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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 6 - Témoignages du 21 octobre 2009


OTTAWA, le mercredi 21 octobre 2009

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 31, pour étudier les enjeux émergents liés à son mandat dans le domaine des communications et faire rapport sur le secteur du sans-fil, notamment sur l'accès à Internet haute vitesse, la fourniture de largeur de bande, le rôle d'édification de la nation du sans-fil, le rythme d'adoption des innovations, les aspects financiers liés aux changements possibles du secteur ainsi que le développement du secteur au Canada comparativement à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous entamons la neuvième réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous poursuivons notre étude sur le secteur du sans-fil. Aujourd'hui, nous recevons M. Kenneth Campbell, directeur général de Global Wireless Management Corporation.

[Français]

Lors de la mise aux enchères du spectre sans-fil 2008, la société canadienne de télécommunications Globalive Communications a acquis une quantité considérable de fréquences radio. Elle est désormais en mesure d'offrir aux Canadiens plus de choix en matière de services et de technologie cellulaire.

Kenneth Campbell, président-directeur général, Globalive Wireless Management Corp. : Il me fait plaisir d'être ici ce soir. Je suis directeur général chez WIND Mobile, qui est la marque de Globalive Wireless.

Avant de me joindre à WIND, j'ai travaillé dans le secteur des télécommunications en Europe, en Afrique du Nord et aux États-Unis. Mon dernier poste fut directeur général chez Bite, qui est un partenaire de Vodafone en Lituanie et en Latvie.

Depuis 17 ans que j'habite à l'étranger, j'ai donc décidé de revenir au Canada pour profiter de cette occasion de travailler pour une nouvelle compagnie canadienne. Lorsque cette opportunité s'est présentée, mes sentiments étaient partagés. J'étais préoccupé par le fait que le Canada, au niveau des télécommunications sans-fil, avait un taux de pénétration incroyablement bas par rapport aux autres pays et que les consommateurs avaient un choix limité de fournisseurs. Par contre, j'étais très motivé par le potentiel énorme d'introduire de nouveaux produits, de nouveaux services et de nouvelles options pour améliorer l'offre aux Canadiens.

[Traduction]

J'aimerais aujourd'hui, dans le cadre de cet exposé, vous faire part de mes vues et de celles de WIND, notre marque de commerce, le nom de notre entreprise, sur le secteur canadien du sans-fil.

L'automne dernier, WIND a dépensé 440 millions de dollars pour acheter une licence de spectre qui lui permet de desservir toutes les régions du Canada, d'un océan à l'autre, sauf au Québec, malheureusement, où elle n'a pu obtenir des fréquences. L'entreprise est contrôlée par Globalive Communications, dont le siège social est situé à Toronto. Globalive est bien implantée dans le marché canadien des télécommunications. Considérée comme un sérieux concurrent, elle fournit des services par l'intermédiaire de différentes marques, telles que Yak, One Connect, conçu pour les petites et moyennes entreprises, et Canopco, qui dessert l'industrie du tourisme d'accueil.

Le fondateur de Globalive, Tony Lacavera, est un jeune entrepreneur canadien qui s'est associé à un chef de file mondial, Orascom Telecom. Présent dans divers pays, soit la Grèce, l'Italie, l'Afrique du Nord et l'Asie, Orascom compte 100 millions d'abonnés, ce qui en fait un joueur non négligeable sur le plan international.

En ce qui nous concerne, après avoir obtenu la licence d'Industrie Canada, en mars, nous nous sommes attachés à accélérer le développement de notre réseau. Nous sommes en train de nous implanter à Ottawa, Toronto, Calgary, Edmonton et Vancouver. Nous avons mis sur pied des centres d'appels à Mississauga et Peterborough. Nous avons effectué notre premier appel et envoyé notre premier message texte. Notre entreprise emploie 500 travailleurs qui sont très motivés.

Nous prévoyons investir plus de 1 milliard de dollars dans ce projet, ce qui vous donne une idée de son ampleur. Il s'agit d'une initiative majeure qui permettra de créer un réseau IP doté des technologies les plus avancées. La transmission de données, fixée initialement à 7.2, pourra, grâce à ces technologies, atteindre des débits plus rapides semblables à ceux de la large bande sans fil. Vous pourrez à l'aide de ce système visionner des vidéos.

Pourquoi sommes-nous ici? Pourquoi profiter de cette occasion? Franchement, si je suis revenu, c'est parce que le Canada accuse du retard dans le domaine du sans-fil. Le fait d'avoir travaillé dans cinq marchés différents m'a permis de constater trois choses : nos taux de pénétration sont faibles, nos prix sont élevés et les services qui sont offerts laissent à désirer. Je vous invite à jeter un coup d'œil à ces chiffres. Le taux de pénétration au Canada, c'est-à-dire le nombre de personnes ayant accès au sans-fil est de 65 p. 100, ce qui est inférieur au taux observé aux États-Unis et dans certains pays d'Europe. Dans certains marchés, le taux de pénétration atteint presque 100 p. 100. Ce seuil risque d'être dépassé du fait que nous avons tous un ou plusieurs appareils dans nos poches.

Le Canada a également pris du retard selon l'indice de développement ITU. Il est passé de la neuvième à la 19e place, ce qui n'est pas une bonne chose. Voilà pour le contexte.

Le Canada doit améliorer les services offerts. Il n'est pas nécessaire d'aller très loin ou de parler à un grand nombre de personnes pour constater que les entreprises et les consommateurs sont insatisfaits du niveau de service. WIND entend s'attaquer à ce problème. Nous avons, dans le cadre de nos recherches, établi une comparaison entre les services offerts par des fournisseurs européens et ceux fournis par Bell, Rogers et Telus. Nous avons demandé aux consommateurs de les évaluer sur une échelle de 1 à 10 — le sondage aléatoire est une technique d'évaluation assezcourante. Nous nous sommes rendu compte que les services assurés par Rogers, Bell et Telus seraient loin d'être jugésacceptables dans ces autres marchés. Les Canadiens ne sont pas du tout satisfaits des niveaux de service qu'ils reçoivent. Cette situation est attribuable à de nombreux facteurs, dont les prix. Les Canadiens paient plus et ont accès à moins de services. Nous payons en moyenne deux fois plus que les Américains. Nous avons plusieurs autres exemples de marchés où les prix — et je ne fais allusion qu'aux minutes d'appel téléphonique, ici, car il y a, bien sûr, beaucoup de gens qui envoient des messages textes et qui utilisent l'Internet à d'autres fins — sont nettement moins élevés.

Il existe un lien direct entre le prix et l'utilisation. Les Canadiens, comparativement aux Américains, utilisent le sans- fil beaucoup moins : 435 minutes contre 830. C'est à cause du prix, non pas parce que les Américains parlent plus. À mon avis, nous avons pris du retard pour de nombreuses raisons, dont trois en particulier.

Premièrement, l'industrie au Canada est essentiellement oligopolistique. Trois joueurs se partagent le marché. Le Canada est un pays composé de régions, et chacune d'entre elle est dominée par deux joueurs, ce qui équivaut à un duopole. L'Ontario constitue peut-être la seule exception à la règle. Les consommateurs peuvent choisir entre trois joueurs, mais il y a en a deux qui dominent le marché.

Quelles en sont les conséquences? Habituellement, dans un modèle microéconomique, la concurrence accrue entraîne une baisse des prix. Or, on remarque une certaine anomalie à ce chapitre au Canada. Le revenu moyen par utilisateur augmente, alors qu'ailleurs, il stagne ou, dans bien des cas, il diminue. Ce facteur, entre autres, explique la situation que nous connaissons dans le domaine du sans-fil.

Deuxièmement, la taille des marchés. Déployer un réseau sans-fil coûte très cher. Comme je l'ai mentionné, nous avons dépensé plus de un milliard de dollars US — nous en sommes presque là — pour mettre en place cette technologie. Seule une entreprise qui dessert un vaste marché peut se permettre d'acheter des quantités importantes de matériel, de construire des pylônes, de raccorder des antennes. Tout part de là. Quand nous comparons Rogers, Bell ou Telus aux autres grandes entreprises qui ont étendu leurs opérations à l'échelle internationale, nous constatons que le rayonnement n'est pas le même. Quand vous faites affaire à des vendeurs comme Vodafone ou Telefónica, l'exploitant espagnol, ou même avec un fournisseur chinois de téléphones cellulaires qui a accès à un marché étendu dans son propre pays, vous pouvez acheter l'équipement à des prix inférieurs.

Troisièmement, nous avons constaté — et vous allez bientôt comprendre — que l'adoption de normes technologiques a entraîné un fractionnement des marchés au Canada. Deux exploitants ont choisi la norme CDMA. Rogers, lui, a choisi la norme GSM, une norme internationale plus rigoureuse. Or, l'application d'une telle norme peut entraîner une baisse des prix. Nous sommes tous en train d'évoluer vers une plate-forme qui va nous aider dans les années à venir, sauf que cette démarche a ralenti le développement de l'industrie, dans une certaine mesure, et obligé les exploitants à accepter une structure de coûts plus élevés.

Passons maintenant à l'industrie elle-même. Jusqu'à maintenant, nous avons mis l'accent sur la communication vocale, sauf que l'avenir appartient au large bande sans fil. Au Japon, par exemple, les abonnements au service sans fil sont en hausse : les gens utilisent le téléphone pour avoir accès à Internet, aux vidéos, ou pour d'autres types d'applications, en enfichant une clé électronique dans un portable ou peu importe. Il y a un nombre incroyable de consommateurs au Japon qui utilisent cette technologie. En Autriche, un pays avec lequel j'entretiens des liens étroits, 50 p. 100 des nouveaux abonnements visent les abonnements données.

Toutefois, la téléphonie mobile à large bande commence également à connaître du succès dans d'autres marchés. Il s'agit là, à notre avis, d'un débouché extraordinaire pour le sans fil.

L'utilisation des données, au Canada, comme vous pouvez le voir sur cette diapositive, n'est pas aussi étendue qu'en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Cette situation va, bien sûr, changer.

Les combinés, les technologies ou les dispositifs qui vont favoriser l'utilisation de la large bande, voilà où se dirige le marché. Voilà où nous devons nous positionner pour l'avenir.

Nous constatons que de nombreuses conditions favorables sont en train d'être réunies au Canada. L'an dernier, le gouvernement a décidé de réserver une partie du spectre aux nouveaux arrivants sur le marché, ce qui a permis d'ouvrir la voie à la concurrence et d'attirer non seulement beaucoup d'investissements, mais également quelques joueurs importants et intéressants.

La concurrence dans ce milieu ne se crée pas toute seule. Elle doit, dans une certaine mesure, être encouragée, un fait que le gouvernement, à mon avis, a reconnu dans deux politiques qu'il a adoptées. La première porte sur l'itinérance obligatoire. En vertu de cette politique, nous pouvons, à partir d'Ottawa, placer un appel au moyen d'un téléphone sans fil dans la Gatineau, une zone desservie par un autre fournisseur de service. Nous avons pu conclure une entente d'itinérance grâce aux conditions imposées par le gouvernement.

Ce facteur est important, car autrement, il nous aurait fallu des années pour rattraper le retard à ce chapitre.

Le sénateur Banks : Le gouvernement a obligé les autres fournisseurs à distribuer votre signal à l'extérieur de votre zone de couverture.

M. Campbell : Le gouvernement a créé un mécanisme qui impose l'arbitrage si les parties n'arrivent pas à s'entendre. Les fournisseurs savaient qu'une telle politique allait finir par voir le jour. Il y a 10 ans, les nouveaux joueurs comme Fido, à Montréal, et Clearnet ont été défavorisés par le fait que la zone de couverture était trop limitée.

La deuxième politique porte sur le partage des pylônes. Quand on se promène sur une autoroute, on voit parfois un ou deux pylônes qui sont érigés côté à côte. Dans de nombreux pays, ces infrastructures font l'objet d'un partage. Les sociétés de ce secteur se négocient sur la base de multiples plus élevés que les entreprises du sans fil. Au Canada, il s'agit là d'un élément d'actif stratégique pour de nombreux fournisseurs. Le gouvernement l'a reconnu. Il a dit : « Nous allons imposer le partage des pylônes. Rogers, Bell, Telus, si vous avez de la place sur vos pylônes, vous allez devoir partager ceux-ci avec les nouveaux joueurs. » Il est facile d'inscrire cette exigence dans une loi. Or, dans la pratique, le partage des pylônes n'existe pas. Voilà près d'un an que nous travaillons à mettre au point notre réseau.

Quoi qu'il en soit, il y a des questions à régler de ce côté-là, un sujet trop long pour être abordé ici.

D'autres mesures doivent être prises pour encourager la concurrence sur le marché. Par exemple, il faut favoriser l'interconnexion entre tous les fournisseurs pour que nous puissions avoir la possibilité de placer un appel à partir d'une ligne fixe ou d'un réseau sans fil. Il faut rationnaliser le processus de réglementation, qui n'est pas aussi simple que je le souhaiterais. Il faut interdire l'exclusivité pour empêcher qu'un fournisseur exerce un monopole sur un appareil en particulier, un appareil auquel les autres exploitants n'ont pas accès. Il s'agit là d'un problème auquel le gouvernement américain est en train de s'attaquer. Le Canada devrait peut-être faire la même chose.

Par ailleurs, il faudrait envisager d'attribuer de nouvelles fréquences, car un jour, il n'y aura peut-être plus de spectre exploitable. Nous devons tenir compte de ce facteur.

La concurrence se fait plus vive au Canada. Nous allons pénétrer ce marché, faire bouger les choses. Autre point intéressant : les frais de service sont en train de diminuer, tout comme le coût des dispositifs, des terminaux, des appareils. Certaines personnes ont manqué de chance au début. Il y a quelques années, les dispositifs coûtaient environ 2 000 $. L'an dernier, j'ai acheté en Europe des terminaux Vodafone pour 30 euros. Le prix tourne maintenant autour de 30 $. Les cellulaires sont eux aussi devenus très abordables. Nous allons continuer d'assister à une baisse des prix et à une amélioration des fonctionnalités.

Autre point fort de l'industrie : les débits de transmission, sujet que j'ai déjà abordé. Nous pouvons maintenant transmettre beaucoup plus de données. Les prix dans ce domaine diminuent et la concurrence, elle, s'accentue. Tous les éléments sont donc en place pour favoriser la concurrence.

Je sais que vous comptez vous rendre en Estonie et en Europe dans le cadre de votre étude. Il va être intéressant de voir l'évolution que connaît l'industrie là-bas, comment les fournisseurs et les autres intervenants dans la chaîne de valeur envisagent celle-ci. Certains d'entre vous possèdent, j'en suis certain, un iPhone, un appareil qui fournit toute une gamme de fonctions nouvelles aux consommateurs. Google a lancé un portable appelé Android qui permet à un plus grand nombre de développeurs d'applications d'offrir des services par voie téléphonique : repérage d'un lieu, carte, commerce électronique, magasinage, téléchargement de jeux, chose que mon garçon de 14 ans pourra faire. BlackBerry est en train lui aussi de mettre au point une technologie nouvelle.

Il y a des fabricants de dispositifs ou de téléphones cellulaires qui essaient de monter dans la chaîne de valeur et de créer un environnement favorable aux développeurs pour que nous puissions accroître nos revenus et encourager les consommateurs à accorder une plus grande place à ces produits dans leur vie.

Il y a des percées importantes qui se produisent du côté des données, comme je l'ai mentionné plus tôt. Certains dispositifs vont être en mesure d'offrir des applications comme Skype et Fring, systèmes qui permettent d'effectuer des appels vocaux au moyen d'un canal de transmissions de données, une technologie qui coûte, bien sûr, beaucoup moins cher.

Par ailleurs, la distance n'aura plus tellement d'importance quand viendra le temps de faire un appel. En fait, elle ne compte plus tellement à l'heure actuelle. Les modalités d'utilisation du téléphone cellulaire, les conditions économiques de cette industrie, vont changer.

Je voudrais vous parler un peu de ce que j'ai vu dans d'autres régions du monde. Je n'ai plus de téléphone conventionnel depuis 10 ans. Cet appareil commence à disparaître dans certaines régions du monde, et même aux États-Unis. Les gens n'appellent plus des localités, mais des personnes. Le service téléphonique conventionnel à fil est encore très répandu au Canada. Nous disposons d'une excellente infrastructure pour service fixe, sauf que le nombre de ménages qui utilisent uniquement le sans-fil est à la hausse. Au cours des 20 prochaines années, les téléphones conventionnels que l'on trouve encore dans les foyers vont disparaître. Les lignes fixes seront de moins en moins nombreuses, et c'est là un facteur important qu'il faut garder en tête.

Pour ce qui est des applications, les pays Baltes, notamment la Lituanie et la Lettonie, qui sont d'anciennes républiques soviétiques, ont réalisé sur ce plan d'importants progrès au cours des deux dernières décennies. En fait, elles devancent le Canada et certains pays d'Europe au chapitre de l'utilisation et du déploiement du sans-fil.

En Lituanie, je pouvais garer ma voiture et payer le stationnement en envoyant un message texte. Les systèmes de paiement et de stationnement de la ville sont totalement intégrés. Je pouvais également faire des opérations bancaires de cette façon. L'Estonie a lancé un projet-pilote pour développer une application permettant le vote électronique.

L'utilisation de cette technologie connaît des changements profonds, et ce, dans des régions du monde que les gens ont de la difficulté à identifier sur une carte.

On assiste également à des innovations au niveau de l'exécution de paiements, de transactions bancaires, par cellulaire. Vodafone et Safaricom au Kenya ont mis au point une application extraordinaire appelée M-PESA. Elle permet à une personne se trouvant dans une région du pays de transférer des fonds, par exemple à ses parents qui vivent dans une région rurale, en ouvrant un compte auprès d'un mandataire, en versant de l'argent dans celui-ci via son cellulaire, et en envoyant ensuite un message à un agent situé dans une autre région. L'opération est assez simple. Elle ne fait intervenir aucune technique de transmission de données. Il s'agit là d'outils réels et concrets que les consommateurs peuvent utiliser.

Cette technologie permet aussi les simples transferts de fonds. Si vous manquez de crédit dans votre compte de téléphone cellulaire, je peux vous en envoyer.

Les applications ne cessent de croître. Nous allons être en mesure d'effectuer des opérations qui étaient jusqu'à maintenant inimaginables. Nous pouvons créer un environnement qui rendra une telle chose possible. Le Canada occupe une place privilégiée. Nous sommes prêts pour le changement. En tout cas, les consommateurs le sont.

Nous avons lancé la marque WIND il y a environ un mois et demi. Nous avons créé un site web qui permet aux gens de clavarder et de nous dire quelles applications ils aimeraient pouvoir utiliser. Quelque 1,1 million de clics ont été enregistrés sur notre site, ce qui est énorme. Nous avons aussi lancé une campagne vidéo virale, que 20 000 personnes ont visionnée. On ne répond pas actuellement aux besoins des consommateurs, et ceux-ci éprouvent beaucoup de frustration.

Nous avons pris du retard sur les marchés, mais les gens sont prêts pour du changement. La vente aux enchères que le gouvernement a consentie l'an dernier a ouvert la porte à une vraie concurrence. Les tarifs, les terminaux et les combinés seront maintenant plus abordables. Nous devons continuer à suivre de près cet environnement et prendre des mesures pour favoriser son développement.

J'aimerais vous faire part de quelques idées que j'estime importantes pour créer un environnement qui favorise l'essor de l'industrie du sans-fil.

Il faut d'abord adopter des politiques qui favorisent la concurrence. La concurrence ne décourage pas les investisseurs. Elle favorise l'innovation. De plus en plus d'entreprises canadiennes, comme DragonWave et Bridgewater (qui sont établies tout près d'ici et avec lesquelles nous faisons affaire) développent des technologies innovatrices qui vont favoriser et aider le secteur sans fil.

Nous voulons décourager l'exclusivité. Nous voulons éviter d'empêcher les nouveaux venus d'entrer sur le marché. Il est extrêmement difficile de percer le marché dans ce domaine. Les ententes à appareil exclusif ne nous ont pas aidés. Je pourrais vous donner plein d'autres exemples, comme encourager le partage des tours. Les politiques publiques peuvent favoriser la concurrence de nombreuses façons.

Il faut faciliter l'accès au capital; nous bâtissons notre réseau avec tout juste 200 millions de dollars en financement consenti par nos fournisseurs. Les fournisseurs d'équipement (c'est-à-dire les Nokia, Siemens et Alcatel-Lucents de ce monde) financent notre investissement. Malheureusement, les fabricants canadiens n'ont pas toujours la capacité d'offrir du financement. Ils peuvent y avoir accès s'ils exportent leurs produits par l'entremise d'Exportation et Développement Canada, mais au Canada, ce n'est pas aussi facile. Il est possible d'appuyer notre industrie nationale.

Pour ce qui est des fournisseurs de service, nous venons tout juste de passer à travers d'un incroyable processus avec le CRTC, qui fait l'examen de nos droits de propriété étrangers. Pourquoi? Parce qu'un jeune entrepreneur de Toronto a réussi à conclure un partenariat avec une importante société internationale, et cela constitue une menace pour les titulaires de service actuels.

Il est crucial pour nous de pouvoir aller chercher des travailleurs spécialisés, d'accroître notre portée et de trouver des partenaires nationaux. L'industrie du sans-fil ne pourra prendre de l'expansion que si nous visons plus loin que nos frontières.

Il faut revoir les coûts associés aux services. Au Royaume-Uni, si je fais un appel à Londres à partir d'Édimbourg, je n'ai pas à payer de frais d'interurbain. Il n'existe pas de protocole ILEC ou CLEC. Il faut que différents réseaux puissent être interreliés. Notre régime de réglementation ne changera pas du jour au lendemain, mais il faut être conscient qu'il entraîne des coûts supplémentaires et que l'infrastructure est complexe et peu commode. Cela a pour effet de faire grimper nos coûts d'opération et d'accroître nos besoins d'investissement.

Finalement, il faut aussi porter attention au spectre lui-même. Nous avons acheté une bande de 2 100 mégahertz. Et nous allons toute l'utiliser. Nous espérons trouver des façons différentes et innovatrices pour l'exploiter. Nous n'allons pas laisser dormir, comme c'est déjà arrivé avec certains. Il est parfois plus avantageux pour les titulaires de ne rien faire avec le spectre qu'ils ont acheté. Nous devons créer de nouveaux environnements qui favorisent les investissements, la concurrence et l'entrée en jeu de nouveaux fournisseurs d'appareils.

C'est tout pour ma présentation. Nous entrons dans une ère très intéressante pour l'industrie du sans-fil. Nous allons soit gagner du terrain, soit continuer à traîner derrière. Le marché est favorable et toutes les conditions sont en place pour opérer de grands changements.

Le président : Merci, monsieur Campbell.

J'ai oublié de dire à nos honorables sénateurs au début de la réunion que j'aimerais que tout le monde reste après ce témoin. Nous allons poursuivre la séance à huis clos. Le sénateur Mercer aimerait soumettre une question à notre attention.

Aussi, j'aimerais avoir une idée du nombre de personnes qui souhaitent poser des questions, de façon à ce que je puisse mieux partager le temps qu'il nous reste.

Le sénateur Johnson : Merci d'avoir accepté notre invitation. J'ai beaucoup apprécié votre présentation. On nous avait déjà parlé de l'insatisfaction des consommateurs à l'égard des services actuels, et quelqu'un avait qualifié de médiocre le secteur du sans-fil au Canada. Je ne sais pas si vous êtes aussi de cet avis.

Par contre, le rapport de surveillance des services de communications publié cette année par le CRTC indique que le pourcentage de la population à avoir accès à un service sans fil de troisième génération est passé de 78 à 91 p. 100 entre 2007 et 2008. On y apprend aussi que plus de 98 p. 100 de la population a maintenant accès à un service sans fil de deuxième génération.

Est-ce que l'arrivée de Globalive dans l'industrie du sans-fil au Canada permettra à une plus grande proportion de la population d'avoir accès à un service sans fil de troisième génération?

M. Campbell : Ces statistiques font état du territoire desservi. On parle ici des régions où nos réseaux sont disponibles. Ces données sont typiques d'un marché en développement. Des services de troisième génération ont été déployés au fil des ans dans bien d'autres endroits. Franchement, le plus gros impact qu'aura notre entrée sur le marché, ce sera sur la concurrence. C'est bien beau de mettre un réseau en place, mais si les prix sont trop élevés et que trop peu d'options sont offertes aux consommateurs pour que ce soit avantageux pour eux, ces derniers ne l'utiliseront pas et on ne pourra pas le développer davantage. C'est vraiment ce qu'il faut retenir.

Le sénateur Johnson : Vous nous avez aussi dit que tous les titulaires de service avaient obtenu de piètres résultats quant à la satisfaction des consommateurs. S'agissait-il des joueurs présents actuellement dans l'industrie?

M. Campbell : Oui. La vision que notre entreprise a adoptée consiste à offrir de bons services à bons prix. On pourrait croire que c'est une idée illusoire, mais il est en fait possible d'offrir aux consommateurs une expérience plus agréable et plus simple quand on bâtit une nouvelle entreprise téléphonique et qu'on n'a pas à rapiécer les vieux systèmes.

Les consommateurs nous ont entre autres dit qu'ils trouvaient les plans tarifaires complexes et difficiles à comprendre. Ils ont toujours la surprise de recevoir une facture salée à la fin du mois. On leur impose des frais inattendus, et la facturation est compliquée. Puis, lorsqu'ils communiquent avec le centre d'appels ou qu'ils se rendent en magasin, ils n'obtiennent pas le niveau de service auquel ils s'attendent.

C'est pourquoi on constate autant de frustration et d'insatisfaction chez les consommateurs à l'égard des services. Dans un marché concurrentiel, les commerçants tentent de se démarquer des autres en en donnant toujours plus à leurs clients. Peu importe le secteur, les consommateurs vont choisir les compagnies qui offrent les meilleurs prix et les meilleurs services.

Le sénateur Johnson : Vous avez parlé du CRTC. Dans votre conclusion à propos de la concurrence, vous avez mentionné l'accès plus facile au capital et le processus du CRTC. Pouvez-vous nous dire où en est le dossier?

M. Campbell : Le CRTC a décidé, pour la première fois depuis sa création, de tenir une séance publique multipartite afin d'examiner notre demande de mise en ondes et d'examiner nos droits de propriété et de contrôle. La décision sera rendue la semaine prochaine. Nous sommes très confiants. En fait, Industrie Canada a fait son évaluation et nous a accordé une licence. Le cadre législatif qu'examine le CRTC est très semblable. Nous avons très confiance en notre soumission, et nous avons hâte d'avoir des nouvelles du CRTC.

Ceci étant dit, les titulaires de services connaissent le système. Ils le connaissent beaucoup mieux que nous, alors j'ai trouvé assez intéressante l'idée de tenir une séance publique lors de laquelle nos concurrents potentiels pouvaient présenter des arguments contre notre entrée sur le marché. Cela rend l'entreprise encore plus complexe.

Le sénateur Johnson : Nous avons étudié sérieusement toute cette question du CRTC en rapport au système de réglementation.

M. Campbell : Nous respectons le CRTC. Il a un travail à faire, et nous avons suivi les procédures établies.

Le sénateur Johnson : Peut-être que son travail est terminé. J'aimerais maintenant qu'on parle des pays baltes. Je trouve fascinant qu'ils aient pu créer un environnement qui a permis à leur industrie du sans-fil de connaître un tel essor. Pouvez-vous nous faire part brièvement de vos commentaires à ce sujet?

M. Campbell : C'est incroyable. Et ce n'est pas seulement dans les pays baltes; le phénomène s'étend à toute l'Europe de l'Est. J'ai travaillé pour une compagnie canadienne appelée TIW. C'est Charles Sirois qui a mis sur pied cette entreprise. Nous faisions des affaires d'or en Roumanie et en République tchèque. Les affaires allaient bon train, mais nous n'avions pas de marché au Canada. L'entreprise a finalement été vendue à Vodafone.

Ces marchés encouragent la concurrence. Dans les pays baltes, notre président était originaire du Canada, et plusieurs autres Canadiens travaillaient aussi avec nous là-bas. Nous étions en concurrence avec les Suédois, les Danois et quelques fournisseurs locaux en Lituanie et en Lettonie. Quand trois opérateurs se partagent des marchés de 3 millions de personnes, et dans le cas de la Lettonie de 2 millions de personnes, cela ne peut que favoriser une vive concurrence. Les consommateurs en sortent gagnants, et plus de gens adoptent le téléphone. Bien sûr, les revenus sont moins élevés. Et c'est en fait ce qui s'est passé.

Quand il est devenu difficile d'accroître ses revenus, vous devez trouver d'autres façons de faire entrer de l'argent, comme vendre des billets de stationnement, permettre des services bancaires, offrir des sonneries amusantes, et j'en passe. C'est un peu ce qui se passe, et la situation sera exacerbée par l'offre de services de troisième génération.

Le sénateur Mercer : Quand vous avez parlé des politiques favorisant la concurrence et du suivi qui devait être fait, pourquoi avez-vous dit qu'il n'y avait pas de partage des tours?

M. Campbell : Pourquoi les opérateurs ne partagent-ils pas les tours?

Le sénateur Mercer : Oui.

M. Campbell : Il y a deux raisons. Les opérateurs se sont tournés vers le partage des infrastructures pour réduire les coûts. Ils veulent maximiser l'utilisation de leurs ressources. Mais les besoins ne sont pas vraiment là, et le niveau de concurrence n'incite pas les propriétaires à trouver des applications secondaires à leurs tours.

Mais surtout, les opérateurs canadiens ont vu que leurs infrastructures leur fournissaient un atout stratégique. Si je suis propriétaire de la tour érigée dans votre ville, rien ne m'oblige à la partager avec un concurrent. Construire une tour peut coûter plus de 200 000 $. Il est évident que cela limite l'arrivée de concurrents sur le marché.

Le sénateur Mercer : Vous nous avez dit que le partage de tours était obligatoire. Si vous étiez propriétaire d'une tour dans mon village en Nouvelle-Écosse et que votre concurrent vous demandait d'y installer une antenne, ne s'agirait-il pas d'un partage? Pourquoi est-ce que cela ne fonctionne pas?

M. Campbell : Il y a beaucoup de façons de déjouer le système. Les propriétaires de tours vont vous offrir d'installer votre antenne à 10 mètres, mais cette hauteur n'offre pas un périmètre de rayonnement suffisant. C'est sur la partie inférieure de la tour; il faut placer les antennes à une certaine altitude. Les propriétaires vous donneront comme argument qu'ils doivent se réserver de l'espace pour leur utilisation future. Et il faut commander une étude de génie civil pour déterminer si la tour peut accueillir une autre antenne.

Nous trouverons le moyen de partager une tour; il n'est pas évident de régler tous les détails techniques entourant la conclusion de telles ententes, et les titulaires ne sont pas toujours enclins à partager leurs joujoux.

Le sénateur Mercer : De toute évidence, l'obligation n'était pas assez forte.

M. Campbell : De ce fait, nous ne comptions pas sur le partage de tours lorsque nous nous sommes lancés dans cette entreprise, alors nous avons planifié nos activités autrement.

Le sénateur Mercer : Les consommateurs aimeraient bien que cela fonctionne. Peut-être aurons-nous plus tard l'occasion d'entendre ce qu'ils ont à dire à ce propos.

La question que je pose à tous les témoins qui se présentent devant ce comité porte sur les services offerts dans les régions rurales du Canada. Avez-vous l'intention d'offrir des services dans les milieux ruraux du Canada? Lorsqu'on vous a accordé votre licence, a-t-il été question d'offrir des services dans les milieux ruraux, ou vous a-t-on imposé des restrictions pour que vous fournissiez des services aux milieux ruraux du Canada?

M. Campbell : Il n'y a rien qui parle précisément des milieux ruraux au Canada et qui nous obligerait à offrir des services dans ces endroits, mais nous devons développer notre réseau dans toutes les régions où nous détenons une licence. Mais cela ne signifie pas nécessairement que nous sommes obligés de développer le réseau dans un milieu rural qui ne serait pas rentable pour nous.

Ceci étant dit, la technologie évolue. Le nouveau spectre de 700 mégahertz qui sera lancé l'an prochain, ou un peu plus tard, permettra de rentabiliser beaucoup plus facilement le déploiement de services sans fil dans les zones rurales.

Pour le moment, nous concentrons nos efforts sur les grands centres, parce que nous devons évidemment récupérer notre investissement. Les régions rurales du Canada représentent certainement un marché intéressant, que nous pourrions exploiter seuls, ou encore en partenariat avec des entreprises locales. Nous étudions cette possibilité.

Le sénateur Mercer : Finalement, vous avez parlé de la baisse du prix des appareils. C'est drôle, j'ai moi-même eu, depuis que je suis entré dans l'ère du sans-fil, les deux premiers appareils montrés sur votre image. Je possède aujourd'hui un BlackBerry.

Alors que nous développons des marchés partout dans le monde, et que nous savons que la technologie sans fil est l'outil de choix dans plusieurs pays en développement étant donné le coût élevé des téléphones conventionnels, devrions-nous mettre en place un programme qui consiste à recueillir les nombreux appareils en circulation — je reprends vos paroles — et à les recycler pour les envoyer aux pays du tiers monde, afin de réduire les frais imposés aux consommateurs là-bas?

M. Campbell : Il est important de recycler les combinés téléphoniques à mon avis. Nous devrions tous offrir des programmes de récupération des appareils. Qu'on les remette à neuf pour les envoyer au tiers monde ou qu'on leur trouve une autre vocation, c'est une possibilité à envisager. Il existe déjà un marché gris d'appareils remis à neuf, mais j'encouragerais certainement la mise en place d'un programme de récupération.

Phénomène intéressant que j'ai pu constater quand je travaillais dans des marchés émergents en Afrique du Nord, c'est que même si les gens gagnent très peu d'argent, ils ont du mal à résister à l'envie de s'acheter un bel appareil Nokia tout neuf. C'est encore une question de style pour bien des gens.

Le sénateur Zimmer : J'ai deux questions pour vous. Offrez-vous des services qui s'adressent particulièrement aux consommateurs des régions éloignées, rurales ou du Nord, et avez-vous des suggestions pour conquérir ce marché non rentable, comme l'a décrit un de nos témoins précédents?

M. Campbell : Nous détenons des licences dans le Nord et nous examinerons différentes possibilités. La technologie a ses limites, et le rendement économique est difficile à justifier dans certaines régions, mais le spectre de 700 mégaherzt pourrait aider dans une certaine mesure. Il ne nous permettra toutefois pas de desservir toutes les régions; le pays est beaucoup trop grand pour cela.

Cela dit, la technologie des satellites pourrait compléter celle du spectre. Il est généralement possible d'entrer dans une zone desservie par un réseau satellite, et je crois que ce genre de service est très répandu. Comme je l'ai indiqué, j'ai travaillé en Égypte, où nous avions conclu une entente d'itinérance des services avec Inmarsat. Certains appareils permettaient aux usagers qui sortaient de la région desservie de se connecter au satellite qui pouvait assurer la correspondance voulue. Économiquement parlant, cela commence à valoir la peine, mais tout dépend de la densité de la population, bien sûr.

Le sénateur Zimmer : Votre entrée sur le marché canadien aura pour effet d'accroître la concurrence. Comment avez-vous l'intention de faire concurrence aux trois géants (TELUS, Bell et Rogers) pour ce qui est des appareils portables? On a annoncé récemment que Telus et Bell allaient maintenant offrir un iPhone actuellement exclusif à Rogers. Serez-vous en mesure de rivaliser avec ces trois grandes entreprises? Quels sont les facteurs qui régissent les options que vous pourrez offrir sur vos appareils?

M. Campbell : C'est une importante question. Je crois que si les opérateurs sont autorisés à conclure des marchés exclusifs avec des fabricants d'appareils, ce ne sera évidemment pas avantageux pour les consommateurs. En ce moment, un fabricant fournit en exclusivité des terminaux GSM (je ne peux pas entrer dans les détails). Tous les terminaux GSM produits par ce manufacturier seront en effet offerts en exclusivité par un seul fournisseur au Canada. C'est un autre facteur qui complique la percée du marché.

Pour répondre à votre question, à savoir comment nous allons rivaliser avec les autres, disons que nous avons complètement repensé la façon dont doit fonctionner une compagnie de téléphone, de l'activation du compte à la facturation, en passant par le service à la clientèle. Nous avons tenté de créer un modèle plus simple. Nous aurons des tarifs fixes, un processus d'activation simple et une méthode de facturation conviviale, ce qui permettra à nos agents du service à la clientèle de Peterborough ou de Mississauga de répondre plus facilement aux besoins des clients.

Nous croyons que nous pouvons offrir de meilleurs services aux Canadiens. Aussi, grâce à la façon dont l'entreprise a été bâtie — et je me dois de parler de l'échelle que l'on obtient en passant par certaines des listes de prix de notre partenaire étranger, Orascom —, nous serons en mesure d'offrir des prix compétitifs et d'avoir une structure de coûts moins élevée.

Le sénateur Zimmer : Merci, monsieur Campbell. Je crois que je vais faire affaire avec vous.

Le sénateur Merchant : À la fin de votre exposé, vous avez dit que nous entrons dans une ère très intéressante. L'adage « Puissiez-vous vivre à une époque intéressante » est en fait une malédiction. On ne le souhaite pas à ses amis, mais à ses ennemis. Je ne sais pas trop comment interpréter ce que vous avez dit.

M. Campbell : Vous l'avez déjà fait.

Le sénateur Merchant : Une étude de Harvard, si je ne me trompe pas, qui a été publiée la semaine dernière indique que le Canada fait bien mauvaise figure. Quelles sont les vraies raisons pour lesquelles nous obtenons de si piètres résultats? Le manque de concurrence? La superficie de notre pays? Ou bien sa réalité démographique, parce que notre population est vieillissante? Celle des pays dont vous parlez est peut-être plus jeune? Les personnes âgées trouvent parfois difficile d'utiliser ce genre d'appareil. Par exemple, je sais qu'ils ont parfois de la difficulté à enregistrer des émissions de télévision. C'est plus compliqué pour nous que pour nos enfants. Cela a-t-il aussi une incidence?

M. Campbell : Je crois que les Canadiens sont généralement ouverts au changement et aux nouvelles technologies, mais la situation démographique du Canada n'est pas si différente de celle de l'Europe. Oui, dans les marchés émergents, elle peut sembler l'être un peu, mais je ne crois pas que ce soit la raison. En fait, c'est une combinaison de facteurs. Nous avons de bonnes infrastructures de ligne fixe au Canada, et les Canadiens hésitent à se départir de leur téléphone résidentiel. En Roumanie, en Tunisie, en Algérie ou ailleurs, si je veux faire un appel, je n'aurai qu'une option, le sans-fil.

Le prix est un autre facteur à considérer. Il y a des frais simplement pour garder son appareil sans fil allumé en tout temps. Dans les marchés émergents, on parle de quelques sous par jour. Il y a des gens qui gagnent 100 $ par mois et en dépensent cinq juste pour pouvoir recevoir des appels. Je ne dis pas qu'au Canada, nous avons une structure de coûts qui permettrait de ramener les coûts à 5 $ par mois, mais que nous avons un marché qui impose des coûts beaucoup plus élevés pour les services de téléphonie mobile. Je dirais que c'est un facteur important, sinon le plus important, qui influe sur les taux de pénétration.

Le sénateur Merchant : Pour la suite de notre étude, à quel pays le Canada peut-il se comparer avantageusement à ce chapitre? Nous allons nous rendre en Estonie et à Bruxelles. Je ne me rappelle plus dans combien de pays vous avez travaillé, mais selon vous, y a-t-il un pays auquel nous pourrions nous comparer?

M. Campbell : J'ai travaillé dans six pays, dont le Canada. On peut tirer des enseignements de chacun des pays que l'on visite. Quels sont les pays auxquels il serait le plus pertinent de se comparer? Sans aucun doute les pays d'Europe. Les États-Unis sont intéressants, mais je regarderais davantage du côté de l'Europe; vous pourrez sûrement en discuter avec les habitants de Bruxelles. Ils vont vous parler des politiques qui ont stimulé la concurrence. Ils ont eu beaucoup de succès avec le système GSM. Je regarderais du côté de l'Europe, mais si vous allez en Inde, vous allez certainement apprendre des choses que vous ignoriez sur le sans-fil.

Le sénateur Banks : Ne vous sentez pas mal, monsieur Campbell, s'il y a des personnes qui s'opposent à votre demande, parce que tous ceux qui comparaissent devant le CRTC pour quoi que ce soit s'y exposent. C'est ce que les gens font pour protéger la structure de l'industrie canadienne, et je suis certain qu'il n'y aura pas de concurrence indue. Tout le monde le fait, vous le savez sûrement.

La question du partage des pylônes d'antenne est étrange, parce que dans notre pays, tous les services ont dû, à un moment donné, partager les pylônes. Même les compagnies ferroviaires, les pipelines et les lignes téléphoniques l'ont fait dans certaines circonstances. J'espère que c'est ce que vous allez faire.

Pour ce qui est de savoir si votre entreprise est sous contrôle canadien, cela dépend-il du fait qu'une majorité d'actions soient détenues au Canada ou d'une convention de gestion? Je présume que ces informations vont être rendues publiques dans le cadre des audiences du CRTC.

M. Campbell : Le CRTC et Industrie Canada s'occupent du contrôle, qui comprend divers éléments. Leurs représentants et avocats seraient probablement plus en mesure que moi de vous parler des critères.

Dans notre entreprise, Tony Lacavara, un Canadien, détient les deux tiers des actions avec droit de vote et un tiers des actions ordinaires. Ce n'est pas inhabituel. Au Canada, on détient souvent les deux tiers des actions avec droit de vote. C'est le cas dans notre entreprise. Nous encourageons la concurrence. Les audiences du CRTC étaient intéressantes, mais j'ai hâte d'affronter la concurrence.

Le sénateur Banks : Allez-vous utiliser le système GSM?

M. Campbell : Oui. C'est ce que nous appelons la technologie HSPA, qui fait partie de la famille GSM. Elle mène à la LTE, l'évolution à long terme, vers quoi se dirigent la plupart des pays du monde.

Le sénateur Banks : Le système GSM n'est-il pas plus lent?

M. Campbell : Il est de deuxième génération. Nous allons utiliser la technologie HSPA, qui est de troisième génération. Le GSM est en fait la norme qui a mené à la 3G. Il a mené à la technologie HSPA, qui fait partie de la 3G. Ces technologies font toutes partie de la même famille.

Nos clients vont pouvoir avoir accès à un réseau GSM 2G avec leur appareil mobile.

Le sénateur Banks : Ma dernière question va peut-être déterminer si le sénateur Zimmer va devenir votre client.

Bien des fournisseurs de services au pays, dont les trois que vous avez mentionnés, facturent à leurs clients chaque mois ce qui ressemble à des frais imposés par le gouvernement ou à une taxe, que l'on appelle frais d'accès au système, par exemple. Allez-vous aussi imposer ces frais?

M. Campbell : Nous n'aurons aucun frais cachés ni frais d'accès au système.

Le sénateur Cochrane : Comme le sénateur Banks, j'aimerais moi aussi obtenir plus d'information sur la propriété de votre entreprise. Qui sont les propriétaires? S'agit-il de Canadiens ou d'étrangers?

M. Campbell : L'un des propriétaires est Tony Lacavara, de Welland, en Ontario, je crois. Tony a mis sur pied l'entreprise appelée Globalive il y a environ 10 ou 15 ans à l'Université de Toronto. Il a bâti cette entreprise, qui possède les marques YAK et Canopco, entre autres. Il possède la majorité des actions et il est notre président. Le conseil d'administration est composé d'une majorité de Canadiens. Nous répondons à tous les critères sur lesquels vous vous fondez pour déterminer si une entreprise est de propriété canadienne.

Notre investisseur étranger est une entreprise appelée Orascom Telecom. Elle est dirigée par une famille du Caire, les Sawiris, et elle est cotée en bourse. Elle est propriétaire de Wind, le troisième exploitant en importance en Italie. Nous détenons également une licence pour cette marque de fabrique. Wind est présente en Grèce, où elle est l'exploitant qui connaît la plus forte croissance. Elle fait aussi des affaires dans diverses parties de l'Afrique du Nord et de l'Asie du Sud. C'est une entreprise assez prospère. Tony en a fait sa partenaire dans cette initiative. Elle possède les deux tiers des actions ordinaires, mais seulement un tiers des actions avec droit de vote.

Le sénateur Cochrane : L'entreprise va-t-elle rester sous contrôle canadien?

M. Campbell : Oui, comme l'exige la loi.

Le sénateur Cochrane : Vous avez mentionné que les applications étaient de plus en plus étendues, mais y a-t-il un danger sur le plan de la sécurité?

M. Campbell : De quel type de sécurité parlez-vous?

Le sénateur Cochrane : Vous avez dit que l'on pourrait utiliser son téléphone pour envoyer de l'argent à la banque, notamment.

M. Campbell : Il va de soi que le cryptage sera un aspect important de la sécurité. Plusieurs entreprises du Canada ont développé une technologie qui permet le cryptage de données de façon sécuritaire. La sécurité dans les services bancaires mobiles est considérable. Elle doit aussi être présente dans le lancement d'applications. Autrement, il y aura de la fraude.

La sécurité est également importante lorsqu'on conçoit une application. Il peut s'agir de contrôle parental, par exemple. On doit penser à toutes les choses liées à l'Internet sur un appareil mobile.

Le sénateur Cochrane : J'ai une autre question à vous poser à propos de l'itinérance obligatoire et du partage des pylônes d'antennes. Les frais d'itinérance sont très ennuyeux pour les gens qui voyagent à l'étranger, même aux États- Unis. Pourriez-vous nous en parler?

M. Campbell : Ils sont coûteux. Encore une fois, c'est en raison de notre modèle global de tarification. Les usagers itinérants sont en quelque sorte à la merci de l'exploitant dont ils utilisent le réseau, parce qu'ils doivent payer les frais. Nous avons conclu des ententes d'itinérance avec une entreprise américaine, qui va nous offrir des conditions d'itinérance très compétitives dans ce pays. Nous avons également conclu une entente à l'échelle internationale qui va nous permettre d'offrir des taux très compétitifs.

Nous n'avons pas encore publié notre liste de prix, mais je crois que vous en serez ravie si vous allez en Floride cet hiver.

Le sénateur Cochrane : Les prix seront-ils inférieurs à ce que je paie actuellement?

M. Campbell : Oui, je dirais que ce sera moins cher.

Le sénateur Hubley : Au début de votre exposé, vous avez dit avoir payé 442 millions de dollars pour le spectre lors de la vente aux enchères du spectre réservé au SSFÉ. J'aimerais en savoir un peu plus sur le concept du spectre. Ensuite, j'aimerais que vous nous parliez de votre dernier point, soit de la gestion améliorée du spectre pour assurer l'acquisition de bandes de fréquences. J'aimerais que vous nous expliquiez comment fonctionnent les enchères. Qui surenchérit sur vos offres pour acquérir le spectre que vous décrivez comme un bien immobilier?

M. Campbell : C'est Industrie Canada qui gère notre spectre. C'est un actif national, si vous voulez. L'année dernière, le ministère nous a vendu 2 100 mégahertz. J'en parle comme d'un bien immobilier parce que c'est en fait un bien immobilier intangible.

Nous faisons concurrence à bien d'autres entreprises pour chaque secteur, par exemple le Sud de l'Ontario, Terre- Neuve ou le Québec. En fait, nous avons une licence pour Ottawa qui s'étend jusqu'à Gatineau. Parfois, il y a chevauchement entre les provinces.

Le processus de mise aux enchères s'est tenu en ligne. Il était bien conçu et bien géré. Ce n'est pas non plus inhabituel dans d'autres parties du monde. Nous avons pu acquérir un certain nombre de mégahertz par secteur. Nous avons battu tous les autres dans ces secteurs. Les autres exploitants ont pu eux aussi acquérir des fréquences.

Le sénateur Hubley : L'amélioration de la gestion du spectre relève-t-elle d'une politique gouvernementale?

M. Campbell : Oui. On discute beaucoup de la bande de 700 mégahertz, un nouveau spectre, et on se demande s'il sera mis aux enchères ou s'il sera distribué d'une autre façon. Les exploitants actuels ont une autre question à propos du spectre. À quoi va-t-il servir? C'est un bien immobilier de valeur. Certaines fréquences ont plus de valeur que d'autres parce que l'on peut davantage les utiliser. Par exemple, avec 700 mégahertz, on peut envoyer des signaux sur de grandes distances. La puissance des pylônes sera plus faible et le capital qu'il faudra y affecter sera moindre.

Les aspects économiques de chaque spectre varient en fonction de la bande. Elle peut être optimisée, et le gouvernement devrait vérifier si elle est utilisée de la bonne façon.

Le sénateur Hubley : Qu'en est-il de la technologie? Y a-t-il des centres qui s'en occupent ou est-ce les entreprises qui le font?

M. Campbell : Nortel a beaucoup développé la technologie, comme vous le savez. Il y a probablement cinq ou six grands fournisseurs dans le monde à l'heure actuelle, notamment les grands fournisseurs d'infrastructures sans fil comme Alcatel-Lucent...

Le sénateur Hubley : Où sont-ils situés?

M. Campbell : Ils sont français et américains, mais ils exercent leurs activités à Kanata. Il y a Nokia-Siemens, qui a acheté récemment les actifs de Nortel. Nokia est une entreprise finlandaise et Siemens, une entreprise allemande; c'est donc une initiative conjointe. Huawei est une entreprise chinoise qui progresse beaucoup. ZTE est une autre entreprise chinoise. Il y a en a quelques autres. Ericsson, bien sûr, est une entreprise importante.

Je ne les qualifierais pas nécessairement d'entreprises canadiennes, françaises ou américaines, parce que beaucoup d'entre elles ont des centres de développement partout dans le monde. Ericsson en a un grand à Montréal. Elles ont presque toutes des centres de développement un peu partout. Beaucoup de bonnes choses se produisent ici, à Kanata.

Le sénateur Zimmer : En ce qui a trait à la deuxième question du sénateur Hubley, au sujet de l'accumulation de fréquences de spectre, est-il fréquent que des entreprises titulaires de licences de spectre les laissent de côté, ne les utilisent pas, ou alors que le CRTC soit obligé de leur dire » soit vous les utilisez, soit vous les perdez »?

M. Campbell : Je ne peux pas me prononcer pour toutes les fréquences, mais en général, dans l'industrie, ce que vous avez dit est vrai. Quant à savoir si le CRTC ou Industrie Canada vont établir des règles, c'est une autre question. Toutefois, il y a des fréquences qui ne sont pas utilisées ou qui sont utilisées comme tactique défensive.

Cela dit, nous sommes très heureux du spectre que nous avons et nous pensons pouvoir faire face à la concurrence de manière efficace. C'est davantage une question de politique générale. Le spectre n'est pas infini. Il doit être utilisé.

Le sénateur Zimmer : Le CRTC ou Industrie Canada intervient-il sur cette question en disant : « Vous l'avez depuis longtemps et vous ne l'utilisez pas, mais d'autres entreprises pourraient probablement l'utiliser. Soit vous l'utilisez bientôt, soit vous le perdez »?

M. Campbell : Il y a actuellement un débat sur la question de savoir si les droits d'utilisation des fréquences constituent des frais de location ou si l'on obtient un renouvellement automatique. Vous allez devoir le demander à Industrie Canada, qui examine sûrement le spectre, en général, et se demande comment en maximiser l'utilisation pour les consommateurs canadiens et les Canadiens en général.

Le président : Monsieur Campbell, au nom des membres du comité, je vous remercie de votre exposé. Si vous avez d'autres informations à nous transmettre plus tard, veuillez en avertir la greffière.

M. Campbell : Merci.

Le président : Je vais demander que nous poursuivions à huis clos. Quand le petit voyant vert va s'allumer, nous allons pouvoir commencer.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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