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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 9 - Témoignages du 25 novembre 2009


OTTAWA, le mercredi 25 novembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 31 pour étudier les enjeux émergents liés à son mandat dans le domaine des communications en vue de faire rapport sur le secteur du sans fil, notamment sur l'accès à Internet haute vitesse, la fourniture de largeur de bande, le rôle d'édification de la nation du sans fil, le rythme d'adoption des innovations, les aspects financiers liés aux changements possibles du secteur ainsi que le développement du secteur au Canada comparativement à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. C'est la quinzième réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications dans le cadre de notre étude du secteur sans fil. Nous recevons ce soir des témoins représentant la compagnie TELUS : Michael Hennessy, premier vice-président, Affaires réglementaires et gouvernementales; et Craig McTaggart, directeur, Politique d'Internet. Je vous souhaite la bienvenue au comité.

[Français]

Selon le rapport de surveillance des communications de 2009 du CRTC, TELUS est l'un des trois principaux joueurs du marché sans-fil avec Rodgers et Bell.

À la fin de 2008, TELUS avait 27 p. 100 des abonnés et disposait de 29 p. 100 des revenus du secteur sans-fil.

[Traduction]

Ils ont également eu gain de cause cette semaine devant les tribunaux. C'est ce qu'on m'a dit à l'arrière de la salle.

TELUS a préparé un exposé. Comme je suis le seul francophone du comité, je me sens un peu mal à l'aise de dire que nous allons l'accepter en anglais seulement, mais je peux vous assurer que si quelqu'un en faisait la proposition, je la jugerais acceptable.

Le sénateur Plett : J'en fais la proposition.

Le président : Merci. Monsieur Hennessy, vous avez la parole.

Michael Hennessy, premier vice-président, Affaires réglementaires et gouvernementales, TELUS : Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous au sujet du sans fil et de la large bande. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je veux bien parler sans notes. Vous avez le texte de notre mémoire. Nous sommes un petit groupe et le sujet que vous étudiez correspond justement à ma passion.

Je m'occupe de communications dans notre pays depuis maintenant 25 ans, d'abord au CRTC — le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes — et ensuite chez Bell Mobilité, puis à titre de dirigeant de l'Association canadienne de télévision par câble. Depuis que je travaille chez TELUS, j'ai été membre du conseil du Fonds canadien de télévision et je préside actuellement le conseil du Festival mondial de télévision de Banff. Au fil des années, j'ai passé beaucoup de temps à m'occuper, dans mes différents emplois — et vous pourrez me demander pourquoi j'en ai eu tellement —, de la mise en place de services à large bande. Je voudrais vous dire quelques mots à ce sujet aujourd'hui et vous parler des projets passionnants dont nous nous occupons.

M. McTaggart est reconnu de nos jours comme l'un des plus éminents universitaires qui fait autorité sur la question de la neutralité des réseaux et des nouvelles problématiques sociales découlant de l'Internet. Si vous avez des questions à ce sujet, je vous conseille de vous adresser à lui; il n'y a probablement personne au monde qui soit mieux placé pour vous répondre.

Je vais commencer par vous parler de cette vision qui est la mienne. Vous avez probablement entendu bien des gens dire, et c'est un point de vue que je partage, que les communications ont toujours cimenté notre pays, même si l'on remonte à plus de deux siècles. Les communications et le commerce empruntaient les voies d'eau et ensuite les chemins de fer. Nous avons bâti des réseaux de télégraphes et de télécommunications. Aujourd'hui, nous voulons passer au service à large bande. Chez TELUS, nous considérons que la largeur de bande est cruciale, pas nécessairement pour les communications filaires, mais de plus en plus pour le sans fil.

Pourquoi la large bande est-elle cruciale pour notre pays? Je dirais que c'est pour un certain nombre de raisons. À notre époque, à l'ère de l'Internet, la large bande est un moyen d'accroître la productivité. Cela permet à la plus petite entreprise située dans une ville minuscule d'avoir accès au marché mondial, pourvu que les services à large bande soient disponibles à cet endroit. Cela permet aussi d'avoir des services de soins de santé dans le Grand Nord. La large bande peut jeter des ponts entre les petites localités éparpillées aux quatre coins du pays. Comme nous sommes en train de le découvrir dans le domaine culturel, cela permet à toute une nouvelle génération de créateurs de créer et de diffuser leurs œuvres sans aucun intermédiaire, qu'il s'agisse d'un radiodiffuseur, d'un câblodistributeur ou d'un producteur de film, et cela en soi ouvre des perspectives passionnantes.

C'est là un défi qu'il faut relever à coups de milliards de dollars pour nous amener là où bien des gens ont dit à votre comité qu'il fallait aller, c'est-à-dire qu'il faut nous doter aujourd'hui d'installations que beaucoup de nos partenaires commerciaux possèdent déjà.

Je vais commencer par vous dire un mot de notre entreprise, TELUS. Pour bien des gens, nous sommes encore une compagnie de téléphone. Au début, il y avait la compagnie de téléphone de Colombie-Britannique et la compagnie de téléphone gouvernementale de l'Alberta, et dans l'est du Québec, nous étions connus sous le nom de QuebecTel. Il y a une dizaine d'années, nous avons commencé à amalgamer ces compagnies et il y a moins de 10 ans, nous avons acheté Clearnet, un nouvel arrivant dans le secteur sans fil, et nous sommes ainsi devenus le troisième réseau en importance au Canada.

Aujourd'hui, 75 p. 100 de nos revenus viennent du sans fil et de l'échange de données sur Internet. L'ancien secteur du monopole téléphonique représente maintenant 25 p. 100 de nos revenus et ce chiffre est à la baisse. C'est parce que nous avons maintenant une envergure nationale. Nous sommes probablement le principal concurrent de Bell Canada pour les comptes commerciaux nationaux. Nous sommes maintenant le fournisseur numéro un au Canada de services de santé électronique par l'entremise de notre secteur TELUS Emergis. Nous avons commencé à fournir, grâce à nos réseaux de fibre dans l'ouest du Canada, un service de télévision par câble fondé entièrement sur la technologie Internet. Mais le joyau de la Couronne est notre réseau sans fil.

Je suis sûr que beaucoup des personnes présentes aujourd'hui vous ont parlé de l'état des réseaux sans fil. Je voudrais commencer par vous faire part d'une bonne nouvelle à ce sujet. Le 5 novembre dernier, nous avons complété un investissement d'un milliard de dollars dans un nouveau réseau sans fil qui est à la fine pointe de la technologie. Je crois que c'est le plus grand réseau sans fil avancé au monde et il est parmi les plus avancés, sinon le plus avancé au monde sur le plan de la vitesse, de la portée et de la capacité. Ce n'est pas de l'hyperbole. Nous pouvons en faire la preuve grâce à la technologie que nous utilisons et à la portée de notre réseau.

Contrairement à bien des gens qui sont arrivés ou qui arriveront sur le marché en cherchant à servir des marchés comme Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary, nous avons bâti un réseau tellement étendu, d'une telle ampleur que quand nous l'avons inauguré le 5 novembre, nous avons immédiatement rejoint par un service sans fil à large bande 40 p. 100 des collectivités de l'Alberta et de la Colombie-Britannique qu'Industrie Canada venait tout juste d'inscrire sur la liste des collectivités mal desservies et pour lesquelles des fonds de stimulation économique étaient disponibles. Avant même que le ministère reçoive des demandes, nous avions essentiellement retranché de la liste environ 40 p. 100 des localités qui avaient été identifiées comme étant mal servies par les services à large bande.

Il s'agit de réseaux qui, à pleine capacité, peuvent acheminer 21 mégabits par seconde, ce qui, dans l'environnement actuel, si l'on considère ce qu'un consommateur obtient réellement — tout dépend évidemment de l'appareil qu'on a en main — est aussi rapide que n'importe quel service Internet que nous fournissons actuellement à la maison. Il s'agit vraiment d'un tout nouveau réseau de la prochaine génération. Il est disponible immédiatement pour 93 p. 100 de la population à compter de ce mois-ci. Il est opérationnel.

Bell Canada, avec qui nous avons bâti le réseau en partie, a lancé son propre réseau en utilisant son spectre et en partageant certaines installations. Ce sont deux réseaux qui ont la même envergure.

Pour vous donner une idée de l'ampleur, c'est quatre à cinq fois la taille du réseau de Rogers qui, en date d'octobre dernier, était considéré le plus avancé, le plus rapide et le plus étendu au Canada. D'après la décision rendue par le tribunal hier, ils ne peuvent plus faire cette allégation, mais je ne suis pas ici pour critiquer Rogers. Nous avons bâti notre réseau pour faire concurrence à Rogers. J'ai travaillé dans le secteur du câble et j'ai eu la chance de travailler pendant un certain temps avec Ted Rogers; il est l'un de mes héros.

Nous avons réussi à bâtir ce réseau au moment où le pays est plongé dans une profonde récession. Au moment où tout le monde dans le secteur en Amérique du Nord réduisait ses investissements, nous avons accru notre investissement de plus de 10 p. 100 pour atteindre plus de 2 milliards de dollars l'année dernière; de cette somme, 950 millions de dollars ont été consacrés au sans fil et à la fibre. Aucune autre compagnie de téléphone ou de câble en Amérique du Nord n'a autant dépensé par habitant.

Voilà donc l'un des défis : comment faire en sorte que la plupart des collectivités au Canada aient le sans fil à large bande? Nous venons tout juste, ce mois-ci, de l'offrir à 93 p. 100 de la population. Il en reste encore 7 p. 100 sur la liste, à tout casser, et nous l'avons fait en dépensant notre propre argent.

Pourquoi est-ce important? Beaucoup de gens ont comparu devant vous et ont critiqué le secteur. Ils ont dit qu'il nous faut des réseaux plus avancés. Je pense que nous avons atteint cet objectif, du moins pour le sans fil. Il reste beaucoup de difficultés du côté du réseau filaire à large bande.

Il y a une chose que les gens n'ont pas été capables de vous dire comment faire, et c'est comment on peut continuer à dépenser des milliards de dollars. Le gouvernement a beau jeu de dire que nous avons besoin de services à large bande pour relancer notre économie, pour renforcer la sécurité sociale ou pour progresser vers la prochaine génération de produits culturels. Cependant, le gouvernement est fauché et aura peut-être un déficit de 60 milliards de dollars d'ici la fin de l'année. Il n'injectera pas d'argent là-dedans. Vous devez compter sur le secteur privé pour le faire.

Cela nous amène à la question suivante : comment stimuler cet investissement, en particulier durant une période de ralentissement économique? Il est clair que nous sommes disposés à le faire pour être compétitifs. Nous étions prêts à investir pour étendre notre service sans fil car nous croyons qu'en dernière analyse, dans les régions éloignées, c'est le sans fil qui est l'avenir, et non pas le réseau filaire. Il y a toutefois une limite au montant que nous pouvons dépenser.

Permettez que je vous donne quelques conseils sur la manière dont nous pouvons contribuer à combler l'écart qui existe encore dans notre pays dans les services à large bande. Je dirais que la principale chose que nous pourrions faire pour le secteur, et ce que je vais dire n'est pas étonnant puisque je parle au nom d'une grande entreprise, c'est de réduire les impôts et les frais. Je suis certain que vous avez déjà entendu cela de la part des gens d'affaires. Cependant, quand on y réfléchit bien, qu'il s'agisse des frais à propos desquels on se chicane au CRTC ou des frais que nous payons pour utiliser les fréquences, ou encore des frais que nous avons payés — qui étaient d'ailleurs trop élevés — pour obtenir les fréquences récemment mises aux enchères, à chaque fois que nous dépensons 10 millions de dollars ou 50 millions de dollars simplement pour payer des frais, c'est autant d'argent qui ne sera pas consacré à notre réseau, en particulier dans les régions rurales. Nous devons par exemple installer de la fibre dans les grandes villes de l'Ouest canadien parce que nous avons beaucoup de retard par rapport à Shaw sur le plan de la qualité de nos réseaux. Si nous ne le faisons pas, nous finirons par être expulsés du secteur filaire. Contrairement aux compagnies de câble, nous sommes réglementés au niveau des prix. On a vu les tarifs du câble augmenter de 30 p. 100 depuis 2002, mais d'après le CRTC, nos propres tarifs ont augmenté de seulement 6 p. 100. Cela limite considérablement notre capacité de financer nos activités à même nos revenus, en comparaison d'un concurrent.

Nous devons de toute façon bâtir à Vancouver, Calgary et Edmonton. Cependant, pour chaque tranche de 10 millions de dollars que l'on enlève à l'entreprise en impôts ou en frais, nous sommes empêchés d'étendre notre emprise dans les régions les plus éloignées. En fait, nous devons au contraire nous contracter. À chaque fois qu'on donne 10 millions de dollars au gouvernement, c'est autant d'argent que nous ne pouvons pas dépenser autrement.

L'Association canadienne des télécommunications sans fil a proposé d'accélérer la déduction pour amortissement. C'est une brillante idée. En période de stimulation, au lieu d'inventer des programmes pour y consacrer de l'argent, si l'on incite plutôt les gens qui allaient de toute façon construire à un moment donné plus rapidement que prévu, on obtient un rendement et l'on conserve de vrais emplois dans les grandes entreprises. Vous en constaterez les avantages parce que l'argent sera dépensé comme il était censé l'être au départ.

L'autre question qui selon moi mérite une sérieuse réflexion, pour bien des raisons, est la mise aux enchères des fréquences. La dernière fois, le gouvernement avait mis de côté beaucoup de fréquences qui étaient réservées aux nouveaux venus. Je ne vais pas argumenter le pour et le contre de cette décision. J'ai probablement écrit suffisamment de discours et d'articles de journaux dans lesquels j'ai expliqué en long et en large pourquoi je ne suis pas d'accord avec cela.

À cause de la manière dont on avait conçu cette mise aux enchères, le résultat net a été que le Trésor a reçu quelque 4 milliards de dollars. À première vue, cela semble excellent, mais d'après les recherches que nous avons faites et d'après les prévisions qu'avaient faites les analystes en investissement quant aux résultats de ces enchères, cela a fini par coûter aux enchérisseurs environ 2 milliards de dollars de plus, en valeur relative, que ce qu'ils auraient payé pour des fréquences semblables aux États-Unis. On s'attendrait à payer plus cher aux États-Unis, étant donné la taille de cette économie.

Ces 2 milliards de dollars sont disparus en fumée alors qu'ils auraient pu servir à renforcer le secteur sans fil à large bande, ou bien les compagnies qui ont fait la convergence auraient pu dépenser cet argent pour la large bande aussi bien dans le secteur filaire que sans fil. À cause de la récession, l'argent a fini par être injecté dans des projets d'infrastructure, mais je ne sais pas à quoi il a servi. Tout ce que je sais, c'est que de l'argent qui aurait pu autrement être dépensé a servi en fin de compte, à cause de cette mise aux enchères mal faite, à soutenir diverses économies vieillissantes, ou bien il a été dépensé pour des routes et des ponts, et c'est de l'argent perdu à tout jamais.

Pour notre part, nous avons payé 800 millions de dollars pour ces fréquences et des consultants américains ont estimé que c'était d'environ 400 millions de dollars de plus que nécessaire, à cause des lacunes dans la conception de cette mise aux enchères.

Qu'est-ce que 400 millions de dollars? Le gouvernement en place a dit qu'il est disposé à dépenser 250 millions cette année pour stimuler la mise en place de la large bande dans les régions éloignées, et c'est un projet de 500 millions de dollars sur deux ans. Nous avons trop payé quasiment autant que le gouvernement est disposé à dépenser au total, à la fois pour le sans fil et le filaire. Autrement dit, le gouvernement n'est pas vraiment disposé à dépenser beaucoup.

Cela me ramène à la question de savoir pourquoi il est important de stimuler l'investissement. Si nous ne dépensons pas ou si les nouveaux venus ne dépensent pas ou si les compagnies de câble ne dépensent pas, personne ne va dépenser, parce qu'il est clair que le gouvernement ne peut pas se permettre de le faire.

Notre hypothèse de base n'est pas que vous ne devriez pas faire de mises aux enchères ni que c'était une mauvaise chose que de nouveaux venus prennent pied sur le marché. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Nous avons aujourd'hui de nouveaux venus comme DAVE Wireless et Public Mobile. Le gouvernement a subventionné, par l'entremise de notre trop-payé, l'entrée de compagnies comme Shaw et Videotron et EastLink dans l'Atlantique. On a décidé que parmi ces compagnies nouvellement présentes dans ce marché, il y aurait les compagnies de téléphone régionales en Saskatchewan et au Manitoba, même si elles avaient une part du marché de 65 p. 100.

Cela a causé une certaine consternation et des problèmes, à cause du trop-payé. Évidemment, il y avait un enchérisseur inadmissible. Mais c'est chose du passé.

Le problème est qu'au cours des deux ou trois prochaines années, le gouvernement va mettre aux enchères le spectre de 2,5 à 2,6 gigahertz, qu'exploite aujourd'hui l'une des compagnies, nommément Inukshuk. Ce seront des fréquences de choix pour la transmission sans fil de données. Le gouvernement mettra aussi aux enchères le spectre de la bande de 700 mégahertz, actuellement occupée par les diffuseurs par ondes hertziennes.

On prévoit que ces deux mises aux enchères, et d'autres encore pourraient verser encore de deux à 3 milliards de dollars dans le Trésor, et c'est là à mon avis le nœud du problème. On ne doit pas tenir des enchères si le résultat est de payer trop cher. Cela voudra simplement dire que les gens dépenseront plus en régions urbaines et moins en régions rurales pour combler le manque à gagner.

Le gouvernement doit aussi réfléchir sérieusement — et c'est là un message sur lequel nous insistons depuis fort longtemps auprès de la communauté culturelle et des milieux de l'information et des technologies des communications — au fait que si l'on procède à des mises aux enchères de fréquences de communications avec pour résultat que des milliards de dollars sont versés au Trésor, et si vous croyez que la largeur de bande est cruciale pour le développement économique, social et culturel et pour éliminer les inégalités régionales, alors pourquoi ne pas prendre cet argent et le réinjecter dans le secteur pour combler les lacunes dont le marché est incapable de s'occuper? Il y a six ou sept ans, le Groupe de travail national sur les services à large bande dirigé par Brian Tobin avançait des chiffres de l'ordre de 1,5 milliard de dollars pour achever la mise en place du réseau dans les régions éloignées. Cet argent aurait pu être disponible par l'entremise du processus de mise aux enchères.

Par ailleurs, au lieu de se contenter d'étendre le réseau à large bande lui-même, ce qui constitue la première étape cruciale, nous devons injecter de l'argent dans la culture numérique, par exemple. L'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas une pénétration de 100 p. 100 du réseau filaire à large bande dans un pays où il y a probablement 90 p. 100 ou 95 p. 100 de la population qui a déjà accès aux services à large bande, c'est que ce n'est pas tout le monde qui a accès à un ordinateur, qui sait s'en servir et possède des habiletés dans ce domaine. On pourrait consacrer de l'argent à l'éducation.

Je dirais aussi que pour les médias eux-mêmes, pour la prochaine génération de créateurs culturels canadiens, si nous voulons vraiment nous éloigner du piège du contenu canadien subventionné dans le secteur télévisuel, nous avons toute une jeune génération d'entrepreneurs canadiens qui sont intéressés à utiliser Internet pour créer des produits d'affaires ou médiatiques en utilisant des applications et des logiciels, mais ils n'ont pas les capitaux de démarrage nécessaires pour mettre au point les applications ou les logiciels, ni le capital de risque auquel les Américains ont accès. Là encore, les enchères de fréquences, qui enlèvent de l'argent au secteur des communications, pourrait servir à injecter cet argent pour créer des possibilités économiques dans notre pays, pour le développement régional, pour la culture numérique, pour les plates-formes, pour la mise au point d'applications et de logiciels. Si nous mettons au point des logiciels et des applications, nous créons de la propriété intellectuelle. Dans mon esprit, en dernière analyse, c'est la propriété intellectuelle qui est la véritable monnaie définissant le succès ou l'échec de l'économie canadienne.

Telle est notre histoire chez TELUS. Il est vrai que les gens disent parfois de nous que nous faisons partie des trois grands ou quoi que ce soit, mais nous rappelons aux membres du comité que nous sommes une compagnie de téléphone régionale qui a investi des dizaines de milliards de dollars pour créer un concurrent d'envergure nationale là où il n'en existait pas auparavant. Je le répète, nous sommes maintenant le fournisseur de services numéro un au Canada dans le domaine de la santé électronique. Nous exploitons le réseau le plus rapide et le plus étendu au Canada, peut-être le plus rapide et le plus étendu au monde et nous avons à maintes reprises battu Bell Canada pour décrocher certains des plus importants contrats des gouvernements fédéral et provinciaux ici à Ottawa, en Ontario et au Québec, donc bien au-delà de notre territoire. Nous avons fait tout cela en investissant, en croyant en l'avenir de la large bande et du sans fil.

Je ferais probablement mieux de m'en tenir là et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos nombreuses questions.

Le président : Merci, monsieur Hennessy.

Le sénateur Johnson : Je vous souhaite la bienvenue au comité. Félicitations pour votre succès. À partir des Prairies, vous avez mené votre entreprise à la réussite. Je vous félicite aussi pour le merveilleux Festival mondial de la télévision de Banff. C'est l'une des grandes institutions du Canada.

M. Hennessy : Effectivement. Merci, sénateur.

Le sénateur Johnson : Votre part du marché du sans fil par province a-t-elle augmenté sensiblement depuis 2008? Nous disposons d'un tableau avec les chiffres de l'an dernier, mais je me demande si aujourd'hui, ils montreraient une prépondérance du groupe Bell dans l'Est du Canada et, dans le reste du pays, un partage du marché entre Rogers et votre entreprise. Y a-t-il eu une évolution?

M. Hennessy : Au cours de l'année dernière, oui.

Le sénateur Johnson : En Saskatchewan et au Manitoba?

M. Hennessy : Nous avons fait très peu de percées en Saskatchewan et au Manitoba, particulièrement dans cette dernière province parce que nous n'avons pas été en mesure de négocier des ententes pour les données. Sénateur, c'est votre province d'origine.

Le sénateur Johnson : C'est exact.

M. Hennessy : De nombreux utilisateurs du BlackBerry de TELUS constatent que lorsqu'ils se dirigent vers le lac, à Kenora ou ailleurs, leur appareil ne fonctionne plus. Cela s'explique en partie parce que nous n'avons jamais été capables de conclure une entente avec MTS Allstream pour utiliser leurs réseaux. Il existe des problèmes d'itinérance là-bas.

En Saskatchewan, nous venons tout juste d'annoncer à la mi-novembre un accord de partage de réseau qui assurera nos clients d'un service intégral dans cette province, ce qui est très utile.

À part la Saskatchewan, MTS Allstream a sans doute la part de marché sans fil la plus importante au Canada dans une province, mais l'entreprise est considérée par le gouvernement comme un nouveau venu. Alors que cette compagnie est autorisée à exiger de nous un accès à l'itinérance et à nos pylônes en vertu des règles d'option, on ne nous donne pas le droit d'utiliser son réseau en retour. C'est un dossier très sensible pour nous.

Le sénateur Johnson : Je n'en doute pas. C'est particulièrement bizarre que l'on n'ait plus de service lorsqu'on s'éloigne de Winnipeg vers le nord.

M. Hennessy : C'est bon pour MTS Allstream, et c'est pourquoi cette compagnie possède la plus grande part de marché à l'extérieur de la Saskatchewan. Nous allons simplement nous implanter le plus possible dans la province, selon nos besoins. Nous sommes en négociation avec les dirigeants de la compagnie. Il y aura peut-être certaines ententes qui nous permettront d'étendre notre service. J'espère assurément que nous sommes sur le point de conclure une entente qui sera utile aux personnes qui sillonnent la province en voiture pour qu'elles ne se heurtent pas à une zone sans service, mais si ce n'est pas le cas, nous nous positionnerons dans le reste du Canada. Cela a été une déception pour nous. Bell et MTS Allstream ont une entente depuis longtemps. Nous sommes la seule compagnie au pays qui ne bénéficie pas d'une itinérance ou d'un partage complet ou d'un arrangement quelconque au Manitoba.

Le sénateur Johnson : Je vous remercie. Vous avez évoqué la pénétration du sans fil dans les diverses collectivités au Canada. Où se trouvent les 7 p. 100 qui restent? Sont-ils éparpillés un peu partout au pays?

M. Hennessy : Il y en avait pas mal en Colombie-Britannique, mais je pense que l'Ontario et le Québec sont sans doute les régions les plus touchées à cet égard. Grâce au système du gouvernement provincial, la Saskatchewan a été extrêmement bien desservie. Le problème, c'est que l'on ne parle même pas de grappes; bien souvent il s'agit de maisons.

Le sénateur Johnson : Vous avez une entente de partage de réseau avec Bell et avec SaskTel. Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne?

M. Hennessy : Oui. Il faut remonter à l'époque de Mobilité Canada, qui a été la première incursion commune des compagnies de téléphone provinciales dans le secteur du sans fil car elles avaient toutes des permis régionaux. Mobilité Canada a été créée par le groupe Stentor, à l'époque. Stentor était le volet d'exploitation de la compagnie de téléphone qui autorisait les compagnies régionales à fournir des services nationaux. Lorsque tout le monde s'est tourné vers le sans fil, c'est de cette façon que le service était assuré à l'échelle nationale. Il y avait des ententes d'itinérance assorties d'ententes commerciales.

Dans la foulée de la rupture de Mobilité Canada et Stentor, en 1999, certaines compagnies ont décidé de se faire concurrence alors que d'autres ont décidé de partager leurs réseaux. Au début, TELUS et Bell ont décidé de se concurrencer intégralement, mais ont conclu une entente de revente pour permettre la poursuite des affaires.

Au milieu des années 2000, alors que l'on passait à l'ère des données, doubler toute l'infrastructure du réseau partout au pays pour tenter de rattraper Rogers aurait coûté très cher. Nous avons convenu d'utiliser nos réseaux mutuels. En retour, nous avons aussi accepté de continuer d'investir dans le réseau. Il ne s'agissait pas d'accords de partage à proprement parler, où je vous propose d'emprunter 100 minutes et de vous payer 10 ¢ la minute. Selon ces ententes, nous devions littéralement dépenser 50 à 100 millions de dollars dans différentes villes pour bâtir un double réseau.

Nous avons continué de nous servir de ces réseaux partagés, et c'est un aspect assez intéressant. Nous avons bâti le réseau du Québec, ainsi que celui de l'Ouest du Canada à la suite des récentes négociations. En fait, la plus grande partie du réseau québécois a été bâtie par TELUS cette fois-ci. Nous continuons d'exploiter nos réseaux séparés en nous servant du spectre dont nous sommes propriétaires. Il ne s'agit pas d'un réseau complètement commun, mais certaines parties, particulièrement l'itinérance entre les villes, sont partagées. Les pylônes sont partagés, tout comme ils le sont avec Rogers et, de plus en plus, avec les nouveaux venus.

Le sénateur Johnson : De quelle façon ces ententes influent-elles sur la concurrence dans le secteur du sans fil? Ont-elles une influence quelconque?

M. Hennessy : À mon avis, cette entente a ouvert la voie à une concurrence beaucoup plus vive car elle a permis que non seulement un, mais deux concurrents nationaux livrent bataille à Rogers. Rogers a maintenant conclu une entente avec MTS Allstream, en vertu de laquelle la compagnie s'est engagée à revendre certains des réseaux de Rogers.

Ce qui rend cette entente différente d'un arrangement classique de revente, c'est que pour en être partie prenante, il faut s'engager à dépenser des centaines de millions de dollars, tout comme nous l'avions fait avec ces nouveaux réseaux avancés, afin de s'assurer que l'ensemble du pays soit couvert.

Du point de vue de la concurrence, la situation est la suivante : l'an dernier, ou même le mois dernier, Rogers était la seule compagnie du pays qui utilisait le nouvel accès par paquets en liaison à haut débit, ou HSPA, et il y a maintenant trois concurrents qui offrent cela. En fait, le lancement du système Videotron au Québec en ajoute un quatrième, et si l'on ajoute DAVE Wireless et Public Mobile, on compte un cinquième et un sixième concurrent, et Shaw vient tout juste de conclure une entente de 600 millions de dollars pour utiliser ce spectre. Vous allez voir d'autres compagnies faire des alliances tout en continuant à exploiter leurs réseaux séparément, en vue de partager divers aspects du réseau pour obtenir ce type de couverture.

À mon avis, il serait impossible d'avoir au pays des concurrents ayant des installations multiples sans ce genre d'arrangements.

Le sénateur Plett : Messieurs, je vous remercie d'être venus. Je vous encourage à venir au Manitoba et à y conclure des ententes car, tout comme les sénateurs Johnson et Zimmer, je suis aussi originaire du Manitoba et je suis passablement frustré du service que nous avons.

M. Hennessy : J'avais l'habitude de passer l'été au lac Caddy.

Le sénateur Plett : Je n'ai pas de chalet au lac Caddy.

M. Hennessy : J'en ai un, ou plutôt j'en avais un.

Le sénateur Plett : J'ai un chalet à Buffalo Point.

Le sénateur Johnson : Je savais que vous mentionneriez cela.

Le sénateur Plett : Je l'ai fait pour vous, sénateur, parce que vous me l'avez demandé.

Le président : Nous allons bientôt commencer à parler de football.

Le sénateur Plett : Effectivement. Le sénateur Johnson a parlé de se rendre au nord de Winnipeg. En fait, Buffalo Point est au sud, et c'est situé dans une région densément peuplée. Lorsque je me rends à mon chalet, je bénéficie de l'itinérance de Warroad, au Minnesota. Je sais que ce n'est pas de votre faute.

Nous avons évoqué à quelques reprises ce soir les problèmes liés aux régions reculées. Dans les régions où vous êtes présents, jusqu'où allez-vous? MTS est-elle unique en ce sens qu'elle ne veut pas se rendre plus loin qu'à deux heures de route du réseau qu'elle a bâti?

M. Hennessy : Non, nous avons vu cela dans le passé. Nous pourrions préparer des cartes à l'intention du comité. Comme je l'ai dit, nous avons réussi à desservir 93 p. 100 de la population. En Alberta, qui fait partie de notre bloc central, nous couvrons pratiquement la totalité de la province. La Colombie-Britannique est un terrain très différent étant donné son caractère montagneux. Encore là, nous desservons pratiquement tous les grands centres.

Nous estimons que lorsque le gouvernement a identifié des localités éloignées qui étaient mal servies et qui étaient admissibles à ce fonds de stimulation de 250 millions de dollars et quand nous avons lancé le réseau, nous avons en fait fourni le service à large bande dans plus de 2 100 petites localités rurales à l'extérieur du Manitoba où le service à large bande n'était pas disponible auparavant. C'est un réseau extrêmement étendu. Il est plus grand que tout ce qui avait été construit auparavant.

Le sénateur Plett : Au Canada, il semble que le taux de pénétration du téléphone cellulaire demeure relativement bas; je pense qu'il était de 74 p. 100 à la fin de 2008, comparativement à 86 p. 100 aux États-Unis. Quels facteurs expliquent ce taux de pénétration relativement bas?

Quelques membres du comité sont allés en Estonie il y a quelques semaines. Là-bas, le taux de pénétration est de 125 p. 100. Je crois que c'est le chiffre qu'on nous a donné.

Pourquoi sommes-nous à seulement 86 p. 100 en Amérique du Nord, et à 74 p. 100 au Canada?

M. Hennessy : Cela ne vous étonnera peut-être pas, mais la raison numéro un n'est pas le prix, ou peut-être que ça l'est, mais dans un contexte différent. De tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, le Canada a le service téléphonique filaire de base le moins cher. C'est l'un des services les meilleur marché au monde, tandis qu'en Europe, les gens sortaient tout juste de l'ancien monopole des postes, téléphone et télégraphe. Au Canada, nous avons toujours eu un service téléphonique parmi les meilleurs au monde, abordable et accessible pour tous, parce que le gouvernement a délibérément, par l'entremise du CRTC, gardé les tarifs artificiellement bas. En Europe, les gens se sont précipités sur les téléphones cellulaires parce que le service téléphonique à domicile était affreux ou parce qu'ils devaient payer pour chaque appel. On ne voit rien de tel au Canada. C'est la première raison.

Deuxièmement, on pourrait croire que dans la plupart des pays, on serait heureux d'un taux de pénétration de 100 p. 100. Je pense que les Italiens en sont maintenant à 160 p. 100. On se dit : un instant, il doit y avoir quelque chose qui cloche dans ces chiffres.

Cela s'explique en partie par le fait que dans la communauté européenne, et même à l'intérieur de certains pays européens, les prix varient beaucoup, le service pouvant être très bon marché ou très cher, selon l'heure du jour et selon qu'on est en mode itinérance. Ce que les Européens ont et que nous n'avons jamais eu avant que nous lancions ce réseau, c'est une technologie standard. Ils ont la technologie GSM, sigle qui signifie Système mondial pour communications avec les mobiles, qui est maintenant utilisé par 80 p. 100 du monde. Cela permet aux gens de changer la carte SIM qu'ils insèrent dans leur téléphone quand ils voyagent ou bien à certaines heures de la journée, changeant ainsi de fournisseur. Les gens n'ont pas vraiment 1,6 téléphone, mais ils sont abonnés à de multiples fournisseurs.

Voilà probablement deux raisons qui expliquent pourquoi les taux de pénétration semblent différents en Europe.

Si l'on veut comparer des choses comparables, alors nous devons nous demander pourquoi les États-Unis sont en avance sur le Canada. Je dirais qu'une raison a probablement à voir avec la nature rurale de notre pays. Dans les régions urbaines, le taux de pénétration est généralement plus élevé qu'en régions rurales. Nous avons la même pénétration que les États-Unis dans les villes, mais globalement, parce que nous avons plus de régions rurales, notre taux de pénétration est plus bas. C'est peut-être simplement que lorsqu'on a un service téléphonique de base bon marché, réglementé et abordable dans une petite localité, à moins d'exploiter une petite entreprise ou d'avoir vraiment besoin du téléphone, surtout s'il y a des trous dans la couverture dès qu'on quitte la localité, les gens n'en sentent pas vraiment le besoin. Je m'avance peut-être un peu à ce sujet, et si c'est le cas, je m'en excuse, mais j'ai le sentiment que cela explique peut-être pourquoi on constate des différences sur le plan du taux de pénétration.

Avant d'évoquer le prix élevé, que bien des gens considèrent comme la principale raison — pour ma part, je n'en crois rien —, ce sont probablement là les grandes raisons et je pense que la raison numéro un demeure le fait que nous avons encore un service téléphonique subventionné.

Le sénateur Plett : MTS Allstream semblait blâmer en partie l'absence d'une solide concurrence.

M. Hennessy : Cela fait un peu sourire, étant donné la discussion que nous venons d'avoir.

Le sénateur Plett : Je suis d'accord avec cela et c'est pourquoi j'ai pensé que je devais le mentionner.

M. Hennessy : Je vous en remercie. J'ai bien aimé cette observation.

Le sénateur Plett : Le réseau de TELUS est-il le plus fiable au Canada?

M. Hennessy : Je dirais que oui, mais le juge a dit à Rogers quelque chose comme : « Comme tous les autres ont la même technologie que vous, à supposer que ce soit une technologie vraiment fiable, alors vous devez être tous fiables; par conséquent, plus rien n'indique que vous êtes plus fiables que les autres ».

Le sénateur Plett : Félicitations.

M. Hennessy : Merci.

Le sénateur Zimmer : Je m'excuse d'être arrivé en retard. Je vous remercie pour votre exposé, que je n'ai pas entendu, mais je vais en lire le compte rendu.

Je vais d'abord faire une observation. Comment définissez-vous le mot « fiable »? Cela peut vouloir dire n'importe quoi.

M. Hennessy : Oui. En fait, pour pouvoir utiliser le mot « fiable » dans la publicité, il faut être en mesure de fournir une preuve venant de tierces parties indépendantes comme J.D. Power, selon certains critères. On mesure alors des choses concrètes comme le nombre d'appels interrompus et la clarté du signal. En ce sens, la fiabilité est un élément mesurable. Je conviens avec vous qu'il faut en prendre et en laisser dans tous ces termes de marketing. Quand on dit qu'on est le plus rapide, cela dépend du nombre de gens qui sont sur le réseau et de la distance à laquelle on se trouve du pylône à une certaine heure de la journée.

Le sénateur Zimmer : C'est comme un cours de statistiques 201. Dites-moi quelle réponse vous voulez et je vous trouverez les statistiques à l'appui de vos dires. Ce sont vraiment des paroles en l'air.

Ma question fait suite à celle posée par le sénateur Plett. Je suis actuellement en train d'aider un ami à choisir un téléphone à louer ou acheter. J'essaie de comparer les tarifs téléphoniques, la durée des messages. C'est comme essayer de comparer des pommes avec des oranges, des patates, des oignons ou du chou. Tout est différent. C'est alors que j'ai vu à la télévision ce petit chiot timide avec un bandeau sur l'œil qui s'appelle Fido. On offre un téléphone gratuit et des messages texte illimités. Maintenant, je n'ai pas encore choisi. Comment peut-il y avoir un tel éventail de prix et une telle variété dans les offres? Où est l'attrape?

M. Hennessy : Nous avons un service semblable à celui de Fido qui s'appelle Koodo et qui est offert à un prix semblable. Pour établir le prix, on commence par le prix de l'appareil; ainsi, quand on accorde un contrat de trois ans, ce qui est devenu un irritant pour bien des gens, nous leur donnons en fait un appareil dont le prix peut atteindre 500 $. Dans le cas des nouveaux téléphones Apple que nous venons tout juste de lancer, la subvention peut même être encore plus élevée.

Le sénateur Zimmer : Il s'agissait d'un BlackBerry Pearl.

M. Hennessy : Un BlackBerry Pearl représente probablement une subvention de 300 $. Pour un contrat de trois ans, on arrive probablement à 40 $ pour un forfait de base. Si l'on répartit ces 300 $ sur deux ans et demi, cela représente une subvention d'une dizaine de dollars. Si vous aviez acheté le téléphone, comme il faut le faire dans certains pays européens, vous auriez un prix mensuel beaucoup plus bas.

Nous essayons d'obtenir des exclusivités et des rabais sur les meilleurs téléphones sur le marché parce que cela semble attirer les gens; nous enrobons cela d'un nombre élevé de minutes gratuites et nous mettons le contrat en place, parce que souvent, il faudra 24 mois pour récupérer l'investissement que nous avons consenti pour l'appareil et les minutes gratuites.

Les Américains utilisent la même technique et c'est l'une des raisons pour lesquelles le Canada et les États-Unis ont les chiffres les plus élevés au monde pour le nombre de minutes par usager, à cause de nos méthodes de vente.

Maintenant, ce téléphone Fido est un téléphone très simple. Il fait probablement la voix et le texte. Il n'y a aucun service de données et d'applications; ce n'est pas un coûteux BlackBerry ni un iPhone. Le téléphone coûte 50 $ à la compagnie, ce qui représente leur coût d'acquisition, auquel il faut ajouter de la publicité bon marché. Leur offre est attrayante, mais ils vous vendent seulement des minutes pour la voix et les données à un prix déterminé. C'est souvent un forfait très clair. Le nombre de minutes peut être illimité. Ils calculent que vous n'allez pas leur téléphoner; et si vous essayez de le faire, vous aurez vraiment beaucoup de difficulté à rejoindre quelqu'un. Leur offre est à rabais; si tout ce que vous voulez, c'est un téléphone vocal, si vous ne voulez aucun accessoire ni supplément, voici le produit. Il y a clairement un marché pour cela.

Le plus grand marché au Canada vise plutôt les téléphones intelligents, le BlackBerry, les appareils sophistiqués qui nous coûtent des centaines de dollars. Il m'arrive de trouver que nous sommes tout autant piégés que le consommateur dans ce cercle vicieux des subventions. Si nous donnions aujourd'hui un iPhone assorti d'un contrat d'un an, nous ne pourrions jamais récupérer notre coût. Nous perdrions de l'argent pour chaque client qui signerait un contrat et nous en ferions probablement signer beaucoup parce que nous donnerions alors des appareils de 800 $ au prix de 100 $.

Le sénateur Zimmer : Ils ont fait leurs recherches et ils possèdent des données empiriques qu'ils peuvent consulter et dire : « D'accord, nous allons le donner à Pierre, Jean ou Jacques », mais d'une façon ou d'une autre, ils vont l'obtenir. Ils peuvent l'obtenir d'une façon ou de l'autre, selon l'organisation du plan.

M. Hennessy : C'est très important dans notre marché, et c'est pourquoi les gens disent que nous ne sommes pas concurrentiels. Le fait que nous ayons observé un mouvement d'environ 10 points vers Rogers depuis un an ou deux indique qu'il existe une certaine forme de concurrence dynamique; autrement, nous aurions toujours les mêmes parts de marché année après année.

Il est crucial d'avoir un nombre suffisant de clients pour appuyer votre réseau car nous sommes vraiment dans une entreprise d'échelle. Pendant ses 15 premières années d'existence, le secteur du sans fil a perdu des milliards de dollars en raison des investissements massifs injectés dans l'infrastructure. De plus, il y avait de multiples fournisseurs dans une industrie hautement capitalistique dans un pays comme le Canada qui n'a pas le potentiel voulu pour faire vivre autant de fournisseurs, et nous avons tous perdu des dizaines de milliards de dollars. Lorsque le marché a rétréci pour ne plus compter que trois acteurs pendant un certain temps, et lorsque la pénétration et l'usage ont augmenté, c'est alors que les profits ont commencé à entrer. On frappe dans le mille grâce aux économies d'échelle.

Depuis deux ans, notre compagnie a accusé une baisse de 7 p. 100 de ses revenus, d'une année à l'autre, pour le vocal. Nous avons commencé à compenser grâce au trafic de données, mais le problème, c'est que le volet audio est très rentable, dès qu'on l'exploite à l'échelle du réseau. Les données représentent un produit beaucoup plus coûteux, de sorte que les marges bénéficiaires sont plus minces.

Nous allons connaître des années difficiles, avec l'arrivée de nouveaux joueurs sur le marché. À mesure que nous passons à un monde non plus de la voix mais des données, où les gens utiliseront leur téléphone comme ils utilisent Internet aujourd'hui, le réseau sans fil sera inondé par la vidéo, à un point jamais vu auparavant. Le gouvernement devra sans doute doubler la capacité des réseaux d'aujourd'hui pour que nous puissions répondre à la demande de trafic Internet, particulièrement de la part de nos jeunes clients.

Le sénateur Zimmer : Ma dernière question porte sur les fréquences. Je crois comprendre que certains en ont obtenu, mais qu'ils demeurent passifs et ne s'en servent pas. Devrait-on imposer une limite de temps? Je conviens avec vous que la vente aux enchères est plutôt un spectacle; c'est astucieux. Cela se compare pratiquement à une levée de fonds gouvernementale ou parlementaire où l'on utiliserait l'argent à d'autres fins, pour gonfler les recettes ou équilibrer les budgets. Vous avez tout à fait raison : il faudrait que cet argent soit réinvesti dans l'industrie pour appuyer la culture numérique, la R et D, les produits médias, le développement économique, et ainsi de suite.

Le problème des enchères, c'est que le gagnant qui remporte la mise n'a peut-être pas la meilleure technologie, mais cela ne l'empêche pas de gagner. J'aimerais discuter plus avant des enchères et du spectre. Si ceux qui l'ont ne s'en servent pas, devrait-on imposer une limite de temps, après quoi ils le perdraient?

M. Hennessy : Dans la plupart des cas, il y a eu une limite de temps ou la possibilité d'un examen. Dans certaines bandes, nous avons depuis sept ou huit ans des fréquences que nous n'avons jamais utilisées, mais cela s'explique par le fait que dans le domaine du sans fil, il peut s'écouler beaucoup de temps entre le moment où l'on souhaite acquérir des fréquences et celui où il devient raisonnable de les exploiter commercialement.

Une partie du spectre à 26 gigahertz et à 19 gigahertz était censée être la voie de l'avenir, d'après Texas Instruments, ou quelqu'un a dit que l'on fabriquerait des appareils en masse, mais par la suite, personne n'en a fabriqué. Dans un tel contexte, il arrive souvent qu'une entreprise conserve en sa possession une bonne partie du spectre qui demeure inutilisé. C'est ce qui se produit dans un marché mondial qui n'a ni mis au point ni créé le matériel d'infrastructure.

Mais bornons-nous à la question de savoir quoi faire s'il s'agit d'un spectre dont on sait qu'il est utilisé et utile. Il y aura à tout le moins un délai important pouvant aller de trois à cinq ans. Prenons les fréquences pour les services sans fil évolués, l'AWS, mises aux enchères : nous les avons achetées, mais nous envisageons de les utiliser en combinaison avec le spectre de diffusion de 700 mégahertz qui sortira en 2011. Nous utiliserons ces fréquences pour l'évolution à long terme, ou pour la quatrième génération de produits sans fil.

Pour les deux prochaines années environ, nous nous satisferons de l'accès multiple par répartition en code, AMRC, un spectre que nous avons commencé à reconvertir vers d'autres fréquences, un spectre analogique que nous avons rendu plus efficient en le numérisant, mais nous attendons la prochaine vague. Pour ce qui est des services sans fil évolués et du spectre de 700 mégahertz, si l'on regarde ce qui s'est fait aux États-Unis, qui nous ont précédés, on constate qu'on n'a pas encore sorti énormément de produits ou bâti une infrastructure de réseau. C'est un peu la même chose pour les satellites et d'autres entreprises. Il est parfois nécessaire de consentir d'importantes dépenses en immobilisations au départ, et ensuite, d'attendre.

L'accaparement du spectre devient alors une question classique. Industrie Canada a pris connaissance d'études menées au Royaume-Uni par M. Martin Cave. Je suis pratiquement sûr qu'elles ont été rendu publiques. Il propose que l'on s'achemine vers un type de marché analogue aux droits d'auteur pour le spectre. Ce modèle inclurait des pénalités, sous forme de droits, pour la non-utilisation d'un élément de valeur comme des fréquences, mais aussi le droit de vendre à quiconque sans être tenu d'obtenir comme maintenant l'approbation du gouvernement. On traiterait le spectre davantage comme un bien immobilier, ce qui ne veut pas dire que le Trésor public serait privé de revenus étant donné que le spectre est une ressource publique, mais ce serait un peu comme les droits miniers qui se transigent beaucoup plus en fonction du marché, et c'est sans doute la meilleure façon de procéder. S'il était possible d'avoir un marché secondaire vigoureux, ce qui permettrait aux gens de décider au bout du compte qu'il est préférable de vendre que de conserver cet actif, étant donné que certains coûts seraient imposés par le système à quiconque se contente d'accaparer le spectre et ne l'utilise pas avec efficience, si les gens pouvaient le vendre, cela pourrait finalement déboucher sur une structure très efficiente.

L'un des plus gros problèmes auxquels nous serons confrontés d'ici quelques années est le suivant : non seulement devrons-nous doubler le spectre dont nous disposons aujourd'hui afin d'assurer le service Internet sans fil, mais ce spectre doit être contigu pour être efficient, ce qui signifie qu'Industrie Canada doit commencer à envisager des moyens de récupérer des fréquences inutilisées, que ce soit auprès du ministère de la Défense nationale ou d'autres usagers publics, et de les remettre sur le marché pour reconstituer des bandes, si l'on peut dire, et ainsi fonctionner pour Internet. Une bande, comme la bande de 700 mégahertz, est un groupe de fréquences. C'est un énorme problème. Je ne connais pas toutes les solutions, mais le gouvernement doit cesser de penser à mettre un peu plus de fréquences sur le marché aujourd'hui. Il joue pratiquement le jeu de l'offre et de la demande à l'encontre de l'industrie. Le gouvernement en laisse filtrer un peu maintenant, par exemple à l'occasion de la vente aux enchères à laquelle nous venons de participer. De cette façon, il limite l'accès à l'offre tout en s'assurant que les nouveaux venus paient moins et que vous payez plus. Je pense vraiment qu'il faut établir un marché des fréquences.

Le sénateur Zimmer : Je veux simplement dire que cela évoque un peu la bourse : vendre, conserver et échanger.

Le sénateur Cochrane : Lorsque vous vous êtes présenté devant nous, vous avez fait une déclaration impressionnante. Vous avez dit que vous pouviez maintenant rejoindre 40 p. 100 des collectivités qui n'avaient pas le sans fil auparavant. C'est impressionnant. Cet automne, nous avons tous entendu parler des régions éloignées qui n'avaient pas accès aux réseaux sans fil. C'est une grande amélioration. Pour la gouverne de nos auditeurs, vous pourriez peut-être nous donner plus de précisions au sujet de ces régions éloignées. Vous avez mentionné l'Alberta et la Colombie-Britannique, mais qu'en est-il plus à l'est? Vous avez aussi parlé du Nord du Québec. Avez-vous pénétré dans certaines autres régions, notamment à l'est?

M. Hennessy : Permettez-moi de clarifier une chose. Pour l'expansion du sans fil dont j'ai parlé, nous avons fourni un service à large bande à 40 p. 100 des collectivités qui disposaient uniquement d'un accès Internet commuté. Certaines d'entre elles avaient peut-être le service sans fil auparavant, mais elles n'avaient pas de bande large. Elles n'avaient pas de sans fil à bande large ou de service filaire à bande large. Il y a là une nuance subtile. Elles avaient peut-être le téléphone sans fil, mais non le service Internet. Cela répond à la première partie de la question.

Étant donné que nous avons réseauté différentes régions du pays en collaboration avec Bell, pendant que nous nous installions en Alberta et en Colombie-Britannique, comme je l'ai dit, nous avons aussi bâti une grande partie du réseau du Québec. Dans l'Est du Canada, Bell Aliant a pratiquement couvert la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et la presque totalité de Terre-Neuve.

Comme je le disais, lorsqu'on pense que la population est desservie dans une proportion de 93 p. 100, c'est incroyable. Si l'on regarde la carte, il reste encore un énorme fossé à combler dans un grand nombre de collectivités du Nord où il y a très peu de résidants.

La bonne nouvelle, c'est que pendant que nous rejoignons environ 40 p. 100 des collectivités qui avaient été identifiées, il se produit de grandes avancées dans le secteur du satellite. J'ai parlé à John Maduri, de Barrett Xplore, dont le siège social se trouve au Nouveau-Brunswick. Sa compagnie vend un service Internet par satellite. Je l'ai à mon chalet. C'est beaucoup mieux que l'accès Internet commuté, mais il s'agit de 500 kilobits. En ville, cela paraîtrait lent, mais c'est formidable à mon lac. Cette compagnie est sur le point de lancer une nouvelle génération de satellites à bande Ka qui offriront un service supérieur à la norme minimale pour la bande large fixée par Industrie Canada en vertu du programme de stimulation de l'économie.

Je dirais que, tout comme le satellite, dans les années 1960, a permis au Grand Nord d'entrer en contact avec le reste du pays, dans beaucoup de ces localités nordiques, le satellite sera l'outil qui permettra d'apporter Internet. J'ai l'impression que ce ne sera pas aussi coûteux que les gens pourraient le craindre. À mon chalet, pour la bande large à la vitesse de 500 kilobits, je paie un peu moins de 60 $ par mois. Pour les gens à faible revenu, c'est encore un obstacle énorme.

Cela a toujours été le problème de notre système universel. Il n'a jamais été conçu pour être abordable. Dans le cadre de ces enchères, en plus de tout ce dont nous avons déjà parlé, il faudrait peut-être prévoir un fonds pour que les Canadiens les plus pauvres aient accès à la technologie ou à un crédit permettant d'installer une antenne satellite sur leur maison ou quoi que ce soit. C'est probablement une excellente idée.

Je dirais que d'ici 2012 ou 2013, le service Internet par satellite sera disponible dans le reste du pays, que ce soit dans les secteurs de villégiature ou dans le Grand Nord.

Le sénateur Cochrane : Vous n'avez aucun plan prévoyant d'aller plus loin vers l'est avec votre technologie?

M. Hennessy : Nous avons essayé il y a quelques années, mais nous avons été repoussés par le gouvernement quand nous avons fait notre offre de mariage à BCE, quand les compagnies de capital de risque privées essayaient de s'en emparer. Nous irons dans l'est dans le secteur du sans fil; en fait, nous y sommes déjà. Nous n'avons pas une très forte présence dans les Maritimes ou le Canada de l'Atlantique. Nous constatons que la loyauté des consommateurs demeure très forte dans des provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, où les compagnies Island Tel et NBTel étaient un élément essentiel de la communauté. Les gens étaient tellement nombreux à y travailler que beaucoup de gens seront probablement fidèles à leur compagnie de téléphone jusqu'à la fin de leurs jours, peu importe les rabais que nous pourrions leur offrir.

Le sénateur Cochrane : Ils sont très fidèles là-bas, laissez-moi vous le dire.

Je m'inquiète des frais très élevés pour l'itinérance dans la téléphonie cellulaire. Je laisse maintenant mon téléphone cellulaire chez moi au Canada quand je vais aux États-Unis, parce que les frais d'itinérance sont absolument exorbitants. Peut-on s'attendre à des changements de ce côté? Je pense que je paye 2 $ la minute uniquement pour le signal vocal.

M. Hennessy : Cela dépend de la compagnie avec laquelle nous avons un accord pour l'itinérance. L'un des avantages de la nouvelle technologie est que nous avons maintenant été en mesure de conclure des ententes d'itinérance avec quelque 200 pays dans le cadre de l'alliance GSM, grâce à notre nouvelle technologie, laquelle commence également à être mise en place aux États-Unis.

Il est intéressant de signaler que l'itinérance n'est pas vraiment un secteur d'activité ou de profit pour nous. En fait, ce peut même être un véritable irritant et un problème pour étendre nos services aux États-Unis et au Canada. Je connais davantage la situation au Canada, mais on pourrait donner un bon exemple : quand nous avons lancé un produit appelé Connexion 75 Illimitée, qui vous donnait des services illimités pour l'itinérance et les données au coût de 75 $, nous avons oublié d'inscrire dans l'équation le fait que quand on utilise le service TELUS dans le Canada de l'Atlantique, on se trouve souvent à utiliser pour l'itinérance le réseau de Bell Aliant pour lequel on paye des tarifs élevés. Nous avons constaté qu'environ 50 p. 100 de nos clients nous coûtaient environ 300 $ par mois. Comme nous sommes des gens d'affaires avisés, nous leur avions fait signer des contrats de trois ans et nous avons passé un certain temps à essayer de les convaincre que nous pourrions leur donner une meilleure affaire s'ils changeaient leur forfait. Quelques-uns d'entre eux ont menacé de porter plainte dans le cadre du processus de protection des consommateurs. Nous sommes en train d'éliminer graduellement ce service. C'est difficile d'offrir des services comme le signal vocal illimité si l'on doit à l'occasion dépendre d'autres intervenants en payant des frais d'itinérance très élevés.

Nous préférerions de beaucoup voir les frais d'itinérance baisser, parce qu'ils sont souvent dictés par un fournisseur étatique. L'une des pires situations, c'est quand les gens s'en vont en vacances au Mexique. C'est toujours à nous qu'ils se plaignent par la suite. Nous avons été assez bons quand il est arrivé que des gens se retrouvent avec des factures de 1 000 $ ou même de plusieurs milliers de dollars. Nous avons réussi à éviter cela en suivant de près les situations où cela se produit et nous avons fait preuve de bonne volonté en faisant disparaître ces factures, parce que nous ne voulons pas nous retrouver dans les journaux, accusés d'avoir envoyé à quelqu'un une facture de 20 000 $ et de lui avoir ensuite fait une faveur en réduisant la facture à 5 000 $. C'est de la mauvaise publicité.

En Europe, le gouvernement a décidé de réglementer les frais d'itinérance. Essentiellement, on a imposé un plafond aux frais d'itinérance entre les pays, parce que beaucoup d'exploitants européens récupéraient ainsi l'argent qu'ils avaient perdu dans les enchères là-bas pour la bande des 3 gigahertz. Ce serait formidable de trouver des solutions au problème de l'itinérance et il vaut la peine d'en discuter.

Le sénateur Merchant : En Europe, ils ont une culture différente pour le paiement des appels. Ils payent pour chaque appel qu'ils font, mais ils ne payent pas pour les appels reçus. Est-ce que c'est avantageux pour le consommateur?

M. Hennessy : Je dirais que cela dépend, selon qu'on est surtout un client du sans fil ou un utilisateur de téléphone filaire. Dans beaucoup de pays européens, les gens payent chaque appel fait avec leur téléphone résidentiel. Qu'on appelle un voisin ou un réseau sans fil, cet appel est facturé. Au Canada, c'est illimité pour les appels locaux. C'est un tarif fixe. Je pense que dans les années 1970, quelqu'un a proposé de faire payer à la minute, et il y a eu une véritable révolution avant même que la proposition atterrisse sur le bureau du CRTC. Les gens aiment bien le tarif fixe pour le téléphone. Ils aiment le service très bon marché.

En conséquence de cela, nous nous sommes retrouvés avec un système qui a été conçu par décret réglementaire de telle sorte que quiconque fait concurrence à la compagnie de téléphone locale doit payer pour le signal dans les deux sens. Je me rappelle que j'étais au CRTC en 1984 quand il a été proposé que les compagnies fassent l'interconnexion; la compagnie de téléphone devrait payer sa part et la compagnie de sans fil serait tenue de payer seulement pour le signal sans fil.

Cette proposition a été rejetée à l'époque par le conseil parce qu'il n'y avait pas de concurrence au Canada dans les années 1970 et 1980 et que l'objectif de la politique publique était de s'assurer que nous avions un service téléphonique abordable et accessible à 100 p. 100. On y est parvenu en continuant d'imposer des tarifs élevés pour l'interurbain et en obligeant tout concurrent — quand les compagnies de sans fil sont arrivées dans le décor — à payer en totalité pour les signaux dans les deux sens. C'était un grand avantage pour les compagnies de téléphone qui étaient à l'abri tant et aussi longtemps qu'elles promettaient de garder les tarifs bas.

Cela fait partie du problème que posent les études de l'OCDE. Quand on se demande combien coûte la téléphonie sans fil en Europe, on a deux problèmes. Le premier, et nous en avons discuté, est que les gens peuvent avoir de multiples modules SIM pour un seul téléphone et ils utilisent donc plus de minutes et payent plus cher que ce qu'on voit dans les tableaux. Par ailleurs, ils ne payent pas la moitié de la facture que les clients du sans fil au Canada doivent payer, parce que là-bas, l'abonné de la compagnie de téléphone locale qui paye pour chaque appel se trouve à payer cette portion de l'appel sans fil.

Quand je téléphone au réseau sans fil en Suède, c'est moi qui paye cet appel, à titre d'utilisateur de téléphone filaire. On se retrouve avec une situation où le service sans fil semble bien meilleur marché et le service filaire beaucoup plus coûteux. Comme 75 p. 100 de nos revenus aujourd'hui viennent du sans fil et des données, nous serions probablement disposés à dire : d'accord, nous allons facturer le service local à la minute et vous pourrez alors réduire nos coûts et alourdir alors les coûts des abonnés au téléphone filaire.

Je persiste à croire que les Canadiens, dans leur immense majorité, s'opposeraient à l'idée de devoir payer à l'appel leur service téléphonique filaire ou de perdre leur service local illimité ou à l'idée de devoir payer un tarif supplémentaire à chaque fois qu'ils téléphonent à un numéro sans fil. Nous avons emprunté deux voies différentes et l'on ne peut pas revenir en arrière. Ce sont vraiment deux situations différentes et incomparables.

Cela donne l'impression que le service téléphonique sans fil est meilleur marché, mais on ne tient pas compte du fait qu'une partie de la facture de téléphone filaire sert à payer la facture pour le sans fil. Si l'on additionne les deux, je ne suis pas certain que la différence soit aussi grande que les gens l'imaginent.

Le sénateur Merchant : Je vous remercie pour cette précision, car il nous arrive parfois de comparer des choses qui ne sont pas vraiment comparables. Comme vous l'avez dit, les deux situations sont incomparables.

M. Hennessy : C'est difficile. C'est comme les études de l'OCDE selon lesquelles les tarifs au Canada sont presque les plus élevés. Il y a de quoi s'interroger quand une étude de l'OCDE dit que les États-Unis sont le seul pays où cela coûte plus cher qu'au Canada et que les États-Unis sont le pays où c'est le plus cher au monde. On se dit alors que de telles études sont suspectes et n'appliquent pas les mêmes critères à tous.

Le sénateur Merchant : J'espère que vous me permettrez de saisir l'occasion, puisque nous avons un représentant d'une grande compagnie devant nous, pour poser une question sur la prochaine demande de proposition. Il s'agit du projet de la Voie de communication protégée du gouvernement. On a enclenché un processus de DP qui débouchera sur l'achat d'un réseau de données, de services d'un fournisseur d'information et de matériel et de logiciels dans les divers centres gouvernementaux d'un bout à l'autre du pays. Le contrat sera d'une durée de huit ans avec option de renouvellement.

J'aimerais connaître le point de vue de TELUS pour ce qui est de collaborer avec de petites compagnies comme SaskTel, Videotron ou Télébec. La demande de proposition n'encourage nullement TELUS, Bell ou MTS Allstream à intéresser à l'affaire les compagnies régionales. À titre de sénateur de Saskatchewan, j'aimerais connaître votre point de vue et savoir comment il serait possible pour les compagnies régionales de participer à cet important projet du réseau de la Voie de communication protégée du gouvernement. Seriez-vous, par exemple, pour ou contre des initiatives visant à modifier la demande de proposition pour accorder des points et donc un certain encouragement à l'une des trois grandes compagnies si elle acceptait de s'adjoindre les services des compagnies régionales dans le cadre de sa proposition?

Deuxièmement, si l'on changeait la DP, la compagnie TELUS a-t-elle travaillé de manière satisfaisante dans le passé avec SaskTel et avec Videotron ou Télébec? TELUS serait-elle disposée à envisager de travailler avec ces compagnies régionales dans le cadre d'une DP révisée en vue du contrat à long terme pour la Voie de communication protégée du gouvernement?

M. Hennessy : Il y a beaucoup d'éléments de cette question auxquels je ne peux pas répondre, simplement parce que je ne suis pas au courant. Si vous n'avez pas d'objection à ce que je consulte mon voisin pendant quelques instants, je vais vérifier dans quelle mesure nous sommes peut-être déjà engagés dans le processus de demande. Si nous le sommes, alors j'ai l'impression que nous sommes tenus de respecter la confidentialité de certains aspects de ce contrat. Je peux vous parler d'autres éléments.

Je pense que la meilleure manière de répondre à la première moitié de votre question est probablement de vous donner un engagement.

Le président : Aimeriez-vous faire parvenir une réponse à la greffière?

M. Hennessy : Oui.

Pour ce qui est de travailler avec d'autres intervenants, nous avons remporté le contrat du gouvernement du Québec, qui est l'un des plus importants contrats provinciaux jamais accordé. Dans ce contexte, Videotron est en fait l'un de nos partenaires.

Dans le monde des affaires d'aujourd'hui, il y a très peu de contrats qui ne comportent pas de parties sous-contractantes. Avant que le processus d'appel d'offres ne soit enclenché, nous avons souvent des entretiens avec d'autres compagnies parce qu'il y a des trous à combler. Souvent, dans le cas des grands contrats, on ne peut pas réaliser la totalité de la charge de travail par ses propres moyens. Mais je devrai aller vérifier auprès de nos responsables pour savoir où l'on en est, afin d'éviter de dire quelque chose que je ne devrais pas dire.

Le sénateur Cordy : Je ne suis pas membre du comité, mais je voudrais féliciter le comité d'avoir entrepris une étude aussi intéressante.

Je vous remercie beaucoup pour l'information que vous nous avez donnée ce soir. Le monde des communications a changé de manière spectaculaire et ce que l'on voit aujourd'hui aurait été de la science-fiction quand j'était petite, ce qui ne me rajeunit évidemment pas, mais il se passe des choses merveilleuses dans le domaine des communications.

J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de rencontrer des parlementaires du monde entier, en particulier des pays de l'OTAN, parce que je m'occupe de ce dossier. Mon collègue a parlé de l'Estonie. J'ai rencontré à l'occasion des parlementaires d'Estonie qui m'ont parlé des cyberattaques contre leur réseau de communications. Ils appelaient cela du cyberterrorisme et cela avait paralysé entièrement leur pays parce que leur réseau de communications était bombardé d'une telle quantité d'informations que le système tout entier avait été bloqué.

Quand on voit tout ce que l'on fait de nos jours avec la technologie, dans le domaine de la santé, des banques, techniquement, une telle attaque peut paralyser complètement un pays. L'Estonie a été durement touchée. Avons-nous en place au Canada des mécanismes de sûreté pour empêcher que cela puisse jamais nous arriver?

M. Hennessy : Nous avons un important ministère de la sécurité qui comprend divers services de sécurité nationale. C'est justement là l'un des dossiers qui les inquiètent le plus. Ils accordent beaucoup d'attention, comme le font nos alliés au sud de la frontière, aux transferts de technologie, aux compagnies qui construisent des réseaux, qui peuvent vendre de la technologie et à la manière de nous protéger contre de tels attentats. C'est une perspective effrayante.

Bien que je ne regarde pas habituellement cette émission, il se trouve que j'ai regardé 60 Minutes il y a deux semaines. Il vaudrait peut-être la peine que le comité se procure l'enregistrement de cette émission, car il y avait justement une partie de l'émission consacrée à ce problème qui s'est posé en Estonie. C'est un jeu auquel se livrent beaucoup de grands États, qui injectent dans les réseaux des logiciels espions et autres dispositifs qui pourraient ultimement avoir le potentiel de perturber des réseaux bancaires ou d'autres systèmes d'information essentiels à l'économie.

Nous avons intégré à nos réseaux de nombreuses sauvegardes de sécurité. Quand nous passons des contrats avec des ministères comme la Défense nationale, quiconque travaille au réseau doit subir plusieurs niveaux de vérification de sécurité. Cependant, on aura beau faire, tous les réseaux sont vulnérables.

Le sénateur Cordy : Mettez-vous ces mécanismes en place volontairement? Si quelque chose arrivait, du point de vue de la publicité, ce serait catastrophique pour n'importe quelle compagnie. Les gouvernements ont-ils pris des règlements à ce sujet?

M. Hennessy : Absolument. Il existe de nombreux niveaux de réglementation gouvernementale au sein des services de sécurité. Je ne parle pas d'écoute clandestine, mais de la sécurité des réseaux. Sous l'égide d'Industrie Canada, un groupe de planification d'urgence mène un examen pour savoir s'il y a suffisamment de redondances dans les réseaux et, advenant une panne, s'il y a un système d'appoint au sein du réseau pour éviter l'effondrement du système économique ou des soins de santé. Si vous regardez 60 Minutes, vous serez effrayés. Vous voudrez peut-être garder un peu d'argent sous votre oreiller, juste au cas.

Le sénateur Cordy : Il ne rapporte pas beaucoup d'intérêts à la banque.

Le président : Nous ferons en sorte d'obtenir un enregistrement de cet épisode de 60 Minutes. Tout à l'heure, vous avez commencé à parler de Globalive. Quelqu'un voulait poser une question au sujet du CRTC et de son fonctionnement. En effet, des gens qui avaient à moitié bâti un système se sont ensuite fait dire par le CRTC qu'ils n'étaient pas autorisés à le faire. Comme j'ai promis que nous finirions à 20 heures, il vous reste deux minutes et demie.

M. Hennessy : Je crois que dans le cas de Globalive, le CRTC a rendu l'une de ses meilleures décisions depuis longtemps. Cette décision établit clairement que Globalive n'était pas un soumissionnaire admissible aux enchères et n'aurait donc pas dû recevoir de permis d'exploitation. L'entreprise est contrôlée par un exploitant unique en Égypte : 82 p. 100 de la structure du capital de Globalive appartient à Orascom, une compagnie égyptienne qui possède la marque. Elle possède un contrat de licence de 100 millions de dollars relativement à la marque et à l'achat d'équipement assorti de pénalités. Elle a le droit d'offrir des indemnités de départ à certains membres du conseil, y compris au prétendu actionnaire majoritaire. Lorsque le CRTC a rendu publique toute l'information concernant Globalive, c'est avec stupéfaction que l'on s'est demandé comment il était possible que cette entreprise se soit au départ implantée dans le secteur.

Cette décision était parfaitement fondée. Autrement, cela reviendrait à dire qu'il suffirait d'une participation de 18 p. 100 au capital d'une compagnie de communications, que ce soit en radiodiffusion ou en télécommunications, pour être considérée comme une entreprise canadienne, ce qui est tout simplement absurde. Nous craignons que si cette décision est renversée, le gouvernement aurait concrètement évacué les restrictions relatives à la propriété étrangère non seulement pour le secteur sans fil, mais pour les compagnies de téléphone, les câblodistributeurs et les radiodiffuseurs. Dans le secteur des télécommunications, nous jouissons de clauses de la nation la plus favorisée en vertu de l'Accord général sur le commerce des services, l'AGCS, et l'ALENA. Le seul organe qui puisse modifier la législation relative à la propriété étrangère est le Parlement, car c'est le Parlement qui l'a adoptée au départ.

À ce sujet, j'accorde un appui sans réserve au CRTC.

Le président : Qu'en est-il d'autres décisions? Non, laissez tomber.

M. Hennessy : Nous avons eu nos différends dans le passé.

Le président : Merci. Sénateurs, nous ne siégerons pas la semaine prochaine. Nous étions censés étudier le projet de loi C-27, mais il est toujours à la Chambre. Mercredi, c'est la fête de Noël de votre caucus. Le mardi suivant, le Commissaire à la protection de la vie privée comparaîtra devant le comité. Mercredi, ce sera notre fête de Noël. La semaine suivante, nous entendrons des représentants de Videotron et de Bell le mardi et le mercredi.

Le président : Monsieur Hennessy et monsieur McTaggart, je vous remercie.

(La séance est levée.)


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