Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 6 - Témoignages du 12 mai 2010
OTTAWA, le mercredi 12 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et sur d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte.
Bonsoir, et j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public et à tous les téléspectateurs canadiens qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou peut-être sur Internet.
Je m'appelle Gerry St. Germain et je viens de la Colombie-Britannique; j'ai l'honneur et le privilège de présider le comité.
Le comité a pour mandat d'étudier la législation et les affaires concernant les peuples autochtones du Canada, en général. Cela donne au comité la possibilité d'examiner toutes les questions qui concernent les Premières nations, les Métis et les Inuits.
Le comité a entrepris une étude de l'éducation primaire et secondaire des enfants des Premières nations vivant dans les réserves. Pour approfondir l'étude de ce sujet, le comité a invité ce soir des témoins du Bureau du vérificateur général.
En avril 2000, le Bureau du vérificateur général du Canada a publié un rapport dont un chapitre était consacré à une vérification du programme d'éducation primaire et secondaire relevant du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien, MAINC, dans lequel il était affirmé que le ministère ne pouvait démontrer qu'il était en voie d'atteindre son objectif déclaré, c'est-à-dire aider les étudiants des Premières nations vivant dans les réserves à combler leurs besoins en matière d'éducation et à réaliser leurs aspirations. Le rapport mentionnait trois grands problèmes qu'il fallait résoudre.
En particulier, le ministère devait préciser son rôle dans l'éducation des enfants des Premières nations, mettre au point et utiliser des méthodes de mesure du rendement et améliorer le rendement opérationnel.
En novembre 2004, le Bureau du vérificateur général a publié un suivi de son rapport de 2000. Il concluait qu'à de rares exceptions, le ministère n'avait guère fait de progrès depuis 2000. Ce soir, nous voulons approfondir notre compréhension de ces conclusions en ayant un échange de vues avec nos témoins.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de présenter les membres du comité qui sont présents.
[Traduction]
Nous avons tout d'abord le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest; à son côté se trouve le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, qui est la vice-présidente du comité. Il y a le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Eaton, de l'Ontario et le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Nous avons également le sénateur Patterson, du Nunavut, le sénateur Poirier, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Stewart Olsen, également du Nouveau-Brunswick et nous avons le sénateur Kochhar, de l'Ontario.
Bienvenue sénateurs et aidez-moi à accueillir nos témoins du Bureau du vérificateur général du Canada, la vérificatrice générale elle-même, Mme Sheila Fraser, qui est accompagnée de M. Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint et de M. Frank Barrett, directeur principal.
Madame Fraser, c'est toujours un plaisir de vous recevoir ici. Vous êtes une de nos témoins préférés dans divers domaines et c'est vraiment très agréable que vous soyez ici accompagnée de vos collaborateurs si compétents.
Vous allez présenter, je crois, un bref exposé et quand vous aurez terminé, nous passerons aux questions des sénateurs.
Madame Fraser, vous avez la parole.
Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci, monsieur le président. Il est toujours agréable de comparaître devant le comité et nous vous remercions de nous donner la possibilité de parler du travail que nous avons effectué dans le domaine de l'éducation des Premières nations.
Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagnée par Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint et Frank Barrett, directeur principal, qui sont responsables du travail que nous effectuons à Affaires indiennes et du Nord Canada.
L'éducation constitue un facteur déterminant pour améliorer la situation socioéconomique des membres des Premières nations et la rendre comparable à celle des autres Canadiens. De nombreuses études mettent en lumière l'importance et les avantages de l'enseignement postsecondaire. La Commission royale sur les peuples autochtones a établi un lien entre l'éducation postsecondaire et le renforcement des capacités, le développement des ressources humaines et l'autonomie gouvernementale. Dans nos vérifications antérieures, nous avons souligné l'importance du renforcement des capacités. En 2006, nous avons relevé que la capacité du gouvernement à donner suite à nombre de nos recommandations dépendait, dans une large mesure, de la capacité des Premières nations à mettre en oeuvre des programmes dans leurs collectivités.
Comme vous l'avez mentionné, nous n'avons pas étudié l'enseignement destiné aux Premières nations depuis 2004. En 2000, nous avions vérifié le programme mis sur pied par le MAINC qui vise à offrir aux Premières nations un enseignement primaire et secondaire. Entre autres, nous avions signalé que le ministère ne pouvait démontrer qu'il était en voie d'atteindre son objectif déclaré, c'est-à-dire aider les étudiants des Premières nations vivant dans les réserves à combler leurs besoins en matière d'éducation et à réaliser leurs aspirations. Nous avons également observé qu'il y avait un écart de scolarisation important entre les étudiants des Premières nations et les autres étudiants dans la population canadienne. Nous entendons par écart la proportion des membres des Premières nations, qui vivent dans les réserves et sont âgés de plus de 15 ans et titulaires d'au moins un diplôme d'études secondaires, par rapport à la proportion des diplômés d'études secondaires dans l'ensemble de la population canadienne. Nous avions recommandé, à cette époque, qu'un plan d'action soit mis en oeuvre pour combler cet écart.
[Français]
En 2004, nous avons effectué un suivi des recommandations et des observations de notre vérification de 2000, en y incluant également le Programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire. Nous avons alors constaté que la situation ne s'était pas améliorée depuis 2000.
En 2004, l'écart de scolarisation n'avait pas diminué. En fait, le temps nécessaire pour combler cet écart, selon les estimations, avait augmenté, passant de 27 à 28 années.
Nous avons constaté que le ministère, malgré ses engagements, avait réalisé peu de progrès dans sa façon de financer et d'administrer ses programmes d'enseignement primaire et secondaire destinés aux étudiants des réserves, et de faire rapport à cet égard. Le ministère n'avait pas encore défini son rôle ni ses responsabilités en matière d'enseignement.
Lors de notre vérification de 2004, nous avons également relevé des lacunes importantes dans le programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire. Nous avons signalé que le mode d'affectation des fonds aux Premières nations par le ministère ne garantissait pas un accès équitable au plus grand nombre d'étudiants possible.
Par ailleurs, le ministère ignorait si les fonds octroyés avaient servi aux fins prévus. Tout comme pour les programmes d'enseignement primaire et secondaire, le ministère n'avait pas clairement défini ses rôles ni ses responsabilités. Nous n'avons pas effectué d'autres travaux dans ce domaine depuis 2004.
Toutefois, en 2009, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a réalisé deux vérifications internes de ces programmes; l'une, sur les programmes d'enseignement primaire et secondaire et l'autre, sur le programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire. Les vérificateurs du ministère ont relevé plusieurs des mêmes lacunes qui avaient été relevées par nos vérificateurs cinq ans auparavant.
[Traduction]
Monsieur le président, nous entamons maintenant une vérification de suivi qui englobera l'enseignement aux Premières nations. Nous allons réexaminer certaines de nos observations ainsi que les progrès réalisés par le ministère dans la mise en oeuvre de certaines de nos recommandations antérieures. Nous prévoyons présenter ce chapitre en avril 2011 et nous nous ferons un plaisir de témoigner devant le comité pour discuter de nos constatations.
Monsieur le président, voilà qui termine ma déclaration préliminaire. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité. Merci.
Le président : Merci, madame Fraser.
Je présume que vous avez lu les paramètres de notre étude. Comme nous l'avons fait dans le passé, nous essayons de nous concentrer sur un aspect précis, à savoir essayer d'établir le genre de fondation que nous pourrions recommander ou modifier pour que le système d'éducation donne de bons résultats dans les réserves des Premières nations.
Je suis très heureux que vous ayez décidé de revoir les commentaires que vous avez faits dans le passé. Avez-vous véritablement présenté des recommandations pour modifier l'infrastructure actuelle ou est-ce là votre responsabilité actuelle, ou allez-vous simplement faire rapport sur la situation telle qu'elle est par opposition à recommander des changements qui faciliteraient les améliorations que nous recherchons tous?
Mme Fraser : Lorsque nous avons effectué la vérification de 2000 et le suivi en 2004, nous avons examiné le programme tel qu'il était conçu à ce moment-là au sein du gouvernement et nous avons vraiment hésité à recommander des changements majeurs à la façon dont le gouvernement avait mis sur pied son programme. Par contre, lorsque nous avons fait un suivi plus large en 2006, nous avons parlé de capacité et d'aider à renforcer les capacités des collectivités des Premières nations, et nous avons effectivement fait allusion à des choses comme les conseils scolaires, par exemple, et à la nécessité de créer des institutions qui aideraient les Premières nations à progresser. Je crois que tout le monde admet que, lorsque ces programmes ont été transférés aux Premières nations, celles-ci ne possédaient pas la plus grande partie des institutions et du soutien structurel dont elles avaient besoin pour les mettre en œuvre. Cela a déjà été mentionné. Je ne sais pas si nous l'avons mentionné expressément en 2000, mais je pense que nous avons parlé des institutions. Cela concerne les programmes adoptés par les conseils scolaires et ce genre de questions.
Le président : Je suis sûr que vous savez que des ententes tripartites ont été conclues avec les provinces, et je me demande si votre ministère, lorsque vous allez revoir ce sujet, pourrait suggérer que nous examinions certains de ces protocoles d'entente et ententes tripartites qui ont été conclues au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, en Colombie-Britannique et en Alberta?
Mme Fraser : Oui, absolument. Au cours d'une de nos vérifications, nous avons même étudié les ententes conclues avec les Micmacs de la Nouvelle-Écosse, l'Entente sur l'éducation des Micmacs, et cela fait un bon moment qu'elle existe, depuis 1997. Nous l'avons mentionné dans le rapport à l'époque et décrit certaines leçons que l'on pouvait tirer de ces expériences. Je pense effectivement que c'est un domaine qu'il serait bon que le comité examine.
Le sénateur Sibbeston : Madame Fraser, en 2004, vous avez dressé une liste assez longue de suggestions portant sur ce que le MAINC pourrait améliorer. Le ministère a accepté ces suggestions, mais a ajouté qu'en ce qui concerne la réalisation des objectifs en matière d'éducation, le succès ne pouvait se mesurer qu'à long terme.
Je ne sais pas s'il voulait se soustraire à ses responsabilités ou si le ministère reconnaissait qu'il ne pouvait faire beaucoup plus qu'il ne faisait déjà.
Pensez-vous que le MAINC est une entité qui peut améliorer ou réformer l'éducation des Premières nations, si l'on considère qu'il joue le rôle d'un organisme de financement et qu'il n'est pas une entité comparable à un ministère provincial de l'éducation, qui est responsable de l'ensemble de l'éducation, de l'établissement des programmes, des normes, de l'embauche et du reste?
Au Canada, l'éducation est entre les mains des Premières nations, et à partir de ce fait, pensez-vous que le MAINC n'est vraiment pas capable de faire davantage que ce qu'il a fait jusqu'ici? Lorsque nous examinons le MAINC et que nous voulons le critiquer pour l'absence de progrès, nous adressons-nous vraiment à l'entité responsable ou ne devrions-nous pas nous adresser aux Premières nations et les inviter à faire mieux que ce qu'elles ont fait jusqu'ici?
Mme Fraser : Dans la plupart des vérifications que nous avons effectuées, que ce soit dans le domaine de l'éducation ou un autre, nous avons soulevé le fait que le ministère et le gouvernement ne définissent pas clairement quels sont leurs responsabilités et rôles respectifs. Nous avons soulevé clairement cet aspect dans nos vérifications sur l'éducation : le rôle du MAINC est-il simplement celui d'une agence de financement ou doit-il assumer d'autres responsabilités?
C'est un élément essentiel à résoudre si je veux répondre à votre question, parce qu'il semble que les responsabilités du ministère ne se limitent pas au seul financement. Du côté des Premières nations, on estime qu'elles assument davantage de responsabilités, mais cela n'est pas clair. Le MAINC n'a pas mis en place la plupart des systèmes et mécanismes de mesure qui permettraient de surveiller les progrès qui ont été réalisés en éducation et de savoir si l'éducation est de bonne qualité. Il doit définir, en collaboration avec les Premières nations, quels sont les responsabilités et les rôles respectifs.
Je regardais aujourd'hui encore le rapport de vérification interne effectué en 2009, que j'ai mentionné. Il soulevait exactement les mêmes questions que celles que nous avions soulevées en 2000. Le ministère aurait dû progresser beaucoup plus sur ces grandes questions fondamentales qu'il ne semble l'avoir fait.
Le sénateur Campbell : Avec quelle fréquence avez-vous vérifié les divers programmes du MAINC dans le passé, d'une façon générale?
Mme Fraser : Nous faisons des vérifications au moins une fois par an et parfois, deux fois par an.
Le sénateur Campbell : Quel est le taux d'observation? J'ai été étonné de voir que ce que vous aviez constaté en 2000 n'avait pas changé, même d'après la propre vérification du ministère de 2009. J'avoue que cela m'inquiète.
Mme Fraser : Nous avons fait un suivi assez important en 2006 et c'est ce que nous avons prévu de faire au printemps prochain. Nous avons noté un certain progrès à l'égard de certaines recommandations, mais ces progrès touchaient, d'une façon générale, des questions de processus interne ou administratif du ministère. Il y avait eu peu de progrès effectués à l'égard des recommandations plus complexes.
Je ne devrais sans doute pas dire à l'avance quelles seront nos conclusions avant d'avoir effectué la vérification, mais je ne serais pas surprise si les conclusions auxquelles nous arriverons au printemps prochain demeurent à peu près les mêmes, si je me fie à certaines vérifications internes dont nous avons pris connaissance. Le ministère éprouve une grande difficulté à faire de véritables progrès sur certaines questions que nous avons régulièrement soulevées dans le passé.
Le sénateur Campbell : La Colombie-Britannique a mis sur pied le First Nations Education Steering Committee, FNESC (Comité directeur de l'éducation des Premières nations). En 2007, la compétence en matière d'éducation a été transférée aux Premières nations en Colombie-Britannique. Avez-vous eu l'occasion d'examiner tout cela?
Mme Fraser : Non, nous ne l'avons pas fait.
Le sénateur Campbell : Vous avez fait une vérification en 2004. Est-ce que le FNESC semble avoir une relation bien définie avec le MAINC et la province?
Mme Fraser : Je vais demander à M. Campbell. Je ne suis pas certaine que nous ayons examiné cette question à l'époque; il s'agissait davantage d'un suivi des recommandations de 2000, de voir si des progrès avaient été réalisés.
Le sénateur Eaton : Je fais partie d'un autre comité qui a examiné l'accès des Autochtones à l'éducation postsecondaire. Nous avons entendu de nombreux témoins, des représentants des Premières nations ainsi que des éducateurs. Une des suggestions qui ont été faites est que les fonds ne devraient pas être remis à la bande. Il faudrait plutôt donner à chaque enfant des Premières nations une somme placée dans un compte bancaire auquel il ne peut avoir accès. Cependant, chaque enfant recevrait tant par an pour chaque année d'études secondaires achevée et ensuite une prime, qu'il pourrait utiliser au cours des 10 années suivant la fin de ses études secondaires en vue de faire des études postsecondaires.
L'enveloppe de financement du MAINC est-elle trop importante? Faudrait-il la répartir? Au lieu de donner une somme X à telle bande, ne pourrait-on pas diviser l'enveloppe entre l'éducation, le logement et la santé? Pensez-vous que cela ferait une différence?
Mme Fraser : Le financement est destiné à l'éducation postsecondaire.
Le sénateur Eaton : Comment cela se passe-t-il pour l'école maternelle jusqu'à la fin de l'école secondaire?
Mme Fraser : Le financement est destiné à différents programmes, de sorte que l'éducation primaire et secondaire serait sans doute regroupée dans un seul budget. L'éducation postsecondaire aurait un autre budget, tout comme la santé. Le ministère distribue un certain nombre d'enveloppes.
Un des problèmes que nous avons constatés dans le financement, en particulier pour l'éducation postsecondaire, était la façon dont les fonds étaient distribués. Nous avons déjà constaté cela avec d'autres programmes — les services à l'enfance et à la famille me viennent à l'esprit. La distribution s'effectue en fonction des montants attribués précédemment, plutôt qu'en fonction des besoins actuels. Il n'est pas garanti que le financement soit réparti équitablement entre les différentes régions du pays.
Le rapport de vérification interne mentionne que le coût du programme augmente plus rapidement que le financement lui-même. C'est là encore une fois une difficulté que l'on retrouve dans de nombreux programmes. L'augmentation du financement est plafonnée pour le MAINC à deux pour cent. Il est mentionné dans ce rapport que les frais d'éducation postsecondaire à eux seuls augmentent de plus de quatre pour cent par an. Bien évidemment, le nombre des étudiants qui ont droit à une aide diminue.
Il n'était pas non plus garanti que les fonds étaient utilisés pour financer l'éducation postsecondaire. Le ministère n'a pas fait de suivi. Il arrive qu'il y ait des excédents — les fonds ne sont pas dépensés entièrement — mais à cause des besoins relatifs à d'autres programmes, l'argent destiné à l'éducation postsecondaire peut être attribué à d'autres programmes. La façon dont le financement s'effectue soulève toute une série de questions.
Le sénateur Eaton : Seriez-vous également presque prête à dire que la même chose s'est peut-être passée avec l'enveloppe de financement destinée à l'éducation primaire?
Mme Fraser : Oui. C'est possible.
Le sénateur Eaton : Pourriez-vous recommander dans votre prochaine vérification que des mesures soient prises pour que les fonds soient réellement utilisés pour les fins auxquelles ils sont attribués, qu'il s'agisse d'éducation primaire ou postsecondaire?
Mme Fraser : Nous avons déjà recommandé à plusieurs reprises que le ministère suive les fonds et veille à ce qu'ils soient utilisés pour les fins prévues.
Le sénateur Eaton : Existe-t-il une autre façon de garantir que les fonds seront utilisés pour l'éducation?
Mme Fraser : Cela pose en fait une question plus fondamentale, celle de savoir s'il s'agit d'un rapport de gouvernement à gouvernement ou de gouvernement à individus et de la nature des relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des Premières nations. Si l'objectif est de confier aux Premières nations l'administration et la gestion de leurs propres programmes, alors le gouvernement fédéral devrait les aider à le faire de façon équitable.
Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : Dans le domaine de l'éducation, tout comme dans d'autres domaines qui relèvent du MAINC, nous avons ce que l'on pourrait appeler des programmes comparables à des programmes provinciaux dans la mesure où les Indiens qui vivent hors réserve relèvent des provinces.
Bien souvent les programmes du MAINC ont comme objectif la compatibilité. Cela est vrai pour les services à l'enfance et à la famille qui ont pour objectif de financer des services compatibles avec ce qu'offrent les provinces. Nous avons constaté au cours de la vérification que c'était bien là leur objectif, mais le gouvernement ne l'a pas financé de cette façon. Comme le disait la vérificatrice générale, ce programme a été financé selon d'autres méthodes. Il y avait toutefois un manque de concordance entre l'objectif consistant à financer un programme à un niveau de service compatible et la façon dont le programme a été financé en réalité.
Dans le domaine de l'éducation, il est très facile de découvrir un objectif de compatibilité, dans la mesure où, lorsque nous avons parlé en 2000 et de nouveau en 2004 de l'écart en matière d'éducation ou du temps qu'il faudrait pour le combler, bien sûr, le MAINC a déclaré qu'il reconnaissait l'existence de l'écart et qu'il le corrigerait. Comme l'honorable sénateur l'a fait remarquer, il est possible de se donner comme objectif d'atteindre un certain niveau de compatibilité, mais sans financer cet objectif en conséquence, de sorte qu'il n'est guère possible de l'atteindre.
Le sénateur Eaton : Nous nous trouvons donc devant un dilemme insoluble.
Le sénateur Hubley : J'ai examiné la façon dont vous avez calculé le nombre d'années qu'il faudrait pour combler cet écart. En 2000, vous disiez qu'il faudrait 23 ans pour combler l'écart; en 2004, ce chiffre était en fait passé à 28 ans. Nous sommes loin de pouvoir dire que nous nous sommes engagés dans la bonne direction dans le domaine de l'éducation.
Avez-vous constaté récemment des changements importants qui pourraient indiquer que, lorsque vous effectuerez votre vérification de suivi en 2011, cet écart sera en partie comblé?
Mme Fraser : Jusqu'ici, nous n'avons pas constaté d'améliorations notables. Nous n'avons pas encore effectué un travail de vérification qui nous permettrait de conclure dans un sens ou dans l'autre. La vérification interne a fait ressortir un bon nombre de difficultés anciennes. Il est certain qu'elle n'a pas permis de conclure que la situation avait évolué de façon notable.
Le sénateur Hubley : Vous avez brièvement mentionné les conseils scolaires. M. Mendleson, qui a comparu comme témoin, a très clairement déclaré que le système était mauvais; le système ne permet pas d'obtenir des résultats. Il a proposé de mettre sur pied des conseils scolaires et de leur accorder un financement et des responsabilités appropriées. Nous devons confier à ces conseils le pouvoir de prendre des décisions.
Je suis sûre que ces coûts n'ont jamais été calculés. Devrions-nous envisager d'autres modèles et être disposés à appuyer ces décisions par un financement et des responsabilités appropriées?
Mme Fraser : Comme je l'ai mentionné plus tôt, dans nos activités de suivi et dans les autres vérifications, nous avons parlé de l'importance de créer des institutions susceptibles d'appuyer le renforcement des capacités des Premières nations. M. Campbell a fait remarquer qu'au cours de notre vérification de 2000, nous avons mentionné que le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes avait recommandé en 1996 que le MAINC fasse de la création d'un institut d'éducation autochtone sa plus grande priorité. C'était il y a 15 ans.
À un moment donné, le ministère a eu des discussions avec les Premières nations en vue de mettre sur pied un institut ou un conseil d'éducation chargé d'aider les Premières nations à acquérir cette capacité. Ce projet n'a toutefois guère avancé.
Le sénateur Hubley : Il y a des conseils scolaires qui influencent peut-être les programmes et les choses de ce genre. On nous a dit que les Premières nations doivent avoir le pouvoir de prendre des décisions au sujet des écoles, des programmes et de l'embauche — exercer les fonctions d'un conseil scolaire. Si le ministère n'est pas disposé à se départir de ses responsabilités en matière d'éducation et à donner aux Premières nations le plein contrôle de leur système éducatif, qui est, je crois, ce qu'elles veulent, il ne sera peut-être pas possible de faire des projets dans ce domaine.
Mme Fraser : Je suis d'accord avec vous. Je suggère également que le comité compare le financement. Quel est le financement accordé pour un enfant qui vit dans une réserve comparé à ce que le gouvernement fédéral verse au gouvernement provincial pour l'éducation?
Nous avons constaté une différence importante dans les services à l'enfance et à la famille en Alberta; lorsqu'une nouvelle entente a été conclue, le financement a augmenté de 75 p. 100. Il ne s'agit pas d'ajouter quelques dollars ici et là. Combien sont payés les professeurs? Comment s'assurer que les écoles et tous les services accessoires sont à jour?
Nous n'avons pas vraiment analysé l'aspect financement, mais cela me paraît un domaine qu'il serait important d'examiner.
Le sénateur Kochhar : Est-ce qu'on retrouve ces lacunes et cette inobservation des recommandations dans toutes les régions du pays? La situation est-elle plus grave dans une région que dans une autre pour ce qui est de l'inobservation?
Mme Fraser : Il est rare que nous fassions des vérifications en notant les différences régionales. Nous examinons habituellement l'administration générale d'un programme. C'est la raison pour laquelle je m'attends à retrouver ces lacunes dans les différentes régions. Il peut y avoir certaines variations à cause des différences entre les ententes qui ont été conclues avec les gouvernements provinciaux. Les questions que soulèvent le suivi des progrès, la collecte des renseignements sur le rendement et la garantie d'un accès équitable au financement touchent l'ensemble du pays.
Le sénateur Kochhar : Lorsque vous constatez des lacunes et l'inobservation des recommandations, le gouvernement peut-il exiger des bénéficiaires du financement qu'ils respectent les règles et les observent, car, sinon, le financement qui leur est destiné sera réduit ou modifié?
Mme Fraser : Le gouvernement fédéral dispose de vastes pouvoirs sur les Premières nations. Il peut retarder ou supprimer le financement, si c'est ce qu'il veut faire. Nos recommandations s'adressent toutefois au gouvernement et au ministère et portent sur les domaines dans lesquels ils doivent améliorer leur gestion.
Le sénateur Poirier : Dans vos remarques préliminaires, vous avez recommandé un plan d'action qui devait être mis en œuvre pour combler cet écart. Vous avez dit ensuite que vous avez fait un suivi sur les recommandations et les observations en 2004. Vous avez constaté que la situation ne s'était pas améliorée depuis 2000 et qu'en 2004, l'écart s'était aggravé plutôt que comblé. Vous avez ensuite mentionné que vous avez constaté que le ministère avait fait des progrès limités dans ce domaine.
Cependant, si je reviens à la deuxième recommandation, vous dites que vous avez soulevé dans la vérification précédente l'importance du renforcement des capacités. En 2006, vous avez constaté que le succès qu'avait eu le gouvernement fédéral dans la mise en œuvre d'un bon nombre des recommandations dépendait en grande partie de la capacité des Premières nations à mettre en œuvre des programmes dans leurs propres collectivités.
Avez-vous recommandé au MAINC d'étudier les capacités des Premières nations pour savoir si elles avaient les moyens de mettre en œuvre leurs programmes? Au cours de votre vérification, avez-vous essayé de savoir quelles étaient les Premières nations qui ne possédaient pas ces capacités? Si c'est le cas, avez-vous comparé ces Premières nations à celles qui possédaient ces capacités pour voir s'il existait une faiblesse?
C'est une chose de dire que le MAINC veut faire certaines choses, mais en réalité, il faut construire un partenariat entre les deux parties.
Mme Fraser : Nous savons que le MAINC ne peut prendre toutes ces mesures seul. Il doit bien évidemment agir en collaboration et en consultation avec les Premières nations.
Nous n'avons pas à évaluer nous-mêmes les Premières nations. Nous n'avons pas évalué — si je peux m'exprimer ainsi — leurs capacités. Nous pensons que le ministère devrait posséder cette information. Le ministère possède une partie de cette information parce que les formules de financement et les ententes sont plus ou moins flexibles en fonction de l'évaluation qu'a faite le ministère de la capacité des Premières nations à gérer leurs propres affaires.
Si le MAINC estime qu'une Première nation donnée possède davantage de capacités, celle-ci aura moins de conditions à respecter et pourrait recevoir un financement de base plus important que celui que recevrait une Première nation ayant des capacités plus limitées et pour laquelle le financement serait plus ciblé et plus spécifique.
Je sais que nous avons fait ce commentaire. Je ne sais pas si nous avons effectivement formulé une recommandation de ce genre. Nous mentionnons souvent que le MAINC doit tenir compte de la capacité des Premières nations à offrir des programmes. Nous avons présenté plusieurs recommandations qui invitaient le ministère à aider les Premières nations à renforcer leurs capacités grâce à des initiatives comme la formation, le transfert de responsabilités, et la mise sur pied d'institutions, comme je l'ai mentionné tout à l'heure.
Le sénateur Poirier : Vous ne vous êtes pas adressés aux Premières nations pour voir si elles avaient la capacité d'offrir des programmes. Est-ce là un aspect que vous n'avez pas du tout examiné?
Mme Fraser : Pour chacune de nos vérifications, nous communiquons avec les collectivités des Premières nations, mais nous n'avons pas, et nous ne souhaitons pas, posséder le mandat de vérifier les Premières nations. Il ne nous appartient pas de les évaluer. Nous ne faisons pas ce genre de travail. Nous nous attendons à ce que le ministère possède cette information pour qu'il puisse offrir ses programmes. Nous avons toutefois de bons rapports avec les Premières nations, et celles-ci collaborent avec nous pour toutes nos vérifications.
Le sénateur Poirier : Le dernier rapport qui mentionnait cet écart remonte à 2004. Vous avez indiqué que vous n'aviez pas examiné la situation depuis 2004 pour voir si cet écart s'était aggravé ou comblé. Je sais que vous ne prévoyez pas constater beaucoup de changements. Savez-vous si le MAINC a examiné la question et s'il la suit d'année en année? Savez- vous si c'est là une recommandation à propos de laquelle le ministère fait régulièrement un suivi?
Mme Fraser : Je ne le sais pas. Peut-être que M. Campbell peut vous répondre.
M. Campbell : Non, je ne dispose d'aucun renseignement indiquant que le MAINC suit régulièrement cet aspect. Comme l'a déclaré la vérificatrice générale, le ministère a procédé à deux vérifications internes en 2009 au cours desquelles un certain nombre de questions ont été examinées, notamment le financement, les méthodes de répartition du financement et la mesure dans laquelle il existait des normes et des indicateurs en matière de rendement, mais je ne me souviens pas que cette question de l'écart ait été abordée dans ces vérifications. On dirait que le ministère a examiné la plupart des questions que nous avions examinées, mais pas celle-ci.
Le sénateur Poirier : Vous avez mentionné que vous aviez recommandé l'adoption d'un plan d'action. Avez-vous donné au ministère des suggestions sur la forme que devait prendre ce plan d'action et quelle devrait en être l'orientation?
Mme Fraser : Nous avons formulé à son intention un certain nombre de recommandations touchant des questions précises, comme la mesure du rendement, le suivi des fonds et la formule de financement du point de vue de l'équité de l'accès à ces fonds. Nous avons formulé plusieurs recommandations et nous nous serions attendus à ce que le ministère prépare un plan d'action. Il a accepté toutes les recommandations et nous nous serions attendus à ce qu'il explique comment il allait procéder.
À l'heure actuelle, les ministères fonctionnent de façon légèrement différente qu'ils le faisaient en 2004, dans la mesure où les ministères préparent des plans d'action beaucoup plus précis. Bien souvent, nous avons commencé à examiner ces plans d'action et à faire savoir au ministère concerné si le plan d'action tenait compte des recommandations formulées en 2004. Je ne pense pas que nous n'ayons jamais vu le plan d'action, mais cela fera certainement partie du suivi que nous allons effectuer cette année.
Le sénateur Poirier : D'après ce que vous savez, vous ne pensez pas que le plan d'action a été mis en œuvre?
Mme Fraser : Je ne sais même pas s'il y a eu vraiment un plan d'action d'élaboré.
Le sénateur Dyck : Merci de vos interventions. Vous avez déjà répondu en partie à ma première question; elle portait sur le financement accordé aux étudiants qui vivent dans les réserves comparé à celui qui est accordé aux étudiants non autochtones vivant hors réserve. Vous avez dit que certaines données que vous possédez montrent qu'il existe des écarts entre les étudiants vivant sur les réserves et ceux qui vivent hors réserve. Notre comité a bien sûr entendu d'autres témoins qui nous ont signalé que cet écart pouvait être très important, dans certaines régions du pays. Serait-il possible d'essayer de combler cet écart si votre bureau formulait une recommandation à ce sujet?
Mme Fraser : Nous n'avons pas effectué cette comparaison dans nos vérifications, et l'information que nous possédons est donc ponctuelle et découle de comparaisons que nous avons faites avec d'autres programmes, notamment les services à l'enfance et à la famille. De nombreuses Premières nations nous ont mentionné qu'il existait une différence dans la formule de financement. C'est un aspect que nous pourrions certainement étudier lorsque nous ferons notre suivi.
Comme M. Campbell l'a mentionné plus tôt, la plupart des programmes doivent avoir pour objectif de fournir des services égaux ou similaires aux services provinciaux, mais bien évidemment, si le financement est tout à fait disproportionné, les services ne peuvent être identiques. C'est peut-être un des aspects que nous allons étudier lorsque nous procéderons à cette vérification de suivi.
J'ai presque hésité à soulever cet aspect parce que nous ne l'avons pas vérifié et j'ai essayé d'obtenir des renseignements à ce sujet, mais des sources assez fiables nous ont mentionné que les frais facturés aux étudiants qui vivent sur les réserves et qui fréquentent des écoles à l'extérieur des réserves, seraient les frais demandés aux non-résidants. C'est peut-être une indication. Nous avons essayé d'obtenir certaines données, mais nous n'avons pas encore pu les obtenir. En plus d'avoir un financement qui ne tient pas compte de l'augmentation des coûts de l'éducation, si les étudiants doivent payer des frais beaucoup plus élevés que ceux que paient les étudiants vivant hors réserve, cela ne peut que limiter le nombre des étudiants qui peuvent avoir accès à ces services.
Le sénateur Dyck : Ma deuxième question est de nature un peu plus générale et porte sur l'autorité légale et les obligations qu'a le MAINC en matière de financement de l'éducation des étudiants des Premières nations. Je regardais le tableau des principaux événements survenus depuis le début de l'aide apportée aux Premières nations. J'imagine que cela touche principalement les étudiants du niveau postsecondaire.
Quels sont les documents juridiques qui encadrent les ententes de financement? Comment le MAINC fixe-t-il, pour une année donnée, le montant du financement accordé à l'éducation primaire et secondaire des Premières nations? Par exemple, je suis sûre que la majorité des membres des Premières nations ont moins de 25 ans. C'est une population qui croît rapidement, à un rythme presque cinq fois supérieur à celui de la population canadienne non autochtone. C'est une population très jeune. Il y a, à l'heure actuelle, un grand nombre d'étudiants qui étudient au niveau primaire et postsecondaire. Comment le MAINC décide-t-il d'augmenter le financement accordé pour tenir compte de l'aspect démographique. Quelle sorte d'obligation ou de pouvoir légal possède le ministère qui lui permet, par exemple, d'augmenter le financement de 50 p. 100 pour cette année?
Mme Fraser : Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons constaté, au cours de nos vérifications, que le MAINC n'avait pas clairement défini ou précisé son rôle et ses responsabilités. Il y a un certain nombre de lois et de traités qui font référence à l'éducation. Ces lois et traités ne précisent toutefois pas toujours très bien la nature de l'obligation assumée par le ministère. Encore une fois, la plupart de ces programmes doivent leur origine à une politique et non pas à une règle légale ou juridique, et c'est là un aspect que nous avons soulevé également dans la plupart de nos vérifications.
D'après ce que je sais à l'heure actuelle — et il faudrait bien entendu le vérifier avec le ministère —, le financement est en fait basé sur le montant de l'année précédente, de sorte qu'on part du montant de l'année dernière et on ajoute deux pour cent. On a imposé un plafond de financement à tous les ministères. Je ne sais pas très bien comment le dernier gel des crédits a pu toucher ces programmes. Il est possible qu'ils soient également gelés avec ce plafond. C'est peut-être un aspect qu'il faudrait explorer avec le ministère.
Vous avez raison. Nous avons souvent noté dans nos vérifications que le financement était plafonné à 1,5 ou 2 p. 100. Cependant, la population s'accroît à un rythme beaucoup plus élevé et le coût de l'éducation augmente de plus de 2 p. 100 par an. Le nombre des étudiants qui peuvent avoir accès à l'éducation doit donc nécessairement diminuer chaque année.
Le sénateur Eaton : Une précision, l'argent est donné à la bande dans une enveloppe marquée éducation ou autre chose, alors qu'au Canada, les provinces financent l'éducation en se basant sur le nombre d'étudiants qui fréquentent une école ou le nombre de familles.
Mme Fraser : C'est exact. Dans la plupart des cas, on procède à une évaluation des besoins. Dans le cas d'une Première nation dont la population s'accroît très rapidement, il pourrait être préférable d'augmenter les fonds accordés à l'éducation primaire plutôt que de continuer d'appliquer une formule qui consiste à attribuer chaque année le montant de l'année précédente plus deux pour cent.
Le sénateur Eaton : Pouvez-vous recommander dans votre vérification que cette formule soit modifiée pour qu'elle tienne compte du nombre de personnes concernées?
Mme Fraser : Oui. Je pense que pour l'éducation aussi, mais dans bien d'autres domaines, comme les services à l'enfance et à la famille, nous avons recommandé que la formule de financement soit fondée sur les besoins, sur le nombre de bénéficiaires, plutôt que sur le montant versé antérieurement qui est ensuite indexé chaque année.
Le président : Nous parlons de financement. Avec la structure actuelle, si elle n'est pas modifiée, il y a certains d'entre nous qui pensent que peu importe le montant des fonds consacrés à cet aspect, cela ne fera aucune différence. Si les structures ne sont pas en place, c'est comme si l'on construisait une maison sur des sables mouvants. Même si la maison est bien construite, elle va s'enfoncer. Je n'aime pas beaucoup vous poser des questions délicates, mais je le fais régulièrement.
Nous respectons vos opinions parce que vous êtes une des rares personnes à examiner la situation de façon analytique. Si nous ne mettons pas en place une infrastructure ou un cadre législatif, alors quel que soit le montant des fonds qui seront consacrés à ce domaine, il n'y aura aucun moyen de savoir comment ils sont utilisés. Si une de nos Premières nations éprouve des difficultés dans un autre domaine, rien ne l'empêchera d'utiliser ces fonds pour cet autre domaine.
Je pense qu'elles ont besoin de plus d'argent, mais seulement s'il y a une structure pour leur fournir ces fonds. Je devrais peut-être vous poser la question, à vous, monsieur Campbell, plutôt que de placer votre chef dans une situation délicate. Cela ferait-il une différence importante d'après vos observations et votre expérience de ce domaine?
Mme Fraser : Bien sûr, monsieur le président, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faudrait mettre sur pied une institution qui assumerait des responsabilités pour l'éducation des Premières nations. Cela dit, je pense que l'argent peut être très utile. Nous avons toute une liste d'étudiants qui veulent aller à l'université, mais qui ne peuvent pas le faire parce qu'ils n'ont pas d'argent.
Il y aurait probablement une augmentation du nombre des professeurs, si leur salaire était meilleur. On pourrait faire un certain nombre de choses. Je suis certaine que cela comporterait des avantages à court terme, mais je reconnais qu'à long terme, il faut mettre en place des institutions chargées d'appuyer ces importants programmes et de renforcer la capacité des Premières nations d'offrir ces programmes.
Cela fait aujourd'hui près de 15 ans que nous demandons ce genre de choses, et cela n'a pas été fait.
Le sénateur Stewart Olsen : J'ai remarqué une chose dans les questions qu'a posées le sénateur Dyck qui concerne notre étude. J'ai été intrigué lorsque vous avez proposé d'examiner les différences, les écarts entre le financement, et lorsque vous avez dit que, lorsqu'une Première nation signait une entente en Alberta, elle semblait recevoir davantage de fonds. Pensez-vous qu'il existe peut-être aussi dans chaque province des formules de financement?
Lorsque nous examinerons ces questions, serait-il bon que nous demandions à chaque province comment elle finançait ces programmes pour pouvoir ensuite le comparer au financement accordé par le MAINC. Je comprends cela. Je me demande toutefois si les provinces effectuent des vérifications dans ce domaine? Pensez-vous qu'elles vérifient également leur rendement? Cela nous aiderait beaucoup pour notre étude si nous pouvions disposer de renseignements sur ce point.
Mme Fraser : Je ne sais pas très bien ce que font les provinces, mais ce que je crois pouvoir faire est de demander à nos collègues, les vérificateurs généraux des provinces, ce qu'ils ont fait récemment dans le domaine de l'éducation et en particulier, sur le rendement. Je suis presque certaine que toutes ces provinces disposent de bons renseignements.
Nous avons effectué récemment une vérification du programme d'éducation au Yukon, et je sais qu'il existe un certain nombre de critères standard en Alberta et en Colombie-Britannique, que le Yukon utilise, et que les provinces font des comparaisons entre les chiffres des différentes provinces. Je crois qu'il existe pas mal de données concernant le rendement des étudiants à divers niveaux. De mémoire, je pense qu'il s'agissait des troisième, sixième et neuvième années. Je sais qu'en Ontario, on publie chaque année le classement des écoles de sorte que l'on dispose de pas mal de renseignements sur le rendement des différentes institutions.
Le sénateur Stewart Olsen : J'aimerais savoir s'il serait possible d'établir une corrélation entre le financement et le rendement.
Mme Fraser : Nous pourrions demander à nos collègues provinciaux, si le comité le souhaite, s'il existe des renseignements à ce sujet.
Le sénateur Stewart Olsen : Je crois que ça nous aiderait à orienter notre étude. Nous sommes en train d'examiner différents types d'ententes, mais cela serait, je crois, utile.
Le président : Si cela n'est pas contraire à l'éthique, auriez-vous l'amabilité de nous fournir ces données?
Mme Fraser : Bien sûr, je serais heureuse de le faire.
Le sénateur Poirier : Je vais poursuivre sur un commentaire que vous avez fait, il y a un instant, en réponse à une des questions; vous avez dit que lorsqu'un étudiant autochtone fréquente une école provinciale en dehors de la réserve, les frais transférés à la province dans le cas de ces partenariats sont plus élevés. Ces étudiants paient davantage que le non- résidant qui voudrait s'inscrire dans cette école. Cela vaut-il pour toutes les provinces qui ont conclu, à l'heure actuelle, une entente de partenariat ou s'agit-il simplement d'une province en particulier? Je sais que le Nouveau-Brunswick a établi un partenariat, mais je ne savais pas que cela se passait de cette façon.
Mme Fraser : Je ne le sais pas. J'ai hésité à en parler, parce que c'était simplement une information qui nous a été communiquée et que nous n'avons pas pu vérifier; il est toutefois possible que cela soit un aspect qui mériterait d'être examiné, si nous faisons des comparaisons entre les provinces.
Le sénateur Poirier : Il serait intéressant de le savoir. Si cela ne se fait pas dans toutes les provinces, il faudra se demander pourquoi il y a une province qui le fait. Il faudrait peut-être examiner ce partenariat.
Le sénateur Patterson : Je pense que les principales recommandations qu'avait formulées le vérificateur général en 2000 et par la suite portaient sur l'absence de tout document officiel définissant quels étaient les rôles et responsabilités du ministère dans le domaine de l'éducation. Cela veut dire, d'après votre rapport, qu'en raison d'un manque de clarté au sujet des rôles et des responsabilités, il est difficile d'obliger le ministère à rendre compte de ses résultats, et son affirmation selon laquelle les fonds destinés à l'éducation sont dépensés correctement est, à tout le moins, suspecte.
Vous avez exprimé les choses en termes assez vifs et assez clairs, madame Fraser. Bien sûr, c'est votre travail, et nous le respectons.
Nous savons également, et peut-être qu'il n'est même pas nécessaire de le dire, que la Loi sur les Indiens n'est d'aucun secours dans ce domaine. Les dispositions qui traitent de l'éducation sont anciennes et traitent d'aspects très précis comme les présences et les absences. Pourriez-vous nous dire — et je sais que vous avez beaucoup d'expérience — si cela est assez habituel? Constatez-vous souvent ce genre de choses dans votre travail ou est-ce une situation exceptionnelle qu'un ministère dépense autant d'argent sans avoir un objectif clair? Je crois que ce montant est maintenant proche de 2 milliards de dollars depuis votre rapport; je pense qu'il est de 1,7 milliard. Est-ce une chose rare d'après vous?
Mme Fraser : Cela n'est probablement pas représentatif de la plupart des programmes du gouvernement fédéral, mais cela se retrouve très souvent dans les programmes du MAINC. Je ne connais aucun programme qui repose sur une base législative. La plupart des programmes tirent leur origine d'une politique. La Loi sur les Indiens est très ancienne et les choses ont évolué considérablement pendant toutes ces années, de sorte que le rôle du ministère est imprécis. Nous avons demandé si le ministère était une simple agence de financement. Doit-il surveiller les progrès? À une certaine époque, il administrait lui-même les écoles et fixait les programmes scolaires. Il ne le fait plus.
Il est important que le gouvernement définisse son rôle et ses responsabilités pour que les Premières nations connaissent également leurs rôles et leurs responsabilités par rapport au ministère. Sur le plan interne, le ministère possède-t-il la capacité et les aptitudes pour remplir le rôle qu'il pense devoir jouer? Cette question s'est posée pratiquement dans toutes les vérifications que nous avons effectuées au MAINC. Il y a beaucoup de vague dans ces programmes.
Le sénateur Patterson : Pouvez-vous nous donner une idée du genre de définition officielle du rôle et des responsabilités du ministère qui serait utile ou nécessaire? Que devrions-nous rechercher ou essayer de définir?
Mme Fraser : Idéalement, tous les programmes dans le domaine de l'éducation, de la santé et des services à la famille, et cetera devraient reposer sur une base législative. De cette façon, le rôle du gouvernement serait clair.
Le sénateur Patterson : Dans le dernier discours du Trône, il a été fait référence à la nécessité d'adopter des mesures législatives. Je suis certain que notre comité va examiner cette possibilité.
Pour en revenir à votre affirmation selon laquelle le programme d'éducation reflète une politique, avez-vous pu obtenir des renseignements au sujet de cette politique? Cette politique existe-t-elle? Les gens disent que le programme repose sur une politique. Avez-vous pu prendre connaissance de cette politique?
Mme Fraser : J'essaie de trouver la référence exacte. Il nous a été impossible de trouver une politique ou une description officielle. Nous avons constaté qu'il était fait référence à diverses ententes et qu'il y avait eu des délégations de pouvoir pour les programmes administrés par les Premières nations. Le Rapport sur les plans et les priorités et le Rapport de rendement du ministère font état des grands objectifs du ministère. Cependant, ces objectifs sont si larges qu'il est difficile de savoir exactement quels sont les résultats recherchés. Bien entendu, si l'on ne connaît pas ces éléments, il est impossible de les mesurer. Comment savoir si vous vous rapprochez de votre objectif si vous disposez uniquement d'un très large objectif. Je ne sais pas si cela a changé depuis 2004. Il est possible que ces aspects aient été précisés depuis.
Il serait peut-être bon de demander au ministère s'il a précisé ces objectifs. J'ai remarqué que le rapport de vérification interne de 2009 recommandait que le ministère précise son rôle et ses responsabilités.
Le sénateur Patterson : Nous avons entendu des représentants du ministère et avons appris qu'il exerçait une responsabilité importante dans un grand nombre d'écoles des Premières nations réparties d'un bout à l'autre du pays. Nous avons été frappés par le fait que la directrice du programme d'éducation nous a déclaré qu'elle avait environ 60 personnes sous ses ordres. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Je sais que votre travail n'a pas été facilité par le fait que vous n'aviez rien de solide sur quoi vous appuyer, mais avez-vous des commentaires à faire au sujet de la capacité apparente du ministère? Dans votre rapport, vous parlez de la mesure du rendement et de la collecte de données. Avez-vous des commentaires généraux au sujet de la capacité du ministère?
Mme Fraser : Nous avons remarqué, pas précisément dans ce domaine, mais dans d'autres, que le ministère s'occupait d'énormément de choses. On pourrait dire qu'il s'occupe de toutes les responsabilités qu'exercent les provinces pour plus de 600 Premières nations réparties sur l'ensemble du territoire. C'est vraiment un gros défi. Le ministère s'occupe non seulement d'administrer ces programmes et de les financer, mais il s'occupe également de négocier des traités et de régler tous les problèmes qui surviennent. Je suis certaine qu'il y a des urgences toutes les semaines, si ce n'est pas tous les jours.
Le ministère fait face à de nombreux défis et il a beaucoup de mal à y faire face. C'est en partie une question de financement parce qu'il n'a pas toujours les ressources nécessaires. Encore une fois, avant de savoir quel devrait être le montant des ressources accordé au ministère, il faudrait que celui-ci sache ce qu'il veut faire. Il doit commencer par définir son rôle et ses responsabilités et décider ensuite s'il a le personnel compétent pour atteindre ces objectifs.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie beaucoup.
Le président : Je remercie les témoins d'être toujours aussi ouverts et transparents. Nous nous intéressons énormément à votre révision du dossier. Cela va nous aider considérablement. J'espère que nous allons préparer une recommandation proposant une base législative, comme vous l'avez écrit dans votre rapport de 2006.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons demander demain en Chambre la réponse du gouvernement au rapport sur les élections, qui a été déposé aujourd'hui, tel que convenu par le comité. Il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour et la séance est levée.
(La séance est levée.)