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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 28 septembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, pour étudier les progrès faits relativement aux engagements pris par les parlementaires des deux Chambres depuis les excuses présentées par le gouvernement aux anciens élèves des pensionnats autochtones.

[English]

Marcy Zlotnick, greffière du comité : Honorables sénateurs, en tant que greffière du comité, il est de mon devoir de vous informer de l'absence du président. Le sénateur St. Germain devait être ici ce matin, mais il est malheureusement malade et ne peut pas voyager.

[Translation]

Étant donné les circonstances, je dois présider l'élection d'un président suppléant. Je suis prête à recevoir une motion à cet effet.

Le sénateur Hubley : Je propose que le sénateur Larry Campbell occupe le poste de président suppléant pour aujourd'hui.

Mme Zlotnick : Y a-t-il d'autres propositions? L'honorable sénateur Hubley a proposé que l'honorable sénateur Campbell préside notre comité. Plaît-il au comité d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Mme Zlotnick : Je déclare la motion adoptée et j'invite le sénateur Campbell à occuper le fauteuil.

Le sénateur Larry W. Campbell (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Merci beaucoup. Je n'ai pas vu de fumée blanche sortir de la cheminée; je ne suis donc pas certain de la légitimité de l'élection.

Bonjour. Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public et à tous les téléspectateurs canadiens qui regardent les débats du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la chaîne parlementaire ou en ligne. Je m'appelle Larry Campbell. Je suis originaire de la Colombie-Britannique et je suis le président suppléant du comité.

Le comité a pour mandat d'examiner les lois et les questions qui touchent les peuples autochtones du Canada en général. Nous nous rencontrons aujourd'hui conformément à un ordre de renvoi qui nous demande de faire l'étude et de rendre compte des progrès faits relativement aux engagements pris par les parlementaires des deux Chambres depuis les excuses présentées par le gouvernement aux anciens élèves des pensionnats indiens.

En juin 2008, le premier ministre Harper a présenté des excuses au nom du gouvernement canadien aux survivants des pensionnats indiens. Dans la présentation des excuses, le premier ministre a déclaré que toute la politique d'assimilation mise en œuvre par le programme des pensionnats était injuste et a causé des torts énormes. Il s'est engagé à promouvoir la guérison, la réconciliation et le règlement des tristes séquelles laissées par les pensionnats et à mettre en œuvre la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Nous allons entendre parler de cette convention de règlement, négociée en mai 2006, pendant les témoignages de nos deux groupes de témoins de ce matin.

Avant d'écouter nos témoins, permettez-moi de présenter les membres du comité présents, en débutant par le sénateur Patterson, du Nunavut. Ensuite, nous avons le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Brazeau, du Québec, le sénateur Greene Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Demers, du Québec et la dernière, mais non la moindre, le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Honorables sénateurs, accueillons les gens de la Commission de témoignage et réconciliation : le président, l'honorable juge Murray Sinclair, et les deux commissaires, Marie Wilson et le chef Wilton Littlechild. Bienvenue à vous trois. Veuillez nous présenter votre exposé, puis nous poursuivrons avec les questions des sénateurs. Vous avez la parole.

L'honorable juge Murray Sinclair, président, Commission de témoignage et réconciliation du Canada : Je vous remercie de cette occasion de nous entretenir avec votre comité au sujet des excuses présentées par le gouvernement et tous les chefs des partis de la Chambre des communes en juin 2008.

Nous vous avons remis un exemplaire de notre exposé. On nous a demandé d'accorder beaucoup de temps aux discussions, et je tiens à assurer aux sénateurs que je n'ai pas l'intention de lire la totalité de notre exposé. Nous vous l'avons remis pour votre lecture personnelle et nous vous encourageons à le parcourir.

J'aimerais particulièrement attirer votre attention sur deux histoires qui nous ont été contées au cours de notre événement national. L'une des histoires concerne un jeune homme du nom de Patrick Etherington qui est parti de Cochrane, en Ontario, et a marché 1 200 kilomètres pour venir nous parler des enfants des survivants. Son histoire se trouve dans le document que nous vous avons présenté.

Il y a aussi l'histoire d'une femme qui a enseigné à Edward Gamblin alors qu'il fréquentait l'un des pensionnats. Son histoire parle de sa réconciliation avec Edward. Vous trouverez cette histoire dans notre document. Veuillez s'il vous plaît la lire attentivement.

Nous, les commissaires de la Commission de témoignage et réconciliation, avons quelques points qui, selon nous, méritent d'être communiqués à votre comité et par votre entremise au reste du Canada. Nous avons entrepris une très importante mission au Canada.

Premièrement, dans la mesure où les Autochtones du Canada sont concernés, il est réaliste de dire qu'il n'y a pas un Autochtone qui n'a pas été touché par l'histoire des pensionnats. Les séquelles des pensionnats au Canada ont miné chaque élément de la vie sociale des Autochtones canadiens. Tous les problèmes des collectivités autochtones sont liés, d'une certaine façon, à l'expérience des pensionnats et aux effets que les pensionnats ont eus sur la vie des Autochtones canadiens.

Les pensionnats ont eu un tel effet dramatique sur les Autochtones du Canada, que les gens croient parfois qu'il s'agit d'un problème autochtone. Ce n'est pas le cas. Toute la population canadienne doit réfléchir à ce problème et le régler. Dans les pensionnats, les Autochtones se sont fait dire que leur culture et leur langue ne méritaient pas d'être protégées. Ils se sont fait dire que leurs coutumes n'avaient pas de valeur et qu'elles n'étaient pas pertinentes pour l'avenir du pays. Chers sénateurs, au Canada, les enfants non autochtones d'âge scolaire ont entendu le même message. Le racisme est devenu monnaie courante dans les pensionnats, et nous devons nous rendre compte que le racisme a aussi eu un rôle à jouer dans les systèmes d'éducation publique du pays au fil des années. Pendant que les Autochtones dans les pensionnats se sont fait dire qu'ils étaient inférieurs, par la force des choses et inconsciemment, les non-Autochtones canadiens se sont fait dire qu'ils étaient supérieurs.

Cette image et cette relation ont entaché la nature des contacts et les expériences que les Autochtones et les non-Autochtones ont vécues au fil des années. Nous devons comprendre que si nous voulons que la discussion au sujet de la réconciliation ait un certain mérite, nous devons trouver un moyen de corriger cette mauvaise relation et d'établir une nouvelle relation saine. Il s'agit là du problème auquel nous faisons face à la Commission de témoignage et réconciliation.

Au cours de la dernière année, depuis notre nomination à titre de commissaires, nous avons essayé d'examiner certains éléments en lien avec le travail de la commission. Le mandat de la commission est très vaste, et une importante somme d'argent nous a été accordée pour accomplir notre travail, mais, en toute honnêteté, elle est insuffisante par rapport à l'étendue de notre mandat. Néanmoins, nous nous efforçons de nous acquitter rapidement de toutes les obligations dont nous avons été chargés.

Nous disposons d'un mandat de cinq ans pour régler les 150 années de tensions dans les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones du Canada. Sept ou huit générations d'Autochtones ont fréquenté les pensionnats, et cela a engendré d'énormes difficultés auprès des Autochtones canadiens. Nous voyons des difficultés sociales à très grande échelle et des enfants pris dans le système d'aide à l'enfance, des Autochtones pris dans le système de justice pénale et d'autres qui sont aux prises avec des dysfonctions familiales. Nous entendons parler de taux plus élevés que jamais en matière de violences familiales. Toutefois, au même moment, nous assistons à une explosion démographique de la population autochtone : quelques fois et dans certaines régions canadiennes, le taux de natalité et le taux de croissance de cette population sont de huit à dix fois plus élevés que dans le reste du pays.

Ainsi, si la population non autochtone commence à vieillir au Canada, l'âge moyen de la population autochtone est beaucoup moins élevé. Nous devons comprendre que la situation est différente chez les Autochtones canadiens. Ces jeunes gens héritent des séquelles des pensionnats.

Patrick Etherington nous a parlé de ce qu'il ressentait en tant que survivant d'un survivant. Ces enfants hériteront des séquelles des pensionnats, mais plus important encore, nous devons imposer à ces enfants la responsabilité d'assainir la situation dans l'avenir. Cette responsabilité demande d'inclure autant les jeunes Autochtones que les jeunes non-Autochtones. Chers sénateurs, vos enfants, vos petits-enfants et vos arrière-petits-enfants hériteront de ce conflit. Nous devons nous interroger : que ferons-nous à ce sujet? Que leur donnerons-nous? Quels outils leur donnerons-nous pour qu'ils puissent être capables de remédier aux problèmes auxquels nous faisons face?

Où se situe le problème? Les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones ne sont pas harmonieuses. C'est là le problème qu'il faut régler. Ce n'est pas uniquement une question de conditions sociales qu'il faut améliorer, de revenu moyen qui est de beaucoup inférieur. Ce n'est pas uniquement une question de problèmes de santé qui sont plus importants, de taux d'incarcération qui sont plus élevés. Ce n'est pas uniquement que davantage d'enfants relèvent des organismes de protection de la jeunesse. À l'heure actuelle, le problème réside dans le fait que, de façon systémique, nos relations ne sont pas harmonieuses. Nous ignorons comment nous aider ou nous entraider.

Le respect est essentiel dans toute relation, mais il doit être mutuel. L'estime de soi est également nécessaire. Dans le discours que nous avons prononcé devant les Nations Unies plus tôt cette année, nous avons fait valoir que, si nous demandons aux Autochtones de respecter les institutions, le gouvernement et le peuple canadien, sans leur donner, en contrepartie, l'occasion d'acquérir l'estime de soi qui débouchera sur un sentiment d'appartenance à notre pays, cela équivaut à leur demander quelque chose de difficile, voire d'impossible à réaliser. Nous réussirons à donner aux jeunes Autochtones l'occasion d'acquérir cette estime de soi en les aidant à comprendre exhaustivement leur propre histoire. Nous devons notamment leur fournir des explications à cet égard, de sorte que les jeunes Autochtones et les peuples autochtones soient au courant de la place qu'ils occupent dans notre pays.

La politique sur les pensionnats autochtones visait à imposer l'assimilation des Autochtones, ce qu'elle a réussi, dans une certaine mesure. Beaucoup d'Autochtones se sont assimilés, ce qui ne fut cependant pas le cas de la vaste majorité. Nous devons parvenir à trouver la solution pour que la très grande majorité des jeunes Autochtones perdent ce sentiment de non-appartenance et d'exclusion. Il faut tabler notamment sur l'éducation. La situation actuelle est une répercussion des pensionnats autochtones, et nous estimons que c'est en misant sur le système d'éducation que nous commencerons à offrir des réponses aux futures générations.

Nous devons adopter une approche multigénérationnelle. Il faut comprendre que ce manque d'identité et de relations harmonieuses remonte à de nombreuses années. Nous devons chercher une solution à long terme. Nous savons que la réconciliation ne verra pas le jour au cours de notre mandat quinquennal et que nous ne pouvons qu'entamer le dialogue, ce qui est néanmoins essentiel.

Dans notre documentation, nous abordons les mesures que nous avons prises pour satisfaire aux obligations que nous a imposées la Convention du règlement dans le cadre de notre mandat, précisant les activités que nous avons entreprises, les principes que nous respectons et le magnifique soutien que nous offrent les parties prenantes.

Le gouvernement du Canadien s'est efforcé de nous aider à satisfaire aux obligations de notre mandat. Les églises n'ont également pas ménagé leurs efforts, visant deux objectifs : nous aider à satisfaire nos obligations tout en s'acquittant de leurs propres responsabilités.

Les problèmes à résoudre sont immenses. Nous devons rassembler de nombreux documents, établir un centre de recherche national, recueillir les témoignages de tous les survivants disposés à collaborer avec nous. Tels sont les problèmes auxquels nous faisons face.

Nous devons organiser sept événements nationaux. En juin dernier à Winnipeg, nous en avons tenu un, qui s'est révélé fructueux et dont vous avez peut-être lu les détails dans notre documentation. Le prochain aura lieu à Inuvik dans les Territoires du Nord-Ouest. Vous êtes tous invités à y participer pour montrer aux Autochtones et à tout le Canada que leur avenir compte énormément à vos yeux.

Il y a des étapes à franchir. Il faut montrer la voie, et vous avez un rôle à jouer à cet égard.

Je vous remercie du temps que vous nous avez accordé et j'espère que notre documentation vous brossera un tableau plus exhaustif des objectifs de la commission. Nous comprenons que vous désiriez davantage de dialogue. Nous sommes à votre disposition. Cependant, je vous encourage à parcourir les documents que nous vous avons fournis.

Le président suppléant : Merci infiniment. Monsieur Sinclair, j'ai regardé la carte qui figure dans votre documentation. Je dois vous avouer que j'ignorais totalement quel était le nombre de pensionnats au Canada. Je pensais que je connaissais bien le dossier, mais je n'avais aucune idée de l'ampleur du problème. Lorsque je regarde cette carte, je suis abasourdi.

Vous avez parlé de sept événements principaux. En quoi consistent-ils?

M. Sinclair : Ces événements nationaux visent surtout à rassembler les parties prenantes et les survivants pour que ces derniers puissent dialoguer entre eux et faire connaître publiquement leur histoire à la population canadienne.

Lors de ces événements nationaux, nous avons recours aux cercles de partage pour permettre aux survivants de s'exprimer. À cause du nombre de survivants qui se sont présentés à notre premier événement national, il nous fut très difficile d'accorder suffisamment de temps à chaque intervenant pour qu'il puisse nous faire part de son expérience, car nous ne disposions que de quatre jours. Dorénavant, la commission recourra davantage à un autre modèle, se rendant dans les diverses collectivités pour entendre les témoignages et s'assurer que tous les survivants pourront s'exprimer.

Lors d'un événement national, nous sommes tenus d'offrir la parole à toutes les parties prenantes à la convention — le gouvernement, les églises et les organisations autochtones —, de façon à faciliter le dialogue sur la réconciliation et, plus particulièrement, à favoriser cette réconciliation.

Nous estimons que ce dialogue en est encore à son stade embryonnaire. Les définitions du terme « réconciliation » se comptent littéralement par douzaines, mais je pense que la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens proposait un modèle s'apparentant à la justice réparatrice, l'objectif visé étant d'amener les gens à poursuivre positivement leurs relations. Les problèmes du passé sont abordés dans cette optique afin que les relations reposent sur une base plus solide. Pour toute démarche de réconciliation, c'est l'approche que nous proposons aux participants.

Le nombre de participants au premier événement national nous a passablement surpris. Nous espérions attirer un grand nombre, mais à notre surprise, 10 000 personnes se sont présentées en moyenne à chacun des quatre jours pour y aborder la question des pensionnats, ce qui révèle, selon nous, l'intérêt et les préoccupations des Autochtones à l'égard de ce thème. D'après nous, environ la moitié de ces participants étaient des survivants des pensionnats, l'autre moitié étant des membres du public qui voulaient savoir ce qu'il en retournait.

Le président suppléant : J'aurais une dernière question. Avez-vous une idée du nombre de ces survivants?

M. Sinclair : Nos chiffres se basent sur le nombre de personnes qui ont demandé un paiement d'expérience commune, qui disent avoir vécu dans un pensionnat. N'oubliez pas que la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, à laquelle nous nous référons, énumère les pensionnats en cause et décrit les types d'étudiants qui fréquentaient ces écoles. Certains étudiants étaient des pensionnaires. Cependant, d'autres ne faisaient qu'assister aux cours sans être pensionnaires. En vertu de la Convention, ils ne sont donc pas admissibles à un paiement d'indemnisation parce qu'ils n'étaient pas pensionnaires, habitant peut-être dans une collectivité avoisinante.

À la conclusion de la Convention de règlement, on estimait qu'environ 150 000 de ces pensionnaires étaient encore vivants. À peu près 100 000 avaient demandé un paiement d'expérience commune pour avoir été pensionnaires. Approximativement 75 000 de ces demandes, ou les trois-quarts, ont été approuvées.

Je ne suis pas convaincu que c'est là le nombre total. Vraisemblablement, un certain nombre de pensionnaires ont refusé, je pense, de présenter une demande d'indemnisation. Nous savons que certains n'ont pas encore admis à leur famille avoir été des pensionnaires. Je soupçonne donc que le nombre total de ces pensionnaires est plus élevé.

Bien entendu, le nombre total est beaucoup plus élevé si vous tenez compte des étudiants non pensionnaires et de ceux qui ont fréquenté des pensionnats ne figurant pas sur la liste des établissements reconnus.

Le sénateur Hubley : Bienvenue parmi nous. Votre travail suscite en nous de grands espoirs et beaucoup d'attentes. J'espère que les témoignages de ces pensionnaires favoriseront la guérison, que le fait qu'ils vous racontent leur histoire aura notamment cet effet.

Vous avez fait allusion à l'éducation. Très souvent, les comités cherchent l'élément déclencheur qui permettra aux gens de comprendre qui ils sont et qui favorisera la promotion de leur culture. Nous nous intéressons grandement à l'éducation. Notre comité se penche actuellement sur les problèmes survenant entre la maternelle et la fin du secondaire, car nous estimons que les problèmes se déclarent à un très jeune âge.

Quelles mesures la commission propose-t-elle pour qu'on parvienne à une conscience sociale plus aiguë de l'histoire et des séquelles des pensionnats?

M. Sinclair : À mon avis, il faut tout d'abord que la commission s'acquitte de la première partie de son mandat, c'est-à-dire mettre au jour tous les tenants et aboutissants du système des pensionnats. Beaucoup d'ouvrages ont traité de ce système. Entre autres, le livre de John Milloy intitulé A National Crime et celui de Jim Miller intitulé Shingwauk's Vision ont grandement contribué à éclairer le monde universitaire et le public sur la question. C'est le genre d'initiatives qu'il est important d'encourager. J'estime donc que nous devons mettre à contribution également le monde artistique. Nous avons essayé de faire participer les artistes à nos événements nationaux et à nos autres initiatives.

Nous disposons également d'un programme de recherche. Nous comptons sur les chercheurs pour examiner les aspects des pensionnats qui n'ont pas encore été abordés et pour, surtout, envisager les modèles de réconciliation susceptibles d'être efficaces.

J'inviterai le commissaire Littlechild à vous parler de la campagne internationale que nous menons, car il s'agit là d'un outil important. Nous estimons que la commission doit absolument chercher à convaincre les ministères de l'Éducation provinciaux d'envisager deux solutions importantes, dont l'une consiste à ce que les programmes scolaires traitent de la question des pensionnats. Nous devons comprendre que c'est une bonne chose que de compter sur l'initiative individuelle des enseignants pour expliquer la question des pensionnats en classe. Toutefois, lorsqu'un enseignant qui aborde cette question en classe est remplacé par un autre, rien ne garantit que ce dernier lui emboîtera le pas. C'est un thème qui doit figurer dans le programme officiel obligatoire. C'est une histoire qui doit être transmise à tous les étudiants. Il faut s'en assurer.

Nous cherchons également à collaborer avec les entreprises qui rédigent les manuels scolaires pour les influencer en ce sens, parce que nous estimons que les manuels devraient aborder le thème des pensionnats. Les étudiants devraient être au courant des tenants et aboutissants de cette question. Ils devraient surtout connaître les répercussions de la convention de règlement. Il importe qu'ils sachent où en sont rendues les choses.

Chef Wilton Littlechild, commissaire, Commission de témoignage et réconciliation du Canada : Merci beaucoup.

Monsieur le président, vous avez dit : « J'ignore totalement ce qu'il en est de la situation au Canada. » Ce sont là des propos que nous avons déjà entendus et qui véhiculent un message vraiment important. Je vous en remercie. Nous expliquerons ultérieurement pourquoi ces propos sont tellement importants dans le cadre de notre travail.

On a également indiqué que le comité se penche et met l'accent sur l'éducation. Comme le président l'a indiqué, une des solutions réside dans l'éducation. Je voudrais cependant vous faire part d'un point de vue personnel par rapport à votre étude. Je souhaiterais respectueusement vous exhorter à examiner le tout dans un contexte holistique. J'entends par là qu'on passe souvent sous silence l'importance primordiale de l'éducation physique et des sports à l'école. Je peux l'affirmer car notre travail nous a permis de constater que l'éducation physique et les sports ont joué un rôle important dans les pensionnats. L'éducation physique est importante, et nous vous demandons de ne pas l'exclure du programme scolaire.

Passons maintenant à la question de nos activités sur le plan international. Nous avons favorisé la participation de tous lors des séances de ces commissions de témoignage et réconciliation. Des commissions de ce genre ont été créées dans de nombreux pays. Néanmoins, les Nations Unies ont récemment affirmé que la Commission de témoignage et réconciliation du Canada est un modèle à suivre. Les feux sont braqués sur nous lorsque nous tenons nos séances au Canada, ce dont je suis fier. On considère que notre travail peut faire énormément de bien, et je le pense également.

Votre comité se penche sur les progrès accomplis dans la foulée des excuses. J'étais présent et j'ai ressenti une très grande fierté lorsque le premier ministre les a présentées à la Chambre des communes. N'y voyez là qu'une pure coïncidence, mais je vais citer les propos auxquels vous avez fait allusion au début de la séance et que le premier ministre a prononcés devant les Nations Unies la semaine dernière. Il a affirmé en l'occurrence que la politique d'assimilation que nous avions mise en œuvre au Canada n'a pas sa place dans un pays comme le nôtre, qu'elle avait été préjudiciable. Elle a été effectivement très préjudiciable.

Que faire maintenant? Je l'ignore totalement. Notre travail ayant débouché sur une solution possible, que pouvons-nous accomplir pour faire du Canada un meilleur pays? C'est le mandat qui nous attend, vous comme sénateurs et nous comme commissaires. J'espère que nous pourrons travailler à relever ce défi très important.

Vous avez demandé quels progrès ont été réalisés sur la scène internationale depuis la présentation des excuses. Je peux vous donner un exemple précis survenu il y a une semaine à peine. Aucun progrès n'est observable en ce qui concerne la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Comment le Canada peut-il continuer à nier que les peuples autochtones ont des droits? Comment notre pays, du moins notre gouvernement, peut-il nier que le Sénat a entériné une résolution appuyant cette déclaration. La Chambre des communes a fait de même. Pourtant, deux ans après l'adoption de la déclaration par l'Assemblée générale des Nations Unies, aucun progrès n'est signalé. Six mois après le discours du Trône dans lequel il était question d'endosser la déclaration, il n'y a toujours aucun progrès.

En ce qui concerne l'avenir, l'éducation est une solution, mais le respect fondamental est également nécessaire — le respect de vos décisions et le respect entre les deux Chambres. Des décisions ont été prises pour préconiser la collaboration dans la recherche d'une solution positive. La solution est sous nos yeux, et nous continuons de la nier.

Une occasion magnifique s'offre à nous de montrer la voie non seulement au Canada mais également sur la scène internationale, car les feux sont braqués sur les travaux de la Commission de témoignage et réconciliation du Canada. Les autres pays estiment que notre commission pourrait être un modèle pour faciliter la résolution de conflits. Notre travail suscite beaucoup d'intérêt, mais nous devons néanmoins montrer que nous avons accompli des progrès.

Marie Wilson, commissaire, Commission de témoignage et réconciliation du Canada : Honorables sénateurs, nous croyons qu'il est important et très prometteur de sensibiliser les gens des établissements d'enseignement et de toutes les institutions publiques. C'est d'autant plus vrai dans le domaine de la réconciliation, parce que c'est un si grand mot, qui est tellement mal défini et qui, par conséquent, donne lieu à de nombreuses interprétations plausibles. La réconciliation permet de réaliser bon nombre de grandes choses.

Les sénateurs aident à conscientiser la population, car bien des gens s'intéressent à ce qu'ils ont à dire. Ils sont présents dans les communautés et ils s'adressent aux résidants locaux. Les sénateurs peuvent aider les Canadiens à toujours mieux connaître leur histoire, mais aussi les encourager à se tourner vers l'avenir.

Nous devons notamment mettre sur pied un centre national de recherche. Il faudra que ce centre soit accessible et qu'il témoigne de cette partie de notre histoire qu'il ne faut pas oublier; nous devons continuer de révéler ce qui s'est passé de manière positive.

La commission a également des obligations pour ce qui est de la commémoration des événements. Dans les communautés, cela nourrit bien des espoirs et des attentes, mais que peut bien signifier la commémoration à l'échelle nationale? Comment pouvons-nous commémorer les événements de manière positive pour qu'ils ne soient jamais oubliés, qu'ils inspirent le respect et servent à rappeler en tout temps le genre de relations que nous devons établir?

En fait, nous voyons la démarche comme une occasion de rebâtir le pays en nous fondant sur des relations respectueuses. Dans nos relations de travail et notre vie quotidienne, nous avons tous un rôle à jouer pour mener à bien cette sensibilisation tant officieuse qu'officielle.

Le sénateur Stewart Olsen : C'est un travail extrêmement important. Certains résultats me réjouissent, tandis que d'autres me déçoivent un peu.

Lorsque vous écoutez les gens et discutez avec eux, leur demandez-vous comment ils feraient les choses? Je vois que cela fera partie d'un rapport public. Une des choses qui m'importent le plus, c'est les idées des gens — pas les miennes ni les vôtres — pour aller de l'avant et surmonter les difficultés.

J'aime beaucoup les centres de commémoration. Je crois que, comme pour le Jour de l'Holocauste, il faut commémorer et se souvenir des événements horribles pour qu'ils ne se reproduisent plus. Je souhaite que l'on tienne des activités à ce sujet partout au pays.

Je constate que bon nombre de pensionnats sont situés dans des régions éloignées. Comment faire pour que chaque enfant autochtone reçoive une éducation? Quelles mesures devons-nous prendre pour cela?

M. Sinclair : La première partie de votre question portait sur ce que nous demandons aux survivants pour savoir ce qu'il faut faire.

Tous ceux qui sont nommés par la commission pour recueillir les témoignages doivent demander aux survivants, vers la fin de l'entrevue, ce qu'ils souhaitent que nous fassions à propos de leur histoire et des pensionnats. Nous encourageons tous les survivants à nous parler des mesures que nous devrions prendre.

Certains des commentaires reçus témoignent de toute la frustration qu'ont ressentie ces personnes jusqu'à présent. Nous n'avons pas nécessairement reçu de témoignage positif pour l'instant. Cela dit, certaines personnes nous ont beaucoup éclairés et étaient très conscientes de ce que d'autres ont pu vivre.

Un thème récurrent dans les témoignages des survivants, c'est leur relation avec leurs familles, qui ont vécu les conséquences du comportement qu'ils ont adopté après leur séjour dans les pensionnats. Les survivants veulent que nous les aidions à améliorer la relation qu'ils ont avec leurs familles pour qu'elles ne continuent pas à porter le fardeau de ce qu'ils ont subi dans les pensionnats. Il leur importe beaucoup de mettre fin à ces souffrances. La discussion porte souvent sur des questions personnelles. Bien des choses doivent être dites à ce sujet.

Nous savons qu'il y a des discussions. Lorsque nous parlons à des « survivants de survivants », comme Patrick s'est surnommé, ils nous demandent ce qu'ils peuvent faire. Ces personnes nous disent que, même si elles n'ont pas été dans les pensionnats, elles sont entourées de gens qui souffrent en raison de leur séjour dans ces établissements. Les jeunes comme Patrick veulent savoir ce que la commission peut faire à cet égard.

De temps à autre, nous discutons du rôle que joue le pardon dans la réconciliation. Je ne suis pas convaincu que les survivants devraient eux-mêmes décider s'ils peuvent ou doivent pardonner à la personne qui les a violentés. Cependant, je ne pense pas que les survivants des survivants doivent envisager d'avoir une conversation sur le pardon avec leurs parents. Selon moi, les survivants ont entre autres besoin de sentir que le pardon de leur famille fera partie de la guérison; je crois que c'est important.

Dans le cadre de ses activités nationales, la commission a décidé d'organiser une série d'audiences publiques pour discuter avec tous ceux qui ont réfléchi à la réconciliation et à ce qu'il faut faire. Ces discussions vont aider les survivants à se tourner vers l'avenir; je pense que c'est important.

Il faut bien comprendre que l'éducation doit devenir une des grandes priorités de tous les dirigeants autochtones qui travaillent dans les communautés et qu'il est nécessaire de rappeler constamment aux jeunes l'importance de l'éducation. Les taux de décrochage scolaire des Autochtones qui étudient à l'école secondaire sont encore très, très élevés. C'est entre autres parce qu'il est simplement difficile d'étudier à l'école secondaire lorsqu'on vit dans une communauté éloignée. Il faut toujours quitter sa communauté pour aller ailleurs. Nous cherchons le moyen d'éduquer les jeunes dans leur communauté pour qu'ils n'aient pas à se déplacer; c'est important.

En outre, nous devons examiner de manière réaliste le système des écoles publiques et dire que les taux de décrochage scolaire sont toujours très élevés, même si les Autochtones ont accès à l'école secondaire et aux autres établissements d'enseignement, par exemple, parce qu'ils habitent en ville. C'est entre autres en raison des préjugés encore perpétués par le système d'éducation, qui ne correspondent pas à la réalité des jeunes Autochtones et qui ne les aident pas à renforcer leur identité durant l'adolescence, un moment important de leur vie.

Je parle par expérience et au nom de bien des Autochtones qui ont été dans le système public d'éducation. Même si je réussissais très bien, je manquais toujours d'information à propos de qui j'étais. Je ne savais pas ce que mon peuple avait vécu, son histoire, ses croyances ou ses perspectives d'avenir. Je ne savais absolument pas pourquoi j'étais ici en tant qu'Autochtone. Ne sachant rien de ce qu'enseignaient les gens de ma communauté, je ne savais pas qui j'étais. Je pouvais comprendre ce que je représentais pour les gens, mais ce n'est pas pareil.

Je pense qu'à ce sujet, le système des écoles publiques laisse tomber nos enfants. Si nous voulons nous concentrer sur le premier changement qu'il faut apporter, construire des écoles dans la communauté est une partie de la solution, mais il faut aussi s'intéresser à l'enseignement dispensé dans ces écoles. Il est illogique de fonder une école dans une communauté si on va y perpétuer les préjugés qui ont été démentis dans le passé.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci de vos commentaires.

Je ne veux pas argumenter, mais j'ai lu votre mandat avec intérêt. Je n'ai vu nulle part qu'il était question d'une approche internationale. Je m'inquiète de tout le travail que vous avez à faire au Canada. Je pense que, après avoir déposé des rapports et tiré des conclusions, vous pourriez vous consacrer à communiquer les informations. À mon avis, vous produirez un rapport extrêmement important, qu'on pourra utiliser partout dans le monde.

J'espère que vous ne consacrez pas vos énergies et les fonds à offrir de l'aide à l'étranger pendant que nous avons vraiment besoin que vous vous concentriez sur l'initiative qui nous intéresse. Selon moi, cette initiative est extrêmement importante pour faire des progrès.

M. Sinclair : Merci de votre intervention, sénateur. Nous allons la prendre en considération. Toutefois, je tiens à vous assurer que nous travaillons au Canada. Nous concentrons nos efforts sur les survivants qui sont ici. Nous gardons en tête que tous nos travaux doivent profiter aux Canadiens.

Même si nous avons établi des relations à l'échelle internationale, nous gardons toujours à l'esprit que ce que nous faisons doit profiter aux Canadiens. Nous savons que le Canada déploie des efforts considérables à l'échelle internationale et nous devons nous assurer du rayonnement de notre pays à l'étranger. Par exemple, bien des gens ne savaient pas qu'il y avait la Commission de témoignage et réconciliation du Canada avant que nous en parlions aux Nations Unies. Nous pensons que nous avons vraiment réussi à sensibiliser la communauté internationale.

Cela dit, nous communiquons avec des groupes semblables, qui travaillent dans d'autres pays et qui ont indiqué que ce que nous faisons pourrait les aider. Toutefois, nous ne faisons rien à l'échelle internationale qui ne profite pas directement à notre travail au Canada.

Le sénateur Stewart Olsen : C'est bien, parce qu'on peut se tromper avec le temps. Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Brazeau : Bienvenue à tous. Je suis très heureux de vous voir et d'entendre parler de votre travail. Il est évident que vous avez un énorme mandat. Je pense que bien des Canadiens comptent sur la Commission de témoignage et réconciliation du Canada pour les aider à progresser.

Il ne fait aucun doute que le système des pensionnats est probablement le chapitre le plus sombre de l'histoire du Canada. Je pense que personne ne nierait cela. Si quelqu'un n'est pas d'accord, qu'il lise et fasse des recherches sur le sujet.

Cela dit, si je comprends bien, le mandat de la commission est d'établir les faits et de recueillir des données et les témoignages des survivants. Je présume que, d'une manière ou d'une autre, ces informations seront documentées. Il y a aussi la réconciliation, qui consiste à trouver le moyen d'améliorer la relation entre les Autochtones et les non-Autochtones pour regarder vers l'avenir.

Pourriez-vous nous dire si un volet du mandat est plus important que l'autre, s'il vous plaît? Veuillez nous dire ce que vous comptez faire après avoir recueilli les témoignages et les données. Avez-vous une stratégie? Vous avez parlé d'éducation; il faudrait peut-être récrire les livres d'histoire, car c'est important. Pourriez-vous également répondre à la question concernant la réconciliation?

J'imagine qu'évidemment, vous souhaitez que les survivants proposent des solutions pour améliorer la relation entre les Autochtones et les non-Autochtones. Quelle est l'importance de la réconciliation dans votre mandat?

M. Sinclair : Les témoignages favorisent la réconciliation et vont de pair avec elle. Nous ne différencions pas ces deux aspects. Nous déployons beaucoup d'efforts dans le processus de collecte de témoignages en gardant toujours en tête ce que nous pourrons faire avec les informations. Vous avez raison de dire que ces deux volets vont de pair.

J'ai mentionné un peu plus tôt que nous demandons aux survivants de nous dire précisément ce qu'ils aimeraient que nous fassions à ce sujet, ce qu'ils aimeraient que nous fassions avec l'information qu'ils nous donnent et ce que nous devrions faire à l'égard des pensionnats et de ce qu'ils en ont hérité. Il y a eu d'importantes discussions au sujet de la réconciliation. Pour bon nombre de survivants, comme je l'ai dit, je crois, la réconciliation se fait à un niveau personnel et ils en parlent en faisant référence à leurs familles et à leurs communautés.

Au niveau institutionnel ou systémique, la réconciliation fera l'objet de discussions élargies au niveau des dirigeants. À la lumière de l'expérience vécue lors de notre premier événement national, nous tentons de déterminer s'il faut avoir une discussion ciblée ou une série d'entretiens dans le cadre d'un événement national.

Nous envisageons aussi de tenir des forums à divers endroits, durant les travaux de la commission, où nous inviterons les gens à s'exprimer sur la suite des choses. Nous inviterons le milieu universitaire à se pencher sur les modèles de réconciliation qui ont donné de bons résultats et ceux qui n'ont pas été fructueux; ce que nous pourrons apprendre de cela est important. Au bout du compte, nous devons créer des occasions qui permettront aux membres de la société canadienne de se rencontrer et d'échanger sur cette question.

Nous avons mis sur pied un cadre de discussions entre les survivants autochtones et les survivants de l'Holocauste, par exemple, pour en apprendre davantage sur la résilience et voir ce que les survivants de l'Holocauste peuvent enseigner aux survivants au Canada. Il s'agit d'un échange important.

La commission envisage aussi de produire des documents de travail sur la réconciliation et ce à quoi elle peut ressembler. Nous avons commencé à parrainer des forums avec les aînés, et nous leur demandons de nous dire ce que le mot « réconciliation » signifie dans leur langue et dans leur enseignement et quelle en est l'origine. Nous continuons de demander aux aînés à quels procédés traditionnels ou à quelle cérémonie ils auraient recours pour établir une relation pacifique entre les parties. Nous utilisons divers moyens pour informer le public et nous informer nous-mêmes. Nous avons l'obligation d'informer le public.

La commission n'a pas pour objectif d'établir un mécanisme de réconciliation d'ici la fin de son mandat. Ce serait irréaliste. Nous n'avons qu'un mandat de cinq ans. Notre objectif est d'établir des paramètres que les gens pourront accepter, de sorte que nous leur léguerons un outil et un point de convergence pour qu'ils puissent discuter de la réconciliation future.

La réconciliation doit être perçue comme un objectif à long terme. Je ne crois pas que nous y parviendrons facilement, parce qu'il faut reconnaître qu'il y a encore beaucoup de souffrance et beaucoup de frustration de part et d'autre. Un important segment de la population autochtone refuse de rétablir une relation positive avec le Canada, et bon nombre de Canadiens refusent de reconnaître qu'ils doivent s'engager dans ce dossier. Réunir ces antagonistes est certes une première étape importante, mais il faut ensuite discuter de ce que nous voulons accomplir à long terme. Si vous savez ce que vous voulez accomplir, alors chaque chose est mesurée en fonction de cet objectif. Ceux qui ont créé les pensionnats avaient un objectif en tête qu'ils voulaient réaliser. Ils visaient l'assimilation, alors tout ce qu'on faisait dans les pensionnats, on le faisait avec cet objectif en tête. De la même façon, lorsque nous parlons de réconciliation, nous devons savoir ce que nous voulons accomplir et garder cet objectif à l'esprit dans tout ce que nous faisons, peu importe ce qu'est cet objectif.

La commission vise à définir cet objectif, mais il n'est pas réaliste de dire que nous en sommes là.

Par ailleurs, nous devons montrer des exemples de réconciliation. Nous devons permettre aux diverses parties ou aux gens de se rejoindre dans une démarche de réconciliation et montrer comment les choses peuvent fonctionner. Nous identifions des communautés qui ont suivi une démarche de réconciliation pour elles-mêmes. Nous avons parlé de certaines personnes comme Florence Kaefer, qui était l'enseignante d'Edward Gamblin, et de leur processus de réconciliation. Le processus de réconciliation entre les membres d'une même famille est de la plus haute importance.

La commission a l'obligation de montrer cela, d'en parler, puis de donner le ton à la discussion.

Le sénateur Raine : Merci d'être ici. Je serai brève puisque les autres ont déjà répondu à la plupart des questions.

Durant les Jeux olympiques de 2010, j'ai été impressionnée par la participation des quatre nations hôtes, et aussi par les cérémonies d'ouverture et le forum jeunesse qui a été organisé. Plus de 500 jeunes Autochtones de toutes les régions du Canada ont participé à ce forum. C'était fascinant de voir ces jeunes dirigeants, si intelligents et si articulés. L'avenir qui s'annonce pour les Premières nations est emballant et ne pourra qu'être bénéfique pour le Canada.

Combien d'efforts seront déployés pour éduquer les non-Autochtones et en particulier les nouveaux Canadiens puisqu'ils n'ont aucune idée de cette histoire? Ce sera important de développer ce respect mutuel.

M. Sinclair : L'éducation des non-Autochtones au Canada est un aspect important du travail de la commission. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un des défis qui se posent est de faire en sorte que l'ensemble du Canada comprenne qu'il s'agit d'un problème canadien; ce n'est pas un problème autochtone. Nous y parviendrons en partie par l'échange d'information et grâce aux efforts des dirigeants qui transmettent ce message.

Nous travaillons avec les divers programmes d'immigration au niveau provincial pour produire des vidéos à l'intention des nouveaux Canadiens qui se préparent à s'installer dans l'une ou l'autre des provinces. Nous venons de le faire au Manitoba, par exemple; nous leur avons parlé des Autochtones en général, mais aussi de l'expérience des pensionnats et de son impact. Nous transmettons l'information de cette façon aussi. Nous espérons que les gens qui demandent la citoyenneté et qui se soumettent au processus d'immigration seront informés de la situation et de l'histoire du peuple autochtone, y compris de l'expérience des pensionnats. Nous faisons ce que nous pouvons pour que cette information soit transmise. C'est très important de régler cette question et d'informer le gouvernement au sujet des priorités auxquelles il faut s'attaquer.

Le chef Littlechild : La participation aux Jeux olympiques était, en fait, un des plus grands gestes de réconciliation, et je n'aime pas dire cela, mais c'était une tribune internationale. Je ne crois pas que nous puissions fermer les yeux sur cela. C'était l'Année internationale de la réconciliation l'an dernier. Cette année, on voudrait souligner une décennie de réconciliation. Cela peut paraître insidieux, mais je ne crois pas que nous puissions fermer les yeux sur le succès qu'ont eu les Jeux olympiques sur la scène internationale.

Le sénateur Patterson : Je remercie les témoins de leur présence et de leurs exposés si éloquents. Vos objectifs vont au-delà des survivants et de leurs familles, et c'est très inspirant. Votre travail est très important, mais il importe aussi de voir au-delà de votre mandat de cinq ans et d'essayer de parvenir à une réconciliation au sein de notre pays et en particulier au sein de nos écoles. Cette vision concorde parfaitement avec l'étude que nous menons actuellement sur l'éducation.

J'ai une question très précise sur le processus de collecte des témoignages. Je sais que cet exercice peut être très traumatisant pour les survivants, surtout si c'est la première fois qu'ils parlent de leur expérience. Comment procède-t-on et comment aide-t-on les survivants? Avez-vous réussi à engager les ressources en santé et en services sociaux des provinces et des territoires non seulement pour vos événements nationaux, mais aussi pour les efforts de rapprochement dans les communautés plus éloignées?

M. Sinclair : De par notre mandat, nous avons l'obligation de nous assurer d'avoir des services de santé adéquats lorsque nous nous entretenons avec des survivants, en particulier si l'on souhaite qu'ils nous fassent part de leur expérience. Nous devons nous assurer qu'ils savent qu'ils auront peut-être besoin de soutien et que tout le système de soutien en santé qui leur est déjà offert sera mis à contribution. Chaque fois que nous parlons ou que nous assistons à un événement, nous nous assurons qu'il y a sur place du personnel capable d'apporter un soutien aux survivants qui souhaitent nous parler.

Les personnes chargées de recueillir les témoignages des survivants le font toujours en présence de personnes capables d'apporter un soutien en santé. Nous voulons aussi nous assurer qu'il y a un suivi de la part de l'équipe de collecte des témoignages pour garantir qu'un soutien est offert à la personne lorsqu'elle retourne dans sa communauté après l'entrevue. Nous prenons nos obligations très au sérieux.

Santé Canada a mis sur pied un important programme de soutien pour faire en sorte qu'il y ait un certain nombre de personnes capables d'offrir un soutien en santé et un soutien d'ordre culturel à chacune de nos activités. Bien souvent, ce sont les gens engagés dans la transmission des enseignements culturels et des traditions au niveau local qui jouent le mieux ce rôle. Ces experts sont présents à chacune des activités auxquelles participent les survivants, et je crois qu'ils méritent des félicitations pour leur excellent travail. Ce sont de précieux collaborateurs. L'un d'entre eux travaille littéralement pour nous à temps plein, et c'est important pour nous d'avoir ces liens étroits.

Nous reconnaissons aussi que, dans certains cas, il peut être plus dommageable qu'utile de raconter une expérience traumatisante, et le fait de répéter cette histoire peut causer du tort à la personne. Ce que nous avons fait dans ces cas, ce que nous essayons de faire puisque nous n'avons pas encore terminé, c'est de vérifier si le témoignage a été enregistré d'une autre façon et, le cas échéant, de demander la permission de voir cet enregistrement. La personne n'a donc pas à raconter de nouveau son histoire.

Nous savons que toutes les personnes qui ont demandé une indemnité pour les sévices dont elles ont été victimes dans les pensionnats ont dû se soumettre au processus d'évaluation indépendant, ou PEI. Elles ont été interviewées, elles ont dû faire une déclaration et témoigner devant un arbitre. Une transcription de ces témoignages est disponible et elle est suffisante pour nos travaux. Nous essayons donc d'obtenir des copies de ces témoignages avec le consentement des survivants, pour qu'elles fassent partie de nos dossiers. De cette façon, les survivants n'ont plus à raconter de nouveau leur expérience, ce qui peut être très pénible.

Nous savons que certains survivants ne sont tout simplement pas prêts à faire part de leur expérience, et ne le seront peut-être jamais. Ils ne se sont pas soumis au PEI, et certains ne le feront probablement jamais.

Le président suppléant : J'aimerais remercier tous les témoins de leur présence. Nous pourrions poursuivre pendant des heures, et j'en serais ravi. Malheureusement, nous avons d'autres témoins à entendre. Je sais que ce ne sera pas la dernière fois que le comité vous rencontre et il est à espérer que ce ne sera pas la dernière fois que nous prendrons part à vos travaux à titre de sénateurs, des travaux qui sont très importants et nécessaires. Je vous remercie infiniment.

M. Sinclair : Merci beaucoup, monsieur, et au nom de notre commission, nous aimerions vous remercier de nous avoir reçus. Nous espérons en avoir encore l'occasion. Voici le message que nous voulons vous transmettre : l'expérience des pensionnats a été la plus grande honte que le Canada a connue par le passé, mais nous croyons sincèrement qu'elle peut devenir une grande source de fierté pour le Canada, et nous nous employons à cette fin.

Le président suppléant : Merci beaucoup.

Nous accueillons maintenant des représentants de trois organismes : Elizabeth Ford, directrice, et John Merritt, conseiller principal en politique de Inuit Tapiriit Kanatami; Clément Chartier, président du Ralliement national des Métis; et Charlene Belleau, directrice du Secteur des pensionnats indiens de l'Assemblée des Premières Nations.

Clément Chartier, président, Ralliement national des Métis : Honorables sénateurs, c'est la quatrième fois que je comparais devant le Sénat; j'ai comparu deux fois devant le comité plénier, dans la salle du Sénat, et c'est la deuxième fois que je comparais devant le comité. C'était, bien sûr, après les excuses présentées par le premier ministre le 11 juin 2008, à la Chambre des communes. C'était une journée remarquable. Cette journée-là, la nation métisse s'est réjouie, non pas pour elle-même, mais pour les peuples autochtones visés par ces excuses et par la convention de règlement. Je dois dire que le petit nombre de Métis qui ont fréquenté les pensionnats indiens sont visés par la convention de règlement. Toutefois, comme je l'ai dit lors de mes trois comparutions précédentes, la grande majorité des Métis ne sont pas couverts par cette convention et nous sommes nombreux à avoir fréquenté des pensionnats métis. Jusqu'à présent, aucun gouvernement ni aucune organisation religieuse n'a présenté d'excuses, n'a accepté une quelconque responsabilité ni même voulu reconnaître que cette situation a bel et bien existé.

Nous nous sommes réjouis des excuses elles-mêmes, parce qu'elles étaient de portée générale, à savoir que plus jamais le Canada n'adoptera une telle politique d'assimilation et ne cherchera à détruire le tissu même des peuples et des nations autochtones. Nous croyons bien sûr qu'une chose pareille ne doit plus jamais se reproduire.

Nous sommes ici aujourd'hui pour examiner ce que les deux Chambres ont fait depuis la présentation de ces excuses. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que j'ai dit en juin 2009, sauf que nous avons fait des progrès grâce au Protocole avec la nation métisse que le gouvernement fédéral a conclu en septembre 2008. Il existe maintenant un processus spécifique aux Métis, une approche distincte qui nous permet de traiter de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, comme le ministre Strahl l'a si bien dit à diverses reprises, y compris à la Chambre des communes.

Nous nous sommes engagés dans un processus avec cinq gouvernements provinciaux, à partir de l'Ontario jusqu'à l'extrémité ouest du pays, et je crois que la séance que nous avons tenue à Calgary en décembre de l'an dernier a été fructueuse. Nous aurons une rencontre de suivi en janvier de l'an prochain, dans le cadre du deuxième symposium sur le développement économique des Métis. Nous avons progressé sur le plan du développement économique dans le cadre du protocole.

Pour ce qui est des anciens combattants, toujours dans le cadre du protocole, je dois dire qu'en novembre de l'an dernier, à Juno Beach, nous avons procédé au dévoilement d'un monument à la mémoire des Métis qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale, dont un grand nombre ont débarqué à Juno Beach. Il y aura maintenant une exposition permanente montrant la contribution des Métis à la paix mondiale à ce moment-là, même si nous nous employons encore à faire reconnaître aux anciens combattants métis les mêmes avantages que reçoivent les autres anciens combattants, tant autochtones que non autochtones. Notre peuple attend toujours impatiemment une reconnaissance et des excuses semblables de la part du gouvernement canadien.

C'est la même chose pour les pensionnats. On ne s'est pas occupé de nous et, en mars, j'ai rencontré le premier ministre, avec d'autres dirigeants, et j'ai soulevé la question du pensionnat de l'Île-à-la-Crosse ainsi que l'engagement pris par les conservateurs durant la campagne électorale à l'égard de cette école. Le gouvernement n'a pas tenu cet engagement. Tout au plus, le premier ministre a déclaré qu'il avait communiqué avec le premier ministre provincial Wall et qu'ils essaient d'en arriver à un règlement, au moins pour cet établissement en particulier, mais nous voulons plus que cela. Encore une fois, nous attendons avec impatience que ce dossier avance.

Pour ce qui est de la Commission de témoignage et réconciliation, les Métis qui ont fréquenté des établissements métis, des pensionnats, ne sont pas visés par le mandat de cette commission, parce que celle-ci est chargée essentiellement de s'occuper des personnes visées par la convention finale de règlement.

Notre conseil d'administration a rencontré les commissaires en janvier, et ils souhaitent entendre nos témoignages. Nous pouvons comprendre pourquoi; toutefois, comme je vous l'ai dit la dernière fois que j'ai comparu devant le comité plénier, pourquoi accepterions-nous de nous présenter alors qu'aucun gouvernement n'a pris de responsabilité envers nous ou n'a voulu reconnaître ce qui nous est arrivé?

Pour que la réconciliation soit possible, il doit y avoir deux parties. Les survivants des pensionnats métis ne peuvent pas raconter leurs histoires devant un tribunal indépendant s'il n'y a personne de l'autre côté pour permettre une réconciliation. C'est là un aspect que nous jugeons essentiel et que nous devons régler.

Enfin, comme je l'ai dit, c'est la quatrième fois que je comparais devant le Sénat, et notre conseil d'administration a comparu également devant le Sénat en décembre de l'an dernier. Je n'étais pas présent à ce moment-là, mais notre message a été transmis. J'ai également écrit une lettre au greffier du Sénat dans laquelle j'exposais les mesures que nous avions recommandées au Sénat.

Je dois dire que je suis plutôt déçu de l'inaction relative du Sénat par rapport à ce que nous avons proposé. J'ai bien reçu, le 28 avril dernier, une lettre de l'honorable sénateur St. Germain qui reprenait encore une fois nos recommandations en précisant que le Sénat allait communiquer avec le ministre Strahl afin d'examiner les questions soulevées. Le sénateur St. Germain soulignait que le travail actuel du comité l'obligeait à reporter à plus tard tout examen plus approfondi des recommandations formulées.

Voilà déjà plusieurs mois que j'ai reçu cette lettre et je me présente ici aujourd'hui pour savoir ce que vous avez fait pour donner suite à nos recommandations. Je ne vais pas les formuler de nouveau, car ce serait la quatrième fois ou quelque chose du genre. J'aimerais bien avoir certaines réponses. Sinon, je serais porté à penser qu'il ne vaut guère la peine de revenir sans cesse à la charge pour exprimer nos doléances, car nous avons besoin de mesures concrètes. Il ne suffit pas de nous offrir une tribune pour présenter nos recommandations et nos griefs. Cela étant dit, je vous remercie.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Chartier; je vous prie de m'excuser pour la mauvaise prononciation de votre nom. Je suis vraiment désolé.

Je peux vous assurer que les problèmes et les recommandations que vous avez soulevés sont bel et bien pris en compte. Tous les comités doivent composer avec le même problème; nous traitons plusieurs dossiers en même temps. À l'heure actuelle, nous nous penchons de très près sur la problématique de l'éducation en vue de formuler certaines recommandations pour améliorer les choses. Vous avez toutefois tort de croire que nous ne tenons pas compte de ce que vous avez dit. Dès que nous en aurons l'occasion, nous examinerons vos recommandations.

Notre comité pourrait choisir de tirer un peu dans toutes les directions. Toutefois, lorsqu'on s'intéresse ainsi à de nombreux dossiers différents, j'estime, en parlant au nom du comité, que nous ne rendons justice à aucun d'entre eux.

Je ne crois pas que vous devriez y voir un manque d'intérêt de notre part ou en conclure que les questions que vous soulevez ne sont pas importantes, parce que ce n'est pas le cas. Je peux vous assurer, pour ma part, que j'accorde une très grande valeur à votre opinion et à ce que vous avez à dire, en tenant compte du fait que vous avez souvent été laissés pour compte et marginalisés. Nous en sommes conscients. Je vous prie toutefois de ne pas en déduire que notre comité est sourd à vos préoccupations.

Elizabeth Ford, directrice, Inuit Tapiriit Kanatami : Bonjour à tous. Merci pour votre invitation à comparaître aujourd'hui. Notre présidente, Mary Simon, vous prie de l'excuser de n'avoir pu être présente.

Vous nous avez invités à venir discuter des progrès accomplis relativement aux engagements pris dans la foulée des excuses présentées par le premier ministre aux anciens élèves des pensionnats indiens et à leurs familles. Le principal engagement à cet égard visait la création de la Commission de témoignage et réconciliation du Canada. Le travail de cette commission est essentiel pour les Inuits.

Nous continuons cependant à regretter le fait que certains Inuits sont exclus du processus faisant suite aux excuses. Par exemple, les Inuits du Labrador ont vécu dans les pensionnats les mêmes traumatismes que ceux des autres régions du Canada, mais ne sont pas visés par l'entente de règlement.

Cela étant dit, nous nous réjouissons des progrès réalisés récemment par la commission et nous sommes particulièrement heureux de la création d'une sous-commission responsable des Inuits. Nous sommes également reconnaissants à la commission pour ses efforts visant à cibler le Nord et sa décision de tenir l'un de ses événements importants à Inuvik. Nous osons espérer que davantage d'événements nationaux pourront ainsi avoir lieu dans les régions inuites.

Par ailleurs, nous savons pertinemment que la commission aura besoin de fonds additionnels pour accomplir son travail. Inuit Tapiriit Kanatami invite les parlementaires à offrir tout le soutien nécessaire à la commission, et exhorte tous les Canadiens à faire montre d'ouverture d'esprit et de générosité lorsque viendra le temps de donner suite aux recommandations et suggestions de la commission.

Nous avons choisi aujourd'hui de mettre l'accent sur l'éducation. Les Inuits se sont engagés dans un processus de démantèlement des systèmes d'éducation hérités de l'époque des pensionnats afin de mettre en place de nouveaux systèmes tenant compte de l'histoire, de la langue et de la culture inuites. À la faveur de politiques bien intentionnées dont on reconnaît aujourd'hui les lacunes flagrantes, les Autochtones de notre pays n'ont cessé, au cours des 50 dernières années, d'accumuler un déficit en matière d'éducation. Nous estimons qu'il faut un plan national de mesures incitatives afin d'éliminer ce déficit.

Différentes mesures, dont les taux de diplomation, les taux de participation et les tests de performance, révèlent toutes des iniquités dans la réussite scolaire entre les étudiants inuits et les autres. Par exemple, malgré que ces chiffres varient d'une communauté à l'autre, environ trois enfants sur quatre qui commencent l'école dans nos régions ne termineront pas leurs études secondaires. Nous formons la population la plus jeune du Canada et c'est ce segment en pleine croissance qui chemine actuellement dans le système scolaire.

Pour mettre les choses en perspective, il faut remonter aux années 1960 et 1970, une véritable période faste pour l'éducation au Canada. Les baby-boomers amorçaient alors à peine leur parcours scolaire, ce qui a exigé une expansion des écoles et des collèges de formation des enseignants ainsi que l'introduction de changements progressistes dans les programmes d'études. C'est la situation que vivent actuellement les Inuits.

Pour que les excuses présentées aient un sens véritable pour les Inuits, nous avons besoin de votre soutien et de celui du gouvernement du Canada afin que de tels changements progressistes soient apportés dans nos communautés. Au cours des deux dernières années, notre organisation a été le fer de lance d'une initiative nationale visant à définir la voie de l'avenir pour l'éducation des Inuits.

Des décennies de politiques d'enseignement axées sur les pensionnats ont créé un déficit dans différents secteurs clés, notamment quant au nombre d'enseignants bilingues dans nos écoles, aux ressources pédagogiques nécessaires pour appuyer l'enseignement bilingue, et à la formation d'universitaires inuits capables d'orienter les activités de recherche et de concevoir des pratiques novatrices.

L'expérience des pensionnats est également à l'origine d'autres déficits. On peut notamment penser au manque de confiance et de soutien de la part des adultes dont l'expérience dans le milieu de l'éducation a été difficile et qui ne croient pas à la valeur du système pour leurs propres enfants. Lorsqu'ils ont à composer avec les administrateurs scolaires et les enseignants, ou à aider leurs enfants à faire leurs devoirs, ils ne se sentent pas à la hauteur. Il en ressort comme effet cumulatif dans certaines communautés qu'il nous faut rebâtir la confiance envers le système et faire en sorte que la fréquentation scolaire devienne l'usage.

Lorsque j'affirme qu'un ensemble de mesures incitatives s'impose pour combler notre déficit en matière d'éducation, je veux dire qu'au-delà de ce que font déjà les provinces et les territoires pour mettre en place des systèmes d'éducation tenant compte de l'histoire, de la langue et de la culture inuites, nous avons besoin d'un investissement immédiat par tous les intervenants à tous les niveaux de nos systèmes d'éducation.

Il faut toutefois noter que les outils de changement existent peut-être déjà en faveur d'un régime national de mesures incitatives pour l'éducation chez les Inuits. Il y a par exemple un certain nombre de questions stratégiques de portée nationale qui tirent leur origine de l'Arctique. L'importance de ces questions est telle que notre gouvernement fédéral a lancé une Stratégie pour le Nord en 2009, et que notre ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, vient tout juste de rendre public le mois dernier un document sur la politique étrangère du Canada pour l'Arctique. Même s'ils font référence à la promotion du développement socioéconomique, les deux documents présentent la même lacune flagrante, à savoir qu'on n'y traite pas de l'amélioration des résultats scolaires des Inuits.

Notre pays appuie son bon fonctionnement sur la prémisse fondamentale voulant que l'éducation permette aux citoyens de se donner les outils pour participer à la vie sociale et économique. Le niveau de scolarité de nos citoyens influe directement sur la capacité concurrentielle de notre économie et sur la prospérité de notre pays. S'il y a des segments de la population canadienne où les niveaux de scolarité sont nettement inférieurs à la moyenne nationale, il est dans l'intérêt général et c'est même un devoir moral de consacrer les efforts et les ressources nécessaires pour rectifier la situation.

J'ose espérer que vous êtes du même avis et j'exhorte les parlementaires et les gouvernements de tout le pays à nous appuyer dans notre campagne. Merci de votre attention.

Charlene Belleau, directrice, Secteur des pensionnats indiens, Assemblée des Premières Nations : Je vous prie d'abord d'accepter les excuses de notre chef national qui n'a pu être des nôtres aujourd'hui.

Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue sur la mise en œuvre de la convention de règlement et de remercier la Commission de témoignage et réconciliation (CTR) pour le rapport produit.

Je vais vous exposer une partie des problèmes et des préoccupations qui rendent difficile pour les survivants de s'engager dans une démarche de guérison et de réconciliation dans la foulée de la convention de règlement. J'estime nécessaire de vous expliquer de façon plus détaillée quelques-unes des difficultés avec lesquelles nous devons composer.

L'Assemblée des Premières Nations (APN) représente la majorité, soit 80 p. 100, des anciens élèves des pensionnats indiens, dont bon nombre résident dans des communautés éloignées et isolées. Nous vous avons remis un document de présentation préparé pour l'assemblée générale annuelle de l'APN en juillet, ainsi que la résolution adoptée par les chefs et l'assemblée. La résolution expose différentes questions et préoccupations à régler relativement à la convention de règlement.

Comme vous le savez, la convention arrivera à échéance dans 11 mois. La date limite pour la présentation d'une demande de Paiement d'expérience commune a été fixée au 19 septembre 2011. Dans le cas du Processus d'évaluation indépendant (PEI), la date limite est le 19 septembre 2012.

Il faut se souvenir aujourd'hui des mises en garde faites par l'un des juges ayant présidé à l'établissement de la convention. Nous nous rappelons que la convention de règlement est un accord ayant force obligatoire qui a été approuvé par les neuf tribunaux du Canada le 21 mars 2007. C'est le plus important recours collectif à avoir été intenté au Canada. Voici ce qu'écrivait dans sa décision le juge Winkler, de la Cour supérieure de l'Ontario :

À mon avis, les éléments d'indemnisation proposés dans la convention sont justes et raisonnables, dans la mesure où ils sont mis en œuvre avec diligence conformément à l'intention exprimée dans la convention. Je me demande cependant si certains aspects des mesures prévues pour l'administration et la mise en œuvre de la convention n'auront pas d'effets préjudiciables sur les avantages de la convention pour les personnes visées par le recours collectif. J'approuve la convention dans la mesure où l'on fera le nécessaire pour aplanir ces difficultés.

Nous voulons vous faire part aujourd'hui de quelques-unes des difficultés que nous éprouvons actuellement par rapport aux éléments d'indemnisation de la convention de règlement, car nous estimons que la frustration qui en découle peut empêcher certains survivants d'aller de l'avant avec la CTR. Il est possible que certains soient ainsi moins disposés à accepter les excuses présentées par le gouvernement du Canada.

Bien que les services à cet égard aient été améliorés récemment, les anciens élèves des pensionnats et leurs chefs ont exprimé de nombreuses préoccupations à l'égard du Paiement d'expérience commune. Quelque 21 000 demandes ont été jugées inadmissibles pour différents motifs, alors que 25 000 autres requérants ont dû demander un nouvel examen et qu'environ 1 400 pensionnats n'ont pas été reconnus par le MAINC.

En outre, les anciens élèves des pensionnats ne savent pas nécessairement qu'il existe un processus d'appel. Beaucoup ne disposent pas non plus des fonds nécessaires pour payer un avocat aux fins d'un appel. Les frais juridiques ne sont remboursés que si l'appel est accueilli. Les tribunaux eux-mêmes n'ont inscrit aucun appel touchant la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens.

Les programmes de défense des droits des Autochtones du MAINC ont vu leur budget chuter de 9 millions de dollars à 3 millions de dollars au fil des deux dernières années, alors même que les anciens élèves ont besoin plus que jamais de ces services.

Quant au Processus d'évaluation indépendant pour les réclamations visant des sévices sexuels, physiques ou psychologiques graves, les anciens élèves des pensionnats ne connaissent pas suffisamment le processus dans son ensemble, de même que les modalités d'appel. Le secrétariat du PEI s'est interrogé sur sa capacité de régler toutes les demandes dans les délais imposés par la convention de règlement et par les tribunaux. Dans son rapport annuel de 2009 au Comité de surveillance, le Secrétariat d'adjudication a souligné que le nombre annuel d'audiences avait baissé de 4 000 à 3 000 pour différentes raisons, incluant l'incapacité pour l'avocat du demandeur de soumettre les documents requis et une demande accrue pour des évaluations par des experts dans un contexte où ces experts sont en nombre insuffisant.

Le rapport souligne également que des problèmes de dotation, d'approvisionnement et de gestion de l'information ont un impact sur le déroulement du PEI dans les délais prescrits.

Le rapport indique que l'on reçoit quelque 14 000 demandes alors qu'environ 2 900 audiences sont tenues, 2 000 décisions sont rendues et des indemnités de quelque 283 millions de dollars sont versées, ce qui laisse un très grand nombre de demandes encore à traiter.

Il existe dans le cadre du PEI une catégorie pour les personnes mises en cause et les sévices perpétrés par d'autres élèves. Des compétences particulières sont requises pour régler ces dossiers et offrir le soutien nécessaire en matière de santé.

Aux fins de la supervision de la convention de règlement par le comité national d'administration, l'objectif était fixé à 135 jours pour rendre une décision relativement aux appels logés. Actuellement, il faut en moyenne 415 jours au comité pour traiter les appels.

Des quelque 3 000 appels reçus, 1 400 sont en cours de traitement, ce qui en laisse à peu près 1 700 en attente.

Pour ce qui est du soutien en santé, il faut examiner de façon globale les intentions et les objectifs généraux exprimés tout à fait clairement et concrètement dans les excuses présentées le 11 juin 2008. Les survivants tout comme l'ensemble des membres des Premières nations y ont vu un engagement en vue de la réconciliation. La convention constitue la première étape essentielle, et nous devons tout mettre en œuvre pour nous assurer qu'elle est pleinement et efficacement mise en application. Comme nous l'avons déjà mentionné, d'importantes difficultés administratives ont entravé la mise en œuvre, ce qui a incité les chefs à demander une prolongation.

En outre, les Premières nations sont d'avis que la convention n'est vraiment que la première étape. Pour qu'il y ait réconciliation, l'indemnisation ne suffit pas; la guérison et la récupération sont aussi nécessaires. En présentant ses excuses, le gouvernement du Canada s'est engagé à nous accompagner sur le chemin de la guérison et de la réconciliation. Dans sa propre évaluation de la Fondation autochtone de guérison (FADG), le MAINC recommandait un financement permanent pour la FADG en reconnaissant son efficacité et son approche communautaire. Les réductions budgétaires ont laissé un vide qui n'a pas été entièrement comblé par Santé Canada.

Santé Canada a obtenu 95 millions de dollars sur une période de six ans. On dépensait déjà davantage que les sommes prévues lorsqu'une affectation de 65,9 millions de dollars pour une période de deux ans a été inscrite au budget de 2010-2011. Encore là, c'est insuffisant pour répondre aux besoins des anciens élèves et de leurs familles. Les mesures de soutien en santé sont essentielles pour le processus d'évaluation indépendant, la Commission de témoignage et réconciliation et les processus de commémoration.

Pour ce qui est de l'importance de langue, les anciens élèves des pensionnats ont qualifié de majeure la perte de leur langue et de leur culture. En 2003, le gouvernement fédéral s'est engagé à investir 160 millions de dollars sur une période de dix ans pour la promotion et le développement des langues autochtones. Cette allocation a toutefois été réduite en 2006, et le gouvernement fédéral ne dépense plus que 5 millions de dollars par année pour les langues autochtones.

La langue est essentielle à la survie de nos cultures. Nous voudrions voir un engagement collectif plus ferme pour nous aider à protéger, à préserver et à enseigner nos langues. Nous préconisons une déclaration des libertés linguistiques et culturelles, une mesure tangible qui irait directement dans le sens de la récupération et un signe de réconciliation pour l'avenir.

Je tiens à remercier la CTR et mes collègues pour avoir souligné l'importance de l'éducation. Si les pensionnats indiens ont été des instruments d'oppression dans le passé, les leaders des Premières nations sont désormais déterminés à faire en sorte que l'éducation ouvre la porte à l'espoir et à des possibilités nouvelles pour nos jeunes. Les impacts intergénérationnels des pensionnats indiens se traduisent par des taux de décrochage élevés, un manque d'instruction et de formation et des perspectives d'emploi limitées.

L'appel à l'action de l'APN en matière d'éducation s'inscrit dans un engagement en faveur de la réconciliation de même que dans la volonté de tourner la page sur ce sombre chapitre de notre histoire.

En conclusion, pour que la convention de règlement puisse vraiment bénéficier aux personnes visées par le recours collectif, nous devons répondre non seulement aux besoins de chacun, mais aussi aux besoins collectifs de nos familles et de nos communautés aux fins de la guérison et de la réconciliation.

L'APN voudrait que la convention de règlement soit prolongée de telle sorte que tous les anciens élèves admissibles puissent recevoir les indemnisations auxquelles ils ont droit. Il y a eu un précédent dans le recours collectif concernant l'hépatite C. Non seulement ce modèle permet-il de libérer la mise en œuvre de l'entente du contrôle gouvernemental, mais l'agence peut également offrir de l'aide aux demandeurs en vue d'une éventuelle démarche.

L'APN propose l'émission d'un dernier avis de prolongation comme le prévoit la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens.

Nous préconisons en outre l'accès à des services de soutien en santé pour les cas de sévices graves d'ordre sexuel, physique ou psychologique. Nous appuyons aussi le rétablissement du budget de 125 millions de dollars de la Fondation autochtone de guérison pour permettre la mise en œuvre de stratégies de guérison communautaires jusqu'à l'échéance de la convention de règlement.

Nous plaidons en faveur d'investissements destinés à protéger nos langues. Il s'agit pour nous d'une priorité et d'un geste concret pour la réconciliation. Il est également nécessaire que l'engagement, abandonné en 2006, de verser 160 millions de dollars soit respecté et qu'une mesure législative visant la protection des droits linguistiques des Premières nations soit adoptée.

Enfin, en ce qui a trait à l'éducation, l'appel à l'action lancé par l'APN est clair. Les Premières nations réclament une garantie en matière d'éducation pour ses enfants. Cette garantie doit être durable et elle doit assurer l'équité et un financement stable pour nos écoles. Cela implique de développer les réseaux d'éducation des Premières nations et, dans l'immédiat, de remédier au sous-financement des écoles de façon à ce que nos enfants disposent de lieux sécuritaires et sains pour apprendre. Il faut travailler ensemble pour faire en sorte que les séquelles des pensionnats indiens donnent lieu à la création de milieux d'apprentissage sains et sécuritaires afin de donner de l'espoir et d'ouvrir des possibilités.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie pour vos exposés. J'ai une question pour Mme Belleau. Vous avez énoncé durant votre exposé les modalités prévues dans la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, c'est-à-dire 1,9 milliard de dollars pour le Paiement d'expérience commune, 125 millions de dollars pour la Fondation autochtone de guérison, 60 millions de dollars pour la Commission de vérité et de réconciliation et 20 millions de dollars pour des projets commémoratifs à l'échelle communautaire et à l'échelle nationale. Vous avez aussi mentionné que certains survivants ne pouvaient pas participer pleinement aux activités de la Commission de vérité et de réconciliation.

Cette convention de règlement a été signée par de nombreux partenaires, pour ainsi dire. Est-ce que ce genre d'obstacle existe parce qu'une des parties ne respecte pas ses obligations en vertu de la convention?

Mme Belleau : Je vais parler précisément des soutiens en santé qui pourraient être mis en place selon nous. Nous voudrions un plus grand accès au Programme de soutien en santé. À l'heure actuelle, il y a seulement les 65,9 millions de dollars versés par Santé Canada pour les soutiens en santé. Il n'y a rien d'autre. J'ai été ravie d'entendre que la CVR avait obtenu ce qu'elle souhaitait, mais en même temps cela diminue les soutiens en santé communautaire dont nous avons besoin.

Selon nous, ce qui nous empêche de progresser vers la guérison et la réconciliation, c'est qu'il y a beaucoup de travail à faire sur le plan des soutiens en santé pour préparer les membres de nos communautés et les survivants à participer pleinement aux activités de la CVR afin qu'ils puissent saisir parfaitement les répercussions des excuses. En ce moment, certains services font défaut et pour remédier à ce problème, il nous faut des ressources supplémentaires.

Le sénateur Brazeau : Y a-t-il des engagements qui ont été pris dans le cadre de la convention de règlement que le gouvernement du Canada ne respecte pas?

Mme Belleau : Selon nous, si on examine les statistiques, on peut affirmer que le processus du Paiement d'expérience commune est entamé, mais nous faisons face à certaines difficultés. Si 20 000 demandes ont été rejetées pour diverses raisons, elles ont été refusées parce qu'une seule partie a déterminé qu'elles n'étaient pas admissibles. Les personnes dont les demandes n'ont pas été acceptées doivent savoir qu'elles peuvent faire appel.

Il en va de même pour les demandes de réexamen. Il est vrai qu'il existe des normes de service qui nous montrent qu'en effet on répond aux gens qui demandent pourquoi ils n'ont pas reçu le plein montant, ce qui convient sans doute au gouvernement fédéral, mais il reste que nous considérons que nous avons un problème puisque les survivants ne sont pas satisfaits des réponses données par le gouvernement du Canada.

En ce qui concerne le Processus d'évaluation indépendant, les rapports et les données montrent que le nombre de demandes a été plus important que prévu et que le traitement est plus rapide qu'anticipé. Nous sommes rendus à mi-chemin. On s'interroge toutefois sur la capacité de mener à terme le processus dans le délai fixé dans la convention de règlement. En ce qui a trait aux éléments de compensation, il y a des problèmes. Pour ce qui est des soutiens en santé et de la CVR, il est certain qu'il nous faut davantage de ressources pour que nous puissions obtenir la participation des survivants dans un environnement sûr.

Le sénateur Patterson : Comme vous l'avez dit au début, monsieur le président, nous étudions les progrès faits relativement aux engagements pris depuis les excuses présentées par le gouvernement. Ce que nous entendons à ce sujet est important et nous sommes ravis d'obtenir cette information. J'ose espérer que nous en tiendrons compte au moment de formuler nos recommandations à l'intention du gouvernement.

J'aimerais m'attarder à la question des Inuits du Labrador. Je crois savoir qu'on a exhorté le gouvernement à accepter la décision rendue par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador, en vertu de laquelle les survivants du Labrador qui ont fréquenté des pensionnats indiens peuvent entamer un recours collectif. Pouvez-vous décrire ce que le gouvernement devrait faire selon vous face à ce jugement? Je présume que votre recommandation constituerait une solution de rechange au recours aux tribunaux.

John Merritt, conseiller principal en politique, Inuit Tapiriit Kanatami : Les élèves en question fréquentaient des externats au Labrador plutôt que des écoles qui ont pu être définies comme étant plus précisément des pensionnats indiens dans d'autres régions du pays. Ce que les Inuits du Labrador et des organismes s'exprimant en leur nom ont fait valoir, c'est que les élèves de ces écoles ont vécu pratiquement les mêmes problèmes et, dans certains cas, les mêmes abus que les élèves inuits ailleurs au pays.

La solution idéale serait d'inclure dans la convention de règlement les élèves inuits qui ont fréquenté des écoles semblables au Labrador.

Je suis conscient du fait que des problèmes d'ordre technique se poseraient si nous voulions rouvrir la convention étant donné le nombre de parties qui en sont signataires. Les questions posées précédemment portaient sur ce point. Nous n'avons entendu aucune des parties affirmer qu'elle s'opposerait à l'idée d'inclure les élèves inuits. En effet, les diverses parties souhaiteraient que le gouvernement du Canada, et peut-être même le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, accepte d'assumer une plus grande responsabilité et qu'il fasse en sorte que les modalités s'appliquent également aux Inuits du Labrador.

Le sénateur Hubley : Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie pour vos exposés. J'ai une question à poser à Mme Belleau au sujet du processus d'appel. Vous avez expliqué que de nombreuses demandes sont rejetées, et il semble que le processus d'appel soit long et difficile. Vous avez dit aussi que beaucoup de demandes sont en attente. Pourriez-vous nous décrire brièvement le processus d'appel qui s'enclenche après qu'une personne a raconté son histoire et qu'elle a présenté une demande pour bénéficier du programme de réconciliation?

Mme Belleau : Le processus d'appel est mal compris à bien des égards, et la convention de règlement ne contribue pas à protéger les intérêts juridiques des survivants. Prenons par exemple la demande visant à inclure 1 400 écoles dans la convention. Le Comité d'administration national a refusé cette demande. Ce que les survivants doivent faire à présent, c'est en appeler de cette décision. Cependant, pour ce faire, il leur faut probablement retenir les services d'un avocat, et les survivants n'en ont pas les moyens. S'ils vont tout de même de l'avant, ils seront remboursés seulement s'ils obtiennent gain de cause. Je parle ici des pensionnats, mais pour ce qui est des particuliers, je crains que certains ne sachent pas qu'il existe un processus d'appel. Même si une personne a interjeté appel, il se peut que le processus mené par le Comité d'administration national soit très long.

Dans le cadre du processus d'évaluation indépendant, j'ai entendu des survivants parler de demandes concernant des cas d'abus graves. Ils voudraient contester les honoraires facturés par leurs avocats, mais où peuvent-ils trouver l'argent nécessaire pour engager un avocat à cette fin? Au bout du compte, leurs intérêts ne sont pas protégés à bien des égards. Quelqu'un doit se porter à la défense de ces survivants pour éviter qu'on ne profite d'eux durant ce processus.

En ce qui a trait à la convention de règlement, il faut veiller à ce que ce soit les survivants qui en bénéficient, et non pas les avocats ou le gouvernement. Il y a beaucoup de travail à faire pour informer les survivants afin d'éviter que leurs droits ne soient lésés dans le cadre de l'application de la convention de règlement, précisément en ce qui a trait à la compensation et aux demandes visant à inclure d'autres pensionnats.

Le sénateur Raine : J'ai été un peu étonnée de l'ampleur des sommes versées aux avocats dans le cadre de ce processus. Les avocats qui représentent les survivants sont-ils payés à l'heure ou reçoivent-ils des honoraires précis pour chaque affaire? Comment cela fonctionne-t-il? S'agit-il d'un pourcentage? Il me semble que ce soit 40 p. 100 du total.

Mme Belleau : Je ne veux pas répondre au nom des avocats. Par contre, je peux vous dire que dans le cadre du Processus d'évaluation indépendant, les honoraires que les avocats peuvent facturer sont plafonnés. Si un survivant n'est pas d'accord avec son avocat au sujet des frais exigés, aucun recours ne s'offre à lui.

Je le répète, il y a un plafond. Je ne sais pas si c'est dans le cadre du Processus d'évaluation indépendant, mais je sais qu'il y a eu des cas, qui sont actuellement examinés, où les avocats ont essayé de dépasser le plafond.

Le sénateur Raine : Je suis certaine que chaque cause est différente, mais avec le temps, les avocats finissent par acquérir certaines connaissances générales. Si les causes se comptent par milliers, il devrait être possible de réaliser des économies d'échelle, et les avocats ne devraient pas essayer d'obtenir le maximum permis chaque fois.

Mme Belleau : C'est ce qu'ils font toujours. Ce qui m'amène à parler d'un autre point. Certains avocats acceptent un très grand nombre de causes, mais peut-on penser qu'ils réussiront à respecter l'échéance et à bien représenter les personnes en question? Il s'agit là d'un problème. Toutefois, je le répète, les avocats peuvent s'exprimer eux-mêmes. Je ne fais que souligner les difficultés auxquelles sont confrontés les survivants, qui estiment ne pas être traités convenablement par les avocats.

Le sénateur Raine : Avez-vous une solution à proposer pour régler ce problème?

Mme Belleau : Je crois que le Secrétariat d'adjudication essaie de traiter avec les avocats et de s'occuper de la question des honoraires et des plafonds. Je suis certaine que le Comité d'administration national a obtenu des demandes d'appel. Mais tout cela n'est pas diffusé; ce n'est pas transparent. Il serait bien de pouvoir trouver sur le site Web du Comité d'administration national, ou d'autres sites Web, les décisions qui sont rendues à propos de ce genre de question, mais il n'existe aucune transparence.

Le sénateur Raine : Peut-être devrions-nous inviter des représentants de l'Association du Barreau à comparaître devant le comité.

Mme Belleau : Invitez les parties à témoigner devant le comité sénatorial.

Le président suppléant : Je vais faire part de cette recommandation au président.

J'aimerais remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui. Peut-être que je peux me permettre de faire une déclaration moi aussi. Après avoir entendu tous les témoins — et je ne crois pas qu'on puisse jamais m'accuser d'être l'apologiste du gouvernement, — je peux dire qu'on devrait reconnaître que le gouvernement, qui a obtenu l'unanimité de la Chambre, a fait ce qu'aucun autre gouvernement n'avait fait : il a présenté des excuses. Je ne répéterai jamais assez qu'il est impossible de réparer du jour au lendemain les torts causés pendant des centaines d'années. Il y a eu des difficultés en ce qui concerne la commission, comme nous le savons tous. Si on examine le travail qu'elle a accompli au cours des 15 derniers mois, il faut admettre qu'elle a très bien réussi à passer au travers des périodes difficiles, à garder le cap et à faire avancer les choses.

Le sénateur Patterson : Bravo!

Le président suppléant : J'avoue qu'il reste encore un très grand nombre de problèmes à régler, et je crois que les commissaires l'admettront également. Nous pourrions passer des jours à entendre parler de ces problèmes. Je crois qu'il faut tous reconnaître que certains ne seront pas réglés. Ils ne le seront pas dans le temps prévu. La commission dispose d'un certain nombre d'années pour accomplir son mandat. Ses documents montrent qu'elle a dressé des plans bien précis. Je vais reprendre les propos du juge en disant que nous devons aller de l'avant en faisant preuve de respect, de compassion et sans doute de patience. Je sais que le mot « patience » est difficile à entendre quand on a vécu ce que les Premières nations ont enduré tout au long de leur histoire, mais je crois que ce sera nécessaire.

Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui.

M. Merritt : J'aimerais clarifier un élément de la réponse que j'ai donnée au sénateur Patterson.

Un certain nombre d'élèves inuits ont fréquenté des pensionnats au Labrador ainsi que des externats; les pensionnats étaient administrés par le gouvernement provincial.

Le président suppléant : S'il n'y a pas d'autres commentaires, nous allons lever la séance.

(La séance est levée.)


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