Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 5 - Témoignages du 5 mai 2010
OTTAWA, le mercredi 5 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 49, pour étudier sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
[Traduction]
Marcy Zlotnick, greffière du comité : Bonsoir, honorables sénateurs. Nous avons le quorum. Malheureusement, le président est absent pour cause de maladie, et le vice-président est absent lui aussi. À titre de greffière, il m'incombe de diriger la nomination d'un président suppléant. Quelqu'un a-t-il une motion à présenter à cet égard?
Le sénateur Sibbeston : Je propose la candidature du sénateur Patterson.
Mme Zlotnick : Y a-t-il d'autres propositions? Il est proposé par l'honorable sénateur Sibbeston que l'honorable sénateur Patterson occupe le fauteuil à titre de président suppléant du comité.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter cette motion?
Des voix : D'accord.
Mme Zlotnick : Sénateur Patterson, je vous invite à prendre le fauteuil.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Bonsoir. Merci beaucoup. Je suis honoré de la confiance que vous me témoignez.
Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs, aux membres du public et aux téléspectateurs de toutes les régions du pays qui suivent les débats du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.
Je m'appelle Dennis Patterson, et je représente le Nunavut au Sénat. Je suis un nouveau membre du comité, auquel je me suis joint en 2009. Je suis heureux d'agir à titre de président suppléant de la réunion de ce soir en l'absence du sénateur St. Germain.
Le comité a le mandat d'examiner les dispositions législatives et, de façon générale, les questions relatives aux peuples autochtones du Canada. Ce mandat donne au comité le pouvoir très vaste de se pencher sur diverses questions qui revêtent un intérêt pour les Premières nations, les Métis et les Inuits.
Le comité a entrepris une étude sur l'éducation primaire et secondaire dans les réserves des Premières nations. Pour élargir ses connaissances sur le sujet, le comité a invité à témoigner un éminent chercheur, M. Michael Mendelson, du Caledon Institute of Social Policy, à s'adresser à lui ce soir.
M. Mendelson a occupé un certain nombre de postes de cadres supérieurs au sein des gouvernements de l'Ontario et du Manitoba et du Conseil privé du gouvernement du Canada. Ancien consultant du Groupe de travail parlementaire sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, il a aussi été professeur invité à l'École de travail social de l'Université de Toronto.
M. Mendelson traitera devant le comité de certaines questions soulevées dans deux articles qu'il a publiés récemment, à savoir Improving Education on Reserves : A First Nations Education Authority Act et La légitimité d'une loi sur l'éducation pour les Premières nations. Ces articles présentent ce que M. Mendelson considère comme les éléments manquants sans lesquels les Premières nations ne peuvent établir un système d'éducation complet.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents ce soir.
[Traduction]
À ma gauche se trouvent le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse et le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard. Je vous souhaite la bienvenue. À ma droite se trouvent le sénateur Daniel Lang, du Yukon, le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Patrick Brazeau, du Québec, le sénateur Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick et le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Membres du comité, je vous demande de vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à M. Michael Mendelson, chercheur principal, Caledon Institute of Social Policy.
Monsieur Mendelson, je vous invite à commencer votre exposé, à la suite duquel les sénateurs vous poseront des questions.
Michael Mendelson, chercheur principal, Caledon Institute of Social Policy : Merci. Je suis honoré d'avoir été invité ici et d'être l'unique témoin que vous entendrez ce soir. J'espère que nous pourrons avoir une discussion animée et utile. J'estime que nous allons nous pencher sur l'une des questions sociales les plus importantes, peut-être la question sociale la plus importante à laquelle se heurte le Canada de même que sur l'une des plus importantes questions économiques à laquelle doit faire face le pays.
Aujourd'hui, j'ai remarqué que l'Institut C.D. Howe avait publié un rapport indiquant que l'avenir d'un bon nombre de provinces, plus particulièrement le Manitoba et la Saskatchewan, était fondamentalement subordonné à la prospérité de leurs populations autochtones. Ce n'est pas la première fois qu'un rapport souligne cela. Je regrette d'avoir à le dire, mais il s'agit d'un fait que j'ai moi aussi fait observer dans quelques rapports.
En mentionnant cela, l'Institut C.D. Howe s'inscrivait dans une tradition qui consiste à attirer l'attention sur une question qui interpelle les Canadiens. Il s'agit de savoir ce que nous ferons pour y donner suite. Si j'ai écrit à propos de l'éducation des Premières nations, c'est précisément parce qu'un groupe de chefs, les représentants du sous-comité sur l'éducation de l'Assemblée des Premières Nations, a porté cette question à mon attention.
J'avais terminé un article dans le cadre duquel j'examinais certaines données du recensement. Ces données mettaient en évidence l'échec cuisant que représentaient l'achèvement des études secondaires et la poursuite d'études postsecondaires chez les élèves des Premières nations. Je crois qu'il s'agissait de l'un des premiers articles qui établissait, je présume, un lien atrocement évident entre le taux de réussite des Autochtones au niveau postsecondaire et le taux d'obtention du diplôme d'études secondaires chez les Autochtones, lequel constitue une condition préalable à l'accession aux études postsecondaires. Lorsque j'ai publié cet article, on m'a posé la question suivante : « Que feriez-vous pour régler ce problème? »
J'ai réfléchi à cette question, et j'ai rédigé une suite de documents d'orientation en puisant dans l'expérience que j'avais acquise au sein de divers gouvernements. Le président n'a pas mentionné que j'ai occupé des postes de sous-ministre et de sous-ministre adjoint dans plusieurs ministères au Manitoba et en Ontario. Je me considère comme quelqu'un qui tente, en mettant à profit l'expérience qu'il a acquise au sein de gouvernements et à titre d'analyste des politiques, d'élaborer un train de mesures ou un plan qui satisferait tant le gouvernement que les Premières nations, et qui permettrait de faire avancer cette question. Je ne peux faire autrement que de me poser sans cesse la question suivante : « Nous en sommes là aujourd'hui, mais où en serons-nous dans 10 ans? Devrons-nous attendre 10, 20 ou 30 ans avant que nous mettions au point un plan efficace pour améliorer l'éducation dans les réserves? »
Comme je l'ai expliqué cet après-midi, je me suis moi-même assigné une tâche de médiateur. Si j'assume ce travail de médiation, c'est pour tenter de mettre à contribution l'expérience que j'ai acquise dans le domaine des politiques et dans d'autres domaines en vue de l'élaboration d'un plan qui se révélerait satisfaisant pour les deux parties.
C'est ce que j'ai tenté de faire dans le cadre des deux articles qui vous ont été fournis. J'ai demandé à la greffière de distribuer à tous les membres du comité l'article intitulé La légitimité d'une loi sur l'éducation pour les Premières nations. Je tiens pour acquis que tout le monde ici présent l'a lu. Aujourd'hui, je me propose de vous exposer rapidement quelques-uns des points les plus importants de cet article. J'espère que nous pourrons ensuite dialoguer et discuter, et réfléchir aux questions suivantes : où en serons-nous dans 10 ans? Serons-nous en train d'avoir la même discussion dans 20 ou 30 ans? Pouvons-nous tolérer que le pays ne fasse aucun progrès sur cette question cruciale pendant encore une ou deux générations?
Dans cet article, j'évoque la situation suivante : il y a de nombreuses années, en 1972, l'organisation qui s'appelait alors la Fraternité des Indiens du Canada a publié un document intitulé La maîtrise indienne de l'éducation indienne que vous connaissez tous, j'en suis certain. Il s'agissait d'une déclaration de principes où, pour l'essentiel, les Premières nations réclamaient le contrôle de leur éducation, et faisaient valoir leur droit à exercer ce contrôle.
Je considère que cela s'inscrit dans une tradition toute canadienne, tradition dont témoigne notre propre Constitution, et dont ont témoigné les conseils scolaires catholiques et confessionnels qui existaient dans presque toutes les provinces. Je considère que cela fait partie de cette tradition. De fait, à mon avis, le gouvernement fédéral a admis en grande partie la politique de maîtrise par les Premières nations de l'éducation des Premières nations, mais il y a une deuxième étape à franchir. Acheter et posséder une voiture est une chose, mais si vous ne pouvez pas la conduire ou acheter de l'essence, à quoi vous sert cette voiture?
Si elles veulent avoir la maîtrise sur leur éducation, les Premières nations doivent d'abord être capables d'en assumer la responsabilité, mais elles doivent également pouvoir être aux commandes de leur éducation. Être aux commandes de l'éducation, cela signifie disposer d'un système d'éducation. La première étape, qui consistait à céder aux Premières nations, du moins en théorie, la maîtrise de leur propre éducation, a été franchie. La deuxième étape consiste à mettre sur pied l'organisation nécessaire, y compris l'infrastructure financière et d'autres éléments de l'infrastructure éducationnelle, permettant l'établissement d'un système d'éducation des Premières nations de qualité supérieure. L'article que vous avez sous les yeux porte sur la manière dont nous pouvons contribuer à la création d'un système d'éducation des Premières nations.
M. Jim Prentice, ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a déjà souligné que les élèves des Premières nations étaient les seuls élèves du Canada à n'appartenir à aucun système d'éducation. Comment expliquer cela? Dans cet article, j'ai essayé d'examiner une stratégie permettant de mettre en place un tel système.
Les gens qui écrivent à propos de la réforme de l'éducation — et vous n'êtes pas sans savoir qu'ils sont légion — tiennent toujours pour acquis qu'il existe un système d'éducation qui peut faire aboutir la réforme de l'éducation. Dans la plupart des cas, cela est vrai. Michael Fullan, l'un des chercheurs les plus réputés du monde sur la question de la réforme de l'éducation, soutient que l'on doit procéder à une réforme complète du système d'éducation, et que l'on doit procéder à une réforme à tous les échelons, de l'école et de l'enseignement proprement dits aux ministères en passant par les commissions scolaires, et cetera. Pour réaliser une réforme complète du système d'éducation, il faut d'abord posséder un système d'éducation. Comment bâtir un système pour ensuite procéder à sa réforme complète?
Quel est l'état de la situation?
Vous connaissez peut-être quelques-unes des données pertinentes : plus de 500 écoles situées dans les réserves accueillent de 110 000 à 120 000 élèves — le nombre exact n'est pas connu, ce qui constitue un fait intéressant en soi. Dans le pays, il s'agit de l'un des rares aspects de l'éducation où une croissance peut être observée. À ce jour, cela ne semble pas très bien fonctionner. Certaines des données que j'ai rassemblées précédemment indiquent qu'au Manitoba, 70 p. 100 des jeunes de 20 à 24 ans n'ont pas terminé leurs études secondaires — il s'agit d'une donnée saisissante. Dans l'ensemble, c'est au Manitoba que le taux de décrochage est le plus élevé. J'ai étudié les données du recensement de 1996 concernant le groupe d'âge des 20 à 24 ans. Ces gens devraient avoir terminé leurs études secondaires. J'étudie non pas des données des années 1930, mais des données des années 1990, époque où ces jeunes auraient dû terminer leurs études secondaires. Dans l'ensemble du Canada, environ 60 p. 100 n'avaient pas terminé leurs études secondaires, comparativement à moins de 20 p. 100 pour le reste de la population.
Il ne s'agit pas d'une bonne situation. Les études économiques démontrent que l'achèvement des études secondaires procure d'extraordinaires avantages, non seulement à chaque individu, mais également à l'ensemble de la population canadienne. J'aimerais dire deux mots à propos de l'étude menée par Andrew Sharpe et ses collaborateurs du Centre d'étude des niveaux de vie, organisation non partisane dont les bureaux sont situés à deux pas d'ici. Selon cette étude, le PIB du Canada s'accroîtrait de façon notable — augmentation de moins de un point de pourcentage — si le taux d'achèvement des études secondaires augmentait. Il faut garder présent à l'esprit que tout ce qui contribue à l'accroissement du PIB représente une contribution importante à la croissance économique.
Sur quoi devons-nous nous appuyer? À mes yeux, nous avons besoin d'une réforme du même genre que celui des réformes des systèmes scolaires publics du Canada qui ont été effectuées à compter des années 1930, 1940 et 1950. Certains d'entre nous, et j'en fais partie, sont probablement assez âgés pour se souvenir des regroupements d'écoles qui ont eu lieu partout au Canada, à l'époque où les districts scolaires ruraux ont été créés dans un but précis. Il s'agissait de l'unique façon de procurer aux Canadiens vivant dans les régions rurales une éducation de qualité. Cela a suscité beaucoup de controverse, mais on l'a fait, et je me penche sur cette question dans mon article. On évoque aujourd'hui la même idée pour les Premières nations. La première chose que je ferais valoir, c'est que les Premières nations ont besoin de leurs propres conseils scolaires.
Par « conseil scolaire des Premières nations », j'entends non pas un groupe peu structuré d'écoles qui se téléphonent régulièrement et partagent quelques ressources, mais une organisation dotée d'une fonction de gestion et d'une fonction de prestation de services. L'élément essentiel qui fait actuellement défaut, c'est la fonction de gestion. Il s'agit de la fonction permettant de surveiller la qualité, de développer les ressources et de veiller à la création d'un noyau de formidables directeurs d'écoles. Bon nombre de personnes possédant de l'expérience en enseignement affirment que la nature et la culture d'une école sont déterminées par le directeur de l'école. La fonction de gestion d'un conseil scolaire fait défaut. Dans mon article, j'avance que la prochaine étape à franchir en vue d'en arriver à ce que la Fraternité des Indiens du Canada appelait « la maîtrise indienne de l'éducation indienne » consiste en l'établissement de conseils scolaires des Premières nations, maîtrisés et élus par les Premières nations, et d'organisations à vocation spécifique — à savoir l'éducation — indépendantes des conseils de bande.
Dans mon article, je me penche également sur la taille et la nature des conseils scolaires, et du nombre de regroupements qui devraient être effectués. Je n'en dirai pas plus long là-dessus à ce moment-ci.
De nombreuses personnes soulèvent la question des écoles à charte, des écoles indépendantes ou des bons d'études. Toutes ces idées pourraient être utiles dans certains cas. Si une école à charte pouvait être établie sur une réserve et devenir un bon exemple de réussite, alors tant mieux pour elle. Cela pourrait être utile, mais cela n'aura aucune incidence sur l'ensemble du système. Nous devons envisager d'améliorer les 510 écoles existantes. Nous devons déterminer comment mettre en oeuvre la réforme du système. À mon avis, la première étape est la création d'un conseil scolaire, une entité d'administration du système. La deuxième étape relève du ministère de l'Éducation, qui doit lui aussi jouer un rôle crucial en ce qui concerne la fonction de gestion et la fonction de service.
Je ne suis pas en train de recommander que l'on transforme complètement les ministères provinciaux pour créer une sorte de système parallèle. Je ne pense pas que cela serait logique ou efficient. Cela dit, il n'est pas logique, efficient ou possible d'envisager des conseils scolaires des Premières nations assujettis aux ministères provinciaux. Je peux imaginer l'établissement d'organismes scolaires régionaux des Premières nations qui seraient de moindre envergure et qui pourraient tirer profit des ressources des ministères provinciaux à la faveur d'un partenariat avec ceux-ci. Ces organismes travailleraient également en collaboration avec les conseils scolaires des Premières nations pour exercer le même genre de fonctions de leadership et de direction que celui qu'exercent les ministères provinciaux.
La question du financement est toujours cruciale, et elle intéresse toujours tout le monde. Je ne prétends pas dire quoi que ce soit de nouveau. À peu près tous ceux qui ont écrit à propos de l'éducation des Premières nations ont tenu des propos similaires. Je ne suis ni un novateur ni un précurseur — je ne fais que répéter ce qui a été dit à maintes et maintes reprises par tous ceux qui se sont penchés sur la question.
Cela dit, nous devons également reconnaître que les Premières nations ont tenté de créer leurs propres alliances. Elles ont tenté d'exercer quelques-unes des fonctions dont j'ai parlé plus tôt, et que j'examine plus exhaustivement dans mon article. Il est difficile pour les Premières nations de créer ces fonctions en l'absence des cadres juridique et financier et des autres appuis nécessaires.
À cet égard, je donne quelques exemples dans mon article. L'un des exemples les plus remarquables à l'heure actuelle est le travail effectué par la coalition des Premières nations de la Colombie-Britannique, laquelle a oeuvré pendant de nombreuses années au sein d'un comité directeur sur l'éducation. La coalition a travaillé conjointement avec le gouvernement fédéral, collaboration qui a débouché sur l'adoption de la Loi sur la compétence des Premières nations en matière d'éducation en Colombie-Britannique.
Cette loi a été adoptée il y a environ trois ans, mais l'organisation n'a pas vu le jour parce que des pourparlers ont toujours lieu à propos d'accords financiers. Je crois que cela donne une idée du type d'obstacles et de problèmes auxquels les organisations des Premières nations font face au moment où elles tentent de former des alliances concrètes. À quelles conditions doivent-elles répondre? Quelles exigences précises en matière de reddition de comptes les Premières nations sont-elles censées respecter? Qu'est-ce que le gouvernement du Canada leur offre en retour? On dirait que chaque nouvelle négociation fait table rase de la précédente; chaque fois, on doit recommencer à zéro, sans l'appui d'une quelconque disposition législative.
J'oserais affirmer que le Parlement n'a pas fait son travail. Aucune loi ne régit l'éducation des Premières nations. À l'heure actuelle, la loi pertinente est la Loi sur les Indiens, laquelle n'aborde assurément aucune question d'éducation — pour l'essentiel, cette loi se limite presque exclusivement à mentionner la question de la fréquentation scolaire.
À l'heure actuelle, tous les élèves et étudiants du Canada poursuivent leurs études dans le cadre d'un système d'éducation régi par des lois, hormis les élèves et étudiants des Premières nations. Il s'agit de quelque chose que Jim Prentice m'a également fait observer. Les Premières nations ne disposent d'un système juridique qui leur permettrait de s'adresser au pouvoir exécutif — représenté, dans le cas qui nous occupe, par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, AINC — pour s'enquérir de leurs rôles et responsabilités : de quoi sommes-nous responsables? Que devez-vous fournir aux Premières nations? Que doivent-elles vous fournir en retour? Aucune loi n'énonce quoi que ce soit à ce sujet.
En assemblant les éléments épars qui relèvent actuellement du pouvoir exécutif, nous pourrions constituer une loi sur l'éducation des Premières nations. À l'heure actuelle, tout semble relever du pouvoir du Conseil du Trésor, lequel agit, je suppose, en vertu de certaines dispositions de la Loi sur le Conseil du Trésor, dont la portée est assez vaste. Je mets quiconque au défi de trouver l'endroit où ces pouvoirs sont énoncés, car, pour ma part, je n'ai jamais réussi à le faire.
Même si tous ces éléments pourraient être rassemblés sous l'autorité du pouvoir exécutif, j'estime qu'une loi sur l'éducation des Premières nations représenterait une occasion pour le Parlement d'indiquer ce qui est attendu des Premières nations. Une telle loi pourrait également créer le climat politique favorable au dénouement d'une grave impasse sur l'un des problèmes socioéconomiques les plus importants auxquels le Canada est en butte, et pourrait contribuer à ce que nous commencions à changer notre manière d'aborder cette question.
Je n'entrerai pas davantage dans les détails, car je traite de cette question de façon beaucoup plus éloquente par écrit que de vive voix. Si vous vous donnez la peine, un de ces jours, de lire mon article, vous constaterez qu'il n'est pas si difficile à comprendre.
Le président suppléant : Merci. Nous faisons salle comble ce soir. Je demande aux sénateurs de poser des questions précises, et au témoin de fournir des réponses du même acabit.
Le sénateur Sibbeston : Monsieur Mendelson, je comprends que vous avez de bonnes intentions, et que vous êtes peut-être investi d'un mandat quelconque puisque vous avez traité avec l'Assemblée des Premières nations, les chefs, et ainsi de suite. Cependant, le fait que vous plaidiez en faveur d'un système d'éducation qui isolerait les Premières Nations du reste du Canada suscite chez moi la méfiance et la suspicion. J'imagine que l'on a l'impression que tout ce que fait AINC est mauvais. Dans ce cas, qui créera le système d'éducation? Affaires indiennes et du Nord Canada fournira le financement et, peut-être, le personnel nécessaires à la création d'un nouveau système d'éducation d'envergure. Je ne vois pas comment un tel système pourrait être créé autrement. Le gouvernement fédéral ne s'occupe pas d'éducation. Vous soutenez qu'AINC devrait mettre en place le système d'éducation des peuples autochtones du pays.
L'éducation est un domaine de compétence provinciale. Au Canada, les systèmes d'éducation donnent de très bons résultats grâce à des centaines d'années d'expérience et de progrès, comme un camion fabriqué par Ford. Les provinces ont mis en place d'extraordinaires conseils scolaires. Les systèmes scolaires provinciaux fonctionnent bien et de manière efficiente. Il a fallu beaucoup de temps pour en arriver là.
Vous suggérez à présent que les Premières nations mettent sur pied leur propre système d'éducation. Je crains qu'elles ne se retrouvent avec un modèle T. AINC et le gouvernement fédéral n'auront pas l'expertise ni même l'intégrité et l'intérêt nécessaires pour faire quelque chose de très bien pour les Premières nations du pays.
Je suis suspicieux lorsque je vous entends dire qu'il faudrait créer un système d'éducation des Premières nations. Les provinces ont participé à toutes les initiatives progressistes qui ont été mises en oeuvre dans notre pays grâce aux revendications territoriales, à l'Accord définitif Nisga'a, à l'accord de Westbank et aux deux lois adoptées à ce jour au Canada et énonçant que les Autochtones ont la compétence en ce qui concerne leur éducation. Des dispositions prévoient l'établissement de normes provinciales en ce qui concerne certains niveaux scolaires. Si nous devons faire quoi que ce soit en matière d'éducation, nous devons le faire en collaboration avec les provinces. Ce sont les provinces qui possèdent l'expertise dans ce domaine, et ce sont elles qui sont le plus près de la population autochtone. Tout ce qui se fait en éducation devrait se faire à l'échelon provincial.
Je comprends que vous êtes bien intentionné, mais je ne pense pas que la solution réside dans le fait de permettre aux Premières nations de créer leur propre système d'éducation et de demander au gouvernement fédéral ou à AINC de participer très activement à ce processus. Le gouvernement fédéral n'a pas de connaissances ni d'expérience en éducation. Il devrait rester en dehors de cela.
Ma position est fondée sur la situation que je connais, à savoir celle des Territoires du Nord-Ouest, où il n'y a pas de réserves. Là-bas, il existe un seul et même système d'éducation pour les Autochtones et le reste de la population. Dans le Nord, tout le monde est assujetti au même système scolaire, Il y a d'énormes avantages à ce que les Autochtones et les non Autochtones se côtoient à l'école. Ils apprennent à s'entendre. Toutes les écoles sont assujetties au même système et aux mêmes normes. Dans le Nord, les Autochtones en ont grandement bénéficié. Les non Autochtones ont également appris des choses de leurs confrères et consoeurs autochtones. L'expérience a profité aux deux populations.
Le président suppléant : Vous souhaitiez un dialogue, monsieur Mendelson, alors allez-y.
M. Mendelson : Aux pages 18, 19 et 20 de l'article que vous avez sous les yeux, j'aborde en profondeur la question du rôle des provinces. En outre, dans une note de bas de page, je mentionne que tout ce dont je parle ne s'applique pas aux territoires, où la situation est totalement différente.
Je comprends ce que vous dites à propos des provinces, mais il est inexact d'affirmer que le gouvernement fédéral ne se mêle pas d'éducation. Que cela nous plaise ou non, le gouvernement fédéral se mêle d'éducation. Il a offert du financement et élaboré un cadre stratégique — quel qu'il soit — visant les quelque 120 000 élèves et étudiants vivant dans des réserves. D'un point de vue pragmatique, il n'est pas possible — et j'ose dire qu'il n'est pas souhaitable — que ces écoles soient contraintes de fonctionner sous l'autorité des ministères provinciaux. Cela n'arrivera pas. Je dirais même que cela ne devrait pas arriver. Cependant, même si vous êtes d'avis contraire, cela n'arriverait pas. Dans mon article, j'indique qu'il s'agit là d'une chimère — l'un de ces fantasmes que nous nourrissons, mais que nous ne réaliserons jamais. Il ne s'agit pas d'une solution réaliste.
J'avancerais que le gouvernement fédéral, que cela nous plaise ou non, a une responsabilité fiduciaire à l'égard des réserves. Il s'agit assurément d'une responsabilité constitutionnelle, et peut-être d'une responsabilité issue d'un traité. Que cela nous plaise ou non, cette responsabilité existe. Il en découle plusieurs questions : nous retrouverons-nous dans une impasse? Comment agirons-nous face à cela? Dirons-nous qu'il existe une autre solution, mais qu'elle ne se concrétisera jamais, ou prendrons-nous le taureau par les cornes?
L'approche que je préconise est la suivante : nous devons tenir compte des ministères provinciaux, mais nous devons mettre en place un système qui permette aux Premières nations de créer des partenariats avec les ministères provinciaux et d'adopter leurs normes en matière de formation des enseignants et en d'autres matières, et d'avoir recours à leur expertise et leurs connaissances, mais de le faire à titre de partenaire des provinces. En ce moment, les Premières nations ne peuvent pas faire cela, et elles ne le font pas.
J'estime qu'il s'agit d'un bon point, et je suis content que vous l'ayez soulevé, sénateur. Je crois seulement que cela n'est pas réaliste.
Le président suppléant : Pouvez-vous nous fournir plus de détails quant à la façon dont de tels partenariats volontaires fonctionneraient?
M. Mendelson : Un système scolaire comporte deux éléments essentiels, à savoir des conseils scolaires qui administrent et gèrent les écoles, et l'équivalent d'un ministère provincial responsable d'administrer, pour l'essentiel, les conseils scolaires et divers autres aspects comme les programmes d'études, l'établissement des normes, et cetera.
Sur le plan politique, je recommande l'établissement d'une série d'autorités scolaires des Premières nations partout au Canada, vraisemblablement une au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, et une pour l'ensemble des provinces de l'Atlantique. Je ne crois pas que cela créerait une bureaucratie énorme et complexe — il s'agirait d'organisations relativement petites, du moins de la manière dont je conçois les choses. En fait, le noyau de ces organisations existe déjà dans presque toutes les provinces. Par exemple, au Manitoba, il existe une organisation des Premières nations — dont le nom m'échappe — qui s'occupe d'éducation. Des organisations similaires existent en Colombie-Britannique, et, dans une certaine mesure, le groupe qui a milité pour la reconnaissance de la compétence des Premières nations en matière d'éducation en Colombie-Britannique exerce également ce genre d'autorité, qui est à l'état de germe.
Je conçois ces autorités régionales des Premières nations comme des entités fonctionnant en partenariat avec les ministères provinciaux pour dispenser des services aux conseils scolaires des Premières nations. Ces autorités régionales travailleraient en étroite collaboration avec les ministères. En fait, je souhaiterais que, dans la plupart des cas, ces autorités régionales et les ministères provinciaux partagent les mêmes locaux.
Le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones disait la même chose. D'autres personnes, comme Harvey McCue, qui a dirigé les conseils scolaires des Micmacs et des Cris pendant un bon moment, ont plaidé en faveur d'une structure similaire. D'aucuns se sont penchés sur la nécessité de créer un système d'éducation des Premières nations.
Il ne s'agit pas de recréer les ministères provinciaux. Il ne s'agit pas, loin de là, d'isoler davantage les élèves et étudiants qu'ils ne le sont actuellement. Ce dont il s'agit, c'est de moderniser l'éducation des Premières nations, de dispenser aux Premières nations un enseignement de qualité, et de faire en sorte que les élèves des Premières nations reçoivent une éducation qu'ils pourront mettre à profit, d'une manière significative, dans des écoles qui ne sont pas situées dans une réserve. À l'heure actuelle, environ 40 p. 100 des élèves qui ont fréquenté l'école secondaire située dans une réserve poursuivent leurs études dans une école hors réserve. Des écoles des Premières nations n'isoleraient pas les élèves davantage que le font les écoles catholiques ou les écoles confessionnelles.
Le sénateur Poirier : Vous nous avez parlé de votre idée de créer des autorités régionales des Premières nations, et vous avez indiqué qu'il y en aurait une dans chaque province, et peut-être une seule pour l'ensemble des provinces de l'Atlantique. Selon vous, est-ce que ces organismes — que vous appelez « autorités » — joueraient un rôle similaire à celui d'un ministère provincial de l'Éducation?
M. Mendelson : Je ne crois pas que les activités des autorités régionales feraient double emploi avec celles des provinces. Oui, leur rôle serait similaire, mais d'après-moi, les autorités régionales joueraient leur rôle en mettant à profit les ressources des provinces, tout en créant leurs propres ressources. Par exemple, au Manitoba, l'autorité régionale serait notamment appelée à élaborer un programme d'études pour les Cris ou les Ojibway, lequel serait probablement utilisé également dans le nord de l'Ontario et en Saskatchewan. Cependant, l'autorité régionale s'inspirerait des normes provinciales en matière de programmes d'études pour des matières comme les mathématiques et l'anglais.
Le sénateur Poirier : Est-ce que ces autorités seraient responsables de l'établissement d'un conseil scolaire élu ou nommé?
M. Mendelson : Non. À mes yeux, les membres des conseils scolaires devraient être élus par les Premières nations, non pas par les chefs, mais par les membres des Premières nations, comme c'est le cas pour les conseils scolaires du reste du Canada. Toutefois, la structure des autorités régionales pourrait varier d'un endroit à l'autre. Elles seraient constituées de façon démocratique, compteraient peut-être quelques membres nommés par une province ou une quelconque organisation politique, mais seraient probablement structurées par des représentants élus des conseils scolaires qu'elles supervisent. On pourrait également tenir une élection populaire. On pourrait procéder de différentes manières, mais, au bout du compte, l'essentiel est que ces autorités soient composées de membres élus et responsables, et que des comptes soient rendus quant à leur élection.
Le sénateur Poirier : Vous avez mentionné que, à l'heure actuelle, environ 40 p. 100 des élèves des Premières nations fréquentaient une école faisant partie du système provincial de l'éducation. Est-ce que vous croyez qu'il faudrait faire en sorte que ce nombre augmente et que davantage de partenariats soient conclus, ou êtes-vous plutôt d'avis que l'on doit non pas faire la promotion du système d'éducation hors réserve, mais tenter d'améliorer le système en place dans les réserves?
M. Mendelson : Permettez-moi de vous fournir quelques éclaircissements à propos de ce pourcentage. Tout d'abord, cette statistique n'est pas sûre. L'un des problèmes auxquels nous faisons face, c'est qu'il y a très peu de données pouvant être considérées comme sûres. La plupart des 110 000 à 120 000 élèves de la maternelle à la 12e année vivant dans une réserve fréquentent une école secondaire où ils se rendent en autobus; les autres fréquentent une école secondaire située hors réserve. Ces derniers forment les 40 p. 100 d'élèves dont je vous ai parlé plus tôt.
Quelque 500 écoles sont situées dans les réserves. La plupart de ces écoles dispensent un enseignement jusqu'à la sixième ou à la neuvième année. Dans certaines réserves de plus grande envergure, on trouve des écoles secondaires. De nombreuses écoles secondaires sont situées dans des réserves.
Environ 40 p. 100 des élèves vivant dans les réserves fréquentent actuellement une école provinciale. Leurs droits de scolarité sont assumés par AINC, habituellement par le truchement de la bande. En d'autres termes, le conseil de bande reçoit l'argent, puis le verse à la province. Cependant, cela n'est pas très bien connu. Personne n'a mené de véritable étude à propos de ce qui se passe au Canada, et je ne suis donc pas certain de cela non plus.
Le sénateur Poirier : Je suis au courant du fait que cela se passe, car dans la région où j'habite, au Nouveau-Brunswick, l'augmentation du nombre d'élèves dans un certain nombre d'écoles est attribuable, dans la plupart des cas, au fait que ces écoles accueillent des élèves des Premières nations. Un transfert s'effectue du gouvernement fédéral au gouvernement provincial.
Croyez-vous que nous devrions favoriser cela, ou, au contraire, nous concentrer davantage sur les écoles des Premières nations?
M. Mendelson : J'aimerais que les Premières nations tentent de prendre elles-mêmes ces décisions, mais, dans les cas où cela est efficient et raisonnable, j'estime qu'il devrait y avoir des écoles dans les réserves, car une école communautaire fonctionne mieux et peut nouer des relations plus étroites avec les parents et les familles, ce qui constitue l'un des aspects essentiels de la réussite scolaire.
Cependant, dans de nombreux cas, surtout en ce qui concerne les écoles secondaires, cela n'est pas pratique ni efficient en raison de la taille de la réserve. Il s'agit d'établir un juste équilibre entre ce qui est possible et efficient sur le plan pragmatique et ce qui est désirable et souhaité par les Premières nations.
Le président suppléant : Je crois que vous faisiez allusion au Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba et à Enfants en santé Manitoba.
M. Mendelson : Oui, c'est exact.
Le sénateur Stewart Olsen : Votre vision des choses sort des sentiers battus, et je vous en félicite. Cependant, d'une part, je me demande ce que les dispositions législatives que vous envisagez énonceraient. À qui serait-il enjoint de se conformer à ces dispositions, aux provinces ou aux conseils de bande? Il s'agit de la première difficulté.
D'autre part, mon expérience au sein du comité est limitée, mais j'ai appris que la plupart des conseils de bande sont très fiers de leurs traditions et fiers de leur propre façon de faire les choses. Je ne pense pas que l'on pourrait créer une autre entité appelée à les superviser. Selon moi, on se retrouverait avec 500 entités qui tenteraient de superviser cela, et chacune de ces entités contribuerait à alourdir la bureaucratie. Ces entités se chevaucheraient et seraient probablement inefficaces.
M. Mendelson : Je vais tenter de répondre de façon directe à cette question. Les conseils de bande ne seraient pas sommés d'observer la loi — le Parlement enjoindrait à AINC de s'y conformer. Le travail du Parlement consiste à élaborer des dispositions législatives régissant le fonctionnement du pouvoir exécutif. Par « pouvoir exécutif », j'entends le gouvernement. À l'heure actuelle, le gouvernement fonctionne sous l'autorité d'une série de...
Le sénateur Stewart Olsen : Je suis désolée de vous interrompre, mais j'aimerais que vous me répondiez de la manière la plus brève possible. Le Parlement enjoindrait à AINC de faire quoi?
M. Mendelson : D'autoriser les bandes qui le souhaitent à créer, en matière d'éducation, des alliances en vue de mettre sur pied une entité possédant des caractéristiques semblables à celles des conseils scolaires et fonctionnant de la même façon qu'eux. Ces dispositions législatives autoriseraient ces bandes à créer de véritables conseils scolaires, des conseils scolaires intègres, et énonceraient les responsabilités des bandes à l'égard de leurs membres et du gouvernement du Canada, de même que celles du gouvernement du Canada à l'égard des bandes. Elles énonceraient les modalités du financement de ces ententes, dans l'éventualité où les Premières nations décidaient d'y souscrire.
L'une des choses que je tente de faire valoir, c'est que tout cela doit viser non pas à contraindre les bandes, mais à les autoriser à participer. J'ai dressé une liste d'environ 20 alliances conclues par des Premières nations dans ce but précis. On ne peut pas prétendre que les Premières nations ne sont pas conscientes de la nécessité et qu'elles n'ont pas fait d'efforts; toutefois, cela est très difficile. La Chambre des communes et le Sénat ont adopté la Loi sur la compétence des Premières nations en matière d'éducation en Colombie-Britannique, et depuis près de quatre ans, elles discutent en vue de conclure des accords financiers. Pourquoi le cadre de financement n'est-il pas énoncé dans la loi, comme cela est le cas dans toutes les autres lois que je connaisse?
J'ai participé à de nombreuses négociations fédérales-provinciales visant la conclusion d'accords financiers, et je peux vous dire que nous ne commencions pas chaque fois à partir de zéro, auquel cas il nous aurait fallu six ou sept ans pour en arriver à une entente. Je ne suis pas en train de dire que les choses n'avancent pas, mais au rythme actuel, il faudra attendre 500 ans avant que toutes les bandes aient terminé leurs négociations et soient en mesure d'établir des écoles qui fonctionnent.
Le sénateur Stewart Olsen : Êtes-vous en train d'affirmer que, dans les faits, AINC dit aux bandes qu'elles ne peuvent pas créer ces conseils?
M. Mendelson : Non, car AINC n'a pas à dire non; il n'a qu'à ne pas être en mesure d'offrir le type de cadre nécessaire pour autoriser les bandes à créer des conseils scolaires fonctionnant adéquatement, et, en ce moment, il n'est pas capable de le faire. Le problème tient non pas à ce qu'elles ne veulent pas le faire, c'est qu'elles ne peuvent pas le faire. Elles ne disposent pas du cadre législatif qui leur permettrait de le faire.
Lorsque nous, je veux parler des non-Autochtones, avons procédé au regroupement des districts scolaires ruraux, comment et pourquoi l'avons-nous fait? Si vous fouillez dans les archives, vous constaterez que cela avait soulevé l'ire des maires des villes rurales un peu partout, surtout en Saskatchewan.
Le sénateur Stewart Olsen : Cela s'était déroulé selon les règles des provinces, lesquelles ont compétence en matière d'éducation. Vous suggérez que l'on retire cette compétence aux provinces et que nous imposions par voie législative...
M. Mendelson : Les provinces n'ont pas compétence en ce qui concerne l'éducation des Premières nations dans les réserves. Cette compétence relève du gouvernement fédéral. Je ne sais pas si le Canada tient à cette compétence, mais il la détient. Je ne suis pas juriste, mais je serais très étonné d'apprendre que les tribunaux ne reconnaissent pas une compétence constitutionnelle exercée depuis plus de 100 ans. Le gouvernement fédéral est responsable d'un système scolaire duquel font partie 120 000 élèves vivant dans des réserves.
Le sénateur Stewart Olsen : Merci.
M. Mendelson : Je suis désolé de me montrer raisonneur.
Le président suppléant : Il n'y a pas de problème. Vous vouliez un dialogue, vous l'avez.
Le sénateur Stewart Olsen : Je ne suis pas d'accord avec vous, mais ce n'est pas grave.
Le sénateur Lang : D'emblée, j'aimerais faire deux ou trois observations. Je crois avoir entendu le témoin dire que nous sommes responsables de l'éducation. D'après ces statistiques, je dirais que ce n'est pas le cas.
M. Mendelson : Nous sommes responsables des échecs en éducation.
Le sénateur Lang : Nous pouvons partir de la prémisse selon laquelle, dans les faits, et malgré les bonnes intentions, ce système est un échec. Je ne vois pas en quoi le fait de créer un système distinct de celui des provinces réglera forcément le problème relatif à la manière dont l'enseignement est dispensé actuellement dans les réserves.
Je viens d'une région du Yukon où tous les enfants — Autochtones et non Autochtones — fréquentent les mêmes écoles dans les collectivités où ils vivent. Il ne s'agit pas d'un système parfait, mais au bout du compte, les enfants qui reçoivent l'orientation et les soins dont ils ont besoin reçoivent une éducation, et dans de nombreux cas, une très bonne éducation.
Vous avez utilisé le mot « contraindre ». Vous avez dit que nous ne pourrions pas mettre en place un système pancanadien en collaboration avec les provinces, à moins de conclure une entente de partenariat distincte, car autrement, nous contraindrions les Premières nations à adopter le système provincial. Si nous voulions sortir des sentiers battus, nous pourrions envisager de créer un système qui permettrait à ceux qui le souhaitent de participer. Ceux qui ne veulent pas participer n'auraient pas à le faire.
Nous n'avons pas à nous adresser à des juristes ou à des experts en matière constitutionnelle. Je suis prêt à parier que le comité a dépensé davantage d'argent au cours des 20 dernières années en consultations de juristes et d'experts en matière constitutionnelle qu'il n'en a été dépensé pour le système d'éducation. Il n'est pas nécessaire d'agir de cette façon — nous l'avons fait, et nous avons échoué.
Ce que je tente de dire, c'est que le Canada est peu peuplé, que sa population est très éparse et qu'il y a de nombreuses différences entre les diverses régions du pays, par exemple entre le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique et le Manitoba. Si vous croyez que nous adopterons une loi fédérale, appelez cela comme vous le voulez, qui réglera à la fois tous les problèmes du nord de la Colombie-Britannique et ceux du Manitoba, permettez-moi de vous dire que vous rêvez en couleur.
À mon avis, nous devrions nous intéresser aux écoles dans les réserves qui sont situées près d'une école faisant partie d'un système d'éducation primaire, mais située assez près pour que les élèves puissent être menés en autobus à une école secondaire. Il me semble que nous devrions envisager de combiner les capacités de ces écoles, si elles sont situées suffisamment près l'une de l'autre, pour que ces élèves du primaire puissent fréquenter l'école située à proximité. Où alors l'inverse : il se peut que l'école située dans la réserve soit plus performante que celle située hors réserve, et le cas échéant, les élèves de cette dernière pourraient fréquenter l'école située dans la réserve, et demander à un conseil ou une commission scolaire comptant des représentants des diverses couches de la population de s'occuper, avec les provinces, de la logistique entourant cette façon de faire.
À première vue, ce que vous dites a du sens, mais je vois un autre problème : les ministères de l'Éducation du pays ne s'occupent pas seulement des enseignants qui donnent leurs cours dans les écoles. Les ministères doivent également s'occuper des programmes d'éducation spécialisés et de tous ces autres aspects accessoires dont il faut tenir compte pour créer un système d'éducation. Si l'on crée un système distinct, certains enfants n'obtiendront pas les soins et l'attention dont ils ont besoin, car tout le monde sera mêlé à des querelles de compétence.
Avez-vous envisagé la possibilité de créer une loi habilitante qui autoriserait les Premières nations de certaines provinces à profiter de cette option?
M. Mendelson : Oui. En fait, j'en parle dans mon article. Pour vous répondre brièvement, je vous dirai que oui, j'ai envisagé cela, et je recommande que cela devienne une possibilité pour les bandes qui décident de le faire.
Au Canada, il existe actuellement quelques exemples de bandes qui ont choisi de fonctionner sous l'autorité du ministère provincial, notamment le conseil scolaire cri, dans le nord du Québec. Cela fait déjà un bon moment que ce conseil scolaire a conclu une entente avec le gouvernement. Il s'agit d'un conseil scolaire particulier, qui fonctionne sous l'autorité des dispositions législatives québécoises et qui est financé conjointement par les gouvernements provincial et fédéral. Si je ne m'abuse, le fédéral fournit 75 p. 100 du financement, et le provincial, 25 p. 100.
Dans le nord du Manitoba, il y a la Division scolaire Frontier. Il s'agit du conseil scolaire du Nord qui n'a rien à voir avec le Frontier Policy Centre — il s'agit d'une entité totalement distincte. La Division scolaire Frontier est un conseil scolaire public auquel les bandes peuvent décider de se joindre; actuellement, huit écoles des Premières nations du nord du Manitoba ont volontairement choisi d'être administrées par elle.
Je recommande que les bandes qui veulent démocratiquement faire partie d'un système provincial puissent le faire. Ce que je soutiens, c'est qu'il est bien d'avoir le choix, mais que, pour la vaste majorité des Premières nations du Canada, cela ne sera pas admissible, et que cela ne sera pas admissible non plus pour les provinces. Nous pourrons en parler davantage si vous le voulez.
Par conséquent, je suis très préoccupé par quelque chose qui n'a rien à voir avec les questions relatives à la culture ou à l'autonomie. Laissons cela de côté. Parlons de choses concrètes. Ce qui me préoccupe, c'est que nous en arrivions à la décision de ne pas réorganiser les écoles des Premières nations, de ne pas créer un système scolaire des Premières nations ou de ne pas déployer des efforts pour améliorer celui qui existe en ce moment. La solution consiste à autoriser les écoles des Premières nations à se placer sous l'autorité des ministères provinciaux et à laisser les provinces s'en occuper. Cependant, je peux vous garantir que cela ne se produira pas; quatre autres générations se succéderont avant cela — il s'agit d'une approche qui s'étend sur une cinquantaine d'années. La vaste majorité des Premières nations opposeront une résistance très forte, tout comme les provinces, pour des raisons de nature politique et financière. Ainsi, à mes yeux, il s'agit d'une politique qui ne fonctionnera pas. Je pense qu'il s'agit d'un problème social urgent. Il y a également d'autres problèmes.
Le sénateur Lang : Je suis sensible à ce que vous nous faites observer, monsieur Mendelson, car j'estime que vous avez partiellement raison — non pas totalement, mais partiellement raison.
Je vais répéter ce que j'ai dit plus tôt : oui, dans certains cas, les Premières nations pourraient se voir accorder la capacité de diriger leurs propres écoles, pour des raisons liées à leur situation géographique et à un certain nombre d'autres facteurs. Cependant, dans la vaste majorité des cas, l'autre option leur est offerte. Ce que je dis, c'est que nous devrions peut-être sortir des sentiers battus, et adopter une loi habilitante. Les règles énonceraient à quels égards les Premières nations collaboreraient avec la collectivité avoisinante et avec le ministère de l'Éducation de la province. Je ne veux pas attendre que quatre générations passent, et je ne crois pas que quiconque autour de la table le veut. Selon moi, cela fait déjà quatre générations que nous attendons.
M. Mendelson : Il y a beaucoup de coopération en ce moment. Je ne veux pas donner l'impression qu'il n'y en a pas — il y en a, y compris en ce qui concerne les enfants vivant à proximité d'une réserve où est située l'école la plus proche, et les droits de scolarité sont payés d'une manière qui va à l'inverse de ce qui se fait habituellement.
À mes yeux, une loi sur l'éducation des Premières nations habiliterait les bandes à le faire, si elles le souhaitent. Je souligne ce point. J'aimerais qu'une telle disposition figure dans la loi, mais je suis certain que la vaste majorité des bandes diront qu'elles veulent exercer elles-mêmes l'autorité en ce qui a trait à l'éducation des Premières nations, et qu'elles refuseront que les provinces exercent leur compétence en la matière. Nous devrons donc composer avec cette réalité.
Cependant, cela devrait être l'une des fonctions habilitantes d'une telle loi.
Le sénateur Lovelace Nicholas : D'après vous, est-ce que les conseils scolaires devraient être sous la tutelle d'AINC pour ce qui est du financement et des responsabilités redditionnelles?
M. Mendelson : Je souhaite qu'AINC puisse mettre en place un programme d'éducation qui fonctionne bien et être une entité qui offre du soutien, mais je m'attends à ce que le cadre régissant AINC soit énoncé dans les dispositions législatives. En fin de compte, si vous versez de l'argent, quelqu'un du gouvernement fédéral doit signer les chèques. Selon moi, ce rôle ne peut revenir qu'à AINC, à moins que le gouvernement du Canada soit disposé à créer un ministère de l'Éducation — il le fera peut-être, et je n'y serai pas opposé, mais j'en doute. Franchement, cela serait un véritable défi sur le plan de la gestion et de l'administration.
Des dispositions législatives bien conçues devraient énoncer les fonctions qu'AINC devrait exercer, de même que les responsabilités qu'il devrait assumer. On me dit que la vérificatrice générale va affirmer qu'il n'était pas question pour elle de tenir AINC responsable de quoi que ce soit, car aucune disposition législative n'énonce les responsabilités qui lui incombent. J'aimerais qu'AINC fonctionne sous l'autorité d'une loi.
Je me suis montré bavard, mais en deux mots, ma réponse est la suivante : oui, mais moyennant beaucoup de changements et d'efforts.
Le sénateur Lovelace Nicholas : J'estime que la politique d'AINC devrait être modifiée parce que, dans les faits, les enfants autochtones veulent poursuivre des études, mais parfois dans un domaine qui ne relève pas d'AINC. Par exemple, des programmes d'une durée de un ou deux ans sont régis non pas par AINC, mais par une université ou je ne sais quoi d'autre. Il s'agit de l'un des aspects qui doivent être modifiés par AINC ou par les conseils scolaires.
M. Mendelson : Cela concerne principalement les programmes de la maternelle à la deuxième année, et parfois la prématernelle, ce qui est l'un des problèmes.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Un jour ou l'autre, ils atteignent le niveau postsecondaire.
M. Mendelson : Oui. Il y a d'autres aspects touchant les études postsecondaires avec lesquels je ne suis pas d'accord, sauf dans certaines circonstances, par exemple l'enseignement postsecondaire distinct. Selon moi, il s'agit d'une tout autre question.
Des écoles des Premières nations se trouvent sur notre territoire. Allons-nous prétendre qu'elles n'existent pas, ou allons-nous plutôt faire en sorte qu'elles fonctionnent de manière à ce que les enfants puissent recevoir un enseignement convenable, terminer leurs études secondaires et avoir la possibilité de choisir entre diverses options?
Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez évoqué les partenariats entre les provinces et les collectivités des Premières nations, mais ces partenariats seront difficiles à mettre en exécution en raison du racisme. Je me souviens que, au moment où j'ai voulu poursuivre des études supérieures, j'ai dû me battre afin d'obtenir le droit de fréquenter l'école située à proximité de chez moi. À ceux qui concluront de tels partenariats, je souhaite bonne chance.
M. Mendelson : Sénateur, à une certaine époque, comme vous le savez sûrement, les Autochtones qui poursuivaient des études supérieures perdaient leur statut d'Indien. Il y a de nombreux obstacles à surmonter. Ce dont vous parlez, c'est du fait d'être sous la responsabilité du ministère provincial. On pourrait présenter des arguments en faveur de l'un ou l'autre des points de vue.
Le sénateur Hubley : Il s'agit de la deuxième réunion sur l'éducation à laquelle j'assiste aujourd'hui. Je fais partie du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et nous nous penchons actuellement sur l'éducation postsecondaire. Nous avons entendu aujourd'hui des représentants de trois associations d'universités et de collèges communautaires. Ces associations connaissent très bien le système d'éducation des Premières nations, et sont très au fait de ses lacunes. En outre, elles savent que, à de nombreux égards, la réussite des Premières nations sera un indice révélateur de la réussite des provinces, que nous devons nous pencher sur cette question, que nous laissons un énorme potentiel nous filer entre les doigts et que nous devons trouver des solutions pour les aider.
À la page 12, vous donnez des exemples d'initiatives sur les organismes de services assurant le soutien de plusieurs écoles des Premières nations qui ont été menées en 2006. À coup sûr, les collectivités des Premières nations et les systèmes provinciaux d'éducation ont manifesté un certain intérêt quant à la nécessité de créer des organisations, ce qui semble avoir été fait. Quel rôle jouent ces organisations, et de quelle manière influent-elles sur le mouvement en faveur de l'amélioration du système d'éducation des Premières nations?
À la page 15, vous parlez des organismes de gestion régionaux du programme Premières nations sur Rescol. Quel est le rôle de ces organismes et quelle est leur incidence sur le système d'éducation des Premières nations?
M. Mendelson : À la page 12 de mon article, je fournis une liste — tirée d'une étude de Harvey McCue — d'initiatives sur les organismes de service assurant le soutien de plusieurs écoles des Premières nations. Il s'agit d'initiatives touchant des organisations de toute sorte, entre autres Mi'kmaq Kina'matnewey, le conseil scolaire des Micmacs, établi il y a quelques années. Après avoir connu bien des problèmes et bien des difficultés, ce conseil fonctionne à présent beaucoup mieux, et prend en charge des initiatives convenues. L'Union des Indiens de l'Ontario a tenté pendant environ 10 ans de conclure une entente avec Ottawa en vue de l'adoption d'une loi sur la compétence des Premières nations. Certaines des initiatives qui figurent sur la liste ont échoué.
Ce que je veux dire, c'est que cela est difficile. Le conseil scolaire des Micmacs est régi par des dispositions législatives fédérales, et la loi de la Colombie-Britannique énonce des dispositions législatives distinctes. Chaque fois qu'on entreprend une nouvelle négociation, on recommence à zéro — on ne tient aucun compte des ententes conclues précédemment, et les pourparlers se déroulent sans règles ni cadre préétablis. Ces négociations peuvent facilement durer de 10 à 12 ans. Pendant ce temps, des gens arrivent, et d'autres partent. Il vaut la peine de rappeler l'histoire de la Loi sur la compétence des Premières nations en matière d'éducation en Colombie-Britannique — cette loi a été adoptée et approuvée il y a près de quatre ans, mais comme les pourparlers ne sont pas terminés et qu'il n'existait aucune règle de base, la compétence des Premières nations en matière d'éducation en Colombie-Britannique n'est toujours pas reconnue. Il est difficile pour ces organisations des Premières nations de faire ce qu'elles tentent de faire.
J'ai de nombreux amis aux AINC, et je ne tente pas de les rendre responsables de l'impasse puisqu'ils ne disposent eux non plus d'aucune règle de base sur laquelle s'appuyer. J'imagine que je reproche au Parlement de ne pas avoir fixé de règles de base et de ne pas avoir établi un cadre énonçant les rôles et responsabilités d'AINC, lesquels doivent être énoncés dans des dispositions législatives de manière à ce que nous puissions mener des négociations fructueuses.
En outre, il n'y a pas un bon système d'évaluation. Nous avons, par exemple, les conseils scolaires cri et micmac et les expériences de la Division scolaire Frontier au Manitoba. Des accords extraordinaires ont été conclus partout au pays, mais il est difficile de savoir en quoi ils consistent, et encore plus difficile de trouver une quelconque évaluation menée à leur sujet. On aurait pu s'attendre à ce que toutes ces expériences fassent l'objet d'évaluations, lesquelles pourraient être profitables pour les autres. On ne peut pas toujours transposer une expérience d'un lieu à un autre, car à chaque endroit, il y a des caractéristiques particulières dont il faut tenir compte. Il y a des leçons à tirer des expériences antérieures. Des évaluations privées ont peut-être été menées, mais je n'ai pas réussi à mettre la main sur une quelconque évaluation indépendante. Des évaluations indépendantes seraient de mise.
Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, le réseau régional est constitué d'organismes offrant aux écoles un accès à Internet et d'autres services de soutien technologiques. Il est probable que certaines personnes ici présentes connaissent mieux que moi ce programme. Il a remporté un franc succès, à telle enseigne que presque toutes les écoles, même celles en région éloignée, ont désormais accès à Internet. Il arrive parfois que la connexion laisse à désirer, mais la technologie fonctionne. Il ne s'agit que d'un exemple. Il y a six organismes régionaux, et cela montre qu'il est possible de mettre en place des autorités régionales. Il ne s'agit que d'un aspect du travail que pourrait faire une autorité régionale de l'éducation. Ces organismes ne sont pas des anomalies — il s'agit d'organismes qui travaillent en partenariat avec les provinces. Je suis certain que des plaintes ont été formulées à leur égard, car je ne connais rien qui n'ait fait l'objet d'une plainte.
Le sénateur Hubley : La Loi sur les Indiens est en vigueur. Si je ne m'abuse, vous avez affirmé que certains articles de cette loi étaient désuets à un point tel qu'ils en étaient inopérants.
M. Mendelson : Oui, j'ai dit cela.
Le sénateur Hubley : Les articles 114 à 122 devraient-ils être retirés de la Loi sur les Indiens?
M. Mendelson : Ils doivent être jetés au rebut.
Le sénateur Hubley : Doivent-ils être remplacés par une loi sur l'éducation des Premières nations? Est-ce là ce que vous recommandez?
M. Mendelson : Ce que je préconise, c'est l'adoption, par le Parlement, d'une loi sur l'éducation des Premières nations. Les bandes qui souhaitent être assujetties à cette loi pourront décider de le faire, et, du coup, elles cesseraient d'être régies par la Loi sur les Indiens. Les bandes qui veulent continuer à fonctionner de la même façon ne seraient pas obligées d'adopter le mécanisme de la nouvelle loi. Il s'agit, entre autres, de permettre aux bandes qui le souhaitent de changer leur manière de fonctionner. Si la loi est bien conçue, les bandes seront incitées à changer.
Le sénateur Raine : Je trouve que cette discussion est très intéressante. Je me suis tenue au courant des progrès du Comité directeur de l'éducation des Premières nations de la Colombie-Britannique.
M. Mendelson : Les comités directeurs.
Le sénateur Raine : Est-ce qu'ils se sont enlisés seulement parce qu'il n'existe aucun cadre énonçant les rôles et les responsabilités d'AINC? En lisant les journaux, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait de la troisième entente du genre. Il y a eu les Cris, les Micmacs, et maintenant, la Colombie-Britannique. Cette dernière entente est-elle meilleure que les deux précédentes? A-t-on tiré des leçons des erreurs commises dans le passé? S'agit-il d'un modèle dont nous pourrions nous inspirer dans l'avenir si nous parvenons à élaborer ce cadre?
M. Mendelson : Certaines organisations régionales de gestion exercent une autorité considérable en matière d'éducation. Dans le nord-ouest de l'Ontario, la Première nation Nishnawbe a mis en place d'importantes structures scolaires qu'elle partage avec d'autres bandes. Tout cela varie grandement d'une région du pays à l'autre. Vous ne pourriez pas obtenir un résumé de tout ce qui est en train de se passer. En ce qui concerne les diverses initiatives en cours, mes renseignements ne sont pas à jour.
Quant à la situation en Colombie-Britannique, les Premières nations de cette province mènent souvent diverses activités partout au pays. Ces Premières nations disposent d'un organisme en matière d'éducation qui fonctionne bien, le Comité directeur de l'éducation des Premières nations, lequel a collaboré pendant longtemps avec les gouvernements provincial et fédéral. La Loi sur la compétence des Premières nations en matière d'éducation en Colombie-Britannique est assez différente de la Loi sur l'éducation des Micmacs, laquelle ne contient à peu près rien à propos de l'éducation. Cette loi donne simplement le pouvoir de mettre en place l'organisation administrative. Il y a très peu de contenu dans cette loi.
En Colombie-Britannique, l'éducation a occupé une place importante durant les négociations. Il a été question des normes. Les responsabilités des Premières nations choisissant d'être assujetties à la loi sont clairement énoncées, de même que les mesures qu'elles doivent prendre si elles décident de cesser d'y être assujetties. D'importants modèles sont fournis dans diverses sections de la loi.
Il y a des problèmes. Les responsabilités tertiaires et secondaires sont confondues. En d'autres termes, le rôle du conseil scolaire et celui du ministère ne sont pas clairement définis. De nombreux engagements relèvent davantage du ministère simplement en raison de leur coût. Tout cela a été bien pensé.
Après avoir établi les rôles et les responsabilités de chacun, il faut établir un cadre financier. Les discussions ont achoppé sur la question du financement. Je ne suis pas au courant des négociations actuelles. Quelques personnes que je connais ont quitté la table de négociations parce qu'elles en avaient assez. Ces pourparlers durent depuis quatre ans. Je me suis laissé dire que le financement était la pierre d'achoppement. Si vous dites aux Premières nations qu'elles seront responsables de ceci et cela, il incombe dès lors au gouvernement du Canada de fournir aux Premières nations les ressources qui leur permettront de faire ceci et cela. Autrement, elles ne veulent pas être tenues responsables de ceci et de cela.
J'enjoins au comité d'inviter le groupe en question à témoigner devant lui pour qu'il lui fasse part de ce qui est en train de se passer. Peut-être que je fais complètement fausse route. Le Parlement a adopté cette loi il y a quatre ans. Est-ce que tout le monde s'en lave les mains?
Le sénateur Raine : Est-ce que les dispositions législatives adoptées en Colombie-Britannique prévoient l'établissement de conseils scolaires?
M. Mendelson : Non, elles prévoient la création d'entités constituant un mélange de conseil scolaire et d'autorité régionale. Cela ressemble à un conseil scolaire. Les Premières nations qui le souhaitent peuvent choisir d'en faire partie, mais l'organisme n'a pas toutes les responsabilités d'un conseil scolaire. Un conseil scolaire doit, dans une certaine mesure, posséder ses propres écoles. La loi dont nous parlons déléguerait le pouvoir à chaque bande. Elle ne va pas plus loin.
C'est compliqué. Si je comprends bien, les bandes ne sont pas autorisées à choisir de cesser d'être assujetties au conseil scolaire. Je ne suis pas certain des paramètres exacts, mais l'organisme est à la fois une autorité régionale — l'équivalent d'un ministère provincial — et un conseil scolaire. Les organisations des Micmacs et des Cris constituent manifestement des conseils scolaires.
Le sénateur Raine : Il y a bien des années, j'ai été commissaire d'école. Je comprends parfaitement le travail d'un conseil scolaire. Ils dirigent et supervisent les écoles, et celles-ci leur appartiennent.
M. Mendelson : Oui.
Le sénateur Raine : Lorsque je songe aux écoles rurales disséminées dans les différentes réserves, je me dis que nous ne réalisons pas d'économies d'échelle. Si l'on embauche une personne pour qu'elle enseigne dans une petite école, on ne peut pas s'attendre à ce que cette personne s'occupe également de l'école. Il y a de bonnes raisons de créer des conseils scolaires qui pourraient partager les services de ce genre.
M. Mendelson : Sénateur, c'est la raison pour laquelle chaque personne qui s'est penchée sur la question et chaque étude menée à ce sujet a indiqué que l'on devait créer des conseils scolaires. C'est la raison pour laquelle nous avons créé des conseils scolaires pour les écoles des populations non autochtones, et c'est la raison pour laquelle le ministre Jim Prentice s'est demandé pourquoi les Autochtones ne disposent d'aucun système scolaire. Il ne s'agit pas d'une question idéologique. Tout le monde en est arrivé à la même conclusion, particulièrement ceux qui, comme vous, ont travaillé sur le terrain.
Le sénateur Raine : À l'heure actuelle, si je comprends bien, le financement des écoles est versé par AINC, selon une formule quelconque, au conseil de bande, qui doit le dépenser pour les écoles. J'ignore quelles lignes directrices respectent les conseils de bande, et j'ignore de quelle manière ils s'y prennent pour rendre des comptes quant à la façon dont ils dépensent l'argent, mais je peux imaginer les difficultés que cela pourrait créer.
M. Mendelson : Plusieurs ententes distinctes régissent le financement des bandes. Certaines bandes reçoivent un financement consolidé; un montant forfaitaire leur est versé, puis elles virent certains fonds — elles peuvent le faire, et des fois, elles doivent le faire.
Certaines bandes font des choses extraordinaires. Je connais la bande de The Pas, car l'un de mes amis travaille pour elle. La bande a décidé que le financement qu'elle recevait pour l'éducation serait affecté à une utilisation précise, à savoir qu'il serait versé exclusivement aux écoles. Je suis certain que vous pourriez trouver des exemples de bandes qui finissent par affecter à l'aide sociale les fonds qui leur sont attribués pour l'éducation. Cependant, depuis les 10 dernières années, les Premières nations sont véritablement intéressées par l'éducation. Auparavant, on doutait de l'importance de l'éducation, mais à présent, et malgré le fait que vous pourriez certainement trouver des exceptions, les Premières nations s'orientent vers l'éducation. Nous devons trouver un moyen de permettre aux Premières nations de concrétiser ces aspirations.
Le sénateur Raine : À titre d'ancienne commissaire d'école, je comprends que le type de personne qui souhaite être commissaire d'école dans une collectivité et le type de personne qui souhaite diriger une bande ne sont pas forcément semblables. Ces deux personnes ont une perspective différente sur la réalité. Nous devons encourager toute mesure pouvant faire avancer les choses à cet égard.
M. Mendelson : Je ne suis pas suffisamment âgé pour m'en souvenir, mais on m'a dit que les maires avaient l'habitude de nommer des belles-mères à titre de directrices d'école. Il s'agit de l'un des problèmes qui ont été réglés dans le cadre des regroupements au sein du système scolaire rural.
Je ne suis pas en train de dire que les choses se passent de cette façon dans les bandes. Ce que j'ai dit à propos des aspirations en matière d'éducation est vrai pour l'immense majorité des bandes, et devient de plus en plus vrai chaque jour au Canada.
Cela nous ramène à la nature humaine. Toutes sortes de choses arrivent. Je suis extrêmement d'accord avec vous.
Le président suppléant : Le grand chef de l'Assemblée des Premières Nations a fait de l'éducation son cheval de bataille.
En outre, à la page 16 de votre article, vous abordez une question qui a été mentionnée par le sénateur Raine : le fait que les Premières nations aient accordé les pleins pouvoirs à une organisation des Premières nations ayant un mandat particulier — un conseil scolaire — constituait une remise en question du statu quo actuel en matière de gouvernance des Premières nations.
Pouvez-vous nous en dire plus long quant à la raison pour laquelle vous considérez que cela constitue un défi, et nous dire comment nous devrions nous y prendre, à votre avis, pour le relever?
M. Mendelson : C'est comme la difficulté qu'il y avait pour les maires de retirer aux bandes le pouvoir d'administration des écoles pour le remettre entre les mains des conseils scolaires qui en étaient responsables. La nature humaine étant ce qu'elle est, on croit toujours pouvoir faire mieux que l'autre, quelle que soit la tâche. Je suis sûr que bon nombre de bandes et de conseillers hésiteraient à l'idée de se départir de la responsabilité d'administrer l'école. C'est une part importante de chaque budget. J'essaie seulement d'être réaliste. Par ailleurs, je suis sûr que bon nombre de bandes et conseils profiteraient sans hésiter de l'occasion d'améliorer leurs écoles. De fait, les bandes sont nombreuses à essayer de mettre sur pied une organisation indépendante.
Je verrais la loi sur l'éducation pour les Premières nations comme une loi habilitante permettant aux bandes qui choisissent de le faire de profiter de la mesure, et je suis sûr que bon nombre d'entre elles le feraient, comme nous l'avons constaté. Je soupçonne que s'il était prouvé qu'il y a bel et bien une reddition de comptes fonctionnelle et réciproque — c'est-à-dire non seulement que les Premières nations aient à rendre compte de l'usage qu'elles font de l'argent, mais aussi que le gouvernement rende compte aux Premières nations du fait qu'il crée les conditions nécessaires à l'éducation —, je suis sûr que la majorité des bandes finiraient par choisir d'adhérer. Selon moi, c'est de cette façon-là qu'il faut procéder.
Pour répondre à votre question d'une manière plus brève, j'y verrais une loi habilitante qui permet aux bandes souhaitant le faire d'adhérer à la mesure. Je crois qu'un grand nombre de bandes adhéreraient dès le départ et que la plupart finiraient par le faire après un temps assez court, si c'était une bonne loi qui se révèle efficace.
Le sénateur Brazeau : Merci, monsieur Mendelson, d'être là. Je dois dire dès le départ que je suis heureux que nous ayons ce dialogue à propos de votre analyse. D'autres ont récemment publié leur propre analyse, celle par exemple du document de l'Institut Macdonald-Laurier intitulé Free to Learn : Giving Aboriginal Youth Control over Their Post-Secondary Education, prétexte aussi à un excellent dialogue.
Permettez-moi d'être franc. Comme vous l'avez mentionné au départ, si vous avez rédigé ce document, c'est notamment parce que vous avez rencontré un sous-comité des chefs de l'Assemblée des Premières Nations. Ayant beaucoup d'expérience avec les organismes autochtones nationaux et en ayant dirigé un moi-même, je sais qu'ils ont habituellement pour mandat de contribuer à la réflexion sur les politiques au gouvernement fédéral de façon à faire avancer plusieurs dossiers. Je suis heureux de savoir que l'Assemblée des Premières Nations ait fait cela en rapport avec l'éducation.
Là où il est question de recommandations ou de conseils ou d'un document de principe provenant d'une source externe, évidemment, les idées avancées reflètent toujours les intérêts des clients qui ont demandé le document, les recommandations ou les conseils. La consultation a toujours été importante. Nous entendons toujours parler de l'importance des consultations, particulièrement de la part des chefs.
Quelle est l'ampleur des consultations que vous avez menées auprès des Autochtones à la base pour préparer cette analyse?
M. Mendelson : Permettez-moi d'abord de préciser une chose, car je ne veux pas laisser aux gens une impression erronée. Ce sont les chefs, pas seulement les chefs, mais d'autres personnes aussi, qui m'ont lancé le défi et qui ont dit : « Si c'est un si gros problème, qu'est-ce que vous feriez pour le régler? » J'ai conçu moi-même les orientations proposées ici. Je ne représente pas l'APN. De fait, j'ai réfléchi longuement avant de décider d'accepter de m'attaquer à la tâche.
Je ne suis pas membre d'une Première nation moi-même, évidemment, et je ne travaille pas au gouvernement, mais j'estime avoir une expérience assez vaste des politiques gouvernementales. Je me suis plus ou moins nommé médiateur moi-même, si vous permettez d'utiliser ce terme-là, et j'ai essayé de concevoir un projet d'orientation qui me paraissait acceptable à la fois au gouvernement et à l'APN, mais je l'ai fait tout seul. Certaines personnes à l'APN et d'autres aussi m'ont dit qu'elles appréciaient l'approche, mais d'autres chefs m'ont affirmé que cela ne leur plaisait pas.
Je parle en mon nom seul. Je sais que le document a beaucoup été lu. De ce fait, il a atteint son but, soit de stimuler la réflexion. J'ai hâte d'aborder cette étape. Je ne veux pas voir s'écouter 30 années encore sans que rien ne se produise. J'assiste à des réunions, je suis invité à prononcer des conférences et je m'entretiens souvent avec des enseignants. Je n'ai pas parlé à beaucoup de parents, mais la réaction des enseignants est très favorable, de fait; elle est très positive. J'ai eu droit à différentes réactions de la part des chefs. Parfois, on me dit qu'il s'agit d'un droit conventionnel, alors pourquoi faut-il une loi? J'ai une réponse à cette question-là.
Les gens sont comme vous, ils sont sceptiques. Ils veulent bien comprendre de quoi il retourne avant d'adhérer à quoi que ce soit.
Le sénateur Brazeau : Je ne suis certainement pas sceptique. Je souhaite seulement que nous en arrivions à un point où nous obtenons vraiment des résultats et que le niveau de scolarité des Autochtones en particulier augmente.
Si je pose la question, c'est que vous parliez de responsabilité, et je suis évidemment d'accord sur ce point, mais je ne vous ai pas entendu parler de la responsabilité de ceux qui, sur le terrain, administrent aujourd'hui les fonds alloués à l'éducation au nom de leurs commettants, dont la responsabilité des chefs de bande face à leurs citoyens.
Là où il est question d'AINC, des collectivités des Premières nations et des gens à la base, on voit que c'est une sorte de triangle de la responsabilité. Je viens de vous entendre en nommer deux éléments, mais vous avez oublié celui qui est le plus important à mon avis.
Cela dit, abordons l'essentiel de ce que vous proposez dans votre document, soit peut-être la création de conseils scolaires régionaux partout au pays. Comme mon collègue, le sénateur Lang, j'ai certaines réticences sur ce point.
Avez-vous réalisé une analyse des coûts pour savoir combien cela coûterait aux contribuables au pays?
M. Mendelson : Oui.
Le sénateur Brazeau : Y voyez-vous une forme de dédoublement des services établis? Évidemment, nous avons des conseils scolaires provinciaux, alors, plutôt que de réinventer la roue en créant des conseils scolaires distincts pour les Premières nations, pourquoi ne pas participer davantage aux conseils provinciaux déjà existants?
M. Mendelson : Je traite justement de la question des coûts dans mon document. Comme nous sommes dans le feu de l'action, je n'arrive pas à trouver les pages dont il s'agit, mais je suis sûr que quelqu'un y arrivera. Je parle des coûts éventuels de l'exercice et j'ai procédé à une analyse approximative des risques. La mesure bien établie devrait coûter selon moi, au total, quelque chose comme 200 millions de dollars, ce qui représente une bonne somme d'argent; je n'essaie pas de minimiser la chose. Toutefois, je crois qu'il y aurait d'importantes retombées sociales. Si cela débouchait bel et bien sur une amélioration sensible des résultats à l'école primaire et secondaire, ce serait probablement l'investissement le plus rentable que nous pourrions faire.
Je ferais valoir que ce n'est pas tant d'argent. Le coût annualisé se situerait probablement entre 20 et 40 millions de dollars. Ce ne sont pas des sommes d'argent extravagantes, étant donné le genre d'initiative dont il est question et la nature du problème. Si cela porte fruit, j'aurais de la difficulté à trouver un meilleur usage à l'argent. Je sais que l'argent ne se trouve pas si facilement. Je ne prends pas la question à la légère. Cela comporte bel et bien des coûts.
Je tiens à mentionner aussi le fait que nous avons limité la croissance du budget global à 2 p. 100 par année. Bon nombre de provinces, et en particulier l'Ontario, mais aussi l'Alberta, le Manitoba, la Saskatchewan, je crois, et la Colombie-Britannique, ont augmenté leur budget des écoles primaires et secondaires à un rythme nettement supérieur à 2 p. 100, particulièrement si on fait le calcul par capitation, par étudiant.
Ainsi, le retard devient toujours plus grand dans les réserves des Premières nations. Ces dernières doivent se battre pour attirer les mêmes enseignants. Elles doivent engager des enseignants et les garder chez elles, ce qui devient de plus en plus difficile. Oui, l'exercice comporterait des coûts, mais il y aura un prix à payer d'une façon ou d'une autre, étant donné que notre retard s'accroît. Nous ne pouvons laisser les choses telles qu'elles sont indéfiniment, sinon les réserves n'arriveront carrément plus à engager d'enseignants ayant les titres de compétence voulus.
L'autre question est celle de la responsabilité. J'adhère à la notion de la responsabilité réciproque, ou responsabilité à trois parts. De la façon dont j'envisage la chose, les conseils scolaires seraient élus démocratiquement par les membres, devant lesquels on serait responsable au bout du compte, mais il faudrait que la loi prévoie le genre de rapport à produire et de responsabilité en matière de vérification qu'on exige habituellement d'un organisme public entre autres. Je crois qu'on pourrait y arriver en agissant ainsi.
Je ne veux pas tourner mon regard vers le passé. Pour revenir à la question de l'argent et à la question de la responsabilité, il y a un grand exercice qui visait à déterminer quelles sommes d'argent les Premières nations obtiennent par étudiant, par rapport aux autres écoles. Le travail d'expertise judiciaire en comptabilité et en vérification a duré des années. On peut aborder le problème de tous les angles possibles et faire toutes sortes de calculs savants. Comment faut-il prendre en compte les coûts d'immobilisations, quelle est la valeur de l'amortissement non comptabilité et tout le reste? Cela aboutit à un rapport très, très long que personne ne comprend vraiment. Je ne veux pas m'engager dans cette voie. Je ne veux pas revenir sur le passé. Nous devons nous tourner vers l'avenir, sénateur, et trouver une façon d'oublier ce que la reddition de comptes était il y a un certain temps et ce qu'elle est même aujourd'hui. Cela ne m'intéresse pas. Je veux m'attacher à la structure que nous pouvons établir pour demain avec une reddition de comptes nécessaire à une bonne éducation d'abord et, ensuite, une reddition de comptes pour veiller à ce que les deniers publics soient correctement utilisés.
Le sénateur Brazeau : Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il faut regarder vers l'avenir et non pas vers le passé. Tout de même, monsieur Mendelson, vous avez parlé aussi d'une limite de financement de 2 p. 100. Les faits sont les faits. Sans m'engager dans une querelle partisane, je rappellerai que c'est Paul Martin, ministre des Finances à l'époque, qui a établi cette limite de financement de 2 p. 100.
En songeant à l'avenir, pourquoi adopterions-nous une loi sur l'éducation? Le régime actuel repose essentiellement sur les politiques gouvernementales établies. Si vous en parlez aux chefs, ils vous diront qu'ils rendent des comptes, mais que le financement fait défaut. Si on parle à AINC, ce que le comité a fait à plusieurs occasions, non seulement à propos de l'éducation, mais aussi à propos d'autres questions, les gens diront qu'ils n'ont ni la capacité, ni l'expertise nécessaires pour veiller sur l'administration du financement accordé aux collectivités des réserves pour l'éducation. Si on parle aux Autochtones qui vivent dans les collectivités en question, ils nous disent que leurs chefs ne rendent pas les comptes voulus, car, disons-le honnêtement, celui qui a un mal de dent n'appelle pas le plombier. Ils reconnaissent que les chefs n'ont pas l'expertise nécessaire pour administrer les fonds alloués au chapitre de l'éducation.
On en revient toujours à la question des politiques gouvernementales. Pour une meilleure reddition de comptes, il pourrait y avoir des mécanismes renforcés à Affaires indiennes et du Nord Canada. Rien n'enlève à une quelconque communauté des Premières nations le droit de disposer d'un groupe d'experts autochtones chargés d'administrer le budget, pour veiller à ce qu'il y ait des résultats scolaires dignes de ce nom dans les réserves. Il demeure que les chefs de bande et les conseils ne veulent pas se défaire du pouvoir qu'ils ont d'administrer les fonds en question. C'est pourquoi ils hésitent à demander aux conseils scolaires provinciaux de participer davantage à l'élaboration de leurs programmes d'études.
Pourquoi se donner une loi sur l'éducation? En quoi est-ce mieux que d'instaurer des mécanismes renforcés pour resserrer les choses?
M. Mendelson : À mon avis, il n'est pas juste de décrire ainsi la totalité des Premières nations, des bandes et des chefs. De plus en plus, ils sont nombreux à se soucier vraiment de l'éducation et à aspirer à améliorer les choses sur ce plan.
Tout de même, n'abordons pas cette question. Nous serions heureux de pouvoir en discuter encore pendant 10 ans, mais je dis plutôt qu'il faudrait choisir un autre canal. Je veux changer la discussion. Je ne veux pas revenir à la même discussion éculée.
Vous avez demandé pourquoi nous devrions nous donner une loi sur l'éducation pour les Premières nations. C'est l'occasion de syntoniser un autre canal. Je n'affirme pas que c'est la seule façon de faire le changement en question, mais j'y vois l'occasion pour le gouvernement du Canada et les Premières nations de se réunir autour d'une nouvelle assise, d'une nouvelle politique de responsabilité réciproque et de nouveaux types d'organisations. Çela figurera dans une loi, et AINC devra réagir en conséquence. Nous disposerons d'un nouveau cadre prévoyant une nouvelle façon d'aborder un problème.
Nous avons un énorme problème social que nous pouvons continuer à essayer de régler par fragments, mais il nous faut nous mobiliser et, à mes yeux, une loi sur l'éducation pour les Premières nations constitue une occasion d'agir en ce sens.
La réponse que je vous donne est la pire qui soit et la meilleure qui soit en même temps. En fin de compte, c'est une loi d'inspiration politique, le sens du mot « politique » étant le meilleur qui puisse se concevoir dans le contexte. En fin de compte, c'est une loi qui dit que nos représentants au Canada essayeront d'améliorer la qualité de l'éducation dans les réserves et que nous nous engageons vraiment à le faire.
Le sénateur Brazeau : Est-il possible d'adopter une telle loi sans l'apport et la pleine participation et coopération des provinces?
M. Mendelson : Il n'est pas possible de le faire sans la pleine coopération de l'APN. Il est seulement réaliste de le penser.
Le nouveau chef national tient mordicus à progresser dans le dossier de l'éducation. Je crois qu'il y a ici une occasion à saisir et j'espère que nous aurons assez d'intelligence pour en profiter. Je crois que le nouveau chef national, Shawn Atleo, s'attellerait à cette tâche. Je crois qu'il travaillerait de concert avec le gouvernement du Canada si le gouvernement du Canada affirmait qu'il veut faire cela.
Le sénateur Brazeau : Ma question portait sur les provinces.
M. Mendelson : Le cas des provinces est plus difficile, d'une certaine façon. Tout de même, je connais assez bien les provinces des Prairies, et elles se désespèrent de la situation, pour ne pas mettre des lunettes rose bonbon. Certes, le Manitoba et la Saskatchewan sont heureux, je crois qu'ils seraient heureux de prendre part à ce type de négociation. Je ne connais pas si bien les Maritimes. Je crois que l'Ontario participerait elle aussi.
Les provinces demandent toujours d'abord d'où l'argent doit venir. J'ai eu à négocier pour les provinces; je ne les dénigre pas en affirmant cela. Les provinces essaieront de défendre leurs intérêts, mais je crois que les provinces des Prairies, y compris l'Alberta, ont reconnu la nécessité d'agir dans le dossier de l'éducation sur les réserves. J'ai l'impression qu'elles participeraient volontiers à l'exercice et qu'elles pourraient se révéler des partenaires utiles.
Le sénateur Brazeau : Merci. Sauf tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord avec vous : rien n'empêche les provinces de conclure un arrangement quelconque sinon une entente tripartite avec les Premières nations et le gouvernement du Canada en ce moment même.
M. Mendelson : Elles le font. Elles l'ont déjà fait.
Le sénateur Brazeau : Certaines d'entre elles ont déjà commencé à le faire, oui, mais pas au rythme que vous évoquez, pour que nous ne perdions pas quatre générations.
M. Mendelson : En Colombie-Britannique, la Loi sur la compétence s'est accompagnée d'une loi provinciale parallèle, tout comme la Loi sur l'éducation des Micmacs, comme ce doit être le cas. Je crois que toutes les provinces sont prêtes à agir ainsi. Par contre, encore une fois, s'agit-il d'adopter une loi de façon ponctuelle, chaque fois? Combien de temps cela prendra-t-il?
Le sénateur Brazeau : Et les résultats de ces accords restent à voir.
M. Mendelson : Vous avez raison. C'est établi dans le cas des Micmacs, et je crois que ça fonctionne, mais je n'ai pas vu d'évaluation.
Cela prend beaucoup de temps, oui. Regardez la situation en Colombie-Britannique.
Le sénateur Moore : Merci de votre présence, monsieur Mendelson. Vous l'avez dit pendant votre déclaration liminaire, je crois, au Manitoba, 70 p. 100 des jeunes des Premières nations ayant entre 20 et 24 ans n'ont pas terminé leurs études secondaires. C'est bien cela?
M. Mendelson : Oui. C'est cela.
Le sénateur Moore : À quelle année ces statistiques-là remontent-elles?
M. Mendelson : C'est tiré du recensement de 2001.
Le sénateur Moore : Est-ce que nous avons des statistiques plus à jour?
M. Mendelson : Je n'ai pas...
Le président suppléant : Permettez-moi de vous interrompre. Nous avons bien reçu une analyse statistique détaillée de la question, qui figure au compte rendu. Il y a eu une petite amélioration, mais ce n'est pas grand-chose. Le taux de succès dans les Premières nations représente le tiers de ce qu'il est dans l'ensemble de la province.
Le sénateur Moore : À quand remonte la Commission royale sur les peuples autochtones? Quelle en est la date?
Le président suppléant : C'était 1993 ou à peu près. C'était à l'époque du régime Mulroney.
M. Mendelson : C'est le premier ministre Mulroney qui a mis sur pied la commission, mais je crois qu'il n'était plus premier ministre depuis longtemps lorsqu'elle a présenté son rapport. C'était plus ou moins à cette époque-là.
Le président suppléant : Le début des années 1990.
Le sénateur Moore : Merci. Dans votre rapport de 2008 intitulé Improving Education on Reserves : A First Nations Education Authority Act, vous affirmez que c'est depuis 1973, soit depuis le début de la délégation, qu'AINC se contente d'envoyer des chèques, pour ainsi dire. Êtes-vous toujours de cet avis, et le cas échéant, pourquoi?
M. Mendelson : Je crois qu'AINC essaie d'asseoir son travail sur une assise plus large du point de vue de l'éducation, mais si vous allez y demander combien de gens de la direction de l'éducation ont une formation en éducation, on vous dira qu'il y en a trop peu.
Je ne jette pas la pierre à AINC. Le gouvernement a adhéré à la politique de la maîtrise de l'éducation des Premières nations par les Premières nations, ce qui a été interprété comme étant « envoyez donc un chèque et ne nous dérangez plus. » C'est ce que le gouvernement a fait. Au cours des quelques dernières années, je crois que le ministère s'attaque un peu plus à la question de l'éducation, mais sur de longues années, cela n'a pas été le cas.
Le sénateur Moore : À propos du financement, vous avez dit que personne n'a fait de cumul. Pendant toutes ces années-là, le gouvernement fédéral a versé des fonds pour l'éducation des jeunes des Premières nations, mais personne n'a fait le total des sommes versées? Qu'entendez-vous par « cumul »?
M. Mendelson : Peut-être que quelqu'un l'a fait.
Le sénateur Moore : Il est difficile de croire que, après tout ce temps, personne n'a procédé à une analyse.
M. Mendelson : Ce que je veux dire, c'est qu'il est très difficile de trouver des données nationales qui soient fiables, qu'elles soient de nature quantitative ou qualitative. Peut-être les gens auront-ils à leur disposition des informations que je n'ai pas étant donné que je consulte seulement des sources publiques. Par exemple, il est très difficile de trouver — je parle ici de données qualitatives — une description des modalités de gouvernance des écoles des Premières nations, voire de trouver des informations rigoureuses sur le nombre d'étudiants, ou encore de découvrir quelle somme d'argent est consacrée aux écoles. Toute cette information-là est difficile à trouver.
Le sénateur Moore : J'ai de la difficulté à croire qu'il n'y a pas d'inscription officielle qui se fait tous les ans.
M. Mendelson : Il y a une liste nominative qui est dressée, mais établir le total à partir de la liste en question n'est pas facile, et la liste en fin d'année n'est pas ce qu'elle était au début de l'année. Il y a des fragments d'information à cueillir ici et là, mais ce n'est pas grand-chose.
Le sénateur Moore : En discutant avec le sénateur Lovelace Nicholas, vous avez plus ou moins affirmé que, par le passé, celui qui voulait faire des études supérieures renonçait à son statut.
M. Mendelson : Oui. Il y a longtemps de cela.
Le sénateur Moore : Pendant une conversation, elle m'a dit que c'était en 1986, je crois.
M. Mendelson : Non, c'est il y a plus longtemps. C'était dans les années 1950, mais c'est quand même de mon vivant. Nous ne sommes pas entièrement sortis de cette époque-là.
Le sénateur Moore : Là où je veux en venir, c'est vous poser la question suivante : si j'étais un parent autochtone, est-ce que j'encouragerais mes enfants à faire des études supérieures?
M. Mendelson : C'est une bonne question.
Le sénateur Moore : Je ne le ferais probablement pas dans cette situation-là. Cette mentalité s'est-elle maintenue chez les gens des Premières nations et est-ce un facteur qui entre en jeu? Je trouve cela tout à fait alarmant qu'un tel nombre de jeunes ne finissent pas leurs études secondaires. Le rôle que les parents pourraient jouer ici revêt une importance capitale. Que font-ils pour les motiver? Ai-je raison de penser qu'ils ont modifié leurs perspectives quand il s'agit d'encourager les jeunes à mieux faire?
Vous êtes-vous penché sur cette question? Je crois que ce serait un élément intégral de l'affaire
M. Mendelson : Je vais vous donner mon impression, mais je dirais clairement aussi que je ne peux parler au nom de ceux qui se trouvent réellement sur le terrain.
Nous sommes dans l'anecdote. J'ai assisté à une réunion où il y avait un jeune qui venait de terminer ses études secondaires. Il fréquentait l'université, disant être le seul de sa réserve à le faire. La raison, c'est que les jeunes ne voient pas l'utilité, l'importance de l'éducation. Je dois apprendre à chasser et à pêcher, à vivre des fruits de la terre, alors qu'est-ce que je fais assis dans une salle de classe à apprendre la trigonométrie? Ce sont là des questions difficiles. Je ne dis pas que ce genre d'approches réglera tout comme par magie. Ce n'est pas le cas. Les écoles ne jouent qu'un petit rôle dans ce qui constitue une bonne éducation, mais elles constituent un élément nécessaire.
Le sénateur Moore : La question de la trigonométrie s'applique aux jeunes Blancs aussi.
M. Mendelson : Je sais. Je vais simplement préciser ce dont j'ai l'impression. J'assiste à des réunions et je fais des conférences, alors qui suis-je pour affirmer quoi que ce soit? Tout de même, j'ai l'impression que les choses ont changé depuis 10 ou 15 ans, que les Premières nations voient l'éducation comme la chose la plus importante si on veut une vie meilleure.
Le sénateur Moore : Est-ce que les parents vous en donnent l'impression aussi?
M. Mendelson : Je ne travaille pas à ce niveau-là, pour être franc avec vous. J'assiste à des réunions et je parle à des enseignants et à des gens qui font partie du système; je ne sais donc pas vraiment. Je crois que c'est une très bonne question.
J'ai participé à l'étude sur les Autochtones en milieu urbain, qui n'englobait pas les réserves, étude réalisée par l'Environics Institute, qui est un organisme sans but lucratif. Ce n'est pas l'Environics Group; c'est la division sans but lucratif. Nous avons réalisé des entrevues individuelles avec des étudiants autochtones. Nous avons interviewé 250 Autochtones pendant une heure, dans chacune des dix villes dont il est question. C'est une étude très importante que le comité voudra examiner, à mon avis.
Nous avons demandé aux gens non pas où ils vivent ou combien d'argent ils ont, mais plutôt quelles sont leurs convictions intimes, quels sont les obstacles qui se sont dressés devant eux et quelles sont les aspirations qu'ils nourrissent pour leurs enfants. Nous avons demandé aux gens ce qu'ils avaient dans la tête et non pas dans les poches. C'est un comité consultatif autochtone qui a conçu le questionnaire, pas nous. La première réponse évoquait l'éducation.
Je suis optimiste dans le sens où je crois qu'il y a une occasion à saisir, mais, à mon avis, si nous nous attardons trop à des doléances à propos du passé, nous allons nous trouver dans une impasse, et je ne veux pas qu'il y ait une impasse pendant 20 ans encore.
Le sénateur Poirier : On m'a appris que, récemment, la Colombie-Britannique a déterminé qu'une école hors réserve serait une école de choix du point de vue des Autochtones. Est-ce une option qu'on pourrait explorer?
M. Mendelson : Certains de mes collègues ne sont pas en faveur de cela, mais si une école à charte pouvait être mise sur pied, alors tant mieux. Si nous pouvons en tirer des leçons, tant mieux. S'il y a une situation où les bons seraient utiles, tant mieux. Je ne m'oppose pas à ce que cent fleurs s'épanouissent. Cela est bon. Je ne sais pas très bien ce qui se passe en Colombie-Britannique, mais ça me paraît être une innovation intéressante. Nous avons besoin d'innovation; alors faisons cela. C'est merveilleux.
Je voudrais qu'on évalue certaines de nos innovations, pour que nous puissions en tirer des leçons de façon plus systématique.
Le président suppléant : Je vais poser pour le compte rendu une question portant sur une observation que vous faites à la page 25. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'actuelle voie de réforme, lancée par le gouvernement fédéral en 2008, en vue de la conclusion d'un partenariat officiel. Quel est votre avis sur cette voie de réforme? Est-elle avisée?
M. Mendelson : Je crois que les initiatives sont utiles. Tout de même, je sais qu'elles ne déboucheront pas sur le changement systémique, le changement du système dans son ensemble, c'est pourquoi j'ai commencé à parler de réforme complète du système dans le document. Nous n'y arriverons pas en ayant des procédés axés sur les demandes, où une école transmet une demande et obtient qu'un projet spécial soit financé pendant trois ans. Cela ne changera pas complètement le système. Ça permettrait peut-être d'améliorer une école pendant trois ans, au mieux.
Elles sont utiles, mais elles seraient nettement plus utiles si elles s'inscrivaient dans un processus de changement systémique. Elles sont associées à quelque chose de négatif. Cela dit, je ne sais pas ce qui est arrivé ces dernières années, depuis qu'elles ont été mises en oeuvre; je voudrais donc en voir les résultats.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Il a beaucoup été question de ces rapports sur les Autochtones en ce qui concerne l'éducation, les revendications territoriales, les questions sociales, et cetera. Ces rapports ont-ils débouché sur quelque chose?
M. Mendelson : Il y a eu des progrès dans bien des domaines. Le dossier n'avance pas très rapidement, mais il y a eu des ententes sur certaines revendications territoriales. Certains rapports débouchent sur une action concrète, d'autres non. Je ne peux pas parler en termes généraux, mais il importe de ne pas se laisser submerger par le désespoir. Les choses s'améliorent.
À l'époque où j'étudiais à l'Université du Manitoba, le seul étudiant qui était visiblement membre d'une Première nation était M. Ovide Mercredi. Aujourd'hui, il y a 20 000 étudiants des Premières nations dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Voilà un progrès.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je vis dans une collectivité des Premières nations où je ne vois aucune différence. Merci.
Le sénateur Raine : Le sénateur Lovelace Nicholas a dit ce que vous venez de dire : nous ne pouvons continuer ainsi. Tous les membres du comité sont motivés à changer les choses. Certes, il est merveilleux d'entendre M. Mendelson le dire, que le moment est venu de changer les choses.
Votre analyse a été pour moi une lecture rafraîchissante. J'aimerais en citer des extraits :
Au lieu de regarder en arrière, ce qu'il faut, c'est une stratégie tournée vers l'avenir qui se pencherait sur le financement dans le cadre d'une réforme systémique de l'avenir des écoles des Premières nations sur les réserves. La méthode de financement des écoles des Premières nations doit changer, afin que les montants consentis par suite du processus renouvelé soient adéquats maintenant et à l'avenir.
Une nouvelle méthode de financement nécessiterait le renversement complet du système de financement actuel dans sa portion qui s'appliquerait au système scolaire des Premières nations « réformé ». Les paiements versés aux conseils scolaires des Premières nations reconnues (...) deviendraient ce que nous appelons une dépense législative. Ce type de dépense s'entend de dépenses qui sont approuvées par l'intermédiaire d'autres lois « établissant l'objet des dépenses et les dispositions en vertu desquelles elles peuvent être engagées » (...) Les dépenses législatives ne sont pas approuvées tous les ans, mais sont plutôt versées tel que requis par les dispositions établies dans la loi qui les régit.
Voilà de quoi il retourne, en somme. En l'absence d'une loi fédérale, nous ne pourrons profiter de cette mesure-là et, en l'absence de cette mesure-là, nous allons être contraints de faire ce que nous avons toujours fait, et qui ne fonctionne pas. J'apprécie cette analyse; c'est une lecture qui en vaut largement la peine. Merci d'être venu témoigner ce soir.
M. Mendelson : Merci de m'avoir accueilli et de prêter attention à la question.
Le président suppléant : Je note que, dans le budget de 2010 publié en mars, le gouvernement, en collaboration avec des groupes des Premières nations et d'autres parties intéressées, s'engage à élaborer des options, y compris de nouvelles dispositions législatives, en vue d'améliorer le cadre de gouvernance et de préciser la reddition de comptes en matière d'éducation primaire et secondaire dans les Premières nations. L'exposé que vous avez présenté ce soir tombe à point nommé. Vous souhaitiez qu'il y ait un dialogue; nous venons d'avoir un très bon dialogue. Je vous remercie, monsieur Mendelson, vous et chacun des membres du comité ayant contribué utilement au débat. Voilà qui nous aidera à mener nos travaux.
(La séance est levée.)