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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 9 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 1 pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput, du Manitoba, et je préside le comité. Pour commencer, j'aimerais vous présenter les membres du comité qui sont présents aujourd'hui. À ma gauche se trouvent le sénateur Comeau, le sénateur Champagne et le sénateur Fortin-Duplessis. À ma droite se trouvent le sénateur Jaffer, le sénateur Losier- Cool et le sénateur Goldstein.

Nous étudions aujourd'hui la santé dans la langue de la minorité francophone. Nous accueillons Mme Claudine Côté, directrice générale de la Société Santé en français et M. Paul-André Baril, responsable des relations gouvernementales.

Nous accueillons également Mme Jocelyne Lalonde, directrice générale du Consortium national de formation en santé et le directeur général de la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada, M. Jean-Luc Racine.

Nous vous souhaitons la bienvenue à ce comité.

Nous avons distribué que les documents de présentation qui nous ont été remis dans les deux langues officielles. C'est la politique des comités sénatoriaux de ne distribuer que les documents qui sont dans les deux langues officielles. Lorsque nous recevons des documents qui ne sont qu'en français ou en anglais et que nous n'avons pas eu le temps d'en faire la traduction, nous le faisons après le comité et ces documents sont envoyés à vos bureaux.

Chers témoins, le comité vous remercie d'avoir accepté son invitation à comparaître aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole. J'aimerais vous rappeler que vous ne disposez que de cinq à sept minutes par présentation afin de permettre aux sénateurs de poser leurs questions.

[Traduction]

Le sénateur Jaffer : Permettez-moi de vous dire avec beaucoup de respect que la question linguistique se limiterait probablement seulement à moi. Dans d'autres comités, nous distribuons les documents tel que vous l'avez indiqué. Toutefois, je n'ai aucune objection si les autres membres souhaitent obtenir dès maintenant ces documents. Je comprends ce que vous faites, mais si cela peut aider les autres membres, je n'ai aucun problème.

[Français]

Le sénateur Comeau : Je crois que nous devrions garder notre politique en vigueur, cela pourrait avoir un impact des deux côtés.

La présidente : J'en conviens. Je vous rappelle donc que vous disposez de cinq à sept minutes par présentation afin de permettre aux sénateurs de poser leurs questions.

Vous avez déjà déterminé l'ordre des présentations. Nous commencerons avec la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada représentée par M. Jean-Luc Racine. Sans plus tarder, nous vous cédons la parole.

Jean-Luc Racine, directeur général, Fédération des aînées et aînés francophones du Canada : Madame la présidente, honorables sénateurs, au nom de la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada et au nom de notre président, M. Roger Doiron, qui ne pouvait être présent aujourd'hui, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à prendre la parole.

La fédération est un organisme sans but lucratif qui compte près de 285 000 membres au Canada et au moins une association provinciale d'aînés francophones dans chacune des provinces et territoires, sauf à Terre-Neuve et dans les trois territoires où les aînés sont représentés par les organismes porte-parole francophones.

Avec 11 de nos 12 membres associatifs qui oeuvrent à l'extérieur du Québec, vous aurez compris que notre organisme représente d'abord les aînés francophones vivant en milieu minoritaire. Notre fédération compte en fait 23 000 aînés membres vivant en milieu minoritaire et nous représentons près de 350 000 francophones de 50 ans et plus qui habitent à l'extérieur du Québec.

Nous avons étudié attentivement l'article paru récemment dans les médias francophones au pays concernant le cas de Mme Lavoie de Toronto, dont la mère souffre de la maladie d'Alzheimer et qui a beaucoup de difficulté à obtenir des services résidentiels de soins en français. Imaginez toute la frustration que Mme Lavoie vit à Toronto. Sa mère souffre de la maladie d'Alzheimer et celle-ci ne comprend à peu près plus l'anglais. Or, il n'existe que 37 places en soins de longue durée dans la ville reine où des services sont offerts dans les deux langues officielles. Le nombre de lits est déjà insuffisant, la frustration est d'autant plus grande lorsqu'on apprend que seulement 15 p. 100 de ces lits sont occupés par des patients qui sont francophones, alors qu'il ne reste plus de place. Mme Lavoie a été obligée de placer sa mère dans une résidence de Welland et elle doit faire quatre heures de voiture pour lui rendre visite.

Une telle situation n'est malheureusement pas une exception, bien au contraire. Notre président, M. Roger Doiron, et moi-même venons tout juste de terminer une tournée nationale où nous avons rencontré des groupes d'aînés dans toutes les provinces et territoires canadiens. Le manque de services en français dans les résidences pour aînés est criant partout au pays.

Les aînés nous ont d'abord dit que les services en français dans les résidences de soins pour personnes âgées sont souvent inexistants. Lorsque des services en français sont disponibles, il est très difficile d'y accéder, car le critère de la langue est souvent un critère parmi tant d'autres.

Nous avons rencontré, lors de notre passage dans les provinces, quelques jeunes retraités qui nous ont fait part de leur expérience parfois traumatisante en ce qui a trait au placement de leurs parents plus âgés. Plusieurs n'en reviennent tout simplement pas à quel point on force nos aînés francophones, qui ont souvent la chance de vivre en français dans leur communauté, à tout simplement mourir en anglais. D'ailleurs, c'est ce qui a amené certains d'entre eux à s'impliquer davantage auprès des aînés et de militer pour la cause francophone.

Je vous donne un autre exemple. Les aînés de Summerside, qu'on a rencontrés à l'Île-du-Prince-Édouard, nous ont dit qu'une résidence de soins pour aînés allait se bâtir prochainement. Toutefois, ils ont beaucoup de difficulté à faire valoir auprès des autorités de cette résidence l'importance d'offrir des services en français.

Les aînés autonomes que nous avons également rencontrés au cours de notre tournée sont très inquiets. Je vous cite les paroles d'une dame de la Saskatchewan qui nous a exprimé sa peine de voir dans les petites communautés francophones des aînés qui, une fois malades, doivent s'expatrier et emménager dans des résidences à des centaines de kilomètres de chez eux où aucun service en français n'est offert.

On perd alors leurs traces et on n'entend plus parler d'eux pendant des mois. Souvent, les nouvelles que nous avons d'eux, c'est par la rubrique nécrologie dans les journaux. Je trouve regrettable, dit-elle, qu'on puisse faire cela à nos aînés.

Quand vous êtes dans les dernières années de votre vie, dans les moments où vous êtes le plus vulnérable, où vous avez besoin de tout le réconfort possible, nous croyons qu'il serait approprié d'avoir droit à des services en français et de mourir en français. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de leadership en mettant en place des mesures qui encouragent davantage les provinces et le milieu résidentiel de soins à offrir plus de services en français. Nous sommes conscients que c'est là un grand défi. Ces résidences, vous le savez très bien, sont souvent confrontées à des pressions intenses du milieu institutionnel où on se doit de placer le plus rapidement possible les aînés qui ne peuvent pas retourner chez eux et où les critères en termes de langue sont souvent négligés.

Le travail consiste finalement en trois points pour nous. D'abord, sensibiliser davantage les provinces et le milieu résidentiel de soins à l'importance de desservir adéquatement les aînés francophones. Deuxièmement, outiller davantage les aînés francophones afin qu'ils puissent être des ambassadeurs dans leur communauté pouvant intervenir auprès du milieu institutionnel et résidentiel pour faire valoir l'importance d'offrir des services dans les deux langues officielles. Troisièmement, nous devrions bénéficier de beaucoup plus de ressources pour effectuer des changements majeurs qui s'imposent dans le domaine de la prestation des services de santé en français. Nous croyons, à la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada, que les ressources investies en santé, surtout dans le cadre de la Feuille de route, sont nettement insuffisantes. Nous avons réussi en éducation au cours des dernières années parce que des ressources ont été investies. Il faut faire de même en santé si nous voulons vraiment répondre aux besoins de nos francophones dans nos communautés.

En guise de conclusion, j'aimerais vous remercier à nouveau du temps que vous nous accordez aujourd'hui et il me fera plaisir de répondre à vos questions.

La présidente : Merci Monsieur Racine. Nous passons maintenant à la présentation de Mme Jocelyne Lalonde.

Jocelyne Lalonde, directrice générale, Consortium national de formation en santé : Madame la présidente, au nom de nos coprésidents, M. Yvon Fontaine, recteur de l'Université de Moncton et de Mme Andrée Lortie, présidente de la Cité collégiale, je vous remercie d'avoir invité le Consortium national de formation en santé à témoigner devant le comité.

En quelques mots, je vous présenterai le CNFS, ce qu'il a accompli à ce jour, ce qu'il entrevoit pour les prochaines années et les effets que son secrétariat national et ses 11 institutions membres ont et auront sur l'amélioration des soins de santé en français. La période de questions nous permettra de vous informer davantage sur les enjeux et les opportunités liés à la disponibilité accrue des professionnels de la santé francophones et au renforcement de la recherche en santé.

Le Consortium national de formation en santé regroupe 11 institutions d'enseignement universitaire et collégial réparties dans l'ensemble du Canada. Les dix institutions originales, auxquelles s'est joint le Collège Acadie Île-du- Prince-Édouard pour les prochains cinq ans offrent des programmes d'étude en français dans différentes disciplines de la santé. L'objectif de cette alliance stratégique consiste à accroître la présence et l'apport des professionnels de la santé et de chercheurs francophones pour mieux répondre en français aux besoins de santé des communautés francophones en situation minoritaire. Le CNFS apporte ainsi une contribution majeure au mieux-être et au plein épanouissement de ces communautés. Son action contribue à la réalisation des objectifs fixés par Santé Canada dans le volet formation et maintien en poste des professionnels de la santé. C'est son programme sur les contributions pour les langues officielles en santé; ce faisant, ils contribuent à l'actualisation de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008- 2013 et à la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Globalement, les institutions membres du CNFS ont dépassé de façon importante les seuils d'inscription et de diplômés visés par l'investissement du trésor canadien durant les années 2003 à 2008. Le CNFS a généré 3180 nouvelles inscriptions obtenant ainsi un taux de réussite de 38 p. cent supérieur aux prévisions. Dans le cas de la diplomation, nous avons généré 1318 nouveaux diplômés et recueilli un taux de réussite de 27 p. cent supérieur aux prévisions. Pour atteindre ces importants seuils d'efficacité, les institutions membres du CNFS ont créé et lancé 35 nouveaux programmes postsecondaires en cinq ans.

L'embauche des diplômés CNFS qui desservent les communautés francophones en situation minoritaire et le retour des diplômés dans leur province d'origine constitue un enjeu névralgique pour le Consortium, les communautés et Santé Canada. Le CNFS a réalisé une étude pilote des placements de ses étudiants en 2005-2006. Cette analyse a révélé des taux élevés, c'est-à-dire que 86 p. cent des diplômés travaillent dans des établissements et organismes communautaires de santé qui desservent des communautés francophones et acadienne.

La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne identifie les personnes âgées francophones comme cible importante de l'intervention gouvernementale. Cette disposition est d'autant plus importante que, surtout dans les régions où les francophones sont fortement minoritaires, la proportion d'aînés francophones est plus élevée qu'elle ne l'est dans la population en général. Il est primordial que le système de santé transforme l'engagement dans la Feuille de route dans des structures et des ensembles de service de santé en français qui répondre réellement aux besoins de fin de vie des citoyens francophones.

Le Consortium national de formation en santé a pris les devants en créant un ensemble de programmes qui génère des professionnels dans diverses disciplines de la santé, y compris des préposés au service de soutien personnel, des intervenants en soin infirmier auxiliaire, des intervenants en soin palliatif, des médecins et des infirmières. Ces institutions membres ont également créé des programmes en technique en travail social en gérontologie, de science de réadaptation, de gérontologie et d'étude appliquée du vieillissement. Voici quelques exemples du lien entre l'accès à des services de santé en français et l'importance de la formation :

Ce ne sont que des exemples, au Manitoba, à Winnipeg, plusieurs diplômés d'aide en soin de santé et du programme de science infirmière du Collège universitaire de Saint-Boniface, travaillent au foyer Valade et au centre Taché, deux organismes pour les personnes âgées.

En Colombie-Britannique, le foyer Maillard, tout près de Vancouver, embauche les diplômés du programme de préposé aux services de soin de santé du Collège Éducacentre. En Nouvelle-Écosse, la formation d'un médecin au Nouveau-Brunswick a grandement contribué à la mise en place du centre de santé de Clare.

De plus, le CNFS regroupera très prochainement une quinzaine de chercheurs dans le but de développer un réseau de recherche pancanadien sur la problématique des soins de personnes âgées vivant en milieu minoritaire francophone au Canada pour nous permettre de mieux comprendre la situation et la complexité de tout cela.

Présentement, dans cette année de transition, phase I et II, le Consortium est en voie de finaliser ses propositions pour les cinq prochaines années. Nous nous attendons à avoir environ 3 500 nouvelles inscriptions et plus de 1 500 diplômés dans les cinq prochaines années. On peut également prévoir que plusieurs milliers de professionnels pourront recevoir de la formation continue pour les aider à garder leur qualité de service en français.

Le projet CNFS par le seul fait de son existence et du niveau de sa contribution à l'amélioration des soins de santé en français a sensibilisé plusieurs décideurs du milieu de la santé à la nécessité et au bien-fondé de la formation en santé en français. Plusieurs ministres et fonctionnaires des gouvernements provinciaux ont exprimé leur reconnaissance pour cette importante contribution du CNFS et de Santé Canada à leur capacité d'améliorer l'accès aux services de santé. Tous les gouvernements provinciaux ont appuyé la phase III et les projets de loi du CNFS pour les prochaines années.

Madame la présidente, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente : Merci Madame Lalonde. Je donne maintenant la parole à Mme Côté.

Claudine Côté, directrice générale, Société Santé en français : Madame la présidente, au nom de notre conseil d'administration et de notre président, le Dr Brian Conway, je vous remercie sincèrement de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.

Comme vous le savez, M. Hubert Gauthier a récemment quitté la direction de la Société Santé en français, mais il se joint à moi aujourd'hui pour vous remercier de l'opportunité de vous parler et de vous convier notre appréciation de l'appui que vous avez manifesté au mouvement Santé en français depuis plusieurs années.

Tout comme vous, nous avons été profondément touchés par la situation de cette famille de la région de Toronto à la recherche d'une place en foyer d'hébergement pouvant offrir à leur aïeul des services de santé et d'accompagnement en fin de vie dans sa langue, le français. Ce cas, aussi poignant soit-il, ne représente malheureusement pas une exception, tel que l'a mentionné M. Racine, mais plutôt une règle presque générale à laquelle se heurtent les aînés francophones.

Il faut aussi garder à l'esprit qu'une place dans un foyer offrant des services en français n'est qu'un des aspects auxquels nos aînés francophones sont confrontés en matière de santé. Les services de soins à domicile, les services de diagnostic, les suivis médicaux réguliers, les services de santé mentale, l'appui aux personnes aidantes, les services de promotion de la santé et de prévention des accidents sont tout autant d'exemples de lacunes dans l'offre de services en français aux francophones, et ce, de tous les âges.

Qu'on se le dise ouvertement, dans chacune de nos communautés, nos aînés sont dignes de notre attention parce qu'ils ont contribué à bâtir ces communautés. C'est aussi un groupe de la population qui, pour plusieurs raisons, est le moins confortable en anglais surtout en matière de santé. Il est donc important, à un moment de leur vie où ils sont les plus vulnérables, qu'ils aient accès à des services de santé dans leur langue.

Comme vous le savez, la Feuille de route pour la dualité linguistique a été annoncée en juin 2008. Le montant prévu pour le volet santé s'élève à 174 millions de dollars pour la période 2009-2013. En janvier 2009, Santé Canada nous a informé que des 174 millions alloués au volet santé, l'enveloppe réservée aux communautés francophones en situation minoritaire s'élèvera à 126 millions pour cette période de cinq ans, et ce, pour des actions dans les trois principaux domaines suivant : les réseaux, la formation et le maintien en poste, et les projets de service.

La première phase du financement a permis la création de 17 réseaux qui sont devenus, chacun dans leur région, province et territoire, la plaque tournante de la concertation pour améliorer l'accès à des services de santé en français. Les réseaux sont parvenus, chacun dans leur coin de pays, à regrouper les partenaires intéressés à œuvrer à l'amélioration des services de santé en français. De l'avis de tous, et pour reprendre les mots de M. Bernard Lord dans son rapport sur les langues officielles, les réseaux sont devenus des modèles de coopération et de partenariat réussissant à intéresser et à impliquer les autorités provinciales et territoriales dans des plans visant à améliorer les services de santé en français.

Nous en conviendrons, tout ce travail de formation et de réseautage ne rimera pas à grand-chose si, au bout du compte, les francophones n'ont pas accès à plus de services de santé dans leur langue. Nous devons répondre à cette question de l'accès aux services de santé en français.

La Société Santé en français est responsable du volet organisation de services pour les communautés francophones. Nous travaillons dans trois territoires et neuf provinces. Entre 2003 et 2008, la société a appuyé environ 90 initiatives à travers le pays, telle que la création de centres de santé communautaire en Alberta, au Manitoba et au Nouveau- Brunswick. Il a facilité la mise en place d'un service de téléoncologie dans le nord du Nouveau-Brunswick et a réalisé des ateliers pour les aînés en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick et en Ontario.

Madame la présidente, vous êtes consciente comme nous, que les besoins sont grands, mais que les ressources sont limitées. Toutefois, nous ne sommes pas venus ici pour nous plaindre. Soyez assurés que nous sommes déterminés, à la Société Santé en français ainsi que dans nos réseaux provinciaux et territoriaux et dans l'ensemble de nos partenaires sur le terrain, à faire le meilleur usage possible de ces ressources. Nous espérons être en mesure de commencer notre travail sans délai, une fois que les arrangements administratifs relatifs à la Feuille de route seront complètement définis, et nous verrons certes la mise en œuvre d'initiatives qui amélioreront les services de santé pour nos aînés.

Cependant, il faut garder à l'esprit que notre plan directeur 2009-2013 a identifié des actions de terrain pour un montant global de 260 millions de dollars. Or, la Feuille de route nous alloue 21,5 millions sur cinq ans. Ceci étant dit, vous pouvez compter sur le fait que nous ménagerons aucun effort et nous espérons continuer de jouir de votre appui.

En terminant, nous aimerions que vous considériez nous inviter à revenir témoigner devant vous, dans 18 à 24 mois, afin de vous faire rapport des progrès accomplis à travers la Feuille de route. Cette rencontre, vous pourriez considérer la tenir dans l'une de nos communautés minoritaires francophones sur le terrain, ou vous pourriez entendre de la bouche même des bénéficiaires des services, des professionnels, des directeurs d'établissement, des responsables gouvernementaux, leur point de vue sur le chemin parcouru.

Certes, vous en conviendrez, il y a un danger à s'exposer ainsi. Toutefois, nous en sommes convaincus, une véritable imputabilité, une transparence face à nos bailleurs de fonds et nos communautés sont des ingrédients essentiels à notre réussite.

Madame la présidente, honorables sénateurs, nous vous remercions de votre intérêt au mouvement et de votre attention particulière à la santé des Canadiennes et des Canadiens vivants au sein de communautés de langue officielle minoritaire.

La présidente : Nous passerons immédiatement aux questions. La première sera posée par le sénateur Losier-Cool. Elle sera suivie du sénateur Fortin-Duplessis.

Le sénateur Losier-Cool : Je vous remercie de me donner la chance de poser la première question, car je dois me rendre à l'Édifice du centre d'ici peu pour remplacer le président du Sénat. Je vais donc poser mes questions et je serai très intéressée à lire vos réponses dans le compte rendu des délibérations du comité.

Ma première question touche le consortium. À l'annexe 2 de votre document, vous parlez de recherche. La semaine dernière, les recteurs des universités ont déploré le fait qu'on a négligé la recherche en santé pour plutôt se concentrer sur l'économie et les affaires. Pourriez-vous élaborer sur la question de la recherche?

Mon autre question touche, de façon plus spécifique, la santé mentale. J'aimerais savoir si vous entretenez des liens avec la Commission canadienne pour la santé mentale, présidée par notre ancien collègue Michael Kirby. Retrouve-t- on une composante francophone en matière de santé mentale? La santé mentale est un sujet très actuel.

En plus des francophones, j'aimerais connaître la spécificité en termes de genre, notamment en ce qui a trait aux femmes. Une femme francophone souffrant de maladie mentale se trouve en situation doublement minoritaire. Pourriez-vous transmettre au comité la façon dont ces questions ont été abordées?

Mme Lalonde : Au niveau de la recherche, comme la Société Santé en français, le Consortium national de formation en santé avait fait une demande pour un montant de 130 millions de dollars sur les cinq prochaines années. Nous avons reçu 86,5 millions de dollars. Ce montant nous permet de poursuivre le travail entamé au cours des cinq dernières années. Toutefois, il ne nous permet pas de développer, au cours des prochaines années, puisque le montant ne représente qu'une augmentation de 6,5 millions de dollars pour les cinq prochaines années.

Dans la Feuille de route sur les langues officielles, il n'est pas question de financement en recherche sur les communautés francophones en situation minoritaire.

Par contre, en ce qui concerne le dossier de la santé, nous pourrons travailler le dossier de la recherche de façon minimale, mais en relation avec la formation et l'accès aux services de santé en français. En relation stricte avec les objectifs de notre programme. Sur ce plan, c'est pour cette raison que nous travaillerons de concert avec les chercheurs autant universitaires que communautaires à l'échelle pancanadienne de la Francophonie hors Québec pour mettre en place et développer des études qui nous permettront de mieux connaître nos populations vulnérables qui sont, entre autres, les personnes âgées, les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, les jeunes, et la petite enfance. Nous travaillerons donc sur ces populations cibles et nous verrons ce que veut dire « accès à des services de santé en français », ce qu'on doit mettre en place et quelles études pourraient nous aider à mieux connaître et mieux mettre en place les services.

Mme Côté : Des représentations ont été faites auprès de la Commission sur la santé mentale dans le passé, mais jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de suivi quant aux mesures auprès des francophones dans ce dossier. Par rapport à la question du genre, malheureusement, je n'ai pas cette information à portée de main aujourd'hui. Mais le soutien de comités tel que le comité sénatorial en matière de ce genre d'approche serait le bienvenu. Maintenant que je suis au courant de la Commission sur la santé mentale, on fera des suivis à cet effet dans les semaines à venir.

M. Racine : C'est très bien. Toute la question de la santé mentale, surtout chez les femmes, est une grande préoccupation, surtout avec la maladie d'Alzheimer qui va croître dans les prochaines années. Il faut se pencher là- dessus et s'assurer de pouvoir offrir les services. Le cas de Toronto est particulier et montre combien il est difficile lorsqu'on est francophone en situation minoritaire d'avoir des services. Naturellement, quand on a la maladie, on a des pertes de mémoire et de faculté, il devient alors plus difficile de communiquer en anglais. Ce sont des questions sur lesquelles on doit se pencher. Et nous sommes très préoccupés par cela.

Mme Lalonde : Je ne peux me permettre de ne pas répondre puisque j'ai une formation en travail social et j'ai travaillé en santé mentale pendant 20 ans. La question de la santé mentale, on ne peut pas recevoir un service thérapeutique ou de l'aide d'un travailleur social quand on a un problème de santé mentale et que ce n'est pas dans notre langue. C'est question de cœur et d'émotion et on ne peut pas s'exprimer dans une autre langue quand on parle d'émotion.

La présidente : Exactement. Si vous avez de l'information additionnelle, vous pouvez toujours l'envoyer au greffier du comité.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Madame la présidente, en tout premier lieu, je voudrais vous remercier, vous et votre personnel d'avoir invité nos témoins à comparaître devant nous aujourd'hui.

J'ai été nommé au Sénat récemment et j'ai été tellement touchée par l'article paru dans le journal que j'ai envoyé une lettre au greffier, lui demandant d'agréer à faire venir des témoins pour nous parler de ce que vivent les francophones en milieu minoritaire. Je suis tellement heureuse que vous ayez invité des témoins exceptionnels pour nous parler de ce grand problème qui touche beaucoup de gens à travers le Canada. Comme on peut le constater, la question de l'accès à des ressources et à des soins spécialisés en français pour nos aînés reste un point très litigieux en Ontario et comme on a pu le voir, dans d'autres provinces aussi. Cela représente une nouvelle lutte que les francophones devront entreprendre. Compte tenu de la Loi sur les services en français ainsi que du règlement désignant les organismes tenus d'offrir des services en français, seuls les hôpitaux désignés doivent s'y soumettre. Alors, la situation à Toronto est particulièrement lamentable comme vous l'avez décrit. Je reste encore avec le fait de la résidence pour 37 personnes alors que seulement 15 p. cent de ces 37 personnes peuvent recevoir des soins en français. J'ai trouvé cela épouvantable. D'ailleurs, dans de telles circonstances, l'homogénéité linguistique est essentielle. Selon la société Santé en français, le vieillissement de la population frappe les communautés francophones hors Québec encore plus fort que dans le reste de la population canadienne. Voilà une tendance lourde dont le cas torontois est précurseur et révélateur d'une situation qui ira en se détériorant si rien n'est fait.

Aucune démarche de sensibilisation et de mobilisation n'est inutile. Cependant, il faut aussi s'attaquer à cette problématique de front et la régler. À ma connaissance, à part les arrêts Lalonde et Desrochers, il n'y a pas eu de jurisprudence sur cette question.

La Fédération des aînées et aînés francophones du Canada et la Société Santé en français se penchent-elles sur la possibilité d'un recours judiciaire? Quels sont les domaines de santé où le recrutement des professionnels de la santé francophone est le plus problématique?

M. Racine : On n'est pas rendu là dans notre réflexion en termes de recours. Nous avons reçu des plaintes par le passé et on en reçoit de plus en plus. J'ai parlé aujourd'hui avec un dirigeant du Nouveau-Brunswick qui disait qu'ils ont de plus en plus de plaintes de gens qui n'ont pas les services en français. Mais il faut savoir que ce ne sont pas les aînés qui se plaignent. Souvent, ils ont peur de représailles s'ils se plaignent de ne pas avoir les services en français; ils sont très hésitants. C'est donc les enfants qui commencent à se plaindre. Surtout la génération des baby-boomers qui ont des parents âgés et qui trouvent cela inacceptable et commencent à déposer des plaintes. On n'est pas rendu là encore. C'est la voie qu'on voudrait emprunter pour l'instant, du moins du côté de la Fédération, mais il n'est pas dit qu'un jour ce serait quelque chose que nous pourrions considérer.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Quels sont les domaines où le recrutement de professionnels de la santé francophone est le plus problématique?

Mme Côté : Cette question est relativement plus facile. Il y a des pénuries de professionnels de la santé dans presque tous les domaines et cette pénurie est juste exacerbée sur le plan des communautés et des professionnels de la santé en français. IL est certain, les pénuries les plus répandues sont les pénuries de médecins francophones, d'infirmières et d'infirmiers francophones, de pharmaciens et de pharmaciennes. Les pénuries sont déjà à travers le Canada en général. Alors quand on pense à des professionnels de la santé qui ont une habileté langagière ou linguistique en français, c'est d'autant plus important de les recruter.

Mme Lalonde : Malgré le fait qu'on forme plusieurs professionnels de la santé avec les fonds de Santé Canada par l'entremise de nos institutions postsecondaires, il demeure comme le dit Mme Côté, une pénurie très importante. Plus on se retrouve dans des milieux très minoritaires, plus le nombre de francophones est petit, plus la pénurie est grande. Plus le nombre de francophones est petit dans les provinces à petite population francophone, moins il y a d'accès à des établissements et des organismes de santé qui offrent des services en français. Donc, il s'agit de pouvoir former des professionnels de la santé, oui, en français, dans des établissements de formation postsecondaires, mais parallèlement de travailler à mettre en place dans les communautés des services et des organismes de santé qui pourront offrir des services de santé en français.

C'est un travail qui se fait séparément, par deux organismes, mais avec un but commun. Et un ne peut se faire sans l'autre.

La présidente : Des questions supplémentaires? Sénateur Champagne.

Le sénateur Champagne : La problématique du recrutement m'a interpellée tout de suite et je vais vous dire pourquoi. En plein cœur de Montréal, dans un des coins les plus francophones de la ville, je me souviens m'être réveillée après 40 jours de coma, et d'avoir entendu parler français, mais, huit fois sur dix, avec un accent très aigu. Les merveilleuses infirmières qui se sont occupées de moi étaient soit Vénézuéliennes, Colombiennes ou Mexicaines. Il y avait peut-être parmi elles une Québécoise, sans doute l'infirmière en chef. C'est donc dire qu'il y a un problème de recrutement même dans nos milieux francophones. S'il y a pénurie d'infirmières et de préposés francophones en plein cœur de Montréal, imaginez lorsqu'on arrive dans les milieux où le français est minoritaire. Que ce soit en Ontario, en Alberta ou au Nouveau-Brunswick, le problème est d'autant plus flagrant.

La semaine prochaine je vais parler à des étudiants francophones en sciences de la santé au cégep de Saint- Hyacinthe. Qu'est-ce que je peux leur dire? Comment puis-je les motiver à aller travailler aux endroits où des francophones vivent en situation minoritaire et leur venir en aide?

Mme Lalonde : Vous avez absolument raison lorsque vous dites que tout débute par les jeunes. On doit leur donner le goût et la motivation de poursuivre des études dans le domaine de la santé. Il faut aussi valoriser les professions du domaine de la santé à une époque où on demande beaucoup aux gens qui travaillent dans le domaine des sciences infirmières. Par contre, le fait de travailler dans des milieux minoritaires francophones apporte une valorisation. C'est une expérience de vie qui ne se fait pas à Montréal ou à Québec et je pense qu'il s'agit d'un argument spécifique qu'il faut faire valoir. Le Consortium national de formation en santé met l'accent sur le recrutement et la promotion. Parce que pour espérer avoir 3 400 nouvelles inscriptions dans des programmes de sciences de la santé, il faut faire du recrutement et de la promotion. Vous avez absolument raison, il faut poursuivre dans cette veine.

Le sénateur Champagne : Peut-être faudrait-il mettre en place des programmes de formation spécifiques pour les immigrants qui possèdent une formation en santé. Je peux vous dire que lorsque je me suis réveillée du coma, je me demandais dans quel monde, dans quel pays j'étais. Suis-je tombée malade? De toute évidence, l'accent des gens qui me parlaient n'était pas l'accent de mon coin.

Quant au problème de recrutement, il faut faire en sorte qu'il y ait davantage de gens qui travailleront chez nous ou dans les endroits où les francophones sont en situation minoritaire, et je crois qu'on peut faire quelque chose de ce côté.

Mme Lalonde : Je peux vous dire qu'actuellement des programmes sont mis en place pour les immigrants qui détiennent déjà une formation en santé, mais qui ont besoin d'une formation d'appoint pour pouvoir travailler dans nos communautés. Nous développons cette formation d'appoint pour aider les nouveaux arrivants à devenir des professionnels dans nos communautés francophones.

Le sénateur Goldstein : Je vous remercie tous de nous entretenir sur ce sujet fort important. Tout à l'heure, vous avez parlé des problèmes que vivent les aînés. Le problème aurait-il un lien avec la nature de l'institution?

Évidemment, il y a les hôpitaux qui dispensent des services de santé. Il y a le ministère de la Santé de la province qui influence la politique de ces institutions. Il y a aussi les résidences pour personnes âgées qui offrent des services aux aînés en plus ou moins bonne santé. Ces résidences sont aussi de juridiction provinciale.

Vous avez tous parlé des efforts que vous faites sur le plan des institutions fédérales. Mais j'aimerais savoir si vous faites aussi des efforts au provincial et si oui, quels sont ces efforts?

Mme Côté : J'apprécie beaucoup l'occasion de vous parler à ce sujet puisqu'il s'agit d'un point brûlant à la Société Santé en français. Un des nombreux rôles des réseaux est d'assurer la liaison, de créer des partenariats, d'entrer en collaboration et devenir potentiellement l'expertise francophone et le conseiller du palier gouvernemental provincial.

Dans plusieurs provinces actuellement, certains réseaux réussissent à développer cette reconnaissance provinciale avec leurs autorités gouvernementales. C'est l'un des rôles des réseaux d'entrer en relation avec les paliers gouvernementaux.

En ce qui concerne les établissements de santé, puisque la santé est de juridiction provinciale, c'est différent pour chaque province et les réseaux doivent composer avec cela. Dépendamment des politiques déjà en place au provincial en matière de services de santé à la francophonie, la tâche est plus aisée pour certains réseaux, au Nouveau-Brunswick par exemple, où il y a une belle reconnaissance.

Dans d'autres provinces par contre, c'est beaucoup plus difficile et on avance à pas de tortue. Au bureau national, il est possible de rencontrer les autorités ßgouvernementales aussi, mais le gros du travail de concertation et de reconnaissance, ce sont les réseaux de la Société Santé en français qui le font localement.

La présidente : Est-ce que quelqu'un d'autre voulait ajouter un commentaire?

M. Racine : vous savez comme moi que dans bien des cas, les résidences sont subventionnées, mais privées et que parfois, la question linguistique représente un critère parmi tant d'autres dans une résidence à prédominance anglophone.

À Toronto, seulement 15 p. 100 des lits sont occupés par les francophones. Si vous allez au Manitoba, entre autres à la résidence Youville, 95 p. 100 des lits sont occupés par les francophones parce qu'il y a une sensibilité à la question linguistique qui fait en sorte qu'on a su répondre aux besoins des francophones. J'imagine qu'au Québec les anglophones en situation minoritaire ont leurs institutions, ce qui leur permet d'avoir plus de sensibilité sur ces questions.

Le sénateur Goldstein : En ce qui a trait aux résidences quasi publiques ou aux résidences privées-publiques subventionnées, vous m'amenez à croire que le gros du travail doit se faire au niveau gouvernemental provincial où la résidence est située.

M. Racine : Je sais que les services de santé relèvent du gouvernement provincial, mais je pense que le fédéral a un rôle de leadership à jouer. De notre côté, si on pouvait compter sur ce leadership, ce serait très apprécié.

Le sénateur Goldstein : Pouvez-vous nous dire exactement comment vous croyez que ce leadership pourrait être exercé? S'agirait-il d'une conférence fédérale-provinciale? S'agirait-il d'affecter certains fonds? S'agirait-il de changer le programme? Bref, comment pouvons-nous vous aider à amener le gouvernement fédéral à aider les gouvernements provinciaux afin de pouvoir livrer ces services aux francophones hors Québec?

M. Racine : J'ai des suggestions, mais avant, je vais donner la chance à mes collègues.

Mme Côté : Les suggestions seront bienvenues, monsieur Racine, mais je voulais juste mentionner que la Société Santé en français et les réseaux font cela sur une base quotidienne : l'argent reçu de Santé Canada est utilisé comme levier pour justement faciliter les initiatives locales. Les 90 initiatives dont je vous ai parlé tantôt ont toutes été financées, pour la majeure partie, par le gouvernement fédéral. Un peu d'argent sur le terrain mène souvent très loin.

Je peux donner l'exemple du centre de santé de Notre-Dame de Lourdes au Manitoba qui, après avoir reçu 30 000 $ de la Société Santé en français, a vu sa communauté amasser, par le biais d'une levée de fonds, 1,5 million de dollars pour ensuite recevoir la balance de 3 millions de dollars du gouvernement provincial. Comme je disais, un petit peu d'argent peut mener très loin sur le terrain et c'est en se servant du financement de Santé Canada que, souvent, l'on réussit à faire de belles choses.

La présidente : Une question supplémentaire, avant de passer à celle du sénateur Goldstein. Ce réseau existe depuis combien d'années et est-il financé uniquement par Santé Canada?

Mme Côté : Les premiers soubresauts de ce réseau datent de 2002. En 2003, la période de financement s'est amorcée et a duré jusqu'à 2008, et les réseaux ont été créés graduellement depuis ce temps. Le gouvernement fédéral, que ce soit à travers Santé Canada ou l'Agence de santé publique, finance la majorité des travaux des réseaux.

Mme Lalonde : J'aimerais ajouter que les fonds fournis par Santé Canada au consortium national sont un levier important. Par exemple, si le gouvernement provincial subventionne 25 places dans un programme postsecondaire de sciences infirmières, les fonds reçus du gouvernement fédéral permettent d'augmenter le nombre d'inscriptions dans certains autres programmes. Il s'agit donc d'un levier important et cela permet aussi de payer certains coûts additionnels pour la mise sur pied de nouveaux programmes qui ne seraient pas payés par le gouvernement provincial. Je pense qu'il faut continuer à appuyer le financement du gouvernement fédéral pour les programmes de santé au niveau des langues officielles.

Maintenant, concernant la question plus large de la santé, si le gouvernement fédéral, lors des transferts de paiements aux provinces, pouvait s'assurer d'une manière ou d'une autre qu'une partie des fonds serve à offrir des services de santé en français, je pense que cela pourrait nous aider fortement.

M. Racine : J'aimerais mentionner le travail remarquable qu'ont fait le consortium et la Société Santé en français. Dans nos fédérations provinciales, nous profitons de l'impact de ce travail : il est beaucoup plus facile maintenant de parler avec le gouvernement provincial, car il y a un intermédiaire, les réseaux sont là. Ils ont ouvert des portes. Cela facilite beaucoup les choses.

Même chose au niveau de la formation, on commence à voir de jeunes professionnels en formation qui s'intéressent à nos communautés. Trop de professionnels francophones se sont retrouvés dans des établissements complètement anglophones par le passé. Ceci est en train de changer et c'est grâce aux initiatives du consortium. Le leadership est une belle façon de l'exprimer en appuyant ces démarches.

Le sénateur Tardif : Je vous remercie de vos excellentes présentations. Je tiens à vous dire à quel point je suis heureuse de voir les progrès accomplis par le consortium de formation et aussi Société Santé en français. J'ai fait partie des négociations au départ, lorsqu'on a mis sur pied le consortium de formation. J'étais doyenne du campus Saint-Jean à ce moment et, justement, l'argent nous a permis de créer un nouveau programme de formation qui n'existait pas, un baccalauréat bilingue en sciences infirmières, le premier programme où la langue française avait sa place en Alberta. D'ailleurs, il y a deux ans, les premiers diplômes ont été décernés. Donc, beaucoup de succès, et je pense que c'est tout à fait juste de dire que le gouvernement fédéral doit absolument jouer un rôle de leadership dans ce domaine afin de respecter ses engagements pour les langues officielles et aussi au niveau de la partie VII lorsqu'on parle de « mesures positives ».

J'aimerais revenir sur la question du budget, et c'est peut-être une question qui s'adresse plus particulièrement à Mme Côté de la Société Santé en Français. Pourriez-vous me dire combien d'argent vous allez recevoir dans la Feuille de route pour la mise sur pied de services pour les aînés?

Mme Côté : Aucun programme précis n'est planifié à ce jour, par contre, nous recevrons une somme de 21,5 millions de dollars répartis sur cinq ans pour des projets de service. Les projets de service seront sélectionnés localement. Ils viendront du bureau national et seront choisis en fonction des priorités de la Feuille de route : petite enfance, jeunes, personnes âgées.

On s'attend à recevoir énormément de projets de service dans ce domaine compte tenu de la situation de centres d'hébergement comme celui de Toronto. On parle aussi du foyer Maillard à Vancouver qui fait face à une fermeture possible, car il ne rencontre plus les normes provinciales de santé. À Toronto, on a parlé du cas de Mme Tremblay- Lavoie, mais au foyer Maillard à Vancouver, on parle d'une cinquantaine de personnes âgées francophones qui risquent de ne plus avoir d'endroit pour recevoir des soins spécialisés de longue durée. Cela fera l'objet d'excellents projets de service dans ce volet santé qui totalise 21,5 millions de dollars.

Le sénateur Tardif : Vous avez mentionné 4 millions par année?

Mme Côté : Cinq millions cette année et 5,5 millions les années subséquentes.

Le sénateur Tardif : C'est quand même une somme très modeste pour accomplir l'énorme travail en vertu des services que vous voulez effectuer. Pouvez-vous nous dire comment vous allez attribuer l'argent ou quelles initiatives vous comptez entreprendre avec si peu d'argent?

Mme Côté : Merci de remarquer qu'il y a si peu d'argent, nous espérions beaucoup plus. Cependant, les communautés connaissent leurs besoins. Par exemple, à Vancouver, ils sont très conscients du problème auquel fait face le foyer Maillard et ils connaissent l'existence du volet projet de service. Donc, on s'attend à recevoir ce genre de proposition de projet de la part de la province de la Colombie-Britannique.

Si les communautés ont des besoins criants pour leurs aînés, ces projets vont se rendre au bureau national et ainsi de suite jusqu'à Santé Canada et feront l'objet d'un financement à ce moment-là.

Le sénateur Tardif : Parce que le 5 millions de dollars n'est pas attribué uniquement aux aînés?

Mme Côté : Non, pas du tout.

Le sénateur Tardif : Selon vous, Santé Canada est-elle suffisamment sensibilisée aux besoins en matière de santé pour les communautés de langues officielles minoritaires?

Mme Côté : Je vous dirais qu'avant de venir ici aujourd'hui, j'étais justement en réunion avec les gens du Bureau d'aide aux communautés de langues officielles pour discuter de la distribution et de la gestion de ce 5 millions de dollars.

M. Roger Farley et son équipe sont tout à fait au courant de ce qui se passe dans les communautés. Ces gens désirent nous aider. Malheureusement, c'est tout l'argent qu'ils ont reçu. L'enveloppe en santé contient 174 millions de dollars, l'enveloppe en éducation a reçu environ trois fois cette somme. Par conséquent, on devra faire ce qu'on peut avec l'argent reçu. En me basant sur les projets soumis l'an dernier, je puis vous assurer que nous recevrons des projets très créatifs.

Mme Lalonde : On ne peut jamais trop sensibiliser le gouvernement aux besoins en santé. Nous parlons en ce moment plus spécifiquement des besoins en santé de nos communautés francophones en situation minoritaire. Au fédéral, on verse beaucoup d'argent en santé. Toutefois, le pourcentage de ces montants versés à la francophonie nous permet d'espérer des augmentations.

Le montant que nous avons reçu est acceptable et nous en sommes très heureux. Santé Canada est tout de même le ministère, après Patrimoine canadien, qui a reçu le plus de financement. Toutefois, les besoins sont énormes. Les 86,5 millions de dollars pour la formation et le montant versé pour la Société Santé en français nous permettent de faire avancer le dossier, mais ne nous permettent pas de régler tous les problèmes notamment ceux que vivent les populations vulnérables.

Le sénateur Tardif : J'aimerais poursuivre sur ce point. Avec la partie VII, qui parle de « mesures positives », sentez- vous une volonté de la part de Santé Canada à respecter ses engagements en vertu de la partie VII et les « mesures positives », dont il est question dans la Loi sur les langues officielles?

Mme Lalonde : Il ne fait aucun doute que Santé Canada est en bonne voie de répondre à ces exigences. Par contre, selon les moyens financiers, jusqu'à quel point est-il possible de répondre à ces engagements?

Nous avons obtenu un financement qui nous permet de continuer ce qu'on a entamé. Il nous faudrait toutefois beaucoup plus pour assurer l'accès aux services de santé en français à toutes les communautés francophones en situation minoritaire.

Le sénateur Tardif : D'ailleurs, Santé Canada a reçu la meilleure note en ce qui a trait au respect de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Mme Lalonde : Ils répondent très bien à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Comeau : Madame Côté, vous avez fait référence aux propos de Bernard Lord lorsqu'il a indiqué que votre organisme et Santé Canada pourrait constituer un modèle pour d'autres secteurs dans leurs relations avec le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les communautés.

On constate vos succès, au fil des ans, alors que vous avez réussi à convaincre le gouvernement fédéral de s'impliquer dans des champs de compétence provinciaux sans trop de heurts — on parle de neuf ou dix provinces et trois territoires. Quelle fut votre approche pour obtenir un tel succès? Pourrait-on, avec quelques ajustements, utiliser ce modèle de collaboration pour d'autres secteurs de la société?

Mme Côté : Mon humble expérience ne remonte qu'à trois semaines. Je suis justement en train de lire le modèle de l'OMS en matière de travail avec les partenaires. La Société Santé en français a adopté, il y a plusieurs années, le modèle de travail, de collaboration et de concertation avec les cinq partenaires du milieu. À mon avis, le secret de ce succès des réseaux est dû au fait que ceux-ci ne travaillent pas en isolation, mais de façon inclusive, en collaborant, en concertant et en adoptant des démarches intégrées avec tous les partenaires du milieu. J'aimerais vous les énumérer à nouveau : ce sont les établissements de santé, les établissements de formation, les professionnels de la santé eux-mêmes, les communautés et évidemment les autorités gouvernementales au niveau des provinces.

Certains réseaux ne sont formés que d'une personne. Toutefois, ces réseaux rapprochent les gens de la communauté et mettent en contact des individus qui, autrement, ne chercheraient pas à parler santé, ni à parler d'accès aux services, ni à parler d'offre de services en français au niveau des communautés en situation minoritaire.

Paul-André Baril, responsable des relations gouvernementales, Société Santé en français : Un des partenaires importants autour de la table fut les autorités gouvernementales. Il va sans dire que les autres sont importants notamment pour la livraison des services et l'organisation. Toutefois, le point central de la démarche a consisté à aller chercher les ministères de la Santé et les autorités régionales en santé pour définir, en collaboration avec les autres partenaires, des Plans d'action.

Le sénateur Comeau : Ma prochaine question s'adresse à Mme Lalonde. Je n'ai pas eu la chance d'examiner les budgets, et on ne devrait jamais poser de questions sans les examiner en profondeur. Toutefois, nous avons entendu ce soir quelques préoccupations. Le sénateur Losier-Cool a fait allusion au recteur de l'Université de Moncton, M. Fontaine, qui a soulevé certaines préoccupations au sujet du montant réservé aux soins de santé. Vous-même avez évoqué le fait que vous ne disposez pas de suffisamment d'argent.

Si je comprends bien, la Feuille de route prévoit 174 millions de dollars, ce qui constitue une augmentation de 55 millions. On ne parle pas de petits montants. Il va sans dire que tout le monde aimerait avoir le plus de fonds possible. Le montant de 55 millions de dollars ajouté à la Feuille de route est-il vraiment insuffisant? Je désire mettre les choses en contexte.

Mme Lalonde : Malheureusement, je n'ai pas devant moi les propos de M. Fontaine.

Le sénateur Comeau : C'est le sénateur Losier-Cool qui a soulevé ce point.

Mme Lalonde : En 2008, le Consortium national de formation en santé a reçu 16 millions de dollars pour les dix institutions d'éducation postsecondaire qui offrent une formation de professionnels de la santé. Si on multiplie ces 16 millions de dollars par cinq ans on obtient 80 millions. Or, nous avons reçu 86,5 millions pour les cinq prochaines années. Ce montant représente une augmentation de 6,5 millions. La formation implique des coûts très importants. Cette augmentation de 6,5 millions de dollars sur cinq ans couvre à peine les augmentations salariales.

On peut continuer à inscrire et offrir des diplômes dans les programmes existants, qui furent développés au cours des cinq dernières années. Toutefois, il sera plus difficile de développer de nouveaux programmes avec cette augmentation de 6,5 millions.

Le sénateur Comeau : Aurait-on dû distribuer cette somme de 55 millions de dollars de façon différente, à travers les volets visés par la somme de 174 millions de dollars?

Mme Lalonde : Il existe de grands besoins à combler. Je ne verrais pas une répartition différente de la somme, mais une augmentation de l'enveloppe.

Le sénateur Comeau : Le montant de 55 millions de dollars fut dépassé?

Mme Lalonde : Les besoins de la Société Santé en français, au niveau des réseaux, de l'organisation des services, sont beaucoup plus grands. Nous sommes très heureux du montant que nous avons reçu. Il nous permet de poursuivre ce que nous avons entamé. Toutefois, les besoins sont plus grands. Il n'est pas question de répartition, mais d'une enveloppe plus importante.

Le sénateur Comeau : Peut-être devrions-nous réexaminer la Feuille de route au complet ainsi que la distribution future. Je ne me rappelle pas qu'elle a été l'augmentation totale de la Feuille de route.

Mme Lalonde : Cette question est difficile parce que différents ministères se sont rajoutés dans la Feuille de route.

Le sénateur Comeau : La somme qui vous a été distribuée, avait-elle pour but d'offrir un levier aux provinces? Vous avez dit avoir reçu 16 millions de dollars. Est-ce de l'argent obtenu du gouvernement fédéral était pour essayer de sortir des provinces? En fin de compte, ce sont les provinces qui s'occupent de l'éducation. Recevez-vous de l'argent des provinces?

Mme Lalonde : C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je ne sais pas ce que les provinces auraient fait. Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons un modèle par lequel on a développé notre financement. Dans son rapport, Santé Canada a clairement indiqué que le CNFS avait très bien rentabilisé les fonds qu'ils avaient reçus sur le plan du financement. Cela, c'est quelque chose de solide qui nous dit qu'à moment-ci, les fonds additionnels reçus du gouvernement fédéral, nous permettent d'augmenter le nombre d'inscriptions. On parle d'environ 1 500 nouveaux diplômés pour les cinq prochaines années. C'est quand même important. Avec ces fonds, on forme des gens qui travailleront dans les communautés francophones et qui offriront des services dans ces communautés.

On pourrait certainement en former plus, mais il y a une réalité qui fait qu'on continuera à faire ce qu'on fait à ce moment-ci avec les fonds qu'on a.

Le sénateur Comeau : Monsieur Racine, vous avez fait référence à l'augmentation de plaintes que vous recevez au sujet des résidences pour les aînés. Considérerez vous aller voir les tribunaux? Comment serait-ce possible? Sur quelle base pourriez-vous le faire?

M. Racine : Nous n'en sommes pas rendus là.

Le sénateur Comeau : Il s'agit d'un domaine provincial.

M. Racine : Honnêtement, il faudrait consulter des avocats pour cela. Nous n'y avons pas réfléchi plus qu'il ne le faut. Nous ne sommes pas rendus à cette étape. N'étant pas juriste, cela m'est plus difficile, mais je vais y réfléchir quand même.

Le sénateur Comeau : J'espère que nous aurons l'occasion de faire le suivi de votre témoignage et que nous verrons les résultats de ce que vous faites en région. Nous devrions essayer de choisir une région qui n'est pas complètement francophone.

Le sénateur Tardif : L'Alberta.

Le sénateur Comeau : C'est une excellente idée. Il faut choisir une région où c'est plus difficile pour les gens. J'espère que vous allez faire le suivi des démarches qui seront entreprises pour les soins en santé mentale. Nous sommes intéressés par vos résultats.

[Traduction]

Le sénateur Jaffer : Je vous remercie tous d'être venus. Vous m'avez sensibilisé à la question. Monsieur Racine, j'ai été particulièrement touchée par vos commentaires sur les gens qui meurent dans une langue qui n'est pas la leur. Je ne l'oublierai jamais. Il faut absolument se le rappeler.

Mes questions concernent ma province, la Colombie-Britannique. J'ai entendu des commentaires au sujet de la Colombie-Britannique. Quelle est la situation en Colombie-Britannique par rapport au reste du pays, et qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus en Colombie-Britannique? Comme le sénateur Comeau l'a dit, il faut avoir une perspective régionale. J'aimerais obtenir vos conseils pour bien faire mes devoirs. C'est ma première question.

[Français]

M. Racine : Je pourrais vous donner un aperçu pour les aînés. Pour ce qui est des aînés en Colombie-Britannique, il y a une restructuration qui se fait présentement en termes de prise en charge. Après l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, c'est en Colombie-Britannique où l'on retrouve le plus d'aînés. Ils ont eu plus de difficulté si je compare à l'Alberta et au Manitoba où ils sont très bien structurés, même chose en Nouvelle-Écosse. En Colombie-Britannique, ils sont en train de se reprendre en main sur le plan de la Francophonie. Il y a de belles démarches. Ils viennent de recevoir l'appui de Patrimoine canadien. Des choses sont en train de se faire pour la Colombie-Britannique et je sais que sur le plan du réseau, beaucoup de choses se sont faites.

M. Baril : Lorsque nous avons commencé à mettre en place les réseaux en 2002 et 2003, les francophones de la Colombie-Britannique nous disaient : « Vous savez, chez nous, vous pouvez oublier cela parce que vraiment, notre gouvernement ne sera pas intéressé. » On nous disait presque qu'on pouvait bien garder notre argent et le mettre ailleurs. Des pionniers ont mis sur pied un réseau et je pense que la Colombie-Britannique est la province qui a fait le plus de progrès. Le réseau a réussi à intéresser la Régie de santé, Vancouver Coastal Health. Il y a le Provincial Health Services Authority qui a été invité à participer à leur forum. Ensemble, avec des professionnels de la santé, avec le Conseil scolaire, avec le ministère de la Santé, ils étaient les premières initiatives que la Société Santé en français a acceptées.

Pour moi, cela démontre qu'avec des initiatives concrètes qui vont changer les choses sur le terrain, avec les moyens qu'on a, on réussit à trouver de la collaboration. Par contre, j'aimerais revenir sur le cas du Foyer Maillard. Maillardville, c'est une communauté à l'intérieur de Coquitlam qui est une banlieue de Vancouver, une communauté qui a été francophone au début et qui avait une paroisse. Ces gens ont construit une résidence de 90 places pour loger leurs aînées il y a 40 ans. Graduellement, le foyer est devenu à moitié un centre de soins prolongés et l'autre moitié, ce sont des appartements et des chambres loués à des individus. Les portes sont étroites, les chambres sont petites, cela veut dire qu'il y a des équipements médicaux qui n'entrent pas dans la Chambre, qu'on ne peut pas changer le lit de la personne parce qu'il n'y a pas assez de place et ainsi de suite. Présentement, sur les 90 résidants, 45 sont francophones, et si on veut que le foyer soit là pour desservir sa clientèle, il faut reconstruire, c'est simple, il démolir et recommencer.

Les gens ont un projet de rénovation, de reconstruction du foyer qu'ils caressent depuis 1992. En 1992, le gouvernement provincial avait accepté l'idée et en 1992-1993, il y a eu des changements. On a créé des Régies régionales de santé et là, les gens se promènent à l'intérieur de cela de telle sorte qu'on se retrouve en 2009 avec un foyer qui est 17 ans plus vétuste qu'il ne l'était en 1992 et où les gens font presque l'impossible pour desservir leur clientèle.

Si aucune décision n'est prise bientôt et si des appuis ne sont pas fournis, il y a quelque chose qui va disparaître. Le cas de Mme Lavoie est poignant à Toronto. Il y a 45 personnes dans un foyer à Vancouver qui reçoivent des soins en français, où leur milieu de vie est un milieu francophone. Si rien n'est fait dans les prochains mois, peut-être les prochaines années, ces gens vont perdre leur foyer français.

Pour revenir à votre question initiale, oui, à Vancouver, en Colombie-Britannique, il y a des choses très intéressantes qui ont été faites avec le gouvernement et les autorités du milieu de la santé.

Mme Lalonde : J'aimerais répondre à votre question en fonction de la formation postsecondaire en français. En Colombie-Britannique, il y a le Collège Éducacentre, mais il n'a pas la capacité d'offrir des diplômes postsecondaires puisqu'il n'est pas reconnu par la province. Cependant, depuis cinq ans, le collège a travaillé de près avec la Cité collégiale, en Ontario, pour pouvoir offrir des programmes en Colombie-Britannique. Ces étudiants obtiennent leur diplôme de la Cité collégiale d'Ottawa, même s'ils suivent la formation en Colombie-Britannique parce que l'institution n'est pas reconnue. Le Collège Acadie Île-du-Prince-Édouard vient d'être mis en place et est reconnu par le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard pour offrir des programmes postsecondaires. Nous l'avons donc inclus au niveau du consortium et nous lui octroyons un financement pour les cinq prochaines années pour son développement. Nous aimerions faire la même chose avec le Collège Éducacentre, mais dans un premier temps, il doit être reconnu par le gouvernement de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

Le sénateur Jaffer : Comme je vous l'ai déjà dit, j'apprends énormément. Je travaille auprès des collectivités francophones dans ma province, des francophones qui viennent d'un peu partout dans le monde, sur un sujet que vous n'avez pas encore abordé, notamment en ce qui concerne la santé mentale, parce que souvent ces gens viennent de zones de conflit. Quand je sors la nuit, je vois malheureusement de nombreuses personnes des collectivités francophones qui sont sans abri.

Je vous demanderais de nous parler de la situation des francophones qui viennent de l'extérieur du Canada, pas seulement en Colombie-Britannique mais dans tout le pays. Quelles sortes de services de santé reçoivent-ils?

[Français]

Mme Lalonde : Je n'ai pas la réponse magique à votre question. C'est une grosse question parce que ces gens arrivent avec leur propre culture, leur langue qui est parfois différente, dans des communautés majoritairement anglophones. Dans un premier temps, ils doivent trouver des services de santé et, souvent, de santé mentale parce qu'ils ont vécu des traumatismes, ils ont vécu la guerre, ils ont vécu des difficultés énormes avant d'arriver au Canada. Ils doivent donc trouver des services en français qui sont culturellement adaptés à leurs besoins. Ce n'est pas toujours évident. Comme société, nous devons regarder la problématique sur le plan de la langue, mais aussi sur le plan de la question culturelle pour nos immigrants francophones.

Nous nous penchons sur cela en ce moment et nous allons poursuivre avec ce dossier dans les cinq prochaines années. L'immigration n'arrêtera pas demain matin. L'immigration est là pour rester. Nous avons besoin de l'immigration francophone au Canada. Nous devons travailler avec ces gens et établir des services appropriés afin de leur permettre de travailler dans nos communautés et être des personnes à part entière. Il y a un travail énorme à faire.

M. Racine : Il n'y a pas beaucoup d'aînés qui proviennent des communautés. Cela viendra. Ce sont plutôt de jeunes familles qui arrivent. Je peux cependant vous dire que beaucoup d'efforts sont faits pour intégrer ces nouveaux arrivants. Comme Mme Lalonde le mentionnait, cela fait partie de nos communautés.

M. Baril : J'ai visité le Collège Éducacentre dont parlait Mme Lalonde. C'est presque les Nations Unies. Il y avait des gens de partout. Ces gens-là me disaient : « Cet endroit, c'est important pour moi, pour mon intégration dans la communauté. La seule langue canadienne que j'ai, c'est le français et cela me permet de m'intégrer à la communauté. »

Notre président, le Dr Brian Conway, dans le cadre des projets financés par la société, a instauré un volet francophone dans une clinique communautaire du Downtown Eastside, le Pender Community Health Centre. Le Dr Conway s'est aperçu que dans son réseau, dans ce quartier-là, il y avait trois ou quatre médecins francophones, parfois avec un nom anglais, mais perdus dans le grand système de la santé anglophone. Si on ne va pas les chercher et qu'on ne leur fournit pas un encadrement ou un volet spécial francophone, ces gens vont parfois traiter des clients francophones en anglais. Il s'est aperçu que sans beaucoup d'efforts, c'était possible de mobiliser des ressources professionnelles francophones dans le système. Tout ce qu'il faut, c'est leur créer une plateforme pour desservir leur clientèle en français.

[Traduction]

Le sénateur Jaffer : J'ai cru comprendre que dorénavant vous allez faire rapport de la situation en matière de santé mentale, et je vous demanderais également d'examiner la situation des nouveaux arrivants francophones. Merci.

[Français]

Le sénateur Champagne : Si vous permettez, je voudrais revenir brièvement sur ce que mon collègue de la Nouvelle- Écosse nous disait tout à l'heure. Effectivement, il y a quand même eu une augmentation de 55 millions entre ce qui se donnait et ce qu'on a aujourd'hui. Vous disiez à quel point, avec l'argent que vous receviez auparavant, sur le plan des réseaux, vous avez fait des tas de choses absolument extraordinaires.

Ce qui me réjouit davantage, c'est ce que Santé Canada nous a présenté il y a environ trois semaines. Le ministère a fait une présentation aux francophones le 2 février et une aux anglophones le 5 février. On voit que ces sommes d'argent sont là, mais les programmes eux-mêmes auxquels les gens vont pouvoir s'accrocher ne sont pas encore vraiment définis et présentés. Le programme de contribution pour les langues officielles en santé, la description du programme et la stratégie de mesure du rendement, tout cela m'encourage beaucoup. On va élaborer différentes sortes de programmes, mais on va aussi prévoir une façon de mesurer leur efficacité, à savoir si on s'est trompé ou si on fait bonne route. Est-ce que j'ai tort de voir un certain espoir? Les gens disent qu'ils ne peuvent pas obtenir de services en français à cause du manque de professionnels. On parlait de recrutement plus tôt. Les « mesures positives », c'est la même chose : le développement, la promotion de la dualité linguistique en matière de santé, l'élaboration et la mise en œuvre des politiques et des programmes.

Est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction? Est-ce qu'on peut être encouragé?

Mme Lalonde : Oui, vraiment on est dans la bonne direction. Les cinq dernières années nous ont démontré qu'un travail extraordinaire a été fait pour l'amélioration de l'accès aux services de santé en français, autant au niveau du réseautage que de la formation des professionnels de la santé. Il s'agit vraiment de la capacité de continuer à faire cela dans les cinq prochaines années et de réévaluer après tout ce temps. Car en regard des cinq dernières années, nous avons aussi eu des évaluations très précises qui nous ont démontré qu'on progressait et qu'on avait plus de professionnels de la santé dans nos communautés francophones en situation minoritaire qui offraient des services comme tels. On avait plus de services de santé en français qui étaient accessibles à nos communautés. Donc, un travail extraordinaire a été fait.

Je regarde l'avenir et je me dis que ce qu'on met en place aujourd'hui et qu'on continuera à mettre en place dans les cinq prochaines années ne peut qu'être profitable pour nos communautés francophones et la santé de ces individus, car il y a un lien entre la santé, la langue et la culture. Et le but ultime, c'est vraiment que la santé de nos populations francophones soit meilleure qu'elle l'est dans le moment.

Le sénateur Champagne : On parlait de cette résidence qui est en décrépitude, qui a des problèmes majeurs. Après 40 ans, d'habitude, c'est normal. Je vois, par exemple, le Chez-Nous des Artistes, que j'ai ouvert en 1984. Cela ne fait pas 40 ans qu'il existe et certaines choses ont besoin d'être rénovées.

Je pense que c'est la bonne année. Le budget, nous le croyons et nous l'espérons, sera accepté par nos collègues libéraux au cours de la prochaine semaine. C'est peut-être la bonne année pour faire de la rénovation, que ce soit via le ministère de la Famille et des Aînés. C'est la bonne année en ce moment, car il y a de nouveaux programmes qui aideront sûrement. Si vous êtes en contact avec nos amis de Maillardville, que je n'ai pas vu depuis un an, dites-leur que le moment est peut-être propice et que nous serons ravis de leur donner un coup de pouce pour faire les rénovations qui s'imposent.

M. Baril : Je comprends que vous offrez votre aide.

Le sénateur Champagne : Je pourrai sûrement ouvrir la bonne porte.

Le sénateur Tardif : Par rapport à la question de l'évaluation. Y a-t-il eu évaluation des résultats dans l'ancien plan d'action? Êtes-vous au courant si une évaluation des résultats a été faite?

Mme Lalonde : Dans l'ancien Plan d'action, les évaluations ont été faites comme suit : il y a eu une évaluation sommative du programme du Consortium du programme national de formation en santé et une évaluation sommative des programmes de la Société Santé en français. Le Bureau d'appui aux communautés de langue officielle à Santé Canada a fait une évaluation sommative de son programme pour les communautés francophones et anglophones du Québec. Donc, ces évaluations ont démontré que beaucoup de bonnes choses ont été faites. On a regardé comment on pourrait, dans les prochaines années, aller chercher des informations plus précises qui nous permettraient de mieux évaluer la question de l'accès aux services. Parce que vous savez, c'est très complexe. On n'a pas toujours les données en ce qui concerne nos communautés francophones en situation minoritaire, parce que les variables linguistiques ne sont pas toujours demandées pour nos communautés francophones. Mais il y a quand même un effort supplémentaire qui sera fait durant les cinq prochaines années afin qu'on puisse faire de plus en plus de recherches pour appuyer ce qu'on fait.

Le sénateur Tardif : Pour le moment, vous n'avez pas reçu de détail comme tel par rapport à la Feuille de route en regard de votre Plan de travail?

Mme Côté : Oui, on a reçu énormément de détails en ce qui concerne le processus d'évaluation qui sera mis en place pour les quatre prochaines années et cela commence avec les activités des bénéficiaires, jusqu'à l'élaboration d'indicateurs de rendement sur les quatre prochaines années.

Le sénateur Tardif : Ils sont clairs?

Mme Côté : Ils sont élaborés en mots, mais là il faut les négocier avec le Bureau d'appui, parce qu'on veut s'assurer qu'on mesurera les choses qu'on peut mesurer, en considérant la capacité de faire des réseaux, parce que comme je vous ai dit tout à l'heure, certains réseaux, se résument à une personne. Alors l'évaluation, c'est une chose, mais il faut que les réseaux puissent être capables de mesurer ces choses.

Le sénateur Tardif : Je vous remercie.

La présidente : Madame Côté, est-ce que nous pourrions recevoir un exemplaire de ces évaluations? Pourriez-vous le faire parvenir au greffier du comité?

Mme Côté : Les évaluations sommatives qui ont été faites?

La présidente : Ce serait bien d'avoir celle qui ont été faites et celles qui vous sont demandées. Le comité pourra les lire attentivement et mieux comprendre votre réalité.

Mme Côté : On peut communiquer l'évaluation sommative qui a été faite et l'évaluation requise actuellement, et qui fait partie du programme de contribution dont le sénateur Champagne faisait mention.

Le sénateur Fortin-Duplessis : La Feuille de route identifie trois groupes vulnérables en matière d'accès aux soins de santé lorsque les gens sont en minorité. Il y a les enfants et les jeunes. On a parlé beaucoup des personnes âgées, mais très peu des enfants et des jeunes. Si vous pouviez brièvement nous décrire les défis particuliers que vivent les groupes des enfants et des jeunes, et les solutions que vous aimeriez apporter pour régler ce problème.

Mme Côté : Les besoins de la petite enfance, des jeunes, des personnes âgées, des femmes, des hommes et de toutes les strates des communautés francophones minoritaires au Canada sont très bien connus par les communautés elles- mêmes et cela fait des années qu'il y a des projets qui sont présentés à la société pour régler ce genre de problématique.

On a déjà en banque 30 projets intégrateurs qui attendent le financement pour passer à la mise en œuvre depuis 2007. On est prêts à partir dans cette banque de projets intégrateurs. Il y en a qui touchent à tous les domaines qui vont de la petite enfance aux personnes âgées en passant par les communautés de pratique pour appuyer les professionnels de la santé. On n'est pas inquiets à ce niveau. Quand on fera des appels d'offres, on est presque certains à 100 p. cent que les gens chercheront à combler les priorités qui ont été identifiées dans la Feuille de route. Ce ne sont pas les projets qui manqueront dans ces catégories, on en a convaincu.

La présidente : Alors sur ce, s'il n'y a plus de questions, j'aimerais très sincèrement, au nom du comité, remercier les personnes qui ont témoigné cet après-midi. Cela vous a été demandé à la dernière minute et vous êtes venus fidèlement et courageusement rencontrer le comité. C'est très apprécié, et je vous remercie très sincèrement.

La séance est levée.


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