Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 8 - Témoignages du 15 juin 2010
OTTAWA, le mardi 15 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 31, pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (Sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public et aux téléspectateurs de partout au pays qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Je suis le président du comité, Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique. Notre comité entreprend une étude sur les stratégies possibles de réforme des systèmes d'éducation primaire et secondaire des Premières nations, dans le but de trouver des moyens d'améliorer les résultats scolaires. L'étude portera notamment sur les ententes tripartites en matière d'éducation, les structures de gouvernance et de prestation des services et les cadres législatifs possibles.
Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir M. David Newhouse, titulaire de la Chaire des études autochtones et professeur agrégé à l'Université Trent et membre du Conseil national de développement économique des Autochtones, ainsi que des représentants de la Fondation nationale des réalisations autochtones, Mmes Roberta Jamieson et Noella Steinhauer. La Fondation nationale des réalisations autochtones, ou FNRA, est une organisation caritative dont la mission consiste à promouvoir, à soutenir et à célébrer les réalisations des peuples autochtones du Canada, en partenariat avec des intervenants des secteurs privé et public.
Je demanderais aux témoins de s'en tenir à un exposé de cinq à sept minutes. Je sais que c'est difficile, mais nous voulons qu'il nous reste suffisamment de temps pour une discussion approfondie avec les sénateurs. Vous avez beaucoup d'informations à nous communiquer, et nous aimerions traiter de questions précises.
J'invite les sénateurs à poser des questions brèves. De plus, nous devrons nous garder quelques minutes à la fin de la réunion pour traiter d'autres affaires du comité.
Roberta Jamieson, présidente-directrice générale, Fondation nationale des réalisations autochtones : Bonjour. Comme nous sommes sur le territoire traditionnel de la nation algonquine, je commencerai ce matin par lui exprimer ma reconnaissance et la remercier.
Je tiens à féliciter le comité d'entreprendre une étude sur cet enjeu des plus importants. Ma participation à la Fondation nationale des réalisations autochtones me permet de rencontrer les membres des Premières nations qui vivent dans les réserves et à l'extérieur des réserves, les Métis et les Inuits. Comme j'ai vécu dans une réserve quand j'étais enfant, que j'ai franchi toutes les étapes du système et que j'ai un enfant qui est passé par ce système, je sais pourquoi cette étude est nécessaire. D'après mon expérience, un changement radical et immédiat est essentiel.
Je vous encourage à faire preuve d'audace et de courage dans votre travail. Aucune cause du programme d'action sociale n'a plus de valeur que celle-ci. Vous trouverez les solutions si vous placez les élèves en priorité — faites-le dans leur intérêt et dans celui du Canada.
La FNRA est une organisation caritative qui, depuis plus de 25 ans, vise à promouvoir, à soutenir et à célébrer les réalisations des Autochtones, en particulier de nos jeunes. Elle a le mandat ambitieux de les soutenir financièrement pour qu'ils réalisent leur énorme potentiel afin de pouvoir s'assurer un avenir meilleur.
À ce jour, la fondation a décerné plus de 37 millions de dollars en bourses à près de 10 000 étudiants, soit plus que toute autre organisation non gouvernementale, ou ONG, au Canada. En fait, de ce montant, 18,7 millions de dollars ont été décernés au cours des cinq dernières années. La fondation est considérée comme une organisation solide et crédible par les secteurs public et privé et elle est très respectée des organisations autochtones, des Premières nations, des Métis et des Inuits.
Nous orientons de plus en plus notre travail. Nous sommes connus pour les bourses que nous octroyons, et nous nous acquittons fort bien de cette fonction. Les modèles sont une source essentielle d'inspiration. Notre programme d'éducation postsecondaire fonctionne bien; toutefois, nous concentrons nos efforts sur les jeunes enfants, car le groupe démographique qui connaît la plus forte croissance, c'est-à-dire nos jeunes, est aussi celui qui est le moins susceptible de terminer ses études secondaires.
Nous travaillons avec acharnement. Nous nous sommes retroussé les manches. Nous organisons des conférences de motivation dynamiques pour les jeunes partout au Canada et dans le Nord. Nous mettons sur pied des tables rondes et des groupes de réflexion. Avec nos partenaires de l'industrie, nous nous rendons dans les salles de classe pour faire la promotion des carrières. Nous avons produit toute une série d'ateliers auxquels participent nos membres qui font carrière dans les domaines de la justice, du transport, de la télédiffusion et de la santé, et nous mettons nos jeunes en contact avec des employeurs pour le recrutement.
Nous écoutons la voix des jeunes Autochtones pour façonner notre travail. Sous la direction de Mme Noella Steinhauer, nous avons organisé des ateliers pour les jeunes à risque tant dans les régions urbaines que dans les réserves. Ils nous parlent de leurs problèmes. Pourquoi ne terminent-ils pas leurs études secondaires? Les drogues, l'alcool, l'intimidation, les gangs et la pauvreté sont les principaux facteurs de décrochage. Ils nous ont dit que le mentorat et le soutien sont pour eux des facteurs essentiels pour la réussite de leurs études secondaires.
Par conséquent, nous sommes en train de concevoir un programme de mentorat pour établir des liens entre nos boursiers, qui sont presque 10 000, et des classes entières de jeunes Autochtones de septième et huitième années, afin de favoriser la réussite de leurs études.
De concert avec l'Association des universités et collèges du Canada, nous tiendrons un sommet, plus tard cette année, sur les façons de combler l'écart relatif au rendement scolaire.
Nous avons notre nouveau et audacieux projet de réalisation, une initiative de recherche visant à désigner et à évaluer les éducateurs de partout au Canada et à les mettre en contact avec les conseils scolaires et les directeurs d'école. Ceux qui réussissent et contribuent à améliorer les taux de réussite des études secondaires pourront établir des contacts avec ceux qui ont besoin de soutien, d'aide, d'idées et de modèles. Je demande l'appui de plusieurs provinces. En principe, j'ai celui du gouvernement du Canada pour ce projet. Nos partenaires du secteur privé sont prêts à s'impliquer et à engager des ressources, pourvu que le secteur public prenne les devants.
Mesdames et messieurs les sénateurs, tout comme la FNRA, vous souhaitez que l'on améliore le système d'éducation de la maternelle à la douzième année, afin que davantage d'enfants des Premières nations qui vivent dans les réserves obtiennent leur diplôme d'études secondaires. Mais ensuite, qu'arrivera-t-il? Nous vous demandons de ne pas oublier que la plupart des jeunes qui obtiennent leur diplôme ne seront pas en mesure de poursuivre des études postsecondaires.
Nous travaillons d'arrache-pied pour soutenir ceux qui ont atteint les niveaux secondaires et postsecondaires. Dans le domaine de la santé, nous avons offert un soutien financier à 524 étudiants cette année. Ils avaient besoin de 11 millions de dollars, et nous avons pu leur donner 3 millions. Nous avons aidé des étudiants qui veulent devenir infirmiers ou infirmières, des candidats au doctorat, 129 jeunes qui veulent devenir médecins, et ainsi de suite. Des milliers d'autres étudiants des Premières nations sont qualifiés et prêts à poursuivre leurs études et ont été admis dans un établissement d'enseignement, mais ils n'ont pas les moyens de payer leur instruction. Je vous demande de ne pas oublier ces étudiants, car s'ils obtiennent leur diplôme d'études secondaires, nous ne pouvons pas les laisser tomber. Ils représentent un si faible pourcentage.
Je crois que nous devons agir, car les changements ne se feront pas tout seul. En 2004, la vérificatrice générale nous a dit qu'il faudrait 28 ans pour combler l'écart entre le taux de réussite des études secondaires des étudiants autochtones et celui des étudiants non autochtones. Il faudrait 28 ans pour combler ce fossé. Quelques années plus tard, en 2010, elle nous a dit que la situation s'améliore pour les deux groupes, mais que l'écart continue de se creuser. Le fait que nous ne réussissons pas à combler cet écart signifie que le Canada devra en payer le prix.
En 2009, j'ai recommandé au comité et aux attachés de recherche le rapport du Centre d'étude des niveaux de vie, qui contient une analyse économique rigoureuse de rentabilisation. Si nous comblions l'écart, nous pourrions économiser 115 milliards de dollars et augmenter le produit intérieur brut du Canada, ou PIB, de 410 milliards de dollars. Le rapport est un appel à l'action pour investir dans l'éducation autochtone.
Je ne voudrais pas que le public croie que les peuples autochtones n'aspirent pas à poursuivre des études supérieures. Environics Research Group a effectué une étude, l'année dernière, que je recommande au comité. Pour la première fois, on a interrogé des Autochtones et des non-Autochtones vivant en milieu urbain. Comme vous le savez, bon nombre de nos membres habitent en milieu urbain. On a constaté qu'ils aspiraient principalement à poursuivre des études supérieures et une formation et que le plus grand obstacle était pour eux le soutien financier.
Nous sommes donc confrontés à trois défis : premièrement, il nous faut accroître le nombre de nos diplômés du secondaire, tant dans les réserves qu'à l'extérieur des réserves. Deuxièmement, ceux qui veulent poursuivre des études postsecondaires doivent y avoir accès sur le plan financier, et nous devons éliminer les obstacles qui les en empêchent. Troisièmement, il nous faut l'infrastructure et le mandat législatif pour y arriver.
Je sais que le comité a entendu parler de l'infrastructure organisationnelle, dont j'aimerais discuter plus en détail durant la période de questions et réponses aujourd'hui. Quant à savoir s'il doit y avoir un conseil scolaire national, des conseils scolaires régionaux, une loi nationale sur l'éducation des Indiens, une loi sur l'éducation des Premières nations ou des ententes tripartites, il n'y a pas de réponse unique, ni d'approche universelle. Quand quelque chose fonctionne en Colombie-Britannique, ce n'est pas nécessairement le cas dans le Sud de l'Ontario ou dans le Nord. Des témoins vous ont donné des exemples de ce qui fonctionne pour eux. Nous vous demandons de faire preuve de souplesse.
Pour ce qui est des ressources financières, nous proposons une solution unique : il nous faut un mandat clair défini par la loi pour faire en sorte que les ressources soient disponibles. Le Parlement devrait adopter une loi pour que tous les enfants des Premières nations vivant dans les réserves aient accès à un enseignement équitable, financé au même niveau que celui de leurs voisins non autochtones. Le comité a entendu des témoignages convaincants, comme l'exemple qu'a donné le témoin de la Première nation de Pic River, qui montre que cela n'est tout simplement pas le cas aujourd'hui. Les études d'immersion en langue autochtone devraient recevoir le même niveau de financement que les études d'immersion en français. Les fonds attribués aux écoles des Premières nations devraient couvrir les mêmes installations que celles des écoles avoisinantes.
Le fait de demander cela au comité est la même chose, pour moi, que d'invoquer le Règlement dans le système politique canadien. Le rappel au Règlement sur le financement équitable devrait primer sur tous les autres travaux. Le rappel au Règlement pour qu'un financement équitable soit disponible maintenant ne peut faire l'objet d'un débat. Les provinces devraient-elles participer au financement? Je dirais que oui, car tout le monde a un rôle à jouer; mais ça, c'est un autre débat.
Il faut donner la priorité aux enfants. N'attendons pas que les différends entre le fédéral et les provinces soient résolus pour trouver les fonds. Selon le principe de Jordan, il faut d'abord fournir les fonds, puis décider si c'est le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial qui doit payer.
Un témoin a dit au comité, il y a quelques semaines, que nous devons cesser de faire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ou MAINC, un bouc émissaire. J'ai bien aimé ce commentaire parce que le MAINC ne peut pas fournir des fonds pour l'éducation des Premières nations si le Parlement n'en a pas affecté. Ce problème est celui du Canada, pas celui du MAINC. Je tiens à être claire, mesdames et messieurs les sénateurs : je vous demande de comprendre que vous pouvez et devez jouer un rôle crucial.
J'espère que le comité s'engagera à examiner cette question et à ne pas abandonner jusqu'à ce que tous les enfants des Premières nations aient accès à une éducation comparable à celle des autres enfants et que tous les étudiants qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires puissent le faire. Je crois que ce n'est pas trop demander au Canada. Quand cela se concrétisera, les Premières nations, les Inuits et les Métis pourront, encore une fois, participer activement à l'essor de leur communauté, du Canada et du monde entier.
Nia:wen kowa de votre attention. Je suis impatiente de prendre part à la discussion.
Le président : Merci, madame Jamieson. Vous avez la parole, monsieur Newhouse.
David Newhouse, président et professeur agrégé, Études autochtones, Université Trent, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui et d'entreprendre cette étude. J'approuve la plupart des commentaires qui ont été faits. Comme les professeurs font habituellement des exposés de 50 minutes, en faire un de 5 minutes sera tout un défi.
Je ne veux pas commencer en argumentant au sujet de la nécessité d'apporter des améliorations à l'éducation autochtone; on en parle abondamment dans bien des ouvrages de recherche et des documents politiques qui traitent de ces questions. Cela doit simplement faire partie de nos politiques gouvernementales. C'est important pour l'amélioration de la qualité de vie des Autochtones.
Nous appliquons un principe de contrôle autochtone de l'éducation autochtone depuis environ trois décennies. Il est important de prendre du recul et d'examiner ce que nous avons réalisé et ce qu'il nous faut faire pour aller de l'avant, si nous voulons mettre cette politique pleinement en vigueur. Au cours des 30 dernières années, nous avons élaboré une forme d'infrastructure des écoles autochtones; une université autochtone, qui connaît quelques difficultés ces temps-ci; des établissements d'éducation postsecondaire autochtones; et des ententes autochtones-provinciales sur l'éducation. Au moins, nous avons mis en place les éléments fondamentaux.
Dans l'avenir, il est important que nous établissions une institution autochtone nationale, un conseil national d'éducation autochtone, qui guidera tous ces efforts. Cela permettra de commencer à travailler en collaboration avec les conseils scolaires et les collèges tribaux locaux, les communautés locales des Premières nations, les établissements d'éducation postsecondaire des Premières nations et les provinces. Cela permettra de mobiliser les meilleures idées et les meilleures pratiques et de réaliser la recherche qui permettra de continuer à exercer des pressions.
Je suis président d'un département d'université depuis près de 17 ans et je m'occupe de questions autochtones dans un environnement universitaire. J'ai découvert qu'à moins qu'un haut fonctionnaire ne soit chargé de faire avancer les dossiers autochtones, les choses ne bougent pas beaucoup. Il est évident que les questions autochtones ne représentent qu'une partie des enjeux auxquels sont confrontés les politiciens, les parlementaires et le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada.
À moins que quelqu'un ne s'occupe des questions autochtones et ait la responsabilité de soulever ces questions sur diverses tribunes et d'exercer continuellement des pressions, presque rien ne bougera, et nous en serons au même point dans 28 ans. Nous commanderons les mêmes études et poserons les mêmes questions. Nous nous demanderons ce qui s'est passé et pourquoi l'écart n'a pas été comblé.
En Australie, on a déployé des efforts qui commencent à porter leurs fruits avec la création d'un conseil national d'éducation autochtone. Il est extrêmement important que nous offrions aux Autochtones ce genre d'attention et d'infrastructure nationales. Sinon, nous en serons au même point dans 30 ans.
En tant qu'universitaires, nous souhaitons que le système d'éducation puisse permettre aux étudiants d'acquérir au moins des compétences en lecture, en rédaction et en recherche. Ils doivent être en mesure de lire, d'écrire et d'effectuer des recherches. Ils doivent avoir des dispositions pour créer des connaissances et évaluer la création des connaissances. C'est très différent de ce que le système aurait produit il y a une vingtaine ou même une dizaine d'années.
Nous voulons également que le système permette aux étudiants de connaître et de comprendre leur culture, de savoir ce que représente le fait d'être Autochtones; nous souhaitons qu'ils puissent établir des liens avec le monde en tant qu'Autochtones, qu'ils soient membres des Premières nations ou qu'ils soient Métis, Inuits, Onondagas, Mohawks ou Cris. Il faut que le système aide les gens à définir et à comprendre leur culture de manière positive et qu'il leur donne l'envie d'y participer.
Il est important de comprendre que c'est non seulement l'infrastructure et l'organisation, mais également les attitudes qui font partie de la solution. Nous devons absolument commencer à considérer les Autochtones comme des contributeurs et à considérer leurs valeurs culturelles, leur éthique et leurs normes d'apprentissage comme des éléments importants qui favorisent l'excellence.
Nous ne pensons souvent aux étudiants autochtones que sur le plan de la survie. C'est à cela que nous consacrons nos efforts. Je reviens toujours sur un incident qui s'est produit dans le cadre de mes fonctions de président d'un département universitaire. À la fin de l'année, au moment où l'on détermine quels étudiants obtiennent des bourses universitaires — et à Trent, nous octroyons des bourses pour les compétences dans la langue ojibway —, les gagnants des bourses étaient des étudiants germanophones. Aucun des étudiants qui parlaient couramment la langue ojibway n'a gagné de bourse. Pourtant, c'était leur langue maternelle. Ç'aurait dû être facile pour eux.
Quand je me suis mis à y penser et à regarder ce que nous faisions, je me suis rendu compte que nous ne parlions que de la survie de nos étudiants. Nous leur demandions de survivre, et c'est ce qu'ils faisaient. Ils obtenaient des C. Les étudiants avaient fait ce que nous attendions d'eux. Nous devions commencer à changer notre discours. Nous devions commencer à leur parler d'excellence. J'ai commencé à discuter de la façon dont nous pouvions le faire et de ce que signifie être un Iroquoien instruit.
Mon grand-père parlait cinq langues. Mon arrière-grand-père a traduit la Grande loi de la Paix en anglais et l'a codifiée. Mon père était un président de la longue maison. Il était instruit. Nous parlons en fonction de la notion d'un esprit clair. Nous avons commencé à parler de l'excellence sur le plan culturel. J'ai parlé des verveux comme d'un très bon exemple d'excellence culturelle et de la capacité d'une personne d'aspirer à l'excellence et de l'atteindre. Pour bien exécuter la danse du cerceau, on doit pouvoir faire plusieurs choses en même temps et être conscient de son environnement, de son corps et de son esprit. On doit connaître le lien entre le corps et l'esprit. Si l'on veut bien interpréter la danse du cerceau, on doit avoir un esprit clair. Il est important pour nous de commencer à penser aux attitudes que nous adoptons dans le système d'éducation que nous mettons en place.
Enfin, il est important de ne pas négliger le milieu urbain. Environ 54 p. 100 de la population autochtone vit dans un environnement urbain. Cela ne changera pas. En fait, les études historiques à long terme révèlent que ce pourcentage augmente. Il y a un va-et-vient dans les réserves, mais dans l'ensemble, les Autochtones font partie de l'environnement urbain. Cela signifie qu'ils commencent à fréquenter les écoles publiques, pas seulement les écoles dirigées par les Autochtones. C'est là qu'ils commencent à être confrontés à la discrimination et aux préjugés, problèmes qui étaient soulevés dans l'étude de la firme Environics.
Nous devons faire en sorte de ne pas seulement mettre l'accent sur l'éducation et l'infrastructure autochtones, mais également de travailler avec les intervenants des systèmes d'éducation et d'infrastructure généraux dans le but de les aider à comprendre les enjeux autochtones et à créer un climat d'excellence pour les étudiants autochtones, afin qu'ils cessent de catégoriser les étudiants et qu'ils les aident à réussir.
Je sais que l'on en parle — j'ai lu les rapports de recherche. Je vois ce que les gens cherchent à accomplir. Toutefois, il faudrait l'aide d'un conseil national d'éducation autochtone pour commencer à attirer l'attention et les efforts sur cette question. Merci beaucoup.
Le président : Merci, monsieur Newhouse. Je présente mes excuses aux deux témoins. Le temps est notre plus grand ennemi ici.
Nous n'en sommes pas simplement venus à examiner cette question par hasard. Cela découle d'une initiative amorcée par le sénateur Sibbeston, qui vient des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons commencé par une étude sur le développement économique, dont M. Newhouse est au courant, et les choses ont évolué. Nous avons pu constater le lien entre le développement économique, la bonne gouvernance — sur laquelle nous nous sommes également penchés — et les élections. Nous avons pu constater, d'après les études que nous avons entreprises et les témoignages que nous avons entendus partout au pays, que l'éducation était la solution à tout cela.
Personnellement, comme je suis pilote professionnel, quand nous nous sommes rendus à Thunder Bay, en Ontario, à la Wasaya Airways, qui appartient à un groupe des Premières nations, j'ai demandé aux dirigeants de la compagnie combien, sur la centaine de pilotes qu'ils emploient, il y avait de pilotes des Premières nations. Ils m'ont dit qu'ils n'en avaient qu'un. Je leur ai demandé pourquoi, et ils m'ont répondu que les Autochtones ne possèdent pas les aptitudes nécessaires en mathématiques et en sciences pour satisfaire aux exigences. Voilà comment nous avons évolué.
Je ne m'attarderai pas sur le sujet; je voulais simplement vous donner un aperçu. Au nom des personnes qui siègent au comité depuis plusieurs années, sachez que c'est un processus évolutif qui nous a amenés là où nous en sommes.
Nous allons commencer la période de questions avec le sénateur Stewart Olsen.
Le sénateur Stewart Olsen : J'ai des questions pour vous deux; je vais commencer par M. Newhouse. Cela n'a rien de personnel, mais je crois qu'il peut être très avantageux pour les écoles non autochtones d'offrir un programme d'études autochtones. Je suis fière de ma province natale, le Nouveau-Brunswick, qui a annoncé que c'est précisément ce qu'elle faisait.
Il serait difficile de mener une étude nationale sur les Autochtones; il serait peut-être plus important d'effectuer des études régionales, sur les Micmacs et les Malécites, par exemple. Quel est votre avis au sujet du programme?
M. Newhouse : Le programme doit refléter les cultures et les nations locales. En Saskatchewan, on a décidé de se concentrer sur les questions relatives aux traités. C'est extrêmement important.
Le sénateur Stewart Olsen : Je vous remercie beaucoup.
Madame Jamieson, j'aimerais vous poser quelques questions, pour que ce soit clair. Les étudiants autochtones qui vont à l'université ont-ils le même accès aux prêts étudiants que les étudiants non autochtones? Vous dites qu'il nous faut davantage de financement. Je croyais — et c'est probablement une erreur de ma part — que les étudiants autochtones avaient accès gratuitement aux études universitaires. Est-ce le cas?
Mme Jamieson : Je vous remercie de cette question. Beaucoup de Canadiens croient que tous les Autochtones ont accès gratuitement à l'université durant toute leur vie, mais il n'en est rien. D'abord, des fonds sont disponibles pour l'éducation postsecondaire des membres des Premières nations. Cependant, ces fonds sont très limités et insuffisants pour permettre aux élèves ayant terminé leurs études secondaires de poursuivre des études postsecondaires. Il y a d'énormes besoins de ce côté. Beaucoup de chefs des Premières nations demandent d'augmenter le plafond de 2 p. 100, et c'est ce dont on parle.
Pour ce qui est de l'autre partie de votre question, oui, ils ont accès aux prêts étudiants. N'importe qui au Canada a la possibilité de présenter une demande de prêt étudiant.
Le sénateur Stewart Olsen : Quel serait le ratio, par exemple, des étudiants autochtones à qui l'on attribue un prêt par rapport aux étudiants non autochtones?
Mme Jamieson : Pour ceux qui demandent des prêts, le nombre est très bas. Toutefois, nous vérifions les besoins, les notes, l'identité autochtone et le choix de carrière de bon nombre d'étudiants que nous soutenons à la FNRA. Beaucoup d'entre eux obtiennent des prêts. Beaucoup ont fait tout ce qu'ils ont pu, mais n'ont tout simplement pas assez d'argent pour poursuivre leurs études. Il leur en coûte peut-être 1 000 $ pour la garderie, ou alors ils ont demandé l'aide de leur Première nation, mais elle n'a pas les fonds nécessaires.
Au cours des trois années où j'ai été chef des Six Nations, il y a une année qui m'a vraiment marquée : celle où nous avions 400 étudiants acceptés au collège et à l'université à qui nous ne pouvions pas offrir de soutien. C'était incroyable; nous étions très fiers d'eux, mais nous ne pouvions pas les soutenir financièrement.
Oui, ils ont accès aux prêts étudiants. Toutefois, réfléchissons-y un moment. Dans votre question, et cela m'a frappée, vous avez parlé d'un « même accès ». Ils peuvent présenter une demande. Toutefois, en général, il n'y a pas de programme de littératie en matière financière chez nous. De génération en génération, on vit de l'assistance sociale; il se peut que l'on soit la seule personne de toute sa famille qui a terminé ses études secondaires. La notion de prêts, de tout ce processus, le fait que l'on aura ou non les ressources nécessaires pour rembourser un prêt, tout cela est intimidant et inconnu. Il y a ici toute la question des connaissances sur le plan financier. Je ne dis pas que nos étudiants ne devraient pas demander de prêts, au contraire. Cependant, ne présumons pas qu'ils sont sur un pied d'égalité avec les étudiants non autochtones lorsque vient le temps de demander un prêt.
Le sénateur Poirier : Vous avez en partie répondu à ma question, car elle allait dans le même sens que celle de ma collègue, c'est-à-dire qu'elle portait sur la possibilité de présenter des demandes pour différents programmes relatifs aux études postsecondaires. Je comprends très bien que ce qui est difficile, c'est que les programmes sont là et que oui, ils peuvent faire une demande, mais que parfois leurs craintes sont différentes de celles des autres étudiants à cause, comme vous l'avez dit, de tout le contexte social et des doutes quant à leur capacité de réussir.
Le conseil de bande a-t-il des ressources ou des programmes pour aider les étudiants? Si les parents, les grands- parents et les autres membres de la famille de ces étudiants n'ont jamais fréquenté l'université et que le processus leur paraît extrêmement difficile, le bureau du conseil de bande peut-il leur offrir des conseils et les accompagner tout au long du processus? Leur offre-t-on de l'accompagnement pour les aider? Pouvez-vous les renseigner sur ce qui leur est offert, le processus de demande, et leur dire où sont offerts les divers programmes et où ils peuvent présenter une demande pour les mêmes bourses que celles offertes aux étudiants non autochtones?
Mme Jamieson : Dans certains cas, oui. Cependant, bien franchement, le financement disponible est terriblement inadéquat au niveau de la communauté. C'est un problème persistant. Vous avez entendu les histoires d'horreur. Nous entendons certainement parler des communautés qui reçoivent une somme donnée et dont le chef et le conseil doivent ensuite déterminer les besoins de la communauté et les ressources dont ils disposent. Par exemple, il se peut qu'il y ait de la moisissure dans les maisons et que l'eau soit contaminée par la bactérie E. coli. Ces problèmes doivent être réglés. Selon vous, où les fonds seront-ils investis?
Il faut placer la question dans ce contexte, parce que c'est la réalité. Ce n'est pas une illustration dramatique, mais une situation bien réelle. Cela dit, c'est l'une des raisons pour laquelle je dis que les étudiants sont une priorité. Nous devrions pouvoir mettre de côté des ressources pour investir dans l'éducation de tous les enfants autochtones afin qu'ils ne fassent pas les frais de cette décision très difficile concernant l'attribution des fonds. Nous devrions faire mettre ces fonds de côté, obliger le gouvernement à le faire et à le déclarer.
Je crois beaucoup aux résultats. J'ai agi à titre d'ombudsman en Ontario durant 10 ans, et je connais le pouvoir de présenter des rapports au Parlement et au gouvernement. Il nous faut une loi sur l'éducation autochtone ou une loi sur l'éducation des Premières nations qui permette de réserver des sommes et d'obtenir des résultats. Réclamons un outil qui exige la reddition de comptes et la transparence, réclamons ensuite la présentation d'un rapport annuel sur les améliorations relatives à la réussite des études secondaires, et soumettons la question à l'examen du public. Quand je parle à la population et aux PDG d'entreprises, ils me disent ne pas savoir quoi faire. Ils se sentent impuissants. On leur dit constamment que l'on alloue 8 ou 9 milliards de dollars aux Autochtones, mais la situation ne cesse de s'aggraver. Ils me demandent ce qu'ils peuvent faire.
Je suis d'accord avec vous, sénateur St. Germain, sur l'importance de l'éducation. C'est la raison pour laquelle je suis avocate, j'étais chef et j'étais ombudsman. Je travaille à la FNRA parce que c'est là que nous améliorerons les choses, d'abord pour les étudiants. Donnez-leur ce droit à l'éducation, et ils enrichiront leur famille, leur communauté et leur pays.
Le sénateur Poirier : Presque tous les témoins que nous avons entendus au cours des dernières semaines nous ont parlé de l'importance de la connaissance et de la compréhension de la culture.
Il y a les Micmacs, les Malécites et toutes les différentes tribus et nations. Je présume que chacune a sa propre culture, différente des autres. Pouvez-vous nous donner une idée de la façon de mettre en place un programme qui pourrait être enseigné non seulement dans les écoles des Premières nations, pour les aider à comprendre leur culture, mais également dans les autres écoles, afin que les non-Autochtones comprennent aussi cette culture? Comment pouvons-nous y arriver, alors qu'il y a tant de cultures différentes?
Mme Jamieson : Cela peut et doit être fait, absolument. Je vais demander à Mme Steinhauer de vous en parler. Elle a été enseignante et directrice d'école, et elle a effectué ce genre de travail sur le terrain. C'est notre directrice de l'enseignement. Vous avez tout à fait raison de dire que nos cultures sont très importantes. L'étude d'Environics indiquait que même si nous sommes dans un milieu urbain, nous tenons à notre culture, nous y sommes attachés et nous voulons la conserver.
Noella Steinhauer, directrice de l'enseignement, Fondation nationale des réalisations autochtones : C'est une question très importante. Les gens parlent de la culture, et sa signification est souvent mal comprise. C'est une façon de connaître et de voir le monde. C'est une question de perspective. Lorsque les Autochtones parlent de la culture, c'est de cela qu'ils parlent : le respect de nos formes de savoir.
Lorsque je travaillais pour le ministère provincial de l'Éducation, la grande question était toujours de savoir comment enseigner la culture. Toutefois, il est important de reconnaître qu'il existe d'autres formes de savoir. M. Newhouse a parlé de l'importance des compétences culturelles et de nous assurer que nous respectons toutes ces cultures.
Cela semble plus grand que ce ne l'est en réalité, parce qu'il faut vraiment que cela vienne de l'intérieur plutôt que d'en haut. Au niveau communautaire, c'est beaucoup plus facile de le faire que nous ne l'imaginions. J'ai été enseignante durant longtemps. Les plus fortes objections viennent toujours des enseignants, car ils croient devoir connaître absolument tout au sujet des Autochtones avant de pouvoir enseigner la culture autochtone ou parler des Malécites, des Cris ou des Mohawks. Cela ne fonctionne pas ainsi. J'ai été Crie toute ma vie, mais je ne connais pas encore tout au sujet des Cris.
Il s'agit vraiment de respecter ce savoir au niveau de la communauté, et surtout de respecter le fait qu'il existe différentes formes de savoir. En ce qui concerne le programme d'études et les résultats, il s'agit de reconnaître qu'il y a d'autres formes de savoir. C'est la première étape, car il y a tellement d'autres cultures. Bien souvent, nous reconnaissons celles qui sont exotiques, et pourtant, il y en a tellement d'autres dans ce pays que nous ne respectons pas de la même façon. C'est la façon globale d'envisager la situation. Toutefois, c'est une question qui relève de la communauté. C'est plus facile qu'il ne le semble.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je vous remercie de vos exposés. Il est bon de vous revoir, madame Jamieson. Vous avez parlé de cadres législatifs. À part cela, quelles mesures stratégiques pourraient être mises en place pour améliorer l'éducation dans les réserves des Premières nations?
Mme Jamieson : Je vous remercie de cette question. Je suis heureuse de vous revoir également.
Le cadre stratégique doit favoriser un programme approprié, qui différera partout au pays. Les peuples autochtones ont en commun leur histoire, leur respect de l'environnement et des différentes formes de savoir, et leur respect mutuel. Il serait très important que nous puissions enseigner cela. Nous pouvons transmettre nos connaissances sur la botanique et la vie végétale, et nous pourrions ouvrir les portes des écoles pour faire participer les anciens, les enseignants et les gardiens de notre culture, comme nous les appelons. Ce serait merveilleux, réalisable localement et peu coûteux.
C'est un merveilleux dialogue que j'aimerais voir se poursuivre. La politique en place devrait favoriser la rétention, la préservation et l'évolution de nos cultures autochtones, car elles ne sont pas figées dans le temps. Notre peuple change et évolue, comme n'importe quel autre, et nous devrions pouvoir prendre ce changement culturel entre nos mains et permettre cette croissance et ce développement.
Nous pourrions réclamer l'accès aux langues autochtones partout au Canada, tout comme nous offrons des services d'immersion en langue française, par exemple, même dans les milieux de travail, ce que nous ne faisons pas en ce moment. Nous ne reconnaissons pas les langues maternelles dans ce pays en ce qui concerne l'emploi, les augmentations salariales, les congés éducationnels, et cetera, et ce serait merveilleux de le faire, de montrer à nos jeunes comment ils peuvent fournir une contribution importante à leur propre communauté et à toute la population s'ils préservent leur langue.
Voilà les mesures que je mettrais en place. De plus, un cadre législatif pour assurer la surveillance et l'évaluation est absolument essentiel. J'encouragerais également l'encadrement, ainsi que le partage des meilleures pratiques, car même si nous sommes différents les uns des autres, nous pouvons aussi apprendre quelles techniques fonctionnent bien dans le Nord de la Saskatchewan ou de l'Alberta, par exemple, avec la Sunchild E-Learning Community. Il y a peut-être des leçons dont nous aimerions entendre parler en Arctique de l'Est, par exemple. Nous devrions partager ces choses.
Je mettrais également en place des mesures de soutien stratégique pour l'encadrement et la mise en commun des ressources. Tous ces efforts doivent s'appuyer sur la reconnaissance du fait que si nous perdons nos cultures et nos langues autochtones au Canada, celles-ci disparaîtront de la surface du globe. Il devrait donc s'agir d'une priorité pour notre pays, car c'est son âme autochtone sous-jacente qui le distingue du reste de la planète. Il est d'autant plus important de nous en pénétrer que les autres cultures sont désormais bien accueillies et appréciées
Regardez ce qui se passe en Nouvelle-Zélande avec la culture maorie et la validation de cette langue. Tous les Néo- Zélandais connaissent la culture maorie. Ils sont tous capables de vous dire quelques mots en maori. C'est une réalité qui est présente. Je pourrais vous en dire encore bien davantage, mais c'était quelques-uns des éléments stratégiques que nous devons comprendre et valider.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez dit qu'il serait bon que les Autochtones puissent réintégrer leur communauté après avoir fait des études pour enseigner à leur tour aux leurs. Si l'éducation est une bonne chose, il y a tout de même un « mais ». Bon nombre des collectivités n'ont pas les ressources nécessaires pour ramener ces gens instruits et leur offrir de l'emploi. On doit donc malheureusement les laisser partir à l'extérieur pour trouver du travail. Cela n'a rien d'inspirant pour les jeunes de la communauté. Je ne dis pas que l'éducation n'est pas inspirante, mais à quoi bon aller faire des études universitaires si c'est pour rentrer à la maison par la suite sans pouvoir trouver de l'emploi?
Mme Jamieson : Vous avez parfaitement raison, madame le sénateur. C'est pourquoi on a besoin d'un financement suffisant pour offrir les ressources appropriées aux étudiants, tant au sein de la communauté qu'à l'extérieur, car l'instruction ne sert à rien si la communauté ne peut pas en bénéficier.
J'ai pris connaissance avec grand intérêt des témoignages entendus par votre comité. Je crois que c'est un témoin représentant la Première nation de Pic River qui a indiqué qu'ils avaient reçu un total de 660 000 $ pour la planification et la conception d'un programme spécial d'éducation pour 81 étudiants. C'est un peu plus de 8 000 $ par étudiant. Si les études devaient se faire à l'extérieur de la collectivité, ils obtiendraient 15 000 $.
Nous devons nous pencher sur cette disparité manifeste. Vos analystes pourraient peut-être choisir 10 collectivités au pays afin d'effectuer cette comparaison pour votre gouverne. Il est difficile d'obtenir des chiffres. J'ai fait certaines recherches afin d'en obtenir pour vous illustrer cette disparité. Les gens vous donnent des exemples de cas vécus, mais les coûts ne sont pas établis de façon adéquate. Nous savons qu'il y a sous-financement chronique et que cette disparité existe bel et bien, mais personne ne fait vraiment de bilan, ce qui ne manque pas d'inquiéter la vérificatrice générale.
Le président : Je crois que personne ne conteste le fait que le financement est insuffisant. Nous avons entrepris cette étude dans le but de construire une fondation solide. M. Newhouse et Mme Jamieson ont tous deux fait valoir que des mesures législatives s'imposent et c'est vraiment l'orientation que prend notre étude. Il va de soi que le financement actuel ne suffit pas, mais nous devons mettre des structures en place et c'est la raison d'être de notre étude. J'aimerais que nous nous concentrions sur la façon de construire cette fondation pour que nous puissions ériger le système d'éducation sur des bases solides et éviter que des sommes y soient investies en pur gaspillage.
Monsieur Newhouse, voudriez-vous répondre à la question du sénateur Poirier concernant les différentes cultures qui existent? Comment devons-nous prendre en considération cet aspect culturel lorsqu'il s'agit de bâtir une infrastructure fonctionnelle?
M. Newhouse : Premièrement, du point de vue des résultats, il est important d'avoir une idée de ce que nous attendons de la structure que nous mettons en place. Nous voulons notamment que cette structure facilite les choix. Nous souhaitons que les étudiants puissent contribuer à l'économie du pays et s'épanouir au sein des sociétés canadiennes et autochtones. Nous voulons qu'ils aient le choix. Nous ne voulons pas forcer les gens à revenir dans des communautés qui n'ont pas d'emploi à leur offrir. Ce serait la catastrophe assurée. Cela ne ferait qu'augmenter le désespoir et les taux de décrochage. Ils doivent sortir du système d'éducation avec la possibilité de faire des choix et toutes les compétences requises pour exercer ces choix.
Deuxièmement, il est important de comprendre que la culture ne se limite pas à un ensemble de pratiques. La culture c'est une façon d'interpeller et de comprendre le monde; elle est assortie d'une combinaison de compétences et de connaissances qui varient d'une région du pays à l'autre. Les compétences et les connaissances nécessaires pour bien vivre au sein d'une culture de la côte Ouest sont différentes de celles requises dans les Prairies. Le système d'éducation doit évoluer en fonction de ces environnements différents. Nous ne nous attendons pas à ce que le système d'éducation de la Colombie-Britannique soit identique à celui de l'Ontario. Il doit y avoir certains résultats et dénominateurs communs, mais des variations régionales sont nécessaires. La culture de la Colombie-Britannique est très différente de celle de l'Ontario, qui elle-même se distingue grandement de la culture québécoise; la culture de l'Île-du-Prince- Édouard n'est pas celle de Terre-Neuve.
D'ores et déjà, nous permettons et encourageons des variations au sein de notre système d'éducation, et nous devons en faire de même pour la culture autochtone. En Nouvelle-Écosse, il faut tenir compte des éléments que les Micmacs souhaitent retrouver dans leur système. En Colombie-Britannique, la situation est beaucoup plus complexe, car on y retrouve un plus grand nombre de groupes culturels qu'ailleurs au pays. Les négociations seront difficiles sur l'arène politique, bien qu'il existe certains points communs.
Le système doit aider les gens à développer un sens du moi : je suis une personne autochtone qui peut interpeller le monde et y apporter ma contribution. Il est essentiel que les Autochtones puissent apporter leur contribution propre, comprendre leur culture — non pas comme un ensemble de pratiques, mais comme une façon de voir le monde et d'y évoluer — et aider les autres à la comprendre également.
Le sénateur Dyck : Bienvenue au comité. C'est agréable de vous recevoir tous aujourd'hui. J'ai eu la chance d'interagir avec chacun de vous auparavant. J'ai gardé d'excellents souvenirs de mes rapports avec la FNRA et de mes visites à l'Université Trent il y a environ cinq ans.
Je me souviens que vous m'aviez offert à cette occasion une fraise en manifestation de votre culture. Comme cela ne fait pas partie de la culture crie des Prairies, c'était tout à fait nouveau pour moi. Je ne savais pas à l'époque ce que cela signifiait, alors j'ai dû faire des recherches.
Pour notre étude sur l'éducation, nous avons choisi de mettre l'accent sur le primaire et le secondaire. Madame Jamieson, vous avez parlé de la nécessité d'assurer l'équité du financement entre les écoles des Premières nations et les autres écoles provinciales. Vous avez suggéré que l'on prenne des mesures législatives en ce sens.
Monsieur Newhouse, vous avez fait référence à un conseil national de l'éducation autochtone. Il y aurait sans doute interaction entre les deux. À quoi devrait ressembler selon vous le mandat législatif?
Qui serait chargé de l'élaboration du conseil national? Qui en ferait partie? Devrait-on le financer? De qui devraient relever les dirigeants du conseil? Nous ne croyons pas que le MAINC devrait être l'instance responsable, alors à qui devrait-on rendre des comptes? Faut-il créer une nouvelle instance gouvernementale? Le conseil devrait-il relever du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada?
M. Newhouse : Vous entrez dans le domaine de la politique, ce qui est toujours délicat. Comme je suis moi-même universitaire, je vous dirais que ce sont les universitaires qui sont les mieux en mesure de concevoir le tout, mais ce n'est peut-être pas la réponse que vous souhaitez entendre.
Lorsqu'il s'agit de gestion et de politiques publiques, il faut qu'un cadre supérieur soit responsable si on veut obtenir des résultats concrets. C'est la prémisse plutôt simple sur laquelle je base mon raisonnement. Comme il est question ici d'une priorité nationale, je verrais une organisation qui relève du Bureau du Conseil privé ou du Cabinet du Premier ministre, car l'importance l'exige. Peut-être même devrait-elle relever directement du Parlement, un niveau encore supérieur. Il faut en effet accorder à ce conseil toute l'attention voulue au niveau le plus élevé possible, sans quoi nous nous retrouverons dans la même situation dans 30 ans d'ici.
La conception même du conseil exige un certain niveau d'accord entre les trois groupes nationaux : l'Assemblée des Premières Nations, la communauté des peuples autochtones et les organisations inuites. On a également besoin de la présence de l'Association nationale des centres d'amitié (ANCA), ou d'une organisation qui travaille auprès des populations autochtones en milieu urbain. Ces groupes doivent conjuguer leurs efforts pour s'intéresser à ces questions. Ils ont tous pris la parole chacun de leur côté et tout le monde a déclaré que c'était important. Nous devrions être en mesure de dégager une certaine forme de consensus. Nous avons pu le faire pour le Centre de gouvernance des Premières nations ainsi que dans d'autres dossiers. Son rôle consiste à s'acquitter des fonctions de surveillance et de reddition de comptes dont Mme Jamieson a parlé.
Le tout devrait être inscrit dans la loi de telle sorte que la production d'un rapport annuel devienne une exigence. Qui plus est, on commence à commander des recherches, à apporter de l'aide et du soutien, répondant ainsi à un besoin criant.
Pour améliorer les résultats scolaires des jeunes Autochtones, il ne faut pas se tourner uniquement vers les enseignants. Il faut déployer un large éventail d'efforts par ailleurs. On doit s'intéresser aux questions de santé et de revenu, aux enseignements culturels des aînés, à la lutte contre la discrimination et à différents autres types de mécanisme de soutien. C'est une entreprise assez complexe. Un conseil national peut commencer à établir un modèle de programme et à définir les efforts requis, après quoi il peut devenir possible de commander des recherches et de concerter les plus grands esprits. C'est l'élément important.
Mme Jamieson : Merci pour la question, sénateur Dyck.
Je vais m'en tenir à la situation des Premières nations, car c'est le sujet de l'étude menée par votre comité. Il serait peut-être bon de faire un petit retour dans le passé jusqu'aux années 1980 pour consulter le Rapport du comité spécial sur l'autonomie gouvernementale des Indiens, communément appelé le rapport Penner. J'ai eu le plaisir de faire partie de ce comité. Le rapport a été accepté par tous les partis. Nous préconisions la création d'un mécanisme pour faciliter les relations entre le gouvernement fédéral et les Premières nations, un peu à l'image de ce qui se fait pour les relations fédérales-provinciales.
J'ai l'esprit pratique. Je veux que l'on injecte rapidement des fonds dans l'éducation au bénéfice des jeunes. Je ne crois pas que nous devrions attendre que les instances fédérales et provinciales et les organisations nationales en arrivent à un accord. Je représentais la Fraternité nationale des Indiens au sein du comité du Cabinet fédéral dans les années 1970. Dans les années 1980, ce furent les rencontres constitutionnelles et ainsi de suite. J'ai été témoin de ces démarches, qui ne sont pas sans importance, mais qui ont tendance à devenir de véritables créatures en elles-mêmes pendant que nos élèves continuent d'éprouver des difficultés.
Je voudrais que la loi garantisse des fonds pour chaque étudiant. Les taux d'échec sont trop élevés. J'aimerais donc que l'on instaure ce mécanisme qui offrirait un certain nombre de choix aux Premières nations, mais les obligerait en même temps à rendre des comptes et à agir en toute transparence. Elles pourraient offrir elles-mêmes l'éducation, ce que bon nombre d'entre elles ne manqueraient pas de faire si elles disposaient des ressources nécessaires. Elles pourraient choisir de confier les fonds à une instance tribale, car c'est une entité qui obtient d'excellents résultats dans certains endroits au pays. Elles auraient également la possibilité de lancer une initiative panprovinciale ou de conclure un accord tripartite avec le gouvernement de la province. On devrait leur offrir ainsi différentes options assorties de caractéristiques communes, comme le programme d'études et la langue. Nous en avons d'ailleurs déjà discuté.
Je voudrais également que l'on favorise et appuie davantage la capacité de recherche et la mise en commun des pratiques exemplaires. Ce processus devrait inclure l'institut de la FNRA, au sujet duquel vous trouverez de l'information dans la documentation qui vous a été fournie. Ce ne sera pas à la portée de toutes les Premières nations. Des économies d'échelle sont nécessaires, tout comme l'incubation et l'intégration des bonnes idées. Ce qui est merveilleux, c'est qu'on peut ainsi miser les uns sur les autres. La FNRA est d'ailleurs particulièrement efficace pour parvenir à dégager des ressources, à la hauteur des efforts déployés par le gouvernement fédéral, la province et différentes entreprises, autant d'intervenants qui souhaitent être des éléments de la solution. Il s'agit pour nous de leur fournir l'occasion d'améliorer les choses.
Les Canadiens souhaitent également contribuer à l'éducation de nos enfants. Plus j'entends parler de l'apport de la Commission de vérité et de réconciliation, plus je me rends compte que les Canadiens peuvent être soit bouleversés sans trop savoir quoi faire, soit à la recherche d'une façon de contribuer à un meilleur avenir pour nous tous. Y a-t-il un meilleur moyen pour ce faire que de favoriser l'éducation de nos jeunes de manière à ce que nous nous retrouvions tous sur le même pied? Il faut prévoir un rôle pour les organismes caritatifs comme la FNRA qui peuvent obtenir l'apport de ressources additionnelles et de nouveaux intervenants.
Pour que la situation puisse évoluer, il faudra des efforts des secteurs public et privé ainsi que des Canadiens eux- mêmes. Pour combler ces lacunes, nous devons nous mettre au travail dès maintenant. C'est la façon dont je vois les choses. Le conseil de l'éducation, c'est une idée formidable. Il pourrait permettre d'orienter les efforts de recherche et de relever le niveau général de réflexion de telle sorte que les plans d'action puissent aller de l'avant en collaboration avec les Inuits et les Métis. Si j'étais au Parlement, ce serait mon programme aux fins de l'éducation des Premières nations au cours des six mois à venir.
Le sénateur Hubley : Je vous souhaite la bienvenue. Je vous renvoie à la page 5 de votre présentation concernant le programme de bourses d'études et de perfectionnement pour 2009-2010. Pour le volet éducation, quelque 1 400 étudiants ont demandé une aide financière. Il y a 65 demandes dans les beaux-arts; 524 dans le secteur de la santé; et 722 pour l'éducation postsecondaire, le secteur le plus populaire. Qu'est-ce que le MTIPG?
Mme Steinhauer : C'est le Programme de bourses pour les métiers et techniques des industries pétrolière et gazière. Cette initiative exclusive à l'Alberta a été mise en œuvre par le secteur privé qui souhaitait inciter les Autochtones à choisir les métiers offerts dans ces industries. Pour les encourager en ce sens, on leur offre l'accès à des programmes d'apprentissage et de formation.
Le sénateur Hubley : Merci pour l'éclaircissement. Je vous félicite pour votre travail et pour ces bourses qui bénéficient aux étudiants. Au fil de notre étude sur l'enseignement primaire et secondaire, différents témoins nous ont dit chacun à leur manière qu'un enfant affamé ne peut rien apprendre ou qu'un enfant issu d'une famille dysfonctionnelle vit différentes difficultés qui ont souvent pour effet de reléguer l'éducation au second plan.
Notre système d'éducation actuel est assez exigeant. Notre société veut que son système d'éducation soit apte à régler bon nombre de problèmes qui ne relèvent pas des réalités fondamentales de l'existence. Dans le cadre d'un conseil national de l'éducation autochtone ou d'une stratégie nationale en la matière, comment tiendrions-nous compte de ces autres besoins spéciaux qui doivent être pris en charge par le système d'éducation si nous voulons commencer à rompre ce cycle?
Par exemple, plusieurs écoles offrent un programme de petits déjeuners pour les plus nécessiteux. Qui aurait pu croire qu'on en viendrait là? Nous voulons que notre système d'éducation soit complémentaire à nos styles de vie, ce qui fonctionne bien. La plupart des parents travaillent à temps plein et certains de nos jeunes sont laissés pour compte, sans que tous leurs besoins ne soient satisfaits. Nous voudrions que le système d'éducation comble ces lacunes. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Mme Steinhauer : Merci pour votre question. C'est une problématique fort complexe qui se pose à tous les districts scolaires publics et des Premières nations au Canada. J'ai été moi-même directrice d'école dans les deux systèmes. J'ai vu des enfants arriver à l'école le ventre vide. J'ai pu constater tous ces facteurs qui font que les enfants n'apprennent pas.
Mme Jamieson et M. Newhouse ont tous deux souligné l'importance d'examiner cette question complexe. Il nous a fallu beaucoup de temps pour y arriver, mais il faut avouer que c'est un problème qui comporte de multiples facettes intervenant à plusieurs niveaux, ce qui exigera une approche à plusieurs volets. Nous avons besoin de la participation des aînés dans les communautés. Certains districts scolaires sont déjà actifs en ce sens en créant un environnement communautaire au sein même de l'école grâce à la contribution des aînés, et constatent des résultats positifs. Bien des mesures semblables pourraient aussi être prises.
Malheureusement, notre société dans son ensemble s'en remet trop aux écoles du pays pour régler tous ces problèmes. Lorsque j'étais directrice, des parents voulaient que j'impose des mesures disciplinaires à leurs enfants parce qu'ils n'étaient plus capables de les contrôler à la maison. C'est un exemple des problèmes avec lesquels on doit composer. Nous demandons de plus en plus à nos écoles — non seulement au sein des communautés des Premières nations, mais dans l'ensemble de la société — d'enseigner des valeurs à nos enfants. Le système scolaire n'a jamais été prévu en ce sens, mais nos attentes à ce niveau ne cessent de s'accentuer.
Le problème est compliqué encore davantage par toutes les autres difficultés que les élèves autochtones peuvent amener avec eux à l'école. C'est extrêmement complexe. Quand on dit qu'il faut toute une communauté pour élever un enfant, c'est d'autant plus vrai que nos attentes envers nos écoles sont élevées.
Cependant, nos collectivités ne sont pas à la hauteur à bien des égards. Je parle des collectivités d'une manière générale, mais le problème est encore plus criant au sein de nos communautés autochtones. On y retrouve un grand nombre de communautés isolées les unes des autres qui doivent se débrouiller avec une problématique qui leur est propre. La situation de ces écoles devient encore plus difficile en l'absence d'infrastructure ou de mesures de soutien. Par exemple, l'enseignante d'anglais n'a souvent aucune ressource à sa disposition.
Le sénateur Hubley : J'ai entendu parler de cas semblables. Cependant, si nous voulons mettre l'élève à l'avant-plan et prendre en charge ce jeune à l'esprit vif dès la maternelle en s'assurant qu'il pourra passer d'un niveau à l'autre — et je ne dis pas réussir, mais on veut que l'enfant progresse — alors c'est un problème que le système scolaire doit régler. On doit faire le nécessaire à ce chapitre.
Nous allons immanquablement en venir à parler de financement. Cependant, la société demande au système scolaire de régler bien des problèmes qui, à une autre époque, auraient sans doute relevé du milieu familial. En raison de nos styles de vie actuels, ce n'est toutefois plus chose possible.
Si nous devons vraiment donner la priorité aux élèves, nous devons examiner ces aspects et mettre en place les systèmes de soutien nécessaire. C'est un défi de taille pour un système d'éducation qui travaille déjà aux limites de ses ressources financières.
C'est davantage une observation qu'une question. Je ne veux pas prendre trop de votre temps. Merci de votre réponse.
Le sénateur Raine : Je me réjouis de pouvoir vous entendre aujourd'hui. Voilà plusieurs années que je regarde la cérémonie de remise des Prix nationaux d'excellence décernés aux Autochtones.
C'est toujours un excellent spectacle, mais je ne m'étais jamais vraiment rendu compte à quel point vous étiez actifs avec ce programme de bourses et à quel point il est important que l'inspiration vienne d'en haut. Je vous en félicite.
Je regarde le tableau des bourses d'études et de perfectionnement accordées au cours des cinq dernières années. D'où viennent ces fonds? Quelle est la ventilation entre le gouvernement fédéral, la province et les partenaires privés? Y a-t-il une campagne nationale de collecte de fonds pour le financement de vos programmes?
Mme Jamieson : Merci pour votre question, sénateur. Pour vous donner une idée, il y a quelque 80 000 organisations caritatives au Canada. La plupart d'entre elles reçoivent 60 p. 100 de leurs fonds du secteur public; pour nous, c'est seulement 55 p. 100 environ. La plupart des organismes reçoivent entre 1 et 2 p. 100 de leur financement du secteur privé. Pour nous, c'est 30 p. 100. Le reste nous provient de fondations et de particuliers ainsi que des intérêts que nous percevons au titre d'un fonds de dotation alimenté pour nous par le gouvernement du Canada au fil des ans, ainsi que d'autres fonds semblables. Nous gérons actuellement un total de 26 millions de dollars en fonds de dotation pour l'éducation.
Nous encourageons les entreprises et les particuliers à faire leur part. Je me réjouis — et je me ferais d'ailleurs un plaisir de vous faire parvenir notre dernière publication à ce sujet — de la vaste gamme de sociétés privées qui apportent leur contribution parce qu'elles savent que les étudiants autochtones doivent être plus nombreux. Cela peut aller de la Citibank jusqu'à la Première nation de Fort McKay, en passant par Suncor Energy Inc. et la CIBC. Je suis également heureuse de pouvoir vous dire que certaines sociétés autochtones prennent maintenant l'initiative d'appuyer le travail de la fondation, mais il y a encore beaucoup à faire.
Le sénateur Raine : Quelle proportion de vos fonds couvrent les frais d'administration, comparativement à d'autres types d'organisations caritatives?
Mme Jamieson : Voilà une excellente question. La dernière fois que j'y ai répondu, nous dépassions à peine 13 p. 100, mais je sais en tout cas que nous sommes sous les 15 p. 100. De nombreuses organisations dépassent le seuil des 20 p. 100.
Le sénateur Raine : Félicitations. Notre étude porte sur les élèves de la maternelle à la 12e année. C'est bien de savoir que lorsque tous nos enfants seront diplômés, vous serez là, je l'espère, et que vous continuerez à prendre de l'expansion. Tous les étudiants universitaires, peu importe d'où ils viennent, ont du mal à payer les frais de scolarité. Les frais d'études augmentent; c'est difficile pour tout le monde.
Dans les collectivités de Premières nations que j'ai visitées, un groupe de bons élèves sont en haut de l'échelle; ils ont des familles qui les soutiennent, ils acquièrent des connaissances, ils reçoivent leur diplôme et ils deviennent super productifs. Toutefois, il est probable qu'un plus gros pourcentage n'obtienne pas de bons résultats et ait vraiment besoin d'une aide particulière. Cela exigera également d'énormes investissements. Quand on sait que vous venez tous de la bande Six Nations de Grand River, et que votre système scolaire est géré par le MAINC, on a fait du bon travail dans votre cas, chers amis.
Mme Jamieson : C'est vrai.
Le sénateur Raine : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le MAINC s'occupe toujours directement de l'éducation à Grand River? S'agit-il d'un bon modèle? Parlez-nous de votre expérience.
Mme Jamieson : Tout d'abord, je m'en voudrais de ne pas mentionner que Mme Steinhauer vient de la bande de Saddle Lake et non de la bande Six Nations de Grand River.
Cette question exigerait une autre audience. Pour des raisons politiques et historiques, la formation scolaire est toujours contrôlée par le MAINC. Elle est nettement sous-financée. Elle est nettement inadaptée et n'inclut pas les ressources de diagnostic nécessaires en counselling et en psychométrie. Toutes les Premières nations du Canada ont en commun les caractéristiques que j'ai soulignées.
Comment ai-je pu réussir dans ce système? Il y a des gens qui réussissent. Nous ne sommes pas en train de dire que tout est perdu. Je ne suis pas un génie. Je ne suis pas Einstein. J'avais l'appui de ma famille. Je fais partie d'une famille de huit enfants. J'ai des frères et des sœurs. J'avais une forte identité culturelle et un fort sens de qui j'étais, et j'avais des appuis solides. C'est ce qu'un grand nombre d'enfants n'ont pas. Pour bon nombre de jeunes avec qui nous travaillons de la maternelle à la douzième année — avec qui Mme Steinhauer tient des tables rondes —, la famille et le soutien sont les éléments les plus importants et beaucoup d'entre eux sont pris en charge.
Ces jeunes de 11 à 14 ans font face à de l'intimidation, aux drogues et à la prostitution, et ils se suicident. Ce sont des circonstances particulières uniques aux enfants autochtones au Canada. Toutes les villes ont des secteurs qui ont ces caractéristiques, mais nous en avons plus que tout le monde au pays. S'il vous plaît, prenez tous les aspects en considération.
Si vous voulez parler davantage des Six Nations, j'en serais ravie, car j'ai été une élève, une mère et une chef qui a tenté de changer le système d'éducation. J'aimerais vous raconter mon histoire en privé.
Le sénateur Raine : Très bien. Merci.
Le sénateur Brazeau : Merci de vos exposés ce matin. Madame Jamieson, votre exposé était convaincant, et je suis d'accord avec pratiquement tout ce que vous avez dit. Certaines choses m'ont frappé.
L'une d'elles concerne la question du mandat prescrit par la loi. Vous avez dit que vous étiez une personne pratique et qu'il devrait y avoir davantage de responsabilisation, de transparence et de résultats associés aux ressources qui sont dépensées par le gouvernement pour l'éducation autochtone, et je suis entièrement d'accord. Cependant, ce qui m'a le plus frappé, c'est que vous avez dit qu'en ce sens, on devrait donner la priorité aux élèves. Vous parliez de responsabilisation. Malheureusement, cela ne correspond pas au système que nous avons actuellement. La vérification interne du MAINC l'a confirmé. Le MAINC a également confirmé que les fonds ne sont pas nécessairement investis dans l'éducation autochtone alors qu'ils devraient l'être. Il y a également la question de toujours demander plus de fonds.
Bien que cela puisse être vrai, que penseriez-vous si le MAINC renforçait ses mesures pour faire en sorte qu'il y ait plus de critères axés sur les résultats pour les fonds actuels, pour s'assurer que les élèves vont à l'école, continuent d'aller à l'école et reçoivent leur diplôme, pour s'assurer que les administrateurs des fonds, les conseils de bande, investissent vraiment dans l'éducation l'argent qui y est destiné? Ce n'est pas un secret pour personne que le financement en éducation est l'une des seules sources de fonds où les conseils de bande peuvent puiser pour paver leurs routes et réduire leur dette. La reddition de compte est très faible pour ce type financement.
Avez-vous quelque chose à dire au sujet du système actuel et du besoin d'améliorer la responsabilisation?
Mme Jamieson : Pour ajouter à ce que j'ai déjà dit, je dirais que, oui, il faut davantage rendre des comptes et faire preuve de transparence. Toutefois, cela ne se limite pas au MAINC. Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas un problème du MAINC. Si l'on dit à ce ministère « nous savons qu'il faut 1 $; voici 4 cents, donc maintenant, faites mieux avec ces 4 cents », tout en sachant qu'on ne peut pas répondre aux besoins, mais qu'il faut rendre plus de comptes, quelle est la logique?
Dans ma Première nation, je devais produire habituellement 200 rapports par année pour le gouvernement. Savez- vous ce que cela signifie? Compte tenu du nombre de directives données par le Conseil du Trésor maintenant, j'aimerais que le Parlement agisse et établisse de simples cadres globaux qui comportent nécessairement la responsabilisation et la transparence, et qui exigeraient la responsabilisation de tous; pas seulement du MAINC, des conseils de bande ou des Premières nations, mais de tout le monde, et que le Parlement rende des comptes aux Canadiens pour l'éducation des enfants des Premières nations. C'est ce que j'aimerais voir se concrétiser.
Comme vous le savez, je ne m'oppose pas à la responsabilisation et à l'évaluation; nous les incluons dans chacun de nos programmes. Devrions-nous en faire davantage? Oui. À la Fondation nationale des réalisations autochtones, nous recueillons des statistiques que nous communiquons ouvertement; tout le monde devrait le faire, y compris le gouvernement du Canada.
Il ne s'agit pas seulement du MAINC, bien qu'il y ait assez de rapports, et il serait le premier à dire, « nous le savons ».
Le sénateur Brazeau : Je suis d'accord avec cela, ce qui m'amène à vous poser ma prochaine question. Nous parlons souvent de la responsabilité du gouvernement fédéral envers les Autochtones et l'éducation autochtone. Qu'en est-il des administrateurs des fonds pour l'éducation, encore une fois, des conseils de bande? Quels sont leurs rôles et leurs responsabilités dans tout cela?
Il y a environ trois semaines, une femme d'une Première nation du Nord a communiqué avec moi, car elle avait grandement besoin d'aide pour faire des études postsecondaires. Je sais que notre étude porte sur les enfants de la maternelle à la 12e année, mais quoi qu'il en soit, cette femme ne peut pas avoir accès au financement pour les études postsecondaires, car elle ne vit pas dans le Nord présentement; elle vit en Alberta. Comme la collectivité est visée par une entente sur l'autonomie gouvernementale, elle est responsable de l'administration des fonds pour l'éducation. Elle me demandait de l'aide. Je lui ai dit de documenter sa demande, ce qu'elle a fait. Le directeur de l'enseignement de sa collectivité lui a dit que si elle voulait avoir accès au financement pour les études postsecondaires, il fallait qu'elle retourne vivre dans le Nord pendant un an, et ensuite, on prendrait sa demande en considération.
C'est seulement un exemple parmi tant d'autres dont je suis au courant; cela se produit. Comme je l'ai dit, le MAINC admet que les fonds pour l'éducation versés aux collectivités ne sont pas nécessairement investis dans l'éducation.
Lorsque je vous entends dire que nous devrions donner la priorité aux élèves — et je suis totalement d'accord avec vous — qu'en est-il du rôle et des responsabilités des gens qui gèrent ces fonds et qui pénalisent leur propre collectivité?
Mme Jamieson : J'ai quelques questions à poser pour compléter ce tableau. Combien de personnes compte cette collectivité, et combien d'élèves sont admissibles à du financement? Combien d'élèves font des études postsecondaires et à combien se chiffrent les fonds alloués à cette collectivité au total? Il est facile de sauter à la conclusion que l'on prive cette personne de son droit.
Le sénateur Brazeau : J'ai les réponses à toutes ces questions.
Mme Jamieson : C'est très bien, car elles sont importantes pour brosser un tableau complet de la situation.
Nous avons tous la responsabilité, et il devrait en être ainsi, de donner la priorité aux élèves. C'est facile d'étudier les politiques autochtones, fédérales, provinciales et les politiques des Premières nations et de dire, non, c'est votre travail; non, c'est votre travail. Non, c'est notre travail à tous. Il faut vraiment accorder la priorité aux élèves et nous assurer que cette personne a le droit d'avoir accès aux ressources pour se réaliser pleinement.
Devrait-elle pouvoir le faire dans sa collectivité? Oui. Si elle ne le peut pas, devrait-elle avoir une place où aller? Oui. Ces élèves ont-ils cette place maintenant? Pas vraiment. Il faut nous pencher sur ces situations pour établir un système qui accorderait la priorité aux élèves.
Je peux vous donner de nombreux exemples du revers de la médaille. Je dis seulement, gardons les élèves et ce qu'ils peuvent apporter. Je suis consciente de ce que le sénateur St. Germain a dit un peu plus tôt : la question financière est importante, mais ce n'est pas la seule question. Si nous voulions étendre la discussion pour savoir ce que nous perdons en tant que pays en n'aidant pas ces jeunes à contribuer et regarder cela par ce bout de la lorgnette, je ne crois pas que nous aurions tant de difficulté avec les politiques publiques, car nous perdons à un point tel que nous ne donnons pas à ces gens la possibilité de contribuer le mieux possible à ce pays, qui est le leur et qu'ils aiment.
Je ne sais pas si cela vous est utile.
Le sénateur Brazeau : J'ai une dernière question brève au sujet du mandat prescrit par la loi. Certaines collectivités progressistes ont conclu une entente tripartite pour tenter d'élaborer un cadre qui fonctionnerait pour elles, et cela devrait être applaudi. Vous avez également indiqué qu'aucune approche uniformisée ne s'appliquerait à tous. Encore une fois, peut-être qu'un mandat prescrit par la loi serait nécessaire dans bien des parties du pays; ou peut-être que non. Cela étant dit, que dire du fait que beaucoup de collectivités, ou que les dirigeants de ces collectivités, s'opposent aux lois qui sont créées dans leur intérêt ou qui les touchent? Comment surmonter ces barrières, surtout lorsque cela fait intervenir les provinces?
Bon nombre de Premières nations sont réticentes à l'idée de faire intervenir les provinces. Encore une fois, nous avons cette question des compétences à laquelle personne ne veut s'attaquer, mais elle existe, et à mon avis, c'est une barrière qu'il faut surmonter pour pouvoir aller de l'avant. Le gouvernement fédéral a compétence sur les Autochtones qui vivent dans des réserves, et les provinces ont compétence sur l'éducation. Comment nous faut-il surmonter ces barrières auxquelles personne ne veut s'attaquer?
Mme Jamieson : Sénateur Brazeau, vous avez posé beaucoup de questions. Je vais vous donner un aperçu.
Beaucoup de collectivités se considèrent progressistes et administrent leurs propres écoles d'immersion et n'ont peut- être pas conclu d'ententes tripartites. Il existe plusieurs façons de faire qui peuvent être ou non progressistes.
Au comité sur l'autonomie gouvernementale des Indiens, nous avons été aux prises avec la question de la prescription ou de la facilitation. Je crois que vous serez d'accord avec l'idée que bon nombre de Premières nations sont très réticentes à ce que le gouvernement du Canada légifère à leur sujet. Toutefois, il y a une différence entre légiférer à leur sujet et légiférer pour obliger le Parlement à mettre de côté les fonds nécessaires pour soutenir les élèves. Je vous dirais que ce type de dispositions que l'on voit dans d'autres programmes au pays ne seraient certainement pas condamnées. Elles ne seraient pas normatives ou prescriptives. Cela ne conférerait pas plus de responsabilités aux Premières nations, mais cela favoriserait la réussite des élèves et permettrait d'inscrire dans une loi la nécessité d'allouer des ressources. Je ne crois pas qu'on se heurterait à ce problème.
Le sénateur Demers : Merci du très bon exposé. Je suis ici depuis plusieurs mois, et j'ai pris des notes. Je vais seulement faire une remarque pour laquelle vous pouvez sans doute me répondre. Chaque fois que nous venons ici, la première chose dont nous parlons, c'est de l'argent. À mon avis, il nous faut tout d'abord parler de structure. Nous pourrions vous donner tout l'argent du monde, mais il nous faut d'abord la structure.
Nous avons parlé des enfants autochtones qui se rendent à l'école sans avoir déjeuné, mais au Québec, des enfants non autochtones vont également à l'école sans avoir déjeuné. Croyez-vous que trop d'Autochtones sont victimes de préjugés et de discrimination et qu'il y a trop d'obstacles? Le sénateur St. Germain a soulevé un point intéressant au sujet des pilotes. Il a dit qu'un seul pilote était autochtone. Ils doivent être intelligents. Il y a beaucoup de membres des Premières nations intelligents. Cela m'a vraiment frappé.
M. Newhouse : L'étude menée par Environics a révélé que la plupart des Autochtones sont victimes de discrimination et de préjugés dans le milieu urbain, et c'est probablement la même chose dans d'autres milieux. Il est certainement important de tenter de changer les attitudes des gens dans le système.
Au cours de la dernière année, j'ai participé à la réforme de l'éducation autochtone en Ontario et à l'élaboration du nouveau programme d'enseignement. Il a été difficile d'obtenir un point de vue contemporain des Autochtones dans ce système. Ils veulent se concentrer sur l'histoire, qui est certes un élément important, mais il a été difficile de faire valoir l'idée que les Autochtones sont des gens de notre époque, qui sont tournés vers l'avenir, qui commencent à bien vivre aujourd'hui et qui font face aux questions du monde d'aujourd'hui. Les stéréotypes culturels à l'égard des Autochtones persistent et il est difficile de changer cette situation. On met beaucoup d'efforts à tenter de la changer. Ils existent et ils ont des effets. Ils amènent des regroupements d'élèves dans les écoles, également.
La structure est importante, mais il faut nous demander ce que nous voulons que la structure accomplisse, et ensuite combien de fonds sont nécessaires pour atteindre cet objectif. Par la suite, nous pouvons parler d'équité. La question de l'équité est extrêmement importante, mais il ne faut pas nous en tenir qu'à cela. Nous avons besoin d'un système qui, au moins à court terme, en fera plus. Si nous voulons combler la lacune, il faut y investir plus d'argent que dans les systèmes d'enseignement réguliers. La question de l'équité est importante, mais il nous faudra peut-être être plus qu'équitable pendant un bout de temps. La Commission royale sur les peuples autochtones en a parlé également. Elle a parlé du besoin de financement pour rattraper le temps perdu, qui correspond dans ce cas à une période de 15 ans. Cependant, cette idée n'a pas eu beaucoup de soutien. J'espère que dans ce contexte on aura un certain soutien.
Le sénateur Sibbeston : Je pense que vous êtes tous brillants et intelligents, et je suis heureux de votre présence.
C'est tellement important que les parents soient une source d'inspiration pour leurs enfants et leur montrent également que rien ne se produit tout seul. Il faut faire des choses pour inspirer les enfants. Je vais vous raconter une histoire à propos de ma mère.
Quand j'étais jeune, ma mère me disait qu'un jour, j'allais porter un col blanc ou une chemise blanche. Dans ma région, on vivait de la chasse et du piégeage, et ma mère savait que c'était une vie très difficile. Les seules personnes qu'elle voyait en ville, c'étaient les prêtres, qui avaient un col blanc, et les enseignants. Je dois dire que j'ai vraiment trahi les attentes de ma mère pour ce qui est de la prêtrise; je n'ai pas du tout cheminé dans cette direction. Pour ce qui est de l'enseignement, je suis allé à l'université, et durant les trois premières années, j'ai étudié en éducation. Toutefois, j'ai manqué mon coup et plus tard, je suis devenu avocat.
Je dis qu'il est tellement important d'être une source d'inspiration pour les enfants, de les encourager et de leur montrer qu'ils peuvent faire quelque chose. Je vais prendre l'exemple des Dogribs des Territoires du Nord-Ouest. Ils forment le groupe le plus traditionnel pour ce qui est de chasser, de pêcher et de vivre de la terre. Cependant, depuis l'ouverture des mines de diamants sur ce territoire, il y a eu une grande vague d'embauche. En quelques décennies à peine, les gens de cette collectivité sont passés d'une vie traditionnelle à une vie industrielle, et leurs enfants réussissent tellement bien. Des élèves suivent une formation. À l'aide de l'argent qu'ils reçoivent des mines, ils les subventionnent pour qu'ils puissent y aller en famille.
Vous avez fait allusion aux sociétés et à l'industrie. Pourriez-vous en parler? Lorsque nous parlons d'éducation, nous nous concentrons sur les gouvernements et le fait que ces derniers doivent verser plus d'argent, et cetera, mais croyez-vous que le rôle de l'industrie et des entreprises privées au pays devient plus important dans l'éducation des Autochtones? Ont-elles une responsabilité et des obligations, si l'on veut?
Mme Jamieson : Je dirais que oui, elles en ont, et c'est ce qu'elles souhaitent, pour les raisons que M. Newhouse vient d'invoquer au sujet de l'importance de l'équité. Toutefois, il faut faire des investissements majeurs même pour donner aussi à nos jeunes la possibilité de réussir. La population du Canada vieillit. Notre manque de main-d'œuvre est bien connu et les jeunes Autochtones, notre main-d'œuvre disponible, ne finissent pas leur secondaire. Nous devrions pouvoir remédier à cela. L'industrie le constate.
Les PDG de sociétés avec lesquels j'ai discuté le constatent et sont prêts à apporter leur contribution et à augmenter le nombre d'employés. Cependant, ils veulent, et sont en droit de s'attendre à ce que cela se produise, que le gouvernement assume le rôle principal, investisse la part du lion et apporte les changements, qui doivent être transformationnels. On ne peut se contenter d'obtenir un peu plus, de poursuivre dans le même sens ou d'avoir des règles plus serrées. L'éducation de nos jeunes doit subir des changements transformationnels.
Nos jeunes ont également besoin de savoir qu'ils ont un avenir devant eux. C'est l'une des plus grandes difficultés auxquelles nous faisons face. Lorsque nous tenons des salons des carrières pour les élèves du secondaire et que nous nous rendons dans les salles de classe accompagnés de personnes qui sont des modèles à suivre, que ce soit par vidéo ou en personne, c'est un moyen efficace. Les élèves nous disent que ces expériences changent leur vie, car pour la première fois, ils voient que c'est possible, qu'ils valent quelque chose et qu'ils peuvent rêver et réaliser leurs rêves. Ils peuvent voir que quelqu'un se soucie d'eux et les appuiera, qu'il existe un monde pour eux s'ils persistent. Malheureusement, beaucoup de jeunes n'y croient pas. Il leur faut voir qu'il y aura du travail à long terme; il leur faut voir que c'est possible et que c'est à leur portée. C'est pourquoi les modèles sont si importants.
Chacun joue un rôle. Diavik Diamond Mines Inc., qui fait maintenant partie du groupe Rio Tinto, est l'un des acteurs qui appuient les études postsecondaires, mais pour ce qui est des plus jeunes élèves, ils veulent que le gouvernement joue le rôle principal dans nos collectivités. Ils vont compléter le tout avec des programmes de petits déjeuners, mais ils veulent que le gouvernement du Canada en particulier, mais aussi les gouvernements provinciaux et les gouvernements des Premières nations agissent en tant que chefs de file.
Le président : Nous avons des accords tripartites et un grand nombre d'installations provinciales. Je ne laisserais jamais entendre que le gouvernement fédéral devrait se dérober à ses responsabilités fiduciaires envers les Premières nations. Toutefois, les provinces ont maintenant des installations, et les cultures sont similaires dans bien des provinces. Au Manitoba, il y a les Ojibways et les Cris.
Je n'ai peut-être pas bien compris, mais vous n'avez pas vraiment parlé de cet aspect. Il nous faut être pratiques. Il serait grandement avantageux pour les provinces que nos collectivités autochtones comptent une main-d'œuvre spécialisée. Ce serait un avantage socioéconomique énorme. Il y a tellement de gens des Premières nations qui sont en prison, c'est ridicule.
À votre avis, y a-t-il un danger à travailler très activement avec les provinces? Le gouvernement fédéral tentera de vous soutenir. Cependant, à mesure que nous élaborons ce cadre législatif, devrions-nous songer d'abord et avant tout aux provinces?
Mme Jamieson : Je ne suis pas contre les accords tripartites. Si vous avez eu cette impression, permettez-moi de la dissiper, s'il vous plaît.
Le président : Ce n'est pas que j'ai eu cette impression; c'est seulement que nous n'en avons pas beaucoup discuté.
Mme Jamieson : Ce que je dis, c'est qu'il ne faut pas avoir une approche uniformisée. Si cette façon de faire fonctionne pour les collectivités de la région, nous devrions opter pour cela parce que si l'on investit, elle portera fruit. Cela ne fonctionnera pas partout. J'éviterais de limiter les fonds à une seule approche. On devrait donner des choix.
Certaines collectivités ont leur propre système qui fonctionne dans un environnement d'immersion qui n'est pas du tout associé au système provincial. S'il donne de bons résultats, c'est formidable. D'autres ont conclu des accords tripartites. S'ils portent fruit, c'est formidable. Nous devrions faire tout ce qui donne des résultats positifs.
Je veux souligner ce que M. Newhouse a dit à propos des résultats. Nous voulons réussir. Examinons soigneusement ce qui fonctionne et pourquoi. Évaluons cela et parlons des aspects qui fonctionnent. C'est ce que nous voulons faire à l'institut de la Fondation nationale des réalisations autochtones que nous sommes en train de mettre sur pied. Nous voulons également entreprendre des projets pilotes sur les questions que vous avez soulevées un peu plus tôt, comme le fait que des enfants ne déjeunent pas. Dans certaines régions, c'est la responsabilité des parents d'amener les enfants à l'école au départ qui est en cause. L'une de nos collectivités veut travailler avec nous à un projet pilote pour changer cela.
Il y a de la place pour tous ces aspects, et ce devrait être le cas, car, comme nous l'avons dit auparavant, nous sommes très différents partout au pays.
Je n'ai pas discuté longuement des accords tripartites. Cependant, je sais qu'ils fonctionnent à certains endroits, notamment en Colombie-Britannique, et les collectivités les appuient. C'est merveilleux, mais permettez-nous de conserver une marge de manœuvre pour utiliser d'autres approches dans d'autres endroits pourvu qu'elles mènent aux résultats que nous voulons obtenir.
Le sénateur Raine : Vous nous avez donné passablement de quoi à réfléchir. Merci beaucoup.
Le président : C'est vrai.
Le sénateur Sibbeston a fait preuve de l'honnêteté et de la franchise qui règnent au sein de notre comité, même si je ne suis pas sûr que rater des études en éducation et faire des études en droit soit nécessairement la norme.
Chers collègues, malheureusement, nous allons perdre une personne qui a grandement contribué au comité au cours des dernières années. Je siège à ce comité depuis environ 17 ans, et j'ai été témoin du bon travail que les gens font, y compris nos sténographes, nos interprètes et nos greffiers. Nous avons également les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement.
Je dois vous aviser que nous perdons l'une de nos personnes clés. Tonina Simeone, notre recherchiste, a choisi d'aller ailleurs, et je ne la blâme pas. Elle a fait un travail incroyable pour nous. Nos rapports sont rédigés par les recherchistes; nous y contributions considérablement, mais ils en sont les artisans. Les mesures législatives sur les revendications particulières étaient quasiment analogues à notre rapport, qui a été rédigé par Mme Simeone et d'autres personnes.
Tonina, merci de tout ce que vous avez fait pour nous. Que Dieu vous bénisse pour l'avenir. Si jamais vous vouliez revenir, vous serez toujours la bienvenue.
Le sénateur Dyck : J'aimerais remercier Tonina également. Elle a fait un travail d'une qualité exceptionnelle. J'ai passé bien des années à l'université aux études supérieures, et je sais que son travail est exceptionnel. Tous les membres du comité le diront.
Le président : Merci. Nous travaillerons maintenant à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)