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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 2 - Témoignages du 28 avril 2009


OTTAWA, le mardi 28 avril 2009

Le Comité permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, pour étudier le projet de loi S-220, Loi concernant les messages électroniques commerciaux.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Ce matin, nous avons à l'agenda l'étude du projet de loi S-220, Loi concernant les messages électroniques commerciaux. Notre témoin est l'honorable sénateur Goldstein, qui est le parrain du projet de loi.

Sénateur Goldstein, vous avez l'habitude des comités. Nous allons vous entendre, après quoi mes collègues auront des questions à vous poser. La parole est à vous.

L'honorable Yoine Goldstein, parrain du projet de loi, Sénat du Canada : Merci, madame la présidente, et merci à mes collègues et confrères.

[Traduction]

On dirait qu'il n'y a qu'un seul écran. Nous avons la présentation visuelle en anglais et en français. Quelqu'un serait- il vexé si je présentais seulement l'anglais? Vous avez les présentations écrites dans les deux langues.

Je vais d'abord vous dire ce que fait le projet de loi S-220 ou quel est son objectif. Il s'attaque aux pourriels en faisant une infraction de l'envoi de messages électroniques commerciaux non sollicités à un utilisateur canadien d'Internet sans obtenir son consentement préalable.

La mesure contient des dispositions visant à lutter contre une série de pratiques abusives telles la collecte d'adresses électroniques, l'attaque par dictionnaire et « l'hameçonnage ».

L'hameçonnage est une expression propre à Internet et aux courriels. C'est une pratique de certains fraudeurs qui prétendent envoyer un message provenant d'un détaillant respectable ou d'une autre personne, habituellement une banque, en vue d'obtenir un numéro de sécurité sociale, un numéro de carte de crédit ou un numéro de compte de banque, afin de commettre un acte frauduleux. L'hameçonnage est endémique. En fait, c'est une épidémie qui se répand à travers le monde. Je suis certain que vous avez déjà reçu de ces messages.

L'objet du projet de loi est de rendre responsable les bénéficiaires de ces différents produits et services dont les pourriels font la promotion. Par exemple, si quelqu'un m'envoie un message pour me proposer d'acheter du Viagra — pourquoi me choisissent-ils, je ne sais pas, mais ils le font — et que le vendeur de ce produit est Canadien, le vendeur est alors responsable conjointement et individuellement avec la personne qui a envoyé le pourriel, et est passible des lourdes amendes prévues dans le projet de loi. Celui-ci donne aux citoyens, notamment aux fournisseurs de services Internet, le pouvoir d'entamer des poursuites judiciaires contre les polluposteurs et de réclamer des dommages-intérêts sans avoir à attendre que les autorités interviennent ou qu'elles poursuivent.

Que signifie pourriel? Un « pourriel » s'entend d'un message électronique transmis à un grand nombre de destinataires sans leur consentement préalable; il s'agit en fait de millions de personnes. Habituellement, mais non nécessairement, ce sont des messages de nature commerciale destinés à promouvoir ou à vendre des produits ou des services; ils ont en commun une ou plusieurs des caractéristiques suivantes. D'abord, ils sont envoyés sans discrimination, sans cibler une clientèle, souvent par des moyens automatiques. Deuxièmement, ils ont un contenu illicite ou offensant ou en font la promotion. Troisièmement, leur objet est frauduleux. Quatrièmement, ils visent à recueillir ou utiliser des renseignements personnels; c'est ce qu'on appelle un « pourriel d'hameçonnage ». Cinquièmement, ils sont envoyés sans que l'identité de l'expéditeur soit divulguée. Sixièmement, ils ne proposent pas une adresse valide ou fonctionnelle permettant au destinataire d'envoyer un message pour refuser toute autre sollicitation.

Le projet de loi définit « pourriel » de façon simple. Il est destiné à ne réglementer que les messages commerciaux — rien de plus — comme la promotion de biens, services et terrains, affaires, investissements et jeux de hasard ou des promotions du même genre. Il a pour but de protéger la liberté d'expression. Il y a toujours un équilibre difficile à respecter dans les lois de ce genre entre essayer de supprimer les abus d'une part et respecter le droit des citoyens à communiquer entre eux librement. Il est parfois difficile d'arriver à établir cet équilibre.

J'ai essayé d'y arriver en proposant que les messages entre les citoyens et leurs gouvernements soient exemptés de l'application de cette loi pour s'assurer que les citoyens et les gouvernements puissent communiquer entre eux. Donc, ces communications ne devraient pas du tout être réduites. La définition de « message électronique » employée dans le projet de loi s'applique non seulement aux pourriels envoyés par courrier électronique, mais aussi à ceux communiqués par messagerie instantanée et par téléphone mobile.

Vous vous souviendrez peut-être des problèmes qui sont survenus il y a quelque temps lorsqu'un des fournisseurs de services de téléphone mobile a dit qu'il demanderait des frais pour les messages pourriels reçus par voie téléphonique. Heureusement, le fournisseur est revenu sur cette décision.

Parlons un peu de la croissance des pourriels et du problème que cela pose. Leur proportion est passée ces dernières années de 10 p. 100 de la quantité totale des courriels en 2000 à environ 95 p. 100 aujourd'hui. Cinq pour cent seulement des courriels sur Internet sont des courriels qui ne sont pas des pourriels, c'est-à-dire des courriels valables. Quatre-vingt-quinze pour cent sont des courriels qui n'ont aucune valeur et qui sont des pourriels.

Cette augmentation provient en partie de sociétés commerciales légitimes qui considèrent le courrier électronique comme un nouvel outil de marketing. Cependant, le gros de cette augmentation résulte principalement de ceux qui vendent des produits fictifs ou qui s'adonnent à des activités criminelles. Un exemple typique : il s'agit d'un courriel que nous avons tous reçu d'une entreprise qui s'appelle Canadian Drug Company. En fait, ce courriel provient de l'Ukraine. La Canadian Drug Company n'existe pas, pourtant elle annonce des produits d'ordonnance médicale à des prix considérablement inférieurs aux prix canadiens.

Même si nous n'avons pas de données statistiques, on peut facilement s'imaginer qu'un nombre infini de Canadiens se feraient attraper par cette publicité. Nos citoyens pourraient envoyer leur numéro de carte de crédit à cette entreprise en Ukraine, qui l'utiliserait pour obtenir de l'argent et, bien entendu, l'expéditeur ne recevrait jamais le produit.

Quel est le contenu des pourriels? Le contenu des pourriels varie énormément, allant de publicités sur des produits et services à du matériel pornographique, en passant par de l'information sur des copies illégales de logiciels, des publicités frauduleuses ou des tentatives d'extorsion. Les pourriels proviennent de sources diverses. Malheureusement, le Canada est le quatrième plus grand producteur de pourriels, mais ce sont les États-Unis qui se classent au premier rang, suivis de près par la Turquie et la Russie. Même si nous nous classons au quatrième rang et que notre pourcentage de contribution aux pourriels est de 4,7 p. 100, le rapport annuel de 2008 de Cisco indique que pour l'ensemble des pourriels dans le monde, le Canada produit neuf milliards de messages par jour. Il s'agit d'un nombre incroyable de pourriels.

Le côté économique des pourriels est intéressant. Le pourriel est un outil de publicité attrayant pour les sociétés tant légales qu'illégales, car il ne coûte presque rien à l'expéditeur. Le faible coût du pourriel ouvre la porte à des profits énormes. Selon une étude d'un groupe d'informaticiens de l'Université de Californie à Berkeley et à San Diego, un taux de réponse à un courriel de moins de 0,00001 p. 100 peut être très profitable. Le groupe de Berkeley a mené sa propre campagne de pourriel en diffusant près de 350 différentes publicités durant 26 jours. À la fin de l'essai, ils ont réalisé 28 ventes avec une réponse sur 12,5 millions de courriels envoyés. On pourrait croire que ce taux de réponse est insignifiant, mais les bénéfices découlant de cette opération, extrapolés sur un an, auraient été de 3,5 millions de dollars US.

Quels sont les problèmes liés aux pourriels? D'abord, et avant tout peut-être, ils entraînent une perte de productivité dans les entreprises. On estime qu'un employé qui passe 15 minutes par jour à traiter des pourriels peut coûter à l'entreprise 3 200 $ par année en perte de productivité. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a évalué que les pourriels ont coûté à l'économie mondiale 20,5 milliards de dollars US en 2003. Selon les données du cabinet conseil Ferris Research, les pourriels coûteront un total de 130 milliards de dollars US dans le monde à la fin de 2009. Le problème est donc colossal.

Les pourriels augmentent les coûts des services Internet. Le coût mondial de filtrage des pourriels a été évalué à 674 millions de dollars US en 2004, trois quarts de milliards, et pourrait atteindre 2,6 milliards de dollars US cette année, diminuant ainsi les ressources dont les entreprises pourraient disposer pour investir dans des services nouveaux ou améliorés.

L'effet sur l'environnement est énorme aussi. La transmission, le traitement et le filtrage des 62 billions de pourriels envoyés dans le monde en 2008 ont consommé au total 33 milliards de kilowatts-heures d'énergie — l'équivalent de l'électricité consommée par 2,4 millions de foyers. Un seul pourriel produit l'équivalent des émissions de gaz à effet de serre d'une automobile déplacée d'un mètre. En soi, il s'agit d'une petite quantité, mais multipliée par 62 billions, ça représente une énorme production de gaz à effet de serre.

D'un point de vue purement commercial, les pourriels diminuent beaucoup la confiance des consommateurs. Les utilisateurs d'Internet se méfient de l'économie numérique à cause de cela. Cette méfiance crée une menace pour la croissance du commerce électronique, qui est un processus valable au sein de notre économie. Selon une étude de 2005 de Consumer Reports, la crainte du vol d'identité a poussé 25 p. 100 des répondants à cesser d'acheter en ligne, et 29 p. 100 à réduire leurs achats en ligne. Selon Statistique Canada, un seul Canadien sur trois de plus de 16 ans a acheté en ligne en 2007.

Quelles mesures le Canada a-t-il prises à ce jour? En mai 2004, Industrie Canada a lancé un « Plan d'action anti- pourriel pour le Canada ». Le but principal du plan était de mettre sur pied un groupe de travail sur les pourriels, réunissant des représentants des gouvernements, des universités, des fournisseurs de services Internet, des entreprises qui utilisent légitimement le courrier électronique, et des consommateurs, dans le but d'élaborer une stratégie globale et inclusive. Ce groupe de travail a terminé sa tâche en mai 2005, et publié 22 recommandations sur la façon dont le Canada devrait s'attaquer au problème des pourriels. Ce groupe composé de représentants triés sur le volet a formulé dans son excellent rapport un certain nombre de recommandations importantes. Le rapport est global et indique les orientations précises que pourrait prendre la législation canadienne. Le groupe de travail a bien dit que les lois existantes au Canada sont insuffisantes pour lutter contre les pourriels et que les autorités publiques ne disposent actuellement pas des ressources nécessaires pour lutter systématiquement et efficacement contre les pourriels. Il a recommandé la création d'un nouveau cadre législatif qui interdirait clairement les pourriels et les autres menaces nouvelles à la viabilité d'Internet.

Pendant un certain temps, le Canada était le seul des pays du G7 qui n'avait pas de loi anti-pourriel. Le projet de loi S-220 comble ce vide législatif; les dispositions de la mesure reposent essentiellement sur le rapport du Groupe de travail national sur les pourriels. Ses dispositions s'inspirent d'éléments clés des législations anti-pourriels des États- Unis, de l'État de Californie, de l'Union européenne et de l'Australie.

Vendredi ou lundi dernier, le gouvernement a présenté un projet de loi anti-pourriel. Si le comité me permet de le faire, je le commenterai brièvement tout à l'heure et je ferai une suggestion, avec tout le respect requis, sur la façon dont le comité pourrait étudier cette mesure-ci, le projet de loi S-220, et le projet de loi gouvernemental.

Je vais vous décrire de façon un peu technique, tout en tâchant de me faire bien comprendre de tous, les dispositions du projet de loi S-220. Les lois anti-pourriels actuelles dans le monde se répartissent en deux régimes : d'abord les régimes autorisant l'envoi de messages commerciaux non sollicités à condition que l'expéditeur se conforme à certaines directives et permette au destinataire de se retirer d'une liste d'envoi s'il le désire; on peut parler d'une approche d'exclusion. Dans ce cas, c'est au destinataire de prendre des mesures quand il est bombardé de pourriels. Une loi américaine intitulée Controlling the Assault of Non-Solicited Pornography and Marketing Act, CAN-SPAM, de 2003 adopte la méthode d'exclusion et elle a échoué, selon tous les témoignages.

La deuxième méthode est celle du consentement préalable. Elle interdit tout envoi de messages commerciaux non sollicités sauf dans le contexte d'une relation d'affaires existante ou quand le destinataire y consent. Il y a quelques exceptions à cette règle. Les messages politiques ne sont pas visés et les gens sont libres d'en envoyer comme ils le jugent bon. Cependant, une disposition permet de se retirer de la liste d'envoi de ces messages. Ceux d'entre nous qui ont reçu un nombre excessif de courriels concernant, par exemple, la chasse aux phoques, auraient le droit de dire aux expéditeurs, par un simple clic, qu'ils ne veulent plus recevoir de messages traitant de ce sujet en particulier.

Les sondages d'opinion et les organismes de bienfaisance sont exemptés. Autrement dit, on essaie de protéger les contacts légitimes par courriel, mais de supprimer les contacts courriels qui ne sont pas légitimes.

Je vous ai dit plus tôt que la loi américaine CAN-SPAM n'a pas été respectée à plus de 7 p. 100 au cours des deux années 2004 et 2005, et que ce niveau de conformité est considéré comme un échec.

La méthode d'exclusion est aussi une invitation aux polluposteurs à continuer leur manège. La plupart d'entre eux envoient leurs courriels de façon indistincte, par millions, à des adresses que l'ordinateur crée; il ne s'agit pas nécessairement de véritables adresses. Mais, quand le destinataire répond et dit : « Ne m'envoyez pas de pourriel », cette réponse signifie que ces gens ont véritablement atteint une cible vivante, pour ainsi dire, et à partir de là, le destinataire reçoit d'énormes quantités de pourriels. L'approche du consentement préalable interdit cette possibilité. Le projet de loi S-220 et, soit dit en passant, le projet de loi gouvernemental préconisent cette approche.

Le projet de loi S-220 prévoit la « désinscription », qui exige que tous les messages commerciaux aient un mécanisme fonctionnel de désinscription que les utilisateurs peuvent utiliser pour faire savoir à l'expéditeur qu'ils ne veulent pas recevoir d'autres messages. Chaque expéditeur est tenu de s'identifier et de se conformer à cette demande, donnant ainsi à l'utilisateur Internet le choix de ne plus recevoir de message, même ceux qu'il avait d'abord accepté de recevoir.

Le mécanisme de désinscription doit être mis en évidence dans le message de façon à permettre au destinataire de répondre dans le même mode de communication que celui utilisé pour l'envoi du message initial; ce mécanisme doit permettre de recevoir des demandes de désinscription durant 30 jours; et il ne doit pas exiger du destinataire de droits de désinscription.

L'expéditeur doit donner suite à la demande de désinscription dans un délai de sept jours — ce qui laisse quatre à cinq jours ouvrables pour traiter la demande.

Je vous disais plus tôt qu'il existe certaines exceptions dans le projet de loi S-220 destinées à respecter la liberté d'expression et certaines activités politiques. Certaines entreprises, par exemple, qui ont des relations d'affaires préexistantes avec un destinataire, sont exemptées. Le courriel est devenu un outil important de commerce légitime et il serait malheureux que ce projet de loi vienne freiner de quelque façon que ce soit la continuation de relations d'affaires qui sont utiles pour l'économie.

La mesure prévoit une certaine réglementation du contenu des courriels. Trois choses doivent être incluses dans chaque courriel. D'abord, il faut indiquer, de façon claire et précise, l'identité de la personne qui envoie le message ou qui en a autorisé l'envoi. Deuxièmement, tout message doit contenir un en-tête et de l'information de routage en haut du message pour que les gens puissent savoir d'où vient le message. Troisièmement, tout message doit comprendre des renseignements permettant de rejoindre la personne qui envoie le message ou qui en a autorisé l'envoi et de mettre fin à ces envois.

La mesure interdit l'envoi de listes de courriels de masse et « l'attaque par dictionnaire ». Les attaques par dictionnaire sont des envois gigantesques de courriels à des adresses établies à partir de combinaisons aléatoires de lettres, à savoir des millions, peut-être des milliards de courriels envoyés par des polluposteurs avec l'espoir que 10, 20 ou 100 courriels se rendront à une véritable adresse courriel et que les propriétaires de ces adresses se feront malheureusement escroqués.

Il existe une disposition anti-hameçonnage pour que les destinataires puissent savoir que quelqu'un essaie de les hameçonner, quand ils reçoivent par exemple une note de Visa leur demandant leur numéro d'assurance sociale pour mettre à jour leur dossier; cela devient une infraction criminelle.

Ce qui est important, c'est qu'il existe une responsabilité envers les tiers. Si le message est autorisé par une personne autre que l'expéditeur, la personne l'ayant autorisé sera tenue responsable de l'envoi conjointement et individuellement. Autrement dit, le bénéficiaire commercial de ces courriels, c'est-à-dire la personne dont les produits ou services sont annoncés par le courriel, est passible des peines prévues dans la loi, même si ce n'est pas cette personne qui a envoyé le courriel, mais un polluposteur commercial qui a été engagé par cette personne pour l'envoyer.

L'extraterritorialité est un élément important de notre mesure. De façon générale, selon un principe de common law, les lois ne devraient pas avoir d'effets extraterritoriaux; elles devraient se limiter au territoire où la législation a été adoptée. Il faut surmonter ce problème parce que plus de 95 p. 100 des pourriels reçus au Canada proviennent de l'étranger. La mesure propose d'y arriver grâce à une disposition précise, c'est-à-dire que, si le destinataire d'un courriel est au Canada, l'envoi est réputé avoir eu lieu au Canada.

Les bénéficiaires commerciaux ont aussi une obligation. Ils doivent prendre des mesures ou communiquer avec les services chargés d'appliquer la loi s'ils découvrent que des pourriels font la promotion de leurs produits ou services. La loi prévoit de fortes amendes : jusqu'à 500 000 $ pour une première infraction et 1,5 million de dollars pour la deuxième.

Nous avons essayé aussi de cibler le produit des pourriels. La mesure permet aux tribunaux d'imposer à toute personne reconnue coupable d'une infraction à cette loi une amende additionnelle égale au montant que cette personne est réputée avoir réalisé en commettant cette infraction, afin de mieux dissuader les polluposteurs.

Les fournisseurs de services de télécommunication, ceux qui sont la porte d'entrée des courriels que nous recevons, comme Bell Sympatico et un bon nombre de fournisseurs légitimes de courriels, se trouvent dans la situation déplaisante de devoir acheter de plus en plus d'équipements pour tâcher de filtrer de plus en plus de pourriels. Au cours de mes conversations avec certains de ces fournisseurs — pas avec tous, mais avec le président de l'organisation — on m'a demandé d'inclure dans le projet de loi, ce que j'ai fait, une disposition stipulant que les fournisseurs de services Internet légitimes soient autorisés à bloquer le pourriel, à le filtrer et à empêcher qu'il soit envoyé ou reçu chez tout autre fournisseur de services Internet qui héberge le pourriel.

Cette disposition permet aux fournisseurs de services Internet canadiens de stopper tous les messages envoyés par des fournisseurs de services Internet de Bulgarie, d'Ukraine et de Russie, tant et si bien que ces fournisseurs devront se demander sérieusement s'ils continueront à envoyer des pourriels.

Je vous signale ce point en particulier. Madame la présidente, puis-je continuer pendant cinq autres minutes?

La présidente : Oui, cinq courtes minutes.

Le sénateur Goldstein : Merci. La quantité de pourriels reçus à travers le monde a soudainement dégringolé le 12 novembre 2008 d'au moins 25 p. 100 après que McColo, importante entreprise d'hébergement sur le web impliquée dans la diffusion de pourriels, eut été mise hors réseau par deux fournisseurs américains. On devrait accorder le même cadre juridique aux fournisseurs de services Internet canadiens pour leur permettre d'isoler les cybercriminels. Le graphique indique bien la baisse soudaine; c'est assez éloquent.

Si les fournisseurs de services Internet peuvent arrêter les pourriels venant de l'étranger, la quantité de pourriels diminuera considérablement. On donne aussi le droit aux simples citoyens de poursuivre les polluposteurs, ce qui est un droit de recours individuel. Donc, il ne suffit pas d'adopter une loi pour rendre illégal le pourriel, mais la loi est un élément clé de la solution pour réduire la quantité des pourriels en circulation.

Le projet de loi a reçu l'appui de Tom Copeland, directeur de l'Association canadienne des fournisseurs Internet; de Michael Geist, directeur de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, Université d'Ottawa; et d'un bon nombre d'autres personnes

[Français]

La présidente : Sénateur Goldstein, vous avez mentionné le projet de loi C-27 qui a été déposé par le ministre Clement la semaine dernière et qui touche le commerce électronique. Avez-vous pris connaissance de ce projet de loi?

Le sénateur Goldstein : Nous nous sommes engagés dans un processus assez intéressant. Le ministre était au courant du fait que j'étais pour introduire ce projet de loi. Nous sommes entrés en contact à sa demande et il nous a fait part du fait qu'il était pour introduire un projet de loi lui-même.

J'ai lui ai dit d'aller de l'avant, mais que s'il ne l'introduisait pas avant la date X, que j'étais pour le faire moi-même. Comme il ne l'a pas introduit avant la date X, je l'ai donc fait. Vous vous souviendrez peut-être d'une petite scène intervenue un certain jeudi à la Chambre des communes, au cours de laquelle il y a eu un certain... je ne dirais pas un accrochage, mais une discussion assez active entre le sénateur Comeau et moi.

De toute façon, le projet de loi a été introduit. Par la suite, j'ai convenu que je ne demanderais pas le renvoi du projet de loi au comité avant le 28 ou encore que le comité ne commence pas son étude avant le 28, toujours dans le cas où il n'aurait pas introduit son projet de loi.

Nous avons fixé la date à aujourd'hui pour mon témoignage et la semaine dernière, il a introduit la loi.

Le projet de loi est semblable au mien. Il y a une expression qui dit que l'imitation est la plus sincère des flatteries. Les deux projets de loi contiennent des aspects intéressants et importants.

La présidente : Est-ce que vous retrouvez des éléments du Projet de loi C-27 dans votre projet de loi? Ou des éléments de votre projet de loi dans le projet de loi du gouvernement?

Le sénateur Goldstein : Il y a des distinctions à faire. Le projet de loi introduit par le ministre fait appel à trois niveaux d'intervention gouvernementale : la Commission sur la concurrence, la Loi sur la protection de la vie privée et le CRTC. Avec tout le respect que je dois au ministre, je crois que la surréglementation apportée par ces trois niveaux du gouvernement est une faille, mais ce sera à vous d'en juger.

Le projet de loi du ministre ne contient pas cet élément de responsabilité pour celui qui aurait autorisé les pourriels, il ne donne pas de protection aux fournisseurs d'accès à Internet qui bloquent les pourriels et je crois que cette protection doit y être. Il n'y a aucune présomption qu'un pourriel reçu au Canada a été envoyé par des Canadiens au Canada, ce qui pour moi est fatal.

Par contre, je présume que le ministère dirait certainement que certains éléments de mon projet de loi ne devraient pas y être. Le projet de loi du ministre a été introduit en catimini de sorte que les versions françaises et anglaises ne correspondent pas nécessairement.

Je crois que ce comité aura l'occasion de prendre ce qu'il y a de mieux dans les deux projets de loi et d'en faire une espèce d'amalgame pour protéger les Canadiens.

La présidente : En ce qui a trait aux exigences de forme, de contenu des messages électroniques commerciaux, avez- vous parlé aux gens de Normes canadiennes de la publicité et avec des responsables gouvernementaux, de la nécessité d'adopter des normes pour encadrer les courriels commerciaux?

Le sénateur Goldstein : J'ai été en contact avec beaucoup d'intervenants, y compris les représentants du gouvernement. J'ai parlé longuement à un responsable du gouvernement, très actif au niveau des forces opérationnelles du comité de travail. Malheureusement, il a été muté à un autre poste et n'est plus à Industrie Canada.

J'ai eu des consultations significatives avec toutes sortes de personnes. Il n'y avait pas de cachette. J'ai indiqué à ces personnes ce que j'entendais mettre dans le projet de loi de sorte que le projet de loi du gouvernement et mon projet de loi soient identiques.

La présidente : Avez-vous eu des discussions avec les fournisseurs d'accès à Internet? Et, le cas échéant, avez-vous abordé les impacts qu'aurait le projet de loi S-220 sur leurs clients?

Le sénateur Goldstein : Oui. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Tom Copeland qui est le directeur de l'Association canadienne des fournisseurs Internet, qui m'a énormément aidé à la conception de certains aspects que j'ai incorporés dans mon projet de loi.

Il est fort probable que le gouvernement a également eu des discussions avec M. Copeland parce que certains de ces concepts sont également incorporés dans le projet de loi du gouvernement. J'avais d'ailleurs demandé au ministre d'introduire son projet de loi au Sénat au lieu de l'introduire à l'autre endroit, ce qui aurait été beaucoup plus efficace. Mais malheureusement, pour des raisons que j'ignore, il ne l'a pas fait.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Sénateur Goldstein, je tiens d'abord à vous féliciter de nous avoir présenté cette mesure législative. Nous en avons discuté personnellement il y a quelques semaines quand vous avez pris le temps de m'expliquer le raisonnement à la base de votre mesure. J'ai bien aimé cette discussion. Ce que vous faites ici, c'est de vous attaquer à un fléau de notre société à l'heure actuelle; je vous en félicite.

Le sénateur Goldstein : Merci.

Le sénateur Wallace : Je voudrais revenir au projet de loi C-27 qui a été présenté à la Chambre, la Loi sur la protection du commerce électronique. Je conclus, d'après vos commentaires, que vous avez eu l'occasion de passer en revue cette mesure. Je crois comprendre qu'il s'agit d'une méthode d'approche globale à ce problème grave.

Après avoir parcouru le projet de loi C-27, y a-t-il des éléments critiques qui vous semblent manquer dans votre mesure et, d'une certaine façon, pourriez-vous considérer que le projet de loi C-27 est plus global et qu'il est peut-être mieux en mesure de s'attaquer à certains des principaux problèmes? Bien sûr, vous avez traité plusieurs points, mais comment comparez-vous le projet de loi S-220 au projet de loi C-27? Y a-t-il des choses qui se trouvent dans le projet de loi C-27 et qui ne figurent pas dans votre projet de loi?

Le sénateur Goldstein : Merci de votre question, monsieur le sénateur, et de vos commentaires obligeants.

Je me méfie toujours de la bureaucratie et je suppose qu'il y a bien des gens autour de la table qui s'en méfient un peu. Le projet de loi du gouvernement prévoit l'intervention de trois organisations bureaucratiques. D'après mon expérience, quand on multiplie les niveaux de bureaucratie, les gens se renvoient souvent la balle devant les problèmes à régler. Sauf le respect que je dois, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'avoir ces trois niveaux de bureaucratie.

Le projet de loi que je vous présente ne porte pas intervention d'acquisitions bureaucratiques. Je m'attendais surtout à ce que les citoyens, des groupes de citoyens et les fournisseurs de services Internet soient sur le qui-vive; ces derniers m'ont donné l'assurance que s'ils avaient l'immunité pour le faire, ils se chargeraient de régler ce problème pour nous. Je pense que la meilleure façon de régler un problème, c'est de laisser le marché s'en occuper plutôt que de faire intervenir le gouvernement. Je débite un peu votre philosophie, monsieur le sénateur Wallace; je ne suis pas en désaccord avec vous; c'est une bonne philosophie.

Il y a ici des éléments plus vastes. Le projet de loi gouvernemental a recours à une mesure injonctive. Divers autres éléments pourraient également être utiles. Je crois que ces projets de loi peuvent être décortiqués, et on pourrait en extraire les meilleurs éléments et arriver à une super bonne mesure pour protéger les Canadiens. Par exemple, le projet de loi gouvernemental n'impose pas d'obligation au bénéficiaire commercial du pourriel. Le projet de loi stipule que la personne au nom de qui le message est envoyé peut être tenue responsable.

Dans une vie antérieure, monsieur le sénateur Wallace était avocat. « Au nom de quelqu'un » suppose un mandat ou une relation de mandant et mandataire; ici, il ne s'agit pas de relations de mandataire. Ce sont plutôt des relations commettant-préposé, comme disent les avocats, et je crois que le projet de loi gouvernemental présente un problème à cet égard.

L'absence de présomption que le pourriel a été envoyé à partir du Canada s'il est reçu au Canada rend impossible de filtrer 96 p. 100 des pourriels que nous recevons. Cette absence est problématique.

D'autre part, la mesure gouvernementale comporte des éléments qui peuvent être intégrés correctement — et ils devraient l'être — dans le projet de loi d'initiative privée. Je ne m'enorgueillis pas de cette paternité. Je pense qu'il est important que les Canadiens aient la meilleure législation possible et que notre comité peut la leur donner.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur le sénateur. Vous défendez fort bien votre mesure, ce qui ne me surprend pas d'ailleurs. Vos connaissances et votre expérience professionnelle dans ce domaine dépassent certainement les miennes. Pouvez-vous nous dire quels sont les éléments du projet de loi C-27 qui, à votre avis, sont particulièrement utiles et qui ne se retrouvent pas dans le vôtre? Il serait intéressant de le savoir quand nous examinerons cette mesure. Je me rends compte que nous n'avons pas eu beaucoup de temps, mais avez-vous pu examiner en détail le projet de loi C-27 en le comparant au vôtre et relever les différents aspects, enjeux, points forts et faiblesses de chacun?

Le sénateur Goldstein : Non, monsieur le sénateur, je ne l'ai pas fait. J'ai vu la mesure pour la première fois hier à 22 h 40, alors je n'ai guère eu le temps de le faire.

Je pense que la mesure gouvernementale devrait être étudiée plus à fond. À titre d'exemple, l'article 2(4) de la mesure gouvernementale dit ceci — vous ne l'avez pas encore, c'est pourquoi je vais vous le lire :

N'est pas considéré comme un message électronique commercial le message électronique visé aux paragraphes (2) ou (3) envoyé à des fins d'observation de la loi, de sécurité publique, de protection du Canada, de conduite des affaires internationales ou de défense du Canada.

[Français]

La version française dit : « N'est pas considéré comme un message électronique commercial [...] ».

[Traduction]

Les versions anglaise et française ne coïncident pas à cet endroit. Il se peut que le projet de loi ait été rédigé à la hâte; nous devrons nous pencher là-dessus.

Si vous estimez que la chose est utile, honorables sénateurs, je vais vous faire un bref résumé des deux projets de loi pour vous montrer en quoi ils diffèrent et je ferai ressortir les éléments qui ne figurent pas nécessairement dans l'une ou l'autre mesure; vous voudrez peut-être intégrer le tout dans un projet de loi omnibus. Cela facilitera votre travail.

Si vous le voulez, je propose que vous invitiez des gens plus spécialisés que moi en la matière à venir témoigner ici, notamment le professeur Michael Geist, de l'Université d'Ottawa, qui est, sans conteste, le plus grand expert au Canada, voire dans le monde entier, en matière de pourriels. Il n'y a pas de doute qu'il pourra vous expliquer la chose mieux que moi, mais je vais tout de même vous communiquer ces renseignements.

Le sénateur Wallace : Oui, je crois qu'il serait utile de connaître votre analyse, peu importe ce que nous en ferons. Je vous remercie de nouveau, monsieur le sénateur.

Le sénateur Goldstein : Merci, monsieur.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie, cher collègue, d'avoir présenté cette loi dont nous avons tant besoin. Que ce soit cette mesure-ci ou le projet de loi C-27 qui soit finalement adopté, une législation est bien nécessaire. Je suis toujours déçu que mes 5,5 millions de dollars ne soient pas arrivés du Nigeria. Je sais que c'est un gros souci pour des milliers d'autres personnes.

Je voudrais aborder la question des exemptions. Dans le projet de loi S-220, à l'article 8, vous parlez des partis politiques, des organismes de bienfaisance enregistrés, des candidats à l'investiture, des établissements d'enseignement, et cetera. J'ai moi-même travaillé auprès des organismes caritatifs toute ma vie et il me semble qu'une chose doit être bien précisée. Lorsque vous parlez des maisons d'enseignement, vous dites que « le destinataire est ou a été inscrit comme étudiant à cet établissement », c'est-à-dire l'étudiant ou l'ancien de la maison d'enseignement. Je comprends ça. Et puis, vous ajoutez « un particulier qui habite ou a habité chez le destinataire est ou était inscrit comme étudiant à cet établissement ». Je reçois des courriels de l'Université d'Ottawa où mon fils étudiait, alors je comprends ça.

Cependant, vous n'avez pas parlé des hôpitaux, ou du moins vous ne l'avez pas fait clairement. C'est un gros problème en ce qui concerne les œuvres de bienfaisance destinées aux hôpitaux. Il existe une relation hôpital-patient. Dans certaines provinces, il y a une difficulté — qui existe dans ma propre province — à savoir que les fondations chargées de lever des fonds pour un hôpital, par exemple la Queen Elizabeth II Hospital Foundation et l'Isaak Walton Killam Foundation à Halifax, n'ont pas accès — et je ne parle pas ici des dossiers médicaux des malades — à l'information nécessaire pour communiquer avec ces derniers. Il faut une interaction pour solliciter non seulement leur argent — cela est important — mais pour obtenir leur soutien et leur concours pour promouvoir l'institution.

Ici je ne vois pas mention des hôpitaux. Vous parlez d'un « organisme de bienfaisance enregistré, au sens du paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu », mais il faudrait être plus précis en parlant des organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé.

Je vais poser mes deux questions en même temps. Quand vous parlez d'hameçonnage, qui est un mot intéressant, où cet hameçonnage cadre-t-il?

Au cours de la dernière campagne présidentielle aux États-Unis, le candidat qui était le sénateur Barack Obama a répété maintes fois ce que je vais vous décrire : il s'adressait à des milliers de gens en disant : « Je veux que vous me posiez des questions », puis il projetait sur l'écran derrière lui son adresse courriel ou son numéro de téléphone où les gens pouvaient lui envoyer des messages textes.

Quelqu'un, en coulisse, surveillait les milliers de questions envoyées par les personnes dans l'auditoire. Puis, on choisissait une question, Obama la lisait et y répondait.

C'était une façon de faire efficace et qu'a-t-il fait d'autre? Il est allé à la pêche dans l'auditoire. Ça lui permettait d'avoir leur adresse courriel et peut-être leur no de téléphone cellulaire. Et puis, un peu plus tard, un message apparaissait : « Merci d'être venu à notre ralliement ce soir. Je me réjouis de votre participation. Je suis heureux que vous ayez posé la question et j'espère que vous appuierez ma candidature. Soit dit en passant, les campagnes électorales coûtent cher », et puis, il demandait de l'argent à la personne.

Où cette activité s'insère-t-elle ici? Vous dites que les partis politiques sont exemptés, puis vous parlez d'hameçonnage. Cette campagne a été l'une des plus grands et des plus fructueux exercices d'hameçonnage de l'histoire politique. J'aime l'idée. J'encourage Michael Ignatieff à faire la même chose samedi prochain à Vancouver quand il s'adressera à des milliers de personnes. Cependant, où s'insère cette activité dans ce plan-ci?

Et je vous prie aussi de répondre à ma question sur les hôpitaux.

Le sénateur Goldstein : Je vous remercie de vos deux questions, monsieur le sénateur. Elles sont toutes deux très importantes.

Je vais commencer par les fondations destinées à la santé. Que je sache, toutes les fondations hospitalières bénéficient d'un numéro d'impôt sur le revenu. Si oui, tous leurs messages sont exemptés aux termes de l'article 8(3)c) qui vise les organismes de bienfaisance enregistrés. Ceux-ci comprennent les fondations hospitalières, qui sont par conséquent visées par cette disposition pour tout message envoyé. Ça peut être « Venez faire du bénévolat »; ou « Donnez-moi de l'argent » ou les deux, mais tout message diffusé par ces personnes exemptées est un message exempté.

Je crois que cette situation est probablement prévue. Sinon, cependant, et si un problème surgissait en ce qui concerne d'autres organismes, personnes ou établissements qui devraient être exemptés, il existe une disposition d'exception à l'article 8(3)h), qui précise « toute autre personne désignée par règlement ». Cette situation est également prévue dans le projet de loi gouvernemental qui permet d'adopter des règlements pour exempter certaines personnes.

Deux dispositions prévoient la situation de l'hameçonnage Barack Obama. La première se trouve à l'article 9(b), qui définit le consentement, parce que si quelqu'un consent à recevoir un message, il peut recevoir le message. Voici l'article 9(b) :

« d'autre part, il serait raisonnable de supposer que l'adresse électronique a été publiée au su du particulier ou de la personne visés. »

Les particuliers qui ont donné leur adresse courriel en posant une question au président Obama ont nécessairement consenti à ce message. Le projet de loi gouvernemental est quelque peu différent. Il parle de « consentement tacite ». J'ai enseigné le droit et je disais à mes étudiants que le consentement tacite n'est jamais un consentement, parce que nous ne savons pas ce que c'est que le consentement tacite. Tacite signifie une absence passive d'activité. Je ne sais pas ce que c'est que le consentement tacite et je ne crois pas que le sénateur Wallace, qui est également versé en droit, serait enclin à utiliser des mots comme « consentement tacite ».

Ces deux questions sont traitées, mais pour mieux les circonscrire, sénateur Mercer, faites-en la proposition et apportez les changements. J'essaierai de vous aider à ce sujet.

Le sénateur Mercer : L'article 8(3)h) dit :

« toute autre personne désignée par règlement ».

Le diable est dans le détail. Je n'aime pas particulièrement le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC. Il a l'habitude de ne pas appliquer les lois. Il a l'habitude de faire des lois à l'extérieur du Parlement et parfois d'ignorer ce que les parlementaires disent directement ou indirectement.

Qui proposera ce règlement? Est-ce que ce sera le ministre? Vous avez parlé dans votre exposé du CRTC et d'autres agences. Je serais bien plus à l'aise si le règlement émanait d'Industrie Canada plutôt que du CRTC. Je puis aller voir Industrie Canada et les citoyens canadiens peuvent s'adresser à Industrie Canada. Les Canadiens peuvent réclamer le renversement du gouvernement et le départ du ministre en poste. Nous ne pouvons pas nous adresser aux gens du CRTC et parfois ils ne semblent pas faire preuve de bon sens.

Le sénateur Goldstein : Le projet de loi S-220 n'implique pas le CRTC ni tout autre organisme gouvernemental. C'est le ministère de l'Industrie qui ferait le règlement.

Le projet de loi gouvernemental fait intervenir trois organismes. Si vos soucis à leur sujet continuent de vous tracasser, vous pourriez songer à supprimer leur rôle, qui, à mon avis, n'est pas essentiel dans le projet de loi gouvernemental. Franchement, je ne comprends pas pourquoi le gouvernement a inclus ces trois organismes.

Il y a un an, la commissaire à la protection de la vie privée est venue témoigner devant un autre comité auquel je siège et on l'a priée de supporter un fardeau additionnel. Elle a dit qu'elle n'avait pas le personnel lui permettant de le faire et qu'elle ne le ferait pas; non parce qu'elle ne voulait pas, mais parce qu'elle ne le pouvait pas. Je ne crois pas qu'on lui ait envoyé des renforts, alors je ne vois pas comment logiquement elle pourrait s'occuper d'un projet de loi anti-pourriel si elle ne peut rien y faire, et je ne vois pas pourquoi elle devrait être concernée. En fin de compte, il s'agit dans tout ça de la protection de la vie privée.

Le sénateur Mercer : Ceci devrait indiquer aux responsables du gouvernement que je me tournerai vers le CRTC si ce projet de loi nous est présenté.

Le sénateur Zimmer : Le Président Obama est allé plus loin que ce que nous a dit le sénateur Mercer. Il avait en main son téléphone et il a dit : « Courriellez-moi votre adresse », et il a soulevé l'auditoire. C'était une approche innovatrice, mais coûteuse.

Cette question échappe à notre contrôle. C'est une invasion de la vie privée, c'est coûteux et c'est tout simplement agaçant.

Des projets de loi de ce genre ont été présentés au Parlement maintes fois et ils ne sont pas allés plus loin que la deuxième lecture. Le gouvernement a aussi mis sur pied un groupe de travail sur les pourriels qui a publié un rapport qui est resté lettre morte.

Pourquoi rien n'a été fait et qu'est-ce qui vous fait penser que cette fois-ci sera la bonne et que le projet de loi ira plus loin?

Le sénateur Goldstein : J'ai appris au cours de mes brèves années passées ici que les projets de loi d'initiative parlementaire sont souvent voués à une mort certaine, parce qu'on n'en entend plus parler. J'ai quatre projets de loi en instance en ce moment. Dans mon esprit, j'établis une différence entre l'espoir et l'illusion et c'est une différence importante.

Cette mesure-ci est différente. Le gouvernement a réagi. Soit dit en passant, il ne s'agit pas d'un enjeu politique parce que le gouvernement libéral n'a rien fait non plus au sujet des pourriels. Mes propos ne sont pas partisans. Je crois que les deux gouvernements ont été tous les deux également coupables de ne pas avoir cherché à régler un grave problème.

Mais le gouvernement actuel a réagi, et si je voulais me féliciter moi-même, je dirais que je l'ai forcé à agir. Et si je voulais être plus réaliste, j'ajouterais qu'il a fini par y arriver. Il a un gros programme et il a réussi à y inscrire cette question. C'est très bien.

Je ne crois pas que mon projet de loi doive nécessairement être adopté. Je crois qu'il contient des éléments qui sont utiles et que le projet de loi gouvernemental en contient d'utiles aussi. Notre comité est parfaitement bien capable de puiser les meilleurs éléments dans les deux mesures et d'en faire une excellente loi.

Le sénateur Zimmer : Comment tout cela va-t-il évoluer? Attendrez-vous que le projet de loi C-27 soit présenté au Sénat pour l'utiliser comme cadre, extraire les meilleures parties de votre mesure et les incorporer dans le projet de loi gouvernemental à titre d'amendements? Est-ce que c'est comme ça que ça marchera ou l'inverse?

Le sénateur Goldstein : Quand le ministre Clement a présenté la mesure, il l'a accompagnée d'un communiqué de presse indiquant que le gouvernement s'engageait à faire adopter rapidement cette législation. Je m'adresserai au chef du parti libéral au caucus de demain avec l'espoir que nous pourrons aider le gouvernement à faire adopter le projet de loi avec célérité; le faire adopter aussi vite que possible, l'envoyer à notre comité aussi tôt que possible et vous permettre d'étudier cette mesure et l'autre mesure simultanément.

Le sénateur Zimmer : Merci, sénateur Goldstein, de prendre l'initiative de faire avancer cette question.

La présidente : Dans son communiqué de presse, le ministre vous a mentionné vous et le sénateur Oliver, qui a déjà beaucoup travaillé là-dessus.

Le sénateur Eyton : Sénateur Goldstein, je vous remercie de votre présentation. N'eût été l'introduction du projet de loi C-27 par le gouvernement, j'aurais consacré plus de temps aux faits et détails que vous avez signalés et que j'ai trouvé intéressants.

Il y a une différence probablement importante à mon avis, et c'est l'heureuse hypothèse que les parties qui devraient être exemptées sont les organismes de bienfaisance, les partis politiques et les entreprises de sondage d'opinion. J'aurais dit que ce sont eux qui devraient être visés par la loi, en songeant au consentement préalable par opposition à une procédure d'exclusion. Ils sont là, ils sont toujours présents et, en général, ils m'agacent, mais je vais passer à autre chose à cause de la présentation du projet de loi C-27.

Je note aux fins du compte rendu, et je m'adresse en particulier au sénateur Mercer, qu'on a parlé de l'habile hameçonnage fait par Obama, qui a permis de recueillir des renseignements et d'établir un dialogue. Il faut savoir que la plate-forme dans ce processus a été conçue par une fière entreprise de Toronto, qui est nouvelle mais en pleine croissance, et qui a le talent unique de développer des plates-formes Internet permettant aux gens de se parler les uns les autres. Il s'agit de Communications M30; c'est leur technique qui a été retenue par l'organisation Obama. La compagnie pourrait venir nous dire des choses intéressantes, parce que ces gens sont à la fine pointe de cette fonction Internet.

Je signale, toujours aux fins du compte rendu, et je le fais en partie pour répondre au sénateur Zimmer, que la loi anti-pourriel fait partie du programme des conservateurs. Le premier ministre a annoncé, en septembre de l'année dernière, je crois, que le gouvernement présenterait une loi anti-pourriel. On présente maintenant ce projet de loi C-27 qui a été déposé la semaine dernière ou, en tous cas, récemment. Il y a une cohérence, car le gouvernement semble se conformer à l'engagement qu'il avait pris.

Après avoir jeté un coup d'œil aux deux projets de loi S-220 et C-27, le gouvernement estime que le projet de loi C-27 est plus efficace que le projet de loi S-220; que le C-27 comporte un risque d'entrer en conflit avec les dispositions de la Charte allant de faible à moyen — ce qui signifie que le projet de loi S-220 comporte un grand risque. Le C-27 comporte un plan d'exécution qui fait appel à trois organismes, reconnaissons-le. Il s'agit de savoir si ces trois-là, le CRTC, le Bureau de la concurrence et la Commissaire à la vie privée travailleront ensemble harmonieusement et efficacement. Enfin, le projet de loi C-27 prévoit la coopération internationale et le partage de l'information avec les responsables de l'application de la loi à travers le monde. Le gouvernement a été cohérent et il croit que le projet de loi C-27 est une meilleure mesure que le projet de loi S-220.

Pour enchaîner sur ce que disait le sénateur Zimmer, nous aurions le choix d'étudier les deux mesures ensemble, ce qui me paraît compliqué. Étudier le projet de loi S-220 avec les amendements que nous pourrions proposer; ou étudier le projet de loi C-27 avec les amendements que nous pourrions présenter. Voici les grandes perspectives.

Je pense, et j'aimerais connaître votre avis là-dessus, qu'il est préférable de monter à bord d'un train en marche dans lequel le conducteur est le gouvernement et qui a déjà une erre d'aller. Il serait plus simple et plus facile, politiquement et du point de vue du processus, d'étudier le projet de loi C-27 plutôt que le vôtre, qui pourrait se révéler plus compliqué à traiter, et plus périlleux politiquement. Pourriez-vous commenter cela?

Le sénateur Goldstein : Cette question est vaste, monsieur le sénateur Eyton. Je vais commencer par une petite partie. Vous avez été encouragé par le fait que les entreprises de sondage d'opinion sont exemptées. Cette exemption existe dans le projet de loi S-220, mais pas dans le projet de loi C-27. Il y en a 12, en fait je ne les ai pas comptés, mais il y a plusieurs éléments du projet de loi S-220 qui ne se retrouvent pas dans le projet de loi C-27. Par exemple, la loi CAN- SPAM aux États-Unis a été un échec. Personne n'en disconvient. La principale raison de cet échec selon les experts — et je ne suis pas un expert — c'est que la loi fait appel à la coopération internationale pour réduire la quantité de pourriels. Le projet de loi C-27 fait appel aussi à la coopération internationale pour réduire la quantité de pourriels.

Pour pallier le problème, qui je crois est fatal pour la loi anti-pourriel, on met de l'avant une disposition déterminative selon laquelle tous les pourriels reçus au Canada sont réputés avoir été envoyés à partir du Canada. Cette disposition permet de mettre de côté toute l'argumentation sur l'extraterritorialité; toute la question de savoir qui a compétence en quoi; et ça permet de se passer de la nécessité d'avoir recours exclusivement à la coopération internationale.

Si quelqu'un envoie un pourriel d'Ukraine au nom d'un quelconque bénéficiaire commercial au Canada, celui-ci paiera le prix de ce pourriel. Sans cette disposition déterminative, les gens qui veulent faire la promotion de leurs produits en utilisant des pourriels au Canada feront envoyer les pourriels d'Ukraine, du Nigeria, du Maroc ou d'ailleurs. Je pense que c'est l'un des problèmes que présente le projet de loi gouvernemental.

Ceci dit, quand j'ai présenté mon projet de loi en deuxième lecture, j'ai dit que je ne m'enorgueillissais pas de cette paternité. Si le projet de loi gouvernemental doit être adopté, j'espère qu'il comportera les amendements qui le rendront plus efficace et cela me convient bien. Je serai parfaitement heureux de ce dénouement.

Peu importe que ce projet de loi ou l'autre soit adopté, pourvu que la mesure comporte les meilleurs éléments pour les Canadiens. Peu m'importe que ce soit le projet de loi gouvernemental ou cette mesure-ci. Celle-ci semble devoir aller un peu plus vite, parce que nous sommes déjà en comité en train de l'étudier et ce serait simple de passer en troisième lecture une fois que le comité en aura terminé l'étude, puis de l'envoyer à l'autre endroit, si telle est la volonté du gouvernement. Mais je préfère qu'on fasse progresser à grande vitesse la mesure gouvernementale pour qu'elle soit renvoyée presto à notre comité d'ici les deux prochaines semaines, peut-on espérer. Cette façon de faire permettra au comité d'entendre les experts et d'extraire les meilleurs éléments des deux mesures et de donner au Canada le meilleur des deux mondes possibles.

[Français]

Le sénateur Pépin : Sénateur Goldstein, si on se réfère au paragraphe 3(2) de votre projet de loi, vous dégagez les fournisseurs de services de télécommunication de toute responsabilité quant à l'envoi de pourriels.

Est-ce qu'il existe, quelque part, une obligation pour les fournisseurs de services d'aider les gens qui sont victimes de pourriels à retracer ceux qui les ont envoyés?

Parce que lorsqu'on regarde l'article 25 dans « Action civile », on voit que la personne qui veut poursuivre ne peut pas identifier celui qui a envoyé le pourriel; à ce moment-là, le fournisseur de services pourrait être d'une aide capitale pour tenter de contacter la personne qui lui a envoyé ce pourriel.

Le sénateur Goldstein : La structure du projet de loi est la suivante : chaque courriel doit contenir, à l'intérieur du courriel même, des détails suffisants pour pouvoir identifier la personne qui l'a envoyé. Ne pas inclure ces renseignements est une contravention qui rend passible d'une amende assez sérieuse celui qui a contrevenu à la loi.

Par contre, si l'identification est contenue dans le courriel, il est assez simple de pouvoir empêcher cette personne d'envoyer des pourriels.

Il est présumé que la Gendarmerie royale du Canada ou un individu ou le fournisseur de services peut empêcher ces pourriels d'aboutir dans notre boîte de courriels.

La présidente : Alors, le fournisseur de services pourrait l'empêcher?

Le sénateur Goldstein : C'est cela. Et il y a une exemption de responsabilité si le fournisseur de services est de bonne foi. Il y a une disposition expresse dans le projet de loi qui dit : « pourvu que le fournisseur de services soit de bonne foi ».

Au paragraphe 26(1), on dit que le fournisseur de services peut refuser ou annuler tout service, pourvu qu'il ait des motifs raisonnables de croire que les messages électroniques commerciaux sont envoyés en contravention avec la présente loi. Cela existe à la demande des fournisseurs de services qui m'ont demandé de l'insérer. Ce qui n'existe pas, en fait, dans le projet de loi fédéral.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Je vous félicite de cette initiative. Les pourriels sont un énorme problème et qui va croissant. Il est compliqué parce que nous sommes en territoire inconnu. J'ai regardé les projets de loi S-220 et C-27 et il y a certaines choses qui m'inquiètent. Je suis d'accord avec vous. Si nous regroupons les deux mesures, je crois que nous allons progresser. D'autres amendements pourront être apportés même après cela, mais lorsqu'il s'agit de catégoriser les pourriels, il y en a beaucoup. Nous pourrions les classer selon les différents genres existants. Il y a les pourriels de commercialisation trompeuse, d'hameçonnage, de vol d'identité et les espiogiciels. Dans les deux mesures, je ne vois pas de classement en différentes catégories, ce qui serait utile parce que ce qu'on nous envoie vient de différentes sources et les gens visent différents objectifs.

Je voudrais me faire l'écho des paroles du sénateur Mercer. Je constate que la mesure gouvernementale vise à confier la surveillance de toute cette activité au CRTC et à Industrie Canada. Ces organismes, surtout Industrie Canada, ne m'ont pas fait bonne impression pour ce qui est du traitement des plaintes commerciales dans le monde des affaires. Je suis d'accord avec le sénateur Mercer au sujet du CRTC. Ces gens prennent les lois et les adaptent à leur besoins, selon leur bon plaisir.

J'aimerais entendre vos commentaires sur votre projet de loi et sur celui du gouvernement. Croyez-vous que la catégorisation soit suffisamment claire? Donne-t-on un mandat au CRTC ou à qui confiera-t-on le mandat de surveiller l'application de cette loi?

Le sénateur Goldstein : Cette question est importante et je vous remercie de me la poser.

Il importe, je crois, que la loi définisse ce dont nous parlons. Il faudrait définir « hameçonnage », « attaques par dictionnaire » et tous ces termes que les gens qui s'y connaissent emploient entre eux. Ces mots sont des raccourcis qui recouvrent des concepts qu'ils comprennent et dont le sens échappe aux simples mortels comme moi.

Votre premier point est certainement valide. Ni l'un ni l'autre des deux projets de loi ne définit clairement tous les pourriels — c'est-à-dire tous les genres de pourriels que nous cherchons à bloquer. J'ai essayé d'éviter cette définition dans ma mesure législative en me disant que si nous essayons de trop embrasser, nous n'atteindrons pas grand-chose. Peut-être que c'est une mauvaise approche. Au cours de votre étude, vous pourrez songer à inclure certaines définitions; ce sera tout à fait bien.

Quant à votre deuxième observation, l'objectif du projet de loi S-220 est radicalement différent de celui du projet de loi C-27 en ce qui concerne l'exécution. Le projet de loi C-27 confie l'application de la loi aux organismes gouvernementaux existants. Je répète qu'ils sont merveilleux et qu'ils font de leur mieux, mais parfois leur mieux ne suffit pas. Il y a des gens qui les critiquent. Cependant, l'application de la loi c'est l'objet du projet de loi gouvernemental.

L'objectif du projet de loi S-220 est de confier la responsabilité de l'application de la loi à ceux qui veulent appliquer la loi, c'est-à-dire les fournisseurs de services Internet. Ces gens doivent investir des millions et des millions de dollars — et ils s'en plaignent tous les jours — pour s'améliorer et devenir performants avec une capacité accrue de bandes larges et de mécanismes plus puissants, de même que de fournitures électroniques complexes pour bloquer des milliards et non des millions de pourriels qui traversent l'espace virtuellement tous les jours. Ces gens veulent arrêter les pourriels dans leur meilleur intérêt. La situation est différente au CRTC, au Bureau de la concurrence et chez la commissaire à la vie privée. Nous connaissons tous au Canada et ailleurs des personnes qui cherchent à défendre leurs propres intérêts. Le commerce est orienté vers la défense efficace de ses propres intérêts. En donnant aux fournisseurs de services Internet, à l'article 26, une immunité relative s'ils agissent de bonne foi, ces fournisseurs arrêteront le gros des pourriels.

Je vous ai donné une diapo au milieu de la présentation visuelle, page 27. Un polluposteur a été arrêté en août dernier par les fournisseurs de services Internet — pas par le gouvernement — et le volume des pourriels à travers le monde a diminué de 25 p. 100 en deux jours, et c'est arrivé grâce aux fournisseurs de services Internet qui ont agi. La loi américaine CAN-SPAM confie l'application de la loi à un organisme gouvernemental et rien n'a été fait pour arrêter les pourriels.

Que cela nous apprend-il? Que l'entreprise privée est le meilleur cerbère pour arrêter les pourriels. Et c'est ce que fait le projet de loi S-220 et ce que ne fait pas le projet de loi C-27, soit dit bien respectueusement.

Le sénateur Housakos : Comment établissez-vous le lien entre l'entreprise privée et un corps policier pour commencer à mettre un terme à certaines des activités illicites qui ont lieu en ce moment?

Le sénateur Goldstein : C'est une infraction criminelle. Nous avons des corps policiers provinciaux et fédéraux qui sont chargés de sévir contre les infractions criminelles.

Le sénateur Housakos : Le problème, en ce moment, c'est qu'en l'absence de loi, la police n'a pas la capacité nécessaire. Mon autre question concerne le besoin de ressources accrues pour que les corps policiers puissent exécuter la loi.

Le sénateur Goldstein : Je ne peux pas répondre à cette question parce que j'en ignore la réponse. Ce que je connais, c'est une loi fondamentale de la nature. Chaque fois qu'on confie l'application des lois à quelqu'un, il lui faut plus de ressources. Est-ce qu'on devrait confier ça au Bureau de la concurrence? Ou à la commissaire à la protection de la vie privée? Ou au CRTC? Ou à la GRC?

Le sénateur Housakos : À mon avis, l'application de cette loi exige peut-être un organisme indépendant.

Le sénateur Goldstein : Peut-être.

Le sénateur Housakos : Si l'on tient compte de l'ampleur du problème, l'application de cette loi sera plus difficile que la surveillance du trafic de la drogue au Canada.

Le sénateur Goldstein : Peut-être. Cependant, si nous avons les fournisseurs de services Internet de notre côté, certains d'entre eux sont des gens puissants. Je parle de Rogers et de Bell. S'ils peuvent dire : « maintenant je peux bloquer les pourriels, maintenant j'ai le droit d'arrêter les maudits pourriels qui entrent » — c'est comme ça qu'ils les appellent « maudits pourriels » — alors peut-être n'aurons-nous pas besoin d'aller plus loin. Mais, je ne le sais pas, monsieur le sénateur. Votre question est pertinente et peut-être faudra-t-il la poser aux trois organismes et à la GRC.

Le sénateur Zimmer : Ma question fait suite à la question précédente posée par l'honorable sénateur. Le Canada est le seul pays du G7 qui n'a pas de loi anti-pourriel. Comme nous le savons, et comme vous l'avez indiqué, les projets de loi sont adoptés et restent lettre morte pendant des années. Pour revenir à la diapo 27, comme vous l'avez fait, deux fournisseurs de services Internet américains ont retiré quelques sites web de leur réseau; il y a eu une réduction des pourriels mais la situation est redevenue comme avant.

J'ai deux questions. D'abord, comme avec le mercure, a-t-on comblé l'espace vide? Deuxièmement, avez-vous des preuves empiriques provenant d'autres pays qui ont des lois et qui ont surveillé cette affaire? Quelles pénalités ont été imposées et quelle en a été l'efficacité?

Je répète, monsieur le sénateur, que c'est le suivi qui est important. C'est bien beau d'adopter une loi, mais si elle n'est pas efficace et si nous n'avons pas de réaction et de preuve empirique qu'elle a permis de réussir, alors la loi est inutile.

Le sénateur Goldstein : Nous avons la preuve empirique de deux fournisseurs de services Internet américains qui ont stoppé McColo et la quantité de pourriels a diminué depuis ce temps-là. Regardez la diapo 27, la quantité a diminué considérablement pendant six mois, puis elle a remonté. Cette recrudescence s'explique parce que les fournisseurs de services Internet ont eu peur de s'en prendre de nouveau à McColo. Mais, dans cette loi que je propose, aux termes de l'article 26, les fournisseurs de services Internet sont protégés s'ils agissent de bonne foi en descendant les entreprises genre McColo. Les fournisseurs de services Internet m'ont dit que s'ils avaient cette arme, ils n'auraient pas besoin d'autre mesure d'exécution de la loi.

Ceci étant dit, mon projet de loi et celui du gouvernement donnent aux particuliers le droit d'agir pour arrêter les pourriels. S'ils reçoivent des myriades de pourriels qui leur demandent de faire mille et une choses, et qu'ils décident de ne plus recevoir ces messages, ils écrivent alors aux expéditeurs pour faire cesser leur activité et s'ils ne le font pas, les particuliers peuvent eux-mêmes entamer des poursuites judiciaires pour demander des dommages-intérêts. D'autre part, ils peuvent porter plainte au niveau provincial ou fédéral aux termes du Code criminel et les amendes prévues sont importantes.

Je crois que c'est à la GRC qu'il faut s'adresser en toute logique pour faire appliquer la loi. Il existe une section des fraudes commerciales à la GRC qui est efficace. J'ai déjà travaillé avec cette équipe. Je ne l'ai pas fait depuis les cinq dernières années parce que j'ai changé de carrière. Quand j'exerçais le droit, notamment dans le domaine des faillites et de l'insolvabilité, j'ai travaillé avec ces gens dans des affaires de faillites frauduleuses et j'ai constaté qu'ils étaient efficaces. Ils travaillent fort, ils comprennent les aspects commerciaux du droit et ce sont des gens efficaces. Si ce sont eux qui assurent l'application de la loi, très bien. Il se peut que d'autres puissent le faire également. Peu m'importe. Tout ce que je veux c'est que la loi soit appliquée.

[Français]

Le sénateur Pépin : J'ai l'impression que vous vous êtes inspiré, pour le projet de loi S-220, du Spam Act 2003 de l'Australie. Pourquoi avez-vous choisi de vous référer à l'Australie plutôt qu'à d'autres pays? Est-ce qu'on a démontré l'efficacité de la loi en Australie?

Le sénateur Goldstein : Ma réponse va également répondre en partie à la question posée par nos deux collègues plus tôt. Les Australiens ont adopté une législation basée sur le principe semblable à ceux qui ont inspiré le projet de loi S- 220. Il y a eu une diminution significative des pourriels, sans avoir des agences spécialisées dans le domaine, sans avoir un CRTC ni une commission sur la concurrence ou des agences gouvernementales. La structure de la loi, qui est semblable à la structure de ce projet de loi, a eu comme conséquence d'éliminer substantiellement les pourriels.

Dire, comme le projet de loi C-27 le veut, qu'on espère une coopération internationale est un vœu sans espoir réaliste.

Le sénateur Pépin : Alors, il faut appliquer le projet de loi S-220 tel que vous le mentionnez?

Le sénateur Goldstein : En effet.

La présidente : Merci, sénateur Goldstein.

[Traduction]

Nous sommes heureux que vous soyez venus nous entretenir de ce sujet ici. Merci de nous avoir éclairés sur la situation que visent le projet de loi C-27 et le vôtre aussi.

(Le comité poursuit sa séance à huis clos.)


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