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Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 24 mars 2009

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 10 h 4, conformément à l'article 86(1)f)(i) du Règlement du Sénat, en vue d'examiner des questions de procédure découlant des modifications apportées au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à tous. Je voudrais vous signaler, avant de passer à l'ordre du jour, que j'ai rencontré le sénateur Furey, président du Comité de la régie interne, pour discuter des travaux qui avaient été effectués dans le passé par un comité consultatif ou un groupe de travail, et pour explorer avec lui la possibilité de créer un mécanisme similaire pour nos deux comités. Donc, je me suis entretenu avec le sénateur Furey et nous avons convenu de nous rencontrer de nouveau. Cette réunion a eu lieu à la demande du sénateur Nolin. Le sénateur Furey va se joindre à nous plus tard. Il voudra peut-être dire quelques mots au sujet, entre autres, de l'examen des pratiques du Sénat.

[Français]

L'ordre du jour inclut une autre visite de M. Charles Robert, greffier principal, Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre.

Monsieur Robert a généreusement accepté de discuter des questions de procédure découlant de l'amendement au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs. Après sa présentation et notre discussion subséquente, si le temps le permet, nous allons passer à l'examen d'une ébauche de rapport sur les rappels au Règlement et les questions de privilège.

[Traduction]

Avant de céder la parole à M. Robert, je tiens à préciser que j'ai demandé au greffier de nous remette une copie du rapport sur les conflits d'intérêts pour que nous sachions quelles dispositions doivent être modifiées. Il est en train de préparer le document, qui sera distribué sous peu. Je ne l'ai pas encore vu, mais nous devrions l'avoir en main pour bien comprendre les modifications que M. Robert propose au Règlement.

D'après ce que je crois comprendre, le sénateur qui déclare en comité ou en chambre qu'il pourrait être en situation de conflit d'intérêts ne peut participer à un débat ou à un vote en comité ou en Chambre. Si un sénateur se lève et dit : « Monsieur le Président, je veux faire telle ou telle chose », le Président ne peut intervenir. M. Robert va nous expliquer, entre autres, les modifications qu'il recommande que nous apportions au Règlement pour régler ces deux problèmes.

Monsieur Robert, nous vous écoutons.

Charles Robert, greffier principal, Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre, Sénat du Canada : Monsieur le président, honorables membres du comité, le 29 mai 2008, le Sénat a adopté le quatrième rapport du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs. En plus de mettre en œuvre une version modifiée du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, le rapport renferme la recommandation suivante :

[Français]

Notre comité croit qu'il faudra apporter des modifications et des ajustements au Règlement du Sénat en conséquence. Il recommande donc que le comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement mène une étude pour examiner des modifications au Règlement du Sénat qui abrogeraient les articles 65(4) et 94(1), intégreraient au Règlement du Sénat les éléments du Code pouvant faire l'objet d'un rappel au règlement et prévoieraient les conséquences institutionnelles associées à la violation du code.

[Traduction]

C'est ce que je vais tenter de vous expliquer aujourd'hui.

Le problème, à mon avis, est le suivant : à l'heure actuelle, l'autorité du Président, en ce qui concerne le code, se limite aux questions expressément intégrées à l'article 18(2.1) du Règlement. Cela comprend l'inscription des déclarations dans les journaux, soit l'article 32.1, la nomination des membres du comité, qui fait l'objet de l'article 85(2.1), et les mesures concernant les rapports, lesquelles sont décrites dans diverses parties de l'article 97.

Aucun mécanisme n'est prévu pour limiter ou contester, au moyen du Règlement, le droit des sénateurs de débattre de questions visées par le code ou de voter sur ces questions, même si le sénateur a déclaré avoir un intérêt dans celles- ci. Si j'ai bien compris, toute contestation en ce sens doit être assujettie à la procédure établie à l'article 15 du code. Cette procédure se déroule à l'extérieur du Sénat. Aucune mesure corrective immédiate n'est prévue lorsque l'inobservation présumée du code fait l'objet d'une plainte au Sénat ou en comité.

Cette situation pourrait poser des problèmes. À l'extrême — et j'insiste là-dessus —, elle pourrait entraîner l'adoption d'un projet de loi à l'étape de la troisième lecture à l'issue d'un vote serré. Une fois que le projet de loi quitte le Sénat, il n'est plus possible d'apporter des mesures correctives.

[Français]

La question de l'application du code dans les débats est plutôt délicate et le comité voudra peut-être l'examiner.

Elle concerne directement l'interaction entre les processus prévus par le code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs et les procédures régissant les travaux du Sénat et de ses comités.

Il existe différents moyens que le comité pourrait considérer pour traiter des questions substantielles reliées au code et son application au Sénat et en comité.

Le Règlement pourrait être modifié pour permettre au Président d'intervenir pour empêcher qu'un sénateur, qui a fait une déclaration qu'il n'a pas rétractée, participe au débat ou à un vote par appel nominal. Dans le cadre de cette modification, le comité pourrait considérer la possibilité que le Président annonce, avant un vote, les noms des sénateurs ayant fait une déclaration et n'ayant pas effectué une rétractation. Ce processus serait aidé si les déclarations et rétractations faites en comité étaient également inscrites dans les journaux; un dossier central est conservé séparément par le conseiller sénatorial en éthique.

[Traduction]

Le comité voudra peut-être consulter le Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs pour examiner, s'il y a lieu, les modifications à apporter au Règlement du Sénat ou au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs afin de prévoir un mécanisme, en Chambre ou en comité en vertu du Règlement, permettant de contester le vote ou le discours d'un sénateur sur une question ayant fait l'objet d'une déclaration.

Concernant la première recommandation qui a été formulée et que j'ai lue, les articles 65(4) et 94(1) traitent de l'intérêt pécuniaire. L'article 65(4) prévoit ce qui suit :

Un sénateur n'a pas le droit de participer à un vote sur une question où il a un intérêt pécuniaire que ne partage pas le public. Son vote est alors annulé.

L'article 94(1) s'applique de la même façon au comité.

Ces versions datent de 1906. On ne connaît toutefois aucun cas où ces dispositions auraient été invoquées pour empêcher un sénateur de voter ou pour annuler son vote.

[Français]

L'interdiction prévue par ces articles semble très précise portant expressément sur un intérêt que ne partage pas le public. En pratique, il est probable que toutes questions visées par ces dispositions soient maintenant couvertes par le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs qui est beaucoup plus détaillé que cette disposition et qui prévoit un régime d'application bien précis.

[Traduction]

Les articles 65(4) et 94(1) n'étant pas utilisés, il n'y a aucune raison apparente de ne pas les supprimer, une fois réglée la question, plus vaste, suivante : les conséquences en matière de procédure qu'entraîne la participation à un débat et à un vote sur un sujet visé par le code.

Voilà, à mon avis, la question que doit trancher le comité relativement au rapport adopté l'an dernier sur les changements dont le Règlement doit faire l'objet par suite des modifications apportées au code.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Robert. Vous avez décrit certains des problèmes qui pourraient exister entre le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs et le Règlement du Sénat. Avez-vous des dispositions à proposer qui permettraient de régler le problème? Avez-vous rédigé quelque chose à ce sujet?

M. Robert : Non. Je n'ai pas osé le faire sans l'autorisation du comité. J'ai pensé qu'il serait préférable d'attendre la décision et les directives du comité.

Le président : Pour ce qui est de l'autorité du Président, faudrait-il, à votre avis, modifier le Règlement afin d'accorder au Président le pouvoir de répondre à la demande d'un sénateur qui souhaite participer à un débat?

M. Robert : Oui. À l'heure actuelle, l'article 18(2.1) limite de manière explicite la compétence du Président. Si nous supprimons l'article 64...

Le président : Pouvez-vous nous lire l'article 18(2.1), s'il vous plaît?

M. Robert : Oui. Il dispose ce qui suit :

18(2.1) En ce qui concerne le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, la compétence du Président se limite aux questions expressément intégrées au présent Règlement.

Si le droit d'un sénateur de participer à un débat sur une question ayant fait l'objet d'une déclaration en comité, par exemple, ou encore à un vote, le Règlement du Sénat, à l'heure actuelle, ne prévoit aucun mécanisme permettant au Président d'intervenir directement au nom du Sénat et de dire : « Non. Vous n'avez pas le droit de voter. »

Cela pourrait, à l'extrême, entraîner des conséquences qui ne sont pas entièrement irréalistes.

Le président : Merci.

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais avoir des précisions. Si j'ai bien compris, le Code régissant les conflits d'intérêts a fait l'objet d'un examen et des changements ont été proposés. C'est en raison de ces changements que le Règlement doit être modifié. Ce n'est pas vraiment le rôle du Président en tant que tel qui est en cause ici, mais plutôt la façon la plus appropriée pour un sénateur de divulguer un intérêt, pécuniaire ou autre, dans une affaire. Nous voulons une procédure adéquate qui permet à un sénateur de dire : « Écoutez, pour ce qui est de ce projet de loi, j'ai peut-être un intérêt ou je suis peut-être en conflit. Par conséquent, je me retire du débat en comité et en Chambre. »

Donc, le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs a fait l'objet d'une étude et des changements y ont été proposés dans le but de le rendre plus cohérent, sauf qu'il y a maintenant un conflit entre le code et le Règlement. Ce que nous devons faire, c'est déterminer quelles dispositions du Règlement doivent être modifiées et clarifiées pour rendre celui-ci conforme au code. Voilà ce que nous devons faire. Nous ne voulons pas obtenir plus de pouvoirs pour le Président, ou encore régler d'autres problèmes. Nous voulons rendre le Règlement conforme aux dispositions du code.

Est-ce que j'ai bien résumé la situation? J'ai l'impression que c'est pour cette raison que nous nous penchons là- dessus aujourd'hui.

Le président : Le rapport du comité précise de manière très claire dans le dernier paragraphe, et je cite : « d'intégrer au Règlement du Sénat les éléments du code pouvant faire l'objet d'un rappel au Règlement. »

D'après M. Robert, il se peut qu'aucun rappel au Règlement ne puisse être fait si le Président n'a pas le pouvoir de l'entendre.

Je comprends pourquoi M. Robert soulève la question du pouvoir du Président.

Le rapport qui a été déposé dit bien : « ... intégrer au Règlement du Sénat les éléments du code pouvant faire l'objet d'un rappel au Règlement, et de prévoir les conséquences institutionnelles associées à l'inobservation du code. »

M. Robert : Je jette un coup d'œil aux éléments qui ont été incorporés jusqu'ici au Règlement, et je fais allusion au point que vous avez soulevé, sénateur Andreychuk, et je constate qu'il n'y a aucune disposition dans celui-ci qui précise que le sénateur qui a déclaré avoir un intérêt, potentiel ou réel, dans une affaire ne peut participer à un débat ou à un vote sur un projet de loi ou une motion.

Il serait possible d'apporter au Règlement une modification qui porterait explicitement sur les déclarations et de l'incorporer aux règles générales de débat. L'article 18(2.1), même s'il est de portée plutôt restreinte, pourrait être utilisé par le Président si un appel au Règlement était formulé.

La question est de savoir si le comité juge approprié que le Président intervienne à l'avance. De deux choses l'une : soit vous essayez d'éviter le problème dès le départ, soit vous vous attaquez au problème une fois que vous êtes conscient de son existence.

Il est beaucoup plus difficile d'annuler un vote que d'essayer de l'empêcher, surtout si le Sénat n'est plus saisi de la question qui fait l'objet d'un vote.

Le sénateur Andreychuk : Le Comité sur les conflits d'intérêts des sénateurs a toujours cherché à aider les sénateurs à faire ce qui s'impose, si je peux m'exprimer ainsi. S'ils estiment être dans une situation de conflit d'intérêts apparent ou réel, ils doivent le dire, parce que la perception est aussi importante que la réalité. Le code a été passé en revue, et le débat est clôturé. Or, voilà que nous devons déterminer quelle est la meilleure façon, dans le cadre du Règlement, de faciliter le travail des sénateurs.

Devons-nous confier ce pouvoir au Président ou à quelqu'un d'autre? Une fois que le Président a ce pouvoir en main, les sénateurs ne peuvent plus rien faire. Voulons-nous que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé par des pairs au Sénat, ou voulons-nous le confier par anticipation au Président, qui en privera ensuite les sénateurs? Voilà le débat philosophique auquel nous sommes toujours confrontés quand il est question de confier des pouvoirs au Président ou à la Chambre.

M. Robert : Pour répondre en partie au dilemme que vous soulevez, les dispositions du Règlement relèvent du Sénat. Elles peuvent être appliquées par le Président, mais lorsqu'elles sont présentées sous forme de décision, elles peuvent faire l'objet d'un appel devant le Sénat.

Il en va de même pour presque toutes les facettes du rôle du Président. Le Sénat a insisté pour que le processus d'appel reste en place afin que presque toutes les décisions du Président puissent y être assujetties. Il faut voir quelle orientation philosophique vous jugez appropriée pour le Sénat, et vous venez de la décrire, et comment celui-ci exerce son pouvoir ultime.

Le sénateur McCoy : Je suis d'accord avec le sénateur Andreychuk. Il me semble que, en ce qui concerne notamment les conflits d'intérêts, le Sénat lui-même, la Chambre et le comité, doivent conserver leur rôle à l'égard du décorum qu'il faut maintenir et des comportements appropriés qu'il faut adopter, puisque cette question relève des conflits d'intérêts.

Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais je vous encourage vivement à ne pas chercher à accorder des pouvoirs au Président. Il n'en a pas. Nous lui demandons d'assumer certaines tâches en notre nom, comme le ferait un animateur dans n'importe quel débat, mais il n'a aucune autorité, et les choses devraient rester telles quelles.

Le sénateur Joyal : Il y a un autre point qui doit être pris en considération pour ce qui est des décisions. Je le juge important.

Lorsqu'un sénateur déclare en comité qu'il a un intérêt dans une affaire, le président du comité fait consigner la déclaration, en vertu de l'article 12 du code, au procès-verbal de la séance du comité, ce qui veut dire que le comité en est informé.

La question que je me pose est la suivante : si cet intérêt demeure intact, que se passe-t-il lorsque la question est débattue en Chambre? Nous ne pouvons pas présumer que la déclaration consignée au procès-verbal du comité figurera également dans le compte rendu de la Chambre. Autrement dit, il y a un élément qui manque.

Le président : Est-ce que cela veut dire que le sénateur doit faire la même déclaration en Chambre?

Le sénateur Joyal : Il faudrait qu'il le fasse. Le président du comité pourrait consigner la déclaration au procès- verbal de la séance du comité et transférer ensuite celui-ci au greffier du Sénat. La Chambre en serait alors également informée.

Si nous acceptons qu'une motion soit présentée au Sénat avant la tenue d'un vote, il faut que la question soit réglée avant que celui-ci n'ait lieu, car une fois qu'une question est mise aux voix, aucune motion ne peut être déposée. Une fois que le Président demande le vote, la procédure ne peut être interrompue. La règle en ce sens est très claire, et je crois qu'il faut la maintenir.

Si le Président doit statuer, en se fondant sur les Journaux du Sénat, qu'un sénateur ne peut voter d'après les dispositions du Règlement, car il a fait une déclaration et que celle-ci est consignée, il doit en faire l'annonce avant que le vote formel n'ait lieu.

Si quelqu'un souhaite invoquer le Règlement, par exemple, parce que le sénateur en question a rétracté une déclaration antérieure, il doit le faire avant que le vote officiel n'ait lieu.

La question doit être réglée avant la tenue du vote. Nous ne pouvons attendre que le Président ait demandé le vote, car cette façon de faire est inacceptable.

Si nous demandons au sous-greffier de préparer une modification là-dessus, nous devons préciser très clairement à quel moment nous voulons que la question soit tranchée.

Par ailleurs, les articles 65(4) et 94 du Règlement du Sénat traitent des intérêts pécuniaires.

Comme vous le savez, les intérêts d'un sénateur, d'après ce que nous croyons comprendre, ne se limitent pas uniquement aux intérêts pécuniaires. L'intérêt pécuniaire est très bien défini dans le Règlement. Le code, lui, parle uniquement des intérêts. Il faudrait revoir les deux dispositions du Règlement du Sénat pour qu'elles cadrent avec ce que dit le code, car il y a un document qui est plus restrictif que l'autre.

Autrement dit, il se pourrait que l'on soit obligé de déclarer un intérêt en comité dans le cadre du code, mais pas au Sénat, parce qu'il ne s'agit pas d'un intérêt pécuniaire au sens restreint de ce terme. On se retrouverait dans une position intenable, car la participation au débat et au vote serait interdite en comité, mais pas au Sénat. D'où la contradiction qui existe.

C'est pourquoi le comité a recommandé unanimement en mai, lorsque nous avons déposé notre rapport, que nous examinions les obligations énoncées aux paragraphes 65(4) et 94(1) pour nous assurer quelles sont équivalentes à celles prévues par le code, ce qui touche aux procédures des comités. C'est simplement pour nous rappeler que nous devons y voir, pour que concordent la portée du code et celle du Règlement du Sénat. Il me paraît évident que nous devons régler la question immédiatement, alors je ne crois pas que cela pose problème.

Le dernier point que je veux apporter, et je tiens à attirer l'attention des sénateurs là-dessus, est une question importante qui nous concerne tous, c'est-à-dire les projets de loi omnibus. Je m'adresse plus particulièrement au sénateur Andreychuk, puisqu'elle est la vice-présidente du Comité sur les conflits d'intérêts. Le comité a étudié les problèmes qui se posent lorsqu'un sénateur est en conflit d'intérêts à l'égard d'une des dispositions d'un projet de loi omnibus. Nous savons ce qui se passe avec les projets de loi omnibus; ils peuvent parfois modifier cinq lois différentes. Nous l'avons d'ailleurs vu récemment.

Voici le problème qui se pose : supposons qu'un sénateur est en conflit d'intérêts à l'égard d'une des lois couvertes par un projet de loi omnibus, mais pas des cinq autres; pourra-t-il voter pour les autres sections du projet de loi ou devra-t-il se retirer complètement du processus de vote? C'est un problème très réel. Comme M. Robert l'a mentionné dans un contexte plus général, un vote peut parfois faire pencher la balance. C'est particulièrement vrai dans le cas de projets de loi de nature financière proposés conséquemment à la responsabilité du gouvernement. Au cours des 11 années que j'ai passées au Sénat, j'ai pu voir des modifications à des projets de loi adoptées par une majorité d'une voix. Vous comprendrez que cela pourrait devenir très problématique.

Tout compte fait, il serait préférable de régler cette question avant de passer au vote. Permettez-moi de faire un parallèle avec une situation semblable : lorsque le Président vote, il le fait avant tout le monde pour s'assurer de maintenir sa neutralité. Si un sénateur doit se retirer du processus, il faut que ce soit très clair avant que le vote n'ait lieu, afin de préserver l'intégrité du processus de mise aux voix. J'estime que c'est un détail primordial, surtout si un projet de loi est adopté ou rejeté par une majorité d'une seule voix.

Nous avons débattu de la question, car c'est plus qu'une situation purement théorique. Cela pourrait très bien se produire, particulièrement dans le cas d'un projet de loi omnibus. Je dois mentionner, comme le sénateur Andreychuk l'a très bien dit, qu'il faut penser qu'il peut y avoir apparence de conflit d'intérêts. Mais où doit-on tirer la ligne à cet égard? Nous devons trancher de façon à préserver l'intégrité de l'institution.

Il faut par ailleurs déterminer quand il est nécessaire de signaler un conflit d'intérêts, et ce n'est pas évident. Il est ainsi très important que les procédures définissent très clairement les étapes à suivre lorsqu'on détermine qu'un sénateur n'a pas droit de vote en raison d'un conflit d'intérêts. C'est un point qu'il faut absolument régler avant d'avoir des problèmes avec la question du privilège et tout ce qui pourrait en découler.

Le président : Vous avez soulevé trois excellents points. Avant de céder la parole au sénateur Fraser, je vais vous poser une question. J'ai été témoin de deux façons de faire. J'ai déjà vu un sénateur signaler un conflit d'intérêts en comité, et le président, comme vous l'avez indiqué conformément au Règlement, l'a noté pour que ce soit consigné au compte rendu des délibérations du comité. Il est aussi parfois arrivé qu'en Chambre un sénateur se lève pour signaler un conflit d'intérêts, à la suite de quoi le président s'est aussi levé pour dire que tel sénateur avait fait une déclaration et demandé que ce soit transcrit dans les journaux, ce qui a été fait.

Les procédures sont-elles différentes qu'on soit en comité ou en Chambre?

Le sénateur Joyal : Il n'y a pas vraiment de différence. Le président peut demander que la déclaration soit consignée dans le compte rendu des délibérations du comité ou dans les Journaux du Sénat. La où il peut y avoir un manque, c'est lorsqu'un sénateur fait cette déclaration en comité; la Chambre n'est pas vraiment au courant de ce qui se passe en comité tant et aussi longtemps que le compte rendu n'est pas réimprimé dans les Journaux du Sénat.

Si le même sénateur se retrouve dans la même situation en Chambre, la Chambre doit savoir que ce sénateur s'est déjà retiré du débat et qu'il n'a pas droit de vote. Si nous avons l'occasion de modifier le Règlement du Sénat, nous devons voir à corriger cette lacune pour éviter tout imbroglio.

Je ne voudrais pas vous assommer avec des explications superflues, mais c'est pourquoi nous avons recommandé dans le rapport que nous avons déposé en mai une procédure qui permet aux sénateurs de retirer une déclaration. En comité, un sénateur peut soudainement réaliser qu'il est peut-être dans une situation de conflit d'intérêts et faire une déclaration qui sera consignée dans le compte rendu des délibérations. Après avoir consulté le conseiller sénatorial en éthique, le sénateur peut se rendre compte qu'il n'est pas en conflit d'intérêts. Dans une telle situation, le sénateur devrait pouvoir retirer sa déclaration.

Le code prévoit la procédure que nous avons recommandée pour remédier à la situation. Pour les mêmes raisons que j'ai mentionnées plus tôt, le Sénat doit de la même manière être avisé du retrait de la déclaration, afin que le sénateur puisse conserver son droit de vote.

Il faut alors envisager une solution à deux volets. Le plus important est de déterminer la marche à suivre pour veiller à ce que l'intention du code soit respectée et préserver le pouvoir du Président de transmettre l'information à la Chambre.

Le sénateur Fraser : Je remercie le sénateur Joyal d'avoir fourni cette explication, car il a répondu à la question que je voulais poser. Mais comme j'ai la parole, je vais faire une petite observation, si vous me le permettez.

Je suis persuadée que nous devons corriger cette lacune dans notre Règlement. D'un point de vue plus général, cependant, on se questionne parfois à propos de l'exercice des pouvoirs du Président dans des circonstances où il n'est pas, proprement dit, nécessaire ou même approprié. Je recommande donc que nous évitions de parler, dans la mesure du possible, des pouvoirs de la présidence dans notre rapport sur les modifications en question, ou dans toute autre document d'ailleurs. Nous pouvons parler des rôles et des responsabilités du Président, mais je crois qu'il est important de faire la distinction entre la présidence du Sénat et la présidence de la Chambre des communes. Je suis sûre que tous nos Présidents auraient souhaité avoir autant de pouvoir que le Président de la Chambre des communes, mais cela n'a jamais été le cas.

Le président : D'autres commentaires?

[Français]

Le sénateur Robichaud : Il nous reviendrait de trouver une façon de modifier le Règlement pour que ce qui se passe en comité soit, d'une façon ou d'une autre, rapporté au Sénat et que l'on en tienne compte; comment pourrait-on en tenir compte à la Chambre?

M. Robert : On peut insister pour qu'un règlement soit fait indiquant qu'une déclaration qui a été enregistrée au comité soit aussi enregistrée aux Journaux du Sénat. Et même, si le comité désire que ce soit fait aussi, le comité peut insister pour que, dès que l'on procède à un appelle nominal, le Président se lève et demande s'il y a des sénateurs qui ont déclaré un intérêt ou quelque chose de ce genre, pour éviter les problèmes. Comme je l'ai indiqué tantôt, c'est toujours mieux d'éviter un problème que de le corriger.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Avez-vous une motion à proposer qui autoriserait M. Robert à préparer une version préliminaire qui irait dans ce sens?

[Français]

Le sénateur Joyal : Est-ce que vous aviez terminé?

Le sénateur Robichaud : C'est-à-dire que je voulais proposer quelque chose, sénateur Joyal.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Je vous remercie tous les deux pour vos interventions. Nous avons fait valoir nos points, et j'ai tenté de vous expliquer toutes les répercussions pertinentes. Nous pourrions certainement, avec le consensus des membres du comité et la collaboration du président, demander au sous-greffier de préparer une version préliminaire des modifications à apporter au Règlement du Sénat et de présenter le tout au comité. Nous pourrions alors étudier la question de nouveau. Nous avons cerné les lacunes et déterminé les éléments que nous voulons protéger, comme le sénateur Andreychuk et d'autres l'ont mentionné. Nous devrons tenir une autre réunion pour régler la question et modifier le Règlement du Sénat pour tenir compte du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, lesquels, comme nous le savons, ne concordent plus. Les articles 65(4) et 94(1) du Règlement ne sont plus conformes au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, un élément important des procédures.

Le président : Les trois points que vous avez soulevés doivent être corrigés, particulièrement le troisième, c'est-à-dire les projets de loi omnibus. Sénateur Smith, en avez-vous d'autres?

Le sénateur Smith : Non. Nous nous sommes entendus sur ces trois éléments et allons procéder en conséquence.

[Français]

Le sénateur Corbin : J'ai hélas manqué le début de la présentation mais, ayant suivi le cours des échanges, j'ai l'impression que l'on oublie l'essentiel dans tout ceci, qui est l'honnêteté et l'intégrité du sénateur qui fait une déclaration de conflit d'intérêts.

J'ai aussi l'impression que la direction dans laquelle on veut orienter le changement au Règlement, des laisse supposer que tous les sénateurs sont criminels, à moins que le contraire ne soit démontré.

Il me semble qu'il faut accepter la parole d'un honorable sénateur. Fin du débat. Je considère que cette discussion est superfétatoire. Nous perdons notre temps. C'est mon point de vue.

[Traduction]

Le sénateur Brown : Je comprends que la notion d'« intérêt pécuniaire » est une raison pour se retirer du débat concernant un projet de loi. Quelqu'un a mentionné qu'il y avait d'autres sortes d'intérêts. J'aimerais savoir de quoi il s'agit. J'ai l'impression que quiconque aurait exprimé une forte opinion sur un sujet avant que le projet de loi ne soit présenté se trouverait en situation de conflit d'intérêts si on décide de ratisser aussi large pour s'assurer que personne, carrément, n'ait d'intérêt dans le projet de loi en question. Tôt ou tard, toute personne ayant un certain intérêt devrait se retirer du processus.

Le président : Je ne crois pas que ce soit l'objectif.

Le sénateur Brown : Je sais que ce n'est pas l'objectif, et c'est pourquoi je demande qu'on m'explique quels sont les autres types d'intérêts.

Le sénateur Joyal : C'est une bonne question, sénateur Brown. Je me rappelle que le comité en a beaucoup discuté. Il a en effet fallu beaucoup de séances, 72 si je ne m'abuse, pour rédiger le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs. Nous avons d'ailleurs débattu du point que vous venez de soulever. Comme vous le savez, la notion d'intérêt n'est pas définie dans l'article 3 du code, sous « Définitions ». Elle est plutôt expliquée à l'article 8 du code, sous « Intérêts personnels exclus ». L'article se lit comme suit :

8. Dans l'exercice de ses fonctions parlementaires, le sénateur ne peut agir ou tenter d'agir de façon à favoriser ses intérêts personnels ou ceux d'un membre de sa famille, ou encore, d'une façon irrégulière, de ceux de toute autre personne ou entité.

On ne trouve toutefois pas de définition pour le terme « intérêts privés ». Bien sûr, plusieurs éléments de la définition se trouvent à l'article 11 du code, sous « Précision : favoriser les intérêts personnels ». Je cite :

11. (1) Aux articles 8 à 10, sont considérés comme favorisant les intérêts personnels d'une personne ou d'une entité, y compris les propres intérêts personnels du sénateur, les actes prouvés par celui-ci dans le but de produire, directement ou indirectement, l'un ou l'autre des résultats suivants :

a) augmenter ou préserver la valeur de l'actif de la personne ou de l'entité;

b) éliminer le passif de la personne ou de l'entité ou en réduire la valeur;

c) procurer un intérêt financier à la personne ou à l'entité;

d) augmenter le revenu de la personne ou de l'entité provenant d'un contrat, d'une entreprise ou d'une profession;

e) augmenter le revenu de la personne provenant d'un emploi;

f) faire de la personne un dirigeant ou un administrateur d'une personne morale, d'une association, d'un syndicat ou d'un organisme à but non lucratif;

g) faire de la personne un associé d'une société de personnes.

Voilà donc ce que signifie « favoriser les intérêts personnels ». Aussi, le sous-article (2) indique ce que l'on considère comme ne favorisant pas les intérêts personnels. On énumère ici aussi quelques situations. Je vais vous le lire, si vous me le permettez :

Précision : exceptions.

Un sénateur n'est pas considéré comme agissant de façon à favoriser ses propres intérêts personnels ou ceux d'une autre personne ou entité si la question en cause, selon le cas :

a) est d'application générale;

b) s'applique au sénateur ou à l'autre personne ou entité en tant que membre d'une vaste catégorie de personnes;

c) a trait à la rémunération ou aux avantages accordés au sénateur à titre d'une loi fédérale ou par une résolution du Sénat ou d'un comité de celui-ci.

Autrement dit, sénateur Brown, vous avez une liste de situations qui sont considérées comme favorisant des intérêts personnels, et il y a une autre définition pour les situations qui sont considérées comme ne favorisant pas des intérêts personnels. C'est essentiellement ce que le code propose. Si un sénateur doute de l'interprétation de ce qui constitue ou non un intérêt personnel, il peut bien sûr consulter le conseiller sénatorial en éthique qui saura le guider. En gros, c'est ainsi que le code est structuré.

Le sénateur Brown : Tout ce que je peux dire, c'est que tous les exemples d'intérêts privés que le sénateur Joyal a donnés semblent renvoyer à une forme ou une autre de récompense pécuniaire.

Le sénateur Joyal : Pas nécessairement. On parle aussi de faire d'une personne un dirigeant ou un administrateur d'une personne morale ou d'une association...

Le président : Il est aussi question d'avancement professionnel.

Le sénateur Brown : Je veux dire que même dans le cas de l'avancement professionnel, par exemple, la personne aurait droit à une certaine récompense monétaire. À moins qu'il ne s'agisse d'une organisation totalement bénévole ou quelque chose comme ça.

Le sénateur Fraser : Le code s'appliquerait aussi dans le cas d'une organisation complètement bénévole.

Le sénateur Smith : En effet, c'est prévu dans le code.

Le sénateur McCoy : J'aimerais vous poser une question. Vous avez sans contredit mon appui. Je voulais par contre préciser un détail. À la fin de la conversation, j'ai cru comprendre que vous proposiez de modifier le Règlement de façon à ce que le Président soit tenu de demander avant chaque vote s'il y a des conflits d'intérêts. Est-ce exact?

Le sénateur Joyal : Non, je n'ai jamais dit ça.

Le sénateur McCoy : J'ai mal compris, donc. Pourriez-vous répéter, dans ce cas?

Le sénateur Joyal : Le sénateur Corbin a expliqué le principe. Les sénateurs s'engagent sur leur honneur à déclarer tout conflit d'intérêts. Ce n'est que lorsqu'un sénateur a raison de croire qu'un de ses collègues se trouve en situation de conflit d'intérêts qu'il peut se lever et faire cette déclaration. Officiellement, il revient au sénateur lui-même de signaler tout conflit d'intérêts, parce que la plupart de ses collègues ignorent sans doute qu'il se trouve en situation de conflit d'intérêts ou d'apparence de conflit d'intérêts.

Le sénateur McCoy : Nous pourrions nous en remettre à la présomption d'innocence.

Le sénateur Joyal : Absolument. C'est pourquoi le principe énoncé par le sénateur Corbin est si important. C'est sur quoi le code s'appuie. Nous ne faisons pas enquête sur les gens pour leur demander s'ils sont coupables ou non. Ce n'est pas du tout la façon de faire.

Tant qu'un sénateur ne déclare pas de conflit d'intérêts, on présume que tout le monde est sur un pied d'égalité pour examiner un projet de loi ou une motion, prendre part au débat et participer à la mise aux voix.

[Français]

Le sénateur Corbin : Puis-je demander au sénateur Joyal s'il y a eu des précédents qui justifieraient ce genre de modifications au code?

Le sénateur Joyal : Il n'y a pas de précédent actuellement. La seule chose que nous avons constatée — comme cela a été amplement démontré ce matin, je crois —, c'est qu'il n'y a pas de synchronisme complet entre le code et le Règlement du Sénat et que cela soulève éventuellement la question d'une situation conflictuelle d'interprétation. Le Président ne serait alors pas en mesure de pouvoir procéder de la façon la plus usuelle possible pour la Chambre.

C'est sur cette base, voyant une disparité entre la nature du code et le Règlement, évidemment rédigé avant le code, que nous recommandons un éclaircissement. Comme je l'ai souligné, si la situation d'un projet de loi omnibus extrêmement délicat se produisait, on pourrait se retrouver dans une situation très difficile à la fois pour le sénateur en question et pour le Président de la Chambre lui-même, et nous ne pourrions régler le conflit d'une façon usuelle. Je crois qu'il vaut mieux régler la situation maintenant plutôt que chercher une solution au moment où le problème se présentera.

Le sénateur Corbin : D'un côté, vous dites qu'il n'y a pas de précédent, mais d'un autre côté, vous semblez souligner un risque réel que cela se produise.

Le sénateur Joyal : Le risque existe parce qu'il y a une différence entre les textes.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Le sénateur Andreychuk et d'autres se souviendront sans doute de ce qui s'est passé quand on a adopté le code il y a plus de trois ans et demi. Je pense entre autres aux sénateurs Fraser, Furey, Robichaud et Nolin — beaucoup d'entre nous étaient là à ce moment-là. Nous savions que certains articles du Règlement allaient devoir être modifiés. Ce n'est pas quelque chose que nous avons découvert il y a quelques mois. Nous savions que cela devait arriver. Quand nous avons apporté ces changements au code cet été, nous avons reconnu qu'il faudrait s'ajuster. Ceux qui étaient là s'en souviendront très clairement.

Le président : Monsieur Robert, vous avez assisté à une discussion ce matin entre le sénateur Andreychuk, le sénateur Joyal et le sénateur Robichaud, membres du Comité sur les conflits d'intérêts, qui nous ont dit ce qu'ils avaient en tête lorsqu'ils ont rédigé leur rapport. Ce fut une excellente occasion pour nous tous d'entendre de vive voix quels sont les problèmes qui se posent.

Le sénateur Joyal a souligné particulièrement trois secteurs qui exigent que des modifications soient apportées au Règlement. Le plus important peut-être, c'est de déterminer la procédure à suivre lorsqu'un sénateur se trouve en conflit d'intérêts pour une seule des dispositions d'un projet de loi omnibus qui pourrait amender 50 lois différentes. Ce sont les points qu'il faut corriger.

Le greffier aimerait aussi poser une question.

Blair Armitage, greffier du comité : Afin d'éclairer ceux qui rédigent les notes pour le comité et par respect pour le rôle du Président, en ce qui concerne les sénateurs qui prennent la parole une deuxième fois, le Règlement exige actuellement que le greffier tienne un registre des sénateurs qui prennent la parole et de leur temps de parole afin de pouvoir informer le Président si un sénateur intervient une deuxième fois, par inadvertance, ou parce qu'il veut exercer son droit de dernière réplique. Le Président intervient alors automatiquement pour informer le Sénat que le sénateur a déjà pris la parole et, dans le cas d'une dernière réplique, pour signaler son effet sur le débat.

Si le sénateur a mal compris et qu'il prend la parole une deuxième fois, le Président informe le Sénat que ce sénateur a déjà parlé et, par conséquent, qu'il ne peut invoquer le Règlement.

Pour ce qui est d'un sénateur qui, par inadvertance, prend la parole sur une question à l'égard de laquelle il a déjà déclaré publiquement des intérêts personnels, serait-il approprié que le greffier tienne un registre et qu'il en informe le Président afin qu'il puisse rappeler au sénateur qu'il a fait une déclaration d'intérêts personnels? Si un tel registre existait, souhaiteriez-vous qu'au moment du vote le Président annonce que tel sénateur, puisqu'il a fait une déclaration d'intérêts personnels, ne participera pas au vote, ou quelque chose en ce sens? Cela vous paraîtrait-il raisonnable?

Le sénateur Fraser : Oui. En ce qui concerne la rédaction des amendements, je suis d'accord avec le président pour dire que la question des projets de loi omnibus est importante. J'ai beaucoup réfléchi à ce que nous devions faire à propos de ces projets de loi. Je me suis dit que les sénateurs devraient être aussi libres que possible de participer au débat. Par conséquent, ils devraient pouvoir se prononcer et même voter sur les amendements aux projets de loi, dans les parties où ils ne sont pas en conflit d'intérêts. Puis, je me suis dit que si nous faisions cela, nous donnerions la possibilité à un sénateur d'utiliser cet outil pour retarder l'adoption d'un projet de loi parce qu'il est en situation de conflit d'intérêts dans une autre partie du projet de loi.

Après 20 minutes de réflexion, je me suis dit qu'en fin de compte, ce n'était pas une bonne idée. Si un sénateur est en conflit d'intérêts dans une partie du projet de loi, il ne peut pas participer au débat entourant ce projet de loi. Toutefois, si nous réfléchissons davantage à la question, nous aurons d'autres suggestions. Les rédacteurs pourraient-ils nous soumettre diverses options sur cette question? C'est la plus difficile qui a été soulevée, mais nous devons la régler.

Le sénateur Andreychuk : Nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir à cette question au Comité sur les conflits d'intérêts, parce qu'il y avait un projet de loi omnibus. Nous en avons discuté, mais nous n'en sommes pas arrivés à une solution à cause de cette perception. Nous avons décidé d'aller de l'avant avec ces changements au Règlement et de voir combien il y aurait de projets de loi omnibus pour déterminer s'il y a vraiment un problème. Il était également difficile de savoir comment gérer ces études et les scinder. Nous nous sommes dit que nous devions établir une première règle et vérifier comment elle fonctionne avant de trouver le moyen de diviser les projets de loi.

Je crois que nous avons péché par excès de prudence, parce que si nous sommes en conflit d'intérêts dans une partie du projet de loi, le public ne comprendra pas nécessairement la situation. Il comprendra que nous sommes en conflit d'intérêts avec un projet de loi, point final. C'est pourquoi nous avons pensé commencer ainsi. Nous pourrons juger ensuite si les projets de loi omnibus posent problème. Dans l'affirmative, nous le règlerons. Nous ne voulions pas être influencés par l'exemple que nous avions devant nous à ce moment-là, qui était plutôt inhabituel et qui ne se reproduira probablement pas.

Le président : Parlez-vous du projet de loi sur la responsabilité?

Le sénateur Andreychuk : Non.

Le sénateur Fraser : Nous avons eu plusieurs projets de loi omnibus récemment.

Le sénateur Andreychuk : Il y en a un en particulier qui a été porté à notre attention, et c'est pourquoi nous avons parlé des projets de loi omnibus. J'aimerais que nous établissions une règle générale applicable à un sénateur et à un projet de loi, et que nous puissions vérifier ensuite si les projets de loi omnibus posent un problème en particulier et si oui, dans quelle mesure, plutôt que d'essayer de régler maintenant la question.

Le président : La suggestion du sénateur Fraser de demander au rédacteur de préparer une série de recommandations est également excellente.

Le sénateur Fraser : J'aimerais modifier ma suggestion, car je ne voulais pas court-circuiter les travaux du Comité sur les conflits d'intérêts. J'ai cru à tort que c'était l'une des questions soulevées ici. Si le Comité sur les conflits d'intérêts a décidé d'attendre, je ne veux pas lui couper l'herbe sous le pied. Vous pouvez en faire la suggestion, mais je vais retirer la mienne.

Le sénateur McCoy : Il y a deux choses que j'aimerais tirer au clair. Dans ce cas, que recommande le Comité sur les conflits d'intérêts? Réglons tout d'abord cette question. Qui veut prendre la parole à ce sujet?

Le sénateur Joyal : La suggestion du comité est claire : le sénateur qui a déclaré des intérêts personnels doit s'abstenir de participer aux débats au Sénat et en comité et doit se retirer des délibérations des comités. Nous l'avons dit clairement dans notre recommandation, en mai, et c'est ce que l'on trouve dans le code actuel. C'est ce que prévoit la loi actuelle.

Le sénateur McCoy : Vous ne souhaitez pas aborder la question des projets de loi omnibus maintenant?

Le sénateur Joyal : Non.

Permettez-moi de poser ma première question. Je pense qu'un registre pourrait être très utile, surtout pour les déclarations faites lors des séances de comité. Toutefois, devrons-nous l'utiliser chaque fois qu'un sénateur déclare des intérêts personnels? Si l'on continue à présenter des projets de loi omnibus de nature financière — et il ne fait aucun doute que ce sera le cas, puisque c'est devenu une pratique habituelle —, le registre s'y appliquera-t-il? Y aura-t-il un registre pour chaque projet de loi ou est-ce que le registre sera cumulatif?

M. Armitage : Le code exige que les sénateurs déclarent les intérêts personnels qu'ils ont relativement une affaire dont le Sénat est saisi.

Dès que les sénateurs ont des intérêts sur une question dont le Sénat est saisi, nous allons enregistrer leur déclaration, et les sénateurs ne pourront pas participer au débat ni voter sur la question.

Le sénateur McCoy : Oui, mais si la même mesure législative est renvoyée plus tard au Sénat — en particulier pour les questions d'ordre financier ou fiscal?

M. Armitage : Les projets de loi sont examinés au Sénat à quelques reprises : à la deuxième lecture, en comité, à l'étape du rapport du comité et à la troisième lecture.

Une fois qu'un sénateur a fait une déclaration d'intérêts personnels, s'il n'effectue pas de rétractation, comme il est prévu dans les modifications au code, il ne peut participer au débat ni au vote aux étapes ultérieures.

Le sénateur McCoy : Peu importe où le projet de loi est renvoyé?

M. Armitage : Oui.

Le sénateur McCoy : Alors, le registre serait cumulatif? Certaines lois semblent, par nature, être constamment modifiées. Je devrais pouvoir vous en citer une précisément, mais je vais prendre le Code criminel comme exemple. Puisqu'il est souvent modifié, y aurait-il toujours un conflit d'intérêts?

M. Robert : Il y a un malentendu. Le sénateur devrait tout de même faire une déclaration d'intérêts personnels. Supposons que nous parlions du Code criminel. Dans un cas, si un projet de loi modifie une partie du code à l'égard de laquelle il peut avoir des intérêts personnels, le sénateur devra le déclarer.

Si le Sénat est saisi d'un autre projet de loi qui modifie le Code criminel sans toutefois porter sur les articles concernant lesquels le sénateur a fait une déclaration d'intérêts personnels, il n'aura pas à faire de nouvelle déclaration. En ce sens, ce n'est pas cumulatif; c'est du cas par cas.

Le sénateur McCoy : Ce que je veux dire, c'est que ce registre s'applique s'il y a eu une déclaration devant le comité, parce que la déclaration se limite à un point précis. Il n'y a qu'un registre par session. Autrement, il revient au sénateur de prendre l'initiative de faire une déclaration. C'est la clarification que je voulais apporter.

M. Armitage : C'est la même chose à la Chambre et au comité. Elle porte sur un point à l'ordre du jour, que ce soit au comité ou à la Chambre. Par exemple, nous en sommes à la deuxième lecture du projet de loi S-2. Si vous avez fait une déclaration d'intérêts personnels concernant ce projet de loi, que ce soit au comité ou au Sénat, à toutes les étapes ultérieures du processus législatif, votre déclaration sera maintenue à moins que vous ne vous rétractiez. C'est la motion ou le point inscrit à l'ordre du jour qui compte, et non le sujet général. Si la question revenait sous une autre forme dans une motion ou un autre projet de loi et que vous aviez des intérêts personnels, vous devriez faire le même choix à ce moment-là.

Le sénateur McCoy : Essentiellement, c'est donc session par session.

Le sénateur Joyal : J'attire votre attention, sénateur McCoy, sur l'article 12.3 du code, intitulé « Déclaration consignée », qui se lit comme suit : « Le greffier du Sénat ou le greffier du comité, selon le cas, envoie la déclaration au conseiller sénatorial en éthique qui, sous réserve du paragraphe (4) et de l'alinéa 31(1)h), la classe avec le résumé public du sénateur. »

S'il y a un registre, ce sont les dossiers des sénateurs dans le registre du CSE auxquels le public peut avoir accès, par exemple, pour vérifier combien de fois j'ai déclaré des intérêts personnels et à quel projet de loi ils étaient liés. Cela est versé au compte rendu.

Le sénateur McCoy : Très bien. J'imaginais le greffier en train de sortir un registre d'il y a trois ou quatre ans, parce que la question avait l'air semblable. J'essayais d'imaginer comment on pourrait procéder.

Vous nous avez indiqué la source du registre.

Le sénateur Joyal : Si quelqu'un veut avoir accès aux déclarations de conflit d'intérêts d'un sénateur, il devra vérifier dans le registre quand ce sénateur a déclaré un conflit d'intérêts et pour quel projet de loi. C'est ce que prévoit l'article que je vous ai lu.

Le sénateur McCoy : Parfois, les situations changent, et un sénateur peut très bien ne plus être en situation de conflit d'intérêts.

Le sénateur Joyal : C'est tout à fait possible. Par exemple, je peux être en situation de conflit d'intérêts par rapport à un certain projet de loi actuellement, mais dans deux mois, j'aurai peut-être vendu les biens en cause, et il n'y aura plus de conflit. Dans ce cas, je n'aurai rien à déclarer.

C'est inscrit dans la déclaration. Autrement dit, les déclarations ne s'appliquent pas indéfiniment, et la participation d'un sénateur au débat n'est pas exclue pour de bon. La situation d'un sénateur peut changer, d'où l'obligation du sénateur de déclarer ou non ses intérêts.

Le sénateur Corbin : J'aimerais que nous parlions de la possibilité de scinder les projets de loi omnibus.

Ce qui semble ressortir de notre discussion, c'est que les projets de loi omnibus auraient comme effet pervers d'empêcher un sénateur qui est en conflit d'intérêts de voter sur des aspects du projet de loi sur lesquels il estime qu'il devrait se prononcer.

Maintenant que nous avons abordé la question, sachez que l'on ne peut dissocier la question des conflits d'intérêts de l'impact qu'ont les projets de loi omnibus sur les droits et les obligations des sénateurs.

Un jour, notre comité devra examiner en profondeur l'utilisation de projets de loi omnibus dans l'histoire du Parlement du Canada. Les projets de loi omnibus ont changé au fil des ans et ils sont devenus l'outil qu'utilisent les gouvernements pour imposer leur volonté aux représentants du peuple : d'abord, à la Chambre des communes, et ensuite, au Sénat du Canada.

C'est un problème à l'heure actuelle et c'en sera un bien réel à l'avenir.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je voudrais revenir sur à proposition du greffier. Monsieur Armitage, est-ce que vous nous proposez de tenir un registre et que le Président fasse référence avant un vote à une déclaration d'un sénateur?

M. Armitage : Si c'est le désir du comité, oui.

Le sénateur Nolin : Justement, cela devrait faire partie d'une des propositions. Je crois qu'il est important que la population sache qu'un sénateur a manifesté le désir de ne pas participer à un débat. Il ne faut pas que ce soit seulement enfermé dans un registre, il faut que ce soit déclaré à la Chambre.

Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, je crois que nous sommes rendus à la recommandation qui a été faite de demander au greffier de nous préparer des suggestions d'amendements au Règlement que nous pourrions considérer lors d'une prochaine réunion.

M. Robert : Si j'ai bien compris, pour le moment, on va ignorer les problèmes avec les projets de loi omnibus.

Le sénateur Losier-Cool : Pour le moment.

Le sénateur Nolin : On ne voudrait pas entrer en contradiction avec ce qui a déjà été décidé.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : J'aimerais avoir une précision à propos du registre. Si un sénateur déclare des intérêts personnels, que sa déclaration est inscrite dans le registre et que plus tard, il la retire parce que sa situation a changé, sa déclaration initiale va-t-elle être inscrite en permanence dans le registre ou va-t-elle disparaître quand le sénateur va faire une rétractation?

M. Armitage : C'est une question hypothétique, sénateur, mais je crois que nous inscririons la déclaration initiale d'intérêts personnels et qu'elle apparaîtrait dans la liste. Par la suite, si la déclaration était retirée, nous l'indiquerions. Nous retirerions le nom du sénateur de la liste que le Président lirait, si le comité en décidait ainsi. Son nom n'apparaîtrait pas dans la liste des sénateurs qui ne participent pas au vote lue par le Président.

Le sénateur Duffy : Est-ce qu'elle resterait dans le dossier public qu'un moment donné...

M. Armitage : Nos registres des délibérations peuvent être consultés par les sénateurs et le Président à la Chambre, mais notre registre n'est pas nécessairement public. C'est celui du conseiller sénatorial en éthique qui l'est.

Le sénateur Joyal : Si un sénateur fait une déclaration d'intérêts personnels et que cette déclaration est consignée dans le registre des sénateurs au bureau du CSE, sa rétractation sera inscrite au registre sous son nom sénateur. De plus, le sénateur peut demander qu'un avis du CSE selon lequel il n'est pas en situation de conflit d'intérêts figure dans le registre. Autrement dit, on saurait exactement pourquoi ce sénateur n'est plus en conflit d'intérêts, et il serait totalement protégé.

C'est pourquoi il y a une disposition dans le code qui autorise le public à demander la raison pour laquelle un sénateur n'est plus en situation de conflit d'intérêts.

Le président : Y a-t-il d'autres observations à ce sujet?

Le sénateur Corbin : Oui. Puis-je vous demander humblement, monsieur le président, de diriger le personnel de recherche dans la préparation d'un document d'information sur l'évolution des projets de loi omnibus au Parlement du Canada, afin que le comité en discute plus longuement, comme on l'a proposé?

Le président : Certainement.

Le sénateur Corbin : Merci.

Le président : Puisqu'il n'y a pas d'autres observations, notre deuxième point à l'ordre du jour, que nous allons étudier à huis clos, est le suivant : « Conformément à l'article 86(1)f)(i) du Règlement du Sénat, examen d'une ébauche de rapport sur les préavis requis pour les questions de privilège. »

Plaît-il aux sénateurs que nous poursuivions la séance à huis clos?

Des voix : D'accord.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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