Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 8 - Témoignages du 18 novembre 2009
OTTAWA, le mercredi 18 novembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 37 pour étudier les enjeux émergents liés à son mandat dans le domaine des communications et à faire rapport sur le secteur du sans-fil, notamment sur l'accès à Internet haute vitesse, la fourniture de largeur de bande, le rôle d'édification de la nation du sans-fil, le rythme d'adoption des innovations, les aspects financiers liés aux changements possibles du secteur ainsi que le développement du secteur au Canada comparativement à ce qui se fait ailleurs dans le monde.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Bonsoir. Nous entamons la 14e séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications consacrée à l'étude du secteur du sans-fil. Nous accueillons ce soir, de TerreStar Canada, M. André Tremblay, président-directeur général. Il est accompagné de Jan Skora, conseiller régulateur, de Jan Skora Consulting Services Inc.
[Français]
Monsieur Tremblay est un fondateur et associé de TerraStar Canada, une société fermée œuvrant dans le domaine de la gestion des fonds d'action. Il possède plus de 20 ans d'expérience dans l'industrie des télécommunications où il a participé activement à la conception, au financement et à la gestion de plusieurs entreprises.
[Traduction]
André Tremblay, président-directeur général, TerreStar Canada : Merci beaucoup de m'avoir invité. C'est un plaisir pour moi d'être ici. Je partage avec vous l'opinion qu'il est essentiel que nous ayons une société de télécommunications dynamique si nous voulons retirer le maximum d'avantages pour le Canada.
J'ai passé une grande partie de ma carrière dans les télécommunications, et j'ai notamment fait partie d'un groupe d'étude pour le gouvernement. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de faire cet exposé.
Je ne suis pas expert en matière de politiques gouvernementales ou de réglementation. J'ai toutefois été exposé à toutes celles qui concernent les télécommunications, d'abord en qualité d'acteur, pendant plus de 20 ans, dans des fonctions de direction dans différentes entreprises du secteur et, dernièrement, à titre de conseiller indépendant, dans le contexte du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, qui a présenté son rapport à Industrie Canada en mars 2006.
J'ai passé une année à évaluer, avec des collègues, l'industrie des télécommunications au Canada et à faire des recommandations sur la façon dont il faudrait s'y prendre. C'était une expérience très spéciale pour les trois membres du groupe d'étude, qui incluait Gerri Sinclair et Hank Intvent. C'était une occasion unique d'exprimer des opinions indépendantes sur des questions de politique des télécommunications et de réglementation.
Cet environnement comporte, bien entendu, d'énormes enjeux financiers; un grand nombre de déclarations publiques, voire toutes, ont tendance à être dictées par une ligne de parti ou à être préparées par des conseillers de haut rang, afin de soutenir légitimement les opinions des parties qui ont des intérêts financiers. C'est un milieu à forte intensité capitalistique et la plupart des opinions sont axées sur un seul aspect.
Dans notre cas, je ne veux pas prétendre que nous étions exempts de parti pris. Je pense que nous avions et que nous avons encore nos opinions et nos vaches sacrées. Nous étions toutefois indépendants et prêts à accepter les opinions de l'équipe de collaborateurs et des experts que nous avions consultés pour tirer nos propres conclusions.
L'opinion à laquelle vous pouvez vous attendre de ma part est celle d'un acteur qui n'est pas un expert mais qui est, dirais-je, raisonnablement informé, actif et qui reste relativement indépendant. Je dis « relativement indépendant » car je suis maintenant de retour dans le secteur des télécommunications, à titre de principal actionnaire et de président-directeur général de TerreStar Canada, une entreprise de services par satellite que je vous présenterai brièvement plus tard. Par conséquent, je ne peux plus prétendre être encore parfaitement impartial.
Je ferai d'abord quelques commentaires d'ordre général sur les recommandations du groupe d'étude, surtout en ce qui concerne le secteur du sans-fil, qui est vraisemblablement le principal centre d'intérêt du comité. J'aimerais ensuite expliquer pourquoi je continue à croire que nous avons besoin d'une certaine intervention gouvernementale dans les pratiques et les politiques de gestion du spectre, pour maximiser les avantages de l'industrie du sans-fil pour les Canadiens; c'est donc un point de vue que j'appuie. J'estime que c'est nécessaire. Enfin, j'aimerais donner quelques informations sur TerreStar Canada et profiter de l'occasion pour vous montrer les avantages que cette société peut apporter aux Canadiens, tout spécialement dans les régions éloignées.
À la suite de son examen, le groupe d'étude a recommandé d'apporter des modifications substantielles à l'environnement politique et réglementaire. Nous avons fait plus de 160 recommandations; c'est un travail considérable. À notre avis, c'était nécessaire pour tenir compte des transformations non moins profondes touchant la technologie des télécommunications, sur le marché actuel, et pour s'y adapter.
La liste des recommandations porte sur tous les aspects importants de l'environnement des télécommunications, y compris les objectifs de politique et réglementation et la réglementation économique, technique et sociale. Le groupe d'étude avait un très large mandat.
Il a fait un effort considérable pour adopter une vue globale de l'environnement des télécommunications et proposer un jeu complet et équilibré de recommandations afin d'atteindre plusieurs objectifs importants. Le premier objectif était d'accélérer la déréglementation des marchés concurrentiels et de compter, si possible, sur le libre jeu du marché pour atteindre les objectifs économiques du Canada. Le deuxième objectif était de simplifier et d'accélérer le processus politique et réglementaire lorsque cela restait nécessaire, et seulement dans ces cas-là. Le troisième objectif était de contribuer à définir un environnement des télécommunications prévisible, propice à l'investissement et à la concurrence, dans l'intérêt de la population canadienne.
En ce qui concerne le secteur du sans-fil, nos recommandations étaient fondées sur le raisonnement suivant. En premier lieu, le groupe d'étude était convaincu que la forte pénétration du marché dans les services à large bande sur ligne fixe, au Canada, n'était pas due principalement à une intervention réglementaire, mais au fait que nous avons deux plateformes performantes, avec la ligne terrestre fixe. Ce sont les compagnies de téléphone et les entreprises de câblodistribution qui se font concurrence pour acquérir une part de marché. Par conséquent, nous estimons que le succès de la large bande était en fait basé sur la concurrence sur le marché et pas sur la réglementation. En deuxième lieu, avec l'appui d'experts en technologie et après avoir examiné quelques histoires de réussites sur d'autres marchés importants, le groupe d'étude a estimé que les systèmes sans fil pourraient devenir une troisième plateforme d'accès concurrentielle pour un grand nombre de produits vocaux et de produits de données. Nous étions d'avis que ce type de concurrence pourrait comporter des avantages considérables pour les Canadiens.
Notre avis était que le sans-fil évoluait à une telle allure que les futurs réseaux comme ceux que nous avons actuellement — les réseaux de troisième génération et, maintenant, ceux de quatrième génération, qui sont sur le point d'être accessibles — seraient assez puissants pour faire concurrence pour l'accès à large bande avec les plateformes fixes, c'est-à-dire aux entreprises de câblodistribution et de télécommunications. Dans la mesure où on pourrait établir des politiques faisant du sans-fil une industrie dynamique, nous estimions qu'avec ces trois plateformes, cette concurrence générerait de réels avantages pour la population canadienne.
Enfin, le groupe d'étude a fait remarquer que l'industrie canadienne du sans-fil était généralement en retard par rapport à d'autres marchés développés, à bien des égards — pénétration, utilisation, innovation, plateforme de la prochaine génération, et cetera. Par conséquent, nous avons recommandé l'adoption de pratiques et de politiques de gestion du spectre qui soutiennent une industrie du sans-fil vigoureuse et dynamique, encouragent l'utilisation efficace du spectre et facilitent l'adoption du sans-fil.
Nous avons fait une série de recommandations, généralement basées sur les expériences de certains des pays qui sont des chefs de file dans le domaine, à l'appui de plusieurs objectifs. Voici ces recommandations : simplifier et accélérer le processus de l'allocation et de la réaffectation du spectre, miser autant que possible sur des méthodes axées sur le marché pour la gestion du spectre, établir des règles axées sur le marché en ce qui concerne la propriété et le commerce du spectre et établir des mesures pour encourager la concurrence sur le marché canadien.
Nous avons également fait des recommandations corrélatives pour faciliter l'accès à différentes structures, régler les différends au sujet des emprises, rendre le partage des pylônes obligatoire et interdire les installations en exclusivité sur les toits. En résumé, nous avons essayé de supprimer de nombreuses contraintes et de faciliter l'accès aux nouveaux investisseurs disposés à prendre les risques qu'implique l'édification de réseaux sans fil concurrentiels.
Une autre suggestion très importante que nous avons faite — et nous l'avons faite à la suite de la présentation du rapport, car cela ne faisait pas partie de notre mandat —, était d'élargir de façon prudente l'accès au capital étranger dans le secteur des télécommunications. Nous avons souligné de nombreuses préoccupations légitimes au sujet de la suppression des restrictions concernant la propriété étrangère; par conséquent, nous avons conçu l'approche que nous recommandions de façon à ce qu'elle réponde le mieux à ces préoccupations. L'accès sans restriction au capital est un facteur clé de réussite, surtout dans les secteurs à forte intensité capitalistique.
Dans le contexte recommandé des avantages positifs nets, dans la mesure où nos évaluations indiquent qu'il y en a pour les Canadiens, nous ne voyons aucune bonne raison d'être privés de l'avantage qu'un exploitant étranger pourrait apporter aux consommateurs canadiens. En fait, un de ces exploitants étrangers est présent dans presque tous les pays développés, sauf le Canada.
Dans le sillage de notre rapport, en juin 2007, Industrie Canada a publié une version révisée du cadre de la politique canadienne du spectre. Industrie Canada a profité de l'occasion pour simplifier l'objectif de la politique et a établi l'objectif unique et très simple qui suit : « Maximiser, pour les Canadiens et les Canadiennes, les avantages économiques et sociaux découlant de l'utilisation du spectre des radiofréquences ».
J'approuve personnellement cet objectif officiel mais il est clair qu'il n'a pas encore été atteint.
En bref, je pense qu'au Canada, les pratiques concurrentielles font gravement défaut dans le secteur du sans-fil; je peux d'ailleurs vous indiquer plusieurs facteurs qui justifient cette conclusion. La dernière fois que j'ai fait ce type d'analyse, j'ai basé mes opinions sur une analyse faite par la société Merrill Lynch en 2008. Cette analyse — How does Canada stack up in wireless? — a été publiée en avril 2008. Bien que je n'aie pas actualisé ces données, je suis sûr que les conclusions sont les mêmes à l'heure actuelle.
À la première page, l'analyse indique que le Canada a le taux de pénétration le plus bas parmi les 23 pays développés. Il est possible que ce soit lié au fait que le Canada est au deuxième rang pour ce qui est des recettes moyennes par utilisateur, à savoir 61 $ par mois. Le montant a augmenté au cours des 20 derniers trimestres consécutifs — cinq années de hausses constantes des prix.
En outre, le pourcentage du PIB représenté par le secteur du sans-fil était comparativement plus bas au Canada. Le pourcentage des recettes mensuelles représenté par le nouveau produit de données était comparativement beaucoup plus faible et la rentabilité de l'industrie — le profit que des entreprises du secteur mesuré en se basant sur leurs gains — était de loin la plus élevée de tous les marchés développés.
À la page suivante de l'analyse figurent de nombreuses statistiques qui permettent d'en juger et de tirer ses propres conclusions. Cependant, par rapport au point de repère que constituent les 23 pays développés, la pénétration du sans-fil au Canada était en retard de 38 p. 100; elle était de 27 p. 100 comparativement à la pénétration aux États-Unis, qui sont notre principal partenaire commercial. Le pourcentage de l'économie totale que représente le sans-fil était plus bas de 25 p. 100 au Canada que dans les économies développées comparatives et 18 p. 100 plus faible qu'aux États-Unis.
Bien sûr, cela ne fait que 0,2 ou 0,3 p. 100 de moins, mais 0,2 ou 0,3 p. 100 d'un PIB de 1,36 billion de dollars, ça représente de 3 à 4 milliards de dollars de production, avec les emplois de qualité corrélatifs qui sont absents de notre économie.
Pour le pourcentage des revenus représentés par les produits de données résultant en grande partie du lancement des réseaux de troisième génération, le Canada est en retard de 45 p. 100 sur la moyenne des pays développés, et de 40 p. 100 sur les États-Unis. La rentabilité canadienne était, bien entendu, en avance de 39 p. 100 en moyenne sur l'étalon pour les pays développés et de 44 p. 100 par rapport aux États-Unis.
Ceci m'amène à une conclusion toute simple : nous avons certes d'excellentes entreprises de télécommunications canadiennes et leurs hauts dirigeants savent très bien protéger leurs intérêts. Cependant, l'industrie est en retard sur le plan des comportements concurrentiels et ce n'est pas à l'avantage de la population canadienne. Nous avons besoin de plus de comportements concurrentiels si nous voulons extraire la valeur du secteur du sans-fil pour soutenir les légions d'entrepreneurs qui pourraient en profiter sur le marché canadien.
TerreStar Canada possède un satellite de la prochaine génération, c'est-à-dire un satellite de télécommunications fait pour la communication vocale et la communication de données. Il n'est pas nécessaire de donner des explications en ce qui concerne la communication vocale. En ce qui concerne les données, il s'agit en fait de données du type de quatrième génération, totalement IP, c'est-à-dire des données semblables au protocole Internet. Cela se fait à des vitesses qui n'atteignent pas celles de la large bande, mais qui atteignent 500 K, un demi-mégaoctet, soit davantage que la vitesse que beaucoup de personnes reçoivent de leurs fournisseurs.
Mon associé et moi sommes les principaux actionnaires de la société au Canada. Le satellite a été déployé au début du mois de juillet. Il est à son emplacement canadien et est prêt pour le lancement. Nous faisons actuellement le traitement et l'intégration de ce système à tous les systèmes qui doivent être développés pour fournir des services à la population.
L'idée à la base de ces satellites de la prochaine génération est très simple. Les services par satellite étaient limités à un très petit nombre de personnes et passaient par un très gros combiné — un très gros modem, en quelque sorte. Je pense qu'au moins certains d'entre vous ont déjà connu ce type de combiné quand ils allaient dans des régions isolées ou bien à des endroits d'où ils voulaient communiquer avec des personnes ou maintenir la communication. Ces combinés étaient très utiles, mais ils n'étaient pas du tout des combinés usuels; c'est la grosse différence avec le système que nous avons lancé dernièrement.
La technologie des satellites a évolué à un point tel qu'avec de très grosses antennes très puissantes, le signal reçu par satellite peut maintenant être capté sur un petit combiné. C'est le premier combiné que nous lancerons dans le courant de l'année prochaine. Il ne s'agit plus d'un téléphone satellitaire comme tel; c'est un téléphone cellulaire. Il inclura la couverture terrestre de tous les opérateurs — Bell, Rogers, TELUS ou les nouveaux venus. Tout opérateur pourrait intégrer sa couverture territoriale à ce produit.
La différence se fait ressentir lorsqu'on se trouve à l'extérieur du territoire couvert pour quelque raison que ce soit — pour des raisons de sécurité, pour les loisirs, pour tout type de motif susceptible de vous pousser à sortir du territoire couvert — le satellite prendra le relais et la connectivité sera maintenue. Au Canada, il est facile de perdre de temps en temps la communication, car moins de 10 p. 100 de la superficie du pays est couverte. Ce produit assure une couverture géographique totale au Canada et aux États-Unis. Elle s'appuie surtout sur les systèmes terrestres quand le satellite n'est pas nécessaire, mais il y aura toujours la couverture par satellite qui prendra le relais lorsque vous serez hors de portée des systèmes sans fil terrestres.
Un autre facteur qui a rendu le projet intéressant pour nous est le fait que nous puissions également édifier des réseaux terrestres au besoin. Lorsque nous nous présentons dans une localité, il est toujours possible pour nous de vendre le produit satellite. Si la demande est suffisante dans cette localité pour rendre abordable le coût de construction d'une infrastructure ou si un programme quelconque du gouvernement fédéral peut aider à faire cet investissement, il est logique de donner à une ville ou à une région une couverture terrestre pour fournir les produits haute vitesse et les produits solides à la collectivité. Si cette localité est en dehors de la zone terrestre couverte, il y a toujours la couverture par satellite à travers le Canada.
Une des préoccupations du comité est la couverture des localités isolées. C'est un sujet auquel nous avons consacré beaucoup de temps, à faire des évaluations et à réfléchir. Il ne s'agit pas d'une solution complète. Le satellite comme tel n'est pas haute vitesse. Il fait partie d'une solution intéressante qui pourrait être apportée à ces collectivités, surtout si elles sont isolées. Même si on peut fournir une couverture terrestre à ces collectivités, cela ne représentera que quelques cellules la plupart du temps. Il ne s'agira pas d'une large couverture. Ce système donne l'occasion à certaines personnes de rester en contact lorsqu'elles sont en dehors des quelques cellules qui seront édifiées.
Je pense que c'est une grande réalisation sur le plan technologique. C'est un système que nous nous réjouissons de déployer dans différentes localités du Canada. Nous sommes impatients de faire profiter les Canadiens des avantages de cette technologie.
Le sénateur Johnson : J'ai deux ou trois questions à poser en ce qui concerne Trio Capital Incorporated, qui est votre entreprise privée de gestion de fonds de placement. Il y a peu d'information publique à son sujet. Pourriez-vous expliquer au comité le rôle de l'entreprise dans le marché canadien et mondial des télécommunications? Quel est également son rôle dans le lancement du Fonds Télécom Média?
M. Tremblay : Trio Capital est une corporation de portefeuille privée comptant trois actionnaires, qui sont mes associés depuis des années. Nous sommes dans le secteur du sans-fil depuis 15 ans maintenant. Notre principal projet était la construction et le fonctionnement de microcellules. Vous vous souvenez peut-être de la marque Fido; c'était notre produit. Nous avons eu toute une série d'activités avec Fido et nous avons amené la concurrence et l'innovation dans la collectivité.
Après Fido, nous avons créé Trio Capital, une corporation de portefeuille privée. Nous avons investi notre propre capital, et aussi du capital provenant d'autres sources, dans nos projets. En ce qui concerne le projet que je viens de décrire, Trio Capital est propriétaire de TerreStar Canada. Pour être clair, nous n'avons pas beaucoup d'information sur Trio Capital, car nous créons nos propres projets. Nous investissons dans nos projets et trouvons d'autres personnes pour investir avec nous lorsque nous avons besoin de fonds supplémentaires. TerreStar est notre principale activité pour les prochaines années. Il faudra beaucoup d'énergie et d'attention pour édifier cette entreprise au Canada.
Le sénateur Johnson : Nous aimerions savoir quel est votre rôle dans le lancement du Fonds Télécom Média. Y avez-vous participé?
M. Tremblay : Oui. Nous avons lancé le Fonds Télécom Média il y a trois ou quatre ans avec la Caisse de dépôt et placement du Québec. Nous avons fait quelques investissements dans ce fonds et gérons encore un ou deux de ces investissements. La Caisse de dépôt et placement du Québec a investi des capitaux avec nous dans cette entreprise.
Le sénateur Johnson : Ma question suivante porte sur les commentaires que vous avez faits au sujet du piètre rendement en ce qui concerne les services à large bande et le sans-fil. Des études internationales et d'autres personnes qui ont témoigné devant le comité l'ont confirmé. Vous signalez que c'est un piètre rendement, selon les normes internationales. Quelles politiques faudrait-il adopter pour améliorer ce rendement?
M. Tremblay : Dans la foulée de ce que nous avons fait avec le rapport du groupe d'étude, nous devons encourager la concurrence et nous assurer que les règles du marché sont là. Le Canada souffre d'une forte carence à cet égard. Nous avons des entreprises bien établies qui se font concurrence et de nouvelles entreprises qui veulent prendre de l'expansion mais qui n'ont pas libre accès aux marchés internationaux pour obtenir du financement.
Je pense qu'un des plus gros obstacles à la compétitivité du marché est l'accès au capital sur les marchés étrangers. Ce n'est pas que nous n'ayons pas des marchés élaborés au Canada; nous n'avons toutefois pas le volume nécessaire pour financer entièrement de tels projets.
J'ai investi 4 milliards de dollars dans Microcell et probablement 95 p. 100 du financement venait des États-Unis ou du Royaume-Uni — en majeure partie des États-Unis. Pourquoi? Les États-Unis ont une forte concentration d'immobilisations, pas des millions, mais des milliards et des billions.
Pour un fonds de 900 millions de dollars ou de 1 milliard de dollars, cela a bien du sens d'investir 1 ou 2 p. 100 de ses capitaux propres dans des entreprises qui sont dans la phase de pré-lancement et qui constituent un environnement présentant davantage de risques, comme des entreprises de haute technologie. Lorsqu'on gère un énorme portefeuille, on crée toujours des portefeuilles présentant davantage de risques et d'autres moins. Deux pour cent d'un billion de dollars représentent une somme d'argent considérable. Si vous avez beaucoup de fonds de ce type, vous avez accès à d'énormes marchés financiers.
Il faut d'abord avoir accès à tous les marchés, sinon votre coût en capital n'est pas concurrentiel. Le Canada a une industrie très prospère à laquelle on peut participer. Ça ne pose aucun problème de permettre la concurrence. Nous avons d'excellentes entreprises qui pourraient avoir une grande capacité de produire des produits, des méthodologies, ou des procédés à un coût plus faible.
Ensuite, je ne sais pas si c'est une question de politique, mais ce n'est certainement pas une question de nombre de participants. Pour l'ensemble du Canada, il y a trois entreprises. Ce n'est peut-être pas suffisant pour la concurrence. Je ne pense pas que ce soit une question de nombre. Le groupe d'étude a été en contact avec ce type de raisonnement. Je pense que c'est une question de comportement et du type d'actifs que l'on a. Il faut être conscient du fait que le Canada se trouve dans une situation très spéciale. Il y a trois très grandes entreprises solides. Ce sont des entreprises intégrées, avec des actifs, des immobilisations corporelles et des biens mobiliers.
La prochaine grosse vague qui s'est déjà amorcée dans de nombreux pays est Internet sans fil. Pour qui au Canada Internet sans fil présente-t-il des avantages? Actuellement, les services Internet sont très payants pour tous les fournisseurs; par conséquent, pourquoi voudraient-ils des changements? Ce sont des personnes brillantes avec des entreprises bien gérées. Elles n'apporteront pas ce changement. Ça ne dépend pas du nombre de personnes qui pourraient apporter le changement, mais c'est plutôt dû au fait qu'elles n'ont pas d'intérêt financier à le faire. C'est l'environnement actuel.
Le sans-fil est important au Canada car il peut créer une troisième plateforme. Il serait bon d'avoir un secteur du sans-fil dynamique avec au moins une entreprise centrique qui n'a pas d'autres actifs à protéger lorsqu'elle lance des services sans fil. Ça lui permettrait d'être en concurrence avec des actifs sans fil. Ce facteur est important si nous voulons un contexte favorable aux besoins de la population.
Le sénateur Zimmer : Plusieurs études internationales soulignent le piètre rendement relatif du Canada en ce qui concerne la pénétration du marché, la vitesse et le prix et en ce qui concerne les services à large bande et le sans-fil. Vous avez évoqué le problème. Êtes-vous d'accord pour dire que, selon les normes internationales, le rendement du Canada est faible dans les services à large bande et le sans-fil et, dans l'affirmative, quelles politiques faudrait-il adopter pour améliorer ce rendement?
M. Tremblay : Je dois reconnaître mes limites. Je suis capable de décrire assez bien l'environnement. Ce que j'ai décrit, c'est la situation actuelle. Cependant, en ce qui concerne la politique actuelle, il est essentiel d'éliminer autant que possible les goulots d'étranglement. Bien que nous ayons des politiques, il est possible que nous n'ayons pas accès à l'infrastructure nécessaire. On pourrait vouloir établir 15 points d'accès pour déployer son réseau sans fil au Canada. Pourquoi est-il nécessaire de construire une nouvelle infrastructure quand il y a déjà des pylônes et des toits à travers le pays? Lorsque nous avons lancé Microcell, nous ne pouvions pas avoir accès aux toits car ils faisaient partie d'ententes d'exclusivité. Pourquoi la concurrence se trouve-t-elle à ce niveau-là et pas au niveau de la rue, en train de vendre des services aux consommateurs? Une des recommandations du rapport concernant les politiques porte sur l'élimination de ces goulots d'étranglement. Je pense que nous avons au moins maintenant des règles qui mettent fin aux ententes d'exclusivité concernant les toits. Nous ne sommes pas parvenus à obtenir un règlement semblable en ce qui concerne les pylônes. Bien qu'il y ait au Canada des règles concernant le partage des pylônes, il n'y a pas eu de partage motivé par de bonnes raisons pratiques.
La politique la plus importante est celle de l'accès au capital — une politique cadre, en quelque sorte. Les règles régissant la propriété étrangère pourraient être modifiées ou supprimées. Nous avons signalé dans le rapport que de nombreuses personnes avaient des préoccupations justifiées au sujet de la propriété étrangère et que, par conséquent, il ne serait peut-être pas recommandé de se débarrasser de toutes les règles, bien que le Canada soit un des rares pays au monde où de telles règles sont en vigueur. J'estime que c'est un grave problème de politique. On dit aux entreprises de se faire concurrence sur le marché libre, mais elles n'ont pas accès au capital.
Nous recommandons que les entreprises détenant une part de marché représentant moins de 10 p. 100 ne devraient pas être assujetties aux règles sur la propriété étrangère. Le même raisonnement s'applique aux banques, car toute banque détenant une part de marché de moins de 10 p. 100 n'est pas touchée par ces règles.
Au Canada, les personnes qui préconisent de fermer le marché au capital étranger ont extrêmement bien réussi. Elles ont eu un très bon environnement de travail, car elles ont été protégées contre la concurrence. Je sais que ce ne serait pas facile, mais une chose réglerait le problème une bonne fois pour toutes — la concurrence, pour que le marché puisse établir les règles et évoluer. Le manque d'accès au capital étranger prive le pays des meilleures ressources, de la plupart des connaissances et de la plus grosse partie du pouvoir d'achat. Ce serait le changement qui pourrait être apporté sur le plan des politiques.
Le sénateur Zimmer : Ma deuxième question vient se greffer à la deuxième question du sénateur Johnson. Votre réponse est valable en partie. Lors de sa comparution devant le comité, le 28 octobre 2009, un représentant de DragonWave Inc. a affirmé qu'il était difficile pour une nouvelle entreprise de haute technologie d'amasser de l'argent parce que les sociétés de capital de risque ne comprennent pas la technologie. Warren Buffet, très riche investisseur américain, a déjà affirmé qu'il n'investissait pas dans les entreprises de haute technologie parce qu'il ne les comprend pas. S'il y a lieu, qu'est-ce qu'une entreprise de haute technologie peut faire pour informer les investisseurs potentiels sur ses activités? Si les investisseurs privés n'investissent pas dans les entreprises de haute technologie parce qu'ils ne comprennent pas la technologie, y a-t-il un rôle pour les subventions de l'État ou les mesures fiscales accordées aux entreprises canadiennes de haute technologie?
M. Tremblay : Les marchés financiers ont de nombreuses couches profondes de financement. Microcell était un projet de haute technologie financé à un certain moment dans une proportion de 300 à 500 millions de dollars. Pour ce type de marché, on va trouver des entreprises comme Fidelity, qui est une grosse caisse de retraite, au Canada ou aux États-Unis. Est-ce que, dans cette catégorie, il y a davantage de niveaux de sophistication aux États-Unis qu'au Canada? Je ne le sais pas. Il pourrait y avoir quatre ou cinq bons bailleurs de fonds canadiens qui examinent ce type d'investissement. Il y en a beaucoup à Toronto, quelques-uns dans l'Ouest et quelques-uns au Québec. Je ne pense pas qu'il y ait un manque de compréhension de ce type d'investissement.
Au niveau suivant, le capital-risque, on trouve des investissements de 10 à 30 millions de dollars. Je ne peux pas dire que nous ne comprenons pas la technologie aussi bien que dans d'autres pays, mais il y a de nombreux fonds de capital-risque aux États-Unis. Au cours de cette dernière année, TerreStar Corporation a accordé des financements de cet ordre. Nous avons eu des discussions avec 60 ou 70 sociétés de fonds de placement dont 65 étaient américaines et dont le siège social est à Boston, à New York ou en Californie.
Je ne pense pas que nous ayons constaté que les Américains avaient une meilleure compréhension de la technologie, mais un plus grand nombre d'entre eux étaient prêts à financer. Premièrement, il y avait dix fois plus de personnes auxquelles nous pouvions nous adresser. Deuxièmement, il y avait des fonds mondiaux de l'ordre de 400 ou 500 millions de dollars; on pouvait donc examiner différents fonds. La plupart de nos entreprises canadiennes avaient des fonds beaucoup moins importants.
Pour les entreprises financées du secteur de la haute technologie, la situation que je décris pose un réel problème. Les entreprises financées par des fonds de capital-risque canadiens se retrouvent avec un cinquième, un sixième, voire un septième du capital de celles qui sont financées par des fonds américains. En d'autres termes, si vous avez un beau projet nécessitant du capital-risque et que vous avez besoin de 10 millions de dollars pour le réaliser, tout ce que vous trouverez, c'est deux ou trois millions de dollars, car la taille de marché qui permettrait de vous financer n'est pas assez importante. L'entreprise américaine qui fait le même travail obtient 10 ou 12, ou même 14 millions de dollars pour vous faire concurrence. C'est le gros problème. Ce n'est pas une question de compréhension; c'est une question de masse critique de fonds accessibles.
Y a-t-il une place pour la politique? En ce qui concerne la politique, j'aime ce que j'observe actuellement sur le marché québécois. Je ne veux pas me servir du Québec comme exemple, mais j'aime ce que je vois. Je vois le gouvernement, la Caisse de dépôt et placement du Québec et quelques autres institutions qui ont créé une mise en commun de fonds dont elles ont confié la gestion à du personnel chevronné ayant une bonne formation dans les investissements dans la technologie, avec le mandat de créer d'autres fonds et de réunir le capital-risque de démarrage nécessaire pour lancer un fonds. Par conséquent, ces institutions trouvent d'autres entrepreneurs qui participeront activement.
Nous avons besoin d'une plus grosse masse critique de capital. Il y a au Canada d'excellents technologues, surtout à Ottawa. De nombreuses personnes viennent de Nortel et d'autres entreprises. Il y a quelques grands centres dans l'Ouest et quelques-uns au Québec. La ville de Québec est un excellent environnement pour le secteur optique.
Il y a beaucoup de bons technologues au Canada, mais on a de la difficulté à raconter son histoire à des Californiens. On a beaucoup plus de difficulté à s'organiser, à être en contact avec ces gens-là et à établir une gouvernance pour que ces personnes viennent nous rendre visite. Si nous avions davantage de capital — une masse critique de capital —, nous serions dans une meilleure position.
Le sénateur Zimmer : La France, le Royaume-Uni et plusieurs autres pays ont récemment produit des plans numériques exhaustifs. Très brièvement, le Canada doit-il se doter lui aussi d'un plan numérique exhaustif?
M. Tremblay : Je pense que je m'appuierai sur les commentaires que j'ai faits lorsque j'étais membre du groupe d'étude. Nous en avions conclu que nous devions laisser jouer les forces du marché et que l'affectation adéquate des ressources serait faite par le marché, si les marchés fonctionnent convenablement.
Le problème, c'est que les marchés souffrent et ne fonctionnent pas de façon appropriée. Je pense que la plupart des règles que nous avons recommandées pour ouvrir la barrière et s'assurer que les gens aient un accès adéquat pour se faire concurrence ont été adoptées dans une certaine mesure. Les règles que nous fixons pour attirer de la nouvelle concurrence et pour laisser jouer les forces du marché sont toutefois importantes. J'ai signalé que le Canada est un endroit extraordinaire pour investir dans le sans-fil, car c'est au Canada que les entreprises de télécommunications sans fil ont les revenus par personne les plus élevés et les plus gros profits par entreprise, et ce, à l'échelle planétaire. Ça signifie que d'autres personnes aimeraient investir au Canada. Nous avons cependant une règle qui les empêche de le faire; nous devons protéger notre environnement.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour nous de créer un plan ou que nous puissions le faire. Ce plan évoluerait constamment et on ne peut pas en créer un, à mon avis. On établirait de nombreuses règles. Le CRTC serait dix fois plus gros, car on aurait quelqu'un pour exercer.
La France a fait un choix très important. Je ne pense pas que ce soit la façon de procéder pour le Canada. J'estime que les marchés peuvent régler les problèmes qu'il y a à régler, mais il faudrait leur laisser la liberté et les ouvrir.
Le sénateur Zimmer : Nous ne tenons pas du tout à ce que le CRTC soit plus gros. Merci pour vos réponses.
Le sénateur Cochrane : Je pense que nous sommes tous sur la même longueur d'onde. Vous avez signalé qu'en 2005, vous aviez été nommé par le ministre de l'Industrie comme membre du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications. Dans vos recommandations, avez-vous recommandé l'accès au capital étranger?
M. Tremblay : Absolument. Ce n'était pas dans le corps du rapport, car ça ne faisait pas partie de notre mandat. Il y a toutefois eu une suite au rapport et nous avons examiné, dans une certaine mesure, la situation des règles sur la propriété et le contrôle étranger. Nous avons fait des recommandations pour les réduire considérablement.
Le sénateur Cochrane : Vous ne l'avez toutefois pas fait dans le corps de vos recommandations. Est-ce bien cela?
M. Tremblay : Non. Nous n'avions pas un avis uniforme sur le rapport et nous ne savions pas si cela faisait partie de notre mandat. Nous avions pour mandat d'examiner la politique des télécommunications et pas d'examiner la propriété étrangère avec les règles de contrôle. Nous estimions que c'était un peu hors de notre mandat mais que c'était tellement important de le mentionner que nous avons pris la liberté d'ajouter cette étude au rapport.
Le sénateur Cochrane : Était-ce en 2005?
M. Tremblay : Oui, cette étude a été publiée en avril 2006. Nous avons consacré neuf mois à essayer d'évaluer la situation.
Le sénateur Cochrane : Nous avons tous, bien entendu, appris récemment que le CRTC avait décidé que Globalive, une nouvelle entreprise, ne respectait pas les règles sur la propriété canadienne.
Faudrait-il modifier les restrictions concernant la propriété étrangère dans les télécommunications canadiennes? Dans l'affirmative, quels changements faudrait-il apporter?
M. Tremblay : Voulez-vous dire par rapport à la décision du CRTC?
Le sénateur Cochrane : Oui.
M. Tremblay : Je n'ai pas les compétences voulues pour juger la décision ou pour y trouver à redire. Je suis toutefois Canadien et j'examine les institutions canadiennes dans leur ensemble; je pense que ça n'a pas de sens de créer une procédure selon laquelle les personnes qui investissent au Canada doivent respecter un certain jeu de règles. Ces règles ne sont pas toutes claires, car il s'agit de règles et de jugements de fait. Lorsque ces personnes ont soumissionné dans le cadre d'un processus d'encan, elles l'ont fait en se basant sur les décisions qui avaient été rendues publiques au Canada. Elles ne pouvaient pas être certaines du résultat, mais elles avaient au moins une bonne base pour évaluer la situation. J'estime qu'il est inapproprié de les avoir laissé investir dans l'espoir de lancer une entreprise et d'apporter des avantages à la population.
Je ne veux pas prendre position, mais l'institution canadienne n'est pas homogène et n'est pas cohérente dans son approche en la matière. Je pense que toute cette histoire n'est pas à l'avantage de la population; elle est plutôt à son détriment. Je ne suis pas en mesure et n'ai pas l'envie de faire des supputations au sujet des décisions. Je pense que l'on a suivi le processus public de façon ouverte et qu'on a pris une décision documentée. Il est très difficile pour moi de dire si elle est bonne ou mauvaise; ce n'est pas mon rôle. Cependant, si l'on examine la question du point de vue de l'investissement étranger attiré au Canada, je suis abasourdi. En tant que Canadien, je ne suis pas fier.
Le sénateur Jaffer : Pensez-vous que la situation s'améliorerait si nous avions un ministre qui se consacrerait essentiellement aux questions numériques?
M. Tremblay : Nous avons fait un commentaire à ce sujet dans le rapport. Le mandat d'Industrie Canada est actuellement très large. Je pense qu'on peut dire — et je ne lance des fleurs à personne — que la politique canadienne relative à la gestion du spectre et que le travail des spécialistes du CRTC sont de haute qualité; le Canada occupe d'ailleurs, par l'entremise d'Industrie Canada, une très bonne place à l'échelle mondiale. Je suis allé dans de nombreux endroits, et dans de nombreuses situations différentes, avec les représentants d'Industrie Canada chargés d'examiner cette question. Il est difficile pour moi de dire que quelqu'un n'a pas fait son travail à Industrie Canada ou qu'il y avait un manque d'uniformité.
La plus grosse lacune est un manque de clarté dans notre politique, et surtout un manque de clarté dans cette situation, concernant le capital étranger. C'est une énorme lacune au niveau de l'élaboration des politiques.
L'autre question, et elle fait l'objet d'une autre recommandation, est qu'il ne faudrait pas que deux organismes prennent des décisions sur les mêmes questions. C'est illogique. Dans de nombreux pays, c'est le ministère qui établit les politiques et l'organisme de réglementation qui les applique. Ici, dans bien des cas, il y a deux têtes et il est possible de faire appel devant le Cabinet. On a un recours devant le Cabinet.
C'est probablement nécessaire dans notre contexte. Je pense toutefois qu'il faudrait faire du ménage et je préférerais un jeu de politiques claires plutôt que trois maîtres dont chacun surveille les deux autres. Si nous ne voulons pas de concurrence, nous pourrions peut-être le faire savoir.
Le Canada n'a jamais dit qu'il interdisait l'accès étranger au capital dans les télécommunications. De nombreuses règles qui étaient tantôt claires et tantôt manquaient de clarté ont été établies. Veut-on donner l'accès au capital étranger dans les télécommunications au Canada, oui ou non? C'est très simple.
Pour le moment, un jour nous le voulons et un autre jour nous ne le voulons plus. On s'y perd.
Le sénateur Fox : Il y a en fait quatre maîtres, car il y a également le Bureau de la concurrence qui peut toujours annuler une décision du CRTC.
M. Tremblay : Vous avez raison.
Le sénateur Fox : J'aimerais faire travailler un peu M. Skora. Je sais que vous avez été dans le secteur privé et dans le secteur public. Je devrais dire que ce qui m'intéresse principalement en l'occurrence, c'est l'accès à Internet haute vitesse pour les régions rurales et pour les régions éloignées ou isolées.
J'aimerais savoir ce que vous pensez du récent programme gouvernemental — s'il est adéquat, si c'est la bonne voie à suivre et si cela constitue une stratégie. Est-il juste de vous poser cette question ou avez-vous participé à son élaboration?
Jan Skora, conseiller régulateur, Jan Skora Consulting Services Inc., TerreStar Canada : J'espérais que quelqu'un pose une question pour que je ne sois pas rien qu'un élément décoratif à côté de M. Tremblay.
Je devrais signaler en guise d'introduction que j'ai travaillé 34 ans pour le gouvernement fédéral. Un de mes patrons — en fait, un de mes ministres — était le sénateur Fox. J'ai donc une certaine partialité en ce qui concerne le travail du ministère.
J'estime évidemment qu'il est extrêmement important pour l'avenir de notre pays de donner à tous les Canadiens l'accès à Internet haute vitesse. De nombreuses personnes dans nos villes apprécient beaucoup l'accès haute vitesse, car il permet notamment de télécharger et de faire des courriels. Internet haute vitesse a transformé nos vies.
Quand on y songe, notre vie était très différente il y a une dizaine d'années. Oublions quelques instants les BlackBerry. Voyons combien nos vies sont différentes, et tout cela parce qu'un tsunami numérique nous a frappés.
Pourtant, pas très loin des villes, il n'y a rien, ou bien l'accès est plus coûteux ou plus difficile. Il y a les services par satellite. Je pense qu'une partie du travail que fait André Tremblay, avec un service cellulaire de vitesse moyenne, sera utile, mais ce n'est pas la solution complète.
La difficulté qu'ont les ministères à faire cela est liée au fait qu'on voudrait que le secteur privé contribue à la fourniture du service à l'extérieur des grandes zones métropolitaines, mais c'est difficile. C'est difficile de réaliser un profit de cette façon-là.
J'en suis arrivé à la conclusion que si le Canada estime que c'est vraiment important, il faut qu'il investisse dans ce secteur. En tant que citoyen, je pense que c'est important, à l'instar d'un nombre croissant de personnes qui vivent en dehors des villes et qui sont témoins des transformations qui se font dans les villes.
L'investissement qui a été fait il y a plusieurs années dans le Programme de service à large bande a aiguisé l'appétit des Canadiens. Je pense que cette dernière affectation budgétaire de fonds est une excellente initiative, mais je crains que ce ne soit pas suffisant. On a de la difficulté à trouver de l'argent actuellement. Les gouvernements prévoient tous des déficits croissants; par conséquent, il est très difficile d'investir davantage.
Nous avons observé d'énormes changements, et je pense que tous les Canadiens doivent pouvoir participer, sinon le fossé numérique observé dans les pays en développement se manifestera également à l'intérieur d'un pays développé.
Le sénateur Fox : Ce qui me préoccupe en ce qui concerne la cagnotte de 250 millions de dollars, c'est que différentes municipalités canadiennes feront une demande de fonds et que cette demande sera jugée en fonction de je ne sais pas très bien quels critères. Il semblerait que ce ne soit pas une stratégie. Si vous deviez conseiller le comité, quel type de stratégie voudriez-vous essayer pour atteindre l'objectif que vous avez formulé à nouveau très clairement?
M. Skora : C'est difficile pour moi de savoir s'il y a une stratégie derrière cela. Je sais qu'il y a des personnes compétentes qui travaillent là-dessus et qui essaient d'aller aussi loin que possible avec les 250 millions de dollars. Je pense que le gouvernement a identifié les régions dans lesquelles la population n'a pas accès à Internet haute vitesse.
J'examinerais toutes les technologies pour pouvoir donner accès à Internet haute vitesse. J'ai l'impression qu'il y a au Canada des grappes de collectivités qui pourraient obtenir Internet haute vitesse à moindre coût si on les regroupait et qu'on procédait de façon stratégique, plutôt que de façon ponctuelle, par municipalité.
Il existe certainement des collectivités qui sont beaucoup plus difficiles à relier. Dans le Grand Nord, les télécommunications par satellite posent plus de difficultés et les collectivités sont beaucoup plus petites. Il faut essayer de collaborer avec les collectivités, d'examiner la meilleure façon de les regrouper et d'essayer de faire participer des entrepreneurs de ces collectivités, s'il y en a, ou alors il faut que le gouvernement envisage de financer l'opération.
Je pense toutefois qu'il est essentiel d'adopter une stratégie qui tienne compte de la capacité de tous les Canadiens d'avoir accès à Internet haute vitesse. Je dois reconnaître que je n'ai pas beaucoup d'informations précises, mais c'est le but final, et il est nécessaire de chercher un moyen de permettre aux collectivités d'utiliser les services par satellite et les services terrestres pour avoir accès à Internet haute vitesse.
Le sénateur Fox : Est-ce qu'une approche comme celle de Cancom serait un exemple à suivre?
M. Skora : L'approche de Cancom était bonne, car elle utilisait la technologie des satellites et permettait à plusieurs collectivités d'avoir accès. La difficulté en ce qui concerne les communications par satellite est que c'est coûteux et que la large bande est restreinte. Il faut avoir accès à une capacité importante de répéteurs de satellite pour pouvoir desservir tout le pays.
Il faut également être conscient du fait que les personnes vivant à l'extérieur des grandes zones métropolitaines ont peu accès à Internet haute vitesse à l'heure actuelle et que n'importe quoi serait préférable. Devinez toutefois ce qu'elles voudront lorsqu'elles auront accès à de plus hautes vitesses? Elles voudront des vitesses encore plus hautes, et je pense que c'est bon pour le Canada. Il faut donc examiner un mélange de solutions. Dans la mesure où on peut les construire, il faut utiliser des systèmes terrestres dans les zones rurales regroupées et, peut-être, y ajouter certaines des nouvelles technologies avec une dorsale satellite. Je rappelle que c'est difficile pour moi de donner la solution miracle.
Le sénateur Fox : Merci. Je vous suis reconnaissant de votre réponse.
[Français]
Le sénateur Fox : J'aimerais maintenant poser une question à M. Tremblay. Dans votre recommandation 2-2a), vous recommandez de « promouvoir un accès abordable aux services de télécommunications de pointe [...]» — je présume que cela inclut Internet haute vitesse — « [...] dans toutes les régions du Canada, qu'elles soient urbaines, rurales ou éloignées; ».
Si on regarde les centres urbains du Canada, je comprends que le modèle concurrentiel et compétitif est probablement le meilleur. En ce qui concerne les régions éloignées, si je bâtis sur l'argument de M. Skora selon lequel il faudrait faire l'extension de réseaux terrestres le plus possible, est-ce que ce n'est pas le contraire qui devrait être la norme? Par exemple, pour assurer que la téléphonie locale soit disponible à travers le Canada, dans une province comme la Saskatchewan par exemple, il y a plutôt eu un monopole qu'une voie concurrentielle. Est-ce que dans les régions éloignées du Canada, il ne serait pas mieux de procéder par étape et de donner un contrat en exclusivité à une compagnie pour se rendre le plus loin possible?
Je pense à des exemples. Comme vous le savez, simplement faire le tour de la Gaspésie pour y bâtir des tours, ce n'était pas rentable pour une compagnie. Cela a été fait par une seule compagnie, Québec Téléphone, je pense. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de regarder un modèle différent dans ces régions éloignées? Je ne peux pas imaginer que deux compagnies vont vouloir se faire concurrence dans des villages éloignés.
M. Tremblay : Vous référez à notre recommandation du rapport?
Le sénateur Fox : Votre recommandation 2-2a), c'est promouvoir un accès abordable dans les régions éloignées. Je vois que dans 2-a) vous dites que « le libre jeu du marché sera favorisé dans la mesure du possible [...] ».
M. Tremblay : Vous référez au rapport du Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications?
Le sénateur Fox : Oui.
M. Tremblay : Je vais vous expliquer la logique qu'on a suivie qui m'apparaît, avec l'expérience, tenir la route. Je pense que la difficulté des régions éloignées, on ne la comprend pas bien lorsqu'on ne la divise pas. Il y a deux grands problèmes complètement différents : rendre le lien Internet jusqu'à la région et l'accès local.
[Traduction]
Par conséquent, un problème est lié à l'acheminent d'Internet jusqu'à la région et l'autre, à l'accès local; ce sont deux problèmes très différents.
Nous avons recommandé que ces deux problèmes soient traités de façon différente. Je suis encore convaincu que c'est la bonne façon de procéder. Il faudrait faire des grappes, notamment dans la région d'où je viens, la Gaspésie, où il y a de petits villages. On pourrait faire une grappe. Comment obtenir la liaison Internet en Gaspésie; comment pouvons-nous régler ce problème? Ensuite, s'il y a des champions locaux qui veulent construire un réseau d'accès sans fil dans la collectivité, ils pourraient faire la liaison à Internet.
On pourrait procéder par encan à rebours : l'entreprise qui a le plus d'actifs à apporter remporterait probablement l'encan. S'il n'y a personne qui puisse le faire, c'est probablement alors que le gouvernement devrait intervenir, à mon sens. C'est vraiment pour établir la dorsale dans la région.
Soit dit entre nous, ce n'est pas le rôle des grosses entreprises de prendre de telles initiatives. Ce n'est pas ce qu'elles font. Elles recherchent, par exemple, des réseaux massifs dans les grandes villes. Nous avons visité des endroits où l'on rencontre des situations semblables. Nous avons eu du succès avec Microcell au Nunavut. Nous avions 50 collectivités établies là-bas. Elles ont été édifiées avec le premier programme du gouvernement et la base du service communautaire a été construite en comptant sur un entrepreneur local.
Ça ne se résume pas à brancher un ordinateur; il faut expliquer à la personne comment se brancher, comment se relier à Internet, quels types de logiciels elle peut télécharger, quels types de mises à jour elle peut recevoir; il faut former la population. On peut amener un réseau à la population; il faut toutefois assurer également ce type de mentorat. Nous avons tous dû apprendre à un moment donné. Si personne n'assume ce rôle, rien ne se fait.
Si l'on pense qu'une grande entreprise est disposée à aller dans toutes les régions et à assurer la formation, on peut alors établir un monopole. Je n'opterais pas pour cette solution. Je procéderais par encan pour la fourniture du service, de la grande liaison — ce pourrait être par satellite — et par encan dans les collectivités, pour aider la population à résoudre ses problèmes de façon favorable pour cette région. Il faudrait autant que possible laisser à cette collectivité la liberté de déterminer la façon dont elle veut qu'Internet soit implanté. Dans de nombreuses collectivités, les gens diront qu'ils veulent une puissance de 30 mégaoctets pour se rendre compte rapidement qu'ils n'ont pas les moyens financiers.
Nous avons un réseau pré-WIMAX dans 50 collectivités du Nord, avec un lien satellite. Il s'agit d'un satellite stationnaire se trouvant à 35 000 kilomètres de la terre. Il y a un décalage; quand ces personnes-là parlent, il y a un décalage. J'ai demandé à ces personnes si ça posait un problème et elles m'ont répondu que non, car elles n'avaient rien avant. Les besoins sont différents selon les personnes.
C'est ma stratégie. Amener le signal est une chose. Édifier la collectivité, vendre les ordinateurs, assurer la formation des gens et les aider à se brancher en est une autre.
Le sénateur Johnson : Que pensez-vous de la décision du CRTC au sujet de Globalive, qui suscite toute cette réaction en ce qui concerne la propriété étrangère?
M. Tremblay : Je ne sais pas. Je pense que le problème qui se pose est lié à la loi et aux règlements. On demande aux gens de présenter une demande et, quand ils le font, les deux ministères qui ont les mêmes règles réagissent différemment à la demande. La décision du CRTC a probablement été prise avec de bonnes intentions et avec professionnalisme, mais je ne peux pas la juger. Je pense que ce sont des personnes très compétentes. Le commentaire que je peux faire, c'est que le résultat n'a aucun sens pour moi.
Le sénateur Johnson : Pensez-vous qu'il faudrait modifier les restrictions concernant la propriété étrangère?
M. Tremblay : Je pense que de gros changements sont nécessaires. S'il y a un secteur où un remaniement s'impose dès que possible, c'est bien celui-là. Il mérite probablement une analyse complète.
Nous avons fait une analyse avec le groupe d'étude. J'étais totalement contre cela lorsque j'ai commencé à participer à la discussion, mais je me suis mis à écouter les préoccupations des gens. Je me suis alors demandé pourquoi on ne s'occuperait pas de ces préoccupations.
Nous avons tenté de proposer une politique qui répondrait à ces préoccupations et avons fait une évaluation des intérêts supérieurs du pays. Cette règle est appliquée aux États-Unis où, si l'on juge qu'un projet n'est pas dans le meilleur intérêt du pays, on le rejette purement et simplement.
C'est une question de jugement. Si c'est dans l'intérêt du pays et si c'est applicable à une entreprise qui ne détient pas déjà une part de marché de 10 p. 100, ça ne devrait pas être trop destructif. Ce serait une façon d'ouvrir les portes à une éventuelle propriété étrangère. C'est la recommandation que nous avons faite. Je suis certain que d'autres personnes ont pu en arriver à des conclusions différentes, mais le résultat est qu'il faut se débarrasser des éléments négatifs de cette politique. Si nous estimons qu'elle contient des éléments positifs, il faut les conserver.
Je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup d'éléments négatifs. Nous avons des entreprises robustes qui ont démontré qu'elles pouvaient être concurrentielles avec beaucoup de sagesse. Nous aurions probablement un bien meilleur environnement pour le sans-fil avec ce type de concurrence.
Le président : Vous avez laissé entendre en toute modestie que vous n'aviez pas le droit de mettre en doute la décision du CRTC. En réalité, le ministre de l'Industrie a écrit à des concurrents importants pour leur demander s'ils avaient une opinion. Je suis étonné que vous n'ayez pas été consulté, puisque vous avez étudié cette question. Même s'il ne vous a pas demandé votre opinion, si vous le voulez, vous pouvez lui envoyer une lettre pour lui dire ce que vous pensez, car cette opinion a été exprimée ici.
Alors que nous nous préparons pour notre rapport qui doit être présenté au début de l'année prochaine, nous nous mettrons à prendre des décisions sur les pratiques exemplaires. Le Canada dépense de 150 à 200 millions de dollars. L'Australie dépensera 40 milliards de dollars au cours des prochaines années pour un réseau sans fil complet à l'échelle du pays. Les Australiens estiment qu'ils ne seront pas capables d'être compétitifs dans l'environnement concurrentiel de l'Asie du Sud-Est sans ce réseau. C'est un modèle ou une pratique exemplaire, en quelque sorte.
Il y a l'Estonie, où le Cabinet travaille sur des ordinateurs et où 97 p. 100 des habitants préparent leur déclaration d'impôt sur le revenu à l'ordinateur. Pourquoi? C'est parce que leur premier ministre trouvait que s'ils voulaient être concurrentiels à l'échelle mondiale, il leur fallait le meilleur réseau sans fil au monde. Nous verrons, à mesure que notre étude progressera, qu'ils ont certainement un des meilleurs réseaux.
Nous avons d'une part un modèle où la dépense se chiffre à plusieurs milliards de dollars et l'autre, où les autorités politiques affirment vouloir le meilleur réseau possible. Je sais que vous avez investi des fonds canadiens à l'étranger. Je reconnais que si on encourage des entreprises canadiennes à dépenser à l'étranger, on devrait avoir une certaine hésitation à interdire aux étrangers d'investir ici. On encourage les gens à acheter des BlackBerry, à travers le monde. On ne devrait pas interdire aux entrepreneurs de vendre leur équipement au Canada sous prétexte qu'ils ne sont pas assez Canadiens.
Avez-vous des pays à recommander pour leurs pratiques exemplaires? Avez-vous des recommandations à faire ou y a-t-il des modèles que nous devrions examiner au cours de notre étude?
Vous avez parlé de relâcher les règles sur la propriété canadienne. En Grande-Bretagne, il y a un ministre responsable du numérique. C'est son travail. Il a le mandat politique nécessaire pour faire de la Grande-Bretagne un concurrent au cours de la prochaine période.
M. Tremblay : J'essaie de ne pas oublier qu'il faut en quelque sorte comparer des pommes avec des pommes. En Corée, il y a des réseaux sans fil à vitesse extrêmement haute. Il en est de même au Japon, mais il s'agit de sociétés, de collectivités et de règles très différentes. Les modèles devraient probablement être l'Australie et le Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni a été extrêmement avant-gardiste en ce qui concerne la politique relative au spectre et la concurrence. Si vous étudiez le marché britannique, vous constaterez probablement que c'est un des plus concurrentiels au monde, en ce qui concerne les produits sans fil. Le Royaume-Uni n'est pas très différent du Canada; nous avons la même reine sur notre monnaie. Je reconnais qu'il est différent, mais le régime politique est comparable.
Je trouve également l'Australie intéressante. Pour voir des entreprises qui produisent de nombreux produits de données, il suffit d'examiner ce qui se passe en Australie. L'Australie a actuellement un réseau de forte capacité qui livre une quantité considérable de données. L'Australie a des plans dynamiques en ce qui concerne les données; elle a un marché énorme et un environnement très dynamique.
Il ne faudrait pas oublier les États-Unis. C'est un marché énorme, mais pour ce qui est d'établir et de permettre la concurrence, il est formidable. Les États-Unis ont deux entreprises de services sans fil centriques. Ce sont nos voisins. Chicago n'est pas très différente de Toronto et Montréal n'est pas très différente de Boston. À Chicago et à Boston cependant, l'utilisation moyenne de produits sans fil est deux fois plus élevée que chez les Canadiens et les prix sont plus bas. Les politiques avaient pour objet de donner davantage accès à la concurrence. Il s'agit de Boston; ce n'est pas l'autre bout du monde.
Il y a trois exemples dans la gamme des comportements humains. Nous pouvons certainement trouver toutes sortes de différences, mais aussi davantage de ressemblances. Les principaux facteurs sont des marchés ouverts et des règles ouvertes — venez et faites concurrence. C'est contre la concentration. Au Canada, la concentration est énorme.
Le président : Les règles sur la propriété étrangère s'appliqueraient-elles aux acteurs actuels?
M. Tremblay : Je présume qu'ils présenteraient une demande. Nous avons suggéré d'appliquer la règle aux entreprises qui détiennent moins de 10 p. 100 du marché.
Quand on se met à examiner le contenu canadien, certaines de ces entreprises sont des deux côtés. Par exemple, tous les câblodistributeurs et toutes les compagnies de téléphone ont du contenu canadien dans leur réseau de TV. C'est la conclusion à laquelle nous en sommes arrivés, d'un point de vue global.
Si nous essayons d'aller dans cette direction de façon générale et avec ouverture, nous aurons probablement beaucoup de travail supplémentaire à faire et ce sera très difficile sur le plan politique. Nous avons signalé que nous ne sacrifierions pas les avantages de base, car nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes dans l'immédiat. Il faut ouvrir le marché aux entreprises qui détiennent une part du marché de moins de 10 p. 100. Ensuite, il faut en faire un examen. Il ne s'agit pas de priver qui que ce soit des avantages. Il s'agit tout simplement de s'assurer que l'on a suffisamment de temps et d'élan pour aller quelque part. Nous avons utilisé ce raisonnement.
Je pense que toutes les questions touchant au contenu canadien se résoudront d'elles-mêmes. Internet jouera un grand rôle dans cette fragmentation de la consommation. Il ne faut pas essayer d'imposer des règles concernant des goulots d'étranglement qui n'existent plus. Les choses seront peut-être compliquées pendant quelques années, mais il faut au moins ouvrir le marché et en arriver à ce que les gens se sentent à l'aise avec cette ouverture du marché.
Le sénateur Fox : Je voudrais des éclaircissements, car je ne comprends pas très bien votre règle des 10 p. 100. Par définition, toute personne qui arrive sur le marché a une part de marché de moins de 10 p. 100. Voulez-vous dire que vous ouvririez le marché à tous les nouveaux venus sur le marché canadien?
M. Tremblay : Oui, tout à fait.
Le sénateur Fox : Finalement, quand leur part de marché dépasserait 10 p. 100, vous permettriez aux entreprises canadiennes d'avoir accès au capital étranger également. Est-ce bien cela?
M. Tremblay : Oui, mais il faut du temps pour acquérir une part de marché de 10 p. 100. Les règles évolueraient peut-être. Une autre possibilité de perturber l'économie de marché consiste à appliquer des règles différentes aux différents acteurs. Les actionnaires ne seraient pas sur un pied d'égalité pour l'examen de leurs investissements. Ce n'est pas de la bonne politique, mais c'est mieux que rien. Notre suggestion était d'ouvrir notre marché aux investisseurs étrangers pour que la population puisse profiter de la concurrence.
Le sénateur Fox : Selon ce scénario, vous seriez disposé à laisser une entreprise comme Verizon s'établir au Canada parce qu'elle aurait au départ une part de marché de moins de 10 p. 100. Elle pourrait alors déployer autant de capital qu'elle le décide.
M. Tremblay : J'accueillerais Verizon au Canada. Pourquoi pas. Les Canadiens établissent-ils une politique pour protéger quelques entreprises ou pour servir les intérêts des Canadiens? Dans ce dernier cas, il faudrait avoir ici les meilleurs acteurs pour qu'ils se fassent concurrence et apportent ces avantages aux Canadiens. Une entreprise comme Vodafone est présente dans tous les pays du monde. Sa présence est indiquée partout sur sa grande carte du monde, sauf au Canada. On s'attendrait à ce que Vodafone s'implante au Canada. Pourquoi n'est-elle pas venue ici? Pourquoi serait-il mauvais d'avoir Vodafone au Canada alors que cette entreprise fait concurrence aux autres sur tous les autres marchés importants?
Je ne veux pas être négatif, mais Vodafone a été créée la même année que Rogers, au Canada. Rogers est une excellente entreprise. Cependant, les règles sur la propriété canadienne ont confiné les entreprises canadiennes au Canada. Il est plus confortable de déployer le capital ici que d'aller le déployer à l'extérieur. Cette règle a eu tendance à rétrécir les règles du jeu. Rogers est une excellente entreprise, créée la même année que Vodafone, qui est le plus gros opérateur sans-fil au monde et qui a le plus gros capital investi dans les télécommunications. Cette société a été sur le marché le plus concurrentiel, à savoir le marché américain, et elle a tiré de ce comportement concurrentiel les enseignements nécessaires pour aller à l'extérieur et prendre de l'expansion. Je ne vois aucun défaut dans le modèle concurrentiel pour le secteur du sans-fil. Je vois seulement que nous n'avons pas saisi cette occasion.
Le président : Merci d'avoir témoigné devant le comité. C'est amusant d'entendre des personnes aussi enthousiastes, même au sujet du sans-fil.
Chers collègues, nous avions prévu d'entamer la semaine prochaine une étude du projet de loi C-27, concernant les pourriels, mais son examen a pris du retard à la Chambre des communes. Le Sénat ne recevra probablement pas le projet de loi avant deux semaines. Mercredi prochain, des représentants de TELUS comparaîtront devant le comité. Le comité directeur se réunira la semaine prochaine et mettra les membres au courant des futures réunions.
(La séance est levée.)