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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 1er juin 2009

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 2 pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi. Sujet : La mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles : le point de vue du ministre de la Justice et du commissaire aux langues officielles.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput du Manitoba, présidente du comité.

J'aimerais tout d'abord vous présenter les membres du comité présents aujourd'hui. À mon extrême gauche, le sénateur Gerald Comeau de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis du Québec ainsi que le sénateur Dennis Dawson également du Québec. À ma droite, nous avons le sénateur Rose-Marie Losier-Cool du Nouveau- Brunswick.

La séance d'aujourd'hui sera divisée en deux parties d'une heure chacune. Lors de la première heure, nous accueillons le ministre de la Justice. La deuxième heure de la séance sera dédiée au commissaire aux langues officielles.

[Traduction]

Le comité tient d'abord à souhaiter la bienvenue à l'honorable Robert Douglas Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada, qui a accepté de témoigner devant notre comité ce soir pour, notamment, faire le point sur la Feuille de route pour la dualité linguistique, donner un aperçu du jugement de la Cour suprême dans la cause CALDECH ou Desrochers et parler du programme d'appui aux droits linguistiques. Par ailleurs, le comité étudie présentement la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et interrogera donc le ministre au sujet de ses réalisations et de ses initiatives à cet égard.

Au nom du comité, je remercie le ministre Nicholson et lui souhaite la bienvenue, ainsi qu'aux représentants du ministère qui l'accompagnent aujourd'hui : Mme Andrée Duchesne, avocate-conseil et gestionnaire, Francophonie, Justice en langues officielles et Dualisme juridique, et M. Marc Tremblay, avocat général et directeur, Groupe du droit des langues officielles. Je rappelle à tous les sénateurs que nous disposons d'une heure avec le ministre.

[Français]

Je devrai minuter les questions afin d'accorder un temps égal à tous les sénateurs.

[Traduction]

J'invite maintenant le ministre à prendre la parole, après quoi les sénateurs lui poseront des questions.

[Français]

L'honorable Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Madame la présidente et distingués membres du comité, je vous remercie de m'offrir cette opportunité de discuter avec vous des quelques réalisations accomplies par le ministère de la Justice pour une justice dans les deux langues officielles.

[Traduction]

Au printemps 2008, le gouvernement a annoncé son plan d'action relativement à la dualité linguistique canadienne, mieux connu sous le titre de Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 : agir pour l'avenir. Cette feuille de route réitère l'engagement pris par le gouvernement du Canada envers la dualité linguistique et nos deux langues officielles. Notre gouvernement reconnaît que la justice doit refléter la réalité linguistique de notre pays. C'est pour cette raison que mon ministère continue d'appuyer l'accès à la justice dans les deux langues officielles au moyen du Fonds d'appui à l'accès à la justice dans les deux langues officielles, aussi connu sous le titre de fonds d'appui. Le fonds d'appui a pour objet d'informer le milieu juridique et les communautés de langue officielle en situation minoritaire sur les mesures à prendre pour exercer leurs droits dans les deux langues officielles. À part le fonds d'appui, mon ministère va lancer une initiative de formation afin d'encourager les jeunes Canadiens bilingues à faire carrière dans le système de justice.

Il y a à peu près un an, j'ai témoigné devant votre comité afin de vous expliquer ce que nous faisions pour améliorer l'accès à la justice dans les deux langues officielles. À l'époque, la feuille de route venait à peine d'être annoncée et nous attendions impatiemment de nous mettre à l'œuvre pour lancer la nouvelle initiative de formation et poursuivre nos interventions dans le cadre du fonds d'appui. Au cours de l'année écoulée, entre autres choses, nous avons effectué une analyse pancanadienne des besoins en formation, dans les deux langues officielles, des intervenants du système de justice. Tout comme c'est le cas pour le fonds d'appui, l'initiative de formation accordera la priorité à la mise en œuvre des dispositions linguistiques du Code criminel, tout particulièrement après l'entrée en vigueur du projet de loi C-13. Notre analyse tient compte de cette priorité. Elle montre qu'un pourcentage assez élevé de juges et d'avocats sont capables de converser dans les deux langues officielles. Toutefois, il faut aussi répondre aux besoins des autres intervenants du domaine de la justice. Autrement dit, nous devons également fournir de la formation aux autres intervenants avec lesquels les Canadiens entrent en contact lorsqu'ils ont affaire au système de justice.

Les mesures que prendra mon ministère au cours des quatre prochaines années seront fonction de l'analyse des besoins en formation effectuée actuellement. Nos partenaires provinciaux et territoriaux, des juges et des organisations non gouvernementales ont participé à l'étude. Au total, 60 personnes ont été interrogées, dont 37 étaient des responsables des gouvernements provinciaux. Le rapport sera rendu public très bientôt.

J'aimerais maintenant parler du sérieux que nous attachons à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Vous n'ignorez pas que le rôle du ministère de la Justice est double. Cela tient au fait que le ministre est à la fois ministre de la Justice et procureur général du Canada. En tant qu'organisme fédéral, le ministère s'est engagé à mettre en vigueur l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Au fil des ans, il a donné la preuve que, même dans des champs de compétences partagés, comme le droit familial, il est en mesure de collaborer avec ses partenaires tant gouvernementaux que non gouvernementaux pour améliorer efficacement l'accès à la justice. C'est ainsi que mon ministère a participé à l'organisation de la première conférence sur le droit familial à se tenir en français à l'extérieur du Québec. Elle a eu lieu à Moncton en novembre 2008 et a attiré plus d'une centaine de participants.

Estimant que nous pouvons contribuer utilement aux initiatives d'autres organismes fédéraux en leur permettant de bénéficier de notre expérience et de nos réseaux, nous avons aussi pris la direction du Réseau de sécurité de la justice, qui relevait jusqu'à tout récemment de Patrimoine Canada. Ce réseau regroupe les ministères de la Justice, de la Sécurité publique, de la Défense nationale, du Patrimoine canadien ainsi que le Service des poursuites pénales du Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada et la GRC. Les organismes fédéraux qui en font partie mettent en commun leurs pratiques exemplaires, leurs renseignements et leurs réseaux communautaires respectifs.

Vous savez très bien que nous célébrons cette année le 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, entrée en vigueur au Canada en 1969. Mon ministère a l'intention de commémorer l'événement en tenant une conférence d'un jour, où les participants feront un bilan de ces 40 années et réfléchiront à l'évolution à venir de cette loi.

En conclusion, j'aimerais souligner le fait que, pour l'administration de la justice dans les deux langues officielles, nous visons à répondre aux besoins très réels cernés par nos partenaires, ce qui explique d'ailleurs que nous ayons effectué une analyse pancanadienne. Les besoins varient d'une région à l'autre et nous nous efforçons donc d'adapter les solutions en conséquence. C'est cela qui a fait notre succès ces cinq dernières années et nous allons donc nous efforcer de poursuivre dans la même direction.

[Français]

Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Monsieur le ministre, je vous remercie. La première question sera posée par le sénateur Fortin- Duplessis.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, madame la présidente. Monsieur le ministre, madame Duchesne, monsieur Tremblay, soyez les bienvenus.

Ma première question, monsieur le ministre, concerne la création du nouveau programme d'appui aux droits linguistiques qui remplace le programme de contestation judiciaire aboli en septembre 2006. Ce nouveau programme ne couvrira que les causes linguistiques, et uniquement au terme d'une étape de médiation obligatoire.

Les récents arrêts Lalonde et Desrochers réaffirment que le concept de l'égalité en matière de droits linguistiques doit recevoir son sens véritable, c'est-à-dire l'égalité réelle par opposition à l'égalité formelle.

Que pensez-vous du fait que les droits à l'égalité aient été exclus du nouveau programme?

[Traduction]

M. Nicholson : Le programme qui a succédé au Programme de contestation judiciaire est financé et administré par le ministère du Patrimoine canadien, et son fonctionnement est donc tout à fait indépendant de moi. Néanmoins, à mon avis, il constitue un pas dans la bonne direction pour tout programme futur de soutien des droits linguistiques. Il s'agit d'un exercice tout à fait utile, que j'appuie sans réserve, sénateur Fortin-Duplessis, mais ce n'est pas moi qui l'administre. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un des programmes lancés par le gouvernement que j'appuie activement.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Le programme d'appui aux droits linguistiques met l'accent sur la médiation. Comme vous le savez, dans une négociation ou une médiation, c'est donnant donnant. Cela ne veut-il pas dire que les communautés francophones hors Québec devront inévitablement renoncer à certains gains si elles veulent en faire d'autre et dans un même temps? Monsieur le ministre, est-ce que les causes phares telles que les arrêts Mahé, Beaulac et Montfort auraient pu être gagnées par la médiation?

[Traduction]

M. Nicholson : Encore une fois, je m'abstiens toujours de faire des observations au sujet de causes précises, sénateur Fortin-Duplessis, mais la médiation est certainement très utile à tous égards. L'usage de cette procédure s'est d'ailleurs généralisé dans l'ensemble du système de justice. Encore une fois, sans vouloir parler directement de cette cause, la médiation a été jugée très utile dans bon nombre de secteurs — le droit familial n'étant qu'un exemple parmi d'autres — où, ces dernières années, on a tenté de passer à autre chose que le système accusatoire enraciné dans tant d'organismes gouvernementaux et même d'institutions de notre société.

Je n'ai aucune responsabilité directe par rapport à cela, mais la médiation me semble une voie utile à prendre.

M. Tremblay a demandé lui aussi de s'exprimer sur ce sujet, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

[Français]

Marc Tremblay, avocat général et directeur, Groupe du droit des langues officielles, Justice Canada : Madame la présidente, j'aimerais revenir brièvement à votre première question. Il faut signaler qu'en effet, le nouveau programme d'appui aux droits linguistiques est le fruit d'un litige impliquant directement la Fédération des communautés francophones et acadienne et le gouvernement du Canada. La FCFA a mené ce dossier et est en position de le régler ou non. En effet, il y a eu entente à l'amiable, à la satisfaction — on doit le croire — de la FCFA, au moment où elle s'est engagée sur cette voie. C'est en quelque sorte la preuve qu'il n'est pas toujours nécessaire de mener des dossiers devant les tribunaux pour obtenir gain de cause dans des discussions entre les institutions gouvernementales et les particuliers. C'est aussi en raison du fait que c'était un litige engagé sur la voie des langues officielles, que l'entente à l'amiable s'est limitée à cette composante de l'ancien Programme de contestation judiciaire. Donc, seul le volet en cause dans la contestation judiciaire se trouve maintenant repris dans ce nouveau programme.

En ce qui a trait à la médiation, le commissaire aux langues officielles lui-même est l'ombudsman linguistique chargé de régler des dossiers avant qu'ils se rendent devant les tribunaux. Ce qu'on a fait avec le nouveau programme d'appui aux droits linguistiques, c'est ce que l'on a fait depuis 1988, même depuis 1969 avec le commissariat aux langues officielles, chargé de résoudre les différends, les difficultés administratives et autres. Il demeure dans les deux cas, dans le cas du commissaire comme dans le cas du Programme d'appui aux droits linguistiques, que l'avenue judiciaire existe, mais en dernier ressort, parce qu'il est toujours préférable de régler de tels dossiers sans que cela nécessite l'intervention des tribunaux.

Le sénateur Tardif : Monsieur le ministre, je m'excuse de mon retard, ma question a trait à la question du nouveau programme. Est-il vrai que vous avez éliminé l'aide financière aux intervenants communautaires dans les causes déjà initiées sous l'ancien Programme de contestation judiciaire?

Je peux peut-être vous aider, monsieur le ministre. Je suis de l'Alberta, et dans la situation de l'Alberta, dans la cause Caron le porte-parole officiel des francophones de l'Alberta, l'Association canadienne-française de l'Alberta, s'est vu refuser le statut d'intervenant lorsque le gouvernement albertain fait appel à la décision où on en est rendu dans la cause Caron.

Est-il vrai que ce financement a été refusé aux intervenants communautaires?

[Traduction]

M. Nicholson : Encore une fois, sénateur Tardif, nous intervenons dans le cas où il est question des droits linguistiques des groupes minoritaires. Nous présentons au cas par cas des arguments conformes aux principes auxquels nous adhérons tous et qui sont inscrits dans la Loi sur les langues officielles; c'est ainsi que nous allons de l'avant. Nous examinons chacune de ces causes séparément.

Encore une fois, à propos du programme, nous fournissons des avis juridiques et intervenons lorsque cela est opportun, mais le programme en soi ne relève pas de moi, ni du ministère. J'appuie cependant ses objectifs; c'est une réponse justifiée et cohérente au principe de la promotion des langues officielles dans notre pays.

[Français]

M. Tremblay : Il y a, en effet, une dispute entre l'Association canadienne-française de l'Alberta et le ministre du Patrimoine canadien quant aux termes spécifiques de l'accord hors cour qui lie le gouvernement du Canada avec la FCFA. Mais ces détails relèvent du ministre du Patrimoine canadien qui a la responsabilité de ce programme, qui a discuté, négocier l'accord hors cour dans le dossier de la FCFA avec elle, et qui doit déterminer les fondements de ce nouveau programme.

Je vous invite à aborder cette question avec le ministre des Langues officielles, le ministre de Patrimoine canadien.

Le sénateur Tardif : Selon la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada, il semble que le gouvernement n'ait pas respecté les termes convenus dans l'entente à l'amiable de juin 2008. Vous avez indiqué que vous avez pris la responsabilité de négocier une entente hors cour entre le gouvernement du Canada et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada suite à l'abolition du Programme de contestation judiciaire.

La fédération indique que selon leurs ententes, lorsqu'ils ont signé, il était convenu que tous les cas de cour présentement devant le Programme de contestation judiciaire seraient financés jusqu'au bout. Cela incluait évidemment les intervenants. Là, il semble y avoir refus de le faire et on revient sur une entente signée avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.

M. Tremblay : Avec égard, comme je l'ai indiqué, je pense qu'il y a un différend sur les termes de cet accord. Je ne peux pas discuter de façon plus approfondie de ce différend. Si une interprétation différente prévaut chez les intervenants dont vous parlez, il y a d'autres modes pour faire vouloir ces propos.

Le sénateur Tardif : Ferait-il partie de vos responsabilités d'offrir un avis juridique à Patrimoine canadien pour ce dossier?

M. Tremblay : Oui, cela ferait partie de nos responsabilités.

Le sénateur Tardif : Pouvez-vous partager avec nous les conseils que vous leur donnez?

[Traduction]

M. Nicholson : Il s'agit toujours d'avis éclairés. Nous sommes cohérents. Nous fournissons des avis fondés. Dans cette cause précise, les parties sont arrivées à un règlement à l'amiable. Nous nous efforçons toujours de fournir des avis fondés sur les principes de la Loi sur les langues officielles et de la dualité linguistique de notre pays. Ce n'est toutefois pas moi qui donne l'avis juridique précis dans une cause donnée, au sens où on l'entend à propos des conversations entre un avocat et son client, qui demeurent toujours confidentielles, mais je peux vous dire que les avis que nous donnons découlent indéniablement des responsabilités qui incombent à un ministère fédéral.

[Français]

Le sénateur Nolin : Il est quelque peu inusité de poser une question à une collègue, mais au bénéfice des membres du comité ainsi que pour les téléspectateurs, il s'agit dans la cause Caron, si je ne m'abuse, d'un individu qui questionne le respect de la dualité linguistique au moment de l'introduction de l'Alberta dans la Confédération. C'est bien de cela que nous parlons ici?

Le sénateur Tardif : Il s'agit d'une contravention pour excès de vitesse. Cependant, cette personne questionne le fait de ne pas avoir pu obtenir un service en français parce qu'il n'y avait pas — selon ce qui est indiqué — d'obligation d'offrir ce service en français.

On a trouvé dans la cause Caron des informations qui indiquent que la province de l'Alberta avait un passé francophone bien avant la création de la province.

[Traduction]

M. Nicholson : En tant que ministre de la Justice et procureur général, je n'ai absolument rien à dire dans les décisions qui sont prises concernant qui reçoit ou non de l'aide au titre de l'ancien Programme de contestation judiciaire. C'est ainsi que les choses devraient se passer, sans ingérence politique.

Le sénateur Nolin : Si j'ai posé la question, c'est afin qu'on nous éclaire davantage, moi et ceux qui ne connaissent peut-être pas l'histoire de l'Alberta et de l'affaire Caron.

[Français]

M. Tremblay, dois-je comprendre que cette affaire est rendue en cour d'appel?

M. Tremblay : Cette affaire est rendue à la Cour supérieure de l'Alberta, si je ne m'abuse, c'est-à-dire que le premier procès s'est déroulé devant la cour provinciale.

Le sénateur Nolin : S'agit-il d'une infraction à un Code de la route?

M. Tremblay : Il s'agit d'une infraction que l'on peut qualifier d'ordinaire au Code de la route. Suite à cela, il y a eu d'autres procédures, mais la procédure principale continue devant la Cour supérieure, la Cour du Banc de la Reine.

Le sénateur Nolin : Cela ressemble à s'y méprendre à l'affaire Forest du Manitoba.

M. Tremblay : Cela ressemble à plusieurs affaires : Forest, Mercure, Bilodeau. Il y a également eu l'affaire MacDonald, en 1986. Cela ressemble à plusieurs dossiers, dont l'affaire Doucet, plus récemment, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Nolin : Merci, cela éclaire ma lanterne.

Le sénateur Dawson : J'ai une question d'actualité. Monsieur le ministre, vous semblez ne pas être d'accord avec le projet de loi déposé à la Chambre des communes concernant la nomination de juges bilingues à la Cour suprême. Certains de vos collègues du Québec ont même exprimé leur désaccord avec ce projet de loi — ce qui m'étonne. Quelle est votre position, monsieur le ministre?

[Traduction]

M. Nicholson : Pour ce qui est de la nomination des juges à la Cour suprême du Canada, nous avons affirmé que l'excellence en droit est notre priorité absolue. Néanmoins, ainsi que vous vous en doutez certainement — tout au moins si vous êtes au courant de ma responsabilité par rapport à la nomination des juges de notre pays —, les juges bilingues des cours des instances supérieures sont considérablement avantagés. Nous collaborons d'abord étroitement avec les juges en chef dans l'ensemble du pays.

Pour ce qui est du projet de loi émanant d'un député que vous venez de mentionner, eh bien, nous estimons que la Cour suprême fonctionne bien. Elle l'a fait dans le respect de la dualité linguistique de notre pays. Elle a veillé à ce que les minorités linguistiques puissent faire entendre leurs causes. À mon avis, la Cour suprême s'est très bien débrouillée. Je rends hommage d'ailleurs à ceux et celles qui en font partie ou qui en ont déjà fait partie dans le passé. La procédure de sélection actuelle a donné de bons résultats et continuera de le faire.

Sénateur Dawson : Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais estimez-vous que nous abaisserions nécessairement nos normes si nous cherchions à trouver huit juges bilingues plutôt qu'un seul unilingue?

M. Nicholson : Le bilinguisme est un avantage à mes yeux; il rehausse les capacités de toute personne. Encore une fois, je me reporte ici aux quelque 250 juges nommés depuis l'arrivée au pouvoir de mon gouvernement. Le bilinguisme aide à bien faire son travail. À ce sujet, je suis de très près les juges en chef de notre pays. Mes conseillers juridiques vous diront la même chose. Je leur ai dit clairement que si le bilinguisme est utile aux juges de notre pays, où qu'ils soient, alors ça m'intéresse beaucoup. C'est un atout immense.

[Français]

Le sénateur Dawson : Pensez-vous qu'il y ait une seule chance que, dans les prochaines années, l'on nomme un juge unilingue français à la Cour suprême du Canada?

[Traduction]

M. Nicholson : Encore une fois, je m'occupe d'un cas à la fois. Cela dit, vous conviendrez sans doute avec moi que les deux personnes que notre gouvernement a nommées sont remarquables. Elles ont donné la preuve du sérieux qu'elles attachent au processus juridique et à tout ce qui est connexe. Ce sont d'excellentes nominations.

Le sénateur Dawson : Êtes-vous en mesure de nous dire combien de juges bilingues ont été nommés à la Cour fédérale depuis trois ans et demi?

M. Nicholson : Je peux vous obtenir l'information.

Le sénateur Dawson : Je vous en serais reconnaissant. On observerait probablement une tendance à nommer certains anglophones unilingues mais aucun francophone unilingue. Quoi qu'il en soit, vous serez en mesure de nous les dire.

M. Nicholson : Encore une fois, qu'il s'agisse de nominations à la Cour fédérale ou à toute autre cour supérieure de notre pays, j'accorde énormément d'attention aux besoins de chaque tribunal. Je suis aussi très fier des juges que nous avons nommés aux cours supérieures de notre pays.

Le sénateur Tardif : Le commissaire aux langues officielles a précisé qu'on manque de juges bilingues, particulièrement dans certaines provinces, comme l'Ontario, tout au moins à un certain niveau. Allez-vous suivre son conseil et chercher à nommer davantage de juges bilingues au niveau en question?

M. Nicholson : Nous encourageons certainement les avocats qui s'expriment dans les deux langues officielles à se porter candidats. Lorsque cette question est soulevée en public — et même si elle ne l'est pas —, je les encourage certainement à le faire. Il y a de grands avantages à pouvoir compter sur quelqu'un capable de s'exprimer avec aisance dans les deux langues. De toute manière, le commissaire aux langues officielles va témoigner devant vous dans 30 minutes environ.

Le ministère de la Justice a bien tiré son épingle du jeu à cet égard. Nous avons d'ailleurs été bien notés pour nos efforts. En ce qui concerne les juges que j'ai nommés, que mon gouvernement a nommés, vous verrez que mes recommandations ont été bien reçues. J'encourage les avocats de partout dans notre pays à se porter candidats.

Dans certaines régions, nous manquons de gens. Par exemple, en Colombie-Britannique, il n'y a pas suffisamment de candidats aux postes de juge. Je les encourage pourtant à présenter leur candidature. Si vous êtes à l'aise dans les deux langues officielles, c'est un avantage énorme. Je leur dis d'aller de l'avant et de communiquer leur nom aux comités consultatifs de la magistrature. Je serais heureux de recevoir ces nominations.

[Français]

La présidente : J'ai une question complémentaire à celles du sénateur Tardif, monsieur le ministre. Elle concerne le programme de formation linguistique taillé sur mesure à l'intention des juges. Connaissez-vous le taux de participation des juges unilingues appelés à siéger comme juge d'une cour supérieure, provinciale ou territoriale à ce programme de formation linguistique? Ce programme existe toujours. Est-ce que les juges unilingues s'en servent? Y a-t-il un taux de participation assez élevé?

[Traduction]

M. Nicholson : Le taux de participation est élevé. Il y a en effet quelque 332 juges des cours supérieures qui suivent ces cours. Or, il y a plus de 1 000 juges des tribunaux supérieurs au Canada. Cela veut donc dire qu'un juge sur trois participe. Aussi, selon les rapports qu'on m'a faits, les cours sont bien reçus. Ils sont utiles et, ainsi que vous pouvez le constater, ils suscitent beaucoup d'intérêt. Je vous remercie d'avoir soulevé la question.

Le sénateur Comeau : Soyez le bienvenu parmi nous, monsieur le ministre. Nous sommes heureux de vous accueillir.

On vous a posé de nombreuses questions au sujet du Programme d'appui aux droits linguistiques. Un peu plus tôt, vous nous avez expliqué n'avoir aucun rôle à jouer par rapport à son administration, en précisant, si je ne m'abuse, qu'il relève en fait du ministre du Patrimoine canadien.

Je vais passer à une autre question. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle?

M. Nicholson : Nous fournissons des avis juridiques. Cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Comeau : Non, pas à ce sujet-là. Il a été suffisamment couvert.

M. Nicholson : C'est assez juste.

Le sénateur Comeau : Quelles sont vos fonctions par rapport à la feuille de route? Quelles responsabilités vous a-t-on confiées?

M. Nicholson : En tant que titulaire d'un ministère assujetti à la Loi sur les langues officielles, je suis chargé de veiller à ce que la lettre et l'esprit de ce texte législatif y soient respectés. Eh bien, je me réjouis franchement des résultats obtenus par mon ministère et je suis heureux de voir à quel point il est sensible à ces questions et reconnaît leur importance. Voyez le projet de loi C-13, qui tire au clair certaines dispositions relatives à la tenue de procès bilingues et de procès dans une langue et aux droits des accusés. Il s'agit là d'un important progrès. Le projet de loi a été adopté par la Chambre et le Sénat. Je peux vous dire que les gens de mon ministère ont travaillé d'arrache-pied pour y arriver et je les félicite d'avoir participé à l'élaboration du projet et de l'avoir maintenu en selle. On m'a dit que c'était la quatrième fois en 10 ans qu'on essayait de faire adopter ce projet de loi et j'ai alors répondu : « C'est important pour les droits linguistiques de notre pays et pour l'administration de la justice au Canada. Je suis déterminé à faire adopter ce projet de loi. »

Encore une fois, c'est moi le titulaire du ministère chargé de la rédaction et de l'organisation du texte. Je remercie donc publiquement les fonctionnaires de leur travail. On n'en parle pas beaucoup. Lorsque les gens abordent le sujet de mon programme de justice, la plupart me parlent de la drogue, des gangs et des armes à feu. On ne parle pas habituellement de la façon de rendre le système de justice plus efficace. Lorsque la question du projet de loi a été soulevée, je l'ai appuyé sans réserve et j'ai dit qu'en dépit de tous les revers qui avaient empêché son adoption dans le passé, j'étais tout à fait favorable à ce projet de loi et déterminé à le faire adopter.

Lorsque l'occasion se présentera, j'espère que vous demanderez au commissaire aux langues officielles de vous parler des résultats obtenus au ministère de la Justice. Je ne veux certainement pas lui souffler des paroles, mais je soupçonne qu'il dira qu'au ministère de la Justice, on a compris les enjeux et qu'on a obtenu de très bons résultats.

Le sénateur Comeau : En tant que titulaire d'un ministère extrêmement important et dont les décisions ont une incidence sur les minorités linguistiques, tant les anglophones au Québec que les francophones à l'extérieur du Québec, rencontrez-vous régulièrement vos collègues ministres pour discuter avec eux des questions qui peuvent avoir des répercussions sur les collectivités des minorités linguistiques?

M. Nicholson : C'est assurément une responsabilité importante qui nous incombe à tous comme ministres.

À part mes fonctions en tant que ministre fédéral, je prends très à cœur la responsabilité qui m'est confiée de nommer les juges des cours supérieures. Je ne crois pas me tromper en affirmant que lorsque les juges en chef ont fait savoir qu'ils estimaient nécessaire ou souhaitable de nommer des juges ayant de bonnes connaissances dans l'une ou l'autre des langues officielles ou dans les deux, le cabinet de Rob Nicholson et son gouvernement ont été réceptifs, ils vous le diront. J'ai reçu les conseils de trois conseillers juridiques, qui s'occupent à plein temps des nominations à la magistrature, et ils vous confirmeront que je leur ai demandé d'être sensibles à cette question. J'ai précisé que nous devons nous acquitter de la responsabilité qui nous échoit en vertu de la Loi sur les langues officielles et du devoir que nous avons envers les Canadiens par rapport à la dualité linguistique de notre pays, et qu'il faut y attacher le plus grand sérieux. Je ne vous parlerais pas avec autant de conviction si on pouvait me prendre en défaut.

Il y en aura toujours qui diront : « Vous devriez faire davantage », et je suis d'accord. Comme pour n'importe quoi d'autre dans ce monde, nous devrions faire plus. Nous voulons continuer de travailler, de construire et d'avoir d'autres succès. Je suis fier et heureux de ce que nous avons fait jusqu'à présent.

Le sénateur Comeau : Le paragraphe 41 de la partie VII de la Loi sur les langues officielles exige que le gouvernement prenne des mesures positives. Je suis certain que ce paragraphe est pris très au sérieux. J'imagine que l'on craint que si le gouvernement commence à mettre en place un règlement, cela ne fonctionnerait peut-être pas aussi bien que si on avait un programme de contestation judiciaire. Le gouvernement devrait-il mettre en place un règlement, bien sûr en consultation avec les collectivités minoritaires, ou est-ce que la décision ultime devrait être prise dans le cadre d'une contestation judiciaire? Personnellement, je ne sais pas exactement quelle devrait être la réponse.

M. Nicholson : Il y a toujours différents éléments dont il faut tenir compte. Je vous ai parlé de notre Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne et de notre plan quinquennal, du fait que nous sommes disposés à financer ce projet et à investir des ressources et des fonds là où ils peuvent être utiles, à former des particuliers et à offrir davantage de possibilités aux gens dans les deux langues officielles. Voilà donc un des éléments. Le programme qui a été mentionné précédemment sous les auspices du ministre du Patrimoine en est également un élément. Tout cela va dans la même direction, c'est-à-dire pour renforcer cette vision du Canada.

Un premier ministre du Québec a déclaré un jour que notre pays devra être bilingue sinon nous n'aurons pas de pays. Nous reconnaissons qu'il s'agit là d'un élément absolument essentiel de ce que nous sommes en tant que pays et en tant que Canadiens. Nous avons tous un rôle à jouer à cet égard, et cela comporte différents aspects, mais nous devons tous aller dans la même direction.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Ma question porte sur la Feuille de route. J'aimerais d'abord un peu plus de détails au sujet de certains programmes. Par exemple, pour la Feuille de route, presque 50 millions de dollars du budget sont consacrés à l'application de la Loi sur les contraventions. Quels progrès ont été faits suite à l'application de la Loi sur les contraventions?

Dans votre présentation vous parlez aussi de la formation en justice. Quels sont les objectifs réels de ce programme? Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails?

[Traduction]

M. Nicholson : Entre autres, le ministère de la Justice investira 20 millions de dollars dans des mesures précises pour former et recruter du personnel bilingue au sein du système de justice pénale. Nous dépenserons 21 millions de dollars pour continuer d'aider les collectivités de langue officielle en situation minoritaire à avoir accès au système de justice dans la langue officielle de leur choix, et 49 millions de dollars pour aider les provinces et les territoires à diminuer les écarts dans la prestation de services bilingues lorsqu'ils entreprennent des procédures à la suite d'une infraction à la loi au nom du gouvernement fédéral. Nous faisons donc ce que nous avons dit que nous allions faire. J'ai parlé du processus de consultation dans le cadre de notre étude pancanadienne, et nous irons de l'avant à cet égard. Nous nous sommes engagés à le faire.

[Français]

M. Tremblay : On se souviendra que la Loi sur les contraventions et sa mise en œuvre font suite à une décision de la Cour fédérale de 2001.

En effet, dans le plan de 2003 à 2008, des sommes ont été consacrées à la conclusion d'ententes entre le gouvernement fédéral et l'Ontario dans le but de mettre en œuvre le jugement de la cour. Même si la décision de la cour se limite très strictement à l'Ontario et qu'il n'y a aucune application à l'extérieur des faits qui sont propres à la relation entre le gouvernement fédéral et l'Ontario, l'administration a tout de même décidé d'étendre l'application de la loi aux autres juridictions par voie de la négociation fédérale-provinciale.

Je ne suis pas directement responsable de ce programme, parmi les rapports qui ont été produits pour la période de 2003 à 2008, il y a eu un rapport de progrès sur les ententes qui avaient été conclues. Actuellement les discussions avec les autres juridictions se poursuivent. Si vous voulez avoir des réponses plus spécifiques, on pourra vous les fournir subséquemment.

Le sénateur Losier-Cool : Est-ce qu'il est prévu de former un comité des ministres des différentes provinces pour la mise en œuvre de la Feuille de route?

M. Tremblay : Au niveau horizontal, il faut dire que ce n'est pas une question que l'on peut poser au ministre de la Justice. Il faudrait d'abord la poser au ministre qui s'occupe des langues officielles, qui assume la responsabilité horizontale du dossier et — je ne veux pas parler pour le ministre des langues officielles — qui rencontre certainement ses homologues provinciaux.

Peut-être que Mme Duchesne pourrait discuter des travaux qui se font au sein de l'administration de la justice de même égard au niveau de la discussion fédérale-provinciale.

Andrée Duchesne, avocate-conseil et gestionnaire, Francophonie, Justice en langues officielles et Dualisme juridique, Justice Canada : Comme monsieur le ministre le mentionnait, au niveau de l'accès à la justice, si on exclut la loi sur le programme de mise en œuvre des ententes avec les provinces en matière de contravention, il y a quand même deux programmes : le fonds d'appui à l'accès à la justice et la nouvelle initiative de formation en justice en langues officielles.

Ces deux programmes sont également au niveau du processus de consultation et du processus de travail; il y a tout un processus de consultation avec nos partenaires non gouvernementaux, donc nos partenaires surtout communautaires comme les institutions d'enseignement. Mais il y a également un groupe de travail fédéral-provincial territorial qui se penche sur la question d'accès à la justice en langues officielles.

Ce groupe de travail nous a permis de faire des avancées intéressantes au niveau des juridictions provinciales. La dernière qui porte sur la formation en matière de justice en langues officielles est le résultat d'une large consultation qui a fait un consensus assez important, à la fois du côté de nos partenaires communautaires, mais également du côté de nos partenaires provinciaux et territoriaux. Donc en matière de justice et d'accès à la justice en langues officielles, il y a déjà une structure de travail fédéral-provincial-territorial.

Le sénateur Losier-Cool : Je peux dire que c'est un des objectifs contenus dans la Feuille de route pour la question de formation.

Mme Duchesne : Il y a effectivement une structure. Elle ne se place pas au niveau des ministres cependant, elle est pour des fonctionnaires qui travaillent directement au sein du système de justice. Donc, parmi ces gens, il y a à la fois des procureurs de la Couronne, puisque nos actions sont surtout concentrées en matière criminelle, mais il y a aussi des représentants de l'administration et des tribunaux.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : Monsieur le ministre, merci d'être avec nous ce soir. Lorsque nous avons modifié le paragraphe 41 de la Loi sur les langues officielles en 2004 ou en 2005, le Sénat a introduit les mesures positives que notre collègue, le sénateur Comeau, a mentionnées.

À titre d'avocat principal du gouvernement, comment définissez-vous cela? J'ai dit « avocat principal » du gouvernement.

[Français]

M. Tremblay : Il n'y a en effet pas de définition. Je ne suis certainement pas l'avocat principal.

Le sénateur Nolin : C'est pour cette raison que j'adressais ma question au ministre.

M. Tremblay : Il n'y a pas de définition de « mesures positives » dans les modifications à loi adoptées en novembre 2005. C'est donc un sujet qui est abordé de temps à autre pour savoir comment définir cela.

Pour revenir à la question du sénateur Comeau, on pourrait aussi penser que ce serait un sujet qui pourrait éventuellement être défini soit par les tribunaux ou encore par voie de réglementation, des pouvoirs de réglementation qui sont prévus par cette partie VII modifiée.

Cela dit, pour rentrer dans les détails de la position du ministère de la Justice sur ce qui constituent ou pas des « mesures positives », on s'embarque à nouveau sur ce terrain des conseils juridiques que nous donnons, des interprétations que nous devons avancer pour nos clients.

Le sénateur Nolin : Laissez-moi poser la question différemment. Qu'avez-vous fait dans votre ministère pour introduire, depuis novembre 2005, des « mesures positives »?

[Traduction]

M. Nicholson : Encore une fois, les études que nous entreprenons, l'argent que nous dépensons pour la formation et la promotion du bilinguisme, sont toutes des mesures proactives. M. Tremblay a dit entre autres qu'il est possible d'obtenir des dispositions imposées par le tribunal, mais je préfère être proactif dans tous les cas.

Je suis heureux qu'aucune plainte officielle n'ait été déposée devant le commissaire aux langues officielles contre le ministère de la Justice. Voilà maintenant deux ou trois ans qu'aucune plainte officielle n'a été déposée. C'est excellent. Cela veut dire que nous sommes sur la bonne voie. J'en suis heureux. Encore une fois, j'ai dit que l'argent, les fonds et la Feuille de route que nous avons dressée sont des mesures proactives, tournées vers l'avenir. Il s'agit d'un programme quinquennal. Nous faisons un bon travail dans le ministère que je représente. Nous pouvons continuer de faire un bon travail. Nous pouvons continuer de nous améliorer. Je suis en faveur de tout cela.

J'estime, et les autres ministres vous en diront autant, que notre devoir est d'être proactifs. Comme je l'ai indiqué à votre collègue, quand nous prodiguons des conseils, ce sont de bons conseils, des conseils conformes aux lois et aux directives qui ont été données au gouvernement.

Le sénateur Nolin : Monsieur le ministre, nous aurions bien aimé savoir ce que la cour en pensait, mais vous avez réglé l'affaire à l'amiable avant que les juges de la Cour fédérale ne puissent se prononcer.

M. Nicholson : Quand il y a des poursuites, il arrive qu'elles se règlent à l'amiable.

Le sénateur Nolin : C'est un bon usage des deniers publics.

Le sénateur Mockler : Monsieur le ministre, une question m'intéresse tout particulièrement : cette année marque le 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

Je n'ai sûrement pas à vous dire que le Nouveau-Brunswick, comme toutes les autres provinces canadiennes, est très fier du 40e anniversaire de la loi. Mais, comme vous l'avez dit, il faut faire plus.

[Traduction]

J'ai une question pour vous et vos collaborateurs. Quelles mesures le ministère de la Justice a-t-il adoptées pour garantir le respect de la langue de travail?

[Français]

Pour assurer le respect de la langue de travail au ministère.

[Traduction]

M. Nicholson : Avant tout, je peux vous dire que c'est une priorité pour nous. Mon sous-ministre vous le confirmera : nous voulons que tous les employés du ministère puissent travailler dans la langue officielle de leur choix. On s'assure que cela se sache à tous les niveaux au ministère de la Justice. Nous prévoyons des fonds pour la formation linguistique et nous encourageons les interactions. J'estime, honnêtement, que notre bilan est plutôt bon. Je le répète, il faut que l'exemple vienne d'en haut. Nous sommes très sensibles à ces questions, que ce soit dans la rédaction des lois ou dans le travail quotidien et les interactions entre les employés. Le bilan du ministère est très bon.

M. Tremblay : J'ajouterai que le ministère compte un comité intraministériel, le Comité de coordination et d'intégration des langues officielles. Le nom du comité témoigne du fait que la situation des langues officielles au ministère de la Justice est un peu plus complexe qu'ailleurs. Nous sommes les conseillers juridiques du gouvernement. Nous sommes aussi les représentants des institutions fédérales lorsque nous comparaissons devant les tribunaux. Nous sommes le ministère du procureur général du Canada et, à ce titre, assumons des fonctions précises aux termes de la partie III de la Loi sur les langues officielles. Nous sommes aussi les rédacteurs des lois et, à ce titre, nous appuyons les parlementaires qui doivent adopter des lois bilingues.

L'application de la partie VII de la loi se fait par le service représenté par ma collègue, Andrée Duchesne. Comme toutes les institutions fédérales, nous avons le devoir de communiquer avec le public et de lui offrir nos services dans les deux langues officielles; nous devons également créer un milieu de travail propice à l'usage du français et de l'anglais.

C'est une situation complexe où beaucoup de joueurs interviennent et nous voulons bien coordonner nos efforts, rassembler tous les intéressés pour que tous travaillent dans le même sens. Nous avons donc fait un bilan détaillé de nos efforts. De façon générale, nous estimons avoir un assez bon rendement, mais il est toujours possible de s'améliorer. Récemment, par suite de décisions prises dans toute la fonction publique, nous avons adopté une nouvelle politique de formation linguistique. Elle a récemment été mise en œuvre et vise à assurer l'uniformité de l'accès à la formation linguistique dans tout le ministère.

Le ministre, dans son allocution d'ouverture, a évoqué la conférence ministérielle qui se tiendra le 4 juin pour marquer le 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Nous sommes très fiers de notre travail à ce chapitre. Pour la première fois en une quinzaine d'années, tous les bureaux régionaux du ministère de la Justice seront reliés. Ainsi, nos employés dans les régions pourront participer à la conférence par lien vidéo et faire de cet événement un événement véritablement national. L'honorable Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême, sera notre conférencier invité. Nos employés à l'échelle du pays entendront ses vues sur le rôle des tribunaux et notre bilan. Je suis certain qu'ils recevront des conseils intéressants.

On a le sentiment qu'il y a un bon élan au ministère. Nos cochampions des langues officielles sont très actifs. Ils ont abordé la question avec le conseil de la haute direction à quelques reprises et je suis sûr qu'ils la soulèveront à nouveau.

[Français]

Le sénateur Tardif : Vous avez complété, en octobre 2007, un rapport d'évaluation sur la coordination du Plan d'action pour les langues officielles. Selon le rapport d'évaluation, vous avez indiqué que ces diverses activités ont contribué à accroître la sensibilisation du gouvernement fédéral aux questions de langues officielles. Elles ont également permis d'offrir une uniformité dans les avis prodigués par l'intermédiaire du ministère de la Justice du Canada et plus particulièrement, de ses services juridiques.

Quel message d'uniformité avez-vous donné à vos ministères?

[Traduction]

M. Nicholson : C'est un bon message. C'est M. Tremblay qui s'occupe de cela et je lui demanderai donc de vous faire part de ses observations.

[Français]

M. Tremblay : En effet, sous le cadre d'imputabilité de coordination, le ministère de la Justice s'est vu confier un rôle conséquent avec ses responsabilités habituelles, c'est-à-dire à titre de conseiller juridique, on rend des avis, et cetera. Mais ce qu'on voulait tenter de faire dans le contexte plus particulier des langues officielles, c'était d'être davantage proactif, d'aller au-devant des demandes d'avis juridique.

Afin d'avoir une meilleure cohésion, il faut un service juridique centralisé qui offre des conseils juridiques aux ministères. Vous connaissez le vieux dicton qui veut que si on a 12 avocats dans une salle, il y aura 12 opinions sur une question. Plutôt que d'avoir 12 avocats dans 12 services juridiques ministériels, il y a un service centralisé qui est en mesure d'offrir des conseils horizontaux. On ne dit pas une journée à un ministère une chose et le lendemain, un autre ministère se fait dire autre chose. Il y a cohérence et uniformité. Il y a une approche concertée à la résolution des questions. Nous sommes sept avocats et avocates, et nous devons sortir un peu pour nous faire connaître autant des ministères que des bureaux régionaux. Il faut faire des sessions de sensibilisation. On a fait une centaine de présentations à différents groupes, secteurs, portefeuilles au sein du ministère de la Justice, à l'extérieur du ministère de la Justice, dans tous les réseaux des langues officielles au sein du gouvernement pour les sensibiliser à leurs obligations et leur dire ce que la loi sur les langues officielles les oblige à faire et les informer de notre existence afin qu'ils puissent bénéficier de nos services. Cette évaluation, j'en suis très fier, a été très positive et a conclu qu'au fil des cinq ans, les activités que nous avions entreprises avaient eu un impact fort positif.

Le sénateur Tardif : Je suis contente de voir cette proactivité de la part du ministère de la Justice. Cependant, je trouve intéressant le fait que vous hésitiez toujours à définir le terme « mesures positives ». Dans votre désir d'être proactif, vous restez toujours timide dans la définition que vous donnez de « mesures positives ». Vous ne l'avez toujours pas partagé avec nous.

Je vous avais posé la question lors de votre comparution en février 2008, et à ce moment, vous aviez indiqué que vous ne pouviez pas nous donner des réponses, car c'était devant les tribunaux. Alors maintenant il y a eu entente à l'amiable. On vous demande encore de nous donner la définition de « mesures positives » et nous n'avons toujours pas de réponse. Dans ce désir de proactivité et de jouer un rôle de leadership, on aimerait entendre de la part du ministère de la Justice, une définition quelconque de « mesures positives ».

M. Tremblay : Là où on diverge, c'est que nous avons donné des conseils sur ce que sont des « mesures positives ». Mon devoir professionnel en tant qu'avocat me contraint à ne pas dévoiler les conseils que j'ai donnés aux institutions fédérales. Mais, oui, dans ces centaines de présentations que j'ai effectuées à travers le pays, il a fréquemment été question, sinon dans tous les cas, de ce dans quoi la partie VII de la Loi sur les langues officielles oblige chacune des institutions fédérales. Malheureusement pour vous, le ministère de la Justice n'est pas en mesure de vous offrir des conseils juridiques.

Le sénateur Tardif : Si les résultats étaient insatisfaisants, on pourrait juger que les conseils n'avaient pas convaincu les ministères? N'ayant pas de définition, nous sommes contraints de juger par les résultats.

M. Tremblay : Je pense en effet que c'est dans les résultats qu'on peut juger.

[Traduction]

M. Nicholson : Les résultats se passent d'explications. À preuve, l'excellent progrès que nous avons réalisé en ce qui concerne la nomination de juges à l'aise dans les deux langues et ce que nous avons fait pour encourager les colloques et la formation. Je vous ai dit que le commissaire aux langues officielles n'a reçu aucune plainte au sujet du ministère de la Justice. Je pense que c'est la deuxième année de suite sans plaintes.

Les résultats se passent d'explications. Nous avançons. Nous essayons de régler les problèmes de manière proactive au ministère et nous donnons de bons conseils aux autres ministères à vocation juridique.

Le sénateur Tardif : Les résultats dont je parlais sont ceux des autres ministères et institutions, et pas seulement ceux du ministère de la Justice.

M. Nicholson : Le gouvernement a fait des progrès avec sa feuille de route pour l'avenir et il y a lieu de s'en réjouir.

Le sénateur Comeau : Dans la même veine que ma collègue d'en face, j'ai retenu de cette réponse que M. Tremblay a rencontré des représentants d'autres ministères et leur a donné des conseils qui, à son dire, sont confidentiels puisqu'ils sont formulés par le ministère de la Justice. Ainsi, c'est le procureur général qui donne des conseils qui ne peuvent pas être divulgués.

Cela veut peut-être dire que M. Tremblay est en train de vider de leur substance les conseils donnés à tous les autres ministères en vertu du paragraphe 41 de la partie VII. Je soumets cela à votre réflexion.

M. Nicholson : Les résultats se passent d'explications. Le gouvernement a fait des progrès dans tous les ministères. J'ai mentionné Patrimoine et ses responsabilités. Je le répète : je m'exprime en mon propre nom à titre de procureur général et ministre de la Justice. Je pense que les résultats sont bons. Vous avez le droit d'inviter des représentants de n'importe quel autre ministère mais je pense que, dans l'ensemble, les résultats du gouvernement sont très bons et louables.

Le sénateur Comeau : Je n'ai exprimé aucun doute là-dessus, monsieur le ministre.

M. Nicholson : C'est bien.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Seriez-vous en mesure de nous dire combien de francophones travaillent au ministère de la Justice? Vous avez mentionné 3 500 avocats et avocates, mais combien sont francophones?

[Traduction]

M. Nicholson : Votre question concerne-t-elle les personnes qui parlent les deux langues officielles?

Le sénateur Losier-Cool : Oui, soit des personnes bilingues ou des francophones.

M. Nicholson : Nous serons heureux de vous fournir cette information.

Le sénateur Nolin : Il y a neuf ans, le précurseur de votre ministère a commencé à déposer au Parlement d'importants projets de loi concernant le caractère bijuridique et bilingue du Canada, ce qui est unique dans le monde. Vous avez cessé de le faire. Pourquoi? Nous n'avons pas vu de projets de loi de ce genre depuis quatre ou cinq ans.

M. Nicholson : De quels projets de loi voulez-vous parler?

Le sénateur Nolin : Sept projets de loi étaient prévus, mais il n'y en a eu que deux. Nous voulons savoir ce qui est arrivé aux cinq autres.

M. Nicholson : Nous respectons les deux régimes de droit. Nous faisons ce que nous pouvons.

Le sénateur Nolin : Le problème est que les lois canadiennes ne respectent pas le caractère bijuridique du droit dans notre pays et on avait donc prévu sept projets de loi importants pour corriger cette situation. Le dépôt de ces projets de loi a été souligné ailleurs dans le monde, mais nous ne sommes pas allés jusqu'au bout. Où en sommes-nous maintenant?

M. Nicholson : Sénateur, nous faisons des progrès.

Le sénateur Nolin : C'est une question simple, je veux une réponse.

[Français]

La présidente : L'information pourrait-elle être envoyée le plus rapidement possible au greffier du comité?

[Traduction]

Monsieur le ministre, merci de votre visite aujourd'hui et bonne chance.

[Français]

Nous suspendons la séance pour quelques instants et nous reprendrons avec notre prochain groupe de témoins.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Nous reprenons maintenant la séance. Le comité souhaite la bienvenue à M. Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, qui comparaît devant le comité pour présenter les conclusions principales du rapport annuel du commissariat publié récemment et pour répondre à nos questions à ce sujet.

Je souhaite la bienvenue également à tous les représentants du commissariat qui accompagnent le commissaire ce soir. Il s'agit de Mesdames Ghislaine Charlebois, commissaire adjointe de la Direction générale de l'assurance de la conformité, Lise Cloutier, commissaire adjointe à la Direction générale des services corporatifs, Pascale Giguère, directrice intérimaire et avocate générale à la Direction générale des affaires juridiques, et Johane Tremblay, commissaire adjointe intérimaire à la Direction générale des politiques et communications.

Monsieur le commissaire, je vous cède la parole.

Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles : Madame la présidente et membres du Comité sénatorial des langues officielles, bonjour. Comme vous le savez, la Loi sur les langues officielles célèbre ses 40 ans cette année. Manifestement, les parlementaires qui ont œuvré à son élaboration menant à sa sanction royale en 1969 étaient des visionnaires. Cet encadrement législatif était absolument nécessaire pour l'avenir du pays.

[Traduction]

Heureusement, pour ceux qui s'intéressent à l'esprit de la loi et aux premières années de sa mise en œuvre, les deux premiers commissaires ont relaté leurs expériences. Dans ses mémoires de 2004, Life Sentences : Memoirs of an Incorrigible Canadian, Keith Spicer, le premier commissaire aux langues officielles, a décrit l'émoi qu'il a ressenti lorsqu'il a été le premier à occuper ce poste. Cette année, alors que nous célébrons le 40e anniversaire de la loi, Maxwell Yalden publie son ouvrage intitulé Transforming Rights : Reflections from the Front Lines. Dans cet ouvrage, M. Yalden analyse les origines des droits linguistiques au Canada avec le même mélange judicieux de précision et de passion qui a caractérisé les années qu'il a passées à titre de deuxième commissaire aux langues officielles. M. Yalden craint que « les efforts vigoureux du passé aient été remplacés par un laisser-aller nonchalant ».

Je partage ses inquiétudes; à titre de sixième commissaire, un de mes défis sera d'être à la hauteur des normes de promotion vigoureuse et de protection rigoureuse établies par mes prédécesseurs.

[Français]

Comme balises importantes, des garanties linguistiques contenues dans la Charte canadienne des droits et libertés ont appuyé la révision de la Loi sur les langues officielles. Les avantages qui en ont découlé sont nombreux sur le plan des droits de la personne, de la culture, de la mobilité de la main-d'œuvre et de l'économie. Ils profitent à tous les Canadiens et les Canadiennes, quelle que soit leur langue maternelle. Néanmoins, le temps est venu de faire disparaître les irritants et les contradictions de la mise en œuvre du régime linguistique canadien.

Nous devons plutôt atteindre une certaine cohérence entre les politiques, programmes et initiatives variés du gouvernement. Mon rapport de cette année vise à évaluer la distance entre le chemin parcouru et le chemin qu'il nous reste à parcourir, et ce, dans le cadre de trois volets : l'apprentissage des langues officielles, la qualité des services offerts par les institutions fédérales et l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 à Vancouver.

[Traduction]

Malgré l'investissement important qu'il représente pour l'avenir du pays, l'accès à l'apprentissage des deux langues officielles reste limité. En permettant aux jeunes Canadiens d'acquérir des compétences utiles sur les plans professionnel, personnel et culturel, on facilite leur mobilité professionnelle.

Dans le contexte économique actuel, je trouve déplorable que les gouvernements et les établissements postsecondaires ne mettent pas suffisamment l'accent sur des programmes d'apprentissage de la langue seconde.

Bien qu'on encourage les étudiants à emprunter la voie du bilinguisme tout au long de leur parcours scolaire, les établissements postsecondaires leur offrent rarement l'occasion de poursuivre leurs études dans leur seconde langue. Après 40 ans de politique linguistique, il est grand temps d'ouvrir les derniers tronçons de cette route. Le gouvernement fédéral doit faciliter la rencontre des différents acteurs pour créer un véritable continuum d'apprentissage de la langue seconde.

[Français]

Selon les observations effectuées auprès des institutions fédérales, les services gouvernementaux sont offerts dans la langue de la minorité lorsque la demande est importante dans 75 p. 100 des cas. Bien souvent, les institutions fédérales n'offrent pas de façon active leurs services dans la langue de la minorité et les citoyens hésitent à les demander dans leur langue.

De plus, on se contente trop souvent d'offrir à la minorité linguistique une version traduite des services offerts à la majorité. Pourtant, dans un jugement important rendu le 5 février 2009, dans l'affaire Desrochers, la Cour suprême déclare que les institutions fédérales doivent tenir compte de la nature des services et des besoins spécifiques des communautés de langue officielle.

Bref, l'obligation d'offrir des services de qualité égale dans les deux langues officielles peut ne pas se traduire par des services identiques.

[Traduction]

Finalement, l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 à Vancouver illustre bien certains obstacles à l'intégration de la dualité linguistique dans notre réalité canadienne. Je continue d'être préoccupé par le fait que notre pays a des difficultés à relever de façon exemplaire les défis liés aux langues officielles dans le cadre des jeux. Et ce, bien qu'on y retrouve 26 millions d'anglophones et 9 millions de francophones.

Comme l'indique mon étude présentée en décembre dernier et les conclusions de la campagne de sensibilisation auprès des institutions fédérales entreprise depuis, le comité organisateur et les institutions fédérales devront faire davantage pour s'assurer que le public canadien et leurs visiteurs ont accès à des services dans les deux langues officielles du pays.

Comme je le signalais à vos collègues de l'autre place, afin que les langues officielles soient pleinement intégrées et omniprésentes lors des jeux, le comité organisateur et le gouvernement fédéral devront aller au-delà de la mise en œuvre des 18 recommandations de mon rapport. Cela signifie qu'ils devront intégrer pleinement les langues officielles dans toutes les activités, et ce, à toutes les étapes. Le respect de la dualité linguistique doit être un réflexe lors de la planification et l'exécution et non pas une réflexion après coup.

Il est encore possible de voir à ce que les jeux témoignent de la dualité linguistique avant, pendant et après l'arrivée des athlètes. Cependant, il reste peu de temps pour régler les problèmes les plus pressants, notamment à l'égard de la traduction, de l'interprétation et de la signalisation. Les institutions fédérales qui ont un rôle particulier à jouer doivent réaliser que la venue de milliers de visiteurs additionnels entraînera une demande accrue de services bilingues. Cela est particulièrement important pour ce qui est des services offerts sur les sites des jeux et des services au public voyageur offerts notamment dans les aéroports de Vancouver et de Toronto.

L'exemple des Jeux olympiques témoigne du besoin de mieux ancrer les langues officielles au sein des institutions fédérales, non seulement sur le plan des services mais aussi en ce qui concerne l'appui aux communautés de langues officielles et la promotion de la dualité linguistique.

[Français]

En 2010, cinq ans se seront écoulés depuis que le Parlement a bonifié la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Je sais que votre comité continue de s'intéresser à la mise en œuvre de cette partie de la loi. Comme je l'ai déjà signalé, les institutions fédérales doivent d'une part tenir compte de l'impact de leurs interventions et de leurs programmes sur le développement sur les communautés. D'autre part, elles doivent s'investir dans la promotion pancanadienne de la dualité linguistique, sans quoi la partie VII de la loi demeurera un vœu pieux. Seule une mise en œuvre qui respecte la lettre et l'esprit de la partie VII par les institutions fédérales permettra aux communautés de langue officielle de s'épanouir davantage.

Je peux vous dire que je ne suis pas très impressionné par la façon dont le gouvernement a géré la mise en œuvre de cette partie de la loi. La réponse a été lente et minimaliste. Mon personnel et moi porterons une attention particulière à cet enjeu au cours de l'année 2009-2010.

Pour dynamiser la dualité linguistique au sein de la société canadienne, je tiens à inviter de nouveaux joueurs à s'engager. J'invite les établissements postsecondaires à établir un lien étroit entre l'offre de programmes en langue seconde et les besoins en main-d'œuvre bilingue des employeurs telle la fonction publique fédérale.

J'invite aussi les jeunes à perfectionner leur apprentissage de la langue seconde en ciblant les occasions offertes par l'autre communauté linguistique. Finalement, j'encourage un leadership et un engagement des dirigeants du secteur public et des gestionnaires des services publics qui doivent être ravivés pour faire de la dualité linguistique une valeur omniprésente dans les institutions fédérales.

[Traduction]

L'exercice de renouvellement de la fonction publique doit faciliter la formation de futurs dirigeants déterminés à promouvoir la dualité linguistique en tant que valeur, tant par leurs gestes quotidiens que par la mise en œuvre et la gestion de programmes et de politiques linguistiques.

Bien sûr, tout devra être appuyé par un leadership soutenu de l'appareil fédéral, basé sur une vision dynamique de la dualité linguistique empreinte de respect, de dialogue et de partenariat. Pour ce faire, la mobilisation soutenue du gouvernement fédéral est nécessaire. La bonne volonté de la part des employés de première ligne ne peut se concrétiser de façon cohérente que si elle est appuyée par un leadership fort au sein du gouvernement fédéral.

Au mois de juin 2008, le gouvernement a rendu public sa Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne. Je m'inquiète toujours des délais de mise en œuvre de cette initiative, du peu d'information disponible quant à certains projets et de l'incertitude que génère la disparition de programmes dans certains domaines visés par la Feuille de route 2008-2013. L'absence d'objectifs précis rattachés à la Feuille de route du gouvernement n'a rien pour nous assurer d'une mise en œuvre optimale.

Les organismes communautaires, le milieu de l'enseignement et les gouvernements provinciaux sont préoccupés, car ils n'ont pas une vision claire de l'action du gouvernement fédéral. Si les investissements engagés dans divers programmes sont certainement les bienvenus, le gouvernement gagnerait à énoncer une vision globale et des objectifs précis de ce qu'ils comptent accomplir.

[Français]

La vision des parlementaires de 1969 était ambitieuse, audacieuse, et surtout cruciale pour l'avenir du pays. Après 40 ans, d'autres défis nous attendent. Si à l'époque il s'agissait d'un moyen pour rassembler les Canadiens et faire en sorte que l'État puisse les servir dans la langue officielle de leur choix, il s'agit maintenant de les aider à réaliser leur plein potentiel.

Merci de votre attention. J'aimerais prendre le temps qu'il nous reste pour répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie monsieur le commissaire. La première question sera posée par le sénateur Fortin- Duplessis.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur le commissaire, votre rapport vient d'être publié et je vous en félicite. J'ai lu ce rapport de 134 pages avec beaucoup d'attention et d'intérêt. J'ai été un peu surprise de constater qu'il y a seulement deux références au mot « Internet », soit aux pages 47 et 64.

En même temps, il y a qu'une référence au mot « média » à la page VII de votre avant-propos. Toutefois, à la page X de votre avant-propos, vous reconnaissez le manque de lien et de cohésion dans la politique linguistique canadienne. Toujours selon l'avant-propos, l'objectif du rapport est la cohésion.

Dans le résumé du rapport de 15 pages disponible sur le site web au Commissariat aux langues officielles, les mots « média » et « Internet » brillent par leur absence. Voici ma question. Compte tenu de la crise courante dans les médias et leur rôle vital de lien de cohésion, pourquoi ne parlez-vous pas plus dans votre rapport d'Internet et de médias?

M. Fraser : C'est une très bonne question. Il est toujours difficile de répondre clairement sur ce qui ne figure pas dans un rapport. Mais j'aimerais vous parler du défi que représentent les nouvelles façons de communiquer, dont Internet et les autres. En examinant des études et d'autres rapports sur Internet et les nouveaux moyens de communication électroniques, j'ai constaté que par le temps qu'il faut pour rédiger un rapport, élaborer des recommandations, les traduire et les publier, l'environnement change.

C'est un environnement qui change si vite qu'il est très difficile de le suivre, de comprendre la réalité, de faire en sorte que les recommandations d'aujourd'hui seront toujours adéquates lorsque le rapport sera publié. Cela étant dit, au sein de l'organisation, on est en train de regarder de près toute la question de la communication interactive, de ce qu'on appelle le « Canada 2.0 », et de la gouvernance électronique — le e-government, comme on dit, parfois en anglais —, et ce que cela signifie pour les langues officielles. Comment le gouvernement peut-il répondre à l'exigence de l'utilisateur d'Internet qui s'attend à une réponse immédiate, toujours en respectant l'imputabilité, la Loi sur les langues officielles, le regard nécessaire sur le contenu d'une réponse d'un fonctionnaire à un citoyen?

Johane, je ne sais pas si on peut parler un peu plus du travail qui est en train de se faire chez nous à cet égard, mais effectivement, on étudie la question.

Johane Tremblay, commissaire adjointe intérimaire, Direction générale des politiques et des communications, Commissariat aux langues officielles : Nous sommes effectivement en train d'examiner de nouveaux enjeux qui sont soulevés par l'utilisation de ces nouveaux médias. Mais nous ne sommes vraiment qu'au début de notre réflexion.

Cependant, on ne parle peut-être pas d'Internet ni des médias, mais on voudrait attirer votre attention sur le fait que Radio-Canada avait fait l'objet de notre exercice d'évaluation de rendement. Radio-Canada est traitée dans le rapport annuel à cet égard. C'est la seule référence que l'on fait à ce niveau.

Et évidemment, au niveau du développement des communautés, on a identifié un certain nombre de secteurs dans lesquels les communautés sont appelées à se développer; on parle entre autres du secteur éducation, du secteur arts et culture. Je crois que l'on a identifié six secteurs d'activités et on a fait une référence à la Feuille de route, à la façon dont le gouvernement a accordé un financement par rapport à ces secteurs, quels sont les objectifs prévus dans la Feuille de route par rapport à ces six secteurs d'activités.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Madame la présidente, je vais donner la chance à d'autres personnes de poser des questions, mais s'il reste du temps, à la fin, j'aurais une question d'un tout autre ordre d'idée à poser.

Le sénateur Dawson : Sénateur Fortin-Duplessis, votre question était excellente. Je peux dire que le Comité des transports et des communications est en train d'étudier la notion de Canada 2.0. Canada 1.0; c'était clair, il y avait des restrictions, il fallait que le continu canadien comprenne un pourcentage de contenu francophone. On avait des lignes directrices, des pourcentages. Et on a eu des succès. Les 40 années qui méritent d'être fêtées méritent de l'être parce qu'il y avait des visionnaires qui avaient lancé des défis, mais qui les avaient quantifiés et avaient émis des contraintes. Si vous vouliez des licences, il y avait une nécessité d'avoir du contenu.

Mais Canada 2.0 n'existe plus. Dans le domaine des nouvelles technologies, que ce soit le BlackBerry ou Internet, la protection du contenu canadien, dans son sens large, est encore plus important pour nous, gens préoccupés par la langue française. Pour ce qui est du contenu francophone dans les nouveaux médias, on fait un peu l'autruche, la tête dans le sable. Ce que vos sept prédécesseurs ont eu à vérifier, ce sera extrêmement difficile pour vous et vos sept successeurs, parce que cette nouvelle technologie est rapide.

Je fais une longue introduction, mais ma question suivra. Si on prend comme exemple le blogue. Tout le monde est en mode blogue ou Twitter. D'ailleurs, on ne sait même pas si certains mots sont en anglais ou en français. Mais la réalité est qu'on ne peut pas bloguer bilingue, technologiquement parlant. Il y a un échange entre l'État et les contribuables qui se fait de plus en plus rapidement. Cela devient extrêmement difficile pour les institutions. Et, à la défense du gouvernement, cela devient extrêmement difficile d'être à la fine pointe. Mais on voit de grandes tendances.

Ma question principale porte sur les Jeux olympiques. La raison pour laquelle le gouvernement français avait nommé M. Raffarin Grand témoin pour les Jeux olympiques de Pékin, c'est qu'ils ont fait le constat d'Albertville, à Salt Lake City, qu'il y avait une détérioration. Les derniers jeux bilingues n'étaient même pas à Albertville. Les Jeux de Montréal, en 1976, étaient plus bilingues que les Jeux d'hiver d'Albertville, dans les services offerts à la population. Il y a eu une détérioration. On s'entend que Calgary — madame le sénateur de l'Alberta en conviendra avec moi — n'a certainement pas été le meilleur exemple de ce que le Canada peut faire en termes de bilinguisme.

Maintenant, on va vers Vancouver. C'est demain! Vous avez allumé des lumières il y a un an, il y a deux ans. On est pratiquement à la veille, en termes d'événements, de voir les Jeux olympiques arriver et on est encore à débattre du bilinguisme à l'aéroport de Vancouver.

J'étais à Vancouver il y a deux semaines, et on peut admettre que l'aéroport de Vancouver respecte le bilinguisme dans le sens officiel, mais 100 p. 100 des affiches sur les Jeux olympiques sont en anglais seulement. Je ne parle pas d'il y a deux ans, je vous parle d'il y a trois semaines!

On a toléré cela; il y a quelqu'un, quelque part qui l'a toléré. Ce n'est certainement pas le Grand témoin Raffarin, mais l'Association des parlementaires de langue française avait proposé, lors des audiences de Québec, que nous aussi, au Canada, on se donne un grand témoin, pas par manque de respect pour le travail du haut-commissaire, mais nommer quelqu'un qui n'ait pour seul mandat que de s'assurer que la livraison du français soit mieux réussie qu'à Calgary, et définitivement mieux réussie qu'en Chine. On n'a pas avancé beaucoup.

On commence à réaliser que c'est demain. Vous savez très bien que la télédiffusion des Jeux olympiques, sans Radio- Canada, fera en sorte qu'il y aura moins de produits francophones sur le marché canadien, parce que Radio-Canada ne sera pas là.

On peut demander à TQS, qui est une télévision déjà en difficulté, d'assurer la télédiffusion dans le Canada français hors Québec. Mais cela me fait peur. Je sais que vous en avez parlé brièvement, mais quelles sont les étapes entre aujourd'hui et la tenue des jeux qui pourraient faire en sorte qu'on pourra s'attendre non pas à des Jeux parfaits, mais au moins à des jeux le plus bilingues possible?

M. Fraser : Merci beaucoup pour la question. Pour clarifier une chose, M. Raffarin, qui a été le grand témoin, n'a pas été nommé par le gouvernement de la France, mais par l'Organisation internationale de la Francophonie. Et cette dernière s'apprête à nommer, vers la fin juin, un Grand témoin pour les Jeux de Vancouver. On m'a assuré que d'ici la fin du mois, il y aura un grand témoin. M. Raffarin, par contre, a accepté de faire partie du comité consultatif des Jeux de Vancouver. Il a déjà fait une visite à Vancouver et a déjà participé à une réunion. La réunion s'est tenue à huis clos, on ne m'a donc pas informé du continu de ces discussions. Mais je suis très content qu'il ait accepté d'apporter son expertise après son expérience de Pékin.

Une chose que je peux dire, c'est que les attentes de l'Organisation internationale de la Francophonie sont plus élevées pour le Canada qu'elles ne l'étaient pour Pékin. Pékin a quand même été perçu comme une réussite sur le plan linguistique. Mais si le Canada, pays membre de la francophonie, ne réussit pas à faire respecter la dualité linguistique dans la présentation des jeux, qui pourra le faire?

Après avoir eu des conversations avec une représentante de l'Organisation internationale de la Francophonie, je sais que l'OIF est préoccupée par la question. Et je m'attends donc bientôt à ce que le grand témoin soit nommé.

Voici ce que l'on fera, d'ici la fin de l'année. On a publié notre rapport en décembre, on a suivi cela avec une campagne de sensibilisation auprès d'une vingtaine d'institutions fédérales. J'ai fait des Jeux olympiques un des thèmes majeurs de ma présentation du rapport.

C'est un élément du rapport. J'ai profité de mes rencontres ministérielles, de ma déclaration publique et de ma conversation avec M. Furlong pour en parler autant que possible.

On va faire un suivi plus ciblé de notre rapport de décembre. J'ai dit aux gens du COVAN qu'on n'allait pas attendre au mois de septembre, au moment de la publication du rapport, pour leur dire que l'on continue d'avoir des problèmes. Dès qu'on constatera qu'il y a un problème, on le dira aux organisateurs avec l'espoir d'être capable de dire, lorsque j'arriverai avec un rapport en septembre : « Je vous félicite, c'est déjà caduc, vous avez déjà fait les améliorations nécessaires, c'est déjà dépassé. » Si l'exercice de produire ce rapport peut apporter une pression additionnelle, tant mieux, même si les recommandations sont mises en pratique au moment de sa publication. De plus, la présence du Grand témoin, M. Raffarin, aura également un impact.

Après ma tournée auprès des ministres afin de leur expliquer les éléments de ce rapport annuel, je peux vous dire que vos préoccupations sont partagées par le gouvernement. Ce qui m'inquiète un peu, c'est qu'il y a des institutions qui nous ont dit, pendant notre campagne de sensibilisation : « Oui, mais on continue de faire comme on a toujours fait. "It's business as usual.'' » Je m'excuse, ce n'est pas « Business as usual ». On se rend maintenant compte que c'est effectivement un événement d'importance et qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.

Le sénateur Tardif : Bienvenue, monsieur le commissaire, c'est toujours un plaisir de vous revoir. Est-ce que le COVAN a fait une demande officielle auprès du gouvernement pour des ressources de traduction et d'interprétation? Je crois qu'il s'agit d'une de vos recommandations, c'est-à-dire que pour aider le comité à faire face aux défis sur le plan de la traduction et de l'interprétation, on pourrait faire une demande auprès du gouvernement pour appuyer le travail du COVAN. Est-ce que vous savez si cette demande a été faite?

M. Fraser : À moins que cela ait été fait dans les dix derniers jours — on ne m'en a pas informé —, je crois que non. Il y a possiblement eu des discussions, mais la dernière fois que j'ai parlé avec la responsable du Bureau de la traduction, elle m'a dit qu'ils n'avaient pas reçu de demande formelle de la part du COVAN. Quand j'ai parlé aux membres du COVAN pour confirmer cela, j'ai eu des réponses plutôt vagues. En tout cas, on n'a pas obtenu d'autres informations depuis nos conversations la semaine dernière.

Le sénateur Tardif : Ma question porte sur les plaintes que vous avez reçues cette année. Un grand nombre de plaintes réfèrent à la partie IV de la loi, soit la langue de service. Vous avez indiqué qu'un grand nombre de Canadiens ne peuvent toujours pas recevoir des services dans la langue officielle de leur choix. Il y a aussi des plaintes qui touchent la partie V, la langue de travail et d'autres qui touchent la partie VI qui traite plutôt des exigences linguistiques des postes à la fonction publique.

Monsieur le commissaire, pouvez-vous partager avec nous comment vous évaluez le Secrétariat du Conseil du Trésor qui est responsable de la mise en œuvre des parties IV, V et VI de la Loi sur les langues officielles?

M. Fraser : Une de mes recommandations, c'est que le Secrétariat du Conseil du Trésor remplisse pleinement ses responsabilités. Un des éléments qui m'a amené à faire cette recommandation, l'année dernière, c'est le transfert de l'agence au sein du Conseil du Trésor. Dans le rapport, je souligne les pour et les contre de ce transfert de responsabilités. L'élément négatif, c'est que tout changement de ce genre comporte un certain élément de déstabilisation où des gens ne savent pas exactement à quoi s'attendre. Une indication de cette incertitude, c'est qu'au moment où ils ont publié des documents expliquant la nouvelle structure et la transition des responsabilités de l'agence — responsabilités qui relèvent désormais du Conseil du Trésor —, on ne faisait plus mention des langues officielles dans l'élément visuel. J'ai souligné cela, ainsi que d'autres. On nous a expliqué que c'était une erreur de simplification visuelle et que, effectivement, toute responsabilité pour les langues officielles qui relevait de l'agence serait exercée par le Conseil du Trésor. C'est effectivement une indication du genre d'incertitude qui a été provoquée par ce changement.

Cependant, l'élément positif est que je reste convaincu que quand une agence centrale garde une responsabilité pour quelque chose qui touche tous les éléments de la fonction publique comme les langues officielles, cela donne plus d'importance au dossier. À la blague, quelqu'un m'a dit que suite au transfert, les appels téléphoniques venaient maintenant du Conseil du Trésor au lieu de l'agence et que ces appels étaient retournés beaucoup plus vite. Je pense que c'était important de souligner l'importance du président d'assumer ses responsabilités dans ce domaine.

Le sénateur Tardif : Vous avez aussi parlé d'affaiblissement de la structure de gouvernance par rapport aux langues officielles. Selon vous, où pourrait-on voir une meilleure coordination des langues officielles à l'intérieur de l'appareil gouvernemental?

M. Fraser : Je continue à penser que, pour les mêmes raisons que je viens de vous énoncer, il est malheureux que cette responsabilité soit transférée du conseil privé à Patrimoine canadien et qu'il y ait cette dualité de responsabilités où Patrimoine canadien a la responsabilité de gérer des programmes et de coordonner de façon horizontale. Dans ce contexte, on a engagé le professeur Donald Savoie pour faire une étude sur l'horizontalité. Dans un chapitre du rapport annuel l'année dernière, le professeur Savoie donnait une perspective assez nuancée des avantages et des désavantages de l'horizontalité dans ce domaine. Je cède à son expertise, mais je garde un certain préjugé favorable à l'idée que c'était important de garder ces responsabilités à une agence centrale comme le conseil privé.

La présidente : J'ai une question supplémentaire aux questions du sénateur Tardif. Dans le cas du Conseil du Trésor, monsieur le commissaire, quel pourrait être un exemple d'une « mesure positive »? Un geste ou une action concrète de la part du Conseil du Trésor qui deviendrait une « mesure positive » à l'égard des communautés de langue officielle?

M. Fraser : Un des éléments importants et un des défis de la nouvelle partie VII est le fait qu'il n'y ait pas de définition dans la loi. Comme vous l'avez appris, le ministère de la Justice reste assez discret vis-à-vis sa définition.

Je crois que l'aspect le plus important de la définition consiste à faire en sorte que l'on puisse mesurer l'impact de la « mesure positive » sur la communauté en situation minoritaire et que le geste soit une « mesure positive ». Il doit indiquer que les besoins de la communauté ont été pris en considération et que des consultations ont été menées avec la communauté.

La Cour suprême s'est déjà prononcée, en ce qui concerne la partie IV de la loi, avec la décision Desrochers. La juge Charron a indiqué clairement, relativement à la partie IV et aux services, qu'il est évident que si un service est conçu pour répondre aux besoins d'une communauté, il faut aussi que ce service soit conçu en fonction des besoins de la communauté minoritaire; la traduction du même service conçu pour la communauté majoritaire n'est pas suffisante.

Dans le rapport, on cite quelques exemples de gestes positifs. À la page 40, on dit que dans le but d'assurer le respect de la partie VII, la direction de Financement Agricole Canada a donné suite à l'examen de ses politiques et programmes en créant un nouveau fonds d'investissement, le Fonds expression. Lancé à l'automne 2008, ce fonds de 20 000 $ vise à aider les communautés de langues officielles à se doter de centres communautaires, de garderies et de galeries d'art, et à organiser des événements comme des pièces de théâtre et des concerts. Ce programme a connu un tel succès que Financement Agricole Canada considère y injecter plus d'argent l'an prochain.

C'est un exemple de programme qui fut développé, de toute évidence, en collaboration avec les communautés en situation minoritaire. Selon le ministère de la Justice, il y a deux façons de voir les choses. Ou bien on laisse le soin aux tribunaux de décider, ou on emprunte la voie réglementaire.

Je crois qu'il existe une troisième voie et c'est celle que je préconise. Elle consiste à développer et démontrer des exemples concrets de collaboration et de mesures positives entre un ministère, une agence, une institution fédérale et une communauté en particulier. Avec cette approche pragmatique sur le terrain, on peut faire des avancées considérables.

Mme Tremblay : J'aimerais amener une suggestion concernant le Conseil du Trésor. En vertu de la partie VIII, c'est la responsabilité du Conseil du Trésor de développer des lignes directrices et des politiques pour guider les institutions fédérales dans la mise en œuvre de la partie IV, notamment. Compte tenu du jugement récent de la Cour suprême dans l'affaire Desrochers, le Conseil du Trésor devrait revoir les lignes directrices et en établir de nouvelles pour guider les institutions fédérales au niveau de la livraison des services. Il devrait aussi s'assurer qu'on satisfait les besoins des communautés dans certains cas. Cette mesure pourrait s'inscrire non seulement dans le cadre de la partie VIII, mais elle contribuerait au développement des communautés de façon accessoire.

La présidente : Je trouve préoccupant le fait que nous discutons de mesures positives depuis maintenant un bon bout de temps. Or, il semble qu'on n'arrive pas à définir ce qu'est une « mesure positive ». Les représentants des ministres qui viennent témoigner devant nous, malgré leur meilleure intention et bonne volonté, n'arrivent pas à définir ce qu'est une « mesure positive ».

Nous avons entendu aujourd'hui le ministre de la Justice nous dire qu'il avisait, mais que c'était confidentiel. Nous ne sommes donc pas en mesure de savoir le genre d'avis qu'il donne aux ministères fédéraux et ce que pourrait être une « mesure positive » à son avis.

Je commence à croire qu'il y a un non-sens quelque part.

M. Fraser : Je partage un peu votre frustration. Nous nous sommes déjà retrouvés dans une situation où des représentants du ministère ont demandé à nos représentants de quitter la salle parce qu'ils allaient donner leurs conseils confidentiels à ce qu'ils appellent « leurs clients ».

Le sénateur Comeau : C'est uniforme.

Le président : Oui, on voit l'uniformité.

M. Fraser : Ce qui nous a fait penser que c'était probablement un concept ou une interprétation minimaliste. Comme vous, je suis convaincu qu'avec les meilleures intentions au monde, les ministères essaient de mieux comprendre leurs responsabilités. Je ne mets pas en doute leur sincérité à cet égard. En examinant les comptes rendus que remettent les ministères, comme l'exige la loi, notamment ceux de Patrimoine canadien sur la façon dont ils ont répondu à cette obligation, souvent je vois une liste de réunions; on a tenu des réunions, on a mieux informé les employés des obligations. Mais les exemples concrets sont limités. Parfois, de façon intéressante, on se rend compte que certaines institutions, comme la Société canadienne d'hypothèques et de logement ou l'Office national du film ou Parcs Canada, ont posé des gestes et pris des mesures très positives, mais souvent de base. Un bureau régional ou quelqu'un aura fait une démarche auprès d'une communauté pour discuter de choses qui pourraient se faire, on parle de partager des bureaux ou de choses du genre. De toute évidence, ces initiatives naissent d'un esprit de collaboration et de consultation en région.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Lors de sa comparution devant le comité des langues officielles, le nouvel ombudsman pour la défense nationale, Pierre Daigle, a soulevé l'injustice vécue par les militaires francophones sur la base de Borden, en Ontario. Cette base est la plus importante pour la formation des soldats. Elle compte 15 000 personnes, dont 1 500 francophones. En effet, depuis l'enquête menée en 2006 à la base de Borden, on n'a remarqué aucune amélioration dans les services en français, Les Forces canadiennes ont informé l'ombudsman, au début de 2007, qu'il y avait eu des progrès. Or, ceci s'est avéré tout à fait faux. La majorité des recommandations importantes du bureau n'avaient même pas été abordées.

J'aimerais entendre vos commentaires sur l'absence de services en français à la base de Borden pour les militaires francophones. J'espère que ce n'est pas le cas partout, à la guerre comme au pays.

M. Fraser : Je partage vos inquiétudes. C'est depuis le premier rapport de l'ancien ombudsman, Me Yves Côté, prédécesseur de M. Daigle, que nous avons décidé de faire une vérification de tout le système de formation à travers le pays. Cette vérification fut approfondie. Nous avons mené 600 entrevues dans 24 bases. Je vais demander à Mme Charlebois de vous donner de plus amples de détails sur cette vérification.

Ghislaine Charlebois, commissaire adjointe, Direction générale de l'assurance de la conformité, Commissariat aux langues officielles : On a finalisé la collecte des données.

On a visité toutes les bases où il y a de la formation militaire. On s'attend à rendre notre rapport public probablement d'ici le mois de décembre.

Le commissaire a rencontré le nouvel ombudsman et ils ont discuté de ces questions et on a eu une excellente collaboration de la Défense nationale dans cette vérification. Ce sera donc une vérification très approfondie qui couvrira plusieurs angles.

M. Fraser : L'expérience de la formation au sein des Forces canadiennes en est une qui m'a poussé à faire la recommandation au premier ministre de faire en sorte qu'on tienne compte de l'importance de la dualité linguistique dans le contexte de la crise économique. Quinze ans après les compressions de 1995, on est toujours en train de rebâtir ce qui a été perdu. La situation à Borden en est un des résultats.

Il y avait aussi l'abolition du Collège militaire royal de Saint-Jean. Le gouvernement a décidé — et je l'ai applaudi — de commencer le processus de reconstruction de ce collège. Maintenant, c'est à l'étape du cégep. Les autorités militaires m'ont dit avoir la vision à long terme de recréer une institution universitaire. Malgré tout, nous n'en sommes toujours pas au niveau de 1995. La situation de Borden vient de la même époque où on a éliminé des centres de formation au Québec pour tout centraliser en fonction des compressions. Donc, 15 ans après, on voit le résultat.

Dans un contexte de crise économique, je pensais qu'il était important de souligner que les décisions d'aujourd'hui peuvent avoir des effets à long terme et il faut garder ce triste exemple à l'esprit en se rappelant que les gestes posés aujourd'hui n'affectent pas que l'année financière 2009-2010, mais peuvent avoir des répercussions à très long terme.

Le sénateur Tardif : Monsieur le commissaire, je sais que vous avez suivi de très près la cause qu'a présentée la FCFA contre le gouvernement du Canada par rapport à l'élimination du Programme de contestation judiciaire.

Maintenant, nous avons un nouveau programme. Il y a eu une entente. J'ai posé la question au ministre de la Justice par rapport au refus de ne pas financer les intervenants dans des causes qui avaient été initiées sous l'ancien Programme de contestation judiciaire.

Selon vous, le gouvernement respecte-t-il l'entente signée en juin 2008 entre la FCFA et le gouvernement?

M. Fraser : Je suis très conscient du cas que vous avez soulevé. Il s'agit de la cause Caron. Cette cause est allée en appel et le gouvernement a refusé de financer l'intervention de la FCFA et l'Association canadienne-française de l'Alberta.

J'ai une certaine difficulté à répondre à votre question parce qu'effectivement, une plainte a été déposée sur cette question. On est en train de regarder le dossier en détail. Il arrive qu'on se retrouve dans une situation paradoxale. Il est plus facile pour moi de commenter une situation avant qu'une plainte soit déposée. Dès qu'une plainte est déposée, je dois garder une certaine distance puisqu'on fait enquête.

Le sénateur Tardif : Je respecte totalement cela. Je ne voulais pas vous mettre dans une position difficile. Pouvez- vous me dire si la responsabilité de décider qui est admissible ou non revient à Patrimoine canadien? A-t-il ce pouvoir?

M. Fraser : Il s'agit effectivement d'une décision de Patrimoine canadien et c'est sur cette décision qu'on fait enquête. Je suis malheureusement contraint à ne pas aller plus loin. Il s'agit d'une décision prise en toute conscience des enjeux et de la situation.

Le sénateur Tardif : Je tente de soulever encore une fois mon point sur les mesures positives et le fait que ces décisions sont prises sans consultation ou sans avertir les communautés en cause. Ce ne sont pas de bons exemples de « mesures positives ».

M. Fraser : On prend en considération tous ces éléments en fonction de cette plainte et d'autres plaintes qu'on pourrait recevoir concernant la partie VII de la loi et des « mesures positives ».

La présidente : Concernant ce nouveau programme, une décision a-t-elle été prise quant au responsable de la gestion de ce programme?

M. Fraser : Selon nos informations, il y a eu une période d'appels d'offres qui est maintenant terminée. Le gouvernement est présentement en réflexion sur les institutions qui ont fait une demande. Je n'en connais pas plus que cela sur les tendances.

Le sénateur Losier-Cool : Monsieur le commissaire, j'ai beaucoup apprécié votre rapport. J'ai hâte de voir quelle sera la prochaine cible après les Jeux olympiques.

Cela étant dit, je ne veux pas retourner trop dans le passé, mais il y a 40 ans, j'étais là et j'ai lutté. J'ai eu des menaces, j'ai perdu des amis et tout cela pour réaliser le plein potentiel.

Les parlementaires de 1969 avaient une vision cruciale, c'est vrai. Les parlementaires de 2009, ont-ils encore cette vision cruciale ou ce feu sacré?

M. Fraser : Je suis un mandataire du Parlement. Je suis le serviteur de tous les parlementaires. Il y a eu une période où des parlementaires rejetaient de fond en comble les principes mêmes de la loi.

Pendant cette période, les réunions du Comité sur les langues officielles de l'autre endroit étaient assez difficiles à cause de cette division fondamentale et philosophique. Cette division, à mon avis, n'existe plus maintenant. Il y a consensus sur l'importance des langues officielles. Il y a des interprétations différentes, c'est sûr — c'est la démocratie —, qui entraînent parfois de vigoureux débats sur qui fait mieux ou quelle serait la meilleure approche. Actuellement, l'esprit de la loi a des alliés dans toutes les formations politiques au Parlement. En tant qu'agent du gouvernement, j'apprécie énormément le dévouement aux principes de la dualité linguistique que je vois dans toutes les formations politiques.

Le sénateur Losier-Cool : Est-ce que ces alliés dans la population canadienne ont plus de 40 ans? Les gens de moins de 40 ans se demandent pourquoi on a fait telle ou telle chose pour sauvegarder la dualité linguistique. Ils n'ont pas eu à vivre ce que nous avons vécu. Aujourd'hui, on dit que les Canadiens sont d'accord avec la Loi sur les langues officielles, mais ceux qui se disent d'accord, sont-ils parmi les plus jeunes ou les plus âgés? Des recherches nous renseignent-elles sur cette information?

M. Fraser : J'ai toujours été très impressionné par l'engagement de beaucoup de jeunes vis-à-vis la dualité linguistique au Canada. J'assistais récemment à une cérémonie de remise de prix en art oratoire à des étudiants en immersion au niveau secondaire ici à Ottawa. Ce concours était organisé conjointement par l'Université d'Ottawa et l'Université Carleton. Une des choses qui m'a frappé était la diversité des étudiants et étudiantes, venant de partout dans le monde, qui ont gagné ces prix ainsi que la fierté de leurs parents.

Parfois, j'ai l'impression que les Canadiens issus de l'immigration embrassent plus facilement les principes de la dualité linguistique que ceux qui sont ici depuis des générations. Pour eux, la dualité linguistique est une des valeurs canadiennes qui les ont attirés au Canada.

J'ai appris récemment que 75 p. 100 des étudiants qui suivent les cours offerts par l'Alliance française à Vancouver sont d'origine asiatique. Cinquante pour cent des étudiants de l'Alliance française à Toronto sont d'origine asiatique aussi. L'idée donc qu'il y ait de façon inhérente une contradiction entre la dualité et la diversité est tout à fait fausse. Il y a une complémentarité fondamentale entre la dualité et la diversité. C'est un défi qui continue.

Il ne faut pas oublier que l'on accueille annuellement au Canada 240 000 immigrants. Année après année, cela fait des millions de gens qui intègrent nos valeurs. Malgré cela, on a vu une augmentation, graduelle, bien sûr, du pourcentage des gens bilingues au Canada.

En 1961, il y a maintenant presque 50 ans, 9 p. 100 des Canadiens étaient bilingues. Cinquante ans après, après la venue de millions de personnes de partout dans le monde, c'est 17 p. 100. Ce n'est pas énorme, mais quand on fait le bilan dans le contexte d'une immigration considérable, c'est un élément positif.

Le sénateur Mockler : Monsieur le commissaire, on n'avait jamais vu cela, c'est vrai, et c'est grâce au travail de gens comme le sénateur Losier-Cool à une certaine époque et jusqu'à nos jours. C'est la première fois qu'on a vu, en 2007- 2008 et une partie de 2009, des anglophones du Nouveau-Brunswick se masser littéralement pour sauver leur programme d'immersion. Cela aurait été un rêve pour les pères des langues officielles de voir trente-sept ou quarante ans plus tard des anglophones du Nouveau-Brunswick se masser pour lutter contre la décision prise par le gouvernement actuel.

M. Fraser : On a souligné ce geste dans notre rapport.

Le sénateur Mockler : Oui, à la page 53. Si le temps ne nous le permet pas, j'aimerais avoir la réponse par écrit à la question qui suit concernant l'immersion. J'ai lu aussi les commentaires que vous avez envoyés au gouvernement du Nouveau-Brunswick sur cette question. Ma première question : ce qu'on vient de faire est-il suffisant pour protéger le Nouveau-Brunswick de l'immersion, la seule province bilingue? Ma deuxième question, et je suis inquiet. Dans votre présentation, à la page 4, au cinquième paragraphe, vous dites que dans la Feuille de route 2008-2013, l'absence d'objectifs précis de la part du gouvernement n'a rien pour nous assurer d'une mise en œuvre optimale.

Pouvez-vous donner des exemples concrets? Étant donné qu'on est dans la Feuille de route, pour l'échéancier 2008- 2013, reste-t-il suffisamment de temps pour l'implanter, pour rassurer les communautés linguistiques de ne pas avoir cette peur-là?

M. Fraser : J'ai plusieurs craintes quant à la Feuille de route pour la dualité. Je vous donne un exemple d'un objectif qui n'a pas été fixé dans le Plan d'action 2003-2008, dont la Feuille de route est la suite ou le renouvellement. Il y avait un objectif très clair fixé qui était de doubler le nombre de diplômés de l'école secondaire bilingue de 25 à 50 p. 100. Malheureusement, il y a eu un recul dans ce domaine. On ne peut pas dire que le Plan d'action a été un succès à cet égard.

Dans la Feuille de route, on ne mentionne pas cet élément. On ne fixe pas d'objectifs non plus. Dans d'autres domaines aussi c'est comme cela. J'ai découvert depuis mon arrivée en poste qu'un des éléments de la fonction publique qui est souvent le plus impressionnant, c'est qu'on fixe des objectifs et on évalue la performance en fonction du rendement des objectifs. Quand il n'y a pas des objectifs très clairs, c'est plus difficile de dire si les objectifs ont été atteints ou pas. Il y a un autre élément qui me préoccupe aussi, c'est que jusqu'à maintenant, il y a eu très peu de visibilité ou de présentation stratégique vis-à-vis la Feuille de route.

Il y a des annonces, on dépense des sommes d'argent ici et là, et quand on pose directement des questions, on nous dit que les sommes vont au ministère.

C'est très difficile de suivre ces dépenses dans le cas où le gouvernement n'attache pas directement ces annonces aux objectifs et au Plan d'action. Par exemple, si le gouvernement annonce du financement additionnel pour le Centre d'immigration à Saint-Léonard, j'aimerais que dans la même annonce il soit mentionné que cette somme d'argent fait partie des 10 millions sur cinq ans qui ont été annoncés dans le contexte de la Feuille de route.

Dans un contexte de gouvernement minoritaire, il y a une réalité à laquelle on devrait faire face. Selon l'auteur John Duffy, tout gouvernement minoritaire est une campagne électorale avant que l'élection soit déclenchée, un "pre-writ campaign'', dit-il. Chaque fois que le gouvernement annonce une dépense quelconque, cette réalité provoque un certain cynisme dans la population.

Je crois que pour les fins des communautés minoritaires, cela aiderait la cause si, lorsqu'il y a une annonce, qu'elle se rattache à une stratégie qui a été annoncée, qui a été le renouvellement d'une stratégie du gouvernement précédent. Je pense que c'est tout à fait possible de façon à rendre moins partisans les investissements nécessaires pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Je n'ai pas d'information additionnelle par rapport à ce qu'on a communiqué à l'époque. J'aurais préféré que l'ancien système soit gardé. Je pense quand même que le ministre a répondu et qu'il a fait un compromis de son plan. Nous allons continuer à examiner de près les résultats de cette approche.

Mais j'hésite à me prononcer en ce moment sur l'impact de sa décision.

Le sénateur Mockler : Avec l'énoncé que vous venez de faire, est-ce que vous allez suivre de très près ce qui se passera au Nouveau-Brunswick?

M. Fraser : Oui, j'ai un représentant au Nouveau-Brunswick qui suit le dossier de près.

La présidente : Monsieur le commissaire, c'est toujours un plaisir de vous recevoir. Au nom des membres du Comité des langues officielles, je tiens à vous remercier, vous et votre équipe, pour l'excellent rapport que vous nous avez remis et qui sera très utile aux travaux du comité. Merci beaucoup et bon succès.

(La séance est levée.)


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