Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 3 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 23 mars 2009
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 heures pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité.
J'aimerais vous présenter les membres du comité présents aujourd'hui. Je vais commencer à mon extrême gauche : le sénateur Gérald Comeau, de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Andrée Champagne, du Québec, vice-présidente de notre comité, et le sénateur Fortin-Duplessis, également du Québec. À ma droite : le sénateur Mobina Jaffer de la Colombie- Britannique, le sénateur Claudette Tardif, de l'Alberta et le sénateur Rose-Marie Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick.
Nous accueillons aujourd'hui le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, l'honorable James Moore, ainsi que les gens qui l'accompagnent, Mme Judith LaRocque, sous-ministre, M. Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, et M. David Robinson, directeur général du Secrétariat fédéral des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010.
Je vous souhaite la bienvenue.
Le ministre comparaît devant le comité aujourd'hui pour donner son point de vue comme ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles sur différents enjeux en matière de langues officielles.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le développement et l'épanouissement de ces communautés sont le cœur de toute discussion et du travail de ce comité. Le comité vous remercie sincèrement d'avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole.
L'honorable James Moore, C.P., député, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles : Madame la présidente, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et je vous remercie de l'invitation. J'ai beaucoup de respect pour ce comité qui jouit d'une excellente réputation sur la Colline étant, un comité qui travaille fort et d'une manière non partisane pour l'avenir des langues officielles au Canada.
Je suis ici pour vous parler de ce que je veux réaliser au cours des prochains mois dans le dossier des langues officielles et pour jeter les bases d'une relation de travail fructueuse.
J'aimerais tout d'abord vous dire à quel point j'ai été honoré que le premier ministre me confie le dossier des langues officielles, d'abord en tant que secrétaire d'État et puis en tant que ministre. C'est un dossier de première importance pour moi.
Dans ma propre famille, le français occupe une place centrale. Il y a 30 ans, mes parents ont déterminé qu'il était important d'enseigner le français en Colombie-Britannique. Ils étaient bien en avance sur leur temps dans notre province. Ils croyaient que la clé pour unifier notre pays était la communication. Ils nous ont donc inscrits dans une école d'immersion française, mes deux sœurs et moi, et ce, dès la maternelle. Aujourd'hui, je leur en suis plus reconnaissant que jamais. C'est avec beaucoup de fierté que je fais partie du nombre croissant de Canadiens qui parlent français. Nous sommes 9,6 millions de francophones et francophiles au pays.
[Traduction]
Aujourd'hui, ma capacité de parler français et anglais est un véritable atout pour moi. Cela me permet de comprendre parfaitement notre société et les aspirations de ses citoyens. Je comprends les espoirs et les préoccupations de l'ensemble des Canadiens. Et je peux apprécier toute la richesse culturelle des communautés anglophones et francophones de tout le pays.
À titre de ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, je suis responsable des Programmes d'appui aux langues officielles et de la coordination de l'action gouvernementale en langues officielles.
[Français]
Depuis juillet dernier, j'ai rencontré plusieurs représentants des communautés de langues officielles incluant les membres du comité organisateur du prochain Congrès mondial acadien. Nous avons investi, jusqu'à maintenant, plus de 4 millions de dollars dans ce congrès.
J'ai également pris part à des tables rondes réunissant des chefs de file des communautés à Vancouver, Moncton et Edmonton.
J'ai assisté à l'ouverture des Jeux de la Francophonie canadienne à Edmonton en août dernier.
J'ai pris part à Francoforce, d'abord à Québec puis à Dieppe. Mon collègue, Steven Blaney, m'a représenté lors du passage des Francoforce, à Ottawa. Francoforce m'a permis de découvrir une relève francophone talentueuse, audacieuse et fière de ses origines. J'ai aussi eu la chance de discuter avec des jeunes qui apprennent leur deuxième langue officielle ainsi qu'avec d'autres qui poursuivent leurs études universitaires en français dans une communauté en situation minoritaire.
En fait, j'annonçais une contribution supplémentaire de 1 215 000 $ à l'Université Simon Fraser, il y a moins d'un mois, en appui au Bureau des affaires francophones et francophiles de la Colombie-Britannique. L'investissement total de notre gouvernement dans ce bureau totalise plus de 6,5 millions de dollars. Grâce à ce bureau, francophones et francophiles de ce coin de pays font bien plus que poursuivre leurs études postsecondaires en français, ils demeurent dans la province, ils affirment leur attachement à la langue française et à la culture francophone et surtout, ils continuent de contribuer de plusieurs façons à la vitalité de leur communauté.
Je considère les besoins des communautés de langues officielles dans toutes mes décisions. Par exemple, quand j'ai créé le Fonds des nouveaux médias du Canada, je me suis assuré que les communautés gardent une enveloppe réservée.
À plus petite échelle, j'ai eu l'occasion d'annoncer, au début de mars, l'octroi d'un appui financier au 20e Festival du Bois de Maillardville. Cette communauté que je connais bien fête cette année son centenaire. Il s'agit de la plus ancienne communauté francophone à l'ouest des Rocheuses.
Ce n'est évidemment pas le seul anniversaire important au pays en 2009.
[Traduction]
Comme vous le savez, la Loi sur les langues officielles célèbre ses 40 ans cette année. C'est un anniversaire qui représente un véritable jalon. Car la Loi sur les langues officielles a été une excellente initiative pour faire valoir les droits des Canadiens et leur ouvrir de nouvelles possibilités. La reconnaissance de nos deux langues officielles a toujours fait partie de ma vie et de mon pays.
Notre dualité linguistique est une richesse, et nous voulons profiter de cet anniversaire pour sensibiliser les Canadiens aux avantages dont ils jouissent en possédant deux langues officielles de calibre international.
[Français]
L'année 2009 sera cruciale pour ceux qui oeuvrent dans le domaine des langues officielles. Notre gouvernement continue de concrétiser les engagements qu'il a pris en juin dernier en annonçant la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne. Je peux vous dire que beaucoup de travail a été consacré à l'élaboration de la Feuille de route. Nous avons tenu compte des perspectives d'un très grand nombre d'intervenants.
Nous nous sommes inspirés des travaux des comités et des rapports du commissaire aux langues officielles. Nous avons aussi tenu compte des recommandations du rapport de Bernard Lord ainsi que des résultats du Sommet des communautés francophones et acadienne.
La Feuille de route est un document d'une grande ampleur et d'une importance capitale. Elle définit l'approche globale du gouvernement du Canada en matière de langues officielles tout en présentant nos objectifs et nos stratégies. Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le réitère aujourd'hui, notre gouvernement est déterminé à respecter son engagement à livrer intégralement aux Canadiens les initiatives annoncées dans la Feuille de route. Notre investissement est sans précédent, c'est 1,1 milliard de dollars sur cinq ans. Pour 2008-2009, nous prévoyons verser plus de 180 millions de dollars, auxquels s'ajoutent 15 millions de dollars additionnels réservés dans le budget de 2007 pour les activités des communautés de langues officielles.
[Traduction]
En fait, le financement versé dans le cadre de la Feuille de route fait déjà l'objet d'annonces dans les secteurs que nous estimons prioritaires : la santé, la justice, l'immigration, le développement économique ainsi que les arts et la culture. Le travail de mise en oeuvre se fait bel et bien, je vous l'assure.
Le Plan d'action économique présenté dans le budget de 2009 témoigne de l'engagement de notre gouvernement en faveur des arts, de la culture et du patrimoine. Ce plan réserve une somme inégalée de 540 millions de dollars pour apporter un appui à ce secteur, tout en constituant un excellent investissement économique.
[Français]
La culture est aussi une composante nouvelle et importante de la Feuille de route. Il y a trois jours, dans le cadre des rendez-vous de la Francophonie à Vancouver, j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'annoncer la mise en œuvre du Fonds de développement culturel. Grâce à ce fonds, nous répondons à certaines demandes exprimées par les communautés. Ce fonds bénéficiera d'un budget de 14 millions de dollars sur quatre ans. Il viendra appuyer et renforcer les arts, la culture et le patrimoine au sein des communautés anglophones et francophones vivant en situation minoritaire. Il favorisera la construction identitaire et le sens d'appartenance au sein de ces communautés et il permettra aux Canadiens de partout de mieux connaître la diversité et la vitalité de la scène culturelle des communautés de Whitehorse à Moncton en passant par Saint-Boniface et Lennoxville.
Récemment, j'ai aussi eu le plaisir d'annoncer plus de détails pour le programme national de traduction pour l'édition du livre. À partir du 1er avril, notre gouvernement investira cinq millions de dollars sur quatre ans pour aider les éditeurs du Canada à traduire des ouvrages littéraires d'auteurs canadiens en français et en anglais. Avec ce programme, nous voulons donner accès à l'immense richesse culturelle et littéraire de notre pays au plus grand nombre de Canadiens possible.
Dans le secteur de la santé, je tiens à souligner que, aujourd'hui même, Colin Carrie, le secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, a annoncé un appui additionnel de quatre millions de dollars au Consortium national de la formation en santé. Cet appui aidera les étudiants francophones à poursuivre des études postsecondaires dans ce domaine.
Je tenais aussi à vous parler d'éducation, car c'est un élément majeur de la Feuille de route. L'éducation est un secteur où le gouvernement collabore de longue date avec les partenaires. En fait, depuis près de 40 ans, le gouvernement du Canada offre une aide financière aux provinces et aux territoires pour les aider à s'acquitter de leurs responsabilités en matière d'enseignement dans la langue de la minorité. Pour la dernière année complète, les investissements en éducation se sont élevés à 288 millions de dollars. Ces fonds vont à l'éducation dans la langue de la minorité à l'apprentissage de la langue seconde.
Les ententes en matière de services et d'éducation entre notre gouvernement et les 10 provinces et trois territoires doivent être renouvelés cette année. Cela nous permettra de poursuivre la collaboration tout en remplissant notre engagement d'assurer une mise en œuvre de la Feuille de route qui tient compte des spécificités régionales.
Il importe que les Canadiens aient la possibilité d'approfondir leur maîtrise du français et de l'anglais tout au long de leur cheminement scolaire du primaire jusqu'au secondaire. C'est ce que nous visons lorsque nous collaborons avec les gouvernements provinciaux pour que des projets d'agrandissement de centres scolaires communautaires profitent à nos plus jeunes. Je pense notamment au centre communautaire Sainte-Anne à Fredericton, duquel notre gouvernement a appuyé l'agrandissement avec une contribution totale de plus de 6,6 millions de dollars.
En somme, notre gouvernement demeure fermement engagé en faveur de nos communautés et de la dualité linguistique. J'ai la ferme intention de continuer à travailler avec tous les intervenants, avec les communautés et avec les gouvernements provinciaux et territoriaux dans l'intérêt des Canadiens et partout au pays.
[Traduction]
Nous nous sommes engagés à mettre en oeuvre la Feuille de route, à renouveler les ententes et à mettre en place le Programme d'appui aux droits linguistiques. Nous sommes à moins d'un an des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 à Vancouver — et c'est la raison principale de la présence aujourd'hui de M. Robinson. Dès le début de la planification des jeux, le respect et la promotion de nos deux langues officielles ont été une priorité pour notre gouvernement.
[Français]
L'étude que le commissaire aux langues officielles a présentée en décembre dernier exprime bien que les Jeux de 2010 sont pour le Canada une occasion de faire valoir notre dualité linguistique.
Enfin, notre gouvernement ne vise rien de moins que des « jeux modèles » en matière de langues officielles en 2010. Je vous assure que notre gouvernement et tous nos partenaires travaillent d'arrache-pied pour que les Jeux d'hiver de 2010 soient des jeux pour tous les Canadiens. Nous venons justement de présenter le prototype du flambeau olympique. Le relais de la flamme est, à mon avis, un des plus beaux témoignages du caractère pancanadien des jeux. Son parcours reliera un millier de communautés, tant anglophones que francophones, et pendant les jeux, les Canadiens pourront être témoins des exploits de nos athlètes dans la langue officielle de leur choix.
En conclusion, comme vous pouvez le constater, l'année s'annonce chargée. Je sais que beaucoup de travail a été réalisé jusqu'ici dans le domaine des langues officielles. En tant que ministre responsable des langues officielles j'ai la chance de compter sur une secrétaire parlementaire pour les langues officielles pleinement engagée dans ce dossier. Shelly Glover, qui m'accompagne aujourd'hui, me représente fièrement dans le cadre de diverses activités et je suis heureux de pouvoir compter tant sur sa connaissance des réalités des communautés de langues officielles que sur sa volonté de promouvoir notre dualité linguistique.
J'aimerais faire appel à vos compétences pour aider le gouvernement à explorer des pistes d'action qui nous permettront d'encourager plus de Canadiens à maîtriser leurs deux langues officielles et à les utiliser régulièrement. Je souhaite travailler efficacement avec vous et avec nos partenaires, au gouvernement et à l'extérieur, pour faire en sorte que la dualité linguistique du Canada continue de profiter à tous les Canadiens. Je vous remercie, je suis prêt à répondre à vos questions.
La présidente : Monsieur le ministre, je vous remercie. Nous allons immédiatement passer aux questions des sénateurs; j'aimerais toutefois vous rappeler, chers collègues, que le ministre doit partir à 16 h 55, je vous demanderai donc de poser des questions précises et ciblées.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au comité et je tiens à vous dire, moi qui suis de la Colombie-Britannique, que je suis très fière de vos antécédents et de la vision qu'avaient vos parents. J'espère que, à l'avenir, davantage d'habitants de la Colombie-Britannique parleront couramment le français comme vous.
En ce qui concerne l'importante communauté immigrante et les nombreux néo-Canadiens dont la première langue est le français, j'aimerais que vous nous disiez ce que vous faites actuellement pour les inclure dans les Jeux olympiques, surtout en Colombie-Britannique. Comme vous le savez, nous avons une grande communauté immigrante francophone dans cette province. Je voudrais également savoir quels programmes ministériels il existe à l'heure actuelle qui peuvent aider les francophones hors Québec à s'intégrer dans la collectivité?
M. Moore : S'agissant des Jeux olympiques de 2010, vous n'êtes certainement pas sans savoir que la participation des communautés de langue officielle en situation minoritaire est l'une des conditions rattachées aux crédits approuvés par le Parlement pour le parcours de la flamme olympique — d'ailleurs, ce parcours de 46 000 kilomètres est le plus long parcours dans toute l'histoire des Jeux olympiques; des représentants des communautés de langue officielle en situation minoritaire seront présents le long du parcours — et il s'agit de représentants des communautés à la fois francophones et anglophones — afin de bien communiquer le message que ce sont les Jeux olympiques du Canada.
En Colombie-Britannique, nous sommes au courant des Jeux olympiques depuis un bon moment et avons donc eu l'occasion de nous enthousiasmer pour cette importante manifestation sportive. Malheureusement, on a l'impression en Colombie-Britannique que l'enthousiasme que suscitent les Jeux olympiques chez nous n'a pas encore autant conquis la population de l'est du pays que nous l'aurions souhaité. Le parcours de la flamme olympique a été annoncé tôt — pendant l'automne — en vue justement d'enthousiasmer la population, et nous voulons faire participer, pas seulement les membres des diverses communautés, mais les artistes de tous types aux célébrations qui vont avoir lieu tout au long du parcours. La flamme olympiques fera escale dans 100 collectivités différentes au Canada et nous tenons à ce que les communautés de langue officielle en situation minoritaire participent aux activités.
Comme j'ai souvent l'occasion de le rappeler à nos collègues du Bloc québécois à la Chambre des communes, qui se plaisent à attaquer les Jeux olympiques de 2010 en disant que c'est une manifestation sportive qui coûte trop cher, les jeux représentent une occasion en or pour le Canada, pas seulement du point de vue de nos langues officielles, mais aussi sur le plan artistique. Le fait est que 3,2 milliards de personnes regarderont les cérémonies d'inauguration des Jeux olympiques et paralympiques de 2010. Ce sera une belle vitrine pour nos artistes de toutes les régions du Canada : des jeunes, des artistes autochtones, francophones et anglophones auront l'occasion de présenter l'histoire du Canada dans les deux langues officielles au BC Place Stadium. Ils participeront également au parcours de la flamme olympique.
Comme j'ai également l'occasion de le rappeler à mes collègues du Bloc québécois, les deux tiers des athlètes seront de la province de Québec. Il s'agit donc d'un véritable effort pancanadien qui, selon moi, saura unifier le pays à un moment où nous avons besoin, non seulement d'un plan de relance économique, mais aussi d'une bonne dose de fierté et de patriotisme canadien. Les Jeux olympiques de 2010 seront un moment phare pour le Canada, et les membres des collectivités de langue officielle en situation minoritaire seront présents.
Votre deuxième question portait sur les programmes d'appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. À l'heure actuelle, il existe plusieurs programmes. L'un des plus important et des plus efficaces est...
Le sénateur Jaffer : Pourrais-je vous interrompre? Comme je sais que beaucoup d'autres sénateurs ont des questions à vous poser, j'aimerais vous inviter à me répondre par écrit. Une réponse écrite sera suffisante. J'ai une autre question à vous poser.
M. Moore : Je peux vous dire rapidement que nous faisons beaucoup de choses dans ce domaine.
Le sénateur Jaffer : Je vous remercie, et nous allons d'ailleurs vous demander de revenir un autre jour. Je suis contente de voir que vous insistez beaucoup sur votre vision et celle du comité car nous ne voulons pas, nous qui sommes de la Colombie-Britannique, qu'on puisse nous reprocher de ne pas avoir respecté le patrimoine qui existe en Colombie-Britannique en matière de dualité linguistique.
Nous devons donc nous assurer de bien représenter cette dualité linguistique. Je sais que le Commissaire des langues officielles a souvent abordé la question de la traduction et de l'expertise du Bureau de la traduction dans ce domaine. Je crois savoir qu'il existe actuellement un écart de financement de 1,5 million de dollars et que le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 — le COVAN — a demandé au gouvernement fédéral de l'aider à combler cet écart.
Que faites-vous donc pour vous assurer que cet écart de financement sera comblé?
M. Moore : Sénateur Jaffer, il suffit de regarder les analyses effectuées au sujet des efforts déployés par le COVAN dans le dossier des Jeux olympiques de 2010, efforts qui ont été couronnés de succès. Au cours de la dernière législature, c'est David Emerson qui était le ministre responsable des Jeux olympiques de 2010. J'étais son secrétaire parlementaire. Il est vrai que, par moments, le COVAN tenait des conférences de presse sans avoir quelqu'un parmi eux qui puisse s'exprimer en français, ce qui a beaucoup déçu de nombreux Canadiens. Le COVAN reconnaît que c'était une erreur.
Par contre, au fil du temps, le COVAN a réalisé de très grands progrès sur ce plan-là, pas seulement pour le parcours de la flamme olympique et la cérémonie d'inauguration, mais aussi au niveau des investissements qu'il a faits en vue de s'assurer que le personnel des Jeux olympiques de 2010, et les jeux en général, seront parfaitement bilingues. Aussi nous aurons la capacité de diffuser les Jeux olympiques dans les deux langues officielles. Des bénévoles seront également présents pour les Jeux olympiques.
Je ne sais pas si M. Robinson voudrait ajouter quelque chose en ce qui concerne les progrès réalisés sur le plan des langues officielles en prévision des Jeux olympiques de 2010, mais je peux vous assurer que ces progrès sont substantiels, comparativement à la situation au départ.
David M. Robinson, directeur général, Secrétariat fédéral des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010, Patrimoine canadien : Dernièrement, le COVAN, c'est-à-dire le Comité d'organisation des Jeux olympiques de Vancouver, a mis la dernière main à sa version finale du plan d'activités. Nous sommes actuellement en train d'examiner ce plan. Les engagements du COVAN en matière de langues officielles sont bien définis dans le contrat qu'il a signé avec nous, ce qu'on appelle l'entente multipartite. Cette dernière présente en détail l'ensemble des obligations du COVAN. Nous sommes en train d'examiner ces obligations en vertu de l'Entente multipartite et de nous assurer que les ressources prévues sont suffisantes. Nous allons bientôt faire part au ministre de nos conclusions à ce sujet.
Le sénateur Jaffer : Je vous remercie pour cette mise à jour. Toutefois, je crois savoir qu'il existe un écart de financement de 1,5 million de dollars et que le COVAN a besoin de cette somme additionnelle, en plus des crédits déjà engagés, pour être en mesure de fournir tous les services nécessaires. Le ministre compte-t-il lui assurer ce financement?
M. Moore : Je ne suis pas au courant d'un écart de financement.
John Furlong, du COVAN, était à Ottawa il y a une dizaine de jours. Nous avons eu une bonne réunion et il m'a expliqué en détail tout ce qu'a fait le COVAN jusqu'à présent.
Nous sommes au courant des préoccupations exprimées par certains responsables des communautés de langue officielle en situation minoritaire hors Québec. Des radiodiffuseurs au Québec, soit CTV, TQS, RDS et RIS, diffuseront les Jeux olympiques dans les deux langues officielles. Il reste que certains ont exprimé des inquiétudes au sujet de la dynamique en dehors du Québec, bien que ces personnes soient de plus en plus rares et que leur nombre diminue rapidement. C'est le Canada qui est l'hôte de ces jeux et je vous assure qu'ils seront présentés dans les deux langues officielles. Le fait est que le français et l'anglais soient les deux langues officielles du CIO est également utile. Je vous assure que les Canadiens seront très bien servis.
[Français]
Le sénateur Champagne : J'ai une question supplémentaire concernant la diffusion des jeux. On me disait la semaine dernière qu'il y avait encore de grandes discussions sur la diffusion des Jeux paralympiques et que ce n'était pas encore réglé entre le COVAN et Globe Media. À Valcartier, la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de rencontrer des athlètes. Il faut peut-être un petit coup de pouce du ministre responsable et du ministre d'État aux sports pour faire en sorte que nos athlètes paralympiques bénéficient aussi de la télédiffusion, qu'on puisse les voir, non seulement sur le podium, pendant 30 secondes aux bulletins de nouvelles, mais aussi, à l'occasion, les voir performer. C'est une suggestion.
M. Moore : Je suis au courant des besoins. On oublie parce qu'aux nouvelles, on mentionne « Jeux olympiques de 2010 ». C'est « Jeux olympiques et paralympiques ». L'infrastructure pour les Jeux paralympiques est très importante, de même que la télédiffusion. L'infrastructure prévue pour la télédiffusion pour les Jeux olympiques sera utilisée pour les Jeux paralympiques. Je sais que plusieurs sont préoccupés à ce sujet.
Judith A. LaRocque, sous-ministre, Patrimoine canadien : Madame la présidente, la semaine dernière, nous avons eu l'occasion de rencontrer CTV, le radiodiffuseur des Jeux, et nous avons posé cette même question. On nous a dit que l'entente pour la radiodiffusion des Jeux olympiques est une entente avec le comité olympique. Cependant, c'est le Comité organisateur des Jeux olympiques de Vancouver qui possède les droits pour la diffusion des Jeux paralympiques. Il s'agit d'une entente séparée. Les membres de ce comité anticipent la même qualité de couverture médiatique, mais ils n'étaient pas encore rendus là. Ils ont nommé Rick Hansen comme conseiller spécial qui les aidera à mener à bien la couverture des Jeux paralympiques. Alors, nous sommes tous sur la même longueur d'onde.
Le sénateur Champagne : Comptons sur nos ministres pour les pousser dans le dos un peu!
M. Moore : Le centre médiatique à Vancouver est sans pareil dans l'histoire des Jeux olympiques.
Le sénateur Tardif : Monsieur le ministre, je tiens d'abord à vous féliciter pour votre nomination en tant que ministre et aussi pour votre engagement envers le français, une de nos deux langues officielles au pays. Vous avez mentionné, dans votre présentation, des projets qui avaient été financés dernièrement. Cela me semble être des annonces en pièces détachées. Les communautés attendent depuis juin 2008 des détails sur la mise en œuvre de la Feuille de route. Quand pourrons-nous obtenir plus d'informations à ce sujet?
M. Moore : La Feuille de route, c'est 1,1 milliard de dollars sur cinq ans. Dans le cahier, il y a tous les détails sur la distribution de l'argent. Nous allons renforcer notre engagement à ce sujet. Il y a 17 millions de dollars pour l'Agence de la fonction publique au Canada...
Le sénateur Tardif : Est-ce que je pourrais vous interrompre? Est-ce que nous avons tous reçu cette information?
M. Moore : La Feuille de route est sur notre site web.
Le sénateur Tardif : Avons-nous des informations quant aux ententes Canada-communautés?
M. Moore : Les ententes?
Le sénateur Tardif : Les ententes Canada-communautés qui viennent à terme en mars 2009?
Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, Patrimoine canadien : Les ententes Canada-communautés peuvent être fournies lors de discussions tant avec le réseau francophone hors Québec qu'avec le réseau anglophone du Québec. Les ententes établissent un mode de collaboration avec les communautés. À moins qu'on renouvelle la collaboration, si les deux parties continuent à vouloir s'entendre sur la façon dont elles se réalisent, la collaboration se poursuit.
Le sénateur Tardif : Est-ce que le financement a été bonifié?
M. Lussier : Le financement est appliqué aux niveaux qui existent à l'heure actuelle pour l'année financière qui se termine.
Le sénateur Tardif : Quant à la question des « mesures positives », monsieur le ministre, lorsqu'on a posé la question la dernière fois — vous n'étiez pas ministre à ce moment-là —, on nous a dit qu'on ne pouvait pas répondre parce que c'était devant le commissaire aux langues officielles. Maintenant que ce cas a été réglé hors cour, avez-vous donné une définition plus précise à ce que veut dire le terme « mesures positives » dans le cadre de la partie VII de la loi?
Mme LaRocque : Notre définition est que tout ce qui appuie les communautés est une « mesure positive ». Si vous parlez pertinemment de la partie VII et de ce qu'on fait à l'intérieur du gouvernement fédéral, je peux vous donner plus de détails. Il y a eu une vaste campagne de sensibilisation, une tournée d'information et nous avons produit un guide pour tous les fonctionnaires du gouvernement fédéral. Nous pourrons vous le faire parvenir.
Le sénateur Tardif : Je pense qu'on l'a déjà reçu. Je voulais savoir s'il y avait eu des mises à jour de ce guide depuis ce temps. Est-ce que d'autres ministères ont fait état de leurs réalisations? Vous recevez des rapports de chacun des ministères.
Mme LaRocque : Oui, nous recevons des rapports, nous organisons des colloques, les champions se réunissent régulièrement.
M. Lussier : Comme le sous-ministre vient de le mentionner, il y a plusieurs réseaux au sein desquels les notions d'application de la partie VII sont communiquées. Le réseau des champions, qui autrefois s'occupait très peu de la partie VII, le fait très régulièrement. Aussi, mes collègues et moi-même sommes appelés à faire des présentations à ce sujet.
Qu'est-ce que la partie VII? Les ministères qui traditionnellement se sont préoccupés des langues officielles dans le contexte de la langue de travail ou de la langue de services au public, comprennent de plus en plus. Ainsi, le message disant que la partie VII concerne les communautés et toutes les institutions fédérales est passé efficacement.
Le sénateur Tardif : Dans cette définition des « mesures positives » que vous acceptez, croyez-vous que la consultation auprès des communautés est un critère important?
M. Lussier : Oui, certainement.
Le sénateur Tardif : Vous considérez la consultation comme étant un critère important. Dans le cas des critères d'admissibilité au financement sous l'ancien Programme de contestation judiciaire, est-ce que vous consultez les communautés lorsqu'il y a manque de financement ou lorsque le financement n'existe plus?
M. Moore : Le financement demeure accessible pour les engagements déjà existants, mais pas pour les nouveaux engagements. Comme vous le savez, en juillet dernier notre gouvernement a annoncé la création d'un nouveau programme pour les droits linguistiques. Ce programme sera mis en place avant la fin de 2009.
Le sénateur Tardif : Vous vous engagez auprès des intervenants déjà existants sous l'ancien Programme de contestation judiciaire?
M. Moore : Oui, je sais qu'il y a un cas à Edmonton, mais cela ne s'appliquera pas aux nouveaux intervenants. Les cas qui existaient avant l'abolition du Programme de contestation judiciaire continueront à bénéficier du financement.
Le sénateur Tardif : C'est un cas qui les touche de très près, et je ne crois pas qu'ils se considèrent comme étant de nouveaux intervenants.
M. Moore : C'est la politique que notre gouvernement a annoncée en 2006. Notre engagement était clair et nous n'avons pas changé cette politique. On ne va pas financer les nouveaux intervenants.
Le sénateur Tardif : Pourtant, une province voisine aurait été financée par la suite et peut-être que monsieur le ministre voudra examiner cela de plus près.
Le sénateur Comeau : Je remercie le ministre pour les commentaires qu'il a faits à l'égard du comité. Nous essayons de ne pas tomber dans la partisanerie et c'est rare qu'on le fasse. De façon générale, le comité sénatorial permanent des langues officielles fonctionne très bien. Après toutes ces années, je peux vous dire que nous avons toujours à cœur, le bien-être de nos communautés et que nous gardons toujours l'œil sur la balle.
Si je comprends bien, le gouvernement s'engage à consulter les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le cadre de l'élaboration ou de la mise en œuvre des politiques et des programmes. Pour les groupes communautaires, cela signifie qu'ils seront consultés par le ministère et ses fonctionnaires en ce qui concerne les choses qui les concernent.
Mais pour le gouvernement, cela signifie que les groupes communautaires seront consultés de façon globale et non pas sur des questions spécifiques. Est-ce que mon interprétation est juste?
M. Moore : Non, c'est vraiment les deux parce que les questions spécifiques à nos engagements, c'est quelque chose d'important. Quand je suis avec des groupes et des fonctionnaires, il est aussi très important de savoir comment on peut améliorer les choses. On travaille aussi dans les détails. Pour moi qui suis originaire de la côte Ouest du Canada, le fait d'avoir une table ronde avec les représentants de la communauté acadienne au Nouveau-Brunswick pour vraiment savoir ce qui se passe sur le terrain, c'est quelque chose d'important. Ils nous parlent de leur milieu culturel et historique et nous disent ce qu'ils veulent que nous comprenions de leurs communautés.
Le sénateur Comeau : Vous allez au Nouveau-Brunswick, mais un peu plus loin aussi? N'oubliez pas Terre-Neuve.
M. Moore : Oui, jusqu'à Terre-Neuve.
Le sénateur Comeau : J'ai lu une revue de presse récemment qui déplorait le fait que le Programme interministériel avec les communautés de langue officielle, appelé le PICLO, avait été abandonné sans consultations. C'est l'expression utilisée par les groupes qui ont rédigé cette revue de presse. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le PICLO aurait été abandonné sans consulter les communautés?
M. Moore : Il y a eu des consultations à propos desquelles mon sous-ministre pourra vous répondre. Mais les grands objectifs de cette initiative ont été largement atteints, comme l'a démontré l'engagement des institutions fédérales auprès des communautés. Puisqu'il s'agit d'une décision de mon prédécesseur, je ne peux pas commenter à ce sujet.
Mme LaRocque : Bien qu'il soit préférable de faire des consultations à chaque opportunité et lorsque c'est approprié, la décision de mettre un terme au PICLO a été prise dans le cadre de la revue stratégique. Cela a été fait à l'intérieur du budget et le budget, comme nous le savons tous, vient avec toutes sortes de règles de confidentialité, et les décisions sont annoncées seulement une fois que le budget a été approuvé par le Cabinet.
Comme pour toutes les autres décisions de la revue stratégique qui ont été prises, portant sur le ministère du Patrimoine canadien, ce fut impossible malheureusement de faire des consultations préalables.
Le sénateur Comeau : C'est donc dire que des programmes comme le PICLO peuvent être abandonnés sans égard à leur valeur s'ils sont créés à l'intérieur d'une revue ministérielle et ces programmes peuvent être coupés sans consultation avec les gens impliqués.
M. Moore : Plusieurs institutions fédérales ont intégré les objectifs du PICLO et ont atteint leurs buts. Ce programme a été un succès, c'était un projet à durée fixe, ce n'était pas un projet permanent. Il y a toujours des consultations, pas seulement avec les gens qui reçoivent l'argent immédiatement, il y a consultation de la grande scène. Aujourd'hui on sait que le budget de 2009-2010 est un budget anticrise. Et comme vous le savez, ce budget n'est pas notre premier budget anticrise puisque celui de l'an dernier tenait compte des problèmes économiques et de la crise mondiale à venir.
C'est ce que le gouvernement a fait. Non pas seulement avec les gens qui ont reçu cet argent de PICLO, mais aussi dans le contexte de la responsabilité du gouvernement de diriger l'économie plus efficacement.
Le sénateur Comeau : Je comprends. J'aimerais revenir à tout le concept de consultation, surtout sur l'article 41 pour laquelle on a adopté un projet de loi en 2005, indiquant que le gouvernement allait prendre des « mesures positives » avec les communautés en milieu minoritaire du Canada, anglophones au Québec et francophones à l'extérieur.
Je comprends que cela exige une prise de décision. Et parfois c'est une question de budget, il faut couper quelque part. On constate qu'on a des problèmes avec l'économie et avec le budget et voici un des programmes qu'on voudrait couper.
J'essaie de trouver un peu d'équilibre entre, d'une part, les « mesures positives » et, d'autre part, le concept de consultation ou le manque de consultation. Compte tenu des revues de presse dans ces communautés, je pense qu'on peut poser la question : pourquoi pas?
M. Moore : Tout ce que je peux vous dire, comme ministre du Patrimoine canadien et des langues officielles, c'est que nous faisons nos devoirs. Pour ce qui est d'avoir des consultations sur le terrain, c'est pour cela que je ne suis presque jamais chez moi, j'ai oublié la couleur de ma maison. Chaque fois qu'on a des semaines de relâche, à Ottawa, je vais dans d'autres villes. J'ai déjà visité un bout de ce pays. La semaine dernière, j'étais en Alberta, à Banff, à Calgary et à d'autres endroits. Les consultations, ce n'est pas simplement lancer un courriel pour dire « donnez-moi votre opinion; qu'est-ce que vous pensez de ceci », mais c'est faire de vraies consultations; je me rends sur le terrain, dans les édifices des groupes concernés, avec leurs programmes et leurs responsabilités. Ces types de consultations sont vraiment importantes, non seulement pour avoir un sens des décisions immédiates, mais aussi pour avoir une connaissance réelle de la situation d'ensemble concernant nos deux langues officielles partout au pays.
Le sénateur Comeau : Peut-être que, quand une décision est prise, surtout en ce qui concerne le budget — ce serait bon d'avoir quelqu'un à la table. Par exemple, lorsque la décision est prise disant que le PICLO doit être annulé, sans consulter les groupes, il serait bon d'avoir la présence de quelqu'un qui puisse dire au moins quelles vont être les conséquences. J'aimerais bien être assuré que quelqu'un est assis à la table.
M. Moore : Laissez-moi donner à Mme LaRocque l'occasion de parler de ce qui se faisait sous la ministre qui m'a précédée et de la manière dont se faisaient les consultations. Comme gouvernement ou comme ministre, on cherche constamment des manières d'améliorer les situations; pour un gouvernement, ce sera avec des programmes de quelques dollars, de quelques millions ou quelques milliards de dollars. Également, comme individu, on a toujours la responsabilité de chercher des manières de faire les choses plus efficacement. Peut-être que Mme LaRocque peut parler du PICLO et du processus que Mme Verner a mis en œuvre.
Mme LaRocque : Très brièvement, car je sais qu'il y a d'autres questions, la revue stratégique a été un exercice dans lequel nous avons examiné de fonds en combles tous les programmes du ministère. Dans chaque cas nous avons fait l'analyse, nous avons posé certaines questions : est-ce que le programme atteint toujours ses objectifs? Est-ce que c'est toujours la façon de faire les choses? C'est un programme qui était vraiment un incitatif pour d'autres ministères à aller chercher, incorporer les communautés dans leur clientèle quotidiennement.
Avec cinq ans de Plan d'action, maintenant nous regardons devant nous, cinq ans de Feuille de route; il est clair que des progrès ont été faits et que, maintenant, des ministères qui étaient peut-être moins présents, que ce soit Santé Canada ou Industrie Canada, sont beaucoup plus présents auprès des communautés parce qu'ils ont les ressources pour le faire. C'est le genre de questions que nous avons posées.
Comme le ministre le disait, c'était toujours un programme qui avait un début, un milieu et une fin, c'était une façon de faire les choses. Nous avons maintenant évolué et je suis vraiment heureuse de pouvoir vous dire que, de plus en plus, on voit les ministères qui intègrent des communautés. Les communautés viennent toujours nous voir parce que nous sommes vus un peu comme les champions du gouvernement. Ils nous racontent la relation qu'ils ont avec les autres ministères. Si cela va très bien, tant mieux; si on a besoin de poser des gestes pour forcer la note un peu, on le fait. Je crois qu'on réalise qu'il y a d'autres façons de faire les choses que simplement un programme incitatif.
La présidente : Il nous reste environ 12 minutes avec le ministre avant qu'il ne parte. La parole est maintenant au sénateur Fortin-Duplessis. Il y aura ensuite le sénateur Champagne et le sénateur Losier-Cool.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur le ministre, madame et messieurs, soyez les bienvenus. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre intérêt pour ce comité permanent des langues officielles, ainsi que pour le survol que vous avez fait des services que vous gérez par le biais de votre ministère.
Le recensement de 2006 et l'enquête sur la vitalité des minorités de langues officielles font état du vieillissement de la population francophone et d'une poussée démographique au pays, cette dernière étant attribuable à un taux d'immigration plus élevé au cours des dernières années.
Dans un même temps, selon la Société Santé en français, le vieillissement de la population frappe les communautés francophones hors Québec encore plus fort que le reste de la population canadienne. L'enquête témoigne d'un engagement profond de ces francophones hors Québec envers leur langue et de l'importance de recevoir des services dans leur langue.
Monsieur le ministre, à votre avis, est-ce que les provinces et les territoires reconnaissent pleinement l'importance d'assurer l'accès à des ressources et à des soins spécialisés en français pour nos aînés?
Je vous pose la question parce que, lors de nos travaux et on pouvait lire dans les journaux qu'à Toronto, où il y a environ 100 000 francophones et où ces 100 000 francophones peuvent recevoir des soins de longue durée, il y a un centre qui donne des soins bilingues seulement sur un étage; il y a 37 lits et 15 p. 100 offrent des soins dans les deux langues.
De quelle manière le gouvernement fédéral pourrait-il aider les provinces et les territoires à fournir aux aînés francophones des soins de santé spécialisés adéquats en français?
M. Moore : C'est une grande question. Il y a toujours l'opportunité de travailler ensemble. Comme vous le savez, premièrement, à Citoyenneté et Immigration il y a une dynamique spéciale qui existe au Québec; il faut être sensible à cela. Dans notre Feuille de route pour le recrutement et l'intégration des immigrants, nous avons 20 millions de dollars. C'est une augmentation de notre première feuille de route et c'est quelque chose qui est très important. Nous devons aussi travailler avec les provinces. La première partie de votre question était de donner un jugement sur le niveau de service qui existe sur la scène provinciale et territoriale. Il y a des différences entre les provinces. Comme vous le savez, à l'intérieur des différentes provinces, il y a différents niveaux de service et de responsabilité. Par exemple, à Vancouver, le plus grand nombre de nouveaux Canadiens viennent de Chine, de Corée et du Sud de l'Asie, et il n'y a pas une grande migration de francophones. Un gouvernement qui doit être respectueux de notre fait francophone fait des investissements. Il y a un ministère pour la francophonie qui fait son propre travail, nous avons des investissements pour respecter ces engagements.
À la table ronde à Edmonton, il y avait des communautés de l'Afrique, du Rwanda et d'ailleurs, d'héritage francophone. Et lorsqu'on parle des services, cela n'est pas seulement des services gouvernementaux, mais aussi des services de parties de l'extérieur du gouvernement qui font des liens entre le patrimoine d'Afrique et les nouvelles opportunités qui existent au Canada.
Du côté de la santé, c'est un des plus grands investissements de la Feuille de route. La Feuille de route, c'est 1,1 milliard de dollars sur cinq ans; pour la santé, c'est 174,3 milliards de dollars. On a plusieurs exemples, comme vous le savez, Montfort et d'autres endroits, où l'on doit offrir des services dans les deux langues officielles.
À l'hôpital où je suis né, le Royal Colombian Hospital à New Westminster, il y a des services pour la communauté francophone, car dans ma communauté il y a plus de 10 000 francophones.
Alors, avoir des services en français et aider les hôpitaux à offrir les services aux patients dans la langue officielle de leur choix est important.
Mme LaRocque : Nous avons plusieurs projets intéressants qui touchent pertinemment la santé, que ce soit avec l'Université d'Ottawa — l'entraînement des infirmières — ou avec la Cité collégiale, entre autres. Cela se vit différemment à travers le pays. À Moncton, il y a peut-être moins de difficulté à obtenir les services en français qu'ailleurs. Nous sommes au courant que c'est un réel besoin futur. Moi autant que vous, je vais passer par là. Je voudrais également obtenir mes services de santé en français. Nous essayons de réagir à la réalité provinciale. Nous avons des sommes pour le faire et Santé Canada, par l'entremise de la Feuille de route, a aussi des sommes importantes à investir.
M. Moore : Nous avons une enveloppe de 36 millions de dollars par année pour les communautés de langues officielles en situation minoritaire pour assurer leur développement et pour qu'elles aident les nouveaux Canadiens avec leurs difficultés sur le terrain. J'ai un bureau à Vancouver et un à Ottawa. Je ne peux connaître tous les besoins et toutes les préoccupations qui existent dans toutes les provinces et tous les territoires. C'est important pour le gouvernement de donner les fonds aux organisations sur le terrain qui comprennent très bien les préoccupations qui existent pour les nouveaux Canadiens et les services gouvernementaux et non gouvernementaux dont ils ont besoin. C'est pour cela que nous avons ce montant sans précédent dans la Feuille de route pour aider les organismes sur le terrain.
La présidente : Monsieur le ministre, je sais que vous devez nous quitter dans moins de cinq minutes. Est-ce que certains de vos fonctionnaires peuvent rester quelques minutes de plus pour les sénateurs qui n'ont pas encore eu le temps de poser leurs questions?
Mme LaRocque : Avec plaisir.
Le sénateur Champagne : Au moins, monsieur le ministre, nous ne vous avons pas fait subir un « quiz » épouvantable en vous demandant de nommer toutes les icônes du monde culturel québécois!
M. Moore : J'ai répondu à presque la moitié des questions.
Le sénateur Champagne : Il y a une chose qui me rend la vie difficile et peut-être que vous, madame LaRocque, tenez le fil d'Ariane. Ce document sur la Feuille de route, j'ai su qu'il existait il y a trois semaines, un mois peut-être.
M. Moore : Celui-ci?
Le sénateur Champagne : Celui-là. Je ne savais pas que cela avait été imprimé. C'est moi qui ai appelé à votre bureau, je l'ai fait venir et je l'ai distribué à certains de mes collègues. Personne ne l'avait reçu. Je suis membre du comité et je ne l'avais pas reçu. Je trouve que nous avons des problèmes à être informés.
[Traduction]
J'ai lu que votre secrétaire parlementaire a récemment fait une annonce au sujet de la Fondation Historica du Canada et une augmentation du financement du programme destiné aux jeunes.
Je ne sais pas du tout de quoi il s'agit. Je n'ai jamais reçu de documentation à ce sujet.
[Français]
Vous avez parlé tout à l'heure de la traduction qui entre au 1er avril. Mais les tenants et aboutissants, les critères, nous ne les avons pas. Là-dedans, j'ai appris par exemple que Termium devait être offert au public gratuitement. Tous les Canadiens intéressés à ce qui se passe aux langues officielles mériteraient de recevoir un peu plus de renseignements. Ce n'est pas possible que cela ait pris huit mois avant que cela soit rendu public. C'était peut-être sur Internet.
Mme LaRocque : Tout à fait. Je suis vraiment désolée si vous ne l'avez pas vu parce qu'il est sur le site Internet du ministère depuis le 20 juin. Nous devrions peut-être faire un plus grand effort pour vous transmettre les informations. Une fois qu'elles sont rendues sur le site web, nous assumons qu'elles sont disponibles autant pour les recherchistes du comité que pour vos bureaux. Nous pouvons toujours nous améliorer.
M. Moore : Toutes les informations sur la Feuille de route ou autres sont sur notre site web. Je me souviens quand Mme Verner était la ministre responsable des langues officielles, elle avait eu une réunion d'information dans l'édifice de l'Est — j'y étais — et il n'y avait que deux sénateurs et trois ou quatre députés, quelque chose comme cela.
Le sénateur Champagne : On veut bien répandre la bonne nouvelle, mais encore faut-il la connaître!
M. Moore : S'il y avait un problème de communication, cela nous causerait des problèmes politiques. C'est à nous de corriger le tir. Ce qui est important pour les contribuables, c'est que le gouvernement fasse des investissements sans précédent et efficaces. C'est très important pour les besoins de nos communautés francophones et anglophones partout au pays.
Sur ce, je veux vous remercier, madame la présidente, de m'avoir accueilli aujourd'hui. C'est ma première visite, mais certainement pas la dernière. Je vous souhaite une bonne journée et un bel avenir.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons prendre encore quelques minutes pour les questions que les sénateurs n'ont pas pu poser au ministre. Les questions seront entendues par vous trois et nous vous demanderons des réponses par écrit par la suite, s'il le faut.
Mme LaRocque : Nous avons parmi nous une personne pour toutes les questions se rapportant à la Feuille de route. Nous sommes disposés à écouter vos questions.
Le sénateur Losier-Cool : Vous transmettrez au ministre nos remerciements et nos félicitations pour être venu rencontrer les membres du comité.
J'ai une question très brève et assez précise qui traite de la culture francophone en milieu minoritaire. Plusieurs médias, la semaine dernière, ont cité le ministre selon lequel la Société Radio-Canada allait probablement supprimer des postes, de 600 à 1 200, afin de faire face au manque à gagner. On se demande s'il n'est pas possible d'injecter des sommes supplémentaires pour aider la SRC à boucler son budget. Vous avez entendu la présidente du conseil d'administration de la Société nationale de l'Acadie, Mme Françoise Enguehard, puis le président de la SANB du Nouveau-Brunswick, M. Jean-Marie Nadeau, qui ont tous deux réagi immédiatement et ont avoué leur grande crainte sur la programmation régionale de Radio-Canada. Ce n'est pas la première fois qu'on parle de la programmation régionale de Radio-Canada et c'est certain que si on supprime des postes, on va avoir des craintes. Je n'ai pas à répéter ici l'importance de Radio-Canada pour les communautés de langues officielles en situation minoritaire.
En lisant la Feuille de route, à la page 13, cela me réjouit. J'apprécie du moins ce qu'il y a pour les arts et la culture.
Voici ma question : est-ce que le ministre peut intervenir auprès de Radio-Canada, soit directement en sa qualité de ministre responsable, indirectement par le biais d'un vote budgétaire à la Chambre des communes ou par son rôle de mandataire de la mise en œuvre de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles, pour s'assurer que les compressions à la SRC ne se fassent pas trop au détriment des francophones en situation minoritaire?
Mme LaRocque : Je peux répondre à une partie de cette question. Pour l'autre partie, ce serait au ministre d'y répondre.
La Société Radio-Canada est une société d'État.
C'est une société indépendante avec son propre conseil d'administration, et ce serait, je pense, inhabituel et peut-être même mal vu si le ministre s'imposait dans les décisions du conseil d'administration qui sont quand même les décisions d'un conseil indépendant. C'est à eux de prendre les dispositions et les mesures qu'ils jugent importantes ou nécessaires.
C'est la tradition depuis toujours entre le ministre du Patrimoine et le conseil d'administration de Radio-Canada. C'est très séparé et très indépendant pour assurer qu'il n'y ait pas d'ingérence politique, bien sûr. Le ministre n'a pas de rôle direct à jouer dans les décisions que doit prendre Radio-Canada.
En ce qui concerne un rôle indirect ou un appui financier, le ministre a fait des déclarations publiques à ce sujet et il a été assez clair sur le fait qu'il n'y aurait pas de geste posé pour offrir des subventions additionnelles à Radio-Canada, qui reçoit plus d'un milliard de dollars du contribuable canadien; le ministre a dit qu'il avait confiance en la direction de Radio-Canada et en son conseil d'administration, et était confiant quant au fait qu'ils pouvaient vivre à l'intérieur de leurs moyens.
Le sénateur Goldstein : Ma question résulte de la question posée par le sénateur Fortin-Duplessis tout à l'heure. Vous avez parlé des services de santé dans la langue de la personne qui a besoin de soins. Certains aînés n'ont pas besoin de services de santé comme tels, mais ont besoin de services moraux et toutes sortes d'autres services, qui ne sont pas nécessairement liés à la question de leur santé, physique du moins.
Étant donné que nous avons entendu lors de notre dernière rencontre des questions qui ont été posées pour ce qui est des services donnés aux aînés comme tels, dans quelle mesure le gouvernement pourrait-il aider les provinces — je mets le mot « aider » entre guillemets pour des raisons évidentes — à livrer des services aux aînés, à part les services de santé, dans les provinces où les aînés sont minoritaires?
Mme LaRocque : Je vais probablement donner la parole à M. Lussier pour la fin de la réponse. Ce qui semble bien fonctionner dans certains coins de notre pays, c'est lorsqu'on regroupe ensemble le centre communautaire, le centre des aînés, les garderies pour enfant, la radio communautaire. On a un genre de masse critique qui fait en sorte que les aînés, par exemple, ont un peu plus d'appui par la force des choses.
Cela a très bien fonctionné à l'Île-du-Prince-Édouard où il n'y a quand même pas un nombre très élevé de personnes âgées de la communauté minoritaire, mais où l'on a forcé, presque, une masse critique; cela fonctionne très bien et on a vu cela ailleurs. C'est une des façons de procéder, mais je demanderai à Hubert Lussier de vous dire plus concrètement ce que Santé Canada et d'autres font.
M. Lussier : Vous devriez poser cette question à Santé Canada, car nous ne sommes pas des experts de la question. Cependant, ce que Judith LaRocque dit est tout à fait vrai dans plusieurs parties. On met l'accent, par le biais de Santé Canada, sur la formation de gens qui ne sont pas nécessairement des médecins, mais des travailleurs du monde médical ou paramédical et qui fournissent les services dont ont besoin les aînés. Cela se fait par le biais de la formation dans des institutions qui sont de compétence provinciale, mais avec l'aide d'institutions qui se sont mises en réseau avec l'appui de Santé Canada pour permettre cette formation, qui est parfois de niveau assez spécialisé, même si ce ne sont pas des médecins.
Dans la province du ministre, il y a Éducacentre qui joue ce rôle, par exemple. Et dans presque toutes les provinces, on a des exemples comme celui-là. On travaille avec l'Université d'Ottawa et avec les institutions québécoises francophones. L'Université de Sherbrooke joue un rôle très important sur ce plan. Ce sont des exemples que nos collègues de Santé Canada pourraient illustrer concrètement, mieux que moi d'ailleurs.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Monsieur Robinson, quand vous aurez obtenu des éclaircissements au sujet de l'écart de financement de 1,5 million de dollars, veuillez faire parvenir l'explication à la présidente.
Le commissaire aux langues officielles, M. Fraser, a fait certaines recommandations, alors que nous n'avons toujours pas reçu de réponse au sujet des recommandations 1, 3.2, 4, 10, 15, 16 et 17. Le comité souhaite connaître la position du gouvernement au sujet de ces recommandations. Le commissaire a demandé à Patrimoine canadien de réagir à ces recommandations précises.
M. Robinson : Pourrais-je vous répondre par écrit?
Le sénateur Jaffer : Oui, veuillez faire parvenir votre réponse à la présidente. Je les ai, et je suis convaincue que vous les avez aussi.
Souhaitez-vous que je les dépose, ou tout le monde en a-t-il une copie? Je les ai dans les deux langues.
La présidente : Oui, s'il vous plaît, sénateur Jaffer.
[Français]
La présidente : Est-ce que vous pourrez envoyer les réponses au greffier?
M. Lussier : Oui.
Le sénateur Mockler : Dans la Feuille de route on parle des différents ministères et chacun a un rôle à jouer. Ce matin j'étais présent lorsque le secrétaire parlementaire qui représentait la ministre de la Santé a fait une annonce sur la Feuille de route Santé en français avec Santé Canada. Cela ne touche par seulement une province, cela touche toutes les provinces et territoires, et cela touche les communautés de langues officielles en situation minoritaire pour améliorer l'accès aux services de santé dans leur propre milieu. Quels sont les bénéfices de cela?
Mme LaRocque : Je vais demander à Jérôme Moisan, qui est notre expert sur la Feuille de route, de répondre à cette dernière question.
Jérôme Moisan, directeur principal, Secrétariat des langues officielles, Patrimoine canadien : Vous avez soulevé la question concernant deux ou trois aspects pour lesquels Santé Canada a reçu des fonds. L'annonce de ce matin portait sur la formation de professionnels en santé; ce sont des fonds qui vont aux différentes provinces et territoires, pour aider la formation de professionnels qui seront capables ensuite de donner des soins, médicaux ou autres, dans la langue de la minorité.
Cela se passe au Québec, où on forme de manière linguistique des professionnels de la santé qui sont déjà formés; dans les autres provinces, on fait de la formation de professionnels de la santé, donc d'infirmières et de personnel médical et paramédical autre, en français d'un bout à l'autre pour que, à terme, ils soient capables de donner des soins en santé.
L'autre initiative pour laquelle Santé Canada a reçu des fonds concerne des réseaux de professionnels de la santé qui, région par région, peuvent mobiliser les ressources qui sont disponibles pour les communautés minoritaires, pour les individus qui vivent en situation minoritaire. Ces réseaux font en sorte que les gens connaissent mieux les services médicaux disponibles dans chaque région et puissent ensuite faire appel à ces gens dans les différents réseaux. Il y a des têtes de réseau dans le Nord de l'Ontario, dans l'Est ontarien et dans toutes les régions du Canada. En Ontario il y a quatre grands réseaux; au Nouveau-Brunswick, c'est organisé un peu différemment et dépendamment des régions au Canada vous avez des façons de procéder différentes.
Ce sont les deux grands pans de Santé Canada, d'une part les réseaux qui regroupent les gens et d'autre part la formation de professionnels. Cela se fait dans toutes les provinces, tous les territoires, en collaboration avec les gouvernements provinciaux.
Le sénateur Mockler : Une dernière question : est-ce que vous avez un système de monitoring de votre part, vis-à-vis des communautés linguistiques, pour veiller à ce que les rôles prévus par la Feuille de route soient joués et aussi que les services soient donnés par Santé Canada dans les juridictions respectives?
Mme LaRocque : Chaque ministère qui a reçu des fonds sous la rubrique de la Feuille de route a des obligations à remplir. Les ministères doivent faire leur propre soumission auprès du Conseil du Trésor. À l'intérieur de cela, ils ont des évaluations à faire et ils soumettent un rapport. Anciennement, sous le Plan d'action, c'était le rapport de mi- parcours et ensuite le rapport final. C'est un peu la même chose qui va se passer dès maintenant. On recueille les résultats. On veut toujours innover et améliorer la situation. C'est en faisant simplement des évaluations constantes qu'on peut y arriver.
La présidente : Alors, madame et messieurs, je vous remercie au nom du comité d'avoir comparu devant nous cet après-midi. Nous allons attendre avec impatience les réponses aux questions écrites que vous a remises le sénateur Jaffer ainsi que la réponse à la question du sénateur Losier-Cool adressée au ministre concernant son pouvoir d'intervenir auprès de Radio-Canada.
Le sénateur Losier-Cool : Je sais qu'il ne peut pas intervenir sur la programmation, mais il peut donner de l'argent. C'est à la page 13 de la Feuille de route.
Mme LaRocque : Merci de votre accueil, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant les représentants du Quebec Community Groups Network qui est représenté cet après-midi par Robert Donnelly, président; Sylvia Martin-Laforge, directrice générale; et Rita Legault, directrice des communications et des relations publiques.
Le Quebec Community Groups Network comparaît devant le comité cet après-midi afin de nous faire part de ses vues sur diverses questions touchant les langues officielles.
Monsieur Donnelly, le comité vous remercie d'avoir accepté l'invitation à comparaître aujourd'hui. Je vous donne tout de suite la parole pour faire vos remarques liminaires.
Robert Donnelly, président, Quebec Community Groups Network : Bon après-midi, mesdames et messieurs membres du comité sénatorial.
[Français]
Le Quebec Community Groups Network est très heureux de prendre la parole devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles aujourd'hui. Nous aimerions profiter de l'occasion pour remercier le sénateur Maria Chaput de son intérêt pour la communauté d'expression anglaise du Québec et de sa participation à la conférence commanditée par Quebec Community Groups Network, tenue à l'Université de Montréal en février 2008. Cette conférence avait pour thème « La vitalité des communautés d'expression anglaise du Québec, du déclin à la renaissance des communautés ».
Si le sujet vous intéresse, nous avons apporté des exemplaires du document de recherche publié à l'occasion du symposium.
[Traduction]
Le Quebec Community Groups Network est un organisme à but non lucratif qui regroupe plus de 30 organismes répartis dans tout le Québec. Son objectif consiste à soutenir et à favoriser le développement des communautés minoritaires d'expression anglaise ainsi qu'à améliorer leur vitalité. L'organisme s'emploie donc principalement à promouvoir la dualité linguistique au Canada et, plus spécifiquement, à se porter à la défense de la vitalité de notre communauté au Québec.
Pour ce faire, le QCGN élabore des politiques sur divers enjeux importants pour notre communauté et consolide les liens entre les communautés d'expression anglaise, la majorité francophone du Québec, la minorité francophone hors Québec et la majorité canadienne.
Patrimoine canadien a reconnu le QCGN comme le représentant officiel et l'interlocuteur du secteur communautaire anglophone du Québec à la suite du dernier accord de collaboration, un accord dont je parlerai plus tard dans mon exposé.
Le QCGN encourage et favorise la participation des ministères et des organismes gouvernementaux au développement des communautés minoritaires d'expression anglaise. Il s'applique également à promouvoir la coopération avec les autorités provinciales, régionales et municipales afin de soutenir le développement de la communauté et d'en améliorer la vitalité dans des secteurs prioritaires, tels que les ressources humaines, l'éducation, les arts, la culture et le patrimoine, la santé et les services sociaux — dont nous avons beaucoup entendu parler au cours de la dernière heure — la justice, les jeunes et les aînés, ainsi que l'emploi et le développement économique.
[Français]
L'une de nos principales initiatives menées au cours des cinq dernières années fut la mise sur pied du Greater Montreal Community Development Initiative (GMCDI) chargé de se pencher sur les obstacles et les succès rencontrés dans la région métropolitaine. Son objectif consiste à créer des liens intersectoriels dans divers domaines : emploi et éducation, art, culture et patrimoine ainsi que santé et services sociaux. Plusieurs enjeux identifiés durant notre recherche sont uniques à la région du grand Montréal, mais d'autres touchent l'ensemble de la communauté d'expression anglaise du Québec offrant des possibilités de soutien mutuel entre le grand Montréal et les régions et permettant de contribuer à une communauté plus dynamique dans son ensemble.
Vous trouverez aussi des documents sur le dernier rapport du GMCDI.
[Traduction]
Le QCGN s'efforce d'élaborer et d'implanter des politiques qui soutiennent et renforcent la position qu'occupe notre communauté au sein de la société québécoise et de la société canadienne. L'une de nos plus grandes difficultés a été de faire reconnaître le statut minoritaire de la communauté d'expression anglaise du Québec, à la fois au Québec et au Canada. Nous sommes donc heureux que le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, ait souligné notre importance à l'échelle « nationale », car nous estimons que la situation de la communauté d'expression anglaise du Québec a été ignorée par de nombreux ministères fédéraux.
Dans son dernier rapport annuel, le Commissariat aux langues officielles a noté que la communauté anglophone du Québec est l'une des deux minorités linguistiques officielles. Il a souligné que les institutions fédérales et les principales parties prenantes intéressées aux langues officielles devraient reconnaître les contributions apportées par notre communauté à l'élaboration de politiques nationales au Canada.
Pour que la Loi sur les langues officielles soit efficace au Québec, le statut de la communauté à l'échelle nationale doit être reconnu, et des mesures doivent être prises dans ce sens. Cela signifie que les institutions fédérales doivent trouver des moyens novateurs de soutenir notre communauté. Tandis que les priorités s'appliquent sur le plan national, les politiques, elles, peuvent être adaptées au contexte québécois et y être implantées différemment. La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne part du bon pied en soulignant clairement sa volonté de renforcer cette dualité par le soutien des communautés linguistiques minoritaires anglophones et francophones, qui font partie de l'identité nationale du Canada.
Quant à l'élaboration du Plan d'action 2003-2008, je crois que vous serez tous d'accord avec moi pour reconnaître que la majeure partie du financement a été versée aux minorités francophones hors Québec. Parmi les résultats positifs de ce plan, notons le développement du secteur de la santé, qui est une réussite au Québec. Toutefois, pour diverses raisons peut-être valables à l'époque, peu de financement, ou même aucun, n'a été accordé à d'autres secteurs. Durant l'élaboration et l'implantation du cadre d'évaluation, on a surtout tenu compte du contexte des premières initiatives, qui n'offraient rien au Québec, notamment en matière d'immigration et d'alphabétisme.
Quant à la justice, domaine où les deux communautés étaient ciblées, le rapport d'évaluation soulignait que les communautés d'expression anglaise du Québec avaient été pratiquement absentes du processus lié au plan d'action quinquennal. Cette lacune aurait dû nous signaler clairement qu'il fallait procéder autrement, et pourtant, le financement de la Feuille de route favorise encore une fois massivement la minorité francophone.
Le seul moyen de corriger cette situation est de s'assurer que le cadre d'évaluation examine avec attention toutes les lacunes qui touchent les communautés d'expression anglaise du Québec. À défaut d'agir, les priorités de notre communauté continueront d'être ignorées.
Déjà, plusieurs initiatives énoncées dans la Feuille de route n'ont aucune mesure à offrir aux communautés d'expression anglaise du Québec, notamment en matière d'alphabétisme et de soins aux enfants. La solution ne consiste pas à s'approprier une autre part du gâteau parce que la minorité francophone a également besoin d'être financée équitablement. Il faut juste un plus gros gâteau.
Nous avons finalement constaté que, lorsque des lacunes systémiques empêchent de reconnaître les besoins de notre communauté, seule une approche empirique peut résoudre les problèmes. Dans ce contexte, nous proposons que Patrimoine canadien élabore et implante une méthodologie d'évaluation globale, qui verrait à ce que tous les ministères tiennent compte des priorités de la communauté d'expression anglaise.
Notre communauté est confrontée à des défis importants. Au cours des dernières décennies, la communauté anglophone du Québec a perdu des membres, du pouvoir et de son influence, et les lois provinciales sur la langue ont eu des répercussions majeures sur sa vitalité. En 1969, lors de l'adoption de la Loi sur les langues officielles, les Québécois d'expression anglaise formaient plus de 13 p. 100 de la population du Québec. Or, selon le dernier recensement, leur nombre a chuté et s'établit à un peu plus de 8 p. 100.
Au cours des 40 dernières années, les institutions anglophones se sont affaiblies, et l'accès aux services dans notre langue a diminué. Les dispositions en matière d'éducation de la Charte de la langue française ont eu des répercussions considérables sur le système d'éducation publique d'expression anglaise du Québec, entraînant le déclin du nombre d'inscriptions, déclin qui menace l'avenir de nombreuses écoles, notamment dans les régions rurales et isolées. Et, malgré l'existence de garanties législatives, l'accès en anglais aux services de santé et aux services sociaux dépend en grande partie du type de service et il varie énormément d'une région à l'autre.
[Français]
Les Québécois d'expression anglaise, notamment les aînés et les personnes défavorisées unilingues, ont besoin d'obtenir des services dans leur propre langue.
La communauté doit également pouvoir accéder à la formation professionnelle et technique qui permettra aux Québécois anglophones d'intégrer le marché du travail, de garder au Québec nos jeunes et nos familles ainsi que de préserver la vitalité de nos communautés.
[Traduction]
Une étude sur ceux qui sont partis et ceux qui sont restés, présentée l'automne dernier durant notre congrès et incluse dans la publication du symposium, révèle que l'exode des cerveaux persiste au Québec. Entre 1996 et 2001, le Québec a perdu plus de 8 000 anglophones chaque année, dont 58 p. 100 possédaient un diplôme postsecondaire. Parallèlement, les décrocheurs au secondaire formaient le plus grand groupe d'anglophones à être demeuré au Québec.
Bien que les anglophones du Québec affichent généralement un niveau d'éducation plus élevé que la moyenne, ils enregistrent pourtant le plus haut taux de chômage parmi les groupes linguistiques au Canada. Selon les données du recensement de 2001, les Québécois anglophones devançaient de 2 p. 100 la moyenne nationale de chômage qui était de 9,4 p. 100, ce taux pouvant atteindre plus de 20 p. 100 dans certaines régions de la province.
Le départ d'anglophones bilingues hautement scolarisés représente une perte de capital humain, tant pour la communauté d'expression anglaise du Québec que pour l'ensemble de la société québécoise. Ce phénomène démontre également le besoin de mettre au point une politique d'apprentissage du français, qui reconnaîtrait cette langue comme une compétence professionnelle essentielle. Une stratégie de développement efficace en matière de ressources humaines, avec la collaboration et le soutien des principaux partenaires fédéraux et provinciaux, s'avère d'une importance primordiale pour la survie de notre communauté. Cela inclut non seulement l'accès aux emplois dans la fonction publique fédérale ou provinciale, cette dernière devant refléter la diversité canadienne et québécoise, mais également l'accès aux emplois dans tous les secteurs.
« Nous ne sommes pas l'ennemi, et il est grand temps que l'on cesse de nous percevoir comme tels », affirmait l'ancien Commissaire aux langues officielles, Victor C. Goldbloom, lors de notre congrès de l'année dernière à l'Université de Montréal. Cette judicieuse remarque provenant d'une personnalité comme le Dr Goldbloom avait fortement impressionné les participants au congrès. Elle fournissait un éclairage particulier sur la façon dont les Québécois d'expression anglaise devraient se percevoir et comment ils devraient être perçus par l'ensemble de la communauté.
En juin 2008, une analyse de l'image de soi et de la perception de notre communauté a fait l'objet d'un exposé, intitulé « From Mythic Monolith to Creative Diversity », prononcé par les responsables du QCGN devant les champions des langues officielles à Québec. Parmi les mythes dénoncés, mentionnons que, loin d'être monolithique, la communauté d'expression anglaise est extrêmement diversifiée et multilingue. Nous avons également mentionné que, de plus en plus, nos institutions deviennent un héritage fragile de notre communauté, et que la population anglophone actuelle, se considérant chez elle au Québec, désire continuer d'y contribuer étroitement. Le QCGN a présenté des données probantes pour démentir certains mythes véhiculés depuis trop longtemps.
De même, la communauté d'expression anglaise a besoin d'être soutenue par ses frères et soeurs de la majorité francophone pour qu'elle puisse influencer positivement les politiques essentielles au développement vital et viable des communautés minoritaires anglophones, qui continueront d'apporter leur contribution à la société québécoise.
[Français]
Le Québec d'expression anglaise est confronté à un enjeu particulier, celui d'être une minorité au sein d'une minorité. Laquelle, disons-le, n'est pas toujours reconnue comme telle par les décideurs et les leaders d'opinion? Après avoir consacré des années à cerner nos enjeux et à résoudre nos problèmes au Québec, nous sommes d'avis qu'il y a des signes indiquant que la communauté d'expression anglaise du Québec a finalement accepté son statut du groupe minoritaire.
À l'inverse, le Québec d'expression française constitue à la fois une minorité et une majorité. En tant que communauté minoritaire linguistique, les Québécois d'expression française affrontent de sérieux défis au sein du Canada en Amérique du Nord. Mais le Québec français accepte difficilement qu'il représente également une majorité. Tout en défendant sa position en tant que minorité dans le reste du Canada, la communauté d'expression française doit apprendre à se conduire comme un groupe majoritaire dans ses relations avec nous.
[Traduction]
Au cours des prochaines années, le QCGN cherchera à mieux comprendre la place qu'occupe la communauté d'expression anglaise au sein des sociétés québécoise et canadienne; il encouragera également la bonne volonté des Québécois francophones à soutenir activement notre place au sein du Québec.
À long terme, les droits des minorités dépendent surtout de la volonté du groupe majoritaire à les reconnaître et à les défendre. Voilà donc quelques-uns des nombreux défis que le Quebec Community Groups Network et ses partenaires ont bon espoir de relever au cours des prochaines années. Mais, pour que la Feuille de route s'avère réellement positive pour notre communauté, les investissements au Québec exigeront un taux d'engagement élevé de la part des politiciens et des créateurs de politiques et de programmes — de véritables champions, en réalité — car les décideurs devront faire preuve d'innovation et se montrer convaincants.
On dit que les lois changent les habitudes des gens. Mais, nous savons bien que la loi, si elle n'est pas appliquée efficacement, donne très peu de résultats. Or, il existe chez tous les membres de la communauté d'expression anglaise du Québec une réelle soif de changement.
[Français]
Le sénateur Goldstein : Merci à nos témoins d'être venus. J'ai beaucoup de questions à poser. Je vais les poser en série jusqu'à ce que vous m'arrêtiez.
[Traduction]
En ce qui concerne l'éducation, je regardais les statistiques que vous avez présentées tout à l'heure. J'ai lu ce matin dans The Gazette, que la commission scolaire de langue anglaise de Montréal va probablement fermer trois écoles.
Avez-vous tenu compte des deux faits suivants par rapport à votre affirmation que le nombre d'établissements d'enseignement auxquels peuvent accéder les anglophones du Québec diminue à l'heure actuelle? Le fait est que bon nombre d'anglophones, moi-même y compris, auraient et ont voulu envoyer leurs enfants à l'école française. Avez- vous donc tenu compte de tous les allophones, c'est-à-dire les personnes qui ne sont ni anglophones ni francophones, et qui ont tendance à fréquenter l'école de langue française, étant donné qu'ils sont obligés de le faire aux termes de la loi 101? Bien souvent ces personnes et les membres de leur famille vivent dans un milieu anglophone mais sont obligés d'inscrire leurs enfants à l'école de langue française.
Vu ces deux facteurs, avez-vous toujours les mêmes préoccupations que celles que vous sembliez exprimer dans votre excellent exposé liminaire en ce qui concerne l'éducation?
Vous dites dans votre document que, en 1969, lors de l'adoption de la Loi sur les langues officielles, les anglophones représentaient 13 p. 100 de la population, alors qu'à l'heure actuelle, leur proportion est seulement de 9 p. 100, même s'il est question de 8 p. 100 dans votre document. Le résultat dépend également en partie de la façon de les compter. Avez-vous tenu compte de la hausse très considérable du nombre d'anglophones qui sont devenus bilingues depuis 1969, de telle sorte que ces chiffres soient en réalité moins catastrophiques qu'ils ne le paraissent à première vue?
Enfin, vous parlez d'une différence chez les anglophones relativement à leur taux de chômage. Le fait est qu'un anglophone au Québec qui veut pouvoir travailler au Québec doit obligatoirement parler couramment le français. D'ailleurs, cela ne devrait étonner personne. Ne pensez-vous pas que nous devrions déployer plus d'efforts pour que les anglophones puissent bien comprendre et bien travailler en français, tout en préservant leur culture, leur identité et peut-être même les caractéristiques uniques des Québécois anglophones?
Disons que cela ne me scandalise pas.
Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, Quebec Community Groups Network : Il va falloir qu'on vienne vous voir plus souvent si vous avez autant de questions à nous poser. C'est formidable.
S'agissant de la fermeture de certaines écoles, vous avez tout à fait raison de dire que les préoccupations de nos membres sont de deux ordres. Premièrement, les anglophones, les ayants droit, envoient leurs enfants à l'école de langue française parce qu'ils souhaitent que ces derniers soient bilingues; ils veulent qu'ils soient plus bilingues. Voilà donc la première préoccupation et c'est celle que je vais aborder en premier.
Ce qui est en cause, c'est le système d'éducation de langue anglaise. Nous avons organisé un forum l'année dernière, auquel ont participé des centaines de jeunes, qui a donné lieu à un document qui se trouve sur notre site web. Ce document est intitulé Creating Spaces for Young Quebecers : Strategic Orientations for English-speaking Youth in Quebec. Les jeunes participants, qui venaient de toutes les régions du Québec, ont dit lors de ce forum qu'après avoir terminé leurs études, leur français n'était toujours pas suffisamment bon. Au Québec, nous passons par le système d'éducation de langue anglaise, si bien que nous apprenons le français en tant que langue seconde.
C'est un concept intéressant au Québec, car le français n'est pas une langue seconde au Québec. Donc, même si beaucoup d'enfants fréquentent l'école d'immersion, ce que les jeunes nous disaient en désespoir de cause était que leur français n'était tout simplement pas assez bon. Et ce n'est pas tout : ils nous ont également dit que l'idée de la bilittéracie leur plaisait, et qu'ils avaient envie de mieux comprendre et de travailler avec les jeunes francophones. Pour eux, l'époque des « deux solitudes » était révolue. Ils voulaient jouer, vivre et apprendre avec les jeunes francophones, alors qu'ils n'avaient pas tellement l'occasion de le faire.
Qu'est-ce que cela révèle au sujet de notre système? Cela nous permet de conclure que nous devons repenser la façon de faire au Québec. Cela n'a rien à voir avec la façon d'appliquer la politique sur les langues officielles dans les autres provinces du Canada. Le Québec est très différent et nous le savons tous. Dans notre document, nous disons même qu'on ne peut pas faire entrer tout le monde dans le même moule. Pour que les anglophones puissent exercer leur « droit d'ayants droit », il faudra rassurer les parents concernant la possibilité pour leurs enfants, après avoir terminé leurs études, de vivre et de travailler en français au Québec.
Les enfants eux-mêmes nous disent que leur français n'est pas assez bon. Donc, il faut s'attaquer à ce problème au sein du système d'éducation. Il faut trouver de nouveaux moyens. Autrement dit, lorsque les enfants terminent leurs études, il leur faut posséder suffisamment d'outils pour être à même d'employer le français comme langue de travail au Québec. Il y a différents moyens d'atteindre cet objectif, même si tous sont susceptibles de coûter cher.
Pour ce qui est des allophones, vous avez raison : ils fréquentent l'école française.
[Français]
Nous savons, comme nous l'avons appris chez les francophones hors Québec, que la culture passe par l'école. Les jeunes nous ont dit qu'un certain sens d'attachement leur manquait. Pas à la langue, non — on parle français, on parle anglais; on parle anglais au Québec, c'est sûr —, mais à la culture, aux diverses cultures. On a appris le français. On était italien, on était grec, on arrivait des Caraïbes.
[Traduction]
Nous avons tous appris l'anglais. Mais l'attachement à sa culture et sa visibilité sont autant d'éléments différents de notre patrimoine au Québec. C'est une question complexe.
Encore une fois, je vous invite à visiter notre site web. Avec notre aide, les jeunes ont préparé un rapport très convaincant qui propose un certain nombre de changements au Québec afin que le système réponde mieux à leurs besoins.
M. Donnelly : Voilà donc pour votre première et votre troisième questions. Votre seconde question concernait la situation de la communauté d'expression anglaise du Québec, n'est-ce pas?
Il se trouve que l'Association d'études canadiennes a organisé une conférence à Ottawa vendredi dernier où l'on discutait justement de cela. À un moment donné, on parlait de statistiques, de francophones et d'allophones, de la première langue parlée à la maison et de la première langue parlée. Le QCGN travaille fort depuis un mois. S'agissant de la vitalité de notre communauté, nous employons l'expression que j'ai moi-même employée une ou deux fois — nous parlons donc du « Québec d'expression anglaise ». Il s'agit pour nous de l'expression la plus inclusive.
Le sénateur Comeau : Je désire remercier nos témoins d'être venus nous expliquer la situation des anglophones du Québec.
Je constate que l'une des priorités du QCGN consiste à améliorer la visibilité et la participation des anglophones à la société québécoise. Qu'est-ce que cela veut dire?
M. Donnelly : Sénateur, cela rejoint le thème que j'ai abordé dans mon exposé liminaire, c'est-à-dire la réalité de la majorité francophone et le fait de vivre dans ce milieu. L'un des paragraphes de mon exposé que j'ai dû sauter, faute de temps, concernait le fait qu'il ne s'agit pas d'un jeu à somme nulle. Ce n'est pas une question de gain ou de perte pour ce qui est de savoir si la population de langue anglaise reste à peu près la même ou augmente un peu.
Comme le disait le sénateur Goldstein, nous parlons d'une population de plus en plus bilingue qui fait partie intégrante de la grande société québécoise.
Le sénateur Comeau : Vous avez fait état des défis auxquels est confrontée la communauté anglophone minoritaire. J'ai remarqué que vous avez dit que cette dernière est reconnue à la fois au Québec et à l'échelle nationale. Je trouvais que c'était une observation intéressante, bien que je ne sois pas tout à fait sûr de savoir ce que c'est que d'être reconnu. Voulez-vous dire par là « loin des yeux, loin du coeur »?
M. Donnelly : Je vais demander également à Mme Martin-Laforge de répondre à cette question. Au cours de la dernière heure pendant laquelle j'étais assis au fond de la salle, j'étais content d'entendre quatre sénateurs parler des deux langues officielles minoritaires. À mon avis, les gens ne s'en rendaient guère compte il y a trois ou quatre ans. Notre réalité est donc de plus en plus reconnue.
Mme Martin-Laforge : Disons que le mythe voulant que tous les anglophones vivent à Westmount et passent leurs week-ends à Knowlton nous préoccupe.
Le sénateur Goldstein : Certains sénateurs ne savent pas où se trouve Knowlton.
[Français]
C'est beau, Knowlton, dans les Cantons-de-l'Est.
[Traduction]
Vous posez souvent des questions pratico-pratiques, mais je vais vous fournir une réponse plus technique.
Lorsque le gouvernement fédéral établit des politiques et des programmes, il consulte souvent les principaux intéressés. Mais, à présent nous devons l'amener à voir la situation dans une autre optique, étant donné que son cadre de référence est toujours la communauté francophone.
Le sénateur Fortin-Duplessis a posé une question au sujet des aînés. Nous avons un plus grand nombre d'aînés au Québec que dans le reste du Canada. Les parents de bon nombre de mes amis n'arrivent pas à obtenir une place dans un centre d'accueil au Québec — même à Montréal — parce qu'il n'y en a pas. Les soins ne sont pas disponibles.
Donc, l'une des plus grandes difficultés que nous rencontrons dans nos rapports avec les ministères fédéraux concerne leur cadre de référence. Tous ces beaux fonctionnaires qui rédigent les politiques sur les langues officielles sont Franco-Ontariens ou Franco-Manitobains. Ils ont une certaine idée de ce que c'est que d'être francophone hors Québec, ce qui est très important. Mais, le fait est que peu d'entre eux ont travaillé avec nous au Québec.
De plus, le terme « national » n'a pas la même signification au Québec qu'au Canada. C'est un problème auquel nous sommes constamment confrontés.
Le sénateur Comeau : Dans votre exposé liminaire, vous nous avez fait remarquer que les lois provinciales sur la langue ont eu un impact important sur les communautés du Québec. C'est tout à fait normal. On pourrait songer à la loi 101 et aux répercussions de cette dernière. Y a-t-il d'autres lois, à part la loi 101, qui ont eu un impact sur les communautés?
Et voici une autre question tout à fait distincte. Entretenez-vous des relations avec des groupes qui représentent d'autres communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada — au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle- Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, et cetera? La population minoritaire au Nouveau-Brunswick est plus importante mais elle ressent moins les effets de sa situation que la population correspondante en Nouvelle-Écosse ou au Manitoba, par exemple.
M. Donnelly : Je suis heureux de pouvoir vous annoncer que nous avons réalisé de très bons progrès dans ce domaine au cours des deux dernières années. J'ai pu dialoguer à plusieurs reprises au cours des dernières années avec mon homologue, Lise Routhier-Boudreau, qui est présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Nous restons en contact et nous travaillons ensemble à divers dossiers. Nous avons été très actifs. Donc, la réponse à la deuxième partie de votre question est oui, et nos relations s'améliorent de jour en jour.
S'agissant des autres lois portant sur la langue, le seul exemple qui me vient à l'esprit est celui des modifications qu'on pourrait potentiellement apporter à la loi 101. Je ne suis pas au courant d'autres lois du même genre.
Mme Martin-Laforge : Nous suivons de près les intentions des autorités du Québec en ce qui concerne les cégeps. Nous devons également nous tenir au courant de ce qui est possible en vertu de lois fédérales. Il y a environ un an et demi, une modification a été adoptée par le Sénat concernant les procès bilingues. Cela nous a un peu inquiétés. De même, le projet de loi proposant que tous les ministères fédéraux soient visés par la loi 101 nous a beaucoup inquiétés.
Le sénateur Comeau : D'ailleurs, il est possible qu'il inquiète également les communautés de langue officielle en situation minoritaire ailleurs au Canada. Quand il est question d'adopter ce genre de loi fédérale, cela influe aussi sur les communautés en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et dans tout le Canada. Cela nous fait peur, nous aussi. Je ne veux pas vous sembler partisan, mais le fait est que ce qui arrive au Québec influe sur nos communautés. D'ailleurs, j'ai remarqué au cours des années que ce qui arrive au Québec peut effectivement avoir des effets négatifs. Quand ce genre de projet de loi est proposé au niveau fédéral, il peut avoir un impact encore plus négatif sur nos communautés.
Le sénateur Goldstein : Si vous me permettez, je voudrais préciser que le projet de loi proposant que diverses institutions soient visées par la loi 101 est un projet de loi d'initiative parlementaire qui n'a guère de chance d'être adopté. Donc, selon moi, il n'y a pas vraiment lieu de s'en inquiéter. Même moi je dépose parfois des projets de loi d'initiative parlementaire.
Mme Martin-Laforge : Disons qu'il suscite néanmoins une certaine anxiété.
Le sénateur Goldstein : Madame Martin-Laforge, le terme « anxiété » me paraît un peu fort. Peut-être pourrions- nous nous contenter de dire qu'il suscite certaines préoccupations.
Le sénateur Comeau : J'invoque le Règlement. Nous nous sommes complètement écartés du sujet. Il reste que je serais ravi, lors d'une réunion future, de discuter de l'incidence des projets de loi d'initiative parlementaire sur les gens d'un bout à l'autre du Canada. Cela peut sembler frivole, mais pour les gens dans les différentes régions du Canada, ce n'est pas frivole. Nous pourrons peut-être soulever cette question à une réunion future.
Le sénateur Tardif : Merci pour cet exposé informatif. Je suis surprise d'entendre certaines des statistiques que vous avez présentées, et notamment le fait que les anglophones du Québec ont le niveau le plus élevé de chômage de tous les groupes linguistiques du Canada. Je trouve cela surprenant. De plus, vous avez dit que, au sein de votre communauté, les Québécois anglophones doivent pouvoir acquérir les compétences qui leur permettront de bien intégrer le marché du travail, de sorte que la communauté retienne ses jeunes et les jeunes familles.
J'ai toujours cru que le système postsecondaire de langue anglaise du Québec était l'un des meilleurs. Pourriez-vous nous dire de quelles compétences professionnelles vous parlez au juste, quand vous dites que les Québécois anglophones ont besoin de certaines compétences pour pouvoir intégrer le marché du travail, afin que la communauté retienne ses jeunes?
M. Donnelly : Ayant enseigné pendant 31 ans dans un cégep anglophone du Québec, je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec votre évaluation positive du réseau d'enseignement postsecondaire. Mais quand on parle de compétences professionnelles, la première chose qui vient à l'esprit est celle de la langue, qui est si importante, comme nous l'avons déjà vu.
Le sénateur Tardif : La capacité de parler français, vous voulez dire?
M. Donnelly : Oui, je parle des personnes qui font partie de la communauté minoritaire de langue anglaise. Cette capacité est tellement importante si on veut profiter des débouchés qui existent. Il convient également de vous faire remarquer que, plus nous faisons de recherche sur la question, plus nous constatons que les anglophones du Québec sont beaucoup plus bilingues qu'ils ne le croient. Il est certain qu'à Québec et dans d'autres régions de la province, ils estiment qu'ils n'ont pas une connaissance suffisante du français pour pouvoir accéder à certains emplois — en dehors de la fonction publique fédérale et provinciale — dans le secteur privé. Or certains employeurs du secteur privé sont tout à fait disposés à engager quelqu'un qui a déjà une bonne base du moment qu'il est prêt à améliorer ses connaissances de façon à devenir un employé bilingue.
Mme Martin-Laforge : Bien que nous n'en ayons pas la preuve, il semble que moins de programmes au niveau collégial soient offerts aux anglophones dont le français n'est pas suffisamment avancé pour leur permettre de suivre des cours offerts uniquement en français. Même si nous ne possédons pas de données concrètes à ce sujet, les jeunes nous disent qu'ils ont du mal à trouver les cours qu'il leur faut, bien qu'ils souhaitent rester au Québec. Il en va de même pour les francophones hors Québec; ils finissent par aller changer de province, si bien qu'on peut ne plus jamais les revoir.
Le sénateur Tardif : Recevez-vous des crédits en vertu de la Feuille de route au titre de la dualité linguistique?
M. Donnelly : Malheureusement, nous avons toujours du mal à déterminer exactement comment sont utilisés les crédits. Une fois que les fonds sont reçus par le secteur de l'éducation au Québec, ils sont utilisés pour les emplois et la formation professionnelle, si bien que nous perdons un peu leur trace; une fois que le Québec assume le contrôle de ce financement, c'est lui qui le dépense en fonction de ses priorités.
Depuis des années, nous essayons de suivre l'utilisation de ces crédits par l'entremise du ministre de l'Éducation, des Loisirs et des Sports du Québec, pour avoir une idée bien claire des sommes qui profitent à la communauté d'expression anglaise du Québec. Une fois que nous avons déterminé de quel montant il s'agit, il nous est possible de savoir comment il a été utilisé.
Le sénateur Tardif : Accroître les sommes versées aux provinces au titre du transfert social n'est pas nécessairement une bonne idée si l'on désire répondre aux besoins au niveau postsecondaire.
M. Donnelly : L'un des éléments les plus importants sur lesquels nous avons insisté ces dernières années auprès de nos partenaires et amis d'Ottawa est la nécessité de s'assurer, quand il est question de transférer des services ou des crédits au Québec, d'établir des mécanismes nous permettant de suivre la façon dont ils sont utilisés, de sorte que nous soyons sûrs d'avoir au moins notre part.
Le sénateur Tardif : C'est quelque chose qui pose problème aux deux communautés de langue officielle en situation minoritaire.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, madame la présidente. Soyez les bienvenus. En ce qui concerne les services de santé et les services sociaux offerts en anglais, y a-t-il une différence entre Montréal et les autres régions du Québec? Est-ce qu'il y a des minorités anglophones en dehors de Montréal qui ne reçoivent pas les soins dans leur langue?
M. Donnelly : Il y a eu du progrès.
Mme Martin-Laforge : On disait justement, dans notre présentation, que le domaine de la santé était exemplaire dans l'administration des sommes qui ont été octroyées dans le cadre de la Feuille de route — auparavant le Plan d'action. Il y a eu 30 millions de dollars dans le Plan d'action et on a rajouté 18 millions et quelques dans la Feuille de route. Pour la communauté d'expression anglaise, ces priorités ont été très bien mises en place.
Un de nos membres, le Community Health and Social Services Network, gère de façon exceptionnelle cette enveloppe en collaboration avec le gouvernement du Québec et s'assure d'être présent où il y a des besoins. Au Québec, on a 22 réseaux — dont les Townshippers et le Centre d'action social anglophone à Gaspé — qui travaillent avec les sommes reçues pour s'assurer qu'il y a des soins dans les régions.
Dans le Plan d'action, Montréal n'était pas beaucoup couvert. Cependant, cette fois-ci — cela doit être annoncé aujourd'hui et cela ne commence que le 1er avril — il y aura des réseaux à Montréal, par exemple dans l'est de Montréal, où il y a pas mal d'anglophones qui ne trouvaient pas les soins dans leur langue. Le réseau a alors été agrandi. C'est certain qu'il y a plus d'hôpitaux qui donnent les services en anglais à Montréal.
On sait qu'à l'Université de Sherbrooke, au CHUS, c'est bilingue. Cela va assez bien de ce côté.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Pourriez-vous dire que les anglophones du Québec sont beaucoup mieux servis et desservis que les francophones en minorités dans les autres provinces?
M. Donnelly : Il y a eu du progrès et c'est beaucoup mieux qu'il y a quatre ou cinq ans, mais il reste encore du travail à faire au Québec.
Ce qui nous encourage, c'est qu'avec les réseaux qui travaillent dans les régions de Gatineau jusqu'à Gaspé et la côte nord, il y a beaucoup de progrès et c'est souvent avec des gens unilingues anglophones. C'était un réel besoin.
On a entendu parler plus tôt cet après-midi de l'argent pour les programmes qui vont former et préparer les gens qui vont travailler dans ces régions et c'est très important de continuer.
Le sénateur Champagne : Francophones, anglophones, hispanophones, hier, ils étaient tous Irlandais. On les voyait de toutes les couleurs.
Je suis de plus en plus embêtée avec la façon dont une certaine partie de la population du Québec réagit.
[Traduction]
Il y a 40 ou 45 ans, lorsque j'étais une jeune interprète, le fait que je savais parler anglais me donnait un avantage. J'avais de bonnes chances de pouvoir faire carrière ailleurs. Quarante ou 45 ans plus tard, si on est politicien au Québec, on s'assure de toujours inclure dans son discours un demi-paragraphe en anglais.
[Français]
Mais pourquoi? Il n'y a que des francophones ici. Pourquoi voulez-vous parler anglais? Je me dis que si une personne est unilingue anglophone dans la salle et que je veuille lui parler, je vais le faire dans sa langue, si je la connais.
Je voudrais souhaiter que tous les jeunes qui sortent des universités soient non seulement bilingues, mais multilingues. Je voudrais qu'ils apprennent au moins une troisième langue, voire une quatrième. Un vieux sage disait que plus on connaissait de langues, plus on avait de vie.
Croyez-vous que, dans cette belle province qui est la mienne, au milieu de ce pays qui est le mien et auquel je suis fière d'appartenir, qu'on arrivera à obtenir un équilibre quelconque afin qu'on n'ait pas peur de parler une langue ou l'autre?
M. Donnelly : Je peux vous parler de deux choses très positives. J'ai enseigné 30 ans dans un cégep anglophone. Toutefois, je sais que les programmes arts et lettres du côté francophone sont des programmes florissants. Il y a de plus en plus d'étudiants et ce sont des programmes de trois ou quatre langues. On en voit beaucoup.
Nous avons fait une étude avec une centaine d'étudiants à qui nous avions demandé d'établir leurs priorités. Ils nous ont dit avoir besoin d'une meilleure qualité en français.
Lors de la conférence de vendredi dernier, nous avons obtenu des statistiques de Québec qui indiquaient que le niveau de bilinguisme des anglophones au Québec est plus fort que les anglophones dans la région d'Ottawa. Il s'agit de 33 p. 100 versus 27 p. 100. Cela veut dire que c'est de mieux en mieux.
Le sénateur Champagne : Les anglophones qui ont eu l'occasion d'apprendre le français dans ce genre de cours commencent à tenir tête. En ce sens que si vous reconnaissez un petit accent anglais et que vous passez à la langue anglaise, ils vont tenir à poursuivre la conversation en français parce que c'est comme cela qu'ils vont apprendre. J'ai vu à la télévision des gens de la région de Sherbrooke qui disaient avoir de la difficulté et qui ne savaient pas s'ils allaient rester ou quitter le Québec. Que peut-on faire pour ne pas perdre ces belles têtes brillantes? Que peut-on faire pour les garder?
M. Donnelly : On a beaucoup de projets dans les 32 organisations du Quebec Community Groups Network qui travaillent avec les jeunes. On a eu de l'argent de Patrimoine canadien pour un gros projet dans les dernières années. La jeunesse, c'est le futur, surtout dans les petites communautés en dehors de la région de Montréal. Lorsqu'ils quittent pour aller à l'université ou pour avoir un meilleur emploi ou simplement un emploi, ils ne reviennent pas. On travaille très fort sur ce dossier et c'est devenu une priorité non seulement pour l'organisation à Montréal, mais dans les organisations un peu partout.
Mme Martin-Laforge : Le secteur où cela va le mieux pour les anglophones au Québec c'est : arts, culture et patrimoine. Les artistes travaillent en français et en anglais. Vendredi, le ministre a fait l'annonce de 14.5 millions de dollars sur quatre ans dans la Feuille de route. Au Québec, on a de gros projets à proposer pour avoir un tiers de l'argent et c'est la clé c'est : arts, culture et Patrimoine.
M. Donnelly : Avec la jeunesse.
Le sénateur Champagne : Continuons avec les jeunes dans les arts, la culture et le patrimoine!
Le sénateur Mockler : Je vous félicite de l'initiative avec Lise Routhier-Boudreau. C'est un complément qui permet de faire connaître davantage le travail que vous faites à travers le pays.
[Traduction]
Monsieur Donnelly, vous dites ceci à la page 4 de votre mémoire :
La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne part du bon pied en soulignant clairement sa volonté de renforcer cette dualité par le soutien des communautés linguistiques minoritaires anglophones et francophones, qui font partie intégrante de l'identité nationale du Canada.
[Français]
Vous savez qu'on aura toujours le débat de nos responsabilités respectives; les provinces versus le gouvernement fédéral. Pouvez-vous nous indiquer quels sont les mécanismes que vous aimeriez voir ou pouvez-vous nous donner des exemples de ce que vous aimeriez faire connaître au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux ou territoriaux afin de permettre à la communauté minoritaire anglophone québécoise de prendre davantage sa place.
M. Donnelly : On a parlé plus tôt cet après-midi aussi de la nouvelle loi qui encourage tous les ministères à être proactifs lorsqu'ils travaillent avec les communautés en situation minoritaire. On voudrait que cela s'applique afin qu'on arrête d'en parler et de savoir exactement ce que cela veut dire.
[Traduction]
Ce serait déjà un bon début si l'on pouvait mettre cela en pratique.
Mme Martin-Laforge : C'est dans la partie VII qu'on trouve la solution. Je vous ai donné un exemple tout à l'heure d'un modèle de soins de santé qui a donné d'excellents résultats; dans ce cas-là, les responsables fédéraux ont fait preuve d'innovation puisqu'ils ont travaillé avec les membres de notre communauté et avec la province pour établir des partenariats.
Il faut donc tester différents modèles. Ce ne sera pas la même chose dans chaque secteur. Je vous dirais, pour reprendre les propos de mon président tout à l'heure, que c'est le transfert des responsabilités qui nous tue.
S'agissant d'immigration, nous n'avons pas obtenu un sou pour l'immigration en vertu de la Feuille de route. Nous ne pouvons pas obtenir de financement du tout pour l'immigration en vertu de la Feuille de route, étant donné que cette question relève de la responsabilité de la province.
[Français]
Nous avons des projets en immigration.
[Traduction]
Nous ne parlons pas d'une « société d'accueil » parce que nous ne sommes pas une société d'accueil.
Cependant, quand nous dialoguons avec nos homologues fédéraux au sujet de l'immigration, nous leur expliquons de quelle façon nous pourrions aider le Québec à conserver les immigrants qu'il reçoit. Vingt pour cent des immigrants qui arrivent chaque année quittent le Québec. Quarante-cinq mille arrivent chaque année, et 20 p. 100 d'entre eux d'entre eux quittent la province. Certains d'entre eux sont anglophones. Certains d'entre eux voudraient apprendre l'anglais mais n'ont pas une connaissance suffisante de l'anglais pour décrocher un emploi, étant donné qu'il faut pouvoir parler anglais pour obtenir un bon nombre d'emplois au Québec. Donc, par rapport à l'immigration et aux 20 millions de dollars accordés au titre de la Feuille de route, nous avons réussi à obtenir une petite somme d'argent pour faire des recherches, et ce après avoir beaucoup insisté.
Pour chacune des priorités, il s'agit de savoir ce que cela peut donner au Québec. Pour cela, une réflexion sérieuse s'impose. La partie VII en fait partie; il en va de même pour l'engagement, la compréhension et la volonté de faire preuve d'innovation.
Comme nous l'avons dit tout à l'heure, les lois changent les habitudes des gens. Eh bien, nous avons déjà les lois, et maintenant il faut encourager les gens à travailler en partenariat. Nous sommes justement prêts à aider à établir ces partenariats entre homologues fédéraux et provinciaux.
Nous n'avons pas de solution pour tout, mais nous sommes d'avis qu'il y a beaucoup de travail à faire.
Le sénateur Mockler : Selon vous, la Feuille de route représente-t-elle un pas dans la bonne direction?
Mme Martin-Laforge : Le fait que des priorités aient été fixées au cours des cinq dernières années et qu'on ait cru bon de fournir cette somme importante — un peu plus de 800 millions de dollars — est évidemment un pas dans la bonne direction. Cette fois-ci, c'est 1,1 million de dollars, mais la communauté d'expression anglaise n'a pas eu sa juste part de cet argent.
M. Donnelly : Pour ce qui est des nouvelles initiatives qui ont été annoncées pour les arts et la culture, nous étions prêts. Nous avons préparé la documentation et un accord-cadre de façon à pouvoir dire, dès que le financement serait annoncé, ce que nous comptions faire avec nos 10, 20 ou 30 p. 100, selon le pourcentage qui nous sera affecté, mais il faudrait que ce soit la même chose dans les six ou sept autres secteurs.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Je peux comprendre que les arts, la culture et le patrimoine au Québec ont eu une grande part et c'est tant mieux. Je vous félicite parce que je crois que le Québec produit des artistes de la plus haute qualité, que ce soit au niveau de la province, national ou international, dans tous les domaines. Mais ce n'est pas du tout ma question.
De temps en temps, notre comité veut rencontrer les gens en région afin de connaître leurs attentes, leurs défis. Auriez-vous des suggestions ou des conseils pour nous dire où aller au Québec? Nous aimons bien aller à Montréal, mais peut-être que nous aimerions aller là où l'on trouve vraiment des concentrations d'anglophones en situation minoritaire qui ne reçoivent pas vraiment les services, toujours en pensant à la Loi sur les langues officielles qui est le mandat dans notre comité.
M. Donnelly : Un locuteur anglophone sur quatre de la province de Québec n'est pas dans la région de Montréal. Il y a des communautés ici et là, de toutes les grandeurs, qui ont beaucoup de besoins.
La seule chose que cela nous prendrait c'est connaître votre disponibilité et savoir combien de personnes viendraient. Ce serait notre plaisir de vous inviter et de nous assurer de vous faire visiter quelques-unes de ces communautés. Cela vous aidera à apprécier les besoins de ces gens.
La présidente : Si je comprends bien, si le comité décide de se déplacer et d'aller dans votre coin, le greffier du comité pourrait communiquer avec vous et vous seriez prêt à nous aider et à nous suggérer où nous devrions nous rendre et qui rencontrer?
M. Donnelly : Certainement. Et avec ma recommandation, ce ne serait pas dans la région de Montréal.
La présidente : Au nom des membres du comité, j'aimerais vous remercier très sincèrement. C'était très intéressant et j'ai beaucoup appris, même si je croyais, étant du Manitoba et issue d'une communauté de langues officielles en milieu minoritaire, que vous étiez mieux traité chez vous que moi chez moi. Peut-être que, à ce point, on doit se dire que les besoins sont semblables ou les mêmes. Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
M. Donnelly : C'est nous qui désirons vous remercier d'avoir pris le temps de nous écouter et de nous avoir posé des questions fort intéressantes. Après avoir entendu toutes les questions posées au ministre, j'avais un peu peur de m'asseoir ici devant vous, mais l'expérience s'est révélée très agréable et nous sommes très heureux de constater l'intérêt que vous portez à notre situation. Nous espérons que vous allez nous appuyer.
[Français]
La présidente : Je vous remercie. Honorables sénateurs, nous prenons une petite pause de deux minutes et j'aurai encore besoin de deux minutes de votre temps ensuite.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La présidente : Honorables sénateurs, on vient de vous remettre un document qui est une demande d'autorisation de budget pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2009. Tous les comités doivent présenter un budget pour la fin de l'exercice financier.
Vous avez devant vous le budget qui a été préparé par le greffier et j'aimerais que vous regardiez les dépenses générales de ce budget et me disiez si vous avez des commentaires ou si vous êtes prêts à l'approuver.
Le sénateur Comeau : Je propose l'adoption.
La présidente : Le sénateur Comeau propose l'adoption d'un budget de 5 000 $. Y a-t-il des questions ou des commentaires? Je vous remercie beaucoup de votre coopération et du temps que vous nous avez donné.
(La séance est levée.)