peu réticent à valoriser la voie de la réglementation. En partie parce que je voyais les avantages de ne pas avoir de réglementation. Cela ouvre la porte à l'innovation, à la collaboration. La réglementation, presque par définition, contraint. Et cela limite. Les deux exemples que je choisis souvent pour encourager les ministères à prendre des « mesures positives «, ce sont des actions très différentes. Il y avait quelqu'un qui travaillait pour Parcs Canada à Jasper qui a approché une personne de la communauté francophone de Jasper en lui proposant des locaux gratuitement en échange d'organisation de classes de conversation en français pour les employés. Ce n'est pas le genre d'innovations qu'on puisse imaginer comme une directive du sous-ministre. C'est quelque chose qui a été élaboré parce que quelqu'un a pris l'initiative d'aller voir des gens de la communauté. Ça prenait un contact. Donc, les meilleurs exemples de « mesures positives « se retrouvent là où des gens prennent l'initiative de créer un contact, de formuler quelque chose en fonction des besoins et relations avec la communauté. C'est ce que j'ai trouvé intéressant de la décision Desrochers. Cela dit explicitement que le gouvernement fédéral a l'obligation de livrer des services en fonction des besoins de la communauté et cela peut vouloir dire des programmes très distincts en fonction des besoins particuliers de la communauté. C'est ce qui me semble difficile à rédiger dans un règlement. Toutefois, nous en sommes à la première étape et souvent, et les premières étapes sont frustrantes. Souvent, les rapports des ministères à Patrimoine canadien sur la partie VII se limitent à l'organisation d'un comité, à un message à tous les employés. Cela demeure très centré sur le processus et pas encore très centré sur un produit. Il faudrait peut-être visiter une deuxième fois la question de la réglementation. Pour l'instant, j'espère qu'il y aura plus d'innovations possibles qu'avec une approche réglementaire.

La présidente : Pour l'instant, vous favorisez donc une approche d'esprit d'initiative. Advenant le cas où cela ne fonctionne pas suffisamment bien ou pas assez vite, peut-être faudrait-il ensuite envisager une réglementation?

M. Fraser : Oui. Actuellement, on a l'enquête que j'ai mentionnée sur la culture. C'est une façon de rappeler au gouvernement qu'il a une obligation légale d'évaluer ces gestes en fonction des besoins des communautés minoritaires.

Le sénateur Comeau : Monsieur Fraser, je vous demande de m'excuser pour mon retard. La question de la récente décision de la Cour suprême a-t-elle déjà été soulevée.

M. Fraser : J'ai mentionné la décision Desrochers, mais je vais demander à Mme Giguère de vous en parler plus en détail.

Le sénateur Comeau : Surtout les implications pour les communautés en situation minoritaire, les avantages et les approches que nous pourrions suggérer aux communautés afin qu'elles puissent tirer avantage de la décision.

M. Fraser : J'ai fait une référence de profane. Maître Giguère va vous expliquer davantage les implications.

Pascale Giguère, directrice par intérim aux Affaires jurisdiques, Commissariat aux langues officielles : Madame la présidente, plusieurs choses peuvent être dites à propos de l'importance de cette décision. Je crois véritablement, du point de vue d'un juriste, que c'est un tournant effectivement pour nous maintenant. On se doit de mentionner un point majeur. La Cour suprême a dit que ce qui compte en matière de prestation de services gouvernementaux, c'est d'avoir accès à des services de qualité égale.

Donc, peu importe la façon dont le gouvernement doit s'y prendre pour en arriver là, chaque individu peut s'attendre à avoir un service de qualité égale. Ici, la communauté en question était de la région de Penetanguishene, mais cela aurait pu être n'importe quelle communauté de langue officielle vivant en situation minoritaire. D'habitude, les institutions fédérales rendent un service pour répondre à un certain besoin de la communauté, peu importe la nature du service. Il y a une gamme de services qui varie tant dans la nature que dans l'objectif du service. Mais chaque fois qu'un service est rendu, on doit évaluer la nécessité de tenir compte des besoins de chaque communauté visée par le service, tant la communauté majoritaire que la communauté minoritaire et c'est souvent la communauté minoritaire qu'on oublie quand elle est petite.

Dans le cas en question, la Cour suprême a souligné le fait que le gouvernement est allé s'informer sur les besoins de la communauté majoritaire. Il s'agissait d'un service de développement économique communautaire et on s'est efforcé de rendre un service qui répondait aux besoins de la majorité de la région de la Huronie, de Penetanguishene. On devait en faire de même pour la communauté minoritaire. On devait rendre un service qui répondrait également aux besoins de la communauté minoritaire en termes de développement économique communautaire. Peu importe la nature du service, son l'objectif, la décision est beaucoup plus large et donne un message au gouvernement que chaque fois qu'il offre un service à la population canadienne, s'il vise les deux communautés de langues officielles, le résultat doit être égal pour les deux communautés. À l'occasion, lorsque nécessaire, il peut y avoir un service qui a un contenu distinct si c'est ce que cela prend pour en arriver à une égalité linguistique sur le plan de la prestation du service.

Le sénateur Comeau : Alors, si les pêcheurs ne sont pas satisfaits du service qu'ils obtiennent de la part du ministère de Pêches et Océans, ils peuvent maintenant demander, suite à la décision de la Cour suprême, des services de qualité égale.

Mme Giguère : La Cour suprême a indiqué qu'il s'agit d'une analyse comparative. On regarde ce qui est offert à la majorité, et la minorité a le droit de s'attendre à des services de qualité égale. Si les services sont mauvais...

Dans la mesure où les institutions fédérales offrent des services, les deux communautés, soit la majorité ou la minorité, ont le droit de s'attendre à une prestation de services de qualité égale. Il ne s'agit pas seulement d'avoir accès à des services dans sa langue. Il s'agit également de services à qualité égale dans son contenu.

Le sénateur Comeau : Revenons à l'exemple d'un pêcheur de l'île Madame, qui se présente à un guichet du ministère des Pêches et des Océans et exige d'être servi en français. On lui répond de revenir demain alors qu'un fonctionnaire francophone sera sur les lieux. Est-ce ce dont on parle ici? On doit attendre au lendemain pour obtenir des services? J'essaie de mettre cette décision dans un cadre pratique.

Mme Giguère : De façon pratique, prenons l'exemple d'un anglophone qui demande à recevoir le même service. Devrait-il revenir le lendemain pour recevoir le service dans sa langue? Si la réponse à cette question est non, un membre de la communauté minoritaire ne devrait pas non plus avoir à revenir le lendemain.

Le sénateur Comeau : Cela met les choses en perspective. J'aimerais vous féliciter, monsieur le commissaire, et votre équipe, pour le travail que vous avez accompli. C'est très apprécié.

M. Fraser : J'aimerais féliciter Me Giguère qui était notre avocate devant la Cour suprême. C'est sa victoire.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le sénateur Murray : Je conviens avec le commissaire qu'il est préférable de ne pas définir la partie VII dans les règlements parce que ces derniers risquent d'en limiter la portée. Je note toutefois que peu de temps avant que les tribunaux rendent un jugement à cet égard, le gouvernement a décidé de régler la question à l'amiable. Par conséquent, la définition que l'on pourrait donner des « mesures positives » semble en suspens pour le moment.

Que pensez-vous de ce règlement à l'amiable intervenu entre le gouvernement et la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada? Est-il préférable de s'en remettre à des règlements ou d'attendre plutôt qu'une autre cause soit portée devant les tribunaux et que ces derniers tranchent la question?

M. Fraser : À mon avis, le règlement à l'amiable a été positif. Ce genre d'entente, quel que soit le litige en cause, est toujours risqué. Or, en l'occurrence, je crois savoir que le gouvernement s'est engagé à mettre sur pied un programme de protection des droits linguistiques, ce qui était le but de l'action en justice. Le nouveau programme proposé disposerait d'un budget trois ou quatre fois plus élevé que le précédent Programme de contestations judiciaires en matière de droits linguistiques. J'estime donc que ce règlement a été positif.

Je ne peux pas vous donner d'évaluation finale du programme, car il n'existe pas encore, mais les négociations sont en cours.

En ce qui concerne la détermination de la portée de la partie VII par les tribunaux, nous devrons effectivement avoir un rendez-vous avec la justice à ce sujet. La Loi sur les langues officielles s'applique depuis 40 ans et la Charte depuis 26 ans; pendant tout ce temps, la nature des droits linguistiques a été définie par un échange continuel entre la population, le Parlement et les tribunaux canadiens.

Lorsque la Charte a été adoptée en 1982, elle semblait simple et claire. Elle a été rédigée et promulguée. Pourtant, au cours des années qui ont suivi, on a constaté que l'article 23 définissait non seulement le droit d'envoyer ses enfants dans une école de langue minoritaire, mais aussi le droit d'avoir des commissions scolaires, le droit de disposer d'une école à proximité ainsi que le droit d'envoyer ses enfants dans une école d'immersion et dans quelles circonstances. Chaque fois qu'on définit un droit, qu'on modifie la législation, on soulève immanquablement des questions quant à la définition de ce que ce droit signifie, et c'est bien souvent une cible mouvante.

La définition du droit d'être entendu en justice dans la langue de son choix a changé considérablement entre l'arrêt Société des Acadiens de 1989 et l'arrêt Beaulac de 1996. Les nouveaux tribunaux jettent une lumière nouvelle sur la définition des droits. Tous les éléments clés de la loi et de la Charte où il est question de droits linguistiques subissent immanquablement ce processus de réévaluation. La portée de la partie VII sera tôt ou tard définie par les tribunaux; mais actuellement, je ne sais ni quand ni comment.

Le sénateur Murray : Nous devrons disposer au bout d'un certain temps d'un ensemble de pratiques exemplaires qui auront valeur de précédent et qui établiront un principe que Mme Giguère pourra faire valoir en justice; j'ai précisément l'impression que c'est ce dont le gouvernement a peur et c'est pourquoi il semble rechigner à s'avancer aussi loin sur la question.

M. Fraser : Au départ, j'espérais que l'on pourrait définir la portée de la loi sur le terrain, avec comme précédents l'action des différents ministères et l'interprétation de la « prestation de services ». On ne peut pas donner de la partie VII une interprétation plus étroite que de la Partie IV. Il est possible de déplacer progressivement les jalons avant la date de ce rendez-vous avec la justice.

Le sénateur Murray : Je sais que le comité s'est déjà penché sur ce sujet, mais je pense qu'il est peut-être temps de convoquer ici les ministères, les ministres et les hauts fonctionnaires pour les interroger sur ce qu'ils ont fait ou n'ont pas fait concernant la partie VII.

Mme Tremblay : J'aimerais ajouter quelque chose concernant la façon dont le ministère du Patrimoine a appliqué les lignes directrices.

Le sénateur Murray : Qui?

Mme Tremblay : Le ministère du Patrimoine : il a mis en œuvre des lignes directrices applicables dans les institutions fédérales, où l'on définit les questions à considérer, par exemple, pour décider si un programme doit être révisé ou supprimé.

Ces lignes directrices précisent la portée de la législation et orientent les institutions fédérales dans leur prise de décision.

Le sénateur Murray : Merci. Je n'avais pas mis l'accent sur cet aspect des choses.

[Français]

La présidente : Le temps file et le commissaire doit nous quitter à 18 h 30 min. J'ai sur ma liste, pour le deuxième tour, quatre sénateurs qui ont demandé à poser des questions. Pour les questions supplémentaires, elles seront posées après les interventions de ces quatre sénateurs, si nous avons encore le temps.

Je vais maintenant passer la parole aux sénateurs Tardif, Goldstein, Champagne et Martin.

[Traduction]

Le sénateur Martin : Ma question concerne certains exemples que vous avez cités.

Premièrement, je suis très impressionné par la qualité de votre équipe, des consultations et des recommandations que vous avez formulées.

En ce qui concerne la volonté du gouvernement, connaissant James Moore et d'après ce que j'ai appris, je pense qu'en 2009, nous convenons tous du caractère essentiel de la dualité linguistique qui est au cœur même de notre identité. Nous savons aussi que les groupes communautaires et les partenaires sont nombreux. Ils sont très actifs, particulièrement dans la communauté francophone, qui est bien organisée.

Ma question porte sur les modèles de prestation de services, dont vous avez fait mention. Est-ce qu'il existe de bons modèles de prestation? Je suis convaincu que vous avez effectué une étude, mais les modèles de prestation ont-ils été examinés? Je ne siège que depuis peu à ce comité. Peut-être y a-t-il des choses qui ont bien fonctionné ailleurs?

En tant que professeur, je pense aux générations futures. Au cours de ma carrière, j'ai enseigné le français comme langue seconde et j'ai eu beaucoup de mal parce que le français était ma troisième langue. J'ai accueilli des moniteurs de français dans ma classe, et cela a fait toute la différence. La monitrice ne parlait que français, ce qui a permis de susciter la participation de mes élèves. J'aurais seulement aimé qu'elle reste avec nous plus longtemps.

Si on accroît les ressources en éducation, il est extrêmement important de former la prochaine génération de traducteurs, d'interprètes et de personnes compétentes. J'appuie sans réserve l'éducation de la génération actuelle et de la génération suivante.

M. Fraser : Je suis tout à fait d'accord. Je suis ravi d'apprendre que votre expérience du programme de moniteurs a été positive. Le seul problème de ce programme, c'est que sa portée est limitée. Elle devrait être grandement élargie.

Je crois que nous avons fait preuve de trop de timidité et de retenue dans certains domaines, notamment celui des moniteurs, des échanges entre professeurs ou entre élèves et des occasions données aux élèves de vivre une nouvelle expérience et d'étudier dans une autre langue.

Vous avez parlé des pratiques exemplaires. En ce qui concerne l'éducation postsecondaire, nous effectuons une étude en collaboration avec l'Association des universités et collèges du Canada, qui se veut un répertoire de ce qui se fait à l'heure actuelle. Nous espérons pouvoir enrichir ce répertoire.

J'ai été surpris de découvrir, en me fondant sur les travaux accomplis à ce jour, que bien des efforts sont en cours dans les différentes universités, mais qu'on connaît très peu ces programmes. J'ai aussi été étonné de constater le nombre limité d'échanges offerts dans les universités au pays. Bien des échanges se font avec des pays étrangers. Nombre de placements et d'années d'études ont lieu outre-mer. Il est malheureux qu'on ne fasse pas plus pour faciliter le processus, afin que tous ceux qui veulent passer un trimestre ou une année universitaire à l'étranger et faire reconnaître les crédits pour ces études par leur établissement d'attache, qui leur conférera un diplôme, puissent le faire.

Quant à la prestation de services, nous tentons de donner des exemples de succès dans notre rapport annuel. Toutefois, j'aimerais voir des améliorations en ce qui concerne l'établissement de pratiques exemplaires touchant d'autres aspects de la politique. À ce sujet, nous avons lancé un examen des pratiques exemplaires pour les responsables en ce qui a trait à la langue de travail dans la fonction publique.

Nous pouvons voir où cela fonctionne. Nous disposons de toutes sortes d'exemples qui nous montrent où cela ne fonctionne pas. Il y a toutes sortes de bons exemples que nous ne connaissons pas, mais nous allons tenter de les répertorier afin que les gens sachent ce que nous tentons de faire pour en arriver à un milieu de travail où les deux langues sont utilisées et respectées.

[Français]

Le sénateur Goldstein : Madame la présidente, je suis exactement dans la même situation que le sénateur Martin. Je dois également participer à un autre comité.

La présidente : Monsieur le commissaire, pouvez-vous rester avec nous dix minutes supplémentaires?

M. Fraser : Oui.

La présidente : Sénateur Tardif, est-ce que je peux vous demander de laisser la parole au sénateur Goldstein?

Le sénateur Goldstein : Je vous remercie, madame la présidente. Il y a un bout de phrase qui me gêne un peu dans votre rapport écrit. Vous parlez de renouvellement de la fonction publique et de changement d'agence. Ce bout de phrase me gêne — je cite textuellement : « On ne connaît pas encore la place que tiendra, à l'avenir, le dossier des langues officielles dans cette organisation ». J'ose espérer que les changements qui sont en train de se faire ne sont pas faits à votre insu, qu'il y a des consultations entre vous et les autorités appropriées du gouvernement. Le cas échéant, je voudrais bien le savoir.

M. Fraser : J'avoue que dans ce changement en particulier, on a entendu toute sorte de rumeurs sur le fait que l'Agence de la fonction publique serait transformée. Mais on n'a pas eu de consultations sur l'impact. Ce changement a des éléments positifs et négatifs. Il est tout à fait possible que le positif soit plus fort que le négatif, dans le sens que d'un côté, tout changement bureaucratique, tout changement de structure a tendance à bouleverser la structure. Les gens ne sont pas habitués de travailler dans une nouvelle structure; le changement en soi peut être déstabilisant. Donc, il y a du négatif. Mais le côté positif c'est que le Conseil du Trésor est une agence centrale. Et que cette responsabilité soit transférée et revienne à l'agence centrale, cela peut être plus valorisant pour la question des langues officielles.

Mais pour revenir un peu à votre souci de consultation, moi je ne travaille pas pour le gouvernement directement. Mon rôle est de surveiller les résultats. Oui, dans notre rôle d'ombudsman, on essaie de donner des conseils au gouvernement, d'essayer d'aider les ministères à changer leurs comportements, mais je ne suis pas un conseiller du premier ministre ni du greffier sur leur approche. Je garde mon indépendance d'agent du Parlement afin de pouvoir faire une analyse des résultats et, ensuite, de faire rapport de ma perception des résultats au Sénat ainsi qu'à la Chambre des communes.

Le sénateur Goldstein : Ma question est axée plutôt sur autre chose. Une fois les changements effectués, vous allez vous trouver devant un fait accompli. Et je me demande si des consultations sont menées actuellement ou sont prévues pour s'assurer que des changements négatifs ne viendront pas affecter la nature et l'étendue de votre travail.

M. Fraser : Je puis vous assurer que nous allons essayer de suivre de près ces changements pour faire en sorte que ce ne soit pas le cas.

Le sénateur Tardif : Monsieur le commissaire, vous avez recommandé en 2008 la création d'un comité spécial composé de ministres afin de veiller à la mise en œuvre de la Feuille de route et aussi pour revoir le rôle du secrétariat des langues officielles. A-t-on agi sur cette recommandation?

M. Fraser : Pas que je sache.

Le sénateur Tardif : Quel a été le contexte qui vous a amené à faire cette recommandation?

M. Fraser : Par le passé, il existait un comité de sous-ministres chargé des langues officielles. Par la suite, cette responsabilité est devenue celle d'un comité de sous-ministres adjoints — à la même époque, les responsabilités du secrétariat du Conseil privé ont été renvoyées à Patrimoine canadien.

Mon analyse, qui peut-être un peu primitive du fonctionnement du gouvernement, est la suivante : quand une chose descend d'un cran, elle perd un peu de poids. Ma recommandation a donc été de remonter les choses d'un échelon afin de souligner l'importance de la question. À ce que je sache, cette recommandation n'a pas encore été suivie.

Le sénateur Tardif : Dans votre esprit, cela assurerait une meilleure coordination horizontale à travers les ministères et donnerait davantage de poids et de légitimité au dossier des langues officielles?

M. Fraser : Je continue de penser que ce serait le cas. On a consacré tout un chapitre à ce sujet dans le rapport annuel de 2008. Ce chapitre se basait sur l'étude approfondie et très nuancée du professeur Donald Savoie, qui a parlé d'horizontalité. Je persiste à dire que lorsqu'une responsabilité est localisée dans une agence centrale comme le Conseil privé, elle comporte un poids additionnel.

Le sénateur Champagne : Je crois que tous et chacun étions bien impatients qu'il se produise quelque chose à la fin du Plan d'action. Au mois de juin, on a eu la Feuille de route, mais avec bien peu de détails, je crois qu'il n'était même pas possible d'avoir un bout de papier qui nous disait vraiment où on s'en allait.

Des élections se sont déclenchées, de nouveaux ministres sont arrivés, puis il y a eu prorogation. On ne fait donc que commencer à recevoir un peu de détails. Les programmes précis manquent encore. J'espère qu'on les aura au cours des prochaines semaines.

M. Fraser : Moi aussi.

Le sénateur Champagne : Pourtant, on a bien les cinq points : la santé, la justice, l'immigration, le développement économique, les arts et la culture. Le projet est très bien structuré. Un des points qui me fascine est le suivant. Quand on parle de bilinguisme, qu'il s'agisse d'interprétation ou de traduction, on parle aussi des organismes qui font du recrutement à l'étranger. En parlant des Jeux olympiques, on disait justement qu'il manquait d'effectifs. Serait-il bon que des sommes précises existent pour permettre, dans des cas comme celui des Jeux olympiques, d'aller piger ailleurs si on a vraiment besoin d'aide? Loin de moi l'idée de mettre nos traducteurs et traductrices de côté, au contraire. Je me demande simplement s'ils suffisent à faire tout le travail.

M. Fraser : À ma connaissance, certains contrats de traduction pour les Jeux olympiques ont été accordés à des compagnies à l'étranger. Je ne connais pas les détails de ces contrats.

On a une pénurie de personnel qualifié. Dans mes remarques liminaires, je parlais d'inquiétudes compte tenu du contexte économique. À mon avis, les périodes difficiles représentent aussi des opportunités. Dans une situation difficile comme celle qu'on vit actuellement, certaines personnes décideront de demeurer plus longtemps aux études. Également, toute une génération quittera la fonction publique. Malgré la situation économique, le gouvernement continuera d'embaucher 4 000 personnes par année, ce chiffre pourrait s'élever à 15 000 en incluant les postes temporaires. Dans ce contexte, il est très important qu'on investisse dans la formation linguistique en traduction au niveau postsecondaire.

Il y a pénurie de traducteurs et d'interprètes. Cela devrait intéresser ceux et celles qui réfléchissent à leur carrière. En ce sens, il est très important que le gouvernement mette en valeur ces carrières et la maîtrise des deux langues officielles comme une composante essentielle de leadership dans la fonction publique. Il doit crier ce message haut et fort aux écoles primaires, secondaires et au niveau universitaire.

Le sénateur Champagne : On a justement mentionné que l'école de la fonction publique devrait partager ses connaissances et ses produits d'apprentissage avec nos universités qui, de toute évidence, réussissent très bien en la matière.

M. Fraser : Le programme Termium est déjà disponible.

Le sénateur Champagne : Toutefois, il n'est pas encore gratuit. D'ailleurs, on me demandait dernièrement d'envoyer un chèque. Je l'utilise depuis très longtemps. J'ai hâte d'avoir des précisions sur le programme de traduction de livres canadiens dans l'autre langue. Ce service va aider nos jeunes éditeurs — nous sommes encore dans le monde de la culture — et également nos auteurs à faire traduire leurs ouvrages une fois terminés.

Enfin, j'aimerais vous remercier de nous avoir si bien renseignés.

Le sénateur Comeau : Vous avez indiqué plus tôt que, selon votre expérience, un comité formé de sous-ministres était bien supérieur à un comité de sous-ministres adjoints.

M. Fraser : En effet.

Le sénateur Comeau : Cela va tout à fait à l'encontre de ce que mon expérience de l'appareil gouvernemental m'a appris. J'ai eu à transiger surtout avec le ministère adjoint. En d'autres mots, le spécialiste est la personne qui connaissait tout le monde dans le département et le sous-ministre était très souvent le visiteur, la personne qui sautait d'un ministère à l'autre.

Mon expérience — peut-être que je me trompe — est que la personne qu'on aimerait voir faire partie de ce groupe serait plus un sous-ministre adjoint, en tant que personne clé qui serait en charge du département, plutôt qu'un sous- ministre. Est-ce que je me trompe?

M. Fraser : Je ne sais pas, c'est un point de vue intéressant, je vais réfléchir à cela. Je ne veux pas vous contredire parce que mon expérience d'observateur de la fonction publique est plutôt récente. Cela dépend de l'individu, du ministère. Cependant, j'ai constaté une chose, il ne faut pas oublier les ministres non plus.

Le sénateur Comeau : Ce sont des visiteurs aussi.

M. Fraser : Mais souvent des visiteurs qui peuvent amener un changement réel. Je pense aux Travaux publics. Il y a quelques années, nos évaluations sur ce ministère en matière de qualité de services, de performance étaient pauvres. Puis quand le ministre Michael Fortier est arrivé, il a été choqué de cette performance. Il a insisté pour qu'il y ait des changements. L'année suivante, la performance a été moyenne, mais l'autre qui a suivi a été qualifiée de bonne.

C'est très anecdotique, mais j'ai remarqué que quand un ministre arrive, qu'il regarde la situation et dit : j'aimerais que cela soit fait, quand il revient la semaine d'après pour voir comment se fait le suivi, tout à coup il y a des changements. Il n'y a rien comme la nomination d'un ministre francophone dans un ministère qui demande que ses notes de synthèse se fassent en français pour que toutes sortes de changements se fassent dans la production d'informations au sein d'un ministère. C'est vrai que souvent, dans certains domaines, le sous-ministre adjoint ou même le directeur dans un domaine spécialisé peut être celui qui mène un dossier. Cependant, pour vraiment amener un changement de comportement dans une institution, plus haut vient la source, plus important est le changement, mais je ne nie pas du tout l'importance des sous-ministres adjoints ni celle des directeurs dans des domaines particuliers.

Souvent, un ministre ou un sous-ministre passif, qui n'impose pas de demandes dans son organisation, celle-ci continuera de faire sont petit bonhomme de chemin comme si de rien n'était. Pour ce qui est de vraiment faire des changements, j'ai pu remarquer la différence qu'un sous-ministre ou un ministre peut faire.

La présidente : Monsieur le commissaire, je vous remercie infiniment, et je remercie également votre équipe d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui. Merci de votre disponibilité et votre grande générosité. Le temps passe trop vite et il nous semble toujours manquer de temps pour couvrir toutes les questions que nous aimerions vous poser. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie.

Honorables sénateurs, je vais maintenant procéder à la levée de la séance publique. Nous reprendrons la séance à huis clos après une courte pause pour discuter des travaux futurs du comité.

La séance est levée.


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