Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 7 - Témoignages du 2 juin 2010
OTTAWA, le mercredi 2 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada. (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public et aux téléspectateurs de toutes les régions du pays qui suivent les débats du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.
Je suis Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique. J'ai l'honneur d'occuper le poste de président du comité.
Le comité entreprend une étude dans le but d'examiner les stratégies potentielles de réforme de l'enseignement primaire et secondaire, en ce qui concerne les Premières nations, dans le but d'améliorer les résultats. L'étude se concentrera entre autres choses sur ce qui suit : ententes tripartites sur l'éducation, structures de gouvernance et de prestation des services et cadres législatifs possibles.
Ce soir, nous avons le privilège d'accueillir un éminent universitaire spécialisé dans ce domaine, le professeur John Richards, de l'Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique. Le professeur Richards, ancien membre de l'Assemblée législative de la Saskatchewan pour le NPD, de 1971 à 1975, a une formation d'économiste. Il a écrit sur des sujets aussi divers que le secteur de l'énergie, les langues officielles, le fédéralisme et le développement international. Ces dernières années, M. Richards a également écrit plusieurs articles consacrés à l'éducation des Autochtones, principalement par l'entremise du C.D. Howe Institute.
En 2009, John Richards a écrit, en collaboration avec Megan Scott le rapport intitulé Aboriginal Education : Strengthening the Foundations. Le rapport établit que l'amélioration des résultats en matière d'éducation sont « [...] le moyen le plus important de réduire la pauvreté et la marginalisation des Autochtones dans la société canadienne [...] ».
Le professeur Richards considère que les taux élevés de décrochage au secondaire, jumelés à la croissance rapide des populations autochtones, constituent un enjeu crucial, autant pour les Autochtones que pour la prospérité du pays.
[Français]
Mais avant d'entendre notre témoin, permettez-moi de vous présenter les membres du comité présents ici ce soir.
[Traduction]
À ma gauche, il y a le sénateur Peterson, de la Saskatchewan. À côté du sénateur Peterson, c'est le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest. À côté du sénateur Sibbeston, se trouve le sénateur Dyck, vice-présidente de ce comité, de la Saskatchewan. À côté du sénateur Dyck, vous voyez le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau- Brunswick.
À ma droite, il y a le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, et le sénateur Patrick Brazeau, de la province de Québec. À côté du sénateur Brazeau, se trouve le sénateur Poirier, du Nouveau-Brunswick.
Mesdames et messieurs, veuillez maintenant m'aider à souhaiter la bienvenue à John Richards. Votre bonne réputation vous précède, monsieur. Vous avez la parole.
[Français]
John Richards, professeur, Programme des politiques publiques, Université Simon Fraser, Institut C.D. Howe : Monsieur le président, je suis anglais d'origine; ma femme est française d'origine et je fais partie de l'infime minorité de ceux à Vancouver qui, à la maison, parlent français.
[Traduction]
Je poursuis en anglais, quoique je le fasse à contrecœur.
Je vous félicite d'avoir décidé de vous attaquer à ce sujet. Il n'existe pas d'autre aspect plus crucial de la politique autochtone. L'histoire des relations entre les Autochtones et les colons est horrible. Toutefois, si on passe son temps à essayer de discuter des doléances et de se réconcilier, on ne consacre pas de temps à l'avenir. L'essence de l'avenir est la prochaine génération et sa capacité d'échapper à la pauvreté et aux dysfonctions sociales qui caractérisent malheureusement la vie de trop nombreux Autochtones.
Dans la mesure où ceux d'entre nous qui sont intéressés par le gouvernement et la politique gouvernementale peuvent aider, j'estime que l'éducation est la clé. Étant donné que vous faites partie de la structure gouvernante du Canada, vous avez un rôle crucial à jouer.
C'était là mon avant-propos. Je me rends compte que je n'ai pas les 50 minutes dont un professeur dispose habituellement pour transmettre sa sagesse; par conséquent, j'accélérerai. Vous avez le jeu d'acétates devant vous.
[Français]
Je ne sais pas si la version est en français et en anglais, ou seulement en anglais;
[Traduction]
Ma version est uniquement en anglais. Les diapositives 3 à 9 renferment un bref examen du recensement et des données sur la scolarité. Les diapositives 10 et 11 représentent les recommandations d'un long rapport que j'ai rédigé l'année dernière avec une étudiante de troisième cycle. Ensuite, il y a un échange de vues sur deux des recommandations cruciales.
Je ne peux pas insister assez sur l'importance de l'emploi en tant que moyen de sortir de la pauvreté. Je vous laisse examiner cela de plus près. Les diapositives indiquent le revenu moyen pour les Amérindiens, les Premières nations ou les Métis, d'après les données des recensements de 2001 et 2006. Vous noterez que les revenus moyens ne représentent qu'une partie infime de la moyenne canadienne correspondante.
À propos de la diapositive 4, je tiens à signaler une seule série de données. L'axe vertical représente le pourcentage de personnes employées; l'axe horizontal représente le plus haut niveau d'instruction. En ce qui concerne les personnes qui n'ont pas fait d'études secondaires — études secondaires non terminées —, qu'il s'agisse d'Amérindiens ou de membres des Premières nations, de Métis ou de non-Autochtones, environ 40 p. 100 ont un emploi. À partir du moment où l'on arrive au niveau des études secondaires accomplies, le taux d'emploi grimpe de 25 points de pourcentage, qu'il s'agisse d'Autochtones ou de non-Autochtones. Les études secondaires ne sont pas une garantie de richesse mais, à bien des égards, c'est la porte d'accès au marché du travail. Sans les études de niveau secondaire, on a très peu de chances d'avoir un emploi stable.
Ma province d'origine est la Saskatchewan. J'ai malheureusement atterri en Colombie-Britannique, bien que je ne m'en plaigne pas trop. Nous avons des hivers plus courts. En Saskatchewan, 30 p. 100 des membres de la population d'âge préscolaire sont maintenant des Autochtones. La situation est très semblable au Manitoba. Dans l'Ouest du Canada, plus d'une personne sur huit est Autochtone.
Je ne tiens pas à limiter cet échange de vues à ce qui est bon pour les Autochtones, mais la population non- autochtone devrait se préoccuper beaucoup de la réussite des populations autochtones.
L'éducation est en crise dans la communauté autochtone. La diapositive 6 indique le pourcentage des jeunes Autochtones qui n'ont pas leur certificat d'études secondaires. Il est d'environ 60 p. 100 parmi ceux qui vivent dans une réserve et d'environ 38 p. 100 parmi ceux qui vivent hors réserve et qui se présentent comme des Amérindiens ou des membres des Premières nations. Il est d'environ 25 p. 100 parmi les Métis et il est comparativement d'environ 12 p. 100 dans la population non autochtone.
Certains progrès ont été réalisés entre ceux qui sont âgés de plus de 45 ans et ceux qui ont moins de 45 ans. Un certain progrès a été réalisé, mais ça n'a pas continué. Les chiffres qui se trouvent aux pages 7 et 8 le démontrent.
Alors que la situation s'est améliorée dans une certaine mesure, et je vous laisse le soin d'examiner les données pour ces trois groupes d'âge — 45 ans et plus, de 35 à 44 ans et de 25 à 34 ans —, en ce qui concerne le niveau de scolarité le plus élevé parmi ceux qui s'identifient comme membres d'une Première nation, ont plus de 45 ans et vivent en réserve, il est à signaler que 58 p. 100 n'ont pas leur certificat d'études secondaires. Le pourcentage diminue pour les populations les plus jeunes, mais le progrès n'a pas suivi chez les 25 à 34 ans, par rapport au groupe des 35 à 44 ans.
Dans la population non autochtone, par contre, on constate une très forte hausse du niveau de scolarité d'une génération à l'autre. Dans mon groupe d'âge, un quart des personnes n'avaient pas d'instruction de niveau secondaire alors qu'actuellement, c'est 10 p. 100 chez les 25 à 34 ans et chez les Métis; il y a donc eu progrès. Le progrès du niveau d'instruction est beaucoup plus important chez les Métis que chez ceux qui se sont déclarés Indiens ou membres d'une Première nation.
C'est là mon rapide examen des données du recensement. Nous allons maintenant examiner les questions liées à la politique en matière d'éducation, qui est notre principal sujet de préoccupation. Il est très difficile de faire une distinction selon que les étudiants fréquentent une école de réserve ou une école provinciale. Parmi la population autochtone des réserves, qui représente environ un tiers des personnes d'identité autochtone, 40 p. 100 des étudiants fréquentent une école provinciale à un moment ou l'autre. La mobilité des étudiants entre les deux types d'écoles est élevée.
En ce qui concerne l'ensemble de la population autochtone — les Métis, les personnes qui s'identifient comme membres d'une Première nation mais vivent hors réserve et celles qui vivent dans les réserves mais fréquentent une école provinciale —, environ quatre enfants autochtones sur cinq fréquentent une école provinciale.
Je passe très rapidement aux pages 10 et 11. Le long rapport que j'ai préparé pour les instituts de recherche en politiques publiques l'année dernière contient six recommandations. Je vous invite à les examiner. Je ferai des commentaires uniquement sur la première et la troisième.
La première recommandation concerne l'importance de l'éducation préscolaire, ce qui ne prête pas à la controverse. Je répète ce que de nombreux autres chercheurs ont déjà fait remarquer. Les problèmes d'éducation des enfants autochtones commencent dès le niveau primaire. Les enfants continuent à avoir de la difficulté, et c'est ainsi que les taux de décrochage sont élevés au niveau secondaire.
La diapositive 12, qui indique la répartition du rendement des étudiants en lecture, dans les écoles des réserves de Colombie-Britannique, au niveau de la maternelle à la 12e année, donne un élément de preuve. Le trait épais de cette figure représente ceux qui savent lire au niveau scolaire. Cela ne tient pas compte des enfants d'âge préscolaire. Ça commence entre 50 et 60 p. 100, pour diminuer à environ 20 p. 100 en 9e année puis ça s'améliore un peu, pas parce que les résultats sont vraiment meilleurs, mais parce que les décrochages se multiplient.
La diapositive 13 indique les taux de décrochage dans le système scolaire provincial, et j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de formation scolaire dans les réserves. Il s'agit des populations qui sont arrivées en 8e année à l'automne 2002. Cette diapositive montre les taux de persévérance et de décrochage scolaires chez les non-Autochtones et les Autochtones. Au cours de la période concernée, environ 80 p. 100 des enfants non autochtones et environ 45 p. 100 des étudiants autochtones ont obtenu leur diplôme à temps.
J'en arrive maintenant à la recommandation qui prête à controverse, monsieur le président, à savoir qu'une condition indispensable pour réaliser des progrès importants est la création de districts scolaires des Premières nations, d'un type ou d'un autre. Je ne préconise pas, Dieu nous en garde, un retour aux pensionnats. Je ne recommande pas l'adoption d'un type précis d'arrondissement scolaire à l'échelle nationale. Je signale que le système actuel d'environ 500 écoles de réserve avec des populations scolaires moyennes d'une centaine d'étudiants ne permettra jamais d'obtenir les résultats souhaités. La prestation de certains services importants fournis par un arrondissement scolaire à un système scolaire est essentielle. Ce sera très difficile à instaurer.
Les dirigeants des Premières nations ont légitimement attaché beaucoup de prix à leur capacité de faire revivre les Premières nations en tant qu'institutions politiques viables. Ils veillent soigneusement à protéger leurs prérogatives. La négociation pour les persuader que ça vaut la peine de céder une partie des pouvoirs personnels de la bande à un arrondissement scolaire professionnel sera une leçon ou un exercice difficile.
Certains dirigeants de Premières nations prétendent que c'est essentiellement une question d'argent. Peut-être, mais nous pourrons peut-être en parler plus en détail à propos de la diapositive 14, qui indique combien dépensent les provinces dans de très petits arrondissements scolaires comparables, par rapport aux fonds octroyés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour les écoles dans les réserves. Je pense que, dans les très petits arrondissements scolaires provinciaux, c'est comparable aux subventions qu'Affaires indiennes distribue aux bandes par étudiant pour les écoles dans les réserves.
La diapositive 15 examine la question dans une perspective quelque peu différente. Il ne faut pas se faire d'illusions et penser qu'une politique, y compris une politique en matière d'éducation, que j'estime absolument indispensable, mettra rapidement un terme à la pauvreté chez les Autochtones et transformera des enfants qui échouent, malheureusement, en étudiants qui réussissent très bien, avec des notes A et B, et qui sont désireux de faire des études postsecondaires.
La demande en matière d'éducation peut être influencée par de nombreux facteurs, notamment par la méfiance culturelle de la part de certains Autochtones estimant que les écoles peuvent être une tentative de détruire la culture autochtone. Du côté de l'offre — et c'est moi, un économiste, qui fais cette remarque —, d'importants facteurs influencent la réussite des enfants en milieu scolaire. De toute évidence, les écoles ne sont pas le seul facteur d'offre déterminant pour un bon rendement scolaire. Le revenu familial et le niveau d'instruction des parents sont également des facteurs de poids.
Au chapitre de l'offre en matière d'éducation, les enfants ont également de l'importance, et la qualité de l'école fait une différence; on ne peut pas négliger le rôle des écoles et leur organisation, y compris l'existence d'arrondissements scolaires.
En ce qui concerne la diapositive 16, je vous laisse le soin de réfléchir et de décider si j'ai raison. Il s'agit d'un rapide résumé des types de services que les arrondissements scolaires fournissent aux écoles. Ils jouent le rôle d'agents pour négocier les conditions d'emploi des enseignants. Ils fournissent des enseignants spécialisés. Ils aident à améliorer les programmes.
Faute de temps, je ne ferai pas de commentaires détaillés, comme j'aurais pu le faire si on m'avait accordé mes 50 minutes habituelles, sur une recherche que j'ai faite avec des étudiants du troisième cycle sur les données concernant environ 400 écoles de la Colombie-Britannique; je me contenterai de mentionner la conclusion que nous en avons tirée, après avoir essayé de comprendre comment s'en tiraient les enfants autochtones dans le système provincial, fait des rajustements et tenu compte de différentes variables, comme la richesse ou la pauvreté de leur famille, à savoir que les arrondissements scolaires sont importants. N'hésitez surtout pas à me poser des questions à ce sujet après mon exposé. Le revers de la médaille, c'est que certains arrondissement scolaires obtiennent de très piètres résultats et que les enfants de ces écoles ont un rendement beaucoup moins bon qu'on ne s'y attendrait, compte tenu du revenu des parents et de différents autres aspects de l'école.
Je vous confie ces six recommandations, dont deux que j'ai brièvement présentées. L'une concerne l'importance cruciale de l'éducation préscolaire et la deuxième est une recommandation absolument essentielle, sans toutefois être suffisante, à savoir qu'il est nécessaire d'instaurer un système scolaire pour les écoles des Premières nations dans les réserves.
Le président : Merci, monsieur Richards. Je ne suis pas sûr que vous le sachiez, mais une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de faire cette étude, c'est que nous avons déjà fait des études sur la gouvernance et les élections, qui font en fait partie de la gouvernance, et sur le développement économique. Le dénominateur commun qui est revenu sans arrêt, c'est le processus éducatif, ou son absence; c'est ainsi que nous avons choisi ce sujet.
Vous avez déjà mis le sujet de ma question en évidence dans votre exposé, à savoir la crainte qu'éprouvent les chefs et les différents dirigeants des Premières nations à renoncer en quelque sorte à cette responsabilité, par le biais des conseils scolaires ou des ententes tripartites.
Avez-vous des suggestions à faire sur les possibilités pour nous de faire mieux comprendre que la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral en matière d'éducation, que ce soit par le biais de traités ou par d'autres moyens, serait maintenue? Je pense que la crainte se répandra dans les communautés des Premières nations; le gouvernement fédéral essaiera de se dégager du processus de prestation des services en matière d'éducation et qu'il essaie de se soustraire à ses responsabilités.
Il existe des ententes tripartites et des protocoles d'entente sur l'éducation dans différentes provinces. Avez-vous une réaction à cela? Vous l'avez signalé dans vos observations préliminaires.
M. Richards : J'ai de nombreuses réponses à cela. J'ai passé la fin de semaine dernière à Québec, à l'assemblée annuelle de l'Association canadienne d'économique. Avec des collègues, j'ai organisé des sessions sur l'éducation autochtone et un de nos invités était le sous-ministre adjoint principal des Affaires autochtones, Jean-François Tremblay. Je ne pense pas que la critique que font les chefs à l'endroit du ministère des Affaires indiennes, à savoir qu'il abandonnera le financement, soit plausible. Par contre, j'estime que le ministère s'est déjà soustrait à la responsabilité de veiller à ce que des comptes soient rendus en matière de performance.
Le ministère des Affaires indiennes n'a, à ma connaissance, pratiquement aucune information sur la performance des enfants qui fréquentent les écoles dans les réserves. Nous avons une vue partielle, très restreinte de la situation par le biais des aperçus du recensement, tous les cinq ans.
Des arrangements ont été pris entre les bandes ou les Premières nations et les gouvernements provinciaux. En Alberta par exemple, où l'on fait des tests de performance provinciaux au niveau des 3e, 6e et 9e années, il a été convenu que ces tests seront tenus dans les écoles provinciales et dans celles des réserves, mais les résultats resteront confidentiels. Il y a quelques fuites, mais on ne sait vraiment pas grand-chose. En ce qui concerne la question de la reddition de comptes, je ne trouve pas que le ministère des Affaires indiennes l'assure actuellement.
Ce que je perçois comme le cœur du problème, c'est la difficulté que l'on aura à persuader les chefs et les conseils de bande de ce que la cession d'une partie de leurs pouvoirs en matière de gestion des écoles de leur bande à l'équivalent d'une autorité scolaire des Premières nations n'aura pas de conséquences néfastes. En fait, ça pourrait avoir des conséquences bénéfiques.
Des expériences se déroulent dans tout le pays; les sénateurs le savent peut-être mieux que moi. Par exemple, à Québec, j'ai rencontré des personnes intimement liées au conseil tribal de Yorkton, qui est actif dans une bonne partie du Centre-est de la Saskatchewan. Ça concerne une douzaine d'écoles situées dans les réserves. Plusieurs des Premières nations concernées ont conclu une entente concernant le partage de certains postes de leur budget, afin de pouvoir engager des enseignants spécialisés pour accomplir quelques tâches qui seraient assurées par l'arrondissement scolaire, dans un système scolaire provincial.
Des expériences analogues ont été faites du Labrador à la Colombie-Britannique. Elles ne sont toutefois que partielles et ne vont pas au cœur du problème, qui se situe au niveau des types de services offerts par les arrondissements scolaires. La plupart des enseignants qui travaillent dans les réserves ont des contrats d'un an. Ils ne peuvent pas devenir permanents. Les Autochtones et les non-Autochtones qui vont travailler dans les écoles du nord du Manitoba, par exemple, sont animés d'un grand idéalisme. Après avoir eu des contrats de 12 mois sans garantie de renouvellement, ils finissent par revenir à Winnipeg ou à Saskatoon, pour y chercher un emploi plus stable. Ça pose un problème.
Il n'y a pas assez d'enseignants spécialisés. Dans de nombreux cas, l'élaboration de programmes d'études est insuffisante. Ce sont des activités dont un conseil scolaire peut se charger. On n'a aucune garantie qu'il le fera; il peut y avoir des manquements. J'espère ne pas avoir abusé du temps dont je disposais.
Le sénateur Sibbeston : Monsieur Richards, à en juger d'après vos recommandations, la voie et les relations que vous préconisez pour les Premières nations concernent manifestement les administrations éducatives provinciales. Est-il clair à vos yeux, à la suite de votre étude et de vos constatations, que les meilleures chances de réussite pour les étudiants autochtones se situent au niveau provincial et très loin du ministère des Affaires indiennes et de la situation, telle qu'elle se présente?
Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons toujours éprouvé une certaine aversion pour le gouvernement fédéral parce qu'il est très éloigné de nous. Dans tous les cas, nous pouvions toujours faire mieux que lui. S'il pouvait construire une maison avec 100 000 $, nous étions capables d'en construire deux. C'est l'attitude générale que nous avons à l'égard du gouvernement fédéral. Je présume que c'est le cas en ce qui concerne ses capacités. Le gouvernement fédéral est généralement très éloigné de la réalité.
Dans le cadre de la présente étude, nous examinerons les rôles et ferons des recommandations. On doit pratiquement en conclure que le seul rôle du gouvernement fédéral est de fournir des fonds en laissant les Premières nations et les administrations provinciales collaborer pour améliorer le système éducatif. Je suis conscient de ce que les autorités scolaires ne sont pas nécessairement provinciales, mais elles sont semblables à des administrations éducatives de type provincial. Elles doivent les copier pour que leurs chances de réussite augmentent.
M. Richards : C'est une excellente question. Je m'excuse auprès du sénateur St. Germain. Il voulait aborder le sujet et je ne l'ai pas du tout examiné de façon adéquate la première fois.
J'aimerais qu'il y ait des relations informelles avec les systèmes scolaires provinciaux; oui, j'aimerais beaucoup ça. Par contre, il ne faut jamais faire abstraction des antécédents regrettables dans les relations déplorables. Le problème des pensionnats pèse comme un nuage noir sur toute cette discussion. Je ne tiens pas à ce qu'on suppose que mes recommandations impliquent l'élimination de la capacité des Premières nations d'avoir le contrôle sur leur système scolaire.
Comme vous le savez peut-être beaucoup mieux que moi, les Premières nations ont souvent de la difficulté à s'entendre entre elles. Lorsque les programmes sont mis en route, pour une raison ou pour une autre, il y a toujours un conseil qui change d'avis et ça suscite toujours des discussions. Il est essentiel de former des arrondissements scolaires, mais je veux que ce soit des arrondissements scolaires qui relèvent...
[Note de la rédaction : La séance est interrompue par une alerte d'incendie.]
(La séance est suspendue.)
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
Le président : Nous sommes maintenant à nouveau en séance publique et nous pouvons ouvrir l'accès à la salle du comité.
Chers collègues, vous avez sous les yeux un budget pour les déplacements et pour la révision et la promotion du rapport, pour notre étude sur l'éducation. Êtes-vous d'accord que le budget que vous avez sous les yeux soit adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Stewart Olsen : Je me désiste, car je suis membre du Comité de la régie interne.
Le président : Voulez-vous vous abstenir?
Le sénateur Stewart Olsen : Oui.
Le président : Nous avons maintenant une autre question à examiner.
Pour certains déplacements, on envisage de noliser un avion. Nous devons normalement procéder à un appel d'offres si le coût du contrat dépasse 25 000 $. Je suis toutefois autorisé à demander une exemption si le comité approuve une motion autorisant l'attribution du contrat à un fournisseur exclusif; par conséquent, je demande à l'un de vous de proposer une motion. Nous l'avons déjà fait car, pour les avions nolisés, il faut prendre des dispositions à l'avance; nous avons d'ailleurs essayé d'obtenir le meilleur prix. D'habitude, nous obtenons ce type d'autorisation.
Est-ce que l'un de vous pourrait présenter une motion proposant que le président soit autorisé, conformément à l'article 1, chapitre 6:01 du Règlement administratif du Sénat, à demander l'approbation du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, concernant l'acquisition sans appel d'offres de services de vols nolisés, pour les déplacements du comité dans le cadre de l'étude sur l'éducation?
Le sénateur Peterson : Je propose :
Que le président soit autorisé, conformément à l'article 1, chapitre 6.01 du Règlement administratif du Sénat, à demander l'approbation du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, concernant l'acquisition sans appel d'offres de services de vols nolisés, pour les déplacements du comité dans le cadre de l'étude sur l'éducation.
Le président : Êtes-vous d'accord? Y a-t-il des commentaires?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Stewart Olsen : Je m'abstiens.
Le président : Très bien. Enfin, la greffière a demandé, mais n'a pas encore reçu confirmation, le prix d'un vol nolisé pour le voyage dans le nord de l'Ontario. Ce sera peut-être moins coûteux que de voyager sur des vols commerciaux. Pour réduire les coûts, j'aimerais pouvoir être en mesure de réviser le budget à la baisse.
Les sénateurs acceptent-ils de permettre à la vice-présidente et à votre serviteur, en sa qualité de président, d'autoriser la révision de la demande d'autorisation budgétaire?
Le sénateur Peterson : J'accepte. Je le propose.
Le sénateur Brazeau : Voulez-vous relire la motion?
Le président : Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Stewart Olsen : Je m'abstiens.
Le président : Très bien. Nous en avons terminé avec ça et nous poursuivons maintenant avec notre témoin.
Monsieur, je suis certain que vous savez où nous en étions restés, car un universitaire de votre calibre sait certainement où il en était resté dans sa réponse au sénateur Sibbeston.
M. Richards : Oui.
Le président : Vous l'avez effrayé. Il reviendra bientôt, mais nous pouvons passer à une autre question.
M. Richards : Non, je me souviens de la question que posait le sénateur Sibbeston. C'était une question importante. Il était préoccupé au sujet de la nature des ententes tripartites et j'aimerais poursuivre la discussion.
Comme nous le savons, la politique est délicate. Les dirigeants des Premières nations sont, et c'est le moins qu'on puisse dire, mécontents lorsqu'ils doivent officiellement être d'accord avec les provinces. De nombreuses ententes informelles sont en place, mais ils préfèrent qu'il y ait une négociation entre eux et le gouvernement fédéral.
En ce qui concerne le gouvernement fédéral, la plupart des personnes que je respecte dans le contexte de ce dossier, chargées de faire savoir quelles institutions elles souhaiteraient voir instaurer dans le cadre de la nouvelle gouvernance, ne sont pas obnubilées par la conclusion d'une entente tripartite. Ce qu'elles veulent en fait, c'est un contenu véritable dans ce qui sera une autorité scolaire et en ce qui concerne la nature de la réforme de la gouvernance.
Je pense que la gouvernance est, comme vous l'avez dit au début de la soirée, d'une importance cruciale, mais ce peut être un terme très amorphe.
Voici les cinq critères qui devront être respectés si l'on veut qu'il s'agisse d'ententes et d'un processus dignes de ce nom. Il est essentiel de prévoir des dispositions concernant les contrats des enseignants. Le contrat actuel d'une durée d'un an n'est pas efficace. Une des tâches assumées par les arrondissements scolaires dans les systèmes provinciaux consiste à négocier les modalités pour les enseignants, comme les salaires, les contrôles et les évaluations.
Ensuite, une administration scolaire devrait avoir le pouvoir de recruter et de licencier. Un directeur d'école est une personne d'une importance cruciale pour la réussite d'une école. Je pense que c'est une fonction qui doit relever de la responsabilité d'une administration scolaire des Premières nations.
L'amélioration du programme d'études est un service que peut fournir un arrondissement scolaire. Je pense à nouveau à la Saskatchewan, pour la gouverne des sénateurs Dyck et Peterson. Si le conseil tribal de Yorkton veut améliorer l'histoire des activités des Métis et des Premières nations en Saskatchewan, c'est le type d'activité que l'administration scolaire doit essayer d'instaurer : octroi d'un contrat aux enseignants, recrutement et licenciement, programme d'études et, peut-être, enseignement spécialisé.
Dans une petite école en particulier, on ne peut inévitablement pas avoir des enseignants pour toutes les matières. L'art, par exemple, est une matière importante pour les enfants, mais c'est peut-être l'arrondissement scolaire qui devrait recruter le professeur d'art.
Après la brusque interruption causée par l'alerte d'incendie, nous discutions à l'extérieur du rôle que jouent les sports pour ce qui est d'aider à retenir les enfants à risque à l'école secondaire. En ce qui concerne les programmes de sport, il faudrait peut-être des enseignants spécialisés particulièrement doués pour organiser des ligues interscolaires de basket-ball ou de hockey. Un autre sujet évident est l'établissement des budgets, à savoir les décisions capitales concernant les écoles qui doivent être rénovées prochainement, et cetera.
Pour résumer, la passation des contrats avec les enseignants, leur recrutement, leur licenciement, l'élaboration des programmes d'études, les enseignants spécialisés, l'établissement des budgets des investissements et l'établissement des budgets en général, sont des fonctions qui relèvent, grosso modo, d'un système scolaire provincial et qui sont assurées soit par un arrondissement scolaire ou, encore, à un plus haut niveau, par le ministère de l'Éducation de la province.
Pour en revenir à la question du sénateur Sibbeston, qui était préoccupé au sujet des ententes tripartites, je ne pense pas qu'il faille tellement se préoccuper de veiller à ce que les provinces les signent également. Je pense qu'idéalement, les provinces devraient contribuer à donner quelques avis et interviendraient d'office. Ce qui importe réellement, c'est que les ententes créant une administration scolaire portent sur ces cinq volets complexes de la gestion scolaire.
Le président : Vous signalez que les ententes tripartites ne sont pas d'une importance capitale. Ne voyez-vous pas que l'infrastructure des commissions scolaires provinciales et du système provincial serait un atout pour le conseil scolaire autochtone?
M. Richards : Si, mais j'aimerais une croissance organique de ces conseils. Ceux qui viennent de la Saskatchewan et de l'Alberta sont maintenant à l'aise avec l'existence des conseils des écoles séparées qui doivent leur histoire aux catholiques romains et à leur établissement dans les Prairies et des systèmes des écoles publiques. À l'origine, il y avait des tensions entre ces deux types de conseils mais, actuellement, ils travaillent assez bien ensemble. En y ajoutant un troisième palier de conseil scolaire, à savoir celui des Premières nations, nous espérons qu'au bout de quelque temps se développeraient de nombreuses relations informelles avec les deux autres systèmes scolaires.
Je vous pose la question à vous, sénateurs : pensez-vous que ce devrait être une entente tripartite formelle? Ça m'intéresse beaucoup plus d'obtenir un type d'entente comportant l'acceptation par les Premières nations de ces cinq volets de la gouvernance scolaire dont elles confieraient la responsabilité à un nouveau type d'administration scolaire. Je me soucie de ce que les Affaires indiennes transfèrent les fonds pour l'éducation, du niveau de la maternelle à la 12e année, à cette administration dans ce but. Je me soucie de ce que l'entente soit en place, puis j'y ajouterais peut-être l'élément provincial.
Si ça peut faire plaisir aux membres des Premières nations, je pense que les provinces seraient généralement disposées à signer. Ce n'est toutefois pas le facteur décisif de la conclusion du marché. Ce qui est crucial, c'est de faire en sorte que les cinq critères en question soient respectés.
Le sénateur Stewart Olsen : Je suis intrigué par votre prémisse. Qui administrerait ces arrondissements et qui les formerait?
M. Richards : C'est une bonne question. Vous connaissez peut-être la réponse mieux que moi.
Le sénateur Stewart Olsen : J'en doute.
M. Richards : Je ne pense pas qu'un modèle unique puisse être efficace à l'échelle nationale. En premier lieu, il faut au minimum de huit à dix écoles pour qu'un arrondissement scolaire soit raisonnablement efficace. Les limites doivent, si possible, contenir des Premières nations ayant certaines affinités. Les membres du groupe du Traité 4 du sud de la Saskatchewan ont peut-être des affinités suffisantes pour qu'on puisse en faire un arrondissement scolaire.
Idéalement, ce sont des membres des Premières nations qui devraient être directement élus à ces arrondissements scolaires. Les commissaires d'écoles pour l'administration scolaire des Premières nations devraient être directement élus par les membres des bandes des Premières nations, de façon semblable au modèle adopté pour les provinces.
Le sénateur Stewart Olsen : Vous recommandez que le ministère des Affaires indiennes délimite les arrondissements, puis que les différents membres élisent les commissaires.
M. Richards : Essayez-vous d'établir un modèle unique pour tout le pays?
Le sénateur Stewart Olsen : J'essaie d'établir un modèle qui puisse être efficace.
M. Richards : Il faut un nombre suffisant d'écoles dans l'arrondissement. Deux écoles ne suffisent pas. Il faut certaines affinités culturelles entre les Premières nations représentées dans l'administration scolaire, ce qui faciliterait les choses.
Le sénateur Stewart Olsen : C'est ce que j'entends dire. J'en arrive aux modalités.
M. Richards : La suggestion d'ordre pratique que contient la recommandation que j'ai faite, c'est qu'il faudrait un gros montant d'argent pour inciter ces bandes à être solidaires. Ça coûte cher de fournir ces services de second niveau. Un des incitatifs que le ministère des Affaires indiennes peut mettre en place pour encourager les bandes des Premières nations à se regrouper, c'est la perspective que si l'on y arrive, le financement soit stable, à long terme et plus généreux.
Je ne peux pas parler au nom du ministère, mais je pense que ce qu'il voudrait, c'est que l'administration scolaire en question, de quelque type qu'elle soit, respecte ces cinq critères et peut-être un ou deux autres en plus.
Le sénateur Stewart Olsen : J'aime vos suggestions et j'aime cette idée. J'essaie seulement de voir comment on pourrait faire pour que ça fonctionne.
M. Richards : C'est une grosse question. C'est presque comme les débats sur les traités. Ça ne doit pas se faire du jour au lendemain. On constate une certaine bonne volonté. Ça varie selon la région, selon les enseignants faisant partie des systèmes provinciaux voisins, selon l'intérêt que portent les conseils à l'éducation, selon les enseignants et selon le ministère des Affaires indiennes.
Si l'on a la perspective d'une entente de principe et si elle est élaborée par les personnes appropriées avec lesquelles s'instaurerait une certaine confiance réciproque, il faudrait en discuter. Il y aura controverse.
Le sénateur Eaton : J'ai examiné assez longuement l'étude du sénateur Keon sur la santé des populations qui porte sur un grand nombre de communautés autochtones et inuites isolées du Canada et sur les problèmes qu'engendre cet isolement pour la santé de la population de ces communautés.
Vous parlez de création d'une infrastructure qui regroupe quatre ou six écoles d'une région présentant des similitudes culturelles, des contrats des enseignants, de leur recrutement et de leur licenciement et de programmes d'études spécialisés. Je suis bien d'accord pour tout cela. Cependant, comment transposez-vous ces critères à une bande autochtone, inuite ou métisse isolée du Nord? Pouvez-vous les regrouper de la même façon? Le Nord est très étendu. Est-ce que vous vous concentrez davantage sur un programme d'études spécialisé? Avez-vous des commentaires à faire sur cette situation?
M. Richards : Pour être honnête, si j'ai des compétences, c'est surtout en matière de réflexion sur les problèmes qui se posent dans les villes et dans les réserves du Sud. Vous abordez des questions qui doivent être examinées par votre comité. Je suis un peu au courant des questions provinciales concernant le Nord. On peut faire des progrès, mais c'est difficile. Ça aide d'avoir des structures ressemblant à un arrondissement scolaire; par exemple, ça permet de recruter de meilleurs enseignants en les faisant peut-être venir par avion. On organise une tournée pour permettre aux enseignants de se déplacer régulièrement entre quatre régions. On peut faire des expériences avec l'enseignement, quoique ce soit plus coûteux par étudiant. La Northland School Division, qui a eu de nombreux problèmes isolés, est située au sud du 60e parallèle et au nord de Fort McMurray. Elle s'est mise en difficulté ce printemps parce qu'elle n'avait pas maintenu une structure suffisamment cohérente pour cet arrondissement scolaire. C'est un arrondissement provincial, mais il a des problèmes analogues à ceux des écoles situées dans les réserves. Plus on va vers le nord, plus on voit des interactions informelles entre les structures provinciales et les structures locales des réserves.
De bonnes relations informelles avec les surintendants provinciaux et les directeurs d'école sont d'une importance capitale.
Il y a une heure, avant que nous ne soyons brutalement interrompus par l'alerte d'incendie, j'avais commencé à faire des commentaires sur les nombreux va-et-vient des étudiants entre les écoles provinciales et les écoles des réserves. Il existe de bons antécédents. En janvier, j'ai participé à la conférence organisée avec l'appui du ministère de l'Éducation de l'Alberta, au cours de laquelle ont été mises en vedette quelques histoires de réussite concernant des administrateurs scolaires des réserves, qui avaient une bonne collaboration avec les responsables provinciaux. On a fait venir une demi- douzaine de hauts fonctionnaires à Edmonton, depuis des directeurs d'école jusqu'à des administrateurs, qui collaborent dans les différents systèmes.
Ce n'est pas une réponse adéquate aux problèmes de santé des populations et aux taux de suicide élevés.
Le sénateur Eaton : Il s'agit d'un problème d'envergure. Merci pour votre franchise. Je me demandais si vous y aviez réfléchi.
M. Richards : Comment pourrait-on omettre d'y réfléchir? J'ai eu quelques bonnes discussions avec les habitants du Yukon. Ils sont fiers que leurs résultats soient supérieurs à ceux du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest. Ils pensent avoir bien fait certaines choses.
Le sénateur Eaton : Observe-t-on une différence entre les filles et les garçons, en ce qui concerne les taux d'obtention de diplôme de niveau secondaire?
M. Richards : Elle est très forte.
Le sénateur Eaton : Elle est la même que dans la population non autochtone.
M. Richards : Oui, et tant qu'à se pencher sur les séquelles du traitement subi par les Autochtones, l'écart croissant entre les taux d'obtention de diplôme chez les garçons et chez les filles, autochtones ou non autochtones, est un autre problème de taille qu'un comité du Sénat pourrait étudier plus tard.
Megan Scott, une étudiante qui a travaillé avec moi l'année dernière à la préparation du rapport volumineux sur lequel vous avez peut-être jeté un coup d'œil, fait précisément son mémoire de maîtrise sur ce sujet — le rôle que joue le sport pour retenir les garçons à risque à l'école. De bons programmes de sport sont l'outil par excellence pour aider les garçons autochtones à ne pas décrocher.
Le sénateur Eaton : Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie prépare actuellement un rapport sur l'accès à l'éducation postsecondaire. Il s'agit dans une large mesure d'écarts selon le sexe et de mentorat, les facteurs que vous avez mentionnés. C'est ce qu'on examine.
M. Richards : Bien. Pour ceux qui parlent couramment les deux langues, je signale que Jacques Ménard, un éminent expert financier de Montréal, à la BMO, a formé un prestigieux comité composé de gens d'affaires, d'éducateurs et d'universitaires, l'année dernière. Ce comité a publié un excellent rapport très fouillé intitulé « Savoir pour pouvoir », examinant la question des taux de décrochage élevés dans certaines écoles et dans certains quartiers du Québec. Je recommande aux membres du comité d'y jeter un coup d'œil.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci pour votre document très instructif. Si vous connaissiez plusieurs raisons pour lesquelles le taux de décrochage est aussi élevé chez les étudiants autochtones par rapport aux non autochtones, quelle en serait la principale?
M. Richards : L'histoire; à l'heure actuelle, au Canada, il n'y a aucun problème social plus grave qu'une certaine aliénation entre les Canadiens autochtones et les non autochtones. Je pense que les non-Autochtones font des tentatives légitimes de réconciliation, mais la méfiance subsiste — vous le savez probablement mieux que moi.
Le sénateur Lovelace Nicholas : J'ai quelques raisons en tête qui me viennent de l'époque où j'allais à l'école. Beaucoup de raisons sont liées au racisme et à la pauvreté et au fait que les parents sont généralement des assistés sociaux qui n'arrivent pas à donner ce qu'il faut à leurs enfants pour ne pas être en reste avec les voisins. À cause de cela, les membres des Premières nations se sentent inférieurs — je ne peux pas aller à l'école parce que je n'ai pas d'argent pour me payer le dîner. C'est l'expérience que j'ai vécue.
Le principal problème était le racisme. Je ne sais pas si la situation s'améliore un peu. J'ai dû recommencer à aller à l'école, car mes filles étaient victimes de discrimination.
Je ne pense pas que beaucoup de personnes soient au courant de ces problèmes, car il n'en est jamais question dans les rapports. Bien souvent, ces étudiants ne peuvent pas aller à l'école car leurs parents n'ont pas de véhicule pour les y conduire.
M. Richards : Le racisme existe; on fait de la discrimination. Je pense que c'est beaucoup moins répandu qu'avant, mais c'est là.
Le deuxième fait que je voudrais souligner, c'est qu'aucune réforme n'effacera jamais les antécédents historiques ni ne mettra un terme à la pauvreté. Nous essayons de voir en l'occurrence si les écoles font partie du casse-tête que pose la recherche d'un redressement de la situation. Ma contribution, dans la mesure où vous pensez qu'elle est plausible, consiste à dire que j'estime que les écoles ont une importance cruciale. Ça ne veut pas dire qu'elles représentent la solution à tout. Ça ne veut pas dire qu'elles élimineront la pauvreté comme telle. Et, même alors, c'est une question intergénérationnelle. C'est une question qui m'interpelle beaucoup. Je n'aurais pas consacré beaucoup de temps à y réfléchir et à travailler là-dessus si je ne jugeais pas que c'est extrêmement important.
Je signale aux dirigeants des Premières nations dans les réserves que c'est certainement dans leur intérêt, et aussi dans celui de tous les Canadiens, de faire en sorte que les écoles soient aussi bonnes que possible, tout en étant pleinement conscient du fait que ce n'est pas la réponse à tout.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suis d'accord avec ce que vous dites, mais j'estime que les Premières nations devraient avoir leurs propres conseils scolaires. Elles devraient avoir leurs propres écoles. Il y a, bien entendu, des non- Autochtones qui fréquentent des écoles des Premières nations et qui n'ont pas à subir tout ce que les enfants des Premières nations ont dû subir lorsqu'ils ont fréquenté des écoles non autochtones.
Il faut réaliser que nous devons vivre ensemble maintenant — aller à l'école ensemble, travailler ensemble. Peu importe le nombre de rapports que l'on fait, il faut réaliser que nous devons travailler ensemble, vivre ensemble et ainsi de suite.
Le sénateur Stewart Olsen : Bravo!
M. Richards : Je suis d'accord.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Ma deuxième question est la suivante : outre les administrations scolaires, y a-t-il d'autres réformes qui puissent aider les apprenants des Premières nations?
M. Richards : J'ai fait de nombreux commentaires sur l'importance capitale que j'accorde aux administrations scolaires. Voici un autre élément. J'ai montré au comité une diapositive soulignant le fait que probablement 80 p. 100 des enfants autochtones — incluant les Premières nations, les Métis et les Inuits — fréquentent des écoles provinciales. On a des preuves irréfutables que, lorsque le programme respecte la culture autochtone, les enfants réussissent mieux à l'école.
Ça peut être seulement de petites choses ou aussi de grandes choses. L'arrondissement scolaire catholique d'Edmonton a la réputation, dans l'ouest du Canada, d'être un des arrondissements scolaires les plus expérimentaux pour ce qui est d'essayer de faire participer les enfants. Il organise des pow-wows — ce n'est peut-être pas grand-chose, mais ça aide.
À supposer que l'on élabore le programme de littérature de la 12e année, il faudrait peut-être laisser tomber un roman portant sur l'Angleterre du 19e siècle et choisir un roman dans lequel il est question de la vie d'enfants autochtones et de leurs problèmes, ainsi que de leur perception de la vie à Winnipeg ou à Edmonton ou encore dans une autre région.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Ce sont des enfants intelligents; par conséquent, j'estime qu'il faudrait intégrer l'histoire autochtone aux programmes d'études, comme vous l'avez suggéré. C'était ma dernière question.
[Français]
Le sénateur Brazeau : J'ai écouté attentivement votre présentation et je vais parler des recommandations un peu plus tard. J'aurais un commentaire à faire pour des fins de clarification.
Dans votre présentation, vous avez mentionné le fait que les étudiants métis, grosso modo, font mieux que les étudiants des Premières nations.
Il est toutefois important de mentionner que, pour la plupart, à ce que je sache, les Métis ne fréquentent pas d'écoles spécifiques aux Métis. Peut-être y en a-t-il quelques-unes à travers le pays, mais je n'en connais pas personnellement. Également, les Métis n'habitent pas dans des réserves et font partie du système provincial. C'est une donnée importante à préciser lorsqu'on parle d'Autochtones, à savoir s'ils sont des Premières nations ou Métis.
[Traduction]
Ensuite, vous avez signalé les carences du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en matière de reddition de comptes. De toute évidence, je ne défendrai pas le MAINC à cet égard, car j'estime qu'il y a un écart dans les indicateurs de rendement en matière d'éducation. Le MAINC finance les écoles et les étudiants des Premières nations. Pourtant, on constate peu de progrès au chapitre de l'éducation.
Je ne crains pas de signaler également l'absence de reddition de comptes de la part de certaines communautés des Premières nations qui ne font rien pour régler la question de l'évaluation des progrès de leurs étudiants. Le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle dit que le gouvernement a compétence en ce qui concerne les Autochtones vivant dans les réserves. L'éducation est de compétence provinciale. Depuis des décennies, les dirigeants autochtones insistent sur le fait qu'il est important que les Premières nations aient le contrôle sur leur éducation.
Cela dit, je comprends clairement pourquoi il y a absence de reddition de comptes de part et d'autre. Le MAINC ne veut pas imposer d'indicateur de rendement aux Premières nations qui veulent avoir le contrôle sur leur éducation. Si le ministère imposait des indicateurs de rendement, ça créerait une tension entre lui et les Premières nations qui assurent l'éducation.
J'approuve la plupart de vos recommandations. En réalité, il se pose toutefois des problèmes de compétence qui compliquent la mise en pratique de ces recommandations pour améliorer la situation des étudiants autochtones. Ces obstacles juridictionnels ne signifient pas qu'on ne peut pas faire de progrès. C'est pour cela que le comité a entrepris cette étude. D'autres comités étudient cette question également. Elle a été étudiée à mort.
M. Richards : Il est à espérer que ce ne soit pas à mort.
Le sénateur Brazeau : Reconnaissez-vous que pour briser ces obstacles juridictionnels, il faudrait faire abstraction de la volonté politique des gouvernements provinciaux, du gouvernement fédéral et des gouvernements des Premières nations pour instaurer un système servant les intérêts des étudiants autochtones?
[Français]
M. Richards : Vous avez abordé trois grands volets, dont la performance des étudiants métis qui en constitue le premier. C'est quelque chose à noter. Il y a peut-être un danger dans cette discussion d'aborder surtout et seulement les difficultés.
Quand on regarde la performance des Métis, on constate un progrès considérable chez les plus de 45 ans et ceux âgés entre 25 et 34 ans. Le nombre de Métis ayant des diplômes universitaires a doublé. J'en conclus qu'il ne faut pas assumer que les fardeaux et les barrières sont infranchissables.
L'une des raisons pour lesquelles j'ai effectué cette étude en Colombie-Britannique auprès de plus ou moins toutes les écoles de la province où l'on retrouve un nombre important d'étudiants autochtones — je ne disposais pas des statistiques quant aux proportions exactes de Métis ou de membres des Premières nations — était pour noter à quel point quelques districts fonctionnent très bien, en partie à cause de chefs exceptionnels comme Clarence Louis, qui a la réputation de prôner l'école et son importance.
[Traduction]
On est optimiste. Il existe des cas où il est manifeste que les enfants des Premières nations, certaines écoles et les Métis en général s'en tirent bien.
L'absence de reddition de comptes de la part du MAINC est le deuxième grand thème que vous avez abordé. Le fait que l'on n'évalue pas la performance des enfants des Premières nations suscite de nombreuses critiques. La Colombie- Britannique est probablement, de toutes les provinces, celle où l'on a les meilleures données sur le rendement des enfants autochtones dans le système scolaire provincial. Cela inclut, grosso modo, la moitié des enfants des Premières nations qui vivent dans les réserves mais fréquentent des écoles provinciales, fait qui suscite de vives controverses.
Un grand nombre de dirigeants autochtones estiment qu'on ne devrait pas recueillir ce type d'information, car cela expose leur peuple aux railleries. L'enregistrement de la performance moindre des étudiants des Premières nations comporte un risque, car elle pourrait servir à déprécier les Autochtones. Il faut s'adonner à un exercice d'une importance cruciale, à savoir expliquer que ce n'est pas la principale raison d'utiliser l'information. Les administrateurs doivent l'utiliser pour améliorer les résultats, puisque c'est le but que nous poursuivons.
La recommandation 5, à la page 11, est une demande pressante qui s'adresse aux dirigeants des Premières nations, au MAINC et aux gouvernements provinciaux, pour qu'ils entament le processus d'évaluation de la performance des enfants autochtones. Si l'on ne sait pas où ils en sont, il n'y aura pas d'amélioration. Il existe différentes façons de le dire, mais c'est plutôt évident.
Le troisième sujet que vous avez abordé est celui de l'imbroglio juridictionnel. Je pense qu'il serait utile que des politiciens de rang supérieur comme vous-même, le premier ministre...
Le sénateur Brazeau : Je n'ai pas encore atteint les rangs supérieurs.
M. Richards : ... les premiers ministres des provinces, les chefs du Ralliement national des Métis et d'autres organisations importantes discutent constamment d'éducation. Ce n'est pas encore le cas.
J'ai assisté à de trop nombreuses réunions où l'on esquivait le problème de l'éducation des Autochtones. Certaines personnes estiment que je suis un vieux blanc et demandent de quel droit je fais des observations sur ce sujet. Nous devons tous discuter de ce problème. Comme l'a fait remarquer votre collègue, nous vivons tous ensemble. Il ne sera pas possible que ma province, la Saskatchewan, soit une communauté saine où il fait bon vivre si, au cours de la prochaine génération, les résultats en matière d'éducation des Autochtones ne s'améliorent pas considérablement.
À bien des égards, cet imbroglio juridictionnel est actuellement le cœur du problème, comme vous le comprenez mieux que moi. Les dirigeants des Premières nations craignent que ça n'entraîne une perte de leur compétence dans ce domaine et doutent que l'octroi de fonds supplémentaires par le ministère des Affaires indiennes pour l'éducation autochtone, sans réforme structurelle, apporte de réelles améliorations. Les dirigeants autochtones accepteront-ils qu'on fasse une évaluation? Quant à cela, est-ce que le syndicat des enseignants l'acceptera? C'est un autre aspect de la controverse.
Qu'en pensez-vous? C'est injuste que le témoin demande l'opinion des sénateurs. J'aimerais toutefois savoir ce que vous en pensez globalement, autant que vous êtes intéressés à savoir ce que j'ai à dire à ce sujet.
Le sénateur Lillian Eva Dyck (vice-présidente) occupe le fauteuil.
La vice-présidente : Le temps nous manque. Veuillez continuer, si vous avez une courte question à poser, sinon, nous avancerons.
Le sénateur Brazeau : Je me contenterai de répondre à la question.
Après avoir participé à de nombreuses réunions de la fédération nationale, auxquelles assistaient également des ministres de l'Éducation des différentes régions du pays, j'estime que ça se résume au problème de la compétence. Les dirigeants des Premières nations — y compris moi-même autrefois — mettaient l'accent sur le caractère indispensable de l'éducation. Les premiers ministres, les ministres de l'Éducation et le ministre fédéral discutaient de l'importance de l'éducation autochtone. Il existe de bons exemples de pratiques exemplaires. Je pense toutefois qu'il y a un manque de volonté politique de faire ce qui est nécessaire pour s'assurer qu'on améliore le système pour les étudiants. Comme vous, je me débats avec ce problème pour tenter de surmonter ces obstacles.
M. Richards : La tactique que je conseillerais — et vous avez une tâche plus difficile que la mienne, car je peux me retirer derrière mon mandat — c'est qu'il faut des ententes spéciales qui pourraient être tripartites, qui pourraient faire intervenir des bandes spécifiques, peut-être certains groupes autochtones hors réserve et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
En guise de mot de la fin, je dirais que l'un des précédents actuels les plus intéressants au Canada, c'est que la Colombie-Britannique a pris des dispositions en vertu desquelles chaque arrondissement scolaire est tenu de passer une entente sur l'amélioration de l'éducation des Autochtones (Aboriginal Education Enhancement Agreement) avec les intervenants autochtones locaux. Je suis le premier à dire que certaines ententes sont meilleures que d'autres, mais la Colombie-Britannique accorde aux arrondissements scolaires un incitatif financier pour faire preuve de sérieux.
Ils reçoivent 1 000 $ par an, outre les autres subventions accordées normalement par étudiant, pour chaque étudiant autochtone confirmé. Une des exigences, c'est que le surintendant de la commission scolaire rencontre les intervenants autochtones concernés du territoire couvert par l'arrondissement scolaire. Ça peut inclure des membres des Premières nations dans les réserves ou une organisation métisse locale. Ensuite, on conclut une entente portant sur le bilan de la situation actuelle et les objectifs à atteindre dans un délai de trois ou quatre ans.
Au cours de ces réunions, on discute des niveaux de présence aux cours et des résultats de l'évaluation des capacités de base, qui représente le type d'évaluation des étudiants effectuée en Colombie-Britannique, on fait le bilan de la situation et on établit les objectifs que l'on veut atteindre dans un délai de quatre ans. Cette allocation de 1 000 $ par an devrait permettre la mise en place de toute une série de programmes pratiques. Je présume que c'est un type de réforme pratique utile qui nous fera aller de l'avant.
La vice-présidente : On dirait que ça correspond à la réalité.
Le sénateur Poirier : Merci pour votre exposé et pour toutes les informations que vous partagez avec nous. Ma question s'inscrit dans la foulée des questions du sénateur Stewart Olsen.
Au Nouveau-Brunswick, le ministère de l'Éducation transfère des fonds aux arrondissements scolaires ou aux employés. Les conseils scolaires sont composés de commissaires élus qui gèrent les arrondissements scolaires. Ils ont le pouvoir de recruter ou de licencier le directeur et ils ont également le pouvoir de gérer le budget de l'arrondissement scolaire.
En ce qui concerne vos recommandations qui mettent en évidence l'importance de la création d'un arrondissement scolaire pour les Premières nations et d'un futur système d'éducation pour elles, pensez-vous que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien soit un organisme semblable au ministère de l'Éducation d'une province? Pensez-vous que le ministère des Affaires indiennes devrait transférer les fonds, comme ça se fait actuellement, aux bandes et que le conseil de bande deviendrait cet organisme? Il recruterait les membres de l'arrondissement scolaire et il faudrait des membres distincts...
M. Richards : Je m'excuse de vous interrompre. Je ne vous suivais pas. Pourriez-vous répéter?
Le sénateur Poirier : Comment envisagez-vous la situation dans cette structure? Pensez-vous que le ministère des Affaires indiennes devrait financer sans intermédiaire un arrondissement scolaire composé d'employés élus relevant directement du ministère? Pensez-vous au contraire que les fonds du ministère des Affaires indiennes devraient être transférés au conseil de bande et que celui-ci aurait la responsabilité de recruter et de mettre en place les employés de l'arrondissement scolaire?
Recommandez-vous que les membres du conseil scolaire soient tous élus au sein du conseil pour s'occuper de la gestion ou recommandez-vous que la bande soit la seule à en être chargée?
M. Richards : Ma recommandation — et je suis conscient du fait que je ne suis qu'un vieux blanc qui explique ce qu'on devrait faire dans une réserve —, c'est que j'aimerais que les commissaires scolaires soient élus directement. Je souhaiterais que les Premières nations concernées concluent une entente avec le ministère des Affaires indiennes au sujet de ce qui constitue une bonne gestion, dans le contexte de ce qu'on espère voir devenir un arrondissement scolaire. Dorénavant, le volet éducation du budget serait transféré à ce nouvel arrondissement scolaire; l'autorisation de dépenser qu'auraient les commissaires leur viendrait du fait qu'ils sont élus par les membres des Premières nations dans les réserves.
C'est difficile. Ça implique que les conseils de bande n'auraient plus le pouvoir de recruter, de licencier et de faire des dépenses pour cette école, dans leur Première nation respective. On ferait un transfert de fonds approprié et on confierait le pouvoir à un conseil scolaire dont les membres seraient élus.
Je suis certain qu'on peut s'inspirer de nombreux modèles différents et que nous voulons des précédents de réussite avant d'aller trop loin.
Le sénateur Poirier : Dans toutes les discussions que vous avez eues dans le cadre de la préparation de vos rapports et des travaux que vous avez déjà faits sur ces questions, avez-vous jamais eu le pressentiment de la réaction qu'auraient les conseils de bande à l'idée de perdre le pouvoir d'administrer leur système éducatif et d'abandonner ce pouvoir à d'autres membres des Premières nations de leur communauté? Le conseil scolaire élu serait composé de membres de leur communauté ou de la Première nation. Sont-ils réceptifs à cette suggestion ou à cette idée; en a-t-on d'ailleurs discuté?
M. Richards : On en a discuté, mais c'est une question qui suscite de vives controverses. Je prends l'exemple du First Nations Education Steering Committee en Colombie-Britannique. Comme vous le savez, en 2006, des négociations auxquelles a participé l'honorable Jim Prentice, quand il était ministre des Affaires indiennes, ont abouti à une législation fédérale et à une législation provinciale. Une entente tripartite a été passée entre le First Nations Education Steering Committee représentant les Premières nations de la Colombie-Britannique, le ministère des Affaires indiennes et le gouvernement provincial. On a promulgué des dispositions législatives permettant la création éventuelle d'administrations scolaires.
Jusqu'à présent, aucune action n'a été prise dans ce domaine. Je pense que la réticence des Premières nations au niveau de la bande à céder leur pouvoir ou à prendre des mesures concrètes concernant le choix des personnes qui devraient faire partie de l'administration scolaire pour qu'elle soit efficace en est la principale raison. Il serait certainement utile que le gouvernement fédéral, à savoir le ministère des Affaires indiennes, accorde un peu plus de fonds. Je pense que c'est le dilemme qui se pose.
Je me garde bien de présumer, en ma qualité de professeur, de ce que le ministère des Affaires indiennes est disposé à faire, mais certains hauts fonctionnaires du ministère ont laissé entendre que si des structures de gouvernance plus plausibles, répondant d'une façon ou d'une autre aux critères que j'ai suggérés, étaient en place, il serait disposé à se montrer plus généreux sur le plan financier pour que ces services secondaires soient gérés adéquatement. Ces fonds supplémentaires ne seront pas octroyés tant qu'une entente d'un type ou d'un autre n'aura pas été passée; vous connaissez d'ailleurs aussi bien que moi les difficultés que ça représente sur le plan politique. Vous êtes de bien meilleurs politiciens que moi. J'ai été législateur au palier provincial pendant la durée d'un mandat et j'ai été battu à plates coutures aux élections suivantes.
La vice-présidente : Il y a quelques instants, vous évoquiez l'idée qu'il faudrait des antécédents confirmant une certaine réussite, avant que nous ne nous engagions trop loin. Faudrait-il instaurer quelque chose comme un projet pilote pour démontrer qu'une entente semblable à celle qui a été passée en Colombie-Britannique indique que ces types d'ententes sont efficaces? Dans le cadre de ces projets, nous faisons participer les Premières nations dans un vaste domaine où il y a des mesures du rendement, et cetera. Dans le cadre de ces projets, nous avons certains morceaux en place et la théorie est que ça devrait bien fonctionner.
M. Richards : Faudrait-il établir un projet pilote? Oui. Je pense que les critères, en ce qui concerne les projets pilotes, sont qu'ils doivent être d'assez grande envergure pour penser que c'est le début d'un changement. De nombreuses écoles de réserve s'en tirent très bien, mais on a un sentiment de fragilité et on pense que la situation pourrait ne pas durer.
Il y a une échelle minimum. Il est essentiel de parler de certaines expériences auxquelles ont participé au moins 10 ou 12 écoles. J'estime qu'il faut avoir l'impression que ça répond aux cinq ou six critères clés de la bonne gouvernance et qu'il y a des résultats mesurables; pour ce qui est de savoir s'il convient de le faire en tenant un référendum auprès des membres des Premières nations sur les Premières nations concernées, je m'en remets à vous.
Ça pourrait se faire en parallèle avec vos délibérations et j'estime que vous pourriez jouer un rôle efficace de catalyseur, pendant vos déplacements à travers le pays, pour sensibiliser les gens et voir quels progrès on peut réaliser.
La vice-présidente : Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie, monsieur Richards, de nous avoir fait profiter ce soir de vos idées et de vos connaissances. Je suis certaine que le comité a glané de nombreuses idées au cours de son étude. Sur ce, j'ajourne la séance.
(La séance est levée.)