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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 3 - Témoignages du 30 mars 2010


OTTAWA, le mardi 30 mars 2010

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis ainsi que d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : la suite donnée au rapport du comité concernant la mise en œuvre des accords sur les revendications territoriales globales); et l'étude d'une ébauche de budget.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux sénateurs ainsi qu'au public qui assiste à la présente séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la chaîne CPAC ou sur le web.

Je suis le sénateur St. Germain. Je représente la Colombie-Britannique et j'ai l'honneur de présider les travaux de notre comité.

Notre comité a comme mandat d'étudier la législation et d'autres questions relatives aux peuples autochtones du Canada, en général. La portée de ce mandat est donc vaste et nous permet d'examiner toutes sortes de sujets qui touchent les Premières nations, les Métis et les Inuits.

La réunion d'aujourd'hui a pour but d'obtenir, de la part du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, un compte rendu des suites données au rapport de notre comité concernant la mise en œuvre des accords sur les revendications territoriales globales. Notre comité avait exprimé ses inquiétudes dans son rapport de 2008 intitulé Respecter l'esprit des traités modernes : éliminer les échappatoires. Ce rapport contenait quatre recommandations visant la mise sur pied de structures et de mécanismes adéquats pour respecter les obligations qui résultent des traités modernes.

Le gouvernement a répondu au rapport de notre comité, mais sa réponse est incomplète, eu égard à certaines de nos inquiétudes. Notre comité voudrait maintenant savoir quand et dans quelle mesure on donnera suite à ses recommandations. De plus, nous voudrions qu'on nous explique, si tel est le cas, pourquoi on ne veut pas donner suite à certaines de nos recommandations.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité aujourd'hui.

[Traduction]

À ma gauche se trouvent le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Dyck, vice-présidente de notre comité, le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, et le sénateur Demers, du Québec. À ma droite se trouvent le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Patterson, du Nunavut, le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Poirier, du Nouveau- Brunswick, et le sénateur Brazeau, du Québec.

Mesdames et messieurs les membres du comité, veuillez vous joindre à moi pour accueillir nos témoins du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il s'agit de Michel Roy, sous-ministre adjoint principal chargé des traités et du gouvernement autochtone, ainsi que de Stephen Gagnon, directeur général de la Mise en œuvre.

Michel Roy, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone, Affaires indiennes et du Nord canadien : Bonjour, honorables sénateurs. Merci pour votre invitation. Nous sommes très heureux d'être présents aujourd'hui pour vous expliquer les changements que nous avons effectués et ceux qui se préparent et qui rendront la mise en œuvre des traités par le gouvernement fédéral plus efficace.

Le Canada s'applique à corriger les lacunes qui ont été signalées au sein du gouvernement fédéral ainsi que par les comités parlementaires, la vérificatrice générale et la Coalition des signataires d'accords sur des revendications territoriales.

Comme je l'ai dit lors de notre dernière comparution, l'évaluation menée à bien en octobre 2009 de quatre des plus anciennes ententes de règlement des revendications territoriales a confirmé qu'elles étaient un succès. Depuis, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien travaille à une évaluation du régime d'autonomie gouvernementale et de son incidence sur les collectivités autochtones signataires. Plusieurs collectivités, qui en sont à différents stades de l'accession à l'autonomie gouvernementale, participent à l'évaluation. La démarche comprend une recherche à la fois qualitative et quantitative et une suite d'entrevues menées auprès de membres et de dirigeants des collectivités ainsi que d'autres intéressés.

Le travail devrait se terminer au cours du prochain exercice. Il nous éclairera largement à propos du fonctionnement de ce régime et de ses effets sur les bénéficiaires visés.

Le gouvernement fédéral a réussi, par la collaboration, à résoudre des questions ponctuelles et opérationnelles du début, mais on sait qu'il est difficile de travailler de manière coordonnée pour s'attaquer aux problèmes qui surviennent à divers moments de la mise en œuvre et d'apporter les corrections nécessaires avec rapidité et cohérence.

Lors de notre témoignage en octobre 2009, nous avons déclaré que notre ministère agit sur ce dossier et qu'il entend apporter des améliorations aux principaux domaines mentionnés dans le rapport.

Les mesures que prend le Canada pour rendre la mise en œuvre plus efficace concernent trois grands domaines sur lesquels je reviendrai avec plus de détails pendant mon exposé. Premièrement, en ce qui concerne la fonction de contrôle, nous sommes en train d'améliorer les moyens de contrôle et de déclaration internes et pangouvernementaux afin d'obtenir de meilleurs rapports axés sur les résultats et de pouvoir présenter les résultats aux signataires et à la population canadienne.

Dans le deuxième domaine, la gestion, nous sommes en train de créer des structures pangouvernementales afin d'améliorer la gestion des responsabilités du Canada à l'égard de la mise en œuvre.

Le troisième domaine est celui des conseils aux responsables de la mise en œuvre. Nous sommes en train de formuler des lignes directrices pour nos collègues de l'administration fédérale dont le travail concerne les traités et leur mise en œuvre.

[Français]

En ce qui concerne le thème de la gestion, lors de notre dernière comparution, j'ai évoqué le cadre de gestion de la mise en œuvre qui permettra de mieux gérer l'application des traités modernes dans toute l'administration fédérale, en améliorant la coordination et la prise de décision à l'échelle pangouvernementale.

Je suis heureux d'annoncer que, le 14 décembre dernier, le comité directeur fédéral de l'autonomie gouvernementale et des revendications globales, qui regroupe des sous-ministres adjoints de différents ministères fédéraux et des agences centrales, a approuvé le cadre fédéral pour la mise en œuvre des traités modernes — des copies ont été préparées pour vous et distribuées ce matin à tous mes membres — celui-ci étant, entre autres grandes caractéristiques, l'orientation et le mandat du caucus fédéral et du comité directeur fédéral aux questions permanentes, exceptionnelles et nouvelles liées à la mise en œuvre.

Il intègre également aux mécanismes du comité directeur les caucus régionaux de mise en œuvre, formés de fonctionnaires fédéraux, sachant que le gros de l'activité essentielle et permanente de mise en œuvre des traités modernes s'exerce dans divers bureaux fédéraux partout au Canada.

Au cours des prochains mois, des représentants de la Direction générale de la mise en œuvre, que gère M. Gagnon, au secteur des traités de gouvernements autochtones, entreprendront plusieurs activités afin de rendre le cadre de gestion fonctionnel.

Ils mèneront notamment une série de consultations avec des représentants des caucus régionaux au sujet des trois domaines clés. Un exposé a été offert au caucus régional du Canada Atlantique, le 2 mars dernier, et des réunions sont prévues dans les Territoires du Nord-Ouest et en Colombie-Britannique bientôt.

Affaires indiennes et du Nord Canada reconnaît l'importance de la collaboration avec les partenaires des traités pour veiller à ce que les traités soient mis en œuvre correctement. Nous partagerons bientôt le cadre de gestion de la mise en œuvre avec la coalition des ententes sur les revendications territoriales.

Par ailleurs, nous continuerons à collaborer avec les signataires autochtones, provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec la coalition, et nous les tiendrons au courant des progrès réalisés. À ce titre, nous nous employons à formuler des directives pour les responsables de la mise en œuvre de l'administration fédérale.

Les employés fédéraux, chargés de la mise en œuvre des traités y trouveront de l'information utile, notamment sur les responsabilités des divers ministères.

Ces directives, qui sont au stade des approbations internes au ministère, seront bientôt présentées pour commentaires aux organismes centraux et aux autres ministères concernés.

Nous lançons aussi des directives sur des questions précises afin d'aider les fonctionnaires fédéraux à gérer les grandes questions de mise en œuvre, qu'il s'agisse du règlement extrajudiciaire des différends, y compris l'arbitrage exécutoire, d'examen, de renouvellement ou de rapport annuel.

Ces lignes directrices devraient être garantes de la cohérence et de la prévisibilité de la gestion des mécanismes et des initiatives pour les 22 ententes que nous avons en place actuellement. Nous prévoyons émettre plusieurs de ces lignes directrices d'ici l'automne 2010.

Comme je l'ai déjà mentionné, pour améliorer la fonction de contrôle, nous sommes en train d'améliorer les moyens de contrôle et de déclarations internes et pangouvernementales, afin d'obtenir de meilleurs rapports axés sur les résultats et de pouvoir présenter les résultats aux signataires et à la population.

Par exemple, cette année, notre ministère a mis au point un système perfectionné en ligne pour suivre toutes les obligations fédérales. Il sera mis en service cette semaine même, le 1er avril 2010. Cet aménagement doit remédier aux lacunes de l'ancien système. Le niveau est plus convivial, il permet de produire des rapports particuliers, soit par ministère, soit par revendication, de constater les faiblesses au niveau de la mise en œuvre, faciliter la production de rapports à l'interne et pour le Parlement, et de faire le lien avec les autres exigences en matière de déclarations ministérielles.

[Traduction]

Les auteurs du rapport du Comité sénatorial remettent sérieusement en question la démarche pour le renouvellement du financement des traités modernes au Canada et ils recommandent que les responsables fédéraux songent à adopter « des mécanismes transparents, flexibles et rapides de financement et de planification financière ». Le gouvernement fédéral convient que les ententes financières occupent une place primordiale dans les relations intergouvernementales après les traités. Le 2 mars 2010, le ministre Strahl a annoncé que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien dressera un nouveau cadre national de financement des gouvernements autochtones. Les ententes conclues devront tenir compte des intérêts de toutes les parties; leurs dispositions devront être équitables, transparentes, cohérentes, gérables, opportunes et abordables.

Nous prévoyons que cette orientation comportera : une formulation ouverte et transparente de ce qu'est la politique fédérale dans un énoncé de politique ou une loi cadre; une formule de financement pour le calcul de l'aide financière fédérale, formule qui tiendra compte de ce que peuvent apporter les gouvernements autochtones par leurs propres sources de revenus; un mécanisme permanent de consultation collective des groupes autochtones sur les questions de financement budgétaire.

Au cours des prochains mois, les représentants fédéraux formuleront une proposition détaillée, puis ouvriront un dialogue sur la proposition, avec les gouvernements autochtones ainsi que les provinces et les territoires canadiens.

Comme notre travail aura une incidence sur des dispositions des ententes actuelles, nous devrons obtenir l'accord des groupes signataires pour modifier ces dispositions en conséquence.

[Français]

Il n'y a pas que ces initiatives en cours, puisque le Canada a eu du succès depuis un an dans d'autres grands dossiers de mise en œuvre.

Je vous ai parlé l'automne dernier de clca.net. Ce système novateur, né d'une initiative pilotée par le Conseil du Trésor, permettra aux ministères fédéraux de produire des rapports sur leur activité de passation de marchés publics et d'approvisionnement dans des régions visées par des revendications territoriales.

Depuis notre dernière comparution, quelque 875 employés fédéraux provenant de 30 ministères ont assisté à des séances de formation. Chacune de ces séances suscite davantage de demandes de formation de la part des ministères.

À notre dernière comparution, j'ai mentionné que l'École de la fonction publique du Canada avait diffusé, en mai 2008, un outil d'apprentissage électronique appelé « Considérations autochtones dans le cadre de l'approvisionnement », par Campusdirect, le système de cyber-apprentissage de la fonction publique. Je suis heureux d'annoncer que cet outil a obtenu une distinction de l'Institut de gestion du matériel du Canada, parce qu'il innove sur le plan didactique dans le domaine des marchés publics.

Nous continuons de progresser dans des activités de mise en œuvre partout au pays, ce que j'aimerais illustrer par quelques exemples. À l'issue de fructueuses négociations de renouvellement, le ministre a annoncé, le 24 mars dernier, de concert avec ses homologues de Makivik et du Québec, que l'entente sur le logement au Nunavik avait été renouvelée pour cinq ans. La date d'effet est le 1er avril 2010 et la période visée s'étend de 2010 à 2015.

En janvier 2010, un décret a été approuvé en vue de la mise en application, le 1er février 2010 des modifications apportées à la loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. On se trouve ainsi à donner suite à un grand engagement de l'entente concernant les nouvelles relations entre le gouvernement du Canada et les Cris de la Baie James.

Mentionnons également le décret émis en janvier 2010, qui modifie le régime de paiement de transfert des Inuits du Labrador à la suite de l'entente d'utilisation commune qu'ils ont conclu avec les Inuits du Nunavik.

Les nominations fédérales au conseil de cogestion sont complètes et tous les conseils sont régis dans leur constitution et leur fonctionnement par l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik.

Nous sommes aussi heureux de vous rapporter que la journée du gouvernement du Nunatsiavut s'est tenue à Ottawa, le 18 novembre dernier. Ce jour-là, plus de 60 hauts représentants du gouvernement du Nunatsiavut et du gouvernement fédéral ont discuté des succès et des difficultés de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador. Ils ont profité de l'occasion pour mettre les expériences en commun, d'où une amélioration de la collaboration et un resserrement des liens entre les deux administrations.

[Traduction]

Compte tenu des contestations judiciaires qui se poursuivent, le Comité de mise en œuvre du Nunavut s'est réuni en janvier 2010. Il est parvenu à un consensus sur l'élaboration du mandat du prochain examen périodique de l'article 23, qui porte sur l'emploi des Inuits dans la fonction publique. Toutes les parties collaboreront activement au processus contractuel.

Le Comité a en outre convenu d'établir le mandat de l'examen quinquennal 2005-2010, qui devrait débuter au cours du prochain exercice. Enfin, les membres du Comité se sont entendus pour qu'on simplifie la production du rapport annuel, de manière à la rendre plus rapide et plus efficace.

Au cours du mois, le Canada, la Colombie-Britannique et la nation Nisga'a ont conclu une entente de transfert financier subséquent, qui sera rétroactive au 1er avril 2009 et qui vise à aider le gouvernement Nisga'a à mettre en œuvre les programmes et les services convenus. Cette entente est d'une durée de six ans, et on estime sa valeur à 366 millions de dollars. Elle correspond à l'objectif du gouvernement du Canada de privilégier les relations financières avec les Premières Nations qui s'acquittent de leurs responsabilités en matière de gouvernance et qui répondent aux besoins de leur population.

Enfin, dans le budget de 2010, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a reçu huit millions de dollars sur deux ans pour des activités communautaires de surveillance, de déclaration et de collecte de données de référence portant sur l'environnement, dans le cadre du Programme de surveillance des effets cumulatifs dans les Territoires-du- Nord-Ouest et du Programme de surveillance générale du Nunavut.

Comme l'a déclaré le ministre Strahl à la réunion des parties prenantes en Colombie-Britannique, le Canada entend continuer de négocier des traités modernes avec les Premières nations qui le souhaitent. Les ententes négociées permettent à toutes les parties de faire des progrès dans des dossiers importants. Les Premières nations voient s'élargir considérablement leurs perspectives de développement économique et social. Quant aux autres Canadiens, ils profitent de la présence au pays de populations autochtones fortes, confiantes et autonomes.

[Français]

Enfin, nous voulons améliorer notre mise en œuvre de ces traités. Le travail que nous avons accompli jusqu'ici nous aidera grandement à remplir nos obligations fédérales d'une façon plus uniforme en respectant les délais et ce, en fonction des besoins des communautés des Premières nations, des Autochtones et de tous les Canadiens.

[Traduction]

Le président : Merci, monsieur Roy. J'ai une question. À la page 5 du texte de votre allocution, vous dites : « Nous lancerons aussi des directives sur des questions précises afin d'aider les fonctionnaires fédéraux à gérer les grandes questions de mise en œuvre, qu'il s'agisse de règlement extrajudiciaire des différends [...] ». Puis, vous indiquez entre parenthèses « y compris l'arbitrage exécutoire ».

Qu'est-ce que ça veut dire exactement? Si je ne m'abuse, un seul traité moderne, celui des Nisga'a, prévoit l'arbitrage exécutoire. Les autres traités prévoient l'arbitrage volontaire. Aux yeux de la coalition et de notre comité, l'un des problèmes principaux est que ces gens n'ont d'autre recours que de s'adresser aux tribunaux. C'est ce qui s'est produit au Nunavut.

Vous dites vouloir émettre des directives sur des questions précises. Pourriez-vous nous dire exactement ce que vous entendez par là? À moins que les Premières nations ne disposent d'autres recours, elles doivent s'adresser aux tribunaux, comme c'est le cas actuellement. C'est frustrant pour les signataires des traités modernes.

M. Roy : Je vais demander à M. Gagnon de répondre à cette question, mais avant de lui céder la parole, je voudrais dire que, pour tous ces traités, nous avons formé des comités de mise en œuvre où toutes les parties collaborent pour trouver des solutions à certains problèmes. En ce qui concerne l'arbitrage, nous sommes en train d'élaborer des directives selon lesquelles le gouvernement du Canada pourrait consentir à l'arbitrage exécutoire pour les questions n'ayant pas d'incidences financières. Mais, pour les questions financières, le Canada ne pourra toujours que difficilement se soumettre à l'arbitrage exécutoire.

Le président : Alors, leur seul recours est de s'adresser aux tribunaux, n'est-ce pas?

M. Roy : S'il s'agit d'une question d'argent, leur seul recours est effectivement de s'adresser aux tribunaux.

Stephen Gagnon, directeur général, Mise en œuvre, Affaires indiennes et du Nord canadien : Pour répondre précisément aux éléments de votre question, je vous dirais que de nombreux traités prévoient l'arbitrage exécutoire. Il s'agit principalement de savoir si le recours à cette forme d'arbitrage est obligatoire ou facultatif. Je crois que la Convention définitive des Inuvialuit prévoit le recours obligatoire à l'arbitrage dans certains cas, mais je ne suis pas certain si cela s'applique aux questions financières. Dans les autres traités, par exemple les conventions sur le Nunavut, les parties peuvent s'entendre pour avoir recours à l'arbitrage et, en pareil cas, la décision est exécutoire. De telles issues sont prévues.

Par ailleurs, nous sommes en train de préparer une série de directives qui précisent comment doit se prendre, du côté fédéral, la décision d'avoir recours à l'arbitrage. Je crois que, lors de notre dernier témoignage devant votre comité, nous avons parlé du problème de l'absence de directives bien établies, du côté fédéral, qui faisait que les décisions ne se prenaient pas rapidement. C'est ce problème que nous sommes en train d'essayer de résoudre.

Le président : Nous nous sommes fait dire que, la plupart des traités prévoyant un recours facultatif à l'arbitrage, le gouvernement fédéral le refuse. De plus, vous nous indiquez qu'une fois la décision prise d'avoir recours à l'arbitrage, ce que le gouvernement fédéral est réticent à faire, la décision de l'arbitre est exécutoire. C'est l'un des principaux problèmes qu'ont les Premières nations dans l'application des traités modernes.

M. Gagnon : Je comprends, et c'est pourquoi nous sommes en train d'établir des directives. Nous voulons qu'il y ait des règles un peu plus claires pour déterminer si le Canada peut accepter l'arbitrage, dans un cas donné. Je ne pense pas que nous règlerons ainsi le problème à la perfection, mais il nous faut des directives. Nous essayons d'établir des règles plus claires pour que les gens comprennent dans quelles circonstances le Canada accepte qu'il y ait arbitrage exécutoire et dans quelles circonstances il refuse. Je reconnais que le problème a été soulevé par votre comité et par des groupes ayant fait valoir leur point de vue devant votre comité.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci d'être venu témoigner pour nous mettre au courant. C'est une très bonne mise à jour, et je l'apprécie.

La population en général pourra-t-elle consulter votre nouveau site web? Si je comprends bien, votre site sera en ligne à compter du 1er avril et contiendra de l'information sur les obligations fédérales. Le site sera-t-il ouvert au public ou s'agira-t-il d'un site fédéral interne?

M. Gagnon : Ce sera un site interne permettant au gouvernement fédéral de surveiller l'évolution des dossiers. L'un de nos objectifs ultimes est de produire des rapports que nous pourrons diffuser pour que les gens sachent où nous en sommes dans la gestion de nos obligations résultant des traités.

M. Roy : C'est un outil de gestion qui présente de l'information fiable. C'est un système interne.

Le sénateur Stewart Olsen : Je suis certain que tous les membres du comité aimeraient être avertis lorsque le site web sera en ligne. Veuillez nous envoyer l'adresse du site lorsqu'il sera prêt, car il va nous aider à suivre l'évolution de certains dossiers.

Le sénateur Sibbeston : La mise en œuvre des traités constitue évidemment un gros problème qui remonte aux années 1970, avec la Convention de la Baie James. C'est là qu'ont commencé les revendications globales modernes, et elles ont été assez nombreuses dans les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut étant la plus importante.

Le problème de mise en œuvre auquel nous faisons face est très sérieux. C'est l'honneur de la Couronne qui est en jeu, avec tout ce que cela suppose. Je m'attendais à ce que le gouvernement fédéral réponde que les traités lui conféraient des responsabilités et des obligations et qu'il avait définitivement l'intention de se conformer aux traités et de les mettre en œuvre.

Avez-vous fait une telle déclaration? La Coalition des signataires d'accords sur des revendications territoriales a été formée pour s'occuper de ces problèmes. Les signataires aimeraient que le gouvernement fédéral se montre sérieux et respecte ses obligations en vertu des traités modernes sur les revendications territoriales.

Seriez-vous capable de dire à notre comité, à ceux qui ont des revendications territoriales et à l'ensemble des Canadiens que le gouvernement fédéral a l'intention de respecter les traités modernes sur les revendications territoriales?

M. Roy : Je dois répondre qu'évidemment, le Canada va s'acquitter de ses obligations. Nous avons toujours eu pour but, dans nos activités, de nous acquitter de nos obligations de concert avec les autres parties. C'est ce que doivent faire tous les signataires. Dans l'ensemble, nous nous sommes bien acquittés de nos obligations de transfert de terres. Il s'agit dans ce cas d'une opération unique. Il y a quelques petits problèmes ici et là, mais nous avons un bon bilan. Nous avons comme objectif à long terme d'établir des partenariats et de mieux collaborer. Ce sont des choses qui s'apprennent au fil du temps. Il faut du temps pour nouer des relations nouvelles, de gouvernement à gouvernement. Nos relations habituelles et nos façons de faire en sont transformées. Évidemment, nous voulons nous acquitter de nos obligations.

Le sénateur Sibbeston : Dans votre exposé, vous avez parlé d'un cadre fédéral. Est-ce le changement le plus important que vous apportez pour que les accords sur les revendications territoriales soient mis en œuvre comme il se doit? Ce cadre est-il un mécanisme interne pour que la mise en œuvre puisse se faire?

M. Roy : Je ne dirais pas qu'il s'agit de la mesure la plus importante. Il s'agit simplement de fournir un cadre pour aider les fonctionnaires fédéraux à interpréter les traités modernes et à comprendre les obligations qui en résultent, de manière à les guider lorsqu'ils doivent déterminer comment le Canada assumera ses responsabilités. C'est un document pour guider le système et les fonctionnaires fédéraux dans le contexte de la mise en œuvre des traités.

Le sénateur Sibbeston : Avez-vous augmenté ou réorganisé les effectifs et les ressources du ministère pour que la mise en œuvre puisse mieux se faire?

M. Roy : M. Gagnon et son équipe ont effectué une réorganisation importante de leur direction générale pour pouvoir mieux collaborer avec les partenaires.

[Français]

Le sénateur Brazeau : J'aurais deux questions assez simples à poser. Premièrement, suite à la réponse que le ministère fournit suite au rapport du comité, que fait-il pour encourager les Premières nations à entrer en négociations afin de signer un traité moderne?

Deuxièmement, quelle est la position du ministère sur les bénéfices qu'auraient une ou plusieurs Premières nations à entamer de telles négociations?

M. Roy : Pour ce qui est de savoir ce que fait le ministère pour encourager les Premières nations ou les groupes autochtones à entrer en négociations, c'est au groupe autochtone de décider s'il veut aller de l'avant avec un traité moderne qui modifierait ses relations avec la Couronne fédérale. Dans plusieurs cas dans les Prairies, il y a déjà des traités historiques en place.

Ce sont les communautés de la Colombie-Britannique, du Québec, de l'Atlantique et les Algonquins ici, en Ontario, qui sont sujets à entrer en négociations avec nous. Dans la majorité des cas, du moins en Atlantique, au Québec et en Ontario, nous sommes en négociations avec tous les groupes.

En Colombie-Britannique il y a un processus en place avec une cinquantaine de tables de négociation, mais cela ne regroupe pas toutes les Premières nations. Certaines Premières nations ne sont pas prêtes à accepter le processus en place et on se doit de respecter leur décision.

Quant aux bénéfices de se regrouper, on essaie de montrer aux groupes que cela comporte des avantages, surtout lorsqu'il s'agit d'assumer certaines juridictions. Je pense qu'il ne serait pas adéquat de notre part de supporter une seule communauté qui voudrait mettre en place un service à l'enfance et à la famille ou un service d'éducation pour une seule communauté. Même si cette communauté a juridiction, cela ne ferait pas de sens pour eux de le faire. Il faudrait qu'ils se regroupent pour pouvoir assumer les fonctions.

C'est un peu dans ce sens qu'on encourage des Premières nations à se regrouper pour pouvoir assumer des responsabilités plus larges.

Le sénateur Brazeau : Vous mentionnez qu'il y a des négociations qui sont présentement en cours. Est-ce que le ministère a analysé le coût par table de négociation?

M. Roy : Chaque année il y a un processus de révision des orientations de la table des négociations, à savoir si on s'enligne réellement sur une vision commune avec le groupe autochtone.

Ce sont des processus dispendieux et les groupes autochtones doivent encourir des dettes. C'est pourquoi on veut s'assurer de partager une vision commune. Et si ce n'est pas le cas, on se rassoit avec le groupe autochtone et on discute de la nécessité de réorienter la table des négociations ou tout simplement de la suspendre en attendant de développer ensemble une vision commune.

Le sénateur Brazeau : Avez-vous des informations qui démontrent les coûts encourus?

M. Roy : Effectivement, sur le plan des négociations on peut voir les coûts encourus dans les documents officiels du gouvernement.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Monsieur Roy et monsieur Gagnon, je suis déçu de constater qu'il n'y a pas eu davantage de progrès depuis que notre comité a produit son rapport, en 2008. Je voudrais que nous revenions sur la question de l'arbitrage. Dans son rapport, notre comité recommandait au gouvernement d'abandonner la pratique du refus systématique de l'arbitrage. Je sais que, selon l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, le recours à l'arbitrage est facultatif. Toutefois, l'honneur de la Couronne est en jeu. Le Parlement voulait certainement que cette disposition puisse être invoquée lorsqu'elle a été incluse. Si le gouvernement avait l'intention de ne jamais avoir recours à l'arbitrage, pourquoi aurait-il prévu ce recours dans l'accord?

Au Nunavut, des sommes effarantes sont actuellement gaspillées en honoraires d'avocat depuis que le gouvernement du Nunavut a intenté une poursuite. Je n'ose même pas imaginer combien d'argent et de temps sont ainsi jetés par la fenêtre.

Lorsque vous êtes venus témoigner devant notre comité, à l'automne, vous nous avez dit que vous étiez en train de travailler sur la question de l'arbitrage. Aujourd'hui, vous nous affirmez que vous élaborez des directives sur des questions précises excluant les questions financières. Combien de questions n'ont aucune incidence financière?

En tout respect, permettez-moi de vous dire qu'il s'agit d'une solution minuscule à un problème énorme. Les principaux groupes de signataires ont formé la Coalition des signataires d'accords sur des revendications territoriales. Ce sont des gens expérimentés qui viennent de toutes les régions du pays. Dans son rapport, notre comité recommandait aux responsables fédéraux de commencer à élaborer, en collaboration avec la Coalition des signataires d'accords sur des revendications territoriales, une politique qui reposerait sur une nouvelle approche de mise en œuvre et qui comprendrait des directives claires et applicables pour rendre obligatoire le recours à l'arbitrage.

Avez-vous entrepris un dialogue avec la coalition? Notre recommandation d'essayer d'adopter une approche collaborative et une nouvelle politique globale n'est-elle pas valable?

M. Gagnon : Comme M. Roy l'a indiqué, nous sommes en train d'élaborer des directives concernant le règlement des différends, y compris par le recours à l'arbitrage. Jusqu'à maintenant, j'admets que nos discussions ont été seulement internes. Nous devons établir la position fédérale avant d'élargir la discussion à d'autres acteurs.

Nous avons communiqué avec la Coalition des signataires d'accords sur des revendications territoriales au cours de la dernière année. Je ne qualifierais pas cette communication de consultation. Nous avons essayé de tenir les gens informés pour qu'ils sachent où nous en sommes.

Nous rencontrons des groupes individuellement, y compris leurs comités de mise en œuvre. Les membres ont tous conclu des accords, et nous les rencontrons de temps à autre. Nous comprenons leurs points de vue. Cependant, nous en sommes au stade des discussions internes, au sein de l'État fédéral, pour cerner ce dont nous allons pouvoir discuter avec des acteurs externes.

Le sénateur Patterson : Pourquoi faut-il que ce soit si long? Dans le texte de votre allocution, vous dites : « Nous avons bon espoir de terminer plusieurs des directives d'ici l'automne 2010 ».

Notre comité a déposé son rapport il y a deux ans, et vous dites que vous espérez pouvoir terminer plusieurs directives d'ici l'automne, sur des questions essentiellement marginales, qui excluent les questions financières.

Êtes-vous en train d'employer une tactique pour gagner du temps et vous défiler devant ce problème? En tout respect, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi il vous faut tout ce temps.

M. Gagnon : Évidemment, ce n'est pas une tactique. Les gens ne voient pas les choses ainsi. J'admets toutefois qu'il nous a fallu plus de temps que je l'aurais voulu. La production de ces directives sera une priorité cette année.

Permettez-moi de faire une distinction supplémentaire à propos des questions non financières. Nous savons que beaucoup de décisions auront des incidences financières. Nous ne songeons pas à tout exclure de l'arbitrage. Mais nous pensons qu'il y aura des discussions internes sur un sujet.

Nous croyons que, dans d'autres ministères, nos collègues s'opposeront à ce que les niveaux de financement qu'on a convenu de négocier soient soumis à l'arbitrage. Nous pensons que cela posera un problème important pour le gouvernement fédéral.

Comme je l'ai dit lors de mon dernier témoignage, je ne voudrais pas présumer de l'issue des discussions internes que nous aurons avec les autres ministères fédéraux, mais nous prévoyons qu'il y aura un débat animé.

Le sénateur Patterson : J'aimerais que nous parlions du cadre fédéral de gestion de la mise en œuvre et du comité directeur fédéral dont il est question dans votre texte. Vous parlez d'un caucus fédéral sur l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales, d'un secrétariat et d'un secrétariat au sein de la Direction générale de la mise en œuvre. Vous mentionnez en outre un outil d'apprentissage électronique que l'on nomme « Considérations autochtones dans le cadre de l'approvisionnement ». En tout respect, permettez-moi de vous signaler qu'il faudrait employer le mot « obligations ». Ce sont des obligations solennelles, et non des considérations.

La question de l'approvisionnement a fait surface récemment lorsqu'il a été question de marchés publics importants. Des fonctionnaires de divers ministères fédéraux, notamment du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ont fait disparaître des dispositions concernant des contrats en cours de renouvellement. Je pense en particulier au contrat du Système d'alerte du Nord, qui est en vigueur depuis cinq ans et qui doit être renouvelé cette année.

Il semble qu'on ait jeté par-dessus bord les dispositions qui accordaient la préférence aux entreprises autochtones et aux entreprises qui emploient des Inuits pour l'attribution des marchés publics dans le Nord. Il me semble qu'il y aurait lieu d'adopter une politique sur les marchés publics visant l'ensemble de l'État fédéral.

Si je comprends bien, ce nouveau comité s'occupera entre autres de la question des marchés publics. Pourriez-vous me dire si ce comité, qui inclut les organismes centraux, ce qui est important, est le véhicule pour mettre en œuvre ce qui m'apparaît nécessaire, soit une politique sur les marchés publics fédéraux contenant des obligations envers les Autochtones? S'agit-il d'une nouvelle mesure qui nous conduira à l'adoption d'une politique fédérale concernant les Autochtones et les marchés publics?

M. Gagnon : Je ne suis pas certain de bien comprendre toute la portée de votre question, mais permettez-moi d'essayer d'y répondre. Il s'agit d'un comité directeur fédéral qui existe déjà et qui s'occupe actuellement d'approuver les négociations précédant les dates d'entrée en vigueur. Nous allons lui demander de s'occuper également des questions de mise en œuvre, c'est-à-dire des problèmes qui surgissent après l'entrée en vigueur. Nous allons renforcer le rôle des intervenants régionaux pour que les gens qui se trouvent sur le terrain, dans les régions, soient bien branchés.

Nous visons ainsi essentiellement à corriger un problème soulevé dans le rapport de la vérificatrice générale et indirectement, je crois, dans le rapport de votre comité. La vérificatrice générale souhaite que le Canada gère mieux ses obligations dans la mise en œuvre des traités. Ce comité est l'une des structures internes qui serviront à sensibiliser les gens et qui injecteront une certaine dose de rigueur dans notre façon de gérer nos obligations.

Je crois que le comité directeur serait le lieu où l'on pourrait s'assurer que les obligations résultant des accords en vigueur sont respectées. Quant à la politique globale dont vous parlez, il existe déjà des directives du Conseil du Trésor sur les marchés publics et les Autochtones et sur les questions du genre. Je ne voudrais pas qu'on pense que la mesure dont vous parlez est envisagée.

Le sénateur Patterson : Je sais que le Conseil du Trésor a établi des politiques, mais d'autres organismes fédéraux et des ministères importants ne semblent pas avoir émis des directives ou semblent les appliquer timidement. Je crois qu'il y aurait lieu d'adopter une politique fédérale sur les marchés publics et les Autochtones.

Je vois que vous prévoyez communiquer le cadre de gestion de la mise en œuvre à la coalition. Nous l'avons reçu aujourd'hui. Quand le communiquerez-vous à la coalition?

M. Roy : Nous vous le remettons aujourd'hui et nous allons le remettre à la coalition.

Le sénateur Hubley : Voici la deuxième recommandation du comité :

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec la Coalition des ententes sur les revendications territoriales et ses membres actuels et futurs, prenne des mesures immédiates visant la création, en vertu d'une loi, d'un organe indépendant, par exemple d'une Commission des traités modernes, chargé de surveiller la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales, y compris les questions d'ordre financier.

On recommande égalment :

Qu'il définisse le mandat de la Commission conjointement avec la Coalition des ententes sur les revendications territoriales et ses membres.

Dans sa réponse, le gouvernement est demeuré silencieux au sujet de cette recommandation. Pourriez-vous briser ce silence aujourd'hui, s'il vous plaît?

M. Roy : Seul le premier ministre peut décider de mettre en place une nouvelle structure, alors nous travaillons avec le système en place. Nous avons mis sur pied ces comités ainsi qu'un caucus fédéral pour les questions autochtones.

Nous prenons les moyens qui s'imposent et nous veillons à ce que soient en place tous les systèmes nécessaires pour améliorer l'exécution des traités modernes. Cependant, c'est le premier ministre qui décidera de la création d'une commission indépendante.

Le sénateur Hubley : Durant votre exposé, vous avez dit ceci :

Le gouvernement fédéral a réussi, par la collaboration, à résoudre des questions ponctuelles et opérationnelles du début, mais on sait qu'il est difficile de travailler de manière coordonnée pour s'attaquer aux problèmes [...]

Pouvez-vous nous dire quels sont ces problèmes?

M. Roy : Ils se trouvent essentiellement au sein du gouvernement fédéral. Nous tentons de faire en sorte que tous nos collègues au sein du ministère connaissent bien leurs obligations et que nous ayons tous la même compréhension de ce qu'est un traité moderne. C'est une chose de négocier ces traités au nom du gouvernement fédéral, mais encore faut-il faire en sorte que tout le monde les comprend bien. Chacun s'attend à ce que nous fassions rapport de différentes activités et obligations. Nous avons besoin de la collaboration d'autres ministères pour faire en sorte que tout fonctionne bien. Ce sont là les problèmes auxquels nous avons été confrontés. Nous essayons d'y trouver des solutions.

Nous devons également bâtir une nouvelle relation avec nos partenaires autochtones. De part et d'autre, ce n'est pas une tâche simple. La relation à laquelle nous sommes habitués est celle qui procède de la Loi sur les Indiens. Nous sommes maintenant en train de négocier des traités modernes et nous voulons changer cette relation. Les deux parties ont beaucoup d'efforts à fournir pour parvenir à bâtir cette nouvelle relation.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous parlez des traités modernes. À l'époque où aucun d'entre nous n'était encore né, les traités visaient je crois à protéger nos droits de pêche et de chasse ainsi que nos droits fonciers. Est-ce que nous nous dirigeons vers une époque où aucune terre ne nous appartiendra et où nous n'aurons plus le droit de pêcher et de chasser?

M. Roy : Dans les traités modernes, il existe des précisions quant à la propriété des terres. En vertu de ces traités, les Premières nations obtiennent la propriété de certaines terres ou bien elles bénéficient d'une entente avec les provinces et les territoires en ce qui concerne la propriété d'autres terres. Des groupes autochtones obtiennent la propriété de certaines terres et leurs droits sont respectés. Les ententes que nous négocions sont assez précises.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je vous remercie, mais, à ma connaissance, et d'après ce que j'ai lu, le saumon a pratiquement disparu. Comment pouvons-nous continuer à pêcher s'il n'y a plus de saumon?

M. Roy : Il s'agit là d'une autre question. Dans ce cas-là, il s'agit de protéger une ressource naturelle. Il appartient au ministère des Pêches et des Océans d'en discuter avec les Premières nations.

Par exemple, les traités modernes conclus en Colombie-Britannique confèrent encore des droits de pêche aux peuples autochtones. La question maintenant est de savoir comment protéger les espèces.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci, mais vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question.

Je suis originaire de l'Est du Canada. La pêche au saumon constitue notre moyen de subsistance, mais il n'y a plus de saumon dans les rivières. Comment peut-on alors négocier des droits de pêche? Allez-vous mettre du saumon dans nos rivières pour que nous puissions pêcher?

M. Roy : Les droits de pêche seront confirmés par l'entremise des traités. Ensuite, les Premières nations devront s'entendre avec le ministère des Pêches et des Océans sur la façon d'appliquer ces droits de pêche dans une telle situation. C'est une question de survie...

Le sénateur Lovelace Nicholas : En effet, la survie du plus fort.

Y a-t-il des Autochtones qui participent pour le compte du gouvernement aux négociations concernant les revendications territoriales?

M. Roy : Bien sûr.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Combien?

M. Roy : Je ne peux pas vous dire le nombre exact, mais nous essayons d'embaucher autant d'Autochtones que possible au ministère. À l'heure actuelle, environ 30 p. 100 ou 35 p. 100 des employés sont des Autochtones. Je ne peux pas vous dire combien d'entre eux participent aux négociations, mais je pourrais trouver ce renseignement et vous le transmettre.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui, j'aimerais bien.

Le sénateur Patterson : Pour être franc, je dois dire, sans vouloir vous offenser, qu'après avoir entendu tous les témoignages, notre comité était d'avis que le ministère des Affaires indiennes et du Nord, qui est le principal responsable de l'exécution des traités, ne détenait pas l'autorité nécessaire pour assurer une coordination efficace des responsabilités fédérales. C'est ce qu'a conclu également la vérificatrice générale au terme de plusieurs vérifications. Elle avait recommandé la création d'un groupe de travail composé de hauts fonctionnaires qui serait chargé d'exercer une fonction de supervision. Notre comité a recommandé que le greffier du Conseil privé s'occupe de mettre sur pied un tel groupe de travail qui serait formé de hauts fonctionnaires provenant d'organismes centraux comme le Bureau du Conseil privé, le ministère des Finances et le Conseil du Trésor.

Durant votre exposé, vous avez fait mention d'un caucus fédéral interministériel et d'un comité directeur fédéral. Quel ministère assure la gestion de ces deux entités?

M. Roy : Le comité directeur fédéral se compose de sous-ministres adjoints provenant des ministères qui participent aux négociations et à l'exécution des traités, y compris tous les organismes centraux. C'est moi qui préside ce comité. Il est chargé de superviser la mise en œuvre des traités. Tous les principaux acteurs en font partie.

Quant au caucus interministériel, toutes les personnes dans l'ensemble du gouvernement qui ont un rôle à jouer dans les négociations en font partie. Ce caucus est sous la gouverne du ministère des Affaires indiennes. C'est lui qui convoque et organise les réunions. L'objectif est de réunir tous les hauts fonctionnaires des différents ministères concernés.

Le sénateur Patterson : Je crois comprendre que, malgré les conclusions de la vérificatrice générale et les recommandations de notre comité, le ministère estime tout de même qu'il dispose de l'autorité nécessaire pour assurer la coordination des responsabilités fédérales. Je crois que c'est ce que vous avez dit clairement en réponse aux recommandations.

Il est bien de parler de coordination, d'information, et cetera, mais, à mon avis, le Cabinet doit élaborer et approuver une politique gouvernementale claire en matière d'approvisionnement. Ne pensez-vous pas qu'au lieu d'essayer de coordonner les responsabilités, il faudrait plutôt établir des politiques pour l'ensemble du gouvernement pour assurer le respect des obligations liées aux revendications territoriales?

M. Gagnon : Vous avez mentionné plus tôt qu'il est question des obligations énoncées dans les ententes. Nous sommes d'accord. C'est le comité directeur fédéral qui est responsable du cadre fédéral pour la mise en œuvre des traités. C'est lui qui doit entre autres veiller à ce que les obligations soient respectées. Il faut des gens pour accomplir ce qui doit être fait afin de s'assurer que la politique est suivie. Nous avons déjà de nombreuses obligations dont il faut s'acquitter. Nous avons donc plus qu'une politique à respecter; nous avons aussi des obligations.

Nous espérons que les directives que nous essayons d'élaborer indiqueront clairement aux personnes concernées comment accomplir ce qui doit être fait en vertu des ententes afin que les obligations soient respectées. C'est l'objectif qui est visé. Au cours des deux prochaines années, nous évaluerons la situation et nous déterminerons si le comité directeur fédéral doit continuer d'assumer cette responsabilité ou si elle doit être confiée à une autre entité.

Nous pensons avoir réuni les bonnes personnes, mais au cours des deux prochaines années, nous allons suivre la situation et nous verrons ce qui se passera.

Le sénateur Patterson : Je sais qu'il existe une hiérarchie au sein du gouvernement du Canada. Les hauts fonctionnaires qui siègent au comité proviennent de quel niveau de gestion?

M. Gagnon : Il s'agit de sous-ministres adjoints, comme M. Roy. Ils relèvent directement de notre sous-ministre. Ils occupent les postes de gestion les plus élevés qui existent, en excluant ceux de ministre.

Le président : Chers collègues, comme vous pouvez le constater, il s'agit d'un dossier important. Pour ceux d'entre nous qui proviennent de la Colombie-Britannique, où il n'existe aucun traité, les traités modernes représentent l'avenir.

Monsieur Roy, je suis certain que vous avez pris note des commentaires des sénateurs. Ils sont préoccupés.

Nous avons avec nous dans la salle aujourd'hui M. Terry Fenge et Mme Udlu Hanson, qui font partie de la Coalition sur les revendications territoriales. Les nombreux peuples qui ont signé ces traités modernes sont également préoccupés. La mise en œuvre de ces traités constitue la principale préoccupation.

Le sénateur Patterson, qui est originaire du Nunavut, qui a toujours vécu dans le Nord et qui a été premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, tire la sonnette d'alarme sur la nécessité d'améliorer la situation. Je suis certain que vous en êtes tous très conscients. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir ici pour discuter d'un dossier difficile et d'avoir répondu à nos questions candidement et franchement.

Je remercie donc les témoins et je remercie aussi les membres du comité pour leurs questions. Nous allons maintenant poursuivre à huis clos pour examiner un élément du budget et ensuite nous allons reprendre la séance publique.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le président : Nous reprenons la séance publique. Il est proposé que le budget, tel qu'il vous a été présenté, hormis l'activité 1, soit approuvé.

Des voix : D'accord.

Le président : Qui est en faveur? Qui est contre? La motion est adoptée.

Chers collègues, le comité de direction se réunira bientôt pour décider des travaux futurs du comité et il vous fera part sous peu de ses décisions.

Y a-t-il des questions ou des commentaires?

Le sénateur Demers : Puis-je poser une question? C'est peut-être plutôt une observation. J'ai trouvé que le sénateur Patterson s'était bien préparé et qu'il avait posé de très bonnes questions. C'est mon opinion. Quant au sénateur Lovelace Nicholas, il a posé des questions auxquelles il n'a pas obtenu de réponses.

Le sénateur Campbell : C'est parce que les témoins n'avaient pas de réponses à ces questions.

Le sénateur Demers : Que se passe-t-il? Le sénateur s'était bien préparé; il est bien organisé. Il a posé de très bonnes questions. Je vous parle en tant qu'ancien entraîneur. On dirait que la rondelle ne revient jamais. Vous pouvez faire l'analogie qui vous plaît. J'ai un sentiment de frustration, car cet homme que je respecte beaucoup s'était bien préparé, mais il n'a pas obtenu de réponses à ses questions.

Le comité respecte le sénateur St. Germain en tant que président, mais il reste qu'à un moment donné nous devons obtenir des réponses. Je ne m'attends pas à en obtenir tout le temps, mais on nous dit toujours que ça ira à la prochaine fois. Ce n'est pas juste, surtout pour quelqu'un qui s'est bien préparé. Le sénateur Lovelace Nicholas voulait obtenir des réponses. À un moment donné, il faudra nous en donner. C'est pourquoi nous sommes ici.

Le président : Votre observation est astucieuse. La situation touche nécessairement de près le sénateur Patterson. Il sait pertinemment de quoi il retourne.

Pour ce qui est des réponses, vous constaterez, malheureusement, que nous n'en obtenons pas toujours. Souvent, c'est la période des questions uniquement et non pas la période des questions et réponses.

Si vous croyez que c'est la bonne chose à faire, je pense que nous pourrions écrire au ministre, en tant que comité, pour lui faire savoir que les sénateurs n'ont pas obtenu de réponses satisfaisantes à certaines questions qu'ils ont posées et qu'ils souhaitent en obtenir de sa part.

Le sénateur Demers : Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Raine : Je crois que c'est une bonne idée.

Le président : Si vous êtes d'accord, je vais demander aux membres du personnel et à la greffière de rédiger une ébauche de lettre, que vous aurez l'occasion d'examiner avant que je l'envoie au ministre, pour que vous puissiez tous formuler des commentaires sur le contenu.

Le sénateur Raine : Ce qui est inquiétant, c'est que nous avons conclu seulement quelques traités modernes et que beaucoup d'autres sont à venir. Qu'est-ce qui pourrait vous pousser à négocier un traité moderne si vous constatez que les traités qui ont été signés ne sont pas mis en œuvre?

Le président : En effet. Sachez, sénateur Demers, que nous avons entrepris cette étude parce que le gouvernement n'appliquait pas ces traités modernes. Et je ne parle pas seulement du gouvernement actuel. Les gouvernements précédents ne le faisaient pas non plus. Ils ont tous ignoré les traités modernes. C'est la raison pour laquelle nous avons mené cette étude et nous avons fait comparaître ces témoins. Nous les avons réinvités parce que nous n'étions absolument pas satisfaits de la réponse que nous avions reçue. C'est pour cette raison que les témoins ont comparu encore une fois ce matin et que je pense que nous ne devrions pas abdiquer.

Si tout le monde est d'accord, nous allons écrire au ministre et nous verrons ce que cela va donner. Si quelqu'un s'oppose, qu'il parle maintenant ou qu'il se taise à jamais.

Autre chose?

La séance est levée.

(La séance est levée.)


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