Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 11 - Témoignages du 17 juin 2009
OTTAWA, le mercredi 17 juin 2009
Le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 12 h 21, pour examiner la méthode utilisée pour substituer les membres d'un comité, notamment la nécessité de trouver des remplaçants temporaires et permanents pour les membres des comités, et pour étudier le système de comités du Sénat établi conformément à l'article 86, en tenant compte de la taille, du mandat et du quorum de chaque comité, du nombre de comités et des ressources humaines et financières disponibles.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Translation]
Le président : Chers collègues, comme il y a quorum, je déclare ouverte la réunion du Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je souhaite une bienvenue tout particulièrement chaleureuse à notre collègue, le sénateur Carstairs.
Le 28 mai 2009, le Sénat a demandé à notre comité d'examiner la méthode utilisée pour substituer les membres d'un comité et, plus particulièrement, la nécessité de trouver des remplaçants temporaires et permanents pour les membres des comités. Nous accueillons donc aujourd'hui, à nouveau, le sénateur Carstairs, qui a proposé l'ordre de renvoi. Elle va faire une brève déclaration, après quoi elle répondra à nos questions.
Une fois que son témoignage sera terminé, nous aurons l'occasion d'entendre notre collègue, le sénateur Lowell Murray, qui a gracieusement accepté de venir nous faire profiter de sa connaissance du Sénat, dont il est un membre de longue date et en tant qu'ex-leader du gouvernement au Sénat et lui-même président très respecté de comité.
Sénateur Carstairs, vous avez la parole, et nous sommes tout oreilles.
L'honorable Sharon Carstairs, C.P. : Merci, monsieur le président. Très brièvement, j'ai été confrontée à un problème alors que je croyais m'acquitter de mes fonctions en demandant à un collègue de me remplacer à la présidence du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement pour une réunion de laquelle je devais m'absenter. J'ai trouvé un remplaçant, mais j'ai appris qu'il n'était peut-être pas très sage de me faire remplacer parce que je risquais alors de voir ma présidence compromise.
Voici le raisonnement tel qu'on me l'a expliqué. À la page 829, le Marleau et Montpetit, c'est-à-dire La procédure et les usages de la Chambre des communes, dit que « seul un membre en titre du comité peut être proposé pour le poste de président ».
À la page suivante, il est écrit :
Si le président démissionne du comité ou en est retiré, il faut élire un nouveau président [...]
Les membres du comité de la Chambre des communes sont tous permanents et ils ont des remplaçants de sorte que, s'ils s'absentent, ils ne renoncent pas à leur statut de membre du comité. Le problème, c'est que, dans le système actuel, comme vous le savez, si nous sommes remplacés, les Journaux du Sénat en font état, et nous ne pouvons reprendre nos fonctions au sein du comité tant que le whip n'effectue pas un second remplacement.
Entre temps, nous flottons dans les limbes puisque nous ne sommes plus membres du comité. Aussi, si l'on se fie au Marleau et Montpetit, nous ne sommes pas éligibles à la présidence.
Comme la représentation au sein des comités se rapproche de plus en plus de l'égalité, je ne crois pas que nous souhaitions voir le jour où soit le gouvernement soit l'opposition annoncera durant une réunion de comité que la présidence a été remplacée et qu'il faut par conséquent élire un nouveau président. Vous pouvez imaginer le chaos qui en résulterait.
J'ai cru bon d'attirer l'attention de votre comité sur la question et de lui demander de chercher un moyen de mettre en place un système de remplacement analogue ou différent — nous aimons toujours nous différencier un peu de l'autre endroit, n'est-ce pas? — dans le cadre duquel il ne serait pas annoncé que le sénateur a été remplacé au comité, mais simplement qu'il est remplacé temporairement, le temps d'une séance ou d'une période donnée.
Chers collègues, voilà qui met fin à ma déclaration.
Le sénateur Robichaud : À la Chambre des communes, les vice-présidents sont-ils autorisés à présider la réunion en l'absence du président cette journée-là?
Le sénateur Carstairs : Si j'ai bien compris, effectivement, les vice-présidents peuvent le faire, mais je ne suis pas très versée dans le fonctionnement de la Chambre des communes. Je ne suis même pas une experte du Sénat, comme je le constate constamment, mais je connais mieux cette chambre que l'autre endroit. Tel que je comprends ce qui est écrit dans le Marleau et Montpetit, c'est une éventualité. À la Chambre, il faut demander à l'équivalent de notre Comité de sélection de retirer un membre d'un comité. Leurs membres sont permanents jusqu'à ce qu'une motion soit déposée auprès du comité correspondant pour faire retirer un membre.
Comme vous le savez, ce n'est pas ainsi que nous fonctionnons. Le Comité de sélection ne siège pas très souvent. Il faut qu'il siège pour remplacer un membre indépendant. En effet, si un membre indépendant démissionne, nous tenons alors une réunion du Comité de sélection pour le remplacer parce qu'il n'y a pas moyen de faire autrement. Cependant, s'il s'agit d'un membre du parti ministériel ou de l'opposition, alors il est remplacé par le whip de la manière habituelle.
Le sénateur Robichaud : Donc, dans la situation que vous nous avez exposée, il aurait fallu ne pas vous trouver de remplaçant?
Le sénateur Carstairs : Vous avez bien compris. On m'a conseillé de tout simplement ne pas trouver de remplaçant. Toutefois, comme la représentation au Sénat tend de plus en plus vers la parité, je crois que ni le gouvernement ni l'opposition ne souhaitent voir le jour où il lui sera impossible de remplacer ses membres au sein des comités.
Le président : Juste avant d'inviter le sénateur suivant à témoigner, Heather Lank est venue témoigner devant nous dans le cadre de notre étude. C'est justement le point qu'elle a fait ressortir. Lors de réunions avec elle, j'ai été informé qu'elle et son équipe examinent un libellé ou des mots qui permettraient de modifier le système de manière à surmonter le problème que vous avez décrit. Par conséquent, nous avons déjà commencé à essayer d'y trouver une solution.
Le sénateur Keon : Ma question se rapproche beaucoup de ce dont vient tout juste de parler le sénateur Robichaud. Si nous avions suffisamment de membres, étant donné la controverse qui règne depuis quelques jours, je ne suis pas sûr qu'il soit bon de se faire remplacer aux réunions des comités. Peut-être vaudrait-il mieux se pencher sur la représentation au sein même des comités. Si quelqu'un souhaite siéger en tant qu'observateur, soit, mais il n'a pas de droit de vote. Cela revient essentiellement à aller un peu plus loin. En d'autres mots, ne vous faites pas remplacer, ce qui risque de poser un problème. Si un sénateur souhaite assister à une réunion de comité, il en a parfaitement le droit et le privilège, mais il ne faut pas se faire officiellement remplacer. Dans le cas des comités plus restreints, il faudrait peut-être se pencher sur le nombre de membres qui assistent aux réunions.
Le président : Cependant, à cet égard, le sénateur Carstairs a soulevé la question de l'égalité des voix.
Le sénateur Keon : C'est justement ce dont je parle. Si suffisamment de personnes sont membres du comité, je ne crois pas qu'un seul vote aurait autant d'importance, bien que je mesure pleinement la portée de ce que vous êtes en train de dire, sénateur Carstairs.
Le sénateur Carstairs : Si un comité est composé de neuf membres, dont cinq du parti ministériel et quatre de l'opposition et qu'une personne du groupe des cinq est absente, il y aura alors égalité des voix et il sera impossible de faire adopter des motions. Elles seraient immédiatement bloquées.
Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir à cette idée du vice-président qui occupe le fauteuil. Tout d'abord, le titre même de la fonction de la vice-présidence est explicite. Par définition, la personne est là pour seconder la présidence et pour la remplacer temporairement. J'ai souvent vu des vice-présidents prendre le fauteuil lorsque le président devait s'absenter pour une brève période en cours de séance. C'est le vice-président qui occupe le fauteuil.
Le problème selon moi, c'est que si nous admettons que les vice-présidents occupent le fauteuil en l'absence du président, alors nous perdons un membre. Il n'y a plus personne pour départager les voix parfois. C'est là le problème. L'idée de faire remplacer le président par le vice-président temporairement est tout à fait logique. C'est ce qui se fait dans tous les organismes que je connais et sûrement dans ceux que vous connaissez.
Le problème ne se pose pas tant au niveau de la présidence que lorsqu'un membre du comité s'absente et que l'équilibre au sein du comité est rompu.
Le sénateur Carstairs : Au Sénat, le problème se pose au niveau de la présidence seulement parce que nous sommes remplacés physiquement. Ce n'est pas une substitution; nous sommes remplacés. Si l'on parlait plutôt de substitution, je ne crois pas que le problème se poserait. Toutefois, pareille possibilité n'existe pas au Sénat; on ne peut que remplacer le membre.
Le sénateur Joyal : Il va donc falloir trouver une solution. S'il faut assouplir les règles de manière à permettre le remplacement d'un président par un vice-président, il me semble que la réponse pourrait se trouver à ce niveau, monsieur le président.
Le président : C'est justement la possibilité sur laquelle nous nous penchons actuellement, sénateur.
Le sénateur Fraser : Sénateur Carstairs, je vous suis très reconnaissante d'avoir fait ressortir cette difficulté. J'ai moi- même eu le problème tout récemment, quelques jours avant que vous n'en parliez, et j'en ai été très étonnée. Je viens de prendre conscience que, quelle que soit la solution que nous trouvons pour la présidence, il faudra l'appliquer également à la vice-présidence puisque cette fonction est également occupée par un membre élu.
Quant au Marleau et Montpetit, la dernière fois que j'ai feuilleté le Règlement du Sénat très rapidement, la seule règle que j'ai trouvée est l'article 88, qui porte sur la séance d'organisation, notamment sur le fait que le greffier du Sénat la convoque et que, durant cette séance, le comité élit un président. Il n'est pas question de vice-président, ni de l'obligation pour le président d'être un membre en titre du comité. Il faudra donc envisager peut-être de remanier tout le texte de cet article.
Le sénateur Carstairs : Sénateur Fraser, pour renchérir, j'ajoute que la procédure au Sénat revient essentiellement, semble-t-il, à se reporter, en l'absence d'une règle précise, à ce qui s'est imposé comme la bible de la procédure, soit le Marleau et Montpetit.
Le sénateur Fraser : Je le sais. On ne peut que se réjouir d'avoir le Marleau et Montpetit, à défaut d'autre chose, mais ce n'est pas pareil.
Sénateur Carstairs, que penseriez-vous d'un système dans le cadre duquel nous aurions un nouvel article — 88(1) peut-être — disposant que, si la présidence ou la vice-présidence est empêchée d'assister à une réunion, elle doit désigner un sénateur qui n'est pas membre du comité en tant que membre substitut avec droit de vote pour la journée?
Le problème posé par les remplacements, c'est qu'il faut trouver un moyen de maintenir l'équilibre entre les partis tout en évitant d'avoir des règles comme celles qui régissent l'allocation de temps. Elles sont si compliquées que tout le monde y perd son latin.
Cela règlerait-il le problème, soit de permettre une substitution temporaire et de conférer à la présidence et à la vice- présidence le pouvoir de désigner un substitut? Je ne suis pas sûre que l'idée plaise à la direction des partis.
Le sénateur Carstairs : Voilà le problème. Actuellement, comme vous le savez, les remplacements se font au gré des whips des deux partis au Sénat.
Il y a aussi une question plus générale que nous ne pouvons pas — avouons-le — ignorer. Qu'arriverait-il si un parti décidait qu'il souhaitait faire un remplacement permanent au sein du comité, qu'une personne agissait de manière telle que, de l'avis du parti, elle ne lui est plus utile au sein du comité et que le whip décide simplement de retirer cette personne sans jamais la remplacer? Ce membre disparaîtrait de la composition du comité. C'est pourquoi j'en ai parlé dans ma déclaration : souhaitez-vous qu'on puisse avoir des remplaçants temporaires et permanents?
À la Chambre des communes, comme je l'ai dit tout à l'heure, la seule façon de nommer un remplaçant permanent est de demander au Comité de sélection d'en prendre la décision. Soyons réalistes. Si une pareille motion était présentée actuellement et que le gouvernement décidait de remplacer un membre du comité, il devrait comparaître devant le Comité de sélection composé en majorité de libéraux. Croyez-vous qu'ils vont permettre aux conservateurs de remplacer un membre du comité?
Selon moi, les règles dans ce cas-ci sont déficientes, d'où la raison pour laquelle je vous soumets le problème.
Un moyen simple de le régler serait de permettre la présence de substituts temporaires. Il suffit de prévoir deux formulaires, dont l'un qui dit qu'il s'agit d'une substitution temporaire pour une seule séance et l'autre, d'un remplacement. Par ailleurs, il faut accorder à ces deux mots un sens différent — le substitut d'un jour et le remplaçant jusqu'à ce qu'une autre personne soit nommée membre permanent.
Le président : Bonne idée!
Le sénateur Robichaud : Il faut alors oser un peu plus et dire qu'en l'absence de la présidence, c'est la vice-présidence qui préside le comité.
Le sénateur Carstairs : C'est déjà la pratique suivie au Sénat. Vous m'avez interrogée au sujet de la Chambre des communes, mais je ne suis pas sûre que ce soit la pratique dans l'autre endroit.
À l'heure actuelle, si je suis absente — il se trouve que, dans mon cas, il s'agissait d'un comité mixte —, c'est le président de la Chambre des communes qui prend le fauteuil pour la journée. Habituellement — et nous l'avons tous observé —, si la présidence est absente, c'est la vice-présidence qui préside la séance. Là n'est pas le problème. J'essaie d'éviter que des membres du comité ne demandent que la présidence soit remplacée, vu son absence. De la sorte, la présidence est retirée de la fonction, de sorte qu'on élit le sénateur X à la présidence du comité.
Le sénateur Robichaud : Je serais curieux de savoir ce que vous allez faire du Marleau et Montpetit. Il ne changera pas. La présidence est absente.
Le sénateur Carstairs : La Chambre arrive à contourner la difficulté parce qu'elle ne remplace pas le membre; elle ne fait que lui nommer un substitut.
Le sénateur Robichaud : Si tous comprennent la distinction, je n'y vois pas d'inconvénient.
Le président : Il sera intéressant de voir le texte que nous soumettront ceux qui travaillent à l'ébauche.
Le président : Sénateur Carstairs, au nom du groupe, je tiens à vous remercier à nouveau de votre grande contribution au travail du Sénat et d'avoir accepté de venir répondre à nos questions aujourd'hui.
Chers collègues, nous avons eu le temps de réfléchir aux points soulevés par le sénateur Carstairs. Êtes-vous d'accord avec l'observation faite par le sénateur Comeau, quand il a répondu à la déclaration faite par le sénateur Carstairs lorsqu'elle a déposé la motion au Sénat, soit que cette question devrait faire partie de notre étude générale du système de comités?
À mon avis, cela simplifierait nos délibérations, car nous inclurions ce point dans la documentation préparée par M. Bédard et d'autres à la Bibliothèque du Parlement. Plutôt que de préparer une réponse distincte à la motion, elle pourrait être subsumée à la motion générale du comité.
Qu'en pensez-vous?
Le sénateur Fraser : La suggestion est tentante, mais je ne crois pas que ce soit la solution, monsieur le président, parce que notre étude plus générale des comités, quelles que soient nos recommandations, sera vaste, je suppose. Si elle ne l'est pas, elle suscitera de la controverse.
Le simple fait que nous achevions notre étude — et nous ignorons quand nous le ferons — ne signifie pas qu'il se produira quelque chose entre temps.
Le problème soulevé par le sénateur Carstairs est un problème réel, pratique, concret et présent pour lequel il faut changer le Règlement. À mon avis, nous rendrions service à tout le monde si nous pouvions le faire rapidement.
Le président : Le comité est aussi en train d'examiner dans le cadre de son étude d'autres problèmes graves, actuels et concrets. Qui plus est, comme je l'ai mentionné, cette question est déjà étudiée par ceux qui sont en train de rédiger un texte préliminaire et qui font de la recherche pour le comité. On est en train de travailler à cette question particulière.
Le sénateur Fraser : Je n'essaie pas de court-circuiter ces travaux. Je ne parle que du moment pour le faire. Je suis ravie qu'on y travaille déjà. Je l'étais quand je l'ai appris pour la première fois et je m'en réjouis à nouveau aujourd'hui.
Tout ce que j'en dis, c'est que c'est une question que nous pourrions facilement travailler séparément et faire progresser très rapidement. C'est un concept beaucoup plus simple à comprendre. J'observe ici plusieurs présidents, vice-présidents ou ex-présidents de comité qui souhaitent sûrement, si c'est possible, que cette source particulière d'incertitude soit éliminée au plus tôt. Je sais que ce serait mon cas et, si j'étais vice-présidente, je serais du même avis.
Le sénateur Furey : Pourrions-nous en revenir au témoin et reprendre la discussion vers la fin de la séance?
Le sénateur Robichaud : Je n'y vois pas d'inconvénient.
Le président : Sénateur Carstairs, à nouveau, nous vous remercions vivement. Nous vous sommes très reconnaissants de ce que vous faites.
Chers collègues, nous allons maintenant entendre le sénateur Lowell Murray, que je vous ai présenté tout à l'heure.
Sénateur Murray, en tant que président de comité très respecté et ex-leader du gouvernement au Sénat, vous avez accumulé des années d'expérience précieuse, et il nous tarde d'entendre vos sages conseils. Je vous laisse la parole.
L'honorable Lowell Murray, C.P. : Monsieur le président, je vous remercie. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité. J'ai répondu à votre questionnaire très rapidement. Je ne croyais pas qu'il était nécessaire de donner trop de précisions. Je suis certes disposé à me faire dire que je me trompe parfois, et je suis prêt à être persuadé que je suis dans l'erreur, surtout du fait qu'après presque 30 années au Sénat, je me suis moi-même retiré de la participation active aux comités afin de laisser la place aux nouveaux. Toutefois, comme je l'ai dit, je suis disposé à vous aider.
Maintenant que me voici et que vous êtes plus ou moins mon auditoire captif, je vais me délester de certaines vues au sujet du Sénat, dont certaines que vous connaissez déjà, mais que je tiens à énoncer officiellement.
Comme vous le savez, je suis un indépendant. Heureusement, le Sénat accueille quelques sénateurs indépendants qui font une contribution efficace, ce que ne peuvent faire habituellement les membres indépendants, à quelques exceptions près, à la Chambre des communes pour des raisons auxquelles nous ne nous arrêterons pas pour l'instant.
Toutefois, la vie au Sénat serait impossible si les 105 sénateurs étaient indépendants et libres d'agir à leur guise, sans contraintes. Les corps législatifs comme le nôtre ont besoin de prendre appui sur un certain principe d'organisation, et ce principe est la présence de plusieurs partis politiques qui s'affrontent en son sein.
Je n'ai jamais été impressionné par l'idée qu'on a parfois lancée selon laquelle les sénateurs devraient mettre de côté leurs affiliations partisanes et siéger plutôt en tant que membres de caucus provinciaux ou d'un autre principe d'organisation de ce genre. D'une part, je ne crois pas qu'il soit bon de faire quoi que ce soit qui accentue les divisions déjà existantes entre les régions, les groupes linguistiques ou les groupes culturels. À mon avis, vous qui êtes membres de partis politiques auriez plus avantage à rendre le système actuel efficace. S'il fonctionnait comme il est censé, au sein du caucus des partis nationaux, nous devrions essayer de formuler des points de vue différents selon les intérêts régionaux, linguistiques, culturels, sociaux et économiques et ainsi de suite.
Les gouvernements sont en droit de s'attendre à ce que leurs partisans au Sénat les aident à faire avancer leur menu législatif dans cette Chambre. Les deux partis sont en droit de s'attendre à ce que les personnes qui en sont membres en règle appuient en règle générale l'orientation de leur parti politique. L'adhésion a ses privilèges, comme on dit.
De graves problèmes voient le jour quand des gouvernements insistent pour que pas une virgule de leur projet de loi ne soit changée. Pareille attitude est déraisonnable et elle ne cadre pas vraiment avec l'instinct politique, mais plutôt avec le réflexe bureaucratique. C'est là le genre de position adopté par un haut fonctionnaire. Il peut toujours vous donner une bonne raison pour laquelle il ne faut rien changer. Il peut toujours justifier. Ce n'est que lorsque les ministres deviennent captifs de leurs conseillers et s'en font les porte-voix qu'ils adoptent la même position au sein d'un corps législatif comme le Sénat. C'est une attitude tout à fait déraisonnable qui n'a pas sa raison d'être.
L'autre prétexte qu'ils invoquent auprès du caucus, c'est que ce serait une erreur de renvoyer à la Chambre des communes un texte de loi mal ficelé avec une proposition d'amendement, en raison du programme déjà lourdement chargé de la Chambre, de sorte qu'il serait impossible de trouver une salle et une date pour le faire. C'est habituellement une absurdité également, comme le sait quiconque suit, même de loin, la Chambre des communes.
Enfin, la stratégie constamment utilisée par la Chambre des communes consiste à nous renvoyer des textes de loi vers la toute fin de la session. J'entends la même plainte de la part des sénateurs depuis que je suis conscient de l'existence du Sénat et j'ignore comment on règlera le problème jusqu'à ce qu'à un moment donné, le Sénat se révolte.
Pour ce qui est des questions de fond, quand la Chambre des communes, particulièrement lorsque le gouvernement est majoritaire — bien que pas toujours —, nous renvoie des textes de loi qui sont une insulte à la démocratie parlementaire, par exemple un recours excessif à des lois-cadres comme on a pu le voir récemment sous différentes administrations, ou contraires à la Constitution, et je n'en dirai pas plus par crainte de m'immiscer dans certains débats actuels, il faudrait absolument que le Sénat prenne position. Je ne parle pas forcément de rejeter des projets de loi ou des résolutions, mais plutôt de les renvoyer à la Chambre des communes et de lui dire de refaire ses devoirs parce qu'à son avis, ce qu'elle lui propose va à l'encontre des principes de la démocratie parlementaire ou de la Constitution.
Les problèmes viennent de l'approche indûment rigide qu'adopte le gouvernement. Nous avons aussi eu un problème au cours des trois dernières années, surtout quand le calcul politique des partis de l'opposition à la Chambre des communes l'emportait sur d'autres facteurs dans les décisions prises par leurs collègues au Sénat.
Je vais changer de propos pour quelques instants. Si vous tenez vraiment à réorienter le travail des comités du Sénat, j'aimerais mentionner plusieurs lacunes très réelles du droit de regard parlementaire que la Chambre des communes ne comblera fort probablement pas.
Sur le plan des dépenses, notre Comité permanent des finances nationales se charge des budgets des dépenses et fait de l'excellent travail, ce qui est tout à son honneur. Il choisit plusieurs ministères ou organismes chaque année et fait une analyse fouillée de leurs budgets de dépenses et ainsi de suite. D'autres organismes, ministères et agences ne font pas l'objet d'un pareil examen, et il faudrait que les comités pertinents du Sénat leur portent une attention toute particulière.
Dans un discours prononcé au Sénat hier, j'ai mentionné Exportation et Développement Canada, c'est-à-dire l'EDC, qui jouit désormais d'un pouvoir financier très étendu et d'un mandat élargi qui lui confère un rôle au Canada même. Les possibilités de méfaits et de dépenses excessives et superflues sont grandes, quelle que soit l'explication donnée, à moins qu'un comité parlementaire ne suive de près l'activité de cette société.
Il y en a peut-être d'autres. Il y a quelques années, nous avons adopté une loi établissant l'Agence du revenu du Canada et un réseau de parcs nationaux sur lesquels le Parlement n'avait pas droit de regard et qui se trouvaient, en réalité, à l'abri de la responsabilité ministérielle. J'ignore ce qui se passe dans ces organismes actuellement, et peut-être faudrait-il y voir de plus près. L'agence du revenu a d'énormes effectifs et dispose d'un budget impressionnant tout en assumant une importante fonction au pays. Nous devrions nous aventurer dans les domaines où la Chambre des communes est incapable de le faire ou n'est pas disposée à le faire.
Comme la séance d'aujourd'hui est publique, je vais peser mes mots. J'ai fait allusion, lorsque j'ai pris la parole au sujet de la Loi fédérale sur la responsabilité il y a quelques années, aux mandataires du Parlement. Je viens de lire l'excellent rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement sur le directeur parlementaire du budget. Le comité a obtenu que tous les partis politiques représentés aux deux Chambres du Parlement s'entendent sur son approche. C'est déjà un exploit comme tel, mais il sera très difficile à reproduire au cours des prochaines années, en partie parce que la partie de la loi qui traite du directeur parlementaire du budget n'est pas très bien ficelée. Mais mettons de côté cette question pour quelques instants.
On court le risque très réel que tous ces mandataires du Parlement, y compris le vérificateur général et les commissaires aux langues officielles et à la protection de la vie privée, échappent à notre contrôle. Ce sont des fonctionnaires et des mandataires du Parlement dont le principal lien hiérarchique est censé être le Parlement. Chacun d'entre eux a son propre groupe de revendication avec lequel il entretient des liens systémiques. Presque chacun s'est familiarisé avec les pratiques médiatiques et entretient des relations avec les médias, ce à quoi je n'ai rien à redire en temps normal. Cependant, je crains que nous n'en arrivions, peut-être très bientôt, à un point où ils n'entretiendront leurs liens avec le Parlement que pour la forme. Il faut les rappeler à l'ordre et les suivre de près, les empêcher de se construire de petits empires, de se comporter en zélotes, surtout lorsque leur personnel est en place depuis longtemps, et empêcher qu'une culture de gagnant-gagnant n'y prenne racine. Voilà ce qui m'inquiète. Je ne souhaite pas cibler un groupe de revendication en particulier, mais celui de l'accès à l'information est le premier qui me vient immédiatement à l'esprit. À entendre ce que disent certains de ces groupes et les hauts cris lancés dans les médias, on croirait que ce droit à l'accès à l'information prime sur tout le reste, y compris sur la protection de la vie privée, les conventions de gouvernement par l'exécutif et tout le reste.
Il faut que ce soit le Sénat qui le fasse parce que la Chambre des communes, étant donné les changements constants de sa composition et ses autres préoccupations, n'est pas encline à le faire. Il faut que le Sénat rappelle ces mandataires à l'ordre. Il faudrait que nous amorcions avec eux un dialogue public soutenu sur leurs faits et gestes. Il faut respectueusement leur rappeler que leur principal lien hiérarchique est le Parlement et uniquement le Parlement — pas les médias et pas les groupes de revendication. Non seulement je connais les personnes chargées de ces mandats, mais je les aime bien et je les considère comme des aides indispensables à notre travail de parlementaires. Il faut voir à ce que nos relations avec elles s'appuient sur une base solide, car si nous ne le faisons pas, nul autre ne le fera.
Le régime électoral et politique a lui aussi ses lacunes. Quand le gouvernement Chrétien a introduit la plus récente série de réformes, surtout la réforme du financement des partis et des élections, je l'ai non seulement applaudi, mais je l'ai exhorté à aller encore plus loin. Or, vue de l'extérieur, je ne suis plus si sûr que cette réforme fût une bonne idée. Il me semble que le régime électoral et politique s'est enlisé dans la bureaucratie. Élections Canada se mêle de congrès à la direction des partis et de je ne sais trop quoi encore, et j'estime qu'il convient de réexaminer son rôle. La Chambre des communes est manifestement en conflit d'intérêts dans ce domaine. Le redécoupage n'en est que l'exemple le plus flagrant. J'aimerais mieux voir quelques douzaines de sénateurs qui connaissent bien les lois électorales, les partis politiques, les campagnes électorales nationales et ainsi de suite s'en charger. Je préfère nettement que la tâche leur soit confiée, plutôt qu'à des députés.
Je soupçonne que la Chambre des communes sera terrifiée à l'idée de s'attaquer à une question comme les solutions de rechange à l'actuel régime de financement public des partis politiques d'une élection à l'autre. Un rude coup fut porté au gouvernement, comme il se devait, lorsqu'il a essayé d'imposer une mesure l'automne dernier, dans son énoncé budgétaire avorté. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il ne faudrait pas réviser le système actuel. Il faudrait lui trouver d'autres solutions.
Il faudrait aussi chercher à simplifier toute la législation et la réglementation visant le système électoral et politique et tenter de réduire sensiblement la bureaucratisation de tout le système. Si nous ne nous en chargeons pas, rien ne se fera. Cette inaction a forcément des conséquences sur le recrutement de bénévoles pour accomplir le travail politique au Canada et, en fin de compte, sur la participation des électeurs aux scrutins. On passe son temps à déplorer le faible taux de participation aux élections et à en attribuer la cause aux dirigeants politiques et à leurs programmes électoraux, au Parlement et à je ne sais trop quoi encore. Nul ne semble s'arrêter au fait que les partis politiques ont de la difficulté à trouver des bénévoles. Auparavant, nous comptions sur les partis pour « faire sortir le vote », mais ils sont si faibles actuellement qu'ils sont incapables de le faire. Naturellement, je prêche peut-être à des convertis.
J'ai parlé, dans ce que j'ai rédigé pour le livre du sénateur Joyal sur le Sénat, des organismes, comme la fonction publique, avec lesquels les relations du Parlement ne sont ni bonnes, ni soutenues. Il en va de même avec les radiodiffuseurs publics, la GRC et d'autres institutions peut-être, auxquelles la Chambre ne porte qu'une attention épisodique alors qu'ils ont besoin d'une attention soutenue, d'une attention qui devrait venir du Sénat.
J'espère que certains des points que j'ai fait valoir aujourd'hui seront utiles à vos délibérations. Voilà qui met fin à ce que j'avais à vous dire pour l'instant.
Le président : Sénateur Murray, avant de passer à autre chose, nous aimerions bien connaître vos vues au sujet de la composition des comités, de leur nombre et de leur mandat.
Le sénateur Murray : Désolé. J'aurais dû passer en revue avec vous les réponses à votre questionnaire. Le nombre actuel de comités convient-il? Il me semble que 16 comités sont plus que suffisants et qu'il faudrait résister à l'envie d'en augmenter le nombre.
Faudrait-il réduire ou accroître le nombre de membres des comités du Sénat? Je n'arrive pas à saisir la logique d'avoir 15 membres aux Comités de la régie interne et du Règlement et je ne peux pas croire que cela facilite la prise de décisions ou l'adoption de conclusions. C'est probablement tout le contraire et c'était déjà le cas il y a longtemps, lorsque je faisais moi-même partie de ces comités. Tous les comités pourraient fort bien s'acquitter de leur mandat s'ils comptaient tout au plus neuf ou dix membres.
De combien de comités le sénateur devrait-il être membre? Personnellement, je ne crois pas qu'un sénateur puisse vraiment faire une contribution utile à plus de deux comités, bien que je comprenne les raisons qui poussent la direction à multiplier leurs affectations.
Faudrait-il exiger que tous les sénateurs soient membres de comités? Non. L'important, c'est la qualité du travail accompli par les comités. Moins les comités comptent de personnes désignées volontaires ou de passage, mieux ce sera.
Faudrait-il choisir les membres en fonction de la représentation régionale et linguistique? Oui, et dans certains comités plus que d'autres. C'est au gouvernement ou à la direction des partis d'opposition d'y voir, tout comme pour la parité hommes-femmes. Dans ce dernier cas, il serait important d'assurer la présence de femmes au sein du Comité des finances nationales. Le sénateur Nancy Ruth, par exemple, frappe aux portes du Conseil du Trésor et d'autres, y compris du ministère des Finances, depuis longtemps pour obtenir une analyse selon le genre de l'impact des lois. Elle fait aussi des démarches auprès du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, où aboutissent 80 p. 100 des projets de loi, me dit-on, ainsi que du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Faudrait-il modifier la structure des comités tout en la gardant axée sur les secteurs politiques? J'avoue ne pas comprendre cette question.
Faudrait-il modifier d'une façon quelconque la structure des comités pour concentrer leur travail sur des questions politiques ou des ministères particuliers? Non. Laissons-en le soin à la Chambre des communes, où les députés se chargent souvent de le faire. Les nôtres devraient avoir une approche plus générale et plus prospective.
Estimez-vous que le mandat des comités permanents devrait être modifié pour mieux répartir le travail entre les comités? Je n'en sais rien, et c'est vrai. J'ignore si le simple fait de changer leur mandat et de confier le travail à accomplir à d'autres allégerait la charge de travail de certains comités. Je n'y ai pas vraiment réfléchi.
Faudrait-il créer de nouveaux comités pour traiter de questions particulières? Non.
Avez-vous des changements à proposer aux mandats actuels? Pourquoi les affaires indiennes et inuites continuent- elles de relever du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie? Où au juste est-il question des sciences et de la technologie dans le mandat de ce comité? Ces questions, qu'il faudrait probablement étudier avec soin, devraient-elles relever d'un autre comité?
Croyez-vous que les comités du Sénat devraient pouvoir étudier toute question qui relève de leur mandat en l'absence d'un ordre de renvoi du Sénat à cet effet? Non. Il importe que le Sénat continue de diriger les travaux des comités qui lui rendent des comptes et en relèvent. Bien qu'il faille encourager une certaine indépendance, il ne faudrait pas pour autant leur permettre d'agir en toute autonomie.
Actuellement, le quorum au sein de la plupart des comités est de quatre, sauf au sein des comités de cinq membres, où il est de trois. Faudrait-il réduire ou accroître le quorum? J'ai répondu : « Il faut le maintenir tel qu'il est, à condition que des membres à la fois du parti ministériel et de l'opposition soient présents ». Mais j'aurais probablement dû ajouter qu'ils soient présents lorsque des motions sont proposées ou mises aux voix.
Le quorum des comités devrait-il changer selon le nombre de membres qui y siègent? Je n'en sais rien, mais je suppose que ma réponse est négative.
Un greffier secondé par du personnel de soutien et un ou deux analystes de la Bibliothèque du Parlement sont affectés à chaque comité. Ces ressources sont-elles suffisantes? Oui, sauf exception, des études spéciales par exemple, où il faut aller chercher une aide à l'extérieur. Toutefois, il faudrait que ce soit l'exception plutôt que la règle.
Le greffier et l'analyste devraient-ils faire rapport au président, au comité de direction ou au comité entier? Ma préférence irait au comité de direction, mais pour des raisons pratico-pratiques, ils devraient le faire en passant par le président. Il faut à tout prix éviter que le personnel ait l'impression qu'il relève de plusieurs personnes à la fois. C'est au président de voir à ce que les autres collègues soient informés et se rangent à son avis.
Faudrait-il répartir également les ressources humaines et financières entre les différents comités? Non. Les besoins des comités varient parfois. Il ne faudrait pas partir de l'hypothèse que certains comités ont de plus grands besoins que d'autres.
Avez-vous d'autres observations à faire au sujet des ressources? Je vous fais lecture de ma réponse, car je l'ai couchée par écrit. Je ne crois pas que le Comité de la régie interne devrait être seul juge des besoins des divers comités. Les travaux faits par les comités devraient être fonction des différentes priorités du Sénat tout entier. Le comité des dirigeants ou des membres des caucus nommés par eux devrait être tenu de donner des instructions formelles au Comité de la régie interne à ce sujet, y compris au sujet des priorités que nous souhaitons greffer au mandat de certains comités à l'occasion.
Faudrait-il accroître le recours au comité plénier? Oui. Il faudra peut-être mettre de côté ou modifier certaines de ses règles de fonctionnement et de ses usages pour éviter les affrontements inutiles. Il me semble qu'en comité plénier, si une motion d'ajournement était déposée à l'improviste et qu'elle était adoptée, le projet de loi à l'étude mourrait au Feuilleton. C'est ce qui se produisait auparavant. Quoi qu'il en soit, il faudrait se montrer raisonnable et mettre de côté ces règles si nous avions un plus grand recours au comité plénier.
Il me semble que deux ou trois projets de loi par session, peut-être à la discrétion de l'opposition dans un cas et du gouvernement dans l'autre, devaient être renvoyés au comité plénier pour les audiences télévisées. La Chambre devrait être plus accueillante pour la télévision, pour nos témoins du Sud. Les bureaux devraient être retirés du Sénat, en tout cas, pour créer une salle de débat plus intime. Dans l'état actuel des choses, nous ne sommes qu'une pâle imitation des Communes.
Je ne sais pas combien d'entre vous avez déjà observé le Sénat des galeries, mais la vue n'est pas des meilleures. J'aimerais que les bureaux en soient retirés, faire une salle de débat plus intime, et quelque chose qui n'ait pas l'air d'une reproduction de la Chambres des communes.
Croyez-vous que la quantité de changements dans la composition des comités pose problème? Je ne sais pas. Je n'ai pas remarqué qu'il y ait eu de fréquents changements aux comités auxquels j'ai siégé ces dernières années. Les membres ne devraient pas être retirés de ces comités. Tout sénateur devrait rester à un comité pendant toute la durée de ses travaux, à moins qu'il soit coupable d'absentéisme chronique ou qu'il veuille se retirer pour cause de perte d'intérêt pour le sujet. Autrement, les sénateurs devraient rester aux comités, pour creuser dans le sujet en profondeur.
Les comités du Sénat devraient-ils pouvoir se réunir quand le Sénat siège, sans ordre spécial? Oui, mais les deux côtés doivent être d'accord dans n'importe quel cas.
Devrait-on avoir plus souvent recours aux comités spéciaux et comités législatifs? Seulement quand il y a surcharge des comités permanents, et que les deux côtés sont d'accord.
Devrait-on recourir plus souvent aux sous-comités? Seulement pour des tâches précises, ayant un début et une fin. Par exemple, le Sous-comité des anciens combattants devrait œuvrer sous le nom et le mandat du comité parent et c'est là que ces questions devraient recevoir l'attention voulue et faire l'objet d'un examen approprié.
Les présidents et vice-présidents des comités devraient-ils être rémunérés? Le budget de leur bureau devrait-il aussi être augmenté? Non, aux deux questions. Ce devrait être considéré comme un honneur que d'occuper ces fonctions. Le versement d'un supplément salarial ferait de ces fonctions la proie du patronage, du leadership des deux côtés, ce qui ne serait pas une bonne chose. La plupart des présidents ne travaillent pas plus fort que les membres les plus déterminés et les plus actifs de leur comité.
Les plages horaires et les salles de réunion qui sont allouées aux comités devraient-elles faire l'objet d'une rotation entre comités d'une session à l'autre du Parlement? Oui; il faut être équitable.
Le président : Merci beaucoup, sénateur Murray. C'est excellent. J'ai une longue liste de sénateurs qui ont des questions à poser. Je voulais faire un commentaire sur le troisième élément dont vous avez parlé, au sujet des lacunes de la surveillance parlementaire des agents du Parlement et du système électoral et politique. Vous vous souvenez que lorsque Jean-Marc Hamel était directeur général des élections, il avait un comité spécial composé de membres non élus, pas des sénateurs, des gens comme moi-même qui, au début des années 1970 et dans les années 1980, étaient d'importants conseillers auprès de lui et ont assumé une grande partie du travail de fond pour ce qui était alors appelé la Loi sur les dépenses électorales.
L'une des choses qu'on pourrait de nouveau envisager, pour que cela ne relève pas d'une instance politique comme la Chambre des communes, ce serait d'avoir un groupe spécial comme celui-là, qui connaît la loi électorale, pour conseiller le directeur général des élections.
Le sénateur Murray : Il y a un an, j'ai demandé à mon attaché de recherche, un jeune homme du nom de Blake Hargreaves, de faire une étude de six comités. Je voulais savoir ce qu'il advenait de tout le travail que faisaient les comités sur les rapports de fond — pas sur la loi, mais les rapports sur les politiques en tant que telles — quand ils viennent présenter les rapports. Je trouve que nous en discutons ou en débattons trop rarement. Ils restent tout simplement là.
Il a fait une étude, il y a un an. Elle n'est malheureusement qu'en anglais, mais il a suivi les progrès de 45 rapports de fond déposés par six comités au cours de plusieurs sessions parlementaires. Des 45 rapports, 21 ont été adoptés par le Sénat, ce qui fait 47 p. 100 du total. Vingt-trois pour cent ont été débattus sur le parquet, et de ceux-là, 11 ont fait l'objet d'un exposé par plus d'un sénateur, et cetera. C'est un rapport détaillé, et peut-être que vous voudriez le voir. Je m'inquiétais qu'après qu'un comité se donne beaucoup de mal pour faire un travail, parfois, le président ne se donne même pas la peine de prononcer une allocution pour expliquer le rapport, qui tombe alors dans un grand trou noir.
[English]
Le sénateur Nolin : Merci beaucoup, sénateur Murray, de vous être déplacé et d'avoir pris de votre temps pour participer à nos travaux. J'ai également beaucoup de respect pour notre régime parlementaire à l'intérieur duquel les caucus jouent un rôle déterminant.
Vous l'avez dit vous-même dans votre exposé, un sénateur doit être en mesure de s'interposer devant la solidarité de son caucus s'il est en désaccord avec sa position.
Certains d'entre nous — dont moi — pensons qu'un certain devoir de réserve par les sénateurs face à l'esprit partisan serait peut-être de mise pour permettre à un sénateur de ne pas se sentir ostracisé s'il décide, pour des raisons que je considère nobles, vouloir mettre en valeur un principe qui, selon lui, est mis en danger par une mesure législative ou une attitude du gouvernement et ce, même si c'est son gouvernement. Qu'en pensez-vous? Est-ce qu'un sénateur ne pourrait pas s'imposer une certaine réserve face à l'esprit partisan qui, malheureusement — vous en conviendrez, ça fait 30 ans que vous êtes ici —, a souvent envenimé les débats au Sénat?
Le sénateur Murray : Vous parlez du droit, même de l'obligation d'un sénateur d'agir selon sa conscience ou ses convictions, parfois en opposition à ses collègues. Il va sans dire que pour ma part, c'est une pratique à encourager.
Ma préoccupation porte plutôt sur le rôle du Sénat comme institution vis-à-vis la Chambre des communes et le gouvernement. Que faire lorsque le gouvernement et la Chambre des communes nous envoient un projet de loi ou une résolution qui est manifestement inadéquate ou qui contient des failles importantes qu'il nous faut corriger? Pourquoi, par respect ou par sympathie envers nos collègues à l'autre endroit, décidons-nous de ne pas agir? C'est ma préoccupation.
Le sénateur Nolin : Vous serez d'accord avec moi que ce n'est pas acceptable?
Le sénateur Murray : Oui.
Le sénateur Nolin : À ce moment-là, même si les caucus ont une raison d'être fondamentale pour la cohésion du système parlementaire dans la deuxième Chambre, on doit accepter de remettre en question la solidarité qui, normalement, est attendue de la part des membres d'un caucus. Vous serez d'accord avec cela?
Le sénateur Murray : Oui, tout à fait.
[Translation]
Le sénateur Fraser : À ce propos, j'ai toujours trouvé intéressant — et il en a été question au comité, et aussi dans les observations — que plus un sénateur reste longtemps, plus il est susceptible d'agir, à l'occasion, de façon indépendante d'un parti. Il peut y avoir de nombreuses raisons, mais les statistiques semblent le confirmer.
Sénateur Murray, à propos des comités, vous vous souvenez sûrement qu'il y a quelques années, nous avons tous deux accompagné le Président en Australie. Je me fie à ma mémoire et non à des documents, mais j'ai été particulièrement frappée par le système qu'ils avaient à leur Sénat, pour composer avec la double fonction des comités. Ils devaient traiter de la législation, et ils devaient procéder à des études. Par exemple, dans le cas du comité juridique, auquel j'ai longtemps siégé, les études se font évincer par la législation. Pourtant, elles pourraient être au moins tout aussi importantes que n'importe quel petit projet de loi dont nous sommes saisis.
Ils ont un système parallèle. Les mêmes membres siégeront au comité législatif juridique et au comité sur les politiques juridiques, pour que le travail puisse progresser en parallèle.
Vous souvenez-vous de cela, et pensez-vous que ce système pourrait nous intéresser, ici?
Le sénateur Murray : Maintenant que vous me le rappelez, je me souviens en avoir entendu parler à l'époque. Est-ce que ce serait efficace ici? Seulement si nous pouvons ajuster la charge de travail de manière à ce que les comités soient plus restreints et que les sénateurs ne soient pas tenus de siéger à plus d'un ou deux comités, je pense, si on veut être pratiques.
Le sénateur Joyal : Merci, sénateur Murray, pour vos commentaires.
J'aimerais établir une nuance entre le travail législatif et l'étude. La perception que j'en ai — et ce n'est qu'une perception — c'est qu'il arrive que pour les comités, les études sont plus intéressantes que la législation. Autrement dit, les études sont plus — j'emploierai une expression qui en a fait se hérisser de l'autre côté — « sexy ». Une étude est plus dans le vent, le sujet du jour. Cependant, le Sénat a le devoir constitutionnel de donner conseil, et d'entériner la législation. C'est notre premier devoir, et le plus important.
Le deuxième devoir, c'est d'amener le gouvernement à rendre des comptes — non pas de le rendre responsable — de lui faire rendre des comptes. Il n'est pas possible de déposer un gouvernement, au Sénat. La « reddition des comptes », cela entend le gouvernement du Canada, c'est-à-dire l'administration publique en général, et le Parlement. Nous avons 14 hauts fonctionnaires et agents du Parlement. Quand les membres doivent concevoir la nature de leur rôle, nous nous efforçons de pousser toute la législation vers un comité, par exemple, le comité juridique, pour les avocats et ceux qui aiment les subtilités d'ordre juridique, et ainsi la plupart des comités auraient les mains libres pour faire autre chose, sauf le Comité des finances nationales, à cause de son mandat tout à fait particulier.
Cependant, tous ces rapports que nous recevons du commissaire à la protection de la vie privée, et le rapport du commissaire des plaintes de la GRC, traitent d'importants enjeux, particulièrement à la suite de l'enquête Arar et des problèmes que nous avons observés à la GRC récemment. C'est un problème auquel quelqu'un devrait s'intéresser au Parlement. Comme le comité juridique est saisi de la plupart des projets de loi — la majorité, si ce n'est au moins la moitié d'entre eux pendant certaines sessions — et le personnel, ces autres enjeux tombent dans l'oubli.
Je pense aux rapports du commissaire à la protection de la vie privée, du commissaire à l'information et même du directeur général des élections. Quand un projet de loi est présenté, il passe d'abord par le comité juridique, qui n'a pas le temps d'examiner tous ces rapports. Il y a dérapage dans la réorganisation du travail, actuellement, au Sénat. C'est l'impression que j'en ai. Je n'ai pas de chiffres ni de statistiques à présenter, mais c'est simplement ce que je constate.
Le Sénat doit revenir, surtout après 27 ans d'application de la Charte, sur la question des minorités. La semaine dernière, nous avons entendu les dirigeants autochtones parler d'un enjeu important pour le Canada, celui des pensionnats. Nous devrions réfléchir, en coordination avec les rapports des agents du Parlement, au moyen pour le Sénat de constituer la tribune sur laquelle ces gens pourraient venir témoigner des enjeux dont traitent ces rapports.
Nous nous laissons prendre par la question des études. Je dis cela avec le plus grand respect, parce que nous avons eu de nombreux excellents rapports d'étude. Cependant, nous ne devrions pas voir le monde comme étant si divisé entre la législation et les études : si ce n'est pas la législation, on fait des études.
Le sénateur Murray : En 1993, quand le gouvernement progressiste-conservateur est devenu le Parti progressiste- conservateur de l'opposition ici, nous en avons parlé, et ce que j'ai dit à l'époque, c'est que nous avions trop d'études et que nous ne portions pas assez d'attention aux aspects dont a parlé le sénateur Joyal. J'ai suggéré que les deux caucus, par l'intermédiaire de leurs leaders, s'entendent sur un nombre limité d'études par session. Ils pourraient fixer un chiffre, deux, trois ou quatre par session, et il serait entendu que plusieurs d'entre elles seraient à l'initiative de l'opposition et plusieurs à l'initiative du parti au pouvoir. Nous pourrions nous entendre pour respecter ces limites pour une session parlementaire donner, puis nous mettre à l'œuvre. Au début d'une nouvelle session, nous pourrions nous entendre sur une nouvelle série d'études.
Vous parlez de limiter le nombre d'études, si je vous comprends bien, et je suis d'accord avec vous. D'autres enjeux, et pas seulement la législation, dont vous et moi avons parlé, sont laissés pour compte.
Le sénateur Duffy : Merci, sénateur, d'être ici aujourd'hui. Pour ceux d'entre nous qui sommes nouveaux ici, c'est un plaisir que d'être témoins de toute la sagesse accumulée au fil des années. C'est très instructif. Je ne peux qu'être tout à fait d'accord avec vous sur ce que vous disiez, et ce qu'a dit ensuite le sénateur Joyal. Moi aussi, j'ai été troublé par ce qui ne ressemble pas vraiment à des rapports d'autonomie avec bon nombre de nos grands organismes et institutions nationaux, et je pense que vos perceptions sont tout à fait justes.
Dans le peu de temps que j'ai passé ici, cinq ou six mois, j'ai aussi vu la charge de travail législative et celle des études. Il y en a qui diraient : « Où pourrions-nous même trouver le temps de surveiller la GRC ou le commissaire à l'information, et cetera? » Il est important que nous revenions aux principes de base, dont celui de surveillance, parce que de ces organismes acquièrent une importance de plus en plus grande. Elles ont des interactions avec le public et, en fait, fonctionnent d'elles-mêmes.
Cela étant dit, vous avez parlé de télévision à la Chambre. Pourriez-vous expliquer plus longuement comment vous envisagez de la rendre plus accueillante? Ce qui me préoccupe actuellement, c'est que nous n'avons pas de système valable de climatisation, et chaque fois qu'il s'y trouve des caméras, on intensifie l'éclairage. J'ai l'impression d'être au Swiss Chalet et « sur la sellette », comme ils disent en français.
Le sénateur Murray : Je parlais de la configuration de la Chambre. Si elle n'est pas très attrayante de la galerie, ce doit être encore pire à la télévision. Je ne regardais pas la séance à la télévision quand nous avons accueilli les leaders autochtones l'autre jour. Cependant, nous pourrions rendre l'endroit beaucoup plus attrayant à la télévision, avec les témoins au sud et les aménagements appropriés pour les caméras et les microphones, et cetera. Si on faisait comme je l'entends, les bureaux seraient tous enlevés, et nous aurions des bancs, dans une salle de débat plus intime, et nous aurions un contexte plus efficace pour nous entretenir avec les témoins quand ils viennent.
Le sénateur Duffy : Comme le temps va nous manquer, puis-je vous demander ce que vous pensez de l'élargissement de la diffusion des séances des comités à la télévision, comparativement à l'idée de consacrer les ressources à la diffusion continue de la Chambre?
Le sénateur Murray : Je pense que nous devrions rendre possible la diffusion télévisée des débats à la Chambre. Je ne savais pas que c'était un choix entre l'une ou l'autre proposition. Nous aurions intérêt à voir comment on fait au Royaume-Uni, parce qu'on peut syntoniser la chaîne de la Chambre des lords n'importe quand à la télévision si on le veut. Cela fait un bon moment que je n'y ai pas vraiment réfléchi. Le Comité de la régie interne en a parlé, et je ne pense pas pouvoir en dire beaucoup plus. Je pense que la télédiffusion des débats de la Chambre nous pousserait à mieux agir, notamment pendant la période des questions, à laquelle je pensais en répondant aux questions, et je pense toujours que c'est une honte.
[English]
Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé des comités et de l'examen des dépenses. Actuellement, c'est le Comité sénatorial permanent des finances nationales qui fait cet examen?
Le sénateur Murray : Oui.
Le sénateur Robichaud : Avez-vous changé votre point de vue là-dessus? Lorsque vous étiez président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, j'avais proposé un amendement afin que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans puisse examiner la partie qui concerne les pêches et vous aviez émis de sérieuses réserves.
Le sénateur Murray : Je continue de croire que c'est le Comité sénatorial permanent des finances nationales qui doit avoir la responsabilité d'étudier les crédits. En ce qui concerne un examen plus approfondi des programmes des différents ministères — je parlais de la société Export Credit Corporation — je crois qu'il est absolument nécessaire qu'un comité du Sénat demeure en contact continu avec cette société d'État. Il est important que le comité oblige les cadres de cette société à expliquer comment les fonds alloués sont utilisés.
Je crains que plusieurs de nos ministères et agences soient à l'abri de toute étude sérieuse de la part du Parlement sur leurs programmes. Ce n'est pas l'étude des crédits annuels ou supplémentaires qui me préoccupe en ce moment, mais bien les programmes.
Le sénateur Robichaud : Ce qui n'est pas fait, d'ailleurs.
Le sénateur Murray : Non.
Le sénateur Robichaud : Je vous remercie. Cela signifie qu'il faut modifier le mandat des comités afin qu'ils aient des responsabilités précises.
Le sénateur Murray : Vous n'êtes pas d'accord, sénateur Joyal?
[Translation]
La présidente : Honorables sénateurs, notre temps est écoulé. Le Sénat doit commencer dans une minute. Sénateur Murray, au nom de notre comité, merci d'être venu. Nous aurions pu poursuivre le débat encore deux bonnes heures. La discussion a été des plus fascinantes, et nous apprécions énormément votre contribution.
(La séance est levée.)