Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages du 28 octobre 2009
OTTAWA, le mercredi 28 octobre 2009
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 32 pour étudier les enjeux émergents liés à son mandat dans le domaine des communications et rendre compte des activités du secteur du sans-fil, notamment l'accès à Internet haute vitesse, la fourniture de largeur de bande, le rôle d'édification de la nation du sans-fil, le rythme d'adoption des innovations, les aspects financiers liés aux changements possibles du secteur ainsi que le développement du secteur au Canada comparativement à ce qui se fait ailleurs dans le monde.
Le sénateur Janis G. Johnson : (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Nous entamons la onzième réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous poursuivons notre étude sur le secteur du sans-fil. Ce soir, nous accueillons des représentantes de MTS Allstream, Teresa Griffin-Muir, vice-présidente, Affaires réglementaires, et Jenny Crowe, directrice, Droit réglementaire. MTS Allstream est une filiale en propriété exclusive de Manitoba Telecom Services Incorporated. La société dispose d'un réseau optique à large bande pancanadien qui s'étend sur près de 30 000 kilomètres. En 2008, MTS Allstream comptait près de 2 millions de liaisons-clients réparties entre sa clientèle d'affaires partout au Canada et sa clientèle résidentielle dans toute la province du Manitoba. Nous invitons maintenant les témoins à présenter leur exposé.
Teresa Griffin-Muir, vice-présidente, Affaires réglementaires, MTS Allstream : Bonsoir. Je suis très heureuse de m'adresser à vous aujourd'hui. Je m'appelle Teresa Griffin-Muir et j'occupe le poste de vice-présidente, Affaires réglementaires, chez MTS Allstream. Comme vous l'avez signalé, Jennifer Crowe, conseillère juridique de l'entreprise, m'accompagne ici ce soir.
Aujourd'hui, nous discuterons surtout des raisons pour lesquelles, selon MTS Allstream et d'autres intervenants, le Canada n'est plus un leader mondial en matière de services à large bande et sans fil. Nous traiterons également de la façon dont le Canada peut regagner sa position de leader et aller de l'avant dans l'économie numérique.
MTS Allstream est l'un des plus importants fournisseurs de solutions de communications à l'échelle du pays. Sa division Solutions d'entreprise offre à la clientèle d'affaires une gamme complète de solutions de télécommunications destinées aux moyennes et grandes entreprises partout au Canada, tandis que sa division Marchés des consommateurs fournit un éventail complet de services de nouvelle génération, y compris Internet haute vitesse, la télévision numérique, la téléphonie sans fil et les services de données, en plus des services téléphoniques traditionnels aux clients du Manitoba, la province d'attache de l'entreprise.
Depuis longtemps, nous offrons les avantages de la concurrence et de l'innovation aux Canadiens. À notre avis, nous avons une perspective unique sur les questions à l'étude par votre comité étant donné que MTS Allstream est à la fois une ancienne entreprise téléphonique monopolistique, ou compagnie « titulaire », au Manitoba, tout en étant un nouveau joueur, ou concurrent, dans le reste du Canada.
Notre entreprise conserve les actifs et l'esprit concurrentiel des compétiteurs de la première heure au Canada, comme CNCP Telecommunications et Unitel Communications, tout en fonctionnant comme une entreprise de télécommunications titulaire offrant des services complets dans la province du Manitoba.
MTS Allstream appuie pleinement les politiques qui ont été adoptées au pays par les différents gouvernements qui se sont succédé relativement à l'industrie canadienne des communications, la plus fondamentale étant celle qui fait la promotion de la concurrence. En effet, c'est la concurrence sous toutes ses formes qui stimule l'investissement, l'innovation, et surtout, le choix pour le client. Plus il y a de concurrence dans un marché donné, plus les entreprises se voient forcées de faire preuve d'innovation et d'efficacité, ce qui, en retour, entraîne un plus vaste choix en matière de produits et de services sans parler d'un plus grand nombre d'occasions au chapitre des investissements dans des entreprises, des infrastructures de réseau, des applications et des dispositifs de pointe.
Le Canada invoque régulièrement les principes de concurrence, d'innovation et de choix pour le client lorsqu'il veut promouvoir la croissance économique dans un bon nombre de ses secteurs et on a vu plusieurs industries canadiennes prospérer dans un contexte dont ces principes essentiels constituent la pierre angulaire.
Bon nombre des problèmes constatés dans le secteur des télécommunications au Canada découlent non pas d'une incapacité à formuler un ensemble adéquat d'objectifs pour le secteur, mais plutôt d'un manque de constance dans l'approche et d'une certaine faiblesse dans la mise en œuvre du cadre de réglementation que nous avons établi pour atteindre ces objectifs. Pour diverses raisons, notre détermination à mettre en œuvre et appliquer les mécanismes nécessaires pour promouvoir l'objectif stratégique de concurrence, d'innovation et d'investissement accrus se révèle systématiquement insuffisante.
MTS Allstream n'est pas la seule à faire cette constatation. Plusieurs études ont démontré que l'approche faible et inconstante de la mise en œuvre et de l'application du cadre a entraîné un recul rapide du Canada au niveau de sa compétitivité. Cette situation a donné lieu à des prix plus élevés et à un ralentissement au niveau du déploiement des réseaux et des services sans fil et à large bande de la prochaine génération.
La plus récente étude confirmant ces conclusions a été réalisée par l'Université Harvard. Il s'agit d'une étude indépendante préparée à l'intention de la Federal Communication Commission (FCC), aux États-Unis, par le Berkman Center for Internet & Society de l'Université Harvard. J'aimerais attirer votre attention sur quelques-unes des constatations de cette étude qui portent justement sur la performance du Canada dans le marché des services à large bande de la prochaine génération.
Selon cette étude, de tous les pays visés, le Canada affiche des tarifs parmi les plus élevés pour les vitesses de transmission les plus basses. Au niveau des tarifs, le Canada se classe au 21e rang pour ce qui est des vitesses les plus basses, au 23e pour les vitesses intermédiaires et à l'avant-dernier rang pour la haute vitesse. Seule la Slovaquie présente des tarifs plus élevés pour cette catégorie de services. En ce qui a trait à la plus grande vitesse de transmission accessible, le Canada se situe au dix-neuvième rang parmi les pays membres de l'OCDE. Il est toutefois important de noter qu'aucune société canadienne ne figure dans le classement des tarifs des services à très haute vitesse parce qu'il n'y avait aucune offre de services à des vitesses de 35 méga-octets et plus au Canada en septembre 2008.
L'étude de Harvard soulève un point intéressant, à savoir que le Canada, reconnu comme chef de file pour ce qui est de la pénétration des services à large bande, accuse maintenant un retard. En fait, le Canada a passé du deuxième au dixième rang entre 2003 et 2008 pour ce qui est du taux de pénétration par 100 habitants; ce qui représente un recul encore plus marqué que nos voisins du Sud, dont le classement est passé du dixième au quinzième rang. On observe le même recul au chapitre des services de troisième génération (3G). Parmi les pays de l'OCDE, le Canada occupe le vingt- sixième rang sur 29 pays sondés en matière de pénétration de ces services et il arrive bon dernier si on combine les services de deuxième et troisième générations.
L'étude de Harvard n'est qu'une étude parmi d'autres qui démontre que la place du Canada dans les classements internationaux a reculé de manière significative, non seulement au niveau de la pénétration des services filaires à large bande et des services mobiles sans fil; le même phénomène pouvant être observé au chapitre des tarifs et des vitesses de transmission.
Ainsi, les études menées par l'OCDE, l'Université Oxford, TeleGeography, le SeaBoard Group, Speedtest.net et même JiWire, qui classent le Canada au vingtième rang sur un total de 30 pays pour ce qui est de la pénétration des points d'accès sans fil, en arrivent toutes à la même conclusion : le Canada traîne maintenant à l'arrière du peloton pour ce qui est du secteur des communications numériques alors qu'il devrait jouer un rôle de leader.
En réponse à ceux qui voudraient réfuter ces études en remettant en question leur méthodologie, je répondrais que, peu importe l'étude ou la méthodologie retenues, aucune de ces études ne place le Canada là où il devrait être, soit en tête du peloton ou, à tout le moins, parmi les premiers dans les classements internationaux.
Aujourd'hui, nous voulons nous concentrer particulièrement sur les raisons qui, selon nous, expliquent cette situation et sur les mesures que le Canada peut prendre pour regagner sa position de leader et aller de l'avant.
Selon MTS Allstream, le Canada n'a pas su maintenir sa position de leader en matière de services à large bande parce qu'on a fait preuve d'un excès de confiance et qu'on n'a pas insisté pour mettre en place et appliquer un cadre réglementaire rigoureux et rationnel conçu pour favoriser le plus haut degré de concurrence possible. Certains facteurs ayant mené à des réussites lors des débuts de l'industrie du sans-fil et des services à large bande, puis à la stagnation de la concurrence après un départ prometteur, témoignent bien de cette tendance.
Ainsi, au début des années 1980, alors que les services de téléphonie sans fil faisaient leur apparition, le gouvernement a cherché à accorder des fréquences du spectre à un nouveau fournisseur de services sans fil en plus de celles qu'il accordait aux anciennes compagnies de téléphone monopolistiques comme MTS, Manitoba Telecommunications System. Dans le cadre de ce processus concurrentiel, le gouvernement a décidé d'accorder des fréquences du spectre sans fil à un fournisseur connu aujourd'hui sous le nom de Rogers Wireless.
Toutefois, le gouvernement ne s'est pas arrêté là. Même si la mobilité sans fil représentait une nouvelle technologie, le gouvernement a constaté que l'absence de réglementation favoriserait une emprise et une influence financière excessives des compagnies de téléphone sur le marché qui auraient ainsi le pouvoir d'écraser de nouveaux concurrents puisque ceux-ci, contrairement aux compagnies de téléphone, ne disposent d'aucun réseau à mettre à niveau ni d'une clientèle auprès de laquelle promouvoir la vente croisée de ses services sans fil. Voilà pourquoi des règles ont été adoptées par Industrie Canada et le CRTC afin de favoriser la concurrence.
Malheureusement, au milieu des années 1990, après qu'un certain niveau de concurrence se soit développé dans le marché du sans-fil, le gouvernement a baissé sa garde et négligé d'établir des règles pour assurer à la prochaine vague de nouveaux concurrents dans le marché un accès à l'infrastructure et aux services d'itinérance. Les conséquences de cette baisse de vigilance pour le marché, notamment des tarifs plus élevés, des taux de pénétration plus faibles et un choix des plus restreints pour les Canadiens par rapport au reste du monde, ont fini par atteindre un point critique en 2007. Les Canadiens étaient insatisfaits de l'état de la concurrence dans le secteur des services mobiles sans fil au Canada.
Heureusement, le ministre de l'Industrie de l'époque a mis de l'avant de nouvelles règles pour encourager l'arrivée de nouveaux concurrents en créant un spectre de fréquences réservé et pour soutenir la concurrence à long terme en imposant l'obligation d'offrir un service d'itinérance et de partager les tours. Ces règles ont mené à la tenue d'enchères qui ont généré des revenus de l'ordre de 4 milliards de dollars et permis l'arrivée de nouveaux joueurs qui ont commencé à établir leurs infrastructures au Canada afin d'offrir un plus vaste choix aux Canadiens.
Ironiquement, mais sans surprise, ces règles ont également incité les compagnies titulaires offrant des services sans fil à investir plus rapidement dans l'architecture et la technologie sans fil de nouvelle génération.
L'histoire est à peu près la même au chapitre des services à large bande. En 1999, après un départ relativement bon, les fournisseurs de services Internet indépendants encaissaient près de 39 p. 100 des revenus totaux enregistrés dans le marché des services Internet. Ces revenus provenaient en majeure partie des services Internet par accès commuté.
Toutefois, les réseaux et la technologie des télécommunications ont évolué, ce qui a fait changer les besoins de gros des concurrents qui devaient avoir accès aux raccordements de dernier kilomètre, aux réseaux à large bande de nouvelle génération. Cependant, l'organisme de réglementation n'a pas suivi le rythme de ces exigences. En conséquence, les concurrents n'ont pu, et ne peuvent toujours pas à l'heure actuelle, disposer d'un accès de gros, équitable sur le plan économique, aux installations et services de réseau de la nouvelle génération des compagnies titulaires dont ils ont besoin pour livrer concurrence à celles-ci.
L'absence d'un cadre réglementaire rigoureux régissant les services de gros à large bande a eu des conséquences désastreuses. Aujourd'hui, les fournisseurs de services Internet indépendants ou les concurrents autres que les compagnies titulaires touchent environ 6 p. 100 des revenus du marché résidentiel, ce qui, en 2008, laissait aux compagnies de téléphone titulaires et aux câblodistributeurs une part de 95 p. 100 du marché des services Internet résidentiels haute vitesse. Le Rapport de surveillance des communications du CRTC de 2009 signale que la part du marché des services Internet résidentiels haute vitesse est encore plus faible parmi des fournisseurs de services Internet indépendants, atteignant à peine 4,7 p. 100.
La place qu'occupe le Canada dans le classement international établi pour les services à large bande révèle clairement qu'une concurrence limitée à deux compagnies titulaires ne suffit pas pour assurer le choix et l'innovation qui permettraient de placer le Canada parmi les chefs de file en matière de services à large bande.
La situation est encore plus alarmante dans les marchés d'affaires où le seul réseau omniprésent est celui de la compagnie titulaire. Dans les circonstances, il n'y a pratiquement pas de choix de fournisseurs de services dans le marché des affaires, et plus précisément dans le marché de la petite entreprise.
Cette situation a des conséquences non seulement sur le classement international du Canada en matière de services à large bande, mais également sur l'avenir de la croissance économique et de la productivité du pays, étant donné l'innovation et l'efficacité que les services à large bande peuvent apporter aux entreprises.
Il est clair que le CRTC doit prendre des mesures audacieuses en matière de services à large bande, tout comme Industrie Canada l'a fait en 2007 pour favoriser la concurrence dans l'industrie du sans-fil. Les concurrents doivent avoir un accès réglementé sur le plan économique aux installations et aux services sous-jacents des compagnies de téléphone titulaires afin d'offrir leurs services à large bande de la nouvelle génération.
Étonnamment, au lieu de corriger ce problème, le CRTC a fait un pas en arrière l'an dernier en décidant qu'il faudrait éliminer progressivement la réglementation régissant l'accès au marché de gros des services à large bande de la nouvelle génération. Fait encore plus surprenant : le CRTC a pris cette décision malgré le fait que les compagnies de téléphone titulaires exercent une forte domination sur le marché en ce qui concerne la fourniture de ces installations.
L'étude de l'Université Harvard s'attarde d'ailleurs à cette décision du CRT : « Il est possible que l'investissement soit trop lourd ou qu'il y ait trop d'incertitude au Canada pour les nouveaux joueurs qui ne sont pas des compagnies titulaires, à plus forte raison puisque la décision du CRTC vise un marché où sont présentes deux entreprises titulaires très fortes. »
MTS Allstream a porté cette décision en appel auprès du gouverneur en conseil qui prendra sa décision à ce sujet au plus tard le 11 décembre de cette année.
L'histoire récente des marchés du sans-fil et des services à large bande au Canada montre que la concurrence est cruciale pour stimuler l'innovation et l'investissement. Pour permettre au Canada de retrouver sa place de chef de file dans le secteur des services à large bande, nous devons adopter une approche proconcurrence. Cette vision inclut nécessairement la reconnaissance du rôle fondamental que joue l'accès à l'infrastructure de réseau de gros des compagnies titulaires.
Ce que l'étude de l'Université Harvard montre clairement, c'est que les pays en tête du classement des services à large bande sont ceux qui ont adopté une approche d'accès ouvert et réglementé au regard de l'infrastructure de réseau des compagnies titulaires et qui ont reconnu que les marchés de capitaux ne financeront jamais la nouvelle construction ou la reproduction de cette infrastructure.
Un accès équitable aux installations de gros est la seule façon d'assurer la vigueur de la concurrence. En réglementant un tel accès, le gouvernement et l'organisme de réglementation du pays doivent mettre en place un cadre qui prévoit l'évolution des réseaux et des services. Nous éviterons ainsi des situations comme celle qui prévaut à l'heure actuelle dans le marché des services à large bande. Pour être efficace, cet exercice suppose aussi une nécessaire approche interministérielle convergente partageant un même but ainsi qu'une démarche de mise en œuvre clairement énoncée.
En fait, il y a de nombreux chevauchements au chapitre de la technologie et des ressources utilisées par les secteurs des télécommunications et de la diffusion pour offrir leurs services. Afin de redonner au Canada sa place parmi les meilleurs fournisseurs d'infrastructures et d'applications de pointe, le gouvernement et l'organisme de réglementation du pays doivent déterminer de façon claire la façon et le moment où certaines ressources seront disponibles.
Par exemple, nous prévoyons que le prochain bloc de fréquences mis à l'enchère par le gouvernement du Canada sera tiré de la gamme de fréquences des 700 mégahertz, fréquences qui sont actuellement occupées par des stations de télévision en direct qui passeront au spectre numérique. La date limite pour passer au numérique a été fixée au 31 août 2011, mais le CRTC semble maintenant envisager d'établir des règles qui permettraient la transition au numérique après cette date ou encore de l'éviter complètement.
Bien entendu, cette nouvelle a suscité beaucoup d'incertitude sur le marché. De plus, si nous observons la situation au sud de la frontière, nous constatons que les États-Unis ont tenu une vente aux enchères sur le spectre des 700 mégahertz il y a près de deux ans. Depuis le 12 juin de cette année, toutes les stations de télévision de pleine puissance qui transmettent en direct diffusent exclusivement en mode numérique.
Enfin, le gouvernement mentionne souvent l'investissement étranger direct parmi les principaux mécanismes susceptibles d'être utilisés pour stimuler et promouvoir la concurrence, l'innovation et la croissance économique. Toutefois, le Canada continue d'imposer des restrictions en matière d'investissement étranger dans le secteur des communications, ce qui décourage l'investissement, retarde le lancement de produits et de services novateurs offerts ailleurs et limite sérieusement le niveau de concurrence qui pourrait autrement exister dans le marché.
Le Canada compte maintenant parmi les rares pays au monde qui maintiennent de telles restrictions et c'est en partie à cause de nos règles anachroniques que le Comité de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes et d'autres groupes de spécialistes comme le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications et le Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence, ont recommandé la libéralisation de ces règles.
Avant de conclure notre exposé, j'aimerais formuler quelques recommandations pratiques sur les mesures qui peuvent être prises par le Canada pour renverser certaines tendances relevées dans certaines études comparatives internationales et faire en sorte que le pays retrouve sa place parmi les chefs de file dans le secteur des communications. Plus particulièrement, le CRTC doit reconnaître le rôle fondamental que joue l'accès de gros à l'infrastructure pour assurer la concurrence, il doit fixer et imposer rapidement des règles qui augmenteront le niveau de concurrence dans le marché canadien des télécommunications pour les services à large bande de la prochaine génération.
De plus, le gouvernement et l'organisme de réglementation doivent suivre de plus près le rythme de l'évolution technologique et établir un cadre de réglementation capable de s'adapter à des changements rapides et dynamiques et de permettre, en même temps, une mise en œuvre rapide des mécanismes de réglementation conçus pour promouvoir la concurrence, l'innovation et le choix pour les clients.
En toile de fond de toutes ces mesures, le gouvernement doit adopter un plan ou une stratégie numériques qui pourront être communiqués au CRTC et à d'autres organismes du gouvernement fédéral et qui présentent clairement l'orientation que le gouvernement souhaite prendre afin de mieux promouvoir les objectifs stratégiques généraux du Canada au regard de l'industrie des télécommunications.
Nous croyons que la plupart de ces améliorations peuvent être apportées sans aucun changement à la Loi sur les télécommunications ou à la Loi sur la radiodiffusion qui nous donnent déjà bon nombre des outils nécessaires à la mise en place d'une stratégie numérique. Il ne manque qu'une vision claire, une approche coordonnée et un engagement ferme à utiliser tous les outils à notre disposition y compris les règles relatives aux services dégroupés et à l'accès aux réseaux, pour augmenter le niveau de concurrence sur le marché canadien des télécommunications.
Si nous adoptons et mettons en œuvre les bonnes règles et si nous adoptons une approche coordonnée pour atteindre nos objectifs, nous pourrons redonner au Canada sa place parmi les chefs de file dans le secteur des communications et faire du pays un véritable joueur sur la scène de l'économie numérique.
Cela conclut notre exposé et nous serons heureuses de répondre à toute question que vous ou vos collègues pourriez avoir.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Mesdames et messieurs les sénateurs auront des questions à vous poser. Toutefois, j'aimerais commencer par vous en poser une. Vous avez fait de nombreux commentaires au sujet du CRTC, particulièrement sur la décision prise l'an dernier qui, à vos yeux, constituait un pas en arrière. Vous avez fait beaucoup d'autres commentaires au sujet du CRTC.
En ce qui a trait à la décision qu'il doit prendre au plus tard le 11 décembre, que croyez-vous qu'elle sera ou quelle serait votre hypothèse? A-t-on entendu vos commentaires?
Mme Griffin-Muir : La décision du 11 décembre concerne le gouvernement; c'est une affaire entre le gouvernement conservateur et le CRTC.
Compte tenu des décisions plus récentes, je crois que non; nous pourrions même dire qu'ils n'ont pas pris en compte nos commentaires. Au mieux, on semble très ambivalent quant au rôle qu'un accès libre pourrait jouer. Même dans la décision plus récente concernant la neutralité du Net, diffusée mercredi ou jeudi de la semaine dernière, du point de vue de l'accès de gros, nous croyons qu'ils n'ont pas su mettre en place un cadre approprié parce qu'ils n'ont pas dégroupé l'accès aux installations, dont les compétiteurs ont besoin. De plus, ils se fient beaucoup trop sur les compagnies téléphoniques titulaires pour déterminer la nécessité de certaines mesures qu'ils appliquent à l'accès de gros et pour évaluer l'incidence qu'elles pourraient avoir sur la clientèle de leurs compétiteurs.
Ils sont libres d'aller de l'avant et de procéder ainsi dans la mesure où ils ne prétendent pas être plus restrictifs qu'ils le sont à l'endroit de leurs propres clients au détail. Si le concurrent estime que les mesures prises par la compagnie téléphonique titulaire sont discriminatoires ou trop rigoureuses, ce n'est qu'après le fait que nous pouvons porter une telle situation à l'attention du Conseil.
Si on se fie à notre expérience du Conseil, on constate que le processus de règlement peut être très long. Par conséquent, non, je dirais qu'ils ne nous ont pas écoutés.
La vice-présidente : J'ai une autre question. Aux dires des observateurs, MTS prévoit devenir un joueur national sur le marché, mais le consortium de financement que vous constituez avec l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et Blackstone Capital Partners, a été démantelé avant les enchères visant le spectre des fréquences des services sans fil évolués (SSFE) tenues en 2008.
Pouvez-vous commenter ce sujet? À combien s'élève le financement nécessaire pour devenir un fournisseur national de services sans fil?
Mme Griffin-Muir : Beaucoup d'éléments sont liés à l'évolution de la situation économique et au fait que nous n'avions pas prévu que le prix du spectre des fréquences serait aussi élevé. Le montant du capital dont nous disposions était limité.
En tant que société cotée en bourse, nous devons rendre compte aux actionnaires qui sont peut-être plus prudents côté risque dans certaines situations. Ils veulent seulement s'engager jusqu'à un certain niveau de capital lorsqu'il est question du spectre des fréquences. En fait, une société comme la nôtre, qui possède déjà une solide base économique, aurait à débourser près de 1 milliard de dollars pour mettre en place l'infrastructure nécessaire dans le reste du Canada, en plus du spectre. À ce moment-là, nous n'avions pas la capacité de réunir ce genre de capital.
La vice-présidente : Je vous remercie.
Le sénateur Plett : Je vous souhaite la bienvenue. Je suis un concitoyen du Manitoba, tout comme la présidente et le sénateur Zimmer. La moitié des membres du comité présents aujourd'hui sont Manitobains, alors nous sommes entre amis.
Du fait de mon lieu de résidence, il est évident que les questions que je vais poser me tiendront sans doute à cœur. Pour commencer, votre site Web indique que vous possédez un réseau national à large bande et à fibres optiques qui s'étend sur 30 000 km. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez construit ou acquis ce réseau? Quel est le lien entre ce réseau et les activités de fournisseur de services de télécommunications que vous exercez au Manitoba? Avez- vous l'intention de donner plus d'ampleur à ce réseau?
Mme Griffin-Muir : En 2004, MTS a fait l'acquisition d'Allstream, qui s'appelait auparavant AT&T Canada et, plus anciennement, Unitel. C'est ainsi que le réseau national a été construit et agrandi de manière à former le réseau fédérateur IP dont nous disposons aujourd'hui. Cela remonte à l'époque de Communications CNCP. Le réseau de 30 000 km a été acquis lorsque MTS a acheté Allstream, son compétiteur national.
Il y a, dans le réseau, des anneaux de fibres, situés autour de grandes villes comme Toronto, Calgary, Edmonton et Ottawa. Nous offrons des services aux entreprises de ces régions. Nous augmentons continuellement la portée du réseau, et il est connecté au réseau d'exploitation du Manitoba. Nous sommes donc en mesure d'offrir des services à des multinationales ou à des entreprises interprovinciales comme la Great West Life, dont l'administration centrale est située à Winnipeg et qui a également des bureaux de services aux entreprises dans l'Est du pays. Je ne suis pas sûre d'avoir répondu à toutes vos questions.
Le sénateur Plett : Vous les avez abordées. Je ne suis pas certain que vous y ayez répondu, mais vous les avez certainement abordées.
Mme Griffin-Muir : Vous aviez posé une question sur l'utilisation du réseau au Manitoba?
Le sénateur Plett : En effet.
Mme Griffin-Muir : Le réseau est relié au Manitoba. L'activité du réseau est principalement attribuable à la prestation de services de longue distance ou de distribution dans l'ensemble du pays. MTS aurait fait partie de ce que l'on appelait l'Alliance des entreprises titulaires Stentor, comme Bell et Telus. Les compagnies de l'alliance devaient conclure des ententes entre elles quand elles sortaient de leur province pour offrir des services de communication voix et données longue distance. Par suite de l'acquisition d'Allstream par MTS en 2004, MTS est devenue une entreprise entièrement indépendante des autres entreprises de téléphonie titulaires.
Le sénateur Plett : Une grande partie de votre exposé concernait les problèmes liés au CRTC au Canada. Le comité a récemment entendu des témoins de SaskTel et d'Alberta SuperNet. La Saskatchewan et l'Alberta ont toutes deux mis en place des réseaux fédérateurs pour pouvoir fournir plus facilement à leurs citoyens un accès universel ou quasi universel aux services à large bande. En tant que Manitobain, je crois que nous sommes désespérément en retard par rapport à l'Alberta et la Saskatchewan. Quelle comparaison feriez-vous entre le Manitoba et ces provinces? Prévoyez- vous rendre un réseau sans fil accessible à tous les Manitobains?
Mme Griffin-Muir : Nous allons certainement donner de l'expansion à notre réseau. Nous venons tout juste d'annoncer un plan de modernisation conjoint avec Rogers; nous travaillerons ensemble pour mettre sur pied la prochaine génération de réseau sans fil au Manitoba.
Tous les Manitobains y auront-ils accès? Notre réseau prend de l'expansion chaque année. Nous croyons que la technologie HSPA, la prochaine génération de réseaux sans fil, nous permettra d'accroître notre portée. Dans le cadre de l'initiative sur les réseaux à large bande du gouvernement fédéral, nous prévoyons également présenter une demande afin d'étendre notre réseau à large bande, grâce à un financement du gouvernement fédéral, à 28 collectivités rurales ou éloignées où les services sont insuffisants, voire inexistants.
En ce qui concerne les foyers manitobains, 93 p. 100 d'entre eux ont accès à des services à large bande, mais pas nécessairement sans fil. Pour ce qui est de l'expansion, il y a certaines régions du Manitoba où il nous serait très difficile d'étendre nos services pour des raisons économiques. Nous envisageons la possibilité d'établir un partenariat avec un fournisseur de services par satellite offrant des services à large bande.
Le sénateur Plett : L'idée d'un partenariat avec Rogers ne me semble pas des plus réconfortantes.
Mme Griffin-Muir : Nous n'étions pas partenaires. Je tiens à préciser que nous sommes toujours en concurrence avec Rogers. Nous avons plutôt agi dans une perspective économique, afin de pouvoir étendre notre réseau. L'objectif est exclusivement la construction du réseau et le partage de ressources comme des pylônes, ou des nœuds sur des pylônes où l'autre société n'en a pas. Cela n'a rien à voir avec la concurrence que nous faisons à Rogers.
Le sénateur Plett : J'étais au Manitoba quand MTS a été privatisée. Bien que je sois un grand partisan de la privatisation et que j'aime que le gouvernement n'exerce qu'un contrôle limité, une des raisons pour lesquelles j'ai eu recours aux services de MTS plutôt qu'à ceux de Rogers, au fil des ans, est qu'en tant que compagnie appartenant au gouvernement, MTS offrait de meilleurs services dans les régions éloignées. MTS ne se préoccupait pas avant tout du bénéfice net; elle avait à cœur d'offrir des services à l'échelle de la province.
C'est plutôt un commentaire qu'une question. Je n'ai plus la même impression depuis que la compagnie a été privatisée. Bien entendu, on arguait qu'on ne pouvait pas fournir de services aux collectivités du Nord ou dans les réserves, parce que ça n'avait aucun sens du point de vue économique. J'habite Landmark, qui se trouve à environ 18 km au sud-est de Winnipeg. Il y a un an et demi ou deux, aucun réseau sans fil n'était accessible à Landmark. Nous y avons finalement eu accès, après de nombreuses revendications et doléances.
J'ai un chalet à Buffalo Point, dans l'extrême sud du Manitoba, près de la frontière avec les États-Unis. J'ai besoin de mon propre récepteur satellite pour accéder à Internet, et je dois faire affaire avec un fournisseur des États-Unis pour pouvoir utiliser un téléphone cellulaire. Je veux simplement dire que quand j'entends nos voisins de la Saskatchewan et de l'Alberta parler de ce qu'ils ont fait pour fournir des services dans la totalité de leurs régions rurales, je conclus qu'ils ont manifestement trouvé les ressources nécessaires pour le faire. Je vous incite à trouver des manières de faire la même chose. L'Alberta et la Saskatchewan doivent à l'évidence faire face aux mêmes problèmes liés au CRTC et au gouvernement canadien, qui se sont déclarés, j'en suis sûr, avant que nous ayons pris le pouvoir. Je ne sais pas.
Je suis sûr qu'ils sont aux prises avec les mêmes problèmes, et je vous encourage à tenter d'étendre vos services au Manitoba rural. Merci beaucoup pour votre témoignage.
Le sénateur Zimmer : Merci pour votre présentation. Comme l'a dit le sénateur Plett, puisque trois sénateurs de ce comité sur six vivent au Manitoba, y compris moi-même, vous ne bénéficiez pas seulement d'une majorité, mais il est tout indiqué de vous dire, comme on peut le lire sur nos plaques d'immatriculation : « La chaleureuse province du Manitoba vous souhaite la bienvenue. » Je vous remercie pour votre exposé.
Ma première question est la suivante : un témoin que nous avons entendu précédemment a déclaré que les réseaux économiques à large bande n'étaient pas rentables dans les régions rurales. Que pensez-vous de cela et, selon vous, comment pourrait-on résoudre ce problème?
Mme Griffin-Muir : Au Manitoba, environ 93 p. 100 des foyers ont accès aux services. Il est plus difficile d'offrir des services aux autres foyers pour des raisons géographiques, ce qui n'est pas exclusif au Manitoba. Le même problème se pose dans tout le Canada. C'est une caractéristique de notre pays : notre faible densité de population fait en sorte qu'il est difficile, dans une perspective économique, d'amener à la fois les réseaux à large bande et les réseaux sans fil dans les collectivités rurales.
Pour ce qui est de l'Alberta et de la Saskatchewan, il faut savoir que le gouvernement provincial finance les deux réseaux SuperNet de l'Alberta. Par ailleurs, le titulaire de la Saskatchewan est toujours une société ouverte.
Ça ne sera pas possible à moins qu'il y ait une certaine forme de financement public ou de partenariat public-privé. Dans certains cas, il faudra que ce soit un financement public ou que l'on finance des réseaux de télécommunications par satellite. Un financement public est même accordé à des sociétés comme Barrett Xplore, qui fournit un accès à un réseau à large bande par satellite à beaucoup de gens des collectivités rurales.
Je crois qu'il serait difficile de défendre l'idée que tous ceux qui n'ont pas encore accès à nos services devraient pouvoir en bénéficier. Nous pouvons probablement continuer de donner de l'ampleur à notre réseau. Au Manitoba, notre objectif est que tout le monde ait accès à nos services, mais une entente comme un partenariat public-privé sera nécessaire pour que nous puissions atteindre une proportion de 99,9 p. 100.
Le sénateur Zimmer : Je crois que vous avez raison. La solution repose en partie sur un financement public ou un appui du gouvernement, sans quoi ça ne serait pas rentable.
Ma deuxième question a été posée par le sénateur Plett. Ma dernière question est la suivante : quand des ministères, des organisations ou même des gouvernements commencent à s'intéresser à l'espace, une certaine lassitude s'installe et ils ont tendance à devenir inquiets. À votre avis, est-ce que le CRTC accomplit son mandat, et est-ce qu'il fait son travail?
Mme Griffin-Muir : Je crois que le CRTC perçoit d'une certaine façon ce qu'était ou ce qu'est son mandat. Il suit les principes qu'il croit qu'il devait suivre, compte tenu de l'orientation stratégique du ministre de l'Industrie de l'époque. L'objectif était, semble-t-il, la déréglementation du marché des télécommunications. Je crois que le CRTC a perdu de vue le fait que cette orientation stratégique se définissait, entre autres, par des directives qui l'enjoignaient clairement à s'assurer qu'il existait une concurrence pendant qu'elle procédait à la déréglementation, et à s'assurer que des règlements et des services de gros étaient en place, pour faire en sorte que la concurrence puisse se poursuivre à la suite de la déréglementation du marché de détail.
Le CRTC s'est concentré sur la déréglementation en tant que telle et il ne s'est guère préoccupé de ce qui se passerait après, c'est-à-dire qu'il ne s'est pas demandé quelles seraient les forces du marché en présence pour discipliner le titulaire, notamment dans notre cas, à Winnipeg. Quand l'accès sous-jacent est peu développé, il y a peu de concurrence, en particulier pour les services d'affaires. Je crois qu'ils avaient fort à faire avec la concurrence dans le marché résidentiel des télécommunications par câble.
Le sénateur Zimmer : Au début, le CRTC semblait remplir son mandat et il y consacrait activement ses efforts. Cependant, alors que cette industrie connaît un essor fulgurant, notamment dans l'espace, il me semble que le CRTC n'est plus de son temps et qu'il ne prévoit pas ce qui se passera dans le futur. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
Mme Griffin-Muir : On peut effectivement dire que le CRTC ne s'efforce pas d'édicter des règlements qui s'appliquent à toutes les technologies. Il tâche plutôt de corriger la situation lorsque quelque chose semble clocher. Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Zimmer : Merci.
Le sénateur Mercer : Merci pour votre exposé. Je ne vis pas à Landmark et je n'ai pas de chalet à Buffalo Point. Je viens d'un endroit où vous n'offrez pas de services : la Nouvelle-Écosse. Bien que vous ayez présenté des arguments solides dans votre exposé, vous avez également soulevé beaucoup de questions. Vous m'avez également donné une idée pour le titre du rapport. À la dernière page, vous parlez d'une vision claire. Cela ferait un bon titre. Je veux dire, si nous avions une vision claire de la situation.
Il semble en effet qu'un problème résulte de la différence entre ce que le gouvernement ou le Parlement dit et souhaite, et ce que le CRTC fait en réalité. Vous avez mentionné cela un certain nombre de fois. Par exemple, à la page 9 de votre présentation, vous dites que vous prévoyez « que le prochain bloc de fréquences mis à l'enchère par le gouvernement du Canada sera tiré de la gamme de fréquences des 700 MHz. La date limite pour passer au numérique a été fixée au 31 août 2011 — mais le CRTC semble maintenant envisager d'établir des règles qui permettraient la transition au numérique après cette date ou encore de l'éviter complètement ». Vous poursuivez en disant que c'est ce que les Américains ont fait il y a deux ans.
Vous n'avez peut-être pas la réponse à cette question, mais qui a demandé que le CRTC agisse ainsi? Qui est-ce qui tire les ficelles? Il me semble que c'est le monde à l'envers.
Mme Griffin-Muir : Je crois qu'une partie des problèmes découle de la division des pouvoirs, c'est-à-dire de la question de savoir qui est responsable de quoi? Le CRTC est responsable de la radiodiffusion ou de la mise en application de la Loi canadienne sur la radiodiffusion. Le passage de la télévision à la nouvelle technologie relève du CRTC, et le spectre sans fil ou la radiocommunication relève d'Industrie Canada. Industrie Canada n'aura pas accès au spectre avant que le numérique ait remplacé la diffusion par ondes hertziennes.
Je sais que le CRTC est un organisme autonome et qu'il n'est pas censé recevoir de directives du gouvernement, mais il ne semble pas y avoir de plan global en ce qui concerne le calendrier des différentes étapes. Il semble qu'on ne se soit pas soucié de faire concorder le moment où nous voulons procéder à la mise aux enchères des fréquences et celui où nous pensons que le passage des signaux analogiques aux signaux numériques aura été complété.
Le sénateur Mercer : J'ai jusqu'à présent cru erronément que c'était nous, les gens du Parlement — c'est-à-dire la Chambre des communes et le Sénat —, qui établissions les règles, et que le CRTC était censé suivre nos directives. C'est probablement une question dont nous pourrions débattre dans le cadre de la prochaine étude.
À la page 10, vous dites que « le gouvernement et l'organisme de règlementation pourraient suivre de plus près le rythme de l'évolution technologique ». Je crois que cela fait partie des raisons pour lesquelles nous effectuons cette étude : il manque quelque chose. À votre avis, qui est le plus rapide pour prendre conscience des changements technologiques, le CRTC ou le gouvernement? Je parle du « gouvernement » dans un sens général.
Mme Griffin-Muir : Le CRTC est responsable de la mise en application. Dans une certaine mesure, lorsque le gouvernement reconnaît la nécessité de promouvoir l'innovation, les investissements ou les technologies de pointe, ou qu'il mandate le CRTC pour les promouvoir, il appartient au CRTC de se donner les moyens d'exécuter ce mandat.
Personne au gouvernement n'ignore que la technologie évolue. On n'a qu'à penser, par exemple, à l'accès à large bande et à ses différentes possibilités, notamment la connexion à Internet, ou à l'apparition de la télévision numérique ou de la télévision sur IP. Il n'y a pas de concurrence dans ces domaines, et le CRTC ne réagit pas assez rapidement pour que ces technologies soient mises en œuvre.
Le sénateur Mercer : Ils sont peut-être débordés.
Ma dernière question se rapporte au commentaire du sénateur Plett selon lequel il lui était impossible d'avoir accès à des services à Landmark et à Buffalo Point, et à votre affirmation selon laquelle les réseaux à large bande n'étaient pas rentables en région rurale. Les représentants de SaskTel et les gens de l'Alberta qui ont témoigné devant nous nous ont dit que ce n'était peut-être pas rentable, mais qu'ils le faisaient tout de même. Et nous avons appris la semaine dernière que la Finlande avait ordonné l'accès universel sur tout son territoire. Le gouvernement l'a garanti.
Qu'est-ce que votre entreprise et vos compétiteurs feriez si vous étiez dans l'obligation d'offrir des services à large bande dans le Manitoba rural ou dans d'autres parties du pays où vous exercez vos activités, pour conserver ou renouveler votre permis? En d'autres termes, que se passerait-il si, au moment où vous présenterez votre demande de renouvellement de permis, il y avait une nouvelle condition qui vous obligerait à offrir l'accès universel dans tout le Manitoba et à contribuer à l'offre de services dans toutes les régions de la province, pour reprendre l'exemple du sénateur Plett?
Mme Griffin-Muir : Comme je l'ai dit, dans le cas de l'Alberta et de la Saskatchewan, des fonds publics sont fournis. Il n'y a pas vraiment de renouvellement de permis pour les transporteurs de télécommunications terrestres, mais si c'était une exigence pour que nous puissions offrir des services de base, nous aurions besoin d'un financement public pour y arriver. Nous ne pourrions pas le faire sans aide; nous aurions besoin d'une compensation financière.
Le sénateur Mercer : On pourrait arguer que si c'était une des conditions d'octroi de permis, et que vous vouliez faire affaire dans la région de Winnipeg, vous devriez alors être prêts à offrir des services à Landmark, à Buffalo Point et dans la région d'Interlake.
Mme Griffin-Muir : J'imagine que la réponse dépend de l'idée qu'on se fait des objectifs des services de base, des services qui devraient être rendus disponibles, et de la question de savoir si l'on a affaire ou non à une entreprise de télécommunications unique. Cela s'appliquerait-il à toutes les entreprises de télécommunications qui veulent offrir des services dans la région de Winnipeg?
Le sénateur Mercer : Oh oui! Je ne m'en prends pas à vous en particulier. C'est à toute l'industrie que je m'en prends. Merci beaucoup.
Le sénateur Plett : Vous avez mentionné les fonds publics à plusieurs reprises. Cela ne me pose aucun problème dans le cas de SaskTel. Je sais que cette entreprise reçoit une aide financière du gouvernement. Les témoins de l'Alberta nous ont-ils dit qu'ils bénéficiaient d'un financement de ce genre? Si c'est ce que vous affirmez, savez-vous à quel pourcentage correspond ce financement? J'avais l'impression qu'ils ne recevaient pas de financement public.
Le sénateur Mercer : Si je me souviens bien, le gouvernement de l'Alberta alloue plus d'argent que celui de la Saskatchewan, ce qui m'avait surpris. Compte tenu de l'histoire politique des deux provinces — l'Alberta conservatrice et la Saskatchewan qui appartenait au NPD —, ça me semblait n'avoir aucun sens. Il y a eu une sorte d'inversion. C'est ce dont je me souviens.
Le sénateur Plett : Savez-vous à combien s'élève le financement public qu'ils reçoivent?
Mme Griffin-Muir : Je ne connais pas le pourcentage, mais le SuperNet de l'Alberta a été construit avec des fonds publics.
Le sénateur Frum : J'ai bien aimé votre description de nos règles désuètes. Il est surprenant que le Canada compte parmi les derniers pays protectionnistes dans ce domaine. Pouvez-vous penser à un autre pays qui aurait récemment assoupli une règlementation protectionniste dans ce domaine, et qui aurait par la suite connu un essor? Je suis un nouveau membre du comité, alors j'aimerais que vous m'expliquiez le principe persistant qui fait que nous préférons le protectionnisme aux investissements étrangers? Enfin, quels seraient les effets immédiats sur votre entreprise si les investissements étrangers étaient autorisés?
Mme Griffin-Muir : Nous faisons campagne depuis un certain temps pour que les restrictions sur les investissements étrangers soient assouplies et, à l'évidence, plusieurs autres comités indépendants partagent notre point de vue.
Les règlements à cet égard datent seulement de 1987. Les limites qu'ils prévoient pour les investissements dans les télécommunications sont les suivantes : un tiers pour la société en portefeuille, et 20 p. 100 pour la société exploitante. Il y a des moyens de les contourner, et il y a actuellement une instance devant le CRTC au sujet d'un fournisseur de services sans fil qui ne serait pas majoritaire.
Je crois que le Mexique est le seul autre pays où il y a des restrictions de ce genre. Les infrastructures de télécommunications peuvent appartenir à des intérêts étrangers dans tous les autres pays développés. Il n'y a pas vraiment de raison. Il y a beaucoup d'investissements étrangers dans les autres pays, notamment dans le domaine des télécommunications sans fil. Je crois que tous les fournisseurs de services sans fil du Royaume-Uni sont la propriété d'intérêts étrangers. La suppression des restrictions serait propice à des investissements considérables. Elle donnerait certainement lieu à la construction de beaucoup de nouvelles infrastructures. Si l'on considère les options qui s'offraient à nous au Canada dans le domaine des télécommunications sans fil, de même que les compagnies qui sont actuellement sous examen, on constate que ces compagnies sont là pour bâtir une infrastructure sans fil au Canada. À l'exception des compagnies de téléphone gouvernementales, toutes les compagnies de téléphone du Canada ont été mises sur pied grâce à des investissements étrangers. C'est ce qui s'est passé dans le cas de Bell Canada. Je ne suis pas tout à fait sûre de savoir pourquoi ces règlements ont été adoptés. Le fait qu'ils sont toujours en vigueur est une question de politique.
Dans notre cas et dans celui de la majorité des entreprises de télécommunications, l'assouplissement de la réglementation accroîtrait notre capacité de mobiliser des capitaux, de faire des investissements plus considérables et peut-être même de changer le profil de risque de nos investisseurs. Des investissements étrangers feraient en sorte qu'il y aurait beaucoup plus d'occasions d'expansion. Je ne suis pas certaine que les réseaux pourraient forcément s'étendre à toutes les régions rurales et éloignées, mais il y aurait assurément plus de capitaux investis au Canada.
Le sénateur Merchant : Je vais lancer quelques idées et j'espère que je ne m'attirerai pas les foudres du comité. J'ai examiné d'intéressantes comparaisons avec certains États des États-Unis. Les utilisateurs sont 10 fois plus nombreux là-bas qu'ici. J'ai donc trouvé intéressant de constater que sur 28 États américains — plus de la moitié des 50 États —, moins de 50 p. 100 offrent des services dans plus de la moitié de leur territoire. Me suis-je bien fait comprendre? Nous parlons de la Saskatchewan, où le réseau couvre près de 99 p. 100 du territoire. Les chiffres que j'ai examinés aujourd'hui datent d'il y a environ un an, mais ce sont les seuls auxquels j'ai pu avoir accès. Je crois que ces données sont d'un grand intérêt pour nous tous. Même dans des endroits comme la Californie, la proportion est de 31 p. 100 seulement. Et je ne parle que du territoire. Il y a certains endroits où la densité de population est élevée. Dans l'État de New York, la proportion est de 56 p. 100. Au Texas, de 41 p. 100. À des endroits comme le Nevada et le Montana, de 10 p. 100 environ. Nous nous plaignons beaucoup, mais nous avons ici l'exemple d'un pays dont les habitants sont riches, peut-être plus riches qu'au Canada si on considère les statistiques par habitant, et où il y a une grande concurrence, mais où les chiffres sont néanmoins très bas.
Savez-vous combien il faut débourser pour qu'un foyer obtienne l'accès à un réseau? Je reviens à la question de l'accès universel. Si l'on veut l'accès universel, que chaque foyer ait accès aux services, quel serait le coût par foyer? C'est un processus très onéreux.
La présidente : Connaissez-vous la réponse?
Le sénateur Merchant : Non. Je me demande seulement quels sont les coûts. Nous sommes très fiers de ce qui a été fait en Saskatchewan, comme le sont les Albertains. Notre situation n'a rien de déshonorant. Il arrive que nous nous comparions à des pays de très petites dimensions.
Le sénateur Plett : Au Manitoba, 56 p. 100 des foyers ont accès aux services.
Le sénateur Merchant : Au Canada, tout est question de géographie.
La présidente : Madame Griffin-Muir, vous serait-il possible de fournir cette information au comité? Vous pourriez le faire plus tard.
Le sénateur Merchant : Je voulais simplement lancer une petite discussion. Je trouvais simplement la question intéressante.
Mme Griffin-Muir : Vous ne souhaitez pas que je réponde à la question?
Le sénateur Merchant : Bien sûr, si vous connaissez la réponse.
Mme Griffin-Muir : Il y a deux ou trois éléments à prendre en considération. Quand on a offert nos services en milieu rural, où la population clairsemée est de deux ou trois cents personnes, les coûts étaient de l'ordre de quelques centaines de milliers de dollars par ménage. Il s'agit du service sans fil, à large bande — le service que tout le monde veut.
Prenons l'exemple de l'Australie. Je ne sais pas quelle est la population de ce pays, mais il semblerait que leur gouvernement ait décidé de dépenser 43 milliards de dollars pour offrir les services à tous ses citoyens. Ça vous donne un point de comparaison pour les régions où la population n'est pas très dense. Aux coûts de l'installation viennent s'ajouter les coûts liés au fonctionnement du réseau, qui augmentent avec le temps.
La vice-présidente : Merci, Mmes Griffin-Muir et Crowe, pour les renseignements que vous nous avez donnés. Vous avez résumé vos activités de façon concise et exhaustive, et les questions posées sont très utiles pour notre étude.
Nous allons maintenant passer au deuxième tour de cette séance. Avant de commencer, je dois vous demander si vous me permettez de distribuer le document de référence en anglais seulement. On n'a pas eu le temps de le faire traduire en français. Est-ce que les membres du comité m'autorisent à distribuer le document? Merci.
Chers collègues, accueillons maintenant le témoin suivant, M. Erik Boch, cofondateur de DragonWave Inc., où il occupe les postes de premier responsable des technologies et de vice-président de l'ingénierie. DragonWave est une entreprise de haute technologie dont le siège social est situé à Ottawa et qui joue un rôle important dans l'avènement des systèmes de transmission à large bande de la prochaine génération. Par exemple, Global Live, un de nos précédents témoins, a choisi cette entreprise pour l'aider à bâtir son nouveau réseau national sans fil.
Erik Boch, cofondateur, premier responsable des technologies, vice-président de l'ingénierie, DragonWave Inc. : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître ce soir. Je vais vous parler de DragonWave, une entreprise que j'ai mise sur pied au Canada — dans Ottawa-Ouest, pour être précis — il y a près de 10 ans. Nous sommes une société cotée en bourse : nous sommes cotés au TSX et, depuis peu, au NASDAQ.
Cette année, nous avons un taux de croissance d'environ 400 p. 100, et nous prévoyons avoir un revenu annuel supérieur à 150 millions de dollars.
La technologie que DragonWave a décidé de développer est axée sur la construction de réseaux à large bande de la prochaine génération, principalement ceux qui permettent la mobilité. Nous sommes en plein déploiement dans bon nombre de pays; nous sommes très actifs aux États-Unis. Nous avons donc une vision unique de la façon dont la technologie est adoptée, des raisons qui justifient son adoption et de certaines incidences financières qui s'y rapportent.
En comparaissant devant vous aujourd'hui, j'ai l'occasion d'aborder le sujet des coûts que doivent assumer les gouvernements qui procèdent à ce déploiement.
À la diapositive 2 se trouve un graphique qui illustre l'évolution des technologies mobiles à large bande. L'axe des x montre les années associées à la construction. Les délais de disponibilité des services peuvent varier parce que les réseaux doivent être construits; il faut parfois attendre un ou deux ans avant que les exploitants soient en mesure de nous vendre leurs services. Les dates indiquées peuvent donc ne pas correspondre tout à fait.
Actuellement, la tendance est de délaisser les services de deuxième génération, les signaux vocaux numériques traditionnels, pour passer aux services de troisième génération — l'accès à un navigateur sur un BlackBerry ou des applications vidéo, par exemple. Il est vrai que les endroits sur la planète où l'on peut profiter de toutes les applications exceptionnelles qu'offrent un BlackBerry ou un iPhone, tant vantées dans les messages publicitaires, sont rares. Cette situation est principalement due au fait que les réseaux sur lesquels s'appuient ces appareils portatifs sont incapables de fournir le débit demandé, surtout pour le transfert de données. C'est justement cette technologie que DragonWave offre.
En se déplaçant vers la droite, vers l'avenir, on voit les réseaux dits de quatrième génération, dont vous avez sans doute entendu parler. Par ces réseaux, on souhaite en venir à un environnement très riche, accessible grâce à un service mobile à large bande, pour les appareils portatifs. Votre téléphone sera aussi fonctionnel que votre ordinateur portable. En y pensant bien, il englobe déjà une multitude de fonctions : c'est un appareil photo, une caméra vidéo, un magnétoscope. Bientôt, vous pourrez vous en servir pour regarder en direct des vidéos provenant d'Internet.
Vous et moi n'en profiterons peut-être pas, mais les jeunes choisiront ces téléphones parce qu'ils auront exactement les mêmes fonctions que YouTube. Les applications avec lesquelles nous nous familiarisons ne leur importent même pas. Ils représentent la nouvelle génération de consommateurs auxquels les exploitants — que vous connaissez, je n'en doute pas — tentent de vendre leurs services.
Pour suivre cette évolution, il faut construire les réseaux; ce sont les piliers qui permettent de fournir les services sans fil. Les activités commerciales de DragonWave portent exclusivement sur ce point. Nous voyons comment les choses évoluent à l'échelle mondiale — dans le tiers monde tout comme aux États-Unis. D'ailleurs, pour vous donner une idée de notre rôle, sachez que DragonWave est maintenant le premier fournisseur de ce genre d'équipement aux États-Unis. On trouve cette information sur le site Web de la Commission fédérale des communications, la FCC. Ce ne sont pas que de belles paroles pour vous vendre mon entreprise, mais bien des faits entérinés par le gouvernement.
À la diapositive 3, on parle des réseaux à large bande. Qu'est-ce que ça veut dire? Les nouveaux réseaux sont axés sur l'aspect sans fil. Certains exploitants construisent des réseaux fixes, mais en règle générale, on recherche la mobilité. C'est l'application révolutionnaire qui a fait son entrée sur le marché.
La mobilité motive la construction de réseaux capables d'assurer une couverture. Il s'agit de réseaux distribués; ils ne sont ni uniques ni sélectifs. On a entendu parler du pourcentage de zones desservies et du fait que les services sont concentrés dans les grandes régions métropolitaines. Mais pensez à une ville comme Ottawa. On ne peut pas installer un important service mobile uniquement dans le secteur de la Colline du Parlement, car certains consommateurs habitent à Kanata et font la navette jusqu'au centre-ville. Il faut donc fournir des services partout, sans quoi les habitants d'Arnprior et de Renfrew se demanderont ce qui se passe. Le service doit être offert partout pour permettre aux gens de se déplacer et assurer la continuité.
Cette exigence fait naître un furieux besoin : il faut avoir les ressources technologiques pour construire rapidement un très grand réseau de distribution. Le problème s'en trouve décuplé dans un pays à l'immense superficie comme le Canada. Dans de petits pays où la population est très dense, la tâche est extrêmement plus facile.
Dans ce contexte, le gouvernement peut jouer un rôle pour faciliter la mise en place de ces réseaux.
Les réseaux à large bande ont trois couches. La première est une couche d'accès, qu'on utilise directement en communiquant avec les stations de base locales. On trouve ensuite une couche de transport, appelée « couche de distribution ». La troisième est la couche centrale, le noyau, qui s'apparente à la route transcanadienne. Elle est habituellement optique et conduit toutes les données vers des portails d'entrée du Web, vers Chicago et New York, directement au cœur du Web.
On a investi énormément dans l'optique ces dernières décennies. Les appareils d'accès qui fonctionnent ainsi connaissent un succès monstre dans les expositions et sont bien visibles dans les vitrines des magasins. Ce sont les gadgets de la nouvelle génération, et ils ont la cote.
Entre les deux se trouve le véritable cheval de trait du réseau : la couche de distribution. Selon moi, c'est l'aspect qui a été mis de côté. Mais c'est sur ce point que DragonWave concentre son attention, et on y accorde beaucoup d'importance aujourd'hui lors de la construction de réseaux. Vous connaissez Globalive. L'entreprise en est maintenant à l'étape de la construction de cette couche, qui sert à regrouper dans un cœur optique ce que les gens transmettent aux stations de base locales.
Vous trouverez des renseignements complémentaires à la diapositive 4. Bien des problèmes accompagnent le déploiement de ce type de réseau lorsque les régions à desservir sont vastes. Le Canada est aux prises avec un problème classique. Des petites agglomérations sont éparpillées dans tout le pays. Ailleurs dans le monde, on voit le Canada comme un pays composé de 66 petites villes et de 2 ou 3 grandes villes. La superficie à couvrir est très importante, et bien des villes sont plutôt petites. On les considère comme de grandes villes, mais elles ne le sont pas comparativement à d'autres villes du monde.
Pour disposer de ces services de réacheminement au Canada, il faut construire un réseau distribué, mais on se heurte à un énorme problème lorsque vient le temps d'étendre ce service aux gens en milieu rural. Le trafic doit revenir aux principaux hébergeurs web pour ensuite se retrouver sur le web. Quand j'envoie un courriel, il ne se rend pas directement au destinataire. Il est acheminé vers un serveur web virtuel ailleurs sur la planète — peut-être bien en Inde — avant de revenir. C'est le même principe avec la voix sur IP : elle passe par un commutateur logiciel en Indiana et revient par le web.
Dans cette infrastructure, pratiquement tout est distribué.
Pour construire la couche de distribution qui relie le combiné et la fibre optique, deux technologies entrent en jeu. Premièrement, la fibre optique — mais je ne m'étendrai pas sur ce point, car j'imagine que vous êtes bien au fait de cette technologie dans le cadre de la mise en place d'un réseau. Deuxièmement, l'utilisation plus récente de la technologie sans fil à haute vitesse ou à grande capacité. On considère la fibre optique comme le meilleur moyen d'avoir une largeur de bande infinie, mais elle comporte de sérieux inconvénients : le coût et les délais associés au déploiement.
Vous parlez de dépenses. Dans les villes occidentalisées, il en coûte entre 15 000 et 30 000 $ pour installer la fibre optique sur 1 kilomètre. Les coûts augmentent de 50 p. 100 au Canada à cause des contraintes attribuables à la température, les cycles que suit la construction, et l'absence d'infrastructures dont nous pourrions nous servir, comme des tuyaux qui traversent les ponts. Il n'y a pas beaucoup de ponts, donc il n'y a pas beaucoup de tuyaux. Les tuyaux existants sont déjà pleins; les fournisseurs de fibre optique éprouvent donc bien des difficultés à faire passer les fibres dedans.
Grâce aux récents progrès technologiques, les services sans fil à grande capacité ont permis d'augmenter le rendement de ces pièces d'équipement et d'en diminuer les coûts. C'est l'œuvre d'entreprises comme DragonWave et celles de nos concurrents.
Pour vous situer, dites-vous que les dépenses en immobilisations liées à l'équipement sont 10 fois moins élevées qu'il y a 10 ans, et ce, grâce aux progrès technologiques. Les entreprises innovent et donnent les pièces aux fournisseurs de services chargés du déploiement. Elles peuvent fournir les moyens nécessaires pour procéder à des déploiements comme s'il s'agissait de fibre optique.
Ce qu'il faut retenir, c'est que l'équipement est là, prêt à servir à la construction. Il faut simplement décider de financer le projet et de le mener à terme.
Les graphiques de la diapositive 5 montrent l'évolution des déploiements dans le temps. Celui de gauche représente la situation qui prévaut aux États-Unis depuis les 10 dernières années, environ. On a beaucoup utilisé le cuivre, surtout pour les infrastructures T-1 servant à réacheminer la voix et à connecter les réseaux vocaux. De 10 à 20 p. 100 des immeubles industriels et des entreprises sont connectés à l'aide de fibre optique en Amérique du Nord, ce qui est cohérent avec la situation aux États-Unis, et on compte aussi un faible pourcentage de déploiements par micro-ondes pour le même type de construction.
Le graphique de droite montre un changement radical dans la méthode de déploiement. La fibre optique prend incontestablement de l'ampleur. Toutefois, c'est une méthode qui demande du temps, tant pour l'implantation que pour l'obtention de connexions. Le nombre de déploiements de réseaux sans fil a monté en flèche, si bien qu'ils écarteront toute autre technologie dans ce domaine au cours des prochaines années.
Voilà une excellente nouvelle pour des entreprises comme DragonWave. Je le répète, nous avons bien des concurrents dans le monde.
Qu'en est-il du Canada? Prenons la diapositive 6, où l'on vous donne un exemple type : une connexion de 400 mégabits. À Ottawa, un fournisseur de services mobiles à haut débit peut avoir de 50 à 200 points connectés ensemble. Ils servent à diriger le trafic vers un centre de commutation local de la ville qui, à son tour, dirige le trafic Web afin d'établir une connexion avec le Web. On peut déployer des centaines, voire des milliers de ces liaisons radiales pour interconnecter les infrastructures dans une ville de la taille d'Ottawa. Dans une ville de la taille de Baltimore ou de Washington, il faut jusqu'à 2 000 ou 3 000 connexions pour assurer les mêmes fonctionnalités.
Le matériel vous coûterait environ de 10 000 $ à 15 000 $. Au cours de la dernière décennie, les prix ont baissé pour atteindre 10 p. 100 de leur prix antérieur, alors il y a environ 10 ans, le même matériel aurait coûté de 100 000 $ à 200 000 $.
Au bas de la page, vous pouvez voir les droits pour l'obtention d'une licence qui sont de 27 000 $ pour 10 ans. Ces droits se rapportent à la location du spectre permettant d'exploiter une liaison radio en particulier. Vous pouvez vous imaginer qu'un exploitant qui veut œuvrer dans une ville de la taille d'Ottawa doit reproduire cette somme de 27 000 $ des milliers de fois, car chacune de ces liaisons est liée à ses propres droits de location du spectre. Environ 25 p. 100 du coût total de propriété est constitué de droits imposés par le gouvernement.
J'utilise l'exemple des 400 mégabits, qui serait marginal ou minime selon les normes d'aujourd'hui. Habituellement, ces liaisons sont deux ou trois fois plus rapides. Ce montant de 27 000 $ serait exactement proportionnel de façon linéaire. Si la vitesse était deux fois plus élevée, le montant de 27 000 $ augmenterait à 54 000 $, mais tous les autres coûts resteraient les mêmes. Par conséquent, le pourcentage du coût de location augmenterait d'environ 50 p. 100 pour une liaison sans fil d'un gigabit, ce qui correspond à ce que les fournisseurs de service considèrent actuellement comme ce qu'ils doivent bâtir. Ces frais généraux sont assez élevés.
En ce qui concerne la diapo 7, j'expliquerai de quelle façon Industrie Canada calcule ces frais. Nous avons un vieux système fondé sur la CIR-42, qui est basé sur des frais supplémentaires relatifs à une vitesse de 64 kilobits par seconde, ce qui constitue une ancienne mesure de ligne téléphonique commutée.
Aujourd'hui, il n'y a pas de ligne téléphonique commutée dans les services à large bande. Il s'agit tout simplement d'une gigantesque autoroute de voies partagées dans une circulation dense. Il n'existe pas de services à large bande discrets qui vous sont alloués en tant que personne. Vous présentez une demande de service à large bande pour envoyer des courriels, le réseau confirme que tout est correct, il y a une attente d'une seconde, puis le réseau envoie le tout lorsqu'il y a de la place sur l'autoroute. C'est comme ça que ça fonctionne.
Le problème pour rendre le tout proportionnel de façon linéaire, c'est qu'il n'y a pas de revenus supplémentaires associés aux services à large bande supplémentaires. Le modèle d'établissement des prix pour Internet ne fonctionne pas de la même façon que le modèle pour les lignes téléphoniques fonctionnait. Le modèle pour les lignes téléphoniques fonctionnait selon le principe « plus je gère des appels, plus je gagne de l'argent ». Le modèle Internet, de son côté, fonctionne selon le principe « j'ai besoin de plus en plus de services à large bande et je veux que ce service soit le plus près de la gratuité possible ». Lorsque nous pensons au service Internet résidentiel, nous voulons des mégabits de service et nous voulons que le fournisseur de services nous facture 9,95 $ par mois, et ce, à volonté. Un service en fonction des mégabits? Nous payons 25 $ par mois pour une ligne téléphonique de 64 kilobits, et nous l'utilisons trois fois par jour ou par semaine? Nous ne pouvons pas avoir de service à large bande pour 25 $, mais nous voulons avoir Internet au moyen de centaines ou même de milliers de mégabits au même prix ou à un prix moins élevé? Croyez-le ou non, c'est ainsi que fonctionne l'établissement des prix pour Internet.
Les fournisseurs de service fonctionnent de cette façon. Ultérieurement, ils nous demandent, en tant que fournisseurs de matériel, des liaisons radio à plus large bande pour le même prix qu'ils paient pour les minuscules liaisons radio à large bande qui servent à bâtir ces réseaux. Par conséquent, ils ont besoin de la même chose en ce qui concerne leurs autres dépenses de frais généraux. Il leur faut des frais de location qui soient conformes à ce type de modèle d'établissement des prix afin qu'ils puissent fournir un service Internet à taux fixe et à volonté pour les appareils mobiles que réclament les consommateurs. Si les prix ne sont pas proportionnels comme il se doit, ils ne pourront jamais les payer. C'est comme ça que nous voyons la situation. Ce modèle ne fonctionne pas bien. Je ne vais pas enfoncer le clou davantage.
Que se passe-t-il aux États-Unis? Dans la diapo 8, on peut voir le même modèle fondamental d'établissement des prix et les mêmes frais relatifs au matériel. Vous devez embaucher la même personne pour installer l'équipement sur le toit. Si vous regardez un peu plus bas, vous pouvez constater que les frais relatifs au processus d'attribution des licences du Conseil fédéral des communications est de seulement 1 500 $ pour une période de 10 ans. Il n'y a pas que cela, mais si la même liaison est de 1 000 mégabits, le fournisseur de service ne paie pas plus cher pour cela. Le fournisseur loue une partie du spectre, et il peut faire tout en son pouvoir en ce qui concerne la capacité générale. Finalement, le fournisseur doit payer des frais généraux peu élevés associés au Conseil fédéral des communications, environ seulement 2 p. 100 ou moins du coût total de la propriété associée à la location du spectre pour ces applications.
Vous savez quoi? Tous les nouveaux fournisseurs de services qui construisent des installations alternatives aux États-Unis fonctionnent tous avec les premiers niveaux de réacheminement sans fil. En réalité, les principaux clients de DragonWave sont les principaux réseaux compétitifs d'installations alternatives aux États-Unis aujourd'hui, à savoir Clearwire et ses affiliés. Leur modèle d'affaires est fondé sur le moyen le plus abordable et le plus rapide possible pour mettre en œuvre un réseau compétitif et fonctionnel. Ils doivent faire face à des enjeux énormes en raison du faible développement dans ce domaine aux États-Unis, mais il faut couvrir beaucoup plus de population et faire affaire avec un plus grand nombre de villes plus grandes. C'est leur façon de faire, qui est copiée dans d'autres endroits sur la planète.
Ainsi, nous travaillons maintenant avec les grands fournisseurs de services téléphoniques cellulaires. Bien qu'ils aient une infrastructure de service cellulaire en place, la migration nécessaire au service que nous appelons 4G pour ce type de téléphone, et pour faire fonctionner un iPhone et un système GPS pendant que vous circulez, vous avez besoin de ces réseaux de services à large bande, et les anciens réseaux constitués de fils de cuivre ne suffisent plus. Par conséquent, les fournisseurs cherchent une façon de faire face à la concurrence rapidement. La technologie sans fil constitue le même type de moyen.
Fait intéressant, le gouvernement américain a également pris des mesures pour réduire davantage les frais élevés d'attribution de licences grâce à un processus appelé « light licensing » (attribution de licence à faible coût). Ce processus est appliqué aux nouvelles formes de spectre qui ont été créées pour ces types d'applications, et le prix a diminué de 75 $ au cours d'une période de 10 ans pour une liaison semblable fonctionnant avec n'importe quel service à large bande. Comparez les montants de 75 $ et de 28 000 $, et établissez le prix par site.
Pour bâtir un grand réseau comme Global Live est en train de construire partout au Canada, on peut parler de dizaine de milliers, et peut-être même de centaines de milliers de sites qui doivent être connectés afin de créer le genre de service qui, selon nous, doit exister et existerait à Buffalo Point et dans d'autres localités rurales. Ce ne sera pas futile pour eux.
Le sénateur Mercer : Nous aurons le service à Buffalo Point!
M. Boch : Si cela peut vous consoler, je vis près d'ici à Dunrobin, et je n'ai pas accès au service téléphonique cellulaire dans ma maison. Je ne vis pas dans les environs de Buffalo Point, mais je peux me rendre chez moi en 25 minutes à partir de la salle où nous nous trouvons, et il n'y a pas de service téléphonique cellulaire, alors oubliez les services à large bande.
Nous en sommes maintenant à la diapo 9. Alors, que pourrons-nous faire? Depuis un certain temps, j'essaie d'obtenir les modèles d'établissement des prix associés à la circulaire CIR modifiée afin d'être en mesure de donner une meilleure idée de l'utilisation de la technologie sans fil pour les installations à large bande. Nous croyons qu'il serait très utile d'adopter des modèles semblables à ceux qui existent aux États-Unis et que cela aurait une influence réelle sur des stratégies relatives aux installations de ces autres fournisseurs. L'utilisation de la technologie sans fil leur permettrait de renforcer leur capacité à bâtir plus rapidement et à des coûts moindres, ce qui entraînerait un meilleur service et des prix moins élevés pour les consommateurs canadiens.
Je crois que nous devons aussi penser à des façons de mettre en place des mesures incitatives afin que ces exploitants achètent des produits canadiens. Nous avons d'excellents intégrateurs et fabricants de matériel ici même au pays, et je crois que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour favoriser ces types de relations. Ces fournisseurs de services utilisent des ressources canadiennes sous forme de spectre. Si nous pouvons faire en sorte que les prix qu'ils paient pour la location sont plus bas, peut-être qu'ils pourraient en faire profiter l'économie canadienne. Je sais toutefois que le mot « protection » n'est pas à la mode ces jours-ci. J'ai entendu parler d'une certaine clause aux États- Unis appelée Achetez États-Unis ou quelque chose comme ça? Ou serait-ce plutôt Achetez américain?
Je ferai maintenant un court résumé concernant la dernière diapo. Nous croyons que la nouvelle solution de réseaux à large bande nécessitera de très grands investissements en termes de services de réacheminement. La technologie micro-ondes sans fil constitue un élément clé de ces réseaux. Nous croyons que la réduction des coûts relatifs à la location du spectre pour ce type d'infrastructure jouera un rôle clé en ce qui concerne l'utilité de la technologie et son adoption à l'avantage des consommateurs canadiens. Merci d'avoir pris le temps de m'écouter.
Le vice-président : Merci, monsieur Boch. C'était excellent. Je crois que vous maîtrisez bien le sujet dont vous venez de parler. Cela donne froid dans le dos de penser qu'on ne peut pas obtenir des services téléphoniques cellulaires à l'extérieur d'Ottawa. C'est pire qu'à Buffalo Point.
Vous pourrez peut-être commencer par nous dire quelles sont les leçons que DragonWave peut donner aux autres entreprises de haute technologie au Canada?
M. Boch : Tout dépend du moment approprié.
Le vice-président : C'est un bon point.
M. Boch : Investir pendant le ralentissement. Terry Matthews est un des investisseurs de départ dans DragonWave, et une de ses philosophies d'investissement pour les jeunes entreprises est la suivante : lorsque tout le monde court, il est temps de sortir son carnet de chèques.
Les jeunes entreprises doivent innover et créer des produits pendant que les autres sont en situation de faiblesse, et elles doivent être prêtes à mettre ces produits sur le marché lorsque l'environnement d'affaires normal est à la hausse. Chose certaine, DragonWave est l'exemple parfait de cette philosophie.
Le vice-président : Quand l'entreprise a-t-elle été créée?
M. Boch : Elle a été incorporée en 2000.
Le vice-président : Ça fait presque une décennie.
Un représentant d'Industrie Canada nous a dit que le Canada représentait 3 p. 100 du marché sans fil dans le monde. Compte tenu de la taille du marché canadien, est-ce qu'une entreprise doit étendre ses activités à l'extérieur du Canada afin de prospérer?
M. Boch : Je ne connais pas exactement la taille du marché des services de réacheminement sans fil au Canada. Je ne trouverais rien à redire d'un chiffre de moins de 5 p. 100 en tant que chiffre raisonnablement précis. À l'échelle mondiale, le marché des services de réacheminement sans fil se situe entre 4 et 8 milliards de dollars par année. Environ la moitié de ce marché est situé en Europe de l'Ouest, et l'autre moitié du marché se trouve dans le reste du monde.
Les États-Unis se sont traîné les pieds en ce qui concerne l'adoption de cette technologie, surtout à cause de la construction de réseaux à large bande qui, dans le passé, utilisaient des fils de cuivre T-1. Les modèles Telrex ont forcé les modèles Ilex à facturer séparément l'infrastructure T-1 dans une loi datant de 1996. La tarification législative forcée se rapportant à cette infrastructure T-1 facturée séparément les a amenés à obtenir un rendement insensé en ce qui concerne les dépenses des exploitants.
Cette technologie a été adaptée à grande échelle aux États-Unis. À ce moment, la technologie sans fil était assez dispendieuse, alors les modèles d'affaires ont amené ces exploitants à construire surtout une infrastructure fondée sur les fils de cuivre. Le problème avec ces décisions, c'est qu'elles ont mené à des avantages à court terme. À présent, ces mêmes réseaux qui n'ont pas été bâtis avec de la fibre optique ou avec une technologie sans fil ont dû subir une chirurgie massive à cœur ouvert pour les amener au niveau 4G.
Pour ceux et celles d'entre vous qui portent une attention particulière à ce type de choses, lorsque AT&T a mis sur le marché le iPhone à New York, le réseau est tombé en panne. Il est tombé en panne parce que soudainement, les gens ont eu accès à toutes sortes d'applications à la mode d'Apple leur permettant de faire toutes sortes de choses intrigantes avec leurs téléphones, mais le réseau a été incapable de s'adapter à la demande. Aujourd'hui, AT&T fait son bilan : un examen de sa stratégie de réseau à grande échelle, un examen de la technologie se rapportant à ce que l'entreprise fera pour que tout fonctionne bien.
Les consommateurs se plaignent. Ils ont acheté le iPhone et aucune des applications ne fonctionne bien. Seriez-vous déçus à leur place? C'est comme si j'achetais une nouvelle voiture et que le moteur ne démarrait pas.
Le vice-président : Où se trouvent vos principaux marchés?
M. Boch : Notre marché se trouve surtout aux États-Unis. De façon secondaire, notre marché est situé en Extrême- Orient. En troisième lieu, notre marché est en Europe, et le Canada constituerait un marché beaucoup plus petit, en quatrième ou en cinquième position. Nous construisons beaucoup d'infrastructures rurales en collaboration avec Barrett Explorer partout au Canada — je ne sais pas si vous connaissez cette entreprise — et plus récemment, avec Globalive; je crois que l'entreprise s'appelle maintenant Win.
Le sénateur Mercer : Je ne prétendrai pas que j'ai compris tout ce que vous venez de dire. Je vais demander l'aide de notre chercheur pour nous aider à tout comprendre, mais vous avez soulevé quelques questions très intéressantes.
Dans la diapo de la page 5, vous nous avez parlé de la fibre optique par rapport à la technologie micro-ondes ainsi que des services de réacheminement à large bande, et j'ai trouvé très intéressante votre comparaison entre le premier et le deuxième graphique. Fondamentalement, les fils de cuivre sont en train de disparaître. Si vous deviez mettre une date sur vos deux graphiques, quelles seraient ces dates?
M. Boch : Je dirais en 2000 pour celui de gauche, et en 2020 pour celui de droite.
Le sénateur Mercer : Qu'est-ce qui vous empêche d'y arriver?
M. Boch : La construction de l'infrastructure est un travail de longue haleine. C'est comme ça.
Je ne sais pas ce que vous ont dit les représentants de Globalive, mais pour une construction à l'échelle nationale comme celle-ci, c'est un projet de plusieurs années qui s'étendrait probablement sur trois à cinq ans. Aux États-Unis, l'entreprise Clear Wire construit actuellement un réseau à un rythme qui, selon ses concurrents, est impossible. L'entreprise affirme construire à un rythme qui est de cinq à sept fois plus rapide que le rythme qui, selon les autres, est susceptible d'être maintenu; pourtant, elle est capable d'aller encore plus vite, à l'aide de la technologie sans fil.
L'entreprise en est probablement à la troisième année d'un plan de construction de six ou huit ans. Cela lui permettrait d'avoir une zone de rayonnement de base regroupant peut-être les deux tiers de la population américaine.
Le sénateur Mercer : Comme nous nous penchons sur la question de la technologie sans fil, vous avez dit à la fin de votre exposé qu'il y avait des entreprises au Canada qui pouvaient fabriquer certaines pièces de l'équipement qui serait utilisé. Nous souhaitons tous qu'il y ait plus de travail et que de nouveaux emplois soient créés au Canada.
Quelles sont ces entreprises et qu'est-ce qui les empêche de faire leur travail? Est-ce que c'est le gouvernement, ou bien est-ce que c'est simplement la technologie qu'elles doivent avoir pour maintenir le rythme ou la vitesse à laquelle elles doivent travailler?
M. Boch : Pour la construction de ces réseaux, on utilise beaucoup de matériel de pointe sophistiqué dans la mise en œuvre. Pour l'essentiel, ce matériel peut être fourni par des entreprises canadiennes.
DragonWave est un exemple. Dans le monde du sans fil, il y a aussi une entreprise qui s'appelle Red Line, à Toronto. Il y a des dizaines de jeunes entreprises extrêmement compétentes à Kanata. Parmi les grandes entreprises, on pourrait aussi parler de Nortel, dans sa forme actuelle. Et il y a Alcatel, qui n'est pas une entreprise canadienne, mais qui fabrique au Canada une grande part de son matériel de réseau qui est vendu à des entreprises comme Telus. Le matériel est en grande partie conçu et fabriqué ici.
Au chapitre de la capacité technologique, ce sont les ressources naturelles canadiennes qui sont mises en valeur. Les gens qui quittent Alcatel viennent travailler à DragonWave et ainsi de suite; sur le plan technologique, cela nous aide à être concurrentiels à l'échelle mondiale.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé des coûts associés à l'obtention des licences aux États-Unis et au Canada. J'ai une question très simple dont la réponse ne sera peut-être pas aussi simple : qu'obtenez-vous en versant des droits d'obtention de licence de 27 000 $ à Industrie Canada, et qu'obtenez-vous en versant des droits d'obtention de licence de 1 500 $ aux États-Unis?
M. Boch : C'est en réalité la même chose. Quand vous obtenez une licence pour un circuit de liaison hertzienne, un morceau de spectre, vous créez un faisceau particulier qui va d'un endroit à un autre. Ce faisceau est comme un pointeur laser; il suit une trajectoire précise. Le jour suivant, je pourrais traverser cette trajectoire des centaines de fois de différentes façons sans créer d'interférence. On verrait toujours votre point sur le mur.
La délivrance des licences de système à micro-ondes suit exactement la même procédure. Prenons comme exemple les licences délivrées par la Federal Communications Commission à Manhattan. Si on regardait une carte de toutes les trajectoires pour lesquelles des licences ont été accordées, on ne verrait pas l'île. Il y a des centaines de milliers de circuits qui traversent en même temps cette île, une très petite région géographique. C'est exactement la même chose dans le centre-ville de Toronto ou ailleurs.
Ce qu'on obtient en échange des droits d'obtention de licence, c'est l'utilisation exclusive du petit espace physique de ce faisceau, sa direction et son orientation, et l'utilisation privée du spectre d'Industrie Canada; aux États-Unis, c'est l'utilisation privée du spectre du gouvernement américain.
Il n'y a aucune différence.
Le sénateur Zimmer : Quand vous avez créé votre entreprise, quelles difficultés avez-vous rencontrées — par exemple, des problèmes à obtenir du capital de risque ou à trouver d'autres sources de financement? Plus particulièrement, quelles politiques actuelles auraient pu vous aider à surmonter ces difficultés? Que proposeriez-vous?
M. Boch : C'est toujours difficile de trouver de l'argent. Quand l'économie va bien, le problème vient du fait que les sociétés de capital de risque ne comprennent pas la technologie. Ils savent comment faire de l'argent et comment faire un pari intelligent. Dans le contexte économique actuel, la période qui a suivi l'effondrement de 1999, le problème vient du fait que les sociétés de capital de risque sont devenues timides parce qu'elles ont perdu tellement d'argent à la fin des années 2000. Cet argent a pour ainsi dire disparu. Les jeunes entreprises sont vouées à l'échec dans le contexte d'aujourd'hui. Ce n'est pas un cadre propice au démarrage d'entreprises.
Dernièrement, quand nous avons inscrit notre entreprise sur le marché d'actions NASDAQ, on nous a dit que, au cours des quatre ou cinq dernières années, le marché n'avait rien vu d'aussi unique que l'émission des actions de DragonWave. Bien qu'il s'agisse d'une petite entreprise en démarrage, elle enregistre une croissance des revenus considérable et des marges élevées, et elle a un carnet de commandes bien rempli. C'est presque incroyable.
Un autre élément qui fait mal aux petites entreprises qui ont de la difficulté à obtenir du capital de risque, c'est l'accès aux marchés publics. Le fardeau à supporter pour maintenir sa place sur les marchés publics est de plus en plus lourd. Par exemple, il y a les exigences relatives à la vérification et l'augmentation des frais juridiques.
Cela signifie qu'une entreprise comme DragonWave doit avoir un million de dollars par trimestre à jeter par les fenêtres pour pouvoir demeurer en bourse. C'est quatre millions de dollars par année. Pour qu'il s'agisse d'argent de poche, disons que c'est 5 p. 100 de vos revenus. Si vous avez un produit génial et que vous arrivez à le vendre et à enregistrer une marge phénoménale, disons de 50 p. 100, vous devez avoir des gains de 100 à 150 millions de dollars par année pour avoir cet argent de trop. C'est le minimum.
Les sociétés de capital de risque doivent vous financer jusqu'à ce que vous ayez ce montant. Le problème, c'est qu'il est difficile d'enregistrer un taux de croissance qui permette de garantir les investissements dès le début. Il est impossible d'augmenter dix fois sa croissance quand on fait 75 millions de dollars par année. C'est difficile de doubler cela. C'est facile de faire croître la valeur d'une société d'un million de dollars à deux millions de dollars; c'est plus difficile de passer de deux millions de dollars à quatre millions de dollars; et ça devient un problème de passer de quatre millions de dollars à huit millions de dollars.
Dans ce qui constituait le corridor de 20 millions de dollars, vous pouviez vous introduire en bourse. Ce n'est plus possible, parce que les entreprises n'ont pas les moyens d'assumer le fardeau que cela représente. Les investisseurs et les placeurs le savent, et ils ne vous aideront pas à vous introduire en bourse. Ils vont vous refuser; ils ne seront pas en mesure d'obtenir l'argent. Les placeurs reçoivent une commission sur les droits que vous payez pour vous introduire en bourse; donc, s'ils pensent que vous n'y arriverez pas, ils ne veulent pas le faire.
Le sénateur Zimmer : Ils ne veulent même pas s'approcher de vous.
M. Boch : C'est exact. DragonWave a été très chanceuse et elle occupe une place unique dans le domaine du financement. Depuis notre création, la croissance de nos recettes est assez exceptionnelle et notre feuille de route est éloquente; grâce à tout ça, et grâce au fait que nous sommes arrivés au bon moment et que nous avons des partenaires financiers formidables, nous pouvons nous permettre d'être ici aujourd'hui.
Le sénateur Zimmer : Plusieurs témoins que nous avons reçus ont souligné l'importance évidente du spectre dans l'industrie du sans-fil. Dans le cadre de la vente aux enchères du spectre réservé aux services sans fil évolués au Canada, les fournisseurs de services sans fil ont dépensé plus de quatre milliards de dollars pour acquérir du spectre.
Est-ce que la façon dont le spectre est attribué, au Canada ou ailleurs, nuit aux activités de DragonWave? Je sais que certaines entreprises se sont vu attribuer une part du spectre par le passé, et elles n'en ont rien fait. Finalement, le CRTC et Industrie Canada leur ont dit de l'utiliser, sinon elles allaient le perdre. Pensez-vous que ces entreprises pourraient obtenir une part du spectre dans le but de l'utiliser plus tard dans l'avenir? Voyez-vous ce genre de comportement?
M. Boch : L'accessibilité du spectre, c'est-à-dire le spectre réservé aux services sans fil évolués et les autres spectres visés par des licences, c'est une autre paire de manches. Elle est directement liée à la capacité de produire des revenus pour ce qui est des combinés. Le spectre relatif à la distribution sans fil n'est rien qu'un fardeau pour les exploitants. C'est un mal nécessaire. Il n'est pas lié directement aux revenus générés par les consommateurs. C'est une dépense d'exploitation nécessaire pour offrir ce service aux consommateurs.
Il y a en effet des exploitants qui ont des licences nationales pour la distribution. Aux États-Unis, des entreprises comme Nexlink et Winstar, qui ont fait faillite, malheureusement, avaient ce genre de licence qui leur permettait d'installer la couche de distribution partout.
Je ne dirais pas qu'elles n'ont pas utilisé leur part du spectre. Je dirais qu'à l'époque où une part leur avait été attribuée, elles avaient des difficultés financières. Elles étaient paralysées. Le matériel était disponible. Elles avaient la volonté, mais le marché leur avait donné quelques mauvaises cartes. Elles ont eu beaucoup de difficultés à obtenir l'argent nécessaire pour utiliser le spectre de façon efficiente; ce n'est pas qu'elles voulaient l'entreposer.
Le sénateur Zimmer : C'était donc une question d'ordre financière?
M. Boch : C'est mon avis.
Le sénateur Zimmer : Lors de notre première réunion sur ce sujet, un fonctionnaire d'Industrie Canada a dit : « Grâce aux percées technologiques, il est possible d'utiliser les parties du spectre radio qui, jusqu'ici, étaient jugées inutilisables. » Sur votre site Web, vous mentionnez que vos solutions Horizon1, pour lesquelles vous avez reçu un prix, sont reconnues dans l'industrie pour leur efficience au regard du spectre.
Est-ce que DragonWave est l'une des entreprises qui favorisent une meilleure utilisation du spectre, et la technologie peut-elle avoir raison du risque qu'il y ait une pénurie de spectre inutilisable?
M. Boch : L'efficience pour ce qui est de la consommation du spectre, c'est tout simplement une question de logique. C'est une ressource limitée. Il est juste de dire que les organismes de réglementation exercent de façon générale des pressions sur leurs locataires exploitants pour qu'ils utilisent le spectre de façon responsable et efficiente.
Je ne pense pas qu'Industrie Canada agisse de façon différente. Je ne dirais pas qu'il y a une pénurie de spectre pour ce type d'utilisation. Je dirais que la politique sur laquelle se fonde Industrie Canada pour administrer ses dossiers de réglementation associés à l'utilisation du spectre à des fins de distribution — non pas le spectre réservé aux services sans fil évolués ou d'autres spectres susceptibles d'être vendus aux enchères — est conforme à ce que nous avons vu ailleurs dans le monde.
En général, les pays occidentalisés sont semblables — leurs politiques sont différentes, mais elles sont en harmonie les unes avec les autres. Dans certaines organisations internationales, les gens responsables de l'élaboration des politiques relatives au spectre et de la réglementation connexe se réunissent et échangent de l'information. Il y a beaucoup de concordance entre les règles techniques du Canada et des États-Unis, et même du Mexique, ce qui est profitable. C'est différent de ce qui se fait en Europe, bien sûr, mais c'est constant partout sur le continent, ce qui est utile.
Le sénateur Zimmer : Merci pour votre franchise et bonne chance pour l'avenir.
Le vice-président : Merci, sénateur Zimmer.
Y a-t-il d'autres questions?
Je vous remercie d'être venu nous rencontrer, et je félicite votre entreprise de s'être classée parmi les dix premières dans le domaine du sans fil au Canada pour ce qui est des recettes enregistrées en 2008. Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Boch : Non, je veux simplement vous remercier de m'avoir invité à venir vous parler.
Le vice-président : Cette rencontre a été excellente. Elle m'a beaucoup plu, comme elle a plu à mes collègues.
Le comité suspend ses travaux jusqu'à mardi prochain, à 9 h 30.
(La séance est levée.)