Aller au contenu
 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 4 - Témoignages du 16 juin 2009


OTTAWA, le mardi 16 juin 2009

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui s'est vu confier le projet de loiC-7, Loi modifiant la Loi sur la responsabilité en matière maritime, la Loi sur les Cours fédérales et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, afin d'examiner ce projet de loi.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous avons ce matin à l'ordre du jour le projet de loiC-7, Loi modifiant la Loi sur la responsabilité en matière maritime, la Loi sur les Cours fédérales et d'autres lois en conséquence.

Nous entendrons, à titre de témoins, Simon Barker, président de la Section nationale du droit maritime de l'Association du Barreau canadien, et Kerri Froc, avocate, Législation et réforme du droit. Bienvenue à ce comité. Nous écouterons d'abord vos témoignages, puis les sénateurs poseront des questions.

Kerri Froc, avocate, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien: L'Association du Barreau canadien est heureuse de comparaître aujourd'hui devant ce comité au sujet du projet de loiC-7, qui modifie, entre autres, la Loi sur la responsabilité en matière maritime et la Loi sur les Cours fédérales.

L'Association du Barreau canadien, l'ABC, est une association nationale qui représente environ 37000 juristes de l'ensemble du pays. Les principaux objectifs de l'association comprennent l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans ce contexte que nous avons rédigé notre mémoire qui vous a été distribué à l'avance, et que nous présentons nos commentaires aujourd'hui.

L'ABC participe aux consultations avec le gouvernement sur les modifications relatives à la responsabilité en matière maritime depuis au moins 2005, et nous sommes heureux de constater des progrès à cet égard. Nous avons comparu devant le comité de la Chambre des communes pour discuter de nos préoccupations concernant ce projet de loi.

Je demanderais à M.Barker, président de la Section nationale du droit maritime de présenter ses commentaires sur deux questions importantes qui sont toujours en suspens. L'une de ces questions porte sur le tourisme d'aventure et l'autre sur la proposition de création d'un privilège pour les fournisseurs canadiens qui approvisionnent les navires.

Simon Barker, président, Section nationale du droit maritime, Association du Barreau canadien: Bonjour, honorables sénateurs. Merci de me donner la chance de comparaître devant vous ce matin pour vous parler des modifications proposées à la Loi sur la responsabilité en matière maritime, également connue sous le nom de projet de loiC-7.

Depuis le 8 août 2001, soit depuis environ huit ans, la Loi sur la responsabilité en matière maritime est en vigueur au Canada. La situation actuelle est intéressante en ce sens qu'avant 2001, nous disposions d'une mesure législative, la Loi sur la marine marchande du Canada, qui incluait de nombreuses questions liées à la marine marchande au pays. Nous l'avons scindée en 2001. Désormais, les questions techniques et opérationnelles sont regroupées dans la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, et nous avons également la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Huit ans plus tard, nous essayons de relier ces deux lois, mais cela a des effets involontaires.

Le 23 avril 2008, j'ai comparu devant le Comité permanent des transports de la Chambre des communes, qu'on appelle maintenant le CPTIC. Comme c'est le cas aujourd'hui, j'avais témoigné à titre de président de la Section nationale du droit maritime de l'Association du Barreau canadien. J'avais comparu une semaine avant le représentant de l'Association canadienne de droit maritime, l'ACDM.Ces deux associations juridiques sont très similaires; les membres qui les composent sont en grande partie les mêmes. Les mémoires présentés par les deux organisations étaient semblables à quelques exceptions près.

La Section nationale du droit maritime de l'Association du Barreau canadien a présenté deux mémoires. Je crois que vous les avez présentement en main.

Le CPTIC a apporté des modifications au projet de loi, dont certaines ont permis d'améliorer le texte et ont été bien accueillies. Une de ces modifications n'a pas amélioré le texte. Cette modification visait l'article12 qui porte sur la proposition de création d'un privilège pour les fournisseurs canadiens.

J'ai assisté hier, à Montréal, à une séance de formation juridique continue donnée par l'Association canadienne de droit maritime. Ces séances, bien qu'elles ne soient pas données chaque année, sont offertes sur une base régulière. De manière générale, l'Association choisit des sujets qui sont au premier plan de la loi — améliorations à la loi, problèmes de loi — et qui généreront des débats et des discussions, et elle élabore un programme éducatif. C'était la première fois que j'assistais à une séance de formation. Un des conférenciers — Robert Jetté du Nouveau-Brunswick — a parlé d'un sujet qui ne portait pas sur la loi. Il a repris le projet de loiC-7, tel qu'il a été amendé par le comité de la Chambre des communes. Par conséquent, les avocats débattent actuellement d'un sujet qui fait également l'objet d'un débat ici. J'ai le texte de certains des commentaires qu'ils ont faits. Il pourrait vous aider dans le cadre de vos délibérations.

En ce qui a trait au tourisme d'aventure, nous croyons que le comité de la Chambre des communes n'a pas saisi l'occasion d'améliorer le projet de loi. Le ministre Baird a dit lorsqu'il a comparu devant vous mercredi dernier:

Lorsque les choses tournent mal et que des accidents surviennent, les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement s'assure que leurs intérêts sont protégés par des mesures législatives modernes qui comprennent une indemnisation adéquate.

En ce qui a trait au privilège pour les fournisseurs canadiens et au tourisme d'aventure, le projet de loi le fait de manière substantielle. Il y a toutefois deux pierres d'achoppement, qui seront le sujet de notre discussion d'aujourd'hui. Si vous l'adoptez tel qu'il a été rédigé, je ne crois pas que ce projet de loi permettra d'offrir une indemnisation adéquate. Il autorisera une indemnisation, mais la question est de savoir si cette indemnisation sera adéquate, conformément à l'objectif que le ministre s'était fixé.

Je crois que le comité de la Chambre des communes a manqué l'occasion d'amender l'article9 du projet de loi. L'article9 énumère les conditions d'exemption des activités du tourisme d'aventure. La condition voulant qu'un navire destiné aux activités de tourisme d'aventure soit en bon état de navigabilité et que l'équipagesoit adéquat au début du voyage n'a pas été incluse.

Je crois qu'il est juste d'affirmer qu'il y a eu une certaine confusion à la Chambre basse en ce qui a trait à l'article12, qui porte sur le privilège maritime, et à l'article9, qui porte sur le tourisme d'aventure. C'était le cas lorsque j'ai comparu devant ce comité. Je comparais ce matin, devant la Chambre haute, dans le cadre de ce second examen objectif pour lequel vous êtes reconnus. Ma grand-mère me disait que ce sont les détails qui comptent. Dans cette situation, je crois que ce sont vraiment les détails qui comptent.

Tous les représentants du gouvernement et du secteur privé sont d'accord avec les questions d'ordre général. Nous croyons tous que le projet de loiC-7 est une très bonne mesure législative. Il permettra d'augmenter les indemnités pour les déversements de pétrole, il examine les dispositions relatives à la saisie d'un navire qui cause des problèmes depuis trop longtemps, et il permettra d'approcher les textes anglais et français. Cependant, là où nous ne nous entendons pas, c'est lorsqu'on se penche sur certains détails plus précis.

L'article9 porte sur la responsabilité des passagers. En 2001, la Loi sur la responsabilité en matière maritime a intégré à la loi canadienne la Convention d'Athènes, un régime de responsabilités reconnu à l'échelle internationale qui porte sur la perte de vie ou les blessures corporelles de passagers qui voyagent à bord de navires. Je l'appelle une convention de «gros navire». Elle a été élaborée pour les traversiers et les navires de croisière. Les montants établis sont calculés en fonction de la responsabilité d'un armateur à l'égard de ces passagers.

Dans le cadre de vos délibérations, vous devriez garder en tête l'article18 de la Convention d'Athènes qui n'autorise pas un armateur à se dégager de ses responsabilités. Ça a créé ce qu'on appelle désormais une exonération invalide.

La partie 4 de la loi, la convention des gros navires, que nous avons intégrée au contexte canadien, s'applique à la fois aux transports nationaux et internationaux de passagers par navire. Depuis 2001, l'industrie canadienne du tourisme d'aventure maritime est assujettie à la partie 4. L'industrie n'est pas autorisée à recourir aux renonciations, conformément à la loi du pays. Cela lui cause des problèmes, comme l'a entendu le comité de la Chambre des communes.

Toutefois, l'article9 exclura une activité de tourisme d'aventure maritime de la partie 4 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Elle sera exclue de ce régime. Dans le mémoire de l'Association du Barreau canadien du 21 avril, nous mentionnons que nous croyons raisonnable d'exclure les activités de tourisme d'aventure de la partie 4 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Cependant, si cela est fait, on assistera au retour d'une loi commune en lien avec le transport de passagers dans ces activités pour ces bateaux.

Nous verrons, plus particulièrement, le retour de ce qu'on appelle des exonérations, c'est-à-dire la capacité d'un exploitant de se dégager de ses responsabilités. Les exonérations, en elles-mêmes, ne sont pas une mauvaise chose; elles donnent du travail aux avocats lorsque les questions sont débattues en cours.

Samedi dernier, j'étais à Barrie, en Ontario, pour faire de la tyrolienne avec ma fille et six de ses amis pour son anniversaire. Quand je suis entré dans le bureau pour payer les frais de l'activité et inscrire les enfants, on m'a demandé de signer une exonération. Comme les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés, j'ai signé au bas de la ligne qui disait: «J'ai lu les modalités et conditions et je les comprends.» J'ai signé ce document parce que j'avais à mes côtés sept enfants qui répétaient: «Papa laisse-nous y aller. Il faut que nous allions à l'extérieur.»

Les exonérations aident ces organisations, mais je me fie également au fait que ma femme avait pris ses responsabilités et trouvé une entreprise qui permet de faire de la tyrolienne à Barrie en toute sécurité. Comme nous y avons passé l'après-midi, je peux affirmer qu'il s'agissait d'une entreprise qui respecte les règles de sécurité. Ils ont tout fait dans les règles de l'art; ils avaient les bons câbles, et cetera. Par conséquent, la signature de ce document ne me préoccupait pas.

Je vous raconte tout ça aujourd'hui, parce que si vous ajoutez une condition à l'article9 voulant que les exploitants fournissent un navire en bon état de navigabilité et un équipageadéquat au début du voyage, les mauvais exploitants ne seraient pas en mesure de recourir à une renonciation dans l'éventualité où le navire ne serait pas en bon état de navigabilité au moment où il quitte les quais.

En tant que passager, on ne sait pas ça au moment de signer l'exonération au kiosque ou dans le bureau avant d'embarquer sur le bateau. Cependant, si le navire quitte le quai, mais qu'il n'est pas en bon état de navigabilité, un mauvais exploitant ne pourrait recourir à une renonciation en cour parce que son navire n'était pas en bon état de navigabilité. Le mauvais état de navigabilité du navire le ramènera à la partie 4 de la loi qui porte sur l'interdiction du recours à une renonciation. Il ne pourra l'invoquer.

Les bons exploitants — ceux de la vallée de l'Outaouais et de la Colombie-Britannique, ceux que vous voyez dans le port de Montréal et les rapides de Lachine — n'ont pas à s'inquiéter. Leurs activités respectent les règles de sécurité, ils pourront toujours avoir recours aux renonciations et subvenir à leurs besoins.

Le concept de bon état de navigabilité au début du voyage n'est pas nouveau. Il existe déjà dans les dispositions sur la responsabilité de la cargaison de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. C'est un concept qui existe dans le monde de la navigation depuis le XVIIe siècle environ, depuis l'époque du Lloyd's Coffee House de Londres, en Angleterre, qui est le lieu de naissance de l'assurance maritime. Ce n'est absolument pas un concept nouveau.

L'article12 porte sur le privilège. Cet articlecréera un privilège maritime sur un navire étranger en faveur de fournisseurs canadiens. C'est une bonne chose. Ce que vous voyez dans les mémoires de l'Association canadienne de droit maritime, de l'Association du Barreau canadien et du gouvernement sont des différences dans les détails qui devraient être ajoutés à cette protection.

Lorsque j'ai comparu le 23, il m'a semblé y avoir certaines confusions concernant le privilège. Nous avons donc déposé un mémoire complémentaire au CPTIC le 30 avril. J'ai offert au comité de la Chambre des communes de leur fournir un document. Ils ont accepté cette offre. C'est la même chose pour chaque bénévole: quand on pose une question, on ne veut pas nécessairement avoir de réponse. Mais ils ont accepté mon offre.

Nous sommes revenus et l'ACDM a proposé un libellé pour l'articlesur le privilège. L'Association du Barreau canadien est très satisfaite de ce libellé. Nous sommes allés un peu plus loin que l'Association canadienne de droit maritime en apportant deux modifications, mais les révisions que vous voyez à l'article139 qui est proposé se trouvent dans le mémoire présenté le 30 avril 2009. Ce libellé est une modification d'une proposition qui avait été soumise par l'Association canadienne de droit maritime. Vous disposez de tous les spécialistes de ce domaine qui travaillent sur la question du libellé qui devrait être utilisé pour l'articlesur le privilège.

Lors de l'examen articlepar articlefait par le comité de la Chambre des communes, nous avons proposé une série de modifications. Je crois que nous avons proposé quatre ou cinq modifications et qu'il y avait des modifications qui modifiaient des modifications ainsi que des modifications conditionnelles à d'autres modifications. C'était une mêlée normale d'examen articlepar article, si je peux m'exprimer ainsi. Des modifications ont été rejetées, d'autres ont été mises de l'avant.

Dans le rapport du CPTIC, un certain nombre de modifications ont été suggérées pour l'article12, dont une qui recommande de «(b) remplacer la ligne 13 de la page59 par:» outillage du navire étranger»«. Le rapport se poursuit en abordant le sujet de la Loi sur la marine marchande du Canada, assujettie à l'article251 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Il s'agissait de l'amendement du gouvernement concernant le CPTIC; d'autres modifications ont été rejetées, mais celle-ci a été retenue.

Ce libellé utilisé dans le projet de loi, tel qu'il a été réimprimé à l'étape du rapport, a fait l'objet d'une discussion à l'Association canadienne de droit maritime dans le cadre du séminaire de la formation juridique continue tenu hier. Je peux vous dire pour y avoir assisté, siroté un café avec différentes personnes et fait l'objet d'un certain lobbyisme lorsqu'elles ont su où je serais aujourd'hui, qu'il y a beaucoup de confusion et qu'une discussion juridique s'en est suivie concernant les termes qui ont été ajoutés à l'étape du rapport.

Si vous me le permettez, j'aimerais lire une partie du document présenté hier par M.Jetté. Il résume bien la situation. Il dit, en ce qui a trait aux amendements à la Loi sur la responsabilité en matière maritime, le projet de loiC- 7 et le nouvel article139 qui est proposé:

Toutefois, lorsque la loi a été rédigée et que le projet de loi a été introduit, la Section a éliminé la mention de classement, supprimé le concept de l'extinction du privilège après une vente de bonne foi, ajouté les créances décrites dans le paragraphe22(2)(n) de la Loi sur la Cour fédérale (moins la construction) à la classe de créances couvertes par le privilège et, ce qui est le plus dérangeant, éliminé la nécessité de toute autre participation du propriétaire.

Il y a eu d'autres consultations au niveau du comité, davantage de représentations ont été faites au CPTIC et, en dernier ressort, des représentations orales ont été faites devant le comité par l'ACDM et la Section nationale du droit maritime de l'ABC. Des modifications ont été apportées au libellé par le comité

— les phrases auxquelles j'ai fait référence —

qui se sont traduites par la réintroduction d'une certaine participation des propriétaires par l'ajout du paragraphe2(1) du texte final. Cependant, cette «participation des propriétaires» ne s'appliquait pas à toutes les créances. De plus, les créances liées à la manutention et à l'acconage avaient la particularité d'être assujetties à l'article251 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada.

Le débat d'hier visait à déterminer si, en raison de l'utilisation des termes «assujetti à», ce sont les dispositions sur la manutention et l'acconage de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada ou celles de la Loi sur la responsabilité en matière maritime qui prévalent. À la fin de la journée, il a été conclu que cela amènerait beaucoup d'eau au moulin pour les avocats et les juges dans les années à venir. Cependant, est-ce que cela protégerait les fournisseurs canadiens? Un doute subsiste. Si l'objectif du projet de loi du ministre est de protéger les fournisseurs canadiens, ses idées ne tiennent tout simplement pas la route.

Ce que je veux dire, c'est que vous avez l'occasion aujourd'hui de revoir la disposition sur le privilège. Vous avez également l'occasion de revoir la disposition sur le tourisme d'aventure. En tant que membre de la Chambre haute, je vous exhorte à le faire.

Voilà mes mémoires. C'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions.

La présidente: Il y aura des questions c'est certain. J'ai essayé de suivre ce que vous nous avez dit, mais dans votre mémoire du 30 avril déposé au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, vous aviez recommandé la révision du nouvel article139 qui a été proposé, celui sur le privilège maritime dont vous venez tout juste de parler.

Croyez-vous toujours que le libellé du projet de loi devrait être modifié de nouveau dans les nouveaux articles 139(1), (2) (2.1), (3) et (4) qui ont été proposés, et qu'une période de prescription devrait être ajoutée au nouvel article139(5) qui a été proposé afin de fournir les protections nécessaires? Je ne sais pas si je vous ai bien compris, mais je souhaite tout de même vous poser cette question.

M.Barker: Oui, je crois qu'il y a lieu d'amender les nouveaux articles proposés.

Comme je l'ai dit, je n'avais jamais participé à une séance de formation durant laquelle un projet de loi a été débattu. Habituellement, nous discutons de lois en vigueur, auxquelles des juges ont eu l'occasion de réfléchir et qu'ils ont eu l'occasion d'analyser. D'habitude, un juge dit une chose, un autre juge en dit une autre, un juge de la Cour d'appel décide de s'en mêler et il est d'avis contraire, puis les avocats doivent démêler le puzzle.

C'était la première fois que j'assistais à une séance de formation durant laquelle nous avons examiné une proposition. Le document de M.Jetté n'a pas fait l'unanimité car, comme il l'a dit, les débats à ce sujet étaient toujours en cours. Le projet de loi venait d'être examiné par le comité de la Chambre des communes et il devait être examiné par le comité sénatorial aujourd'hui.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que le libellé du texte proposé le 30 avril est un libellé auquel l'ACDM a eu l'occasion de réfléchir à tête reposée. L'Association du Barreau canadien a ensuite examiné cette proposition et elle l'a approuvée. Nous avons apporté quelques modifications, qui ont été soumises à la discussion. Ce libellé a fait l'objet d'une réflexion approfondie; il n'a pas été rédigé pendant les débats houleux d'une étude articlepar articleni dans les jours précédant celle-ci. À mon avis, les avocats du secteur privé souscrivent à la proposition du 30 avril.

La présidente: Souhaitez-vous toujours que l'amendement soit adopté?

M.Barker: Nous suggérons que vous modifiiez l'amendement qui apparaît dans le projet de loi, tel qu'il a été imprimé à l'étape du rapport.

La présidente: Le projet de loiC-7, à l'article1, a été modifié par substitution à la ligne 14, page1, de ce qui suit: «la personne transportée à bord d'un bâtiment utilisé à des fins commerciales ou publiques et propulsé manuellement à l'aide de pagaies ou d'avirons», à l'ancien libellé: «la personne transportée à bord d'un bâtiment propulsé manuellement à l'aide de pagaies ou d'avirons».

Cette modification du sens de «passager» est-elle assez claire pour limiter la responsabilité dans le cas du tourisme d'aventure?

M.Barker: L'amendement adopté à ce sujet par le CPTIC est judicieux. C'est un bon amendement.

La présidente: Souscrivez-vous à cet amendement?

M.Barker: Oui.

La présidente: Une autre modification apportée à la première version du projet de loiC-7 est l'ajout des «passagers clandestins» aux catégories de personnes auxquelles les limites de responsabilité ne s'appliquent pas. Cette modification touche les articles 3 à 8. Voici le libellé du nouvel alinéa 28(3)c.1): «est un passager clandestin, un intrus ou toute autre personne ayant monté à bord d'un navire sans le consentement ou à l'insu du capitaine ou du propriétaire».

C'est à la page3 du projet de loi. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

M.Barker: Non. D'après ce que je comprends, cette modification a été proposée par l'Association canadienne de droit maritime. C'est une proposition judicieuse et je crois qu'elle est bien fondée.

La présidente: Cela vous semble-t-il raisonnable?

M.Barker: Oui.

La présidente: Je vous remercie.

Le sénateur Johnson: J'aimerais vous souhaiter la bienvenue ce matin. Les trois sujets qui vous préoccupent sont le tourisme d'aventure, les privilèges maritimes et la prescription.

En ce qui concerne le tourisme d'aventure, pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par «des risques beaucoup plus grands»? Ces risques peuvent-ils être quantifiés? Cette expression a-t-elle une quelconque portée juridique? À quelles obligations supplémentaires devraient se soumettre les exploitants des bateaux sur lesquels s'embarquent ces touristes, par rapport à la législation actuellement en vigueur?

M.Barker: Qu'est-ce que vous voulez dire par «risques beaucoup plus grands»? Qui s'expose à ces risques beaucoup plus grands?

Le sénateur Johnson: Les clients. Je vous demande ce que vous entendez par «risques beaucoup plus grands»? Cette expression figure dans votre mémoire.

M.Barker: Celui du 21 avril?

Le sénateur Johnson: Oui, dans le mémoire au comité. Avez-vous présenté ces arguments lorsque vous avez témoigné à la Chambre des communes?

M.Barker: Où voyez-vous les mots «risques beaucoup plus grands»? J'essaie simplement de comprendre.

Le sénateur Johnson: C'est dans notre documentation. L'Association canadienne de droit maritime recommande que le projet de loi soit amendé de telle sorte que les participants doivent être exposés à des risques «beaucoup» plus grands que ceux auxquels les passagers sont normalement exposés. Je vous demande de nous expliquer ce que vous entendez par là et de nous dire si, à votre avis, il y a là un problème.

M.Barker: En tant que représentant de l'Association du Barreau canadien, je ne peux pas parler au nom de l'Association canadienne de droit maritime. Les membres de cette association tiennent leur assemblée générale annuelle à Montréal aujourd'hui.

Le sénateur Johnson: C'était donc une autre association de droit: l'Association canadienne de droit maritime.

M.Barker: C'est exact. L'idée est d'exclure le tourisme d'aventure de la partie 4 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. La raison que le gouvernement nous a donnée relativement à l'exclusion des activités de tourisme d'aventure au terme de la Loi sur la responsabilité en matière maritime est que les personnes qui font du rafting, qui participent à une activité d'aventure maritime ou qui font de la tyrolienne entre des arbres à Barrie, pour reprendre mon exemple précédent, acceptent dans une certaine mesure les risques que cela implique. Ces personnes recherchent des sensations fortes. Elles veulent s'embarquer sur des bateaux qui leur permettront d'éprouver de telles sensations.

Vous ne recherchez pas des sensations fortes lorsque vous voyagez à bord d'un traversier qui va du cap Breton à Terre-Neuve-et-Labrador, ou de Vancouver à Victoria. Vous voulez simplement vous rendre du point A au point B. Il s'agit de deux choses différentes.

Lorsque vous embarquez à bord d'un traversier, on ne vous demande pas de signer une renonciation. Vous achetez votre billet, vous embarquez sur le bateau avec vos bagages, votre voiture, vos enfants, votre famille, votre chien, vos lapins ou quoi que ce soit, et vous vous rendez du point A au point B. Il ne serait pas approprié que le propriétaire du bateau, dans une telle situation, ait la possibilité de faire signer des documents l'exonérant de toute responsabilité. Il faut que le propriétaire soit fondamentalement responsable et qu'un montant soit versé à titre de compensation si le bateau rencontre des problèmes. C'est l'objectif visé par la Convention d'Athènes, et cette convention remplit sa fonction.

Lorsqu'une personne recherche des sensations fortes en faisant du rafting dans le canyon du Fraser, dans la vallée de l'Outaouais ou dans les rapides de Lachine, elle est là où elle se trouve parce qu'elle a voulu faire une activité qui comporte un certain risque. Elle sait que c'est dangereux; c'est pour cette raison qu'elle est là. Dans ces circonstances, on ne fait aucune entorse à la logique en exigeant que cette personne signe une renonciation selon laquelle elle reconnaît les risques auxquels elle s'expose.

Notre avis, en tant qu'avocats, est que si vous souhaitez ou que si le gouvernement souhaite exclure le tourisme d'aventure de la partie 4 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, cette décision est une décision de principe, et que s'il n'y a rien de mal avec cette décision de principe dans les circonstances, il faut néanmoins procéder correctement. Vous devez vous assurer que les exploitants de bateau visés par l'exclusion sont les bons exploitants et non les mauvais.

Au cours du processus de consultation qui a eu lieu avant que le projet de loi ne soit soumis à la Chambre, le ministère des Transports a d'abord pensé qu'il pourrait appliquer l'exclusion des activités de tourisme maritime prévue à la partie 4 en fonction du bateau. Bon nombre de personnes étaient d'avis que ce n'était pas la bonne manière d'aborder la question. Il y a eu des consultations et des réunions avec des fonctionnaires ministériels, puis on a proposé que l'exclusion soit fonction de la nature de l'activité.

La formulation proposée est quelque peu alambiquée, si je puis m'exprimer ainsi, parce que c'était la seule façon d'y arriver dans l'article9 du projet de loi, qui correspond à la proposition pour l'article37.1 de la loi. Le nouvel articleproposé est libellé comme suit:

«La présente partie ne s'applique pas à l'activité de tourisme d'aventure qui réunit les conditions suivantes [...]»

On tente donc de décrire l'activité en établissant si ce n'est pas de ce type d'activité dont il s'agit, auquel cas l'activité n'est pas visée par la partie 4. Si l'activité ne réunit pas ces conditions, la partie 4 s'y appliquera.

Ce que nous disons, c'est que si une personne s'embarque à bord d'un Zodiac — un canot pneumatique — sur le fleuve Saint-Laurent et qu'elle se lance à la poursuite de rocquals à bosse avec ses enfants aux alentours du parc marin du Saguenay — Saint-Laurent, cette personne et ses enfants sont en contact avec un milieu aquatique. La situation exigerait des procédures et de l'équipement de sécurité qui vont au-delà de ce qui est normalement prévu dans le cadre d'activités de transport de passagers. À bord d'un Zodiac, ces personnes porteraient vraisemblablement un gilet de sauvetage. À bord d'un traversier, cependant, elles auraient accès à un gilet de sauvetage; elles sauraient où se trouvent les points de rassemblement, mais elles ne seraient pas obligées de porter un gilet de sauvetage. Dans un Zodiac, elles seraient peut-être attachées par des câbles de sécurité pour éviter qu'elles ne tombent à l'eau. Ces personnes courraient un risque plus grand que le risque auquel des passagers sont normalement exposés.

Je vais reprendre l'exemple du Saguenay. Lorsque vous allez observer les baleines, vous avez le choix. Vous pouvez vous embarquer à bord d'un gros bateau, sur lequel vous pourrez vous tenir près des rambardes pour observer les baleines qui batifolent à la surface de l'eau, ou vous pouvez être à bord d'un Zodiac, tout à côté des baleines. Une de ces activités ressemble davantage à un voyage à bord d'un traversier tandis que l'autre se rapproche plutôt du tourisme d'aventure. Les risques sont présentés aux adeptes de tourisme d'aventure, et ils doivent signer un document attestant qu'ils acceptent les risques auxquels ils seront exposés.

Quand j'ai emmené mes enfants observer les baleines au Saguenay à bord d'un gros bateau l'été dernier, on ne m'a pas demandé de signer une renonciation. Cela signifierait que cette activité particulière d'observation de baleines n'aurait pas été considérée comme une activité d'aventure maritime, aux termes de la loi. Si nous nous étions embarqués à bord d'un Zodiac, on nous aurait peut-être demandé de signer une renonciation. Voilà la différence entre les deux.

Mon opinion est qu'un autre paragraphedevrait être ajouté afin de prévoir que le bateau doit être en bon état de navigabilité au début du voyage et que l'équipagedoit être adéquat. Si l'on ne me demande pas de signer une renonciation au début d'une activité de tourisme d'aventure et que le bateau n'est pas en bon état de navigabilité, il ne s'agit pas d'une activité de tourisme d'aventure maritime, et cette activité n'est pas visée par la partie 4 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime.

Le sénateur Johnson: Tenons-nous-en à l'essentiel. Le problème, en l'occurrence, c'est bien entendu que la Chambre des communes s'est réunie à cinq reprises au sujet de ce projet de loi. Le projet de loi a été adopté par le Parlement du Canada et, de manière générale, vous l'avez applaudi.

Nous suggérez-vous de renvoyer le projet de loi afin que vos modifications y soient apportées? On le rejettera probablement encore une fois. À notre avis, il faudrait que le projet de loi soit adopté et qu'il devienne loi. Voilà les faits. À quoi vous attendez-vous de notre part?

M.Barker: Je ne crois pas que le projet de loi a été adopté par le Parlement du Canada puisque le Sénat, à ce que je sache, fait partie du Parlement. Je crois qu'il a été adopté par la Chambre des communes.

Le sénateur Johnson: Il a été adopté par la Chambre des communes, c'est vrai.

M.Barker: Il est maintenant examiné ici, par le Sénat, qui agit à titre de Chambre haute. Si vous estimez qu'un projet de loi venant de la Chambre des communes est incorrect, vous pouvez l'examiner et y apporter des modifications.

Le sénateur Johnson: Je suis ici depuis 19 ans. Je suis bien conscient de cela.

M.Barker: Le projet de loi n'a pas été adopté par le Parlement.

Le sénateur Johnson: Il a été adopté par la Chambre des communes, qui s'est réunie cinq fois.

Le projet de loi pourrait-il régler les problèmes que vous avez soulevés relativement à la réglementation?

M.Barker: Non, car si une renonciation est signée et qu'on en reconnaît la valeur légale, puis qu'un accident survient et qu'une personne est blessée, mais que la renonciation prive cette personne de tout recours, la loi n'atteindra pas l'objectif visé par le ministre et elle ne permettra pas à la personne blessée d'obtenir une indemnisation adéquate dans l'éventualité où le bateau n'aurait pas été en bon état de navigabilité au moment où il a quitté le quai. La réglementation ne pourra pas empêcher ce problème.

Le sénateur Stratton: Avez-vous mentionné cela dans un exposé présenté à la Chambre des communes?

M.Barker: Oui.

Le sénateur Stratton: Combien de fois avez-vous présenté cet exposé?

M.Barker: Une fois seulement, le 23 avril.

Le sénateur Stratton: La Chambre des communes a-t-elle rejeté cette idée?

M.Barker: Au comité de la Chambre, les membres de l'opposition, les libéraux, se sont ralliés à ce point de vue et ils ont proposé une modification, qui a été rejetée par les membres du gouvernement siégeant au comité. Le comité de la Chambre des communes n'a pas été unanime à ce sujet.

Le sénateur Stratton: En gros, la Chambre des communes a rejeté la motion?

M.Barker: C'est exact.

Le sénateur Cochrane: Vous avez parlé du tourisme d'aventure. Je suis allé voir les baleines et on ne m'a pas demandé de signer une renonciation. Cependant, dans la documentation requise pour obtenir une licence permettant d'exploiter un bateau et une entreprise de tourisme, il doit y avoir quelque chose qui implique que, si un accident survient, les passagers seront indemnisés. Il doit s'agir d'une condition intrinsèque des contrats.

M.Barker: Il existe un certain nombre de mesures qui protègent les personnes qui vont observer les baleines, qui font du tourisme d'aventure maritime ou qui montent à bord d'un traversier. La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et la Direction de la sécurité maritime de Transports Canada réglementent ces activités. Elles les supervisent par le biais de leur politique de conformité et d'application de la loi.

Selon moi, la politique d'application de la loi du gouvernement est bonne. Les bons exploitants sont assujettis, sur le plan de la sûreté, au régime de réglementation prévu par la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada.

Il y avait une certaine confusion à la Chambre des communes au sujet des deux régimes d'application de la loi existants: l'un est un régime de réglementation alors que l'autre est un régime de marché libre. Imaginons que vous exploitez une entreprise et que vous voulez obtenir une assurance: si, après avoir vérifié votre entreprise, l'assureur juge que tout est en ordre, il vous assure. Il s'agit là de marché libre parce que s'il considère que votre entreprise n'est pas convenable, il ne vous assurera pas; si vous n'êtes pas couvert, vous ne pourrez pas exercer vos activités, à moins que vos coffres soient bien garnis et que vous soyiez votre propre assureur.

Lorsqu'une personne se blesse, elle a la possibilité de poursuivre l'exploitant, qui a peut-être un avoir. Elle peut se retourner contre une personne morale qui, elle, est peut-être assurée. Des mécanismes sont en place pour les cas où le tribunal conclut que la personne s'est blessée en raison de la négligence de l'exploitant.

La partie 4 prévoit également un régime d'assurance obligatoire qui s'applique aux personnes qui y sont assujetties. À l'heure actuelle, il n'y a pas d'assurance obligatoire parce que le gouvernement n'a pas instauré de réglementation à cet égard. Nous avons entendu dire à la Chambre des communes que cette réglementation est en veilleuse pour l'instant, jusqu'à ce que le projet de loi soit adopté.

Lorsque le projet de loi aura été adopté, les activités visées par la partie 4 seront couvertes par une assurance qui constituera un élément d'actif dans le cas où une victime arriverait à convaincre le tribunal que l'exploitant a fait preuve de négligence. Cette politique d'assurance sera une source d'indemnités ou — pour reprendre les mots que le ministre a employés mercredi dernier — d'indemnités adéquates.

En adoptant le projet de loi, vous excluez le tourisme d'aventure de la partie 4 et vous dites qu'il n'a pas besoin de régime d'assurance obligatoire, de sorte qu'il n'aura pas cet élément d'actif. Si vous faites cela, vous devez resserrer les conditions permettant de se soustraire à ce régime. Les entreprises qui ont un navire en bon état de navigabilité n'auront pas vraiment besoin d'une assurance, alors que les autres devraient être assurées.

Le sénateur Cochrane: Transports Canada ne permettrait pas aux navires de naviguer s'ils ne respectaient pas toutes les exigences en matière de sécurité, n'est-ce pas?

M.Barker: Non, il ne leur permettrait pas. À ce que je sache, Transports Canada applique la loi de façon très efficace. Toutefois, comme tous les ministères responsables, il ne dispose pas de toutes les personnes ou ressources qu'il aimerait avoir. Il est en voie d'adopter un processus de vérification axé sur les assurances; il se concentre donc sur tous les exploitants à l'occasion, et non constamment. Pour avoir un système adéquat, il faut que la réglementation soit en partie applicable au marché libre.

Le sénateur Zimmer: Bonjour et merci pour votre exposé. Monsieur Barker, lorsque je vous vois et que j'entends votre voix, j'ai une envie irrésistible de vous appeler Hugh Grant. Je suis certain qu'on vous a déjà fait cette remarque.

M.Barker: À quelques reprises.

Le sénateur Zimmer: La ressemblance est fascinante, donc je ne vous regarderai pas.

M.Barker: Tout ce que je peux dire, monsieur le sénateur, c'est que j'aimerais bien avoir une partie de son talent et de son argent.

Le sénateur Zimmer: Le sénateur Johnson a posé ma première question. Ma deuxième concerne la proposition d'amender la partie 6 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime de façon à mettre en oeuvre les dispositions du Protocole de 2003 portant création d'un fonds complémentaire au Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, qui découle de la Convention de 1992, qui aurait permis au Canada de mieux se préparer à intervenir en cas d'importants déversements d'hydrocarbures et de garantir une indemnisation suffisante à toutes les victimes, compte tenu du fait que les déversements ne respectent pas les frontières entre les États.

Comment faisait-on pour intervenir lors d'un déversement d'hydrocarbures avant l'adoption d'un système international?

M.Barker: Je suis heureux de dire que depuis de nombreuses années, le Canada est à l'avant-garde en matière de prévention de la pollution. Les premières mesures législatives antipollution que nous avons prises remontent à 1970 et à la Loi sur la marine marchande du Canada. Depuis des années, le Canada et l'Organisation maritime internationale, l'OMI, contribuent grandement au Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

Nous nous attaquons à toutes les formes de pollution depuis le jour où l'Arrow s'est échoué dans la baie Chedabucto en Nouvelle-Écosse jusqu'au jour du naufrage du Irving Whale dans le golfe du Saint-Laurent. Transports Canada a un très bon régime antipollution: il y a de la surveillance aérienne, des organisations d'intervention en cas de déversements d'hydrocarbures, des interventions de la Garde côtière et une aide supplémentaire de Pêches et Océans Canada.

Je crois que le pays est bien préparé aux déversements d'hydrocarbures. Il y en aura; il ne fait aucun doute que des hydrocarbures sont déversés dans l'eau et qu'ils ont des effets défavorables sur les oiseaux et les pêches. À la fin des années 1980, nous avons eu un petit problème avec une péniche, peu de temps avant que l'Exxon Valdez s'échoue dans le golfe du Prince William. Le Nestucca a déversé plus de 800 tonnes d'hydrocarbures, et les retombées ont été nombreuses en raison d'une défaillance du système de gestion.

Le système de gestion des interventions en cas de déversement d'hydrocarbures connaît encore des problèmes, mais on y apporte des améliorations grâce à des consultations et à des négociations régulières avec l'industrie. Le projet de loiC-7 fera progresser notre législation en matière de pollution.

La Convention sur les hydrocarbures de soute n'est pas vraiment importante pour nous parce que notre pays dispose depuis bien des années d'un régime à cet égard. C'est bien de créer un fonds complémentaire et de hausser les limites; les Canadiens touchés par les déversements d'hydrocarbures seront ainsi davantage indemnisés lorsqu'ils en auront besoin. Notre pays n'a jamais connu de grand déversement et j'espère qu'il n'en connaîtra jamais — touchons du bois. L'indemnisation est donc plus que suffisante. Le projet de loiC-7 propose des modifications à la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, un organisme gouvernemental d'ici qui aide les victimes pour ce qui est de l'indemnisation; la gestion de la caisse est solide à cet égard.

Je crois qu'il s'agit d'un très bon projet de loi en matière de pollution et qu'il renforcera la législation efficace qui est déjà en place.

Le sénateur Mercer: Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.

Il y a longtemps, j'ai décidé de ne pas faire mes études en droit, et notre réunion de ce matin me conforte à nouveau dans ma décision.

De toute évidence, ce qui semble très simple ne l'est pas. Je reviens au tourisme d'aventure dont on traite dans l'article. Vous avez parlé de l'état de navigabilité du navire. Comment faites-vous pour déterminer si un canot pneumatique est en état pour naviguer en eau vive, par exemple sur la rivière des Outaouais? Quelle est votre définition de «bon état de navigabilité»?

M.Barker: C'est une excellente question. Vous auriez dû étudier en droit. Quand j'étais à la faculté de droit, je voulais être barman. J'ai fini par prendre une autre voie.

L'état de navigabilité dépend beaucoup des faits qui entourent une situation donnée. On pourrait dire qu'un navire en bon état de navigabilité est un navire qui peut flotter. Il n'y a pas de définition pour le concept de navigabilité vers laquelle je pourrais vous diriger.

Ce concept est né à l'époque du Lloyd's Coffee House, où les voiliers quittaient l'Angleterre pour se rendre aux confins de l'empire afin d'y faire du commerce et de ramener des produits, comme des épices, en Europe. Il n'y avait pas de compagnie d'assurance à cette époque, donc les gens d'affaires se réunissaient pour investir des fonds dans ce périple — d'où la division des navires en 64 parts, pour que tous contribuent à l'entreprise. Les navires qui quittaient le port d'Angleterre étaient dans un état convenable pour un voyage en mer de quatre, six, huit ou douze mois. On ne pouvait pas prédire ce qui arriverait aux navires une fois qu'ils auraient passé le cap ou disparu à l'horizon. Les navires ne revenaient pas toujours en bon état de navigabilité — parfois même de peine et de misère parce qu'ils prenaient l'eau —, mais, à leur départ de l'Angleterre, ils flottaient et ils étaient équipés adéquatement parce que les fournisseurs étaient là; on pouvait approvisionner un navire et constituer son équipage.

Je vais vous donner un exemple pour illustrer ce que je veux dire quand je parle d'un navire en bon état de navigabilité qui dispose d'un équipageconvenable. Disons que lundi, mon navire est soumis à une inspection de Transports Canada et que cette inspection s'avère positive. Il faut se rappeler que les inspections sont menées en fonction des normes minimales de la Loi sur la marine marchande du Canada. Les normes prévues par la réglementation sont uniquement des normes minimales. Les bons propriétaires de navire surpasseront ces normes minimales. Toutefois, les équipes de conformité et d'application de la loi vérifient uniquement que les navires satisfont aux normes minimales prévues par la réglementation.

Par contre, il se pourrait que l'inspection effectuée lundi s'avère positive et que le mercredi suivant, pendant une formation, mon bateau reçoive un coup et que son état de navigabilité soit réduit; il pourrait y avoir une petite fuite. Mais je peux me dire qu'il n'y a pas de problème et que je peux attendre d'avoir fait l'excursion prévue demain et y jeter un coup d'oeil vendredi, lorsque je serai au chantier de radoub.

Jeudi, je pourrais emmener des gens en expédition sur mon bateau et leur faire signer une renonciation en ne sachant pas que le creux qu'a causé le coup pendant la formation est peut-être plus grave que je ne le croyais. Il pourrait y avoir une grosse fuite et le bateau pourrait connaître des problèmes. Je me retrouverais donc dans une situation très grave le jeudi, alors que le lundi précédent, l'inspection de Transports Canada était positive. Comme je n'ai pas jugé que l'accident était suffisamment grave pour le déclarer à Transports Canada, le ministère n'a pas examiné mon bateau mercredi à la suite de l'accident.

Dans la situation, le juge saisi de l'affaire recevrait toute l'information après coup et il aurait devant lui une victime et une renonciation. Il pourrait alors conclure qu'il ne s'était pas rendu compte avant le témoignage présenté au cours de la journée qu'il y a avait eu un accident le mercredi qui avait causé un petit creux et qu'il aurait fallu intervenir à ce moment. Techniquement, au début de l'expédition de jeudi, le navire n'était pas en bon état de navigabilité.

La renonciation ne serait alors plus valide parce que la partie 4, qui s'applique dans les circonstances, l'annulerait; la victime serait alors en mesure d'obtenir une indemnité alors que la renonciation devait avoir l'effet contraire. Avant qu'une telle situation se présente, il est très difficile de déterminer si le navire est en bon état de navigabilité. La définition de ce concept dépend beaucoup des faits qui entourent chaque cas.

Le sénateur Mercer: Nous ne pouvons pas avoir une réglementation qui prévoit toutes les possibilités. Les Américains auraient pu apporter toutes sortes de changements à la réglementation, mais cela n'aurait pas empêché le capitaine de l'Exxon Valdez de consommer de l'alcool.

M.Barker: Il s'agit là d'un bon exemple. S'il est obligatoire d'avoir un navire en bon état de navigabilité et un équipageconvenable, est-ce qu'un capitaine qui est ivre au début de l'expédition est considéré comme un «membre d'équipageconvenable»? À ce moment-là, le navire en question pourrait être jugé non conforme.

Le sénateur Mercer: J'aimerais revenir à la lettre du 30 avril que vous avez écrite au député Merv Tweed, qui est président du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre. Au début du troisième paragraphede la deuxième page, vous dites ceci: «Tous les affréteurs ne devraient pas pouvoir lier le propriétaire d'un navire. Vous mentionnez aussi qu'il existe trois types d'affréteurs. J'ai lu et relu votre lettre et j'aimerais que vous nous expliquiez en termes simples ces trois types d'affréteurs.

M.Barker: Le comité de la Chambre m'a également posé cette question. J'avais alors répondu que la relation était similaire à celle qui existe entre le propriétaire et le locataire d'une habitation. Le propriétaire du navire est le propriétaire d'habitation. L'affréteur en coque nue, qui est en pleine possession du navire et en a le plein contrôle, loue le navire comme une personne loue votre habitation pour 12 mois. S'il arrive quoi que ce soit à l'habitation pendant la période de 12 mois, c'est au locataire de s'en occuper — il assure l'entretien, coupe le gazon, fait des réparations et de la peinture. Le locataire a le plein contrôle de la propriété pour la période de la location et il a une liberté complète quant à son utilisation. Dans le domaine du transport maritime, nous appelons la personne qui a le plein contrôle du navire l'affréteur en coque nue.

Un affréteur à temps exerce un contrôle plus limité, pour une certaine période de temps. Par exemple, il pourrait disposer du navire pour trois mois. D'après la tendance dans l'industrie du transport maritime, l'affréteur à temps exerce un contrôle plus limité sur le navire que l'affréteur en coque nue, en ce sens que le capitaine et l'équipagesont déjà à bord et représentent le propriétaire. Dans le cas de l'affrètement à temps, le capitaine et l'équipageviennent avec le navire. C'est le capitaine et l'équipagequi prennent les décisions sur le navire. L'affréteur à temps prend donc moins de décisions.

L'affréteur au voyage a encore moins de droits du point de vue de la possession et du contrôle du navire. Il peut s'agir simplement du propriétaire d'un conteneur, par exemple une boîte de 20 ou 40 pieds, qui demande au propriétaire d'un navire de placer le conteneur à bord pour le transporter de Vancouver jusqu'au Japon. L'affréteur au voyage loue l'espace nécessaire pour le trajet vers le Japon.

Le sénateur Mercer: Sa responsabilité est donc beaucoup plus limitée.

M.Barker: Oui, le degré de contrôle et de responsabilité dans ce cas est bien moindre. Dans le contexte des privilèges maritimes, nous parlons de la capacité d'une personne de lier le propriétaire. C'est un peu comme si j'arrive dans une maison louée et que je demande si je peux réparer le toit. Vous dites: «Bien sûr, vous pouvez réparer le toit; il est percé.» Je dis que je vais vous envoyer la facture. Vous êtes d'accord et vous dites de commencer. C'est le locataire qui dit de réparer le toit. En tant que fournisseur, je fais les travaux et j'envoie ma facture au propriétaire, qui refuse alors de me payer parce qu'il ne m'a pas dit de faire ces travaux. Il me dit d'aller voir le locataire, mais le locataire n'a pas d'argent. C'est ce qui se produit dans l'industrie du transport maritime.

Si un fournisseur procure des aliments, du carburant ou d'autres produits à un navire au port d'Halifax, par exemple, le fournisseur voudra être sûr que la personne avec qui il passe le contrat, le capitaine, engage la responsabilité du propriétaire. Si la facture n'est pas payée, le propriétaire la paiera. Ce que nous voulons dire, c'est que ce n'est pas tout le monde qui peut parler au nom du propriétaire.

L'affréteur en coque nue et l'affréteur à temps devraient pouvoir lier le propriétaire, mais pas l'affréteur au voyage. Pourquoi une personne qui envoie un conteneur au Japon par bateau dirait-elle au fournisseur de carburant ou d'aliments du bateau qu'elle va payer la facture? Ça n'arrivera jamais.

Nous essayons de bien définir qui peut passer un contrat avec le propriétaire. Les termes de la Loi sur la marine marchande qui ont été inclus dans le projet de loi à l'autre Chambre se réfèrent à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. Cette loi de 2001 fait référence à un concept que nous avons créé entre 2000 et 2002 avec le projet de loiC-15 et les modifications à la Loi sur la marine marchande concernant le représentant autorisé. Dans la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, le capitaine est un représentant autorisé, mais il est possible que ses actions ne lient pas le propriétaire.

Dans un texte de loi donné, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, vous dites qu'une personne engage la responsabilité du propriétaire; et dans la Loi sur la responsabilité en matière maritime, c'est une autre personne. Lorsque vous dites «sous réserve», vous laissez un juge conclure que les règles d'interprétation des lois s'appliquent. Quelle loi est correcte et qui est responsable? Ce sera intéressant pour les avocats et les juges, mais non pour les fournisseurs des navires. Je ne trouve pas logique que vous adoptiez un projet de loi qui sème la confusion dès le départ. C'est pourquoi je vous invite à repenser la disposition qui concerne les privilèges.

Le sénateur Mercer: C'est toujours avantageux pour les avocats.

Le sénateur Housakos: Que recommanderiez-vous pour améliorer et clarifier l'articledu projet de loi qui concerne les privilèges?

M.Barker: Il faudrait utiliser les termes qui figurent dans notre mémoire du 30 avril 2009. Nous avons utilisé une formulation qui repose sur une proposition de l'Association canadienne de droit maritime et qui a été examinée par l'Association du Barreau canadien. Ce qui est proposé a été jugé acceptable par les avocats du secteur privé. Vous pouvez en prendre connaissance en consultant le mémoire du 30 avril.

Le sénateur Mercer: Le sénateur Housakos a posé une question pertinente, qui m'amène à en poser une autre.

Si nous ne faisons pas de changements, quelles seront les conséquences? Qu'est-ce qui se passera si nous adoptons le projet de loi tel que modifié par la Chambre des communes, sans apporter les modifications que vous proposez? Qu'arrivera-t-il dans deux ans, une fois la loi modifiée? S'il n'y a pas de changements, quels pourraient être les risques pour les Canadiens et les entreprises canadiennes?

M.Barker: La terre continuera à tourner, rassurez-vous. L'industrie fonctionnera toujours. Les navires continueront à faire du commerce et les fournisseurs continueront à les approvisionner. Les fournisseurs canadiens ne seront peut-être pas toujours en mesure de récupérer l'argent qu'ils perdront. Des avocats habiles pourraient jouer sur les mots de manière à tirer parti de la différence entre la Loi de 2001 sur la marine marchande et la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Comme M.Jetté l'a dit hier à Montréal, ils pourraient dire aux juges de laisser des navires étrangers partir parce qu'il existe une certaine confusion. Le risque, c'est qu'on ne respecte pas l'objectif visé par le ministre. Des Canadiens perdront de l'argent, des victimes ne seront pas indemnisées, mais globalement, la vie continuera.

Le sénateur Housakos: Quand je regarde le projet de loiC-7, je comprends votre point de vue concernant l'articlesur le tourisme d'aventure, et le point de vue juridique concernant un autre article, sur le privilège par rapport aux navires étrangers. Mais il ne faut pas perdre de vue le principal élément du projet de loiC-7, qui est de gérer la responsabilité en matière de pollution. Il inclut d'importantes améliorations pour mieux faire face à la pollution causée par les déversements de pétrole et les hydrocarbures de soute, et assurer la conformité avec différentes conventions internationales.

Le deuxième élément est la responsabilité relative aux passagers de navires de croisière. Le troisième est le privilège par rapport aux navires étrangers. Le dernier élément, qui implique l'exemption des exploitants de navires de tourisme d'aventure, est essentiellement une réaction entraînée par les trois premières parties du projet de loi.

Il ne faut pas oublier que si j'assure ma Volvo, je souscris à un certain type d'assurance; si j'assure ma Porsche, il me faut une assurance différente. Si j'avais une Ferrari, ce qui n'est pas le cas, et que je participais à des courses à St- Eustache la fin de semaine, j'aurais de la difficulté à assurer mon véhicule. Si je réussissais à m'assurer, ça me coûterait probablement plus que ce que vaut la voiture.

D'après ma compréhension du projet de loi, les exploitants du secteur du tourisme d'aventure, qu'ils soient bons ou moins bons, semblent bien heureux de ne pas être visés par ce projet de loi. Si le projet de loi s'appliquait à eux, quelles seraient les répercussions sur ce secteur?

M.Barker: Si vous adoptez ce projet de loi, les activités maritimes de tourisme d'aventure ne seront pas visées. C'est la partie 4 de la loi. Cet aspect sera exclu. C'est ce qui arriverait.

Honnêtement, en tant qu'avocat spécialisé dans le droit maritime au Canada, je me sentais un peu déchiré à l'idée de venir ici aujourd'hui. J'aimerais beaucoup que le projet de loiC-7 soit adopté. Je crois qu'il permettra d'améliorer le droit maritime canadien. En tant qu'avocat dans ce domaine, je me réjouis de voir qu'on accorde autant d'attention aux activités maritimes au Parlement à l'heure actuelle, à la Chambre des communes et au Sénat. Différents projets de loi dans le domaine maritime sont examinés en Chambre à l'heure actuelle, ce qui est très encourageant.

Par conséquent, oui, j'aimerais que le projet de loiC-7 soit adopté. Devrait-il être adopté cette semaine dans son libellé actuel, ou devrait-il être adopté plus tard avec un meilleur libellé? C'est ce que vous devrez déterminer lorsque vous procéderez, plus tard, à son examen articlepar article.

J'ai 25 ans d'expérience dans le domaine maritime, et je peux vous dire que trois ou quatre mois, ce n'est pas long. La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada a été promulguée en 2007. La Loi sur la responsabilité en matière maritime a été adoptée en 2001. L'industrie du tourisme d'aventure est assujettie à la Loi sur la responsabilité en matière maritime depuis huit ans, et, depuis huit ans, elle ne peut pas avoir recours à des renonciations. Mais elle existe toujours.

Pas plus tard qu'hier, j'ai vu une publicité à Montréal pour une entreprise de tourisme maritime dans la région des Rapides de Lachine. Manifestement, cette entreprise est toujours en activité. Cela l'aiderait très certainement de pouvoir avoir recours à des renonciations, mais elle survit sans cela parce qu'elle gère bien ses affaires, avec des bâtiments en bon état de navigation. Ajouter au projet de loi des dispositions sur la navigabilité ne changera rien à la façon dont cette entreprise gère ses affaires.

Le marché de l'assurance a considérablement évolué depuis 2001, date à laquelle nous avons adopté le principe de l'assurance obligatoire, à la Convention d'Athènes. Ce secteur a été durement frappé par la crise au troisième trimestre de 2008, et il continue de s'en ressentir au deuxième trimestre de 2009. Peut-on se faire assurer de nos jours? Oui, certainement. Le secteur des assurances attire-t-il autant d'investisseurs que dans le passé? Sans doute pas. Les compagnies d'assurances sont sans doute plus prudentes avant d'assurer quelqu'un, de nos jours, mais elles continuent d'assurer les bons opérateurs. Je suis convaincu que les bons opérateurs réussiront toujours à se faire assurer, que ça devienne obligatoire ou pas, car c'est surtout le marché libre qui va être le régulateur.

C'est un excellent projet de loi, que le Sénat devrait adopter. Devriez-vous l'adopter sous sa forme actuelle? Je suis ici aujourd'hui pour essayer de vous convaincre que deux modifications devraient lui être apportées; ensuite, il devrait être renvoyé à la Chambre des communes, puis faire l'objet d'un vote. Vous avez le temps d'apporter ces modifications. Faites-le, adoptez-le et le reste suivra son cours.

Le sénateur Housakos: Si je vous ai bien compris, vous estimez que si le projet de loiC-7 était appliqué au tourisme d'aventure maritime, cela n'aurait aucun impact sur cette industrie?

M.Barker: Ça aura un impact au sens où cette industrie ne sera officiellement plus assujettie à la Partie 4 de la loi. Quant à savoir si ça en aura un au niveau opérationnel, je constate que ces entreprises sont assujetties au projet de loi depuis huit ans et que cela ne les a pas empêchées de faire des affaires.

Le sénateur Housakos: Toutefois, leur responsabilité ne serait plus aussi grande qu'elle l'est actuellement en vertu du projet de loiC-7, n'est-ce pas?

M.Barker: Tout dépend si elles ont des accidents pendant ces huit années. Leur responsabilité n'augmente pas simplement parce que vous adoptez un projet de loi au Parlement. Leur responsabilité découle du fait qu'elles se livrent à certaines activités dans un domaine précis. Elles avaient ces activités l'année dernière et l'année d'avant, et elles les auront probablement encore l'année prochaine.

Vous êtes en train de dire que si vous adoptez le projet de loi aujourd'hui, elles pourront recommencer à recourir à des renonciations. L'ont-elles fait jusqu'à présent? Je suppose que oui, contrairement au droit canadien, car on ne peut recourir à une renonciation qu'en cas d'accident, avec l'accord d'un juge.

Le sénateur Housakos: Mais pourquoi insistent-elles pour qu'on leur redonne le droit de recourir à des renonciations, alors qu'elles ne s'en sont pas prévalues au cours des huit dernières années?

M.Barker: Je pense que, pour la personne qui la signe, la renonciation est la reconnaissance qu'elle s'engage dans une activité risquée.

Quand je suis allé faire une traversée en tyrolienne à Barry, je savais qu'en emmenant ma fille de 11 ans à une hauteur de 30pieds au-dessus du sol, je courais des risques. Si un accident s'était produit, je n'aurais pas pu dire que je ne savais pas. Je reconnaissais que je m'engageais dans une activité qui est plus risquée que le simple fait de prendre un traversier du point A au point B.

Si j'avais été un passager sur le traversier Queen of the North le soir où il a heurté un écueil, je n'aurais pas consenti au départ à ce qui allait se passer ce soir-là. Je demandais simplement à BCFerries de m'amener du point A au point B en évitant cet écueil. Malheureusement, le bateau a fait naufrage, et le propriétaire du bâtiment ne devrait pas pouvoir se dégager de sa responsabilité.

En ce qui concerne la descente en eaux vives, personnellement, en tant que simple particulier, je n'ai rien contre le fait de signer une renonciation si je sais que je vais m'engager dans une activité un peu risquée. Je suis là justement parce que j'aime le risque. Ma fille voulait faire une traversée en tyrolienne parce que c'est excitant d'être au-dessus des arbres, à 30 pieds du sol. Elle portait bien sûr un harnais et avait suivi une séance d'information sur la sécurité. Les moniteurs du centre étaient très bons et ont pris toutes les précautions voulues, si bien que personne ne s'est blessé cet après-midi-là. Nous avions tous signé une renonciation.

Le sénateur Housakos: Merci, monsieur Barker.

Le président: Les petits opérateurs savent-ils qu'il y a une clause sur la renonciation?

M.Barker: Avec tous les conseillers qu'elles ont à leur disposition, qu'il s'agisse d'avocats, de comptables ou de courtiers en assurances, les petites entreprises sont, je pense, parfaitement au courant des avantages d'une renonciation.

Le sénateur Merchant: Tout cela est très intéressant. Vous donnez de bons exemples et vous êtes facile à suivre.

J'aimerais vous poser une autre question parce que vous avez fait des recommandations sur le délai de prescription. Pourriez-vous nous expliquer ce dont il s'agit?

M.Barker: À l'heure actuelle, il y a des délais de prescription un peu partout dans la loi. Certains sont d'une durée de deux ans, d'autres d'un an. Si vous voulez faire une réclamation pour avarie à la cargaison, vous avez un an pour la faire à partir du moment où le conteneur ou la cargaison a été déchargé du bateau. En cas de collision, vous avez deux ans. Les délais sont donc différents.

Le projet de loiC-7 propose d'avoir un délai de prescription général de trois ans, car il y a souvent confusion avec les délais de prescription imposés actuellement par les provinces. N'oubliez pas que nous sommes dans la sphère de compétence fédérale de la navigation et du transport maritime.

Toutefois, si vous retirez le tourisme d'aventure de la loi, vous le renvoyez, en fait, à la common law, et l'exposez à nouveau à la compétence provinciale. À ce moment-là, des délais de prescription différents s'appliqueront. Si je descends les Rapides Lachine et que je me blesse, j'aurai trois ans pour poursuivre l'opérateur. Si je suis en Ontario, j'aurai deux ans pour le faire. Avant, ce délai était de six ans en Ontario. Je crois qu'il est encore de six ans en Nouvelle- Écosse. Quand j'étais en Colombie-Britannique, c'était deux ans. Les délais varient donc, selon la situation.

Étant donné les recoupements qui peuvent se produire entre la Loi sur les Cours fédérales et les lois provinciales, on ne savait pas trop bien ce qui se passerait dans le cas où aucun délai de prescription ne s'appliquerait à une situation donnée. Le gouvernement a donc proposé un délai général de trois ans. À mon avis, c'est une bonne chose, et l'amendement est solide.

L'argument que l'Association du Barreau canadien faisait valoir à la Chambre des communes était que si vous avez un délai de deux ans dans tel cas, trois ans dans un autre et un an ailleurs, il devrait y avoir moyen d'avoir le même délai dans tous les cas. Ce serait beaucoup plus simple. Très souvent, les avocats se font poursuivre parce qu'ils n'ont pas respecté le délai de prescription. Il est évident que lorsque vous avez des délais d'un an, de deux, de trois, de quatre ans ou même plus, il y a plus de risques d'erreurs.

C'était une proposition qui avait du sens, mais si on avait voulu aller jusqu'au bout du raisonnement, il aurait fallu modifier toute la loi. Il aurait aussi fallu changer les délais prescrits dans les conventions internationales. C'était donc impossible. Nous proposons donc simplement une harmonisation des délais de prescription dans la loi.

J'ai dit, devant le comité de la Chambre des communes, qu'il faudrait avoir une sorte d'accord sur le délai de prescription, qui permet de modifier un délai de prescription par simple accord. Si le plaignant et le défendeur sont d'accord et qu'ils pensent pouvoir s'entendre sur un règlement, ils doivent le faire avant vendredi car le délai de prescription expire vendredi. S'ils ont besoin de plus de temps pour s'entendre, ils peuvent décider de prolonger le délai de prescription de trois mois, par exemple.

C'est ce que nous faisons constamment dans le cadre du régime de la responsabilité à l'égard de la cargaison. Nous avons des compagnies d'assurances en Europe et en Asie, et les demandeurs au Canada. Nous sommes toujours entre les deux, et les compagnies de navigation demandent régulièrement des prolongations du délai afin que les discussions puissent aboutir à un règlement. Je vois rarement une affaire concernant une cargaison passer en tribunal; ce genre d'affaire est toujours réglée à l'amiable.

Nous pensons que les accords sur le délai de prescription devraient être reconnus. La loi permet de le faire, puisqu'elle reconnaît la responsabilité à l'égard de la cargaison. Le problème se pose au niveau provincial, car dans certaines provinces comme l'Ontario, les accords sur le délai de prescription ne sont pas autorisés, alors qu'ils le sont en Colombie-Britannique. Nous avons dit, devant le comité de la Chambre des communes, qu'il s'agissait d'une loi fédérale, et que nous avions donc l'occasion d'y intégrer les accords sur le délai de prescription afin de régler ce problème. Personne n'a jugé bon, au comité de la Chambre des communes, de donner suite à cette suggestion.

Le sénateur Merchant: Êtes-vous satisfait? Allez-vous en rester là? Le comité de la Chambre des communes vous a- t-il expliqué pourquoi il n'était pas prêt à donner suite à votre suggestion?

M.Barker: Non. C'est justement le dilemme auquel je réfléchissais hier soir, avant de comparaître devant votre comité. Je sais bien que, si votre comité apporte un seul amendement au projet de loi, celui-ci sera renvoyé à la Chambre des communes. J'en suis bien conscient.

Vous ne devriez pas vous limiter à changer des virgules ou à ajouter des mots comme «et» ou «ou». Vous devriez plutôt vous demander si c'est une proposition qui mérite d'être étudiée davantage. Est-ce que c'est parce qu'un grand nombre de personnes l'ont examinée mais n'arrivent pas à se mettre d'accord dessus, ou est-ce simplement que c'est bonnet blanc et blanc bonnet?

Le monde ne s'arrêtera pas de tourner parce que les accords sur le délai de prescription ne sont pas intégrés à la loi. Je suis avocat en Ontario et en Colombie-Britannique. Je sais qu'en Ontario, les accords sur le délai de prescription ne sont pas autorisés. Par conséquent, si je n'ai pas trouvé une solution avec le défendeur avant le vendredi, j'intente des poursuites. La législation et les règlements de l'Ontario ont ça de bien qu'ils me permettent d'intenter des poursuites un vendredi et de disposer ensuite de 30 jours pour exécuter la procédure de notification.

Même si les accords sur le délai de prescription ne sont pas autorisés en Ontario, il y a d'autres façons de résoudre le problème. En Colombie-Britannique, je peux continuer de parler au plaignant ou au défendeur, selon le cas, et c'est un moyen de contourner le problème.

Pendant que j'y réfléchissais hier soir, je me disais: y a-t-il des questions auxquelles la Chambre haute devrait s'intéresser? Personnellement, je pense qu'il faut que vous vous intéressiez au tourisme d'aventure étant donné que cette industrie vous demande de ne plus l'assujettir à la loi. Je comprends pourquoi elle ne veut plus être assujettie à la loi, et nous sommes d'accord pour qu'on l'en retire, mais à une condition.

En ce qui concerne les privilèges des fournisseurs de bateaux, je ne voudrais pas que les fournisseurs canadiens soient lésés. Dans mon cabinet de Vancouver, j'ai défendu beaucoup d'Américains, et les fournisseurs américains s'en sortaient beaucoup mieux devant les tribunaux canadiens que les fournisseurs canadiens. Moralement, ce n'est pas correct.

Le projet de loiC-7 uniformise les règles du jeu jusqu'à un certain point, mais pas complètement. Le libellé qui vous est soumis sur les privilèges maritimes va causer des problèmes à certains et profiter à d'autres, ce qu'une bonne loi ne devrait pas faire. Il est un peu étrange que des avocats discutent de quelque chose qui n'a pas encore force de loi. Il est encore temps, pour vous, de dire: «Un instant, s'ils discutent déjà du projet de loi, nous devrions y réfléchir à deux fois.»

Si vous repensez le projet de loi et que vous le renvoyez à la Chambre des communes, celle-ci peut l'adopter et vous le renvoyer à nouveau. Vous avez des mécanismes dans le Hansard. Certes, il ne vous reste guère de temps. Pour les amendements à la Loi sur les pêches, par exemple, le projet de loiC-45 est mort au Feuilleton. Il a été représenté sous la forme du projet de loiC-32, qui contenait exactement le même libellé, mais qui, lui aussi, est mort au Feuilleton. Il sera certainement représenté à nouveau à la Chambre des communes sous la forme d'un nouveau projet de loi, et nous présenterons des mémoires à ce sujet. Je suppose que les mémoires présentés au sujet de la Loi sur les pêches seront semblables à ceux qui ont été présentés au sujet du projet de loiC-32 et du projet de loiC-45. En attendant, la vie continue.

Est-ce une bonne loi? Oui. Peut-elle être améliorée? Oui.

Le sénateur Wallace: Merci, monsieur Barker. J'aimerais parler du privilège maritime dont il est question à l'article139 tel que proposé. Si je compare le nouvel article139 proposé et les amendements que propose l'Association du Barreau canadien, il me paraît évident que l'objectif est d'accorder ce privilège aux fournisseurs afin d'améliorer leurs chances de se faire payer. Je suppose qu'il y a eu des cas où des bâtiments étrangers, une fois qu'ils avaient reçu le matériel et que le travail était fait, ont en quelque sorte levé l'ancre sans se préoccuper de payer leurs dettes. Le privilège maritime donne une certaine sécurité aux fournisseurs.

C'est un peu comme le privilège qui existe dans l'immobilier. Les fournisseurs de matériel et de main-d'oeuvre jouissent d'un privilège, et il leur suffit de faire la preuve qu'ils ont fourni la main-d'oeuvre ou le matériel et que l'entreprise immobilière en a été la bénéficiaire. C'est fondamental. Si l'entreprise immobilière en a été la bénéficiaire, le fournisseur doit être payé.

De la même façon, et c'est l'intention du projet de loi, on estime que lorsqu'un bâtiment a été le bénéficiaire du matériel qui a été fourni, il y a bien un privilège maritime.

Le nouvel article139 qui est proposé ne porte que sur les bâtiments étrangers. Pourriez-vous nous dire si ce privilège est le même dans le cas d'un bâtiment battant pavillon canadien et dans le cas d'un bâtiment battant pavillon étranger?

M.Barker: Il y eu une discussion à ce sujet, avant la présentation du projet de loi, pour savoir si les dispositions devraient s'appliquer aux bâtiments battant pavillon étranger ou aux bâtiments battant pavillon canadien. Lorsque vous approvisionnez un bateau, vous le faites au moyen d'un contrat. Si vous n'êtes pas payé, il y a bris de contrat. Si je suis un fournisseur à Halifax et qu'un bateau canadien appareillé dans le port de Dartmouth, par exemple, ne me paie pas, il me suffit, pour récupérer mon argent, de m'adresser à un tribunal de la Nouvelle-Écosse et de poursuivre l'entreprise canadienne en Nouvelle-Écosse pour bris de contrat; je peux aussi recourir à la cour des petites créances de la Nouvelle-Écosse, s'il y a lieu.

Par contre, s'il s'agit d'un bâtiment battant pavillon étranger, je n'ai pas ce recours, car à partir du moment où il reçoit l'autorisation de la Garde côtière canadienne de lever l'ancre, je ne peux pas m'adresser à la cour des petites créances du Panama, de Cuba ou du Guatemala.

En tant que fournisseur, j'ai le choix. Si le bâtiment battant pavillon étranger vient régulièrement à Halifax, je peux ne pas l'approvisionner à sa prochaine escale dans ce port, tant qu'il ne m'aura pas payé ce qu'il me doit. J'ai eu exactement ce genre de situation il y a quelques mois, avec la Islamic Republic of Iran Shipping Lines. Cette société ne payait pas ses factures à Vancouver. Nous avons menacé de saisir le bâtiment, ce dont elle a fait fi jusqu'à ce que l'un de ses bateaux obtienne un contrat auprès de la Commission canadienne du blé, avec escale à Vancouver. Alors là, tout d'un coup, une marge de crédit a été négociée et toutes les factures contractées à Vancouver ont été payées la veille de l'arrivée du bateau dans ce port.

En tant que fournisseur, dois-je leur courir après dès le premier jour, ou dois-je attendre patiemment le neuvième jour, que le bateau revienne? Bon nombre des bateaux qui accostent dans les ports canadiens font la navette avec l'Asie-Pacifique ou avec l'Europe; autrement dit, ils reviennent toujours, et je peux les avoir à ce moment-là.

Le privilège devient un problème — et je n'ose pas mentionner le mot par les temps qui courent — en cas de faillite. Dans ce cas-là, c'est toujours le créancier garanti, c'est-à-dire l'établissement financier, qui ramasse tout. Les fournisseurs, qu'on appelle aussi les avitailleurs, ne sont pas des créanciers prioritaires. En cas de faillite, donc, le fournisseur n'est jamais payé.

Ce qui est injuste, et c'est à cela que je faisais allusion tout à l'heure, c'est que les fournisseurs américains, eux, sont payés avant la banque. Ils jouissent de ce qu'on appelle un privilège maritime. Le nouvel article139 proposé permettra aux fournisseurs canadiens de jouir du même privilège en cas de faillite, en ce sens qu'ils passeront avant les créanciers garantis. Pour cela, ils devront pouvoir contraindre le propriétaire. L'amendement du gouvernement adopté à la Chambre des communes limite ce privilège à l'acconage et au gabarage. Malheureusement, cela n'aide guère le fournisseur de combustible de soute ou de denrées alimentaires.

Cependant, le libellé actuel du projet de loi leur permettra quand même de passer avant les créanciers garantis. Le nouvel article139 proposé est une bonne chose pour les fournisseurs canadiens dans la mesure où ils seront traités de la même façon que les fournisseurs américains en cas de faillite, pour ce qui est du privilège maritime. Mais s'il n'y a pas de faillite, la situation reste inchangée.

Le sénateur Wallace: Cela dit, nous avons parlé de ceux qui allaient profiter du nouvel article139 proposé et de ceux qui allaient y perdre. Il me paraît évident que les fournisseurs canadiens vont en profiter, puisqu'ils vont jouir d'un privilège maritime sur le bâtiment et que cela va conforter leur position.

Ceux qui risquent d'y perdre, et qui vont vouloir circonscrire le nouvel article139 proposé, sont les organismes de prêts, c'est-à-dire ceux qui ont des hypothèques sur les bâtiments. Ils ne voudront certainement pas que quelqu'un jouisse d'un privilège qui a priorité sur leur hypothèque.

Les amendements présentés au nouvel article139 proposé n'ont-ils pas pour objectif de protéger davantage les prêteurs, au détriment des fournisseurs canadiens?

M.Barker: Je crois que c'est plutôt le contraire. L'objectif est de protéger davantage les fournisseurs.

Que je sache, l'Association des banquiers canadiens ne s'est jamais opposée à ce que les fournisseurs passent devant eux dans la liste de priorités.

Le sénateur Wallace: C'est pourtant ce que les banques font, en général. Elles aiment bien circonscrire ce genre de choses.

M.Barker: Certes, mais elles reconnaissent que, lorsqu'un bâtiment doit être vendu par suite d'une faillite, les dettes du propriétaire du bâtiment à l'égard du fournisseur sont bien inférieures à l'hypothèque que la banque détient sur ce bateau.

À mon avis, ceux qui risquent d'y perdre sont les fournisseurs qui pensent qu'ils ont la priorité par rapport aux banques mais qui vont se rendre compte par la suite, à cause d'une certaine confusion entre la Loi sur la responsabilité en matière maritime et la Loi sur la marine marchande du Canada de 2001, qu'ils n'ont pas la priorité qu'ils pensaient avoir. En cas de faillite, les fournisseurs canadiens risquent d'y perdre si le libellé de la loi n'est pas parfaitement clair. C'est ce dont il était question hier à Montréal.

Le sénateur Wallace: Il n'en demeure pas moins que l'amendement que vous proposez restreint la capacité d'un fournisseur de maintenir ce privilège. Votre libellé est plus restrictif que celui du nouvel article139 proposé.

M.Barker: C'est exact.

Le sénateur Wallace: On peut utiliser chacun ses propres hypothèses, mais il n'en demeure pas moins que cet amendement rend la tâche plus difficile au fournisseur et accroît ses obligations.

Cela dit, je vous reporte à votre lettre datée du 30 avril, au sixième paragraphede la deuxième page, où vous dites:

En même temps, les fournisseurs ne devraient pas être tenus de vérifier chaque fois si la personne commandant des fournitures est le propriétaire du navire. Plutôt, une certaine responsabilité peut être imposée au propriétaire d'un navire, lorsqu'il a conclu un contrat d'affrètement, d'en informer les fournisseurs si l'affréteur n'a pas le pouvoir d'agir en son nom.

Autrement dit, un propriétaire de bateau pourrait avoir l'obligation d'informer les fournisseurs que l'affréteur n'a pas le pouvoir d'agir en son nom. Sinon, le fournisseur qui traite avec quelqu'un qui n'a pas le pouvoir d'agir au nom du propriétaire risque de ne pas pouvoir se faire payer.

Dans le cas d'un bâtiment battant pavillon étranger, sachant dans quels pays les propriétaires de ces bateaux se trouvent généralement, comment peuvent-ils avoir la moindre idée de la personne à qui ils doivent s'adresser? Comment peuvent-ils connaître la destination du bateau?

Ce sont toutes des questions pratico-pratiques. Comment les fournisseurs peuvent-ils être sûrs que la personne avec laquelle ils font affaire est fiable?

Je pense qu'il est fort peu probable que le scénario que vous envisagez ici se produise.

M.Barker: C'est une bonne question.

La personne qui négocie la transaction est le représentant de la compagnie maritime. Il en existait un bon réseau au Canada. Ces représentants sont en contact avec les propriétaires, et ils ont le pouvoir de lier le bateau au nom du propriétaire. Ce sont eux qui s'occupent des transferts de fonds électroniques à partir de l'Iran, du Panama ou d'un autre pays, et qui distribuent l'argent aux fournisseurs.

Quand je m'occupais du dossier d'un bateau en cale sèche à Vancouver, j'appelais le représentant de la compagnie maritime, celui-ci appelait le fournisseur du bateau, et le fournisseur livrait sa marchandise au bassin de radoub. L'argent était viré dans le compte du représentant qui payait ensuite le fournisseur. Ça marchait très bien.

Vous avez raison de dire que, d'après le libellé du nouvel article139 proposé, il faudrait qu'un contrat soit établi avec le propriétaire du bâtiment ou avec la personne qui agit en son nom. Il faudrait qu'un document atteste que la personne qui a signé un contrat avec le fournisseur avait le pouvoir de le faire.

Il me semble que cela rassurerait le fournisseur de savoir que la personne avec qui il signe un contrat a le pouvoir de faire ce qu'elle prétend pouvoir faire, à savoir, dépenser de l'argent. C'est vrai, c'est plus restrictif. Par contre, je ne pense pas que cela constitue une charge administrative excessive vu l'importance du rôle du représentant.

Le sénateur Wallace: Nous avons deux avocats ici, mais ce n'est peut-être pas le genre de discussion qui captive particulièrement la majorité des membres du comité. Toutefois, c'est une question importante, et, comme vous l'avez dit, ce sont les détails qui comptent, et les mots sont importants.

Pour le nouveau paragraphe139(2) proposé, vous suggérez d'ajouter les mots: «découlant d'un contrat conclu avec le propriétaire du navire ou une personne autorisée par le propriétaire du navire».

Par «personne autorisée «, voulez-vous dire que la personne aura reçu une autorité expresse ou une autorité apparente? En d'autres termes, vous parlez de contrats écrits, mais si un fournisseur traite avec quelqu'un qui a une autorité apparente, cela signifie qu'il n'y a peut-être pas de contrat écrit si la personne se trouve être le capitaine du bateau. Le fournisseur peut alors supposer que le capitaine a l'autorité apparente de lier le propriétaire. Par conséquent, il peut livrer sa marchandise en sachant qu'il est protégé.

Par «personne autorisée «, entendez-vous une personne qui a une autorité apparente ou une autorité expresse?

M.Barker: Les deux à la fois. Si vous vous reportez à notre nouveau paragraphe139(3) proposé, on dit que: «un affréteur en coque nue ou un affréteur à temps est présumé être autorisé par le propriétaire du navire». C'est donc implicite ici, à moins que — et c'est une obligation inverse — il n'ait été préalablement précisé par écrit que l'affréteur en coque nue ou l'affréteur à temps n'a pas cette autorité.

L'amendement signifie que le propriétaire pourrait dire au représentant de la compagnie maritime: «Non, vous n'avez pas le droit de faire ça.» Par conséquent, tout le reste est permis. C'est donc les deux à la fois.

Le sénateur Wallace: Sur le plan pratico-pratique, le fournisseur ne verra pas le texte de l'accord conclu avec l'affréteur en coque nue ou avec l'affréteur à temps. Tout ce qu'il aura, c'est une personne en face de lui.

Autrement dit, comment le fournisseur pourra-t-il avoir la certitude que la personne qu'il a en face de lui est habilitée à prendre un engagement qui se traduira par un privilège maritime? Dans ce cas-là, la personne a une autorité apparente puisqu'il n'y a pas de document écrit. Il peut arriver que le capitaine du bateau se présente et dise: «Nous avons une urgence, il faut que ce travail soit fait, faites-le. Nous sommes pressés, et nous connaissons votre tarif quotidien.»

Le fournisseur peut-il dans ce cas se fier à l'autorité apparente de cette personne, ou bien doit-il, comme vous l'avez dit tout à l'heure, demander un engagement écrit?

M.Barker: Non, je pense que c'est implicite. La norme s'applique sauf si le propriétaire affirme par écrit qu'elle ne s'applique pas. C'est là qu'intervient le nouveau paragraphe139(3) proposé. C'est la raison pour laquelle, si vous vous reportez au texte souligné des amendements, nous mettons d'abord les conditions restrictives, c'est-à-dire ce qui concerne un contrat, et que nous prévoyons ensuite des contrepoids, aux nouveaux paragraphes 139(3) et (5) proposés.

L'argument de l'ACDM et de l'ABC est qu'il s'agit d'un tout. Je peux vous dire que le libellé proposé par l'ACDM est repris, en partie, des textes américains. Le système américain est beaucoup plus restrictif. Au Canada, nous faisons ce que nous avons toujours fait, c'est-à-dire essayer de trouver un juste milieu.

N'oubliez pas qu'au départ, notre objectif est de traiter les fournisseurs canadiens de la même façon que les fournisseurs américains, en cas de faillite ou de saisie des bateaux. Le modèle américain était bien, mais il est allé trop loin. J'estime que le modèle que nous avons devant les yeux est nettement préférable. La proposition faite par le gouvernement, par l'entremise du CPTIC, est moins restrictive.

Le sénateur Wallace: J'aimerais faire une dernière remarque, qui est d'ordre purement juridique. Au nouveau paragraphe139(2) proposé, à la deuxième ligne, vous avez ajouté «découlant d'un contrat «. Ensuite, vous avez les alinéas a) et b), et c'est en b), je crois, que vous conservez les mots «fondée sur un contrat «. Il me semble que c'est une redondance.

Si on part du principe que chaque mot est important, il faut bien reconnaître qu'ici, il y a une redondance dans le libellé. Une fois que vous avez ajouté les mots «découlant d'un contrat» au nouveau paragraphe139(2), ils s'appliquent aux alinéas a) et b), et vous devriez donc supprimer «fondée sur un contrat «à l'alinéa b).

M.Barker: Vous avez raison. Ce sont les détails qui comptent.

Le sénateur Wallace: Je ne pinaille pas, mais vous essayez de nous convaincre que ce texte a été mûrement réfléchi et que les mots sont importants. Je pense que c'est une erreur. J'espère que c'est la seule.

Le sénateur Dawson: Je ne sais pas combien de temps il nous reste, madame le président. Je ne voudrais pas entamer un débat si nous siégeons demain.

Le président: Vous pouvez poser votre question, mais pendant la deuxième partie de notre réunion, nous allons examiner un projet de rapport. J'ai demandé qu'on nous fasse un petit breffage sur les deux mémoires écrits que nous avons reçus de la Fédération maritime du Canada et de l'Association canadienne de droit maritime.

Je propose qu'on ait ce breffage aujourd'hui, avant notre réunion de demain. Je vais demander aux fonctionnaires du ministère qui sont ici de nous dire ce qu'ils pensent des témoignages que nous avons entendus ce matin. Cela nous aidera pour l'examen articlepar article, qu'il y ait des amendements ou non.

Le sénateur Dawson: Dans ce cas, je passe mon tour.

Le président: Merci, monsieur Barker et madame Froc. Nous allons examiner sérieusement les propositions que vous nous avez faites ce matin. J'ai vu que les fonctionnaires prenaient des notes. Ils nous diront ce qu'ils en pensent demain. Merci de votre témoignage.

M.Barker: Merci d'avoir pris le temps de nous écouter. Nous l'apprécions beaucoup. Merci, honorables sénateurs.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


Haut de page