Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 11 - Témoignages - Séance de l'après-midi
EDMONTON, le jeudi 7 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 13 h 32, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis ainsi que d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada. Sujet : Questions concernant l'éducation des Premières nations.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour mesdames et messieurs. Notre comité se réunit aujourd'hui pour obtenir des renseignements dans le cadre de l'étude que nous avons entreprise à propos des systèmes d'éducation primaire et secondaire des Premières nations. Nous espérons pouvoir examiner les stratégies susceptibles d'être mis en œuvre pour améliorer la situation. Chers collègues, notre étude mettra notamment l'accent sur les ententes tripartites en matière d'éducation, la gouvernance et la prestation ainsi que les mesures législatives possibles. Il s'agit de notre onzième séance.
Nous accueillons aujourd'hui Margaretha Ebbers, superviseure, Éducation autochtone, Programmes, et M. Edgar Schmidt, surintendant, Écoles publiques d'Edmonton. Nous entendrons également Brian Celli, surintendant, Écoles publiques de Wild Rose; Richard Dombrosky, surintendant adjoint, Services de formation — Enrichissement, Écoles catholiques d'Edmonton; enfin, Bruce Buruma, directeur, Relations avec la collectivité, Écoles publiques de Red Deer. Je vous demande de m'excuser si j'ai mal prononcé vos noms.
Edgar Schmidt, surintendant, Écoles publiques d'Edmonton : : D'entrée de jeu, je ferai quelques observations, très brèves, puis je céderai la parole à Mme Ebbers, qui vous donnera des explications plus détaillées. Nous vous remercions de nous avoir invités.
En peu de mots donc, les Écoles publiques d'Edmonton accueillent 80 000 étudiants et comptent 7 500 employés répartis dans quelque 196 établissements de la ville. De plus en plus de nos étudiants sont des Autochtones. En septembre dernier, nous avions environ 7 000 Autochtones déclarés.
Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, nous avons mis en œuvre, au cours des 40 dernières années, plusieurs mesures pour améliorer la situation de nos étudiants autochtones (Premières nations, Métis et Inuits). Toujours par souci d'être bref, j'ajouterai que nous avons notamment tiré des leçons des nos échecs.
De plus, honorables sénateurs, nous avons créé un groupe de travail à l'initiative de notre conseil d'administration, que les résultats de nos étudiants autochtones préoccupaient considérablement. Le groupe de travail a entamé une enquête dans les diverses communautés d'Edmonton, interrogeant les parents et les membres de la collectivité sur les mesures que nous prenons et les obstacles auxquels nous sommes confrontés. Les aînés, les étudiants et leurs parents ainsi que les autres membres de la famille nous ont fait part de leurs opinions. Le groupe de travail a proposé une stratégie à notre conseil d'administration qui l'a adaptée pour en faire une politique, dans la foulée immédiate de laquelle nous avons promulgué un règlement administratif qui s'applique depuis dans nos écoles.
Enfin, la dernière partie du rapport que vous avez sous les yeux décrit les mesures que nous avons prises pour mettre en œuvre la politique et le règlement administratif.
Margaretha Ebbers, superviseure, Éducation autochtone, Programmes, Écoles publiques d'Edmonton : La vaste consultation que nous avons menée nous a appris notamment qu'on demande souvent l'avis des collectivités autochtones, mais que celles-ci estiment en revanche que cet exercice ne débouche sur rien. Nous avons fait nôtres les préoccupations dont on nous a fait part.
La principale constatation — et j'aurais souhaité qu'elle fût plus positive —, c'est que nous sommes aux prises avec des obstacles à la fois systémiques et individuelles. Quelles sont nos barrières systémiques? Ce sont les pratiques qui ont été mises en œuvre il y a près de 30 ans et qui n'ont jamais été remises en question. Ces pratiques privilégiaient souvent des regroupements en fonction des familles, des modes de vie ou des conditions socioéconomiques. Ce qui constitue entre autres un obstacle, ce sont les édifices qui, à bien des égards, ressemblent aux pensionnats construits jadis. Il faut également souligner le processus d'inscription. Je vous donne un exemple particulièrement pénible : l'obligation d'avoir un document de tutelle pour chacun de nos étudiants, même s'il vit temporairement avec un membre de la famille qui n'est pas le père ou la mère. Nos familles autochtones nous signalent qu'elles envoient leurs enfants vivre avec par exemple une tante qui habite plus près d'une école secondaire susceptible d'offrir un meilleur programme. Leurs enfants fréquentent les établissements scolaires urbains pour y faire de meilleures études.
Ce n'est pas la famille qui pose problème. Elle constitue plutôt un atout. Cependant, les écoles refusaient les étudiants si les documents de tutelle n'étaient pas fournis. Certaines familles ont donc dû signer un tel document pour confier la tutelle de leurs enfants à quelqu'un d'autre. Nous essayons d'éliminer cet obstacle très courant.
Voici d'autres obstacles : manque de garderies et absence de cours sur l'histoire autochtone ou de tout autre cours portant sur les Autochtones.
Nous avons également constaté que les obstacles individuels étaient nombreux. Nous avons pu dégager bon nombre d'entre eux lorsque nous avons procédé à nos consultations — et je voudrais peut-être préciser qu'il s'agit là d'une initiative positive de notre part. Nous ne prenons vraiment aucune décision sans mettre à contribution les membres de notre collectivité. À cet égard, nous collaborons avec la bande de la Nation des Cris Enoch, qui est établie à côté de notre district scolaire. C'est la bande que nous rencontrerons demain de concert avec vous. Pendant les deux ans où nous avons négocié avec elle une entente de partenariat, nous avons cerné les nombreuses difficultés auxquelles nous faisons face. Le racisme et les stéréotypes constituent un autre obstacle résistant au sein de notre système scolaire.
De prime abord, les gens estiment qu'un programme obligatoire de sensibilisation aux cultures autochtones permettrait de lutter contre les stéréotypes. Nous ne sommes pas d'accord et nous avons donc mis en œuvre les quatre mesures suivantes. Premièrement, notre personnel autochtone se charge de tous les exposés portant sur les Autochtones dans la mesure du possible. Deuxièmement, tous nos nouveaux employés, quel que soit leur poste, reçoivent une formation axée sur les particularités culturelles des Autochtones, formation donnée par notre personnel autochtone. C'est obligatoire dans notre district scolaire. En outre, les nouveaux enseignants se familiarisent ainsi avec des pratiques qui sortent des sentiers battus pour leur permettre de traiter avec les étudiants autochtones et leur famille. Nous coordonnons de nombreux programmes scolaires de concert avec nos collègues autochtones. Selon nous, c'est le principal outil pour éliminer les stéréotypes. Enfin, grâce au comité consultatif extérieur, nous nous sommes rendu compte que notre système scolaire contribuait à créer un fossé entre les Autochtones et nous, mais qu'il nous offrait également des solutions pour nous rapprocher. Pendant la première année, nous avons écouté les doléances de ce comité, puis nous avons cherché les solutions avec lui. Le comité n'a pas tardé à réaliser que nous étions réceptifs.
Par la suite, nous avons examiné les établissements scolaires qui ressemblent à des pensionnats. Nous nous sommes efforcés de les rendre accueillants. Nous avons invité toutes les familles visées à les visiter et avons pris les mesures nécessaires afin de leur faciliter la tâche, les aidant sur les plans du transport, de la garde des enfants ou des repas.
En dernier lieu, nous avons saisi toutes les occasions de souligner nos réussites, et je suis heureuse de vous signaler que, l'an dernier, au moins la moitié de nos écoles ont tenu une activité pour reconnaître l'importance et le rôle des familles des Premières nations, des Métis et des Inuits : festivités, fêtes, powwows et autres événements auxquels les écoles convoquent la collectivité dans leurs bulletins.
Il reste encore beaucoup à accomplir. Je n'ai pas parlé des programmes scolaires et de l'enseignement. Nous accusons encore un certain retard à ce chapitre, mais nous estimons que les liens que nous avons commencé à nouer avec la collectivité nous aideront à le combler. Notre taux de diplomation est en hausse, et ce n'est pas uniquement parce que nous avons plus d'étudiants. Ce taux est supérieur à celui de notre accroissement démographique.
En conclusion, pour réussir, nous devons absolument mettre à contribution chacun des 7 500 membres de notre personnel et chacun de nos 80 000 étudiants. C'est la principale tâche à laquelle nous devons nous attaquer.
Brian Celli, surintendant des écoles, Écoles publiques de Wild Rose : J'avais confié à M. Buruma que je ne savais pas trop pourquoi on nous avait invités, mais la greffière a répondu à mes interrogations.
Le document que je vous ai remis, honorables sénateurs, ne vise qu'à faire naître en vous des questions. Je n'aurai jamais le temps de l'aborder dans son ensemble aujourd'hui, mais vous y trouverez un résumé des enjeux susceptible de vous intéresser.
Notre présence ici aujourd'hui s'explique par un événement survenu il y a un peu plus de 10 ans : la mort prématurée et extrêmement malencontreuse d'un des jeunes les plus brillants que j'aie rencontrés. Nous avons donc commencé à prendre conscience que les ressources, les compétences et les connaissances à notre disposition auraient certainement dû nous permettre de répondre beaucoup mieux aux besoins des Premières nations.
Il saute aux yeux que nos efforts ont été infructueux. Les solutions que viennent de proposer mes collègues des Écoles publiques d'Edmonton sont en fait analogues aux nôtres. Lorsque j'examine l'approche que nous avons adoptée, il me semble que notre principal problème, c'est que nous faisons fausse route depuis de nombreuses décennies en nous demandant : « Comment pouvons-nous aider les Premières nations à s'intégrer à notre système scolaire? »
À mon avis, c'est une erreur fondamentale parce que, notamment, nous manquons de respect envers elles en fournissant nous-mêmes la réponse. Je sais comment je réagis lorsque d'autres me disent quoi faire. Nous leur avons proposé plusieurs solutions qui reposent sur de bonnes intentions mais qui sont néanmoins inappropriées. Je reviendrai sur ce point ultérieurement.
Il est essentiel de poser plutôt la question suivante : « Comment notre système d'éducation publique peut-il être mis à contribution pour aider les collectivités des Premières nations à mieux satisfaire leurs besoins? » La donne change radicalement lorsque nous posons cette question pertinente et que nous tablons sur les énormes ressources des écoles publiques.
De plus, j'ajouterai que ce sont les Premières nations qui sont les mieux à même de cerner leurs besoins. Une fois ces besoins de base répertoriés, c'est de concert avec elles que nous déterminons les moyens de les aider à y satisfaire grâce à ces énormes ressources.
Je voudrais souligner un dernier point essentiel. Ces deux étapes préliminaires nous ont amenés à consulter également notre forum de la jeunesse, la raison d'être, je pense, de notre présence ici aujourd'hui. Nous avons certes dit qu'il fallait établir des relations différentes avec les Premières nations et que celles-ci étaient probablement les mieux à même de cerner leurs propres besoins, mais tout comme nos collègues des Écoles publiques d'Edmonton, il fallait déterminer quels étaient ces besoins. C'est pourquoi nous avons entamé un processus de consultation.
Nous voulions commencer par les jeunes, tant les étudiants que ceux qui ne fréquentent plus l'école depuis peu. Cependant, les participants à ce forum de la jeunesse n'étaient pas que des jeunes. Certains étaient effectivement plus vieux, voire beaucoup plus vieux. Les échanges ont cependant été extraordinaires.
Nous leur avons demandé de dresser la liste des obstacles empêchant les étudiants de réussir leurs études. Nous nous attendions à ce que les participants se plaignent de ce que les enseignants ne les comprenaient pas. Ce problème a été effectivement signalé, mais on nous a fait part aussi de trois problèmes importants qui nous ont montré clairement que nous faisons fausse route : agression et exploitation sexuelles; agressions et violences physiques; alcoolisme et toxicomanie.
Des jeunes étudiantes se présentent en classe le lundi matin après avoir été agressées sexuellement en fin de semaine. N'ayant jamais vécu une telle expérience traumatisante, je ne peux que m'imaginer comment j'y réagirais, mais je suppose que Molière ne dit rien à la jeune fille qui a été victime d'une agression sexuelle. D'autres idées lui traversent alors l'esprit. Pourtant, un enseignant bien intentionné, qui essaie de lui inculquer des connaissances, lui demande de bien vouloir se concentrer, car ça fait trois fois qu'il lui répète la même chose. La jeune fille en a assez. Elle explose et elle répond — vous savez très bien ce qu'elle répond.
Maintenant, nous avons un autre problème parce que nous avons quelqu'un qui est désobéissant et tout le reste, alors, nous imposons d'autres sanctions ou approches et nous n'abordons jamais le problème fondamental, qui est un problème communautaire. Jusqu'à ce que nous mobilisions nos ressources pour commencer à traiter de ces questions, nous n'allons pas faire les progrès dont nous avons besoin pour donner une éducation.
C'était le début de notre relation avec le centre d'amitié local. Sénateurs, vous pouvez voir que nous avons obtenu un certain nombre de résultats et je dirais que nous avons fait plus de progrès au cours des six derniers mois que nous en avons faits au cours des dernières décennies.
Nous avons fait venir David Bouchard, auteur métis. Il a travaillé avec nos enfants. Ils sont maintenant en train de rassembler leurs histoires pour publier un livre pour que leur voix soit entendue.
Des17 étudiants qui fréquentaient l'école à différentes étapes, 17 fréquentent toujours l'école, ce qui est extraordinaire. En fait, nous avons atteint le point critique l'autre jour lorsqu'une jeune fille ne s'est pas présentée à l'école. Nous avons discuté avec le directeur et nous lui avons dit que nous devons prendre une décision quant à savoir si nous allons insister pour que le système fonctionne comme il le fait, c'est-à-dire tout blanc ou tout noir, ou s'il est possible de faire certains accommodements pour répondre aux besoins à court terme de cette jeune fille. Nous avons discuté pour savoir si nous voulons réaliser le but à long terme qui est de la voir rester dans le système et obtenir une éducation. C'est une jeune fille merveilleuse. Elle constituera un atout précieux si nous parvenons à la faire revenir à l'école.
Il y a un certain nombre d'autres choses. Maintenant que nous avons réussi à faire participer les jeunes, ces derniers insistent maintenant pour que leurs parents viennent à l'école pour nous aider. Eh bien, il y a de nombreux obstacles, un grand nombre d'entre eux ont été cernés par les Écoles publiques d'Edmonton.
Dans deux semaines, nous allons rencontrer les parents pour leur demander quels sont les obstacles qui les empêchent de participer à l'éducation de leurs enfants. Nous allons écouter les réponses et commencer à travailler sur ce problème. Une des choses que j'ai entendues l'autre jour m'a coupé le souffle. Un parent a dit : « J'aimerais bien y aller, mais je suis stupide. Je ne veux pas aller là et avoir l'air stupide ». Nous pouvons aider les gens dans cette situation. Nous pouvons aider à contourner ce problème de manière qu'ils ne se sentent pas de cette manière et, ainsi, ils savent ce qu'ils doivent faire. Nous allons travailler sur ce problème.
Toutefois, une des choses dont je voulais parler très brièvement, c'était la façon que nous avons fait cela, et c'est vraiment une entente conclue avec une poignée de main. Nous n'avons rien par écrit. C'est quelque chose qui est bâti autour d'une relation de respect ou qui s'inscrit dans les attentes inhérentes à une telle relation.
Les documents écrits ne changeront rien au fait qu'il y a ou non du respect et de la bonne volonté autour de la table, alors, si nous avons cela, nous n'avons pas besoin de papier. Cela a bien fonctionné pour nous. Je ne voudrais pas dire que cela devrait être appliqué à une grande échelle parce que c'est quelque chose d'encore très nouveau, mais cela a très bien fonctionné pour nous et nous avons dû faire face à certains problèmes très difficiles.
Je pense que nous sommes sur la bonne voie. Les détails sont en train d'évoluer. C'est comme cet avion que l'on est en train de construire pendant qu'il vole, mais encore une fois, les premiers indicateurs sont très, très positifs.
Richard Dombrosky, surintendant adjoint, Services de formation — Enrichissement, Écoles catholiques d'Edmonton : Il est merveilleux d'être ici. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir été invités et Mme Zlotnick a fait un excellent travail en essayant de me tordre le bras pour s'assurer que quelqu'un sera ici pour représenter les Écoles catholiques d'Edmonton.
Les Écoles catholiques d'Edmonton, c'est un district scolaire de 87 écoles fréquentées par 33 000 étudiants et nous avons tout juste un peu moins de 3 000 étudiants des Premières nations, métis et inuits, PNMI. La plupart de nos étudiants sont du milieu urbain et cela signifie qu'ils sont venus s'installer en ville et, très souvent, pour obtenir une éducation.
Notre district scolaire est fier de son passé. Nous avons commencé l'éducation autochtone en 1977 et depuis ce temps, notre district compte un service consacré à cette question.
Un de nos succès, c'est l'école Ben Calf Robe, une école urbaine exclusivement autochtone que nous avons créée en 1981. Il s'agit d'une école qui accueille des élèves de la maternelle jusqu'à la 9e année.
Nous avons lancé deux programmes bilingues cris, l'un en 2004 à l'école St. Francis of Assisi et l'autre en 2007 à l'école Our Lady of Peace; ainsi, nous avons une école dans la partie ouest et une autre dans la partie nord qui ont un programme bilingue cri.
J'aimerais souligner quatre éléments sur lesquels nous travaillons à l'heure actuelle. Ces éléments nous ont permis d'avoir beaucoup de succès au cours des neuf dernières années parce que nous avons recentré nos efforts lorsque nous avons lancé le projet Rainbow Spirit.
Premièrement, nous nous concentrons sur l'idée d'aider les élèves à terminer leurs études secondaires et cela comprend toutes sortes de stratégies. Dans certaines de nos écoles, nous avons des accompagnateurs diplômés uniquement pour les élèves PNMI et nous faisons tout ce que nous pouvons pour les amener jusqu'à la fin du secondaire, y compris les cours d'été. Leur éducation ne s'arrête pas à un moment particulier de l'année.
Nous exposons l'ensemble de notre district, le personnel et les écoles, à une programmation culturelle et la plupart des écoles participent à cette activité au cours de l'année. Nous avons un groupe de personnes qui présentent cette programmation et qui veillent à assurer la formation professionnelle de l'ensemble de notre personnel.
Troisièmement, nous alignons tous nos objectifs sur ceux du ministère de l'Éducation de l'Alberta, parce que ce dernier à un nouvel objectif, à savoir le succès des élèves PNMI. Nous avons réaligné nos objectifs de la même manière.
Enfin, nous avons un conseil des anciens qui est un comité spécial de notre conseil scolaire, et qui se réunit avec ce dernier. Il s'agit pour nous d'un fait saillant. Ces gens se réunissent quatre fois pour discuter avec le conseil scolaire, le consulter et le conseiller en ce qui concerne les élèves PNMI, leurs familles et les questions auxquelles ils doivent faire face. Cela a commencé en 2008 et depuis, nous avons eu beaucoup de succès, et notre conseil scolaire comprend très bien les besoins et les problèmes de notre communauté.
Bruce Buruma, directeur des relations avec la collectivité, Écoles publiques de Red Deer : On nous a invités à partager avec vous de l'information sur le programme Aboriginal Family and School Frontline, et c'est pour moi un plaisir et un privilège que de pouvoir vous informer de cette question cet après-midi.
Le programme Aboriginal Frontline est un partenariat unique parce qu'il fait intervenir à la fois les Écoles publiques de Red Deer et les Écoles catholiques de Red Deer; ainsi, les deux administrations travaillent ensemble pour offrir des services et du soutien à nos élèves des Premières nations, métis et inuits, qui représentent plus de 1 000 élèves pour l'ensemble des deux administrations.
Notre personnel compte trois enseignants et deux assistants en éducation travaillant dans les écoles secondaires et il peut compter sur l'appui de la haute direction des deux administrations. Je suis le gestionnaire principal responsable de ce programme depuis 10 ans.
Je veux transmettre mon appréciation et ma reconnaissance au personnel de notre programme. En préparant notre exposé d'aujourd'hui, j'ai également eu l'occasion de parler à des élèves, à des parents et à des membres de la collectivité, et je me fais leur porte-parole dans mes observations aujourd'hui.
Le programme a également reçu l'appui du Central Alberta Child and Family Services Authority, qui est l'organisme responsable des services sociaux dans notre région. Cet organisme a fourni du financement pour deux travailleurs de mieux-être en milieu scolaire pour les familles autochtones dans des situations où les familles ont besoin d'une aide additionnelle. Le fait que ces organismes travaillent ensemble fait en sorte que nous sentons que nous sommes mieux en mesure de répondre aux besoins de nos élèves autochtones.
Globalement, les Écoles publiques de Red Deer desservent 10 000 élèves dont 800 qui se sont auto-identifiés comme des élèves des Premières nations, métis et inuits. Les Écoles catholiques de Red Deer comptent 7 100 élèves dont 295 se sont auto-identifiés comme des élèves des Premières nations, métis et inuits. Nous avons 38 écoles, et notre programme est actif dans chacune de ces écoles.
L'auto-identification des étudiants PNMI est précieuse. Initialement, il y avait certains doutes quant à savoir si les gens étaient prêts ou désiraient s'auto-identifier, mais nous avons eu beaucoup de succès ainsi qu'un appui solide, et nous croyons que cela nous permet de répondre aux besoins des élèves. Nous croyons que cela permet la reddition de comptes et qu'en fin de compte, cela influera sur le succès des élèves. Bien qu'il ne s'agisse que d'un seul programme, nous sommes très réceptifs aux besoins des deux administrations et aux besoins uniques de chacune de nos écoles individuelles.
Du fait que nous sommes un centre urbain éloigné de toute réserve ou de tout établissement autochtone, notre population FNMI est diversifiée. Plus des deux tiers de cette population sont métis et le reste représente une grande variété de peuples des Premières nations. Ces Premières nations parlent pour la plupart le cri et le pied-noir.
En même temps, nous notons que nous avons des élèves représentant plus de 30 Premières nations différentes. Nous avons également 12 élèves inuits dans nos deux administrations.
Nous entretenons également des liens étroits avec les fournisseurs de services et les organismes et les programmes au sein de notre collectivité. Étant donné la distance qui nous sépare des réserves et des établissements des Premières nations, nous n'avons pas de partenariats formels avec les autorités des Premières nations. Nous essayons toutefois de travailler en collaboration étroite lorsque nous avons des élèves qui viennent des régions des Premières nations, surtout lorsque des élèves sont transférés chez nous pour lesquels nous devons obtenir de l'aide. Nous avons également recours à des anciens et à des conseillers culturels lorsque nous travaillons sur des projets.
Bien que cela varie d'une Première nation à l'autre, il s'agit parfois d'un défi que d'établir des relations pour appuyer les besoins d'éducation des élèves des Premières nations qui vivent dans notre collectivité. Ce qui est en litige, ce sont les obligations des Premières nations à l'égard de l'éducation de ces élèves qui vivent en dehors des réserves, et avec le nombre croissant d'élèves qui arrivent en milieu urbain d'une variété d'endroits différents et ayant des besoins importants, comment allons-nous avoir accès à l'appui des autorités des Premières nations. C'est un problème pour de nombreuses familles.
Comme je l'ai dit, le gouvernement de l'Alberta a fixé un nouvel objectif, la réussite des élèves PNMI. Cet objectif s'applique aux administrations ainsi qu'à chacune de nos écoles, et le résultat est d'améliorer les objectifs d'apprentissage pour tous les élèves PNMI. Cela comprend des mesures de reddition de comptes dans les domaines du taux de décrochage, du taux d'achèvement des études de secondaire, de la réussite aux examens provinciaux, de l'admissibilité à des bourses d'études et du taux de transition de l'école secondaire à l'éducation postsecondaire.
Il est important de noter que ces mesures particulières ont été mises en place parce que c'est là que nous avions de l'information ventilée par segment pour les élèves PNMI. Elle est facilement accessible, elle est adaptée aux mesures de reddition de comptes que nous avons pour tous nos élèves et c'est la raison pour laquelle ces données existent.
Il y a clairement une lacune dans le taux de réussite des élèves des Premières nations, métis et inuits comparativement à tous nos élèves, d'où la nécessité d'aller de l'avant avec cet objectif précis. En fait, la question qu'il faudrait se poser, c'est si le taux de succès des élèves PNMI devrait être inférieur à celui de tous nos élèves, et nous croyons que la réponse à cette question est non. En ayant cet objectif, les attentes, la déclaration et la reddition de comptes sont vraiment des moteurs importants à l'appui du succès de tous les élèves PNMI.
Pour appuyer ce succès des élèves PNMI, la province a également fourni un financement de 1 155 $ pour chaque étudiant PNMI auto-identifié, permettant ainsi aux administrations scolaires d'avoir la souplesse nécessaire pour offrir des services qui appuient directement ou indirectement les élèves PNMI.
Les Écoles publiques de Red Deer ont répondu de différentes façons en élaborant des stratégies pour appuyer cette mesure. Nous avons augmenté la mesure dans laquelle le programme Aboriginal Frontline se concentre sur la réussite scolaire. Tous nos plans d'éducation scolaire doivent comprendre des stratégies qui ciblent les besoins d'apprentissage des élèves PNMI.
Nous examinons les meilleures pratiques et nous avons procédé à des échanges avec d'autres administrations sur les pratiques et les moyens d'améliorer la réussite scolaire. Nous collaborons et nous travaillons avec la collectivité locale pour appuyer l'excellence dans la réussite.
Les activités de perfectionnement professionnel des enseignants sont centrées sur les connaissances, les compétences et les caractéristiques qui leur seront nécessaires pour appuyer les élèves PNMI. Nous augmentons le nombre de nos employés et de nos enseignants qui ont une compréhension de la culture autochtone et nous appuyons les élèves au moment où ils font la transition d'une école à une autre et vers les études postsecondaires.
Nous avons également apporté un changement récent dans la structure de notre haute direction, qui a eu pour effet d'accroître l'accent placé sur le succès des élèves PNMI. Notre surintendant adjoint pour les services de formation concentrera son attention sur les aides didactiques liés à cet objectif tandis que le directeur général adjoint, qui est responsable de l'amélioration scolaire et des écoles prioritaires, travaillera sur des initiatives précises au sein des écoles qui ont reconnu cela comme une priorité.
Pour ce qui est des priorités et des objectifs du ministère de l'Éducation de l'Alberta, nous croyons dans ces objectifs et résultats. Les mesures du rendement sont capitales pour le succès de nos élèves. Cependant, il y a des moments où nous avons des difficultés en ce qui concerne la validité et l'importance de ces mesures particulières.
Comme on l'a dit précédemment, ces mesures particulières sont en place parce que cette information est disponible, les données ventilées par segment pour les élèves PNMI. Cependant, il y a de nombreuses autres mesures importantes pour lesquelles il n'y a pas de données précises facilement disponibles, mais qui sont tout de même importantes. Nous avons eu des discussions très intéressantes avec le personnel et la collectivité sur la signification de ces objectifs pour les peuples et les familles autochtones. Même si elles sont alignées sur les priorités provinciales, sont-elles importantes pour les peuples autochtones? Nous devons poursuivre le dialogue sur ce qui est important pour eux.
Nous sommes très engagés face à l'appui au succès des élèves autochtones, mais nous comprenons également, devant ces lacunes importantes, que le succès et l'amélioration doivent être mesurés progressivement.
Nous tenons à reconnaître que la plupart de nos élèves PNMI font très bien dans des postes de leadership scolaire; nombre d'entre eux excellent dans les programmes scolaires et dans les postes de leadership, dans les sports et dans les arts. Un grand nombre d'entre eux réussissent très bien. Cependant, un grand nombre d'élèves avec lesquels nous travaillons plus étroitement font face à des défis incroyables, qu'il s'agisse d'obstacles personnels, familiaux ou d'autres genres d'obstacles qui se dressent sur leur chemin. Nous devons reconnaître les pas, petits mais importants, que certains de ces élèves peuvent franchir dans la réalisation de leur potentiel personnel. Étant donné les défis auxquels certains de ces élèves sont confrontés, le simple fait de se présenter à l'école peut compter comme une réalisation. En tant que système scolaire, nous devons reconnaître, mais plus important encore, appuyer les élèves qui vivent ces situations difficiles. Nous devons également respecter le fait que les élèves et les familles PNMI peuvent avoir des aspirations et des rêves différents et nous devons les respecter également.
Créer des liens entre l'école et les collectivités est essentiel et, bien que les résultats soient importants, en bâtissant des fondations solides pour nos élèves et en créant des liens dans notre école, souvent, nous croyons que les résultats viendront d'eux-mêmes. La culture est un outil précieux pour l'établissement de ces liens pour nos élèves et nous y faisons beaucoup appel partout dans notre programme. Cependant, nous devons également reconnaître que pour de nombreux élèves, les sports, les arts, les occasions d'exercer un leadership constituent également des liens significatifs à l'appui de leur succès.
Nous avons de bonnes relations au sein de notre collectivité autochtone et nous multiplions nos efforts pour établir des liens permanents et avoir un dialogue véritable avec les anciens, les parents, les organismes et les élèves autochtones.
Lorsque nous faisons cela, nous constatons qu'il y a une diversité d'auditoires nécessitant des approches différentes. Nous devons respecter les meilleures façons d'établir des liens avec ces auditoires pour obtenir un engagement significatif. Il faudra du temps pour nourrir ces liens, pour pouvoir avoir des conversations plus importantes et plus profondes afin d'aller de l'avant.
Nous croyons également que les besoins des écoles communautaires des Premières nations sont considérablement différents de ceux des écoles dans les milieux autochtones urbains. Chacun de ces milieux présente ses défis et ses occasions uniques.
Il est important de reconnaître que les populations autochtones urbaines augmentent à un rythme accéléré et bien qu'il y ait plus d'homogénéité entre les élèves PNMI dans les réserves, la diversité dans les milieux urbains est importante et présente à la fois des défis et des occasions.
Dans de nombreux cas, il existe également des lacunes au niveau de la réussite entre les écoles des Premières nations et nos écoles, ce qu'on est le plus en mesure de constater lorsque les élèves sont transférés des réserves dans nos écoles. Dans de nombreux cas, l'écart est important. La transition est difficile et cela crée de véritables problèmes pour les élèves qui réussissent bien dans la réserve et qui, pourtant, prennent du retard lorsqu'ils entrent dans notre système.
Un domaine de préoccupation, ce sont les élèves PNMI pris en charge. Nous avons beaucoup de ces élèves et quelle est la meilleure façon de répondre à leurs besoins? Beaucoup arrivent dans nos écoles avec des lacunes importantes dans leur formation scolaire, mais plus important encore, c'est le traumatisme réel qui accompagne un grand nombre de ces élèves lorsqu'ils arrivent dans notre système. Le taux d'achèvement scolaire pour les élèves PNMI qui sont pris en charge est de 19 p. 100.
La province a mis en œuvre l'initiative Success in School pour élaborer un plan de travail visant à répondre aux besoins particuliers des élèves pris en charge par les services sociaux. L'initiative a beaucoup de potentiel, mais ne dispose pas des ressources nécessaires. Si nous voulons améliorer les chances des élèves autochtones pris en charge par les services sociaux, nous devons obtenir ces ressources.
Dans les milieux urbains, nous remarquons un continuum en matière de connaissances culturelles et d'interaction entre les étudiants. Bon nombre de nos élèves acquièrent leurs connaissances culturelles à l'école ou dans le cadre de nos programmes. Les dernières générations ont été privées de leur expérience culturelle. Nous avons l'occasion d'exposer nos élèves à leur culture et à leur patrimoine. Il est très rafraîchissant de voir de nombreux élèves commencer à tirer fierté de leur origine autochtone. Toutefois, certains d'entre eux hésitent à comprendre ce que signifie pour eux être Autochtone ou appréhendent de le faire.
En Alberta, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour prendre davantage en considération le point de vue autochtone dans le programme d'études et pour accroître chez tous les élèves leur connaissance en la matière. Nous nous réjouissons de cette réalisation, et nous croyons que ce pas dans la bonne direction aura un effet positif sur tous nos élèves. Cependant, nous avons quelques sujets d'inquiétude, notamment la nécessité de communiquer une conception contemporaine des Autochtones du XXIe siècle, en plus de leur contexte historique. Souvent, nous parlons de la culture autochtone d'un point de vue historique; nous devons comprendre les enjeux autochtones contemporains. Bien qu'il soit bon de donner aux élèves une optique pancanadienne des cultures des Premières nations, des Métis et des Inuits, il est également important qu'ils comprennent mieux les cultures autochtones de leur région.
Enfin, certaines personnes craignent que nous ne mettions pas suffisamment l'accent sur la question des pensionnats indiens et que tous les élèves ne comprennent pas exactement les importantes répercussions qu'ils ont eues sur les Autochtones. Dans le cadre de notre programme, nous aidons nos enseignants et nos élèves à aborder la question en leur fournissant un programme d'études, des ressources et des présentations, et en leur permettant d'accroître leurs connaissances culturelles.
Notre communauté doit également faire plus que se sensibiliser à la culture autochtone ou s'efforcer de la comprendre; elle doit acquérir un degré de compétence culturelle beaucoup plus élevé. Nous devons passer d'une sensibilisation et d'une tolérance de base à une appréciation beaucoup plus sincère et élevée de notre diversité.
Bon nombre des stratégies que nous avons élaborées pour répondre aux besoins des élèves autochtones et pour favoriser leur réussite sont identiques à celles que nous devons adopter pour tous nos élèves, à savoir l'accès à des services, un enseignement différencié et la participation des parents. Toutefois, nous croyons que certaines stratégies qui s'appliquent uniquement aux élèves autochtones sont importantes, et nous devons continuer de travailler à leur mise en œuvre.
Lorsque nous essayons d'aider les enseignants à insuffler aux élèves une identité et une fierté culturelles, à les exposer au point de vue autochtone, l'une des difficultés que nous rencontrons a trait à la capacité et aux connaissances des autres professeurs. On peut dire sans mentir que, lorsqu'il s'agit d'enseigner la culture autochtone, par opposition à d'autres matières, bon nombre de nos professeurs sont extrêmement préoccupés par la nécessité de bien faire les choses ou, au contraire, de ne pas faire ce qui pourrait être perçu comme incorrect. Par conséquent, ils sont inquiets et réticents à l'idée d'enseigner ce genre de connaissances culturelles, et c'est là que notre programme peut être utile.
Nous admettons qu'il soit parfois nécessaire de prendre des dispositions spéciales pour les élèves PNMI. Nous devons créer une culture. Bon nombre de nos élèves pensent qu'ils sont les seuls Autochtones de leur école. Nous devons leur faire savoir qu'ils font partie d'une communauté beaucoup plus grande.
Nous devons accroître la sensibilisation culturelle des enseignants et des administrateurs, en particulier quand ils font face à des problèmes. Nous devons reconnaître que tous les élèves ne sont pas pareils et que nous ne pouvons pas les traiter tous de la même manière.
Nous devons offrir un apprentissage plus tactile et kinesthésique. Il nous faut aussi reconnaître que certains élèves, en particulier ceux qui sont Autochtones, sont très attachés à leur famille et à leur réserve, et nous devons nous efforcer de satisfaire leur désir de maintenir ces importants liens.
Nous croyons que des programmes comme les nôtres peuvent favoriser l'établissement de relations de confiance et d'affection avec les familles et les étudiants. Ce qui est ressorti le plus souvent des récits de nos élèves, c'est la mesure dans laquelle il est important pour eux de tisser des liens de confiance et d'affection avec un adulte qui joue un rôle dans leur vie. C'est essentiel, en particulier pour nos jeunes à risque.
Je suis touché par les nombreuses histoires de jeunes PNMI qui ont réussi dans la vie et qui insistent sur le fait que ce résultat est attribuable à la relation particulière qu'ils ont nouée avec un membre de nos écoles, que ce soit un responsable de notre programme, un éducateur spécialisé, un conseiller, un administrateur, ou un membre de la communauté ayant joué le rôle de mentor, qui a reconnu leur potentiel et qui a cru en eux. Sans cette relation, bon nombre d'entre eux admettent qu'ils n'auraient pas réussi dans la vie.
Il faut aussi être conscient qu'il faudra du temps avant d'observer d'importants changements. L'expérience des autres nous a beaucoup appris. Il y a d'excellents exemples en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Je sais que j'ai été heureux de rencontrer Rick Dombrosky à quelques reprises au sujet des excellents programmes qu'ils mettent en œuvre dans cette région, et nous avons également échangé des renseignements avec d'autres administrations.
Nous avons, entre autres, du mal à maintenir un équilibre entre les matières théoriques et la culture. Nous prenons des mesures pour améliorer les chances de réussite des élèves autochtones, mais nous ne voulons pas le faire au détriment de la culture. La culture fournit un important lien. Il nous est difficile de concilier les deux parce qu'en mettant l'accent sur les matières théoriques, nous nous sommes quelque peu éloignés de l'élément culturel. Nous nous sommes concentrés sur ces clés du succès, mais il nous faut reconnaître que la culture est un précieux outil. C'est un moyen de tisser des liens, et nous devons aider nos écoles à transmettre cet élément à nos élèves.
Je vais en rester là, et je vous suis reconnaissant de l'occasion que vous m'avez donnée de vous faire part de certains de ces points de vue.
Le président : J'aimerais vous remercier tous de vos excellents exposés.
Le sénateur Dyck : Je ne sais pas exactement où commencer. Il y a tellement de choses que vous avez dites avec lesquelles je suis d'accord qu'il va me falloir partager avec vous un peu de mon histoire personnelle.
Je suis Autochtone. Ma mère était une Crie de la Première Nation Gordon en Saskatchewan. Mon père était Chinois. À l'époque où je fréquentais le système d'écoles publiques, nous bougions constamment, allant de ville en ville, et d'école en école. Lorsque j'étais en 9e année, j'ai changé d'école secondaire trois fois, mais, par miracle, j'ai réussi mon année scolaire.
J'étais parmi les meilleurs étudiants. J'attribue cela à l'intelligence génétique des Autochtones. Je suis titulaire du diplôme universitaire le plus élevé qui puisse être décerné. J'ai un doctorat en psychiatrie biologique.
On m'a demandé de me remémorer les facteurs qui m'ont permis de réussir. L'un d'eux était la grande détermination de mes parents. Toutefois, à l'école secondaire, mon frère et moi ne nous sommes jamais vraiment intégrés, mais certains enseignants reconnaissaient notre potentiel, et je crois que c'est vous, monsieur Buruma, qui avez mentionné cela.
Malgré tous ces obstacles, ces professeurs amélioraient la situation, en particulier pour mon frère dont la vie à l'école était beaucoup plus difficile parce qu'on s'en prenait à lui physiquement — et vous avez parlé de cela, monsieur Celli. On le tabassait constamment. La plupart du temps, les élèves me laissaient tranquille. J'étais plutôt réservé.
Cependant, un professeur a eu un aparté avec mon frère et lui a dit : « Vous êtes un garçon intelligent. » Bien que nous ayons été intelligents, on nous plaçait dans les classes les moins avancées. Il a dit à mon frère que nous devrions tous deux aller à l'université, mais que, pour y arriver, il nous fallait d'abord apprendre le français.
Lorsque mon frère était en 11e année, il l'a transféré en français. Alors, mon frère a fait sa 8e, 9e et 11e années en français en une seule année. L'enseignant en question a dit à la professeure de français, qui était l'enseignante la plus exigeante de toute l'école : « Laissez-le tranquille. Ne le harcelez pas. » Elle était tellement sévère qu'elle s'en prenait constamment aux élèves. « Ne le tourmentez pas, car il faut qu'il réussisse. » a-t-il ajouté. C'est grâce à ces efforts que mon frère et moi avons réussi dans la vie.
Nous parlons des processus, mais vous avez également soulevé la question des expériences de vie personnelles des enseignants et des élèves. Monsieur Celli, vous avez parlé des expériences de vie des élèves qui ont été victimes de violence ou d'agression sexuelle, ou qui consommaient des drogues ou de l'alcool. Dans certains cas, les agresseurs étaient d'autres élèves.
À mon avis, il aurait fallu instruire les élèves concernés et une partie des enseignants, car certains enseignants sont exceptionnels; en fait, je pense que ceux-ci sont probablement plus nombreux aujourd'hui qu'à mon époque.
Je ne sais pas si mon intervention contient une question, mais je sentais le besoin de partager tout cela.
Mme Ebbers : Elle contient une question implicite. Nous avons découvert que l'une des mesures qui fonctionnent très bien, c'est de nommer des champions dans les écoles, et il y en a dans toutes les écoles. Ce qu'ils font, en particulier à l'école secondaire et à l'école secondaire de premier cycle, c'est qu'ils commencent à rassembler les jeunes pour former des groupes. Selon une étude menée récemment par le Conseil canadien sur l'apprentissage, le taux de bénévolat est beaucoup plus élevé chez les élèves des Premières nations que dans la population générale.
Dans de nombreux cas, les jeunes se réunissent, ils s'interrogent sur ce qu'ils devraient faire et ils agissent pour le bien de l'école; ainsi, grâce à l'enseignant, ils regagnent une place très positive dans le tissu de l'école. Cela semble se produire souvent dans nos écoles. Je le répète, il faut le champion de l'école qui déclare : « Toi, je te reconnais, tu accompliras de grandes choses »; après quoi ils s'entraident.
M. Buruma : Au sujet de votre remarque sur la sécurité et la bienveillance, pendant que je me préparais pour la séance d'aujourd'hui, j'ai eu une conversation intéressante avec une femme de notre centre d'amitié autochtone, qui a abordé la notion des liens culturels et de leur profondeur.
Là où elle voulait en venir, c'est qu'à la place simplement de cette conscience et de cette compréhension, s'il est vrai qu'il y a entre nous des liens culturels, les obstacles et les différences qui séparent les gens n'existent pas à l'échelle dont vous parliez. Elle a dit que le lien entre les deux notions se rapporte directement au fait de veiller à améliorer la sécurité et la bienveillance dans les écoles, affirmation qui s'accorde à ce que vous avez dit.
M. Dombrosky : Ce que nous voulons dire, c'est qu'il est essentiel que les élèves finissent leur secondaire. C'est si crucial que nous n'en parlons même pas; on le comprend automatiquement, je crois.
Nous voyons aussi que plus le programme est petit, plus le groupe avec lequel l'élève doit travailler est restreint, et le savoir, les connaissances directes partagés avec l'enseignant permettent d'obtenir beaucoup de succès. Malheureusement, cette ressource se trouve à l'extérieur de l'école secondaire normale, dans nos centres communautaires. Les élèves aiment beaucoup se rendre dans ces centres, car ils ont établi une relation avec quelqu'un qui y œuvre ou avec quelqu'un à l'école, et cette personne les aidera à finir leur secondaire de premier cycle et leur secondaire. Derrière tout succès se cache une relation.
M. Celli : L'une des méthodes que nous avons commencé à mettre en place consiste à placer le jeune avec lequel nous travaillons dans le rôle de l'enseignant.
De cette façon, nous avons l'intention d'accomplir deux ou trois choses. Entre autres, nous espérons qu'en apprenant à enseigner leur culture, les élèves resserreront leur lien avec elle, car l'écart est certainement considérable. En ce moment, ils n'appartiennent ni à une culture, ni à l'autre.
Nous espérons donc qu'en faisant d'eux les enseignants, ils apprendront à comprendre leur culture; nous voulons en fait qu'ils donnent les leçons culturelles dans les classes des plus jeunes. Nous espérons que leur compréhension sera ainsi approfondie et qu'ils arriveront à la transmettre à d'autres.
Nous sommes tombés sur une méthode d'enseignement particulièrement solide qui reflète très bien les méthodes traditionnelles de transmission du savoir, dans le cadre desquelles on ne dit pas, on invite à découvrir. Nous sommes très optimistes sur ce plan aussi.
Le sénateur Dyck : Je pense que ce qui m'a impressionnée dans ce que vous avez dit, c'est l'idée d'organiser une conférence jeunesse et de découvrir des jeunes mêmes ce qu'ils vivent et ce qu'ils pensent être les obstacles.
Je crois que vos constatations ressemblent beaucoup aux résultats de l'enquête menée par la Fondation nationale des réalisations autochtones; il s'agissait du même genre de chose. Ils abandonnaient l'école pour des raisons très semblables. Nous devrions peut-être demander plus souvent aux jeunes quels sont les obstacles.
Le président : Y a-t-il des divisions scolaires qui déploient des efforts concertés pour embaucher des enseignants autochtones? Des parents ou des éducateurs des Premières nations siègent-ils au conseil des écoles publiques? Fait-on des efforts en ce sens? Je pense que M. Dombrosky a mentionné qu'il comptait un conseil consultatif formé d'aînés autochtones.
M. Celli : Nous en sommes aux premières étapes, mais pour donner suite à la conférence jeunesse, nous avons pensé inviter un petit comité de jeunes à présenter ses conclusions aux commissaires lors d'une séance du conseil, dans l'idée d'engager un dialogue qui mènera à d'autres discussions. Nous nous sommes retrouvés avec 34 personnes. Tous les jeunes étaient présents, en plus de leurs parents, ce qui n'a rien de banal, car ils n'avaient jamais mis les pieds dans notre édifice, à aucun moment et pour aucune raison. L'intention de faire quelque chose du genre de ce que les Écoles catholiques d'Edmonton ont accompli, une fois que les nouveaux conseils seront établis, est le fruit de cette réunion.
Nous avons toujours dit aux adultes qu'ils devaient participer plus activement à l'éducation de leurs enfants pour les aider à apprendre. Le problème, c'est qu'il y a probablement une génération et demie, ou peut-être même deux, de parents qui ne comprennent pas ce que cette participation devrait être ou qui ont vécu des expériences très négatives à l'école.
C'est pour cette raison que nous allons nouer le dialogue avec les parents très bientôt. Nous possédons les connaissances. Nous pouvons les aider à acquérir les compétences et la compréhension requises pour établir une relation avec leurs enfants, mais nous devons pouvoir agir avec délicatesse.
Nous avons deux ou trois personnes qui peuvent former les aides-éducateurs et nous allons commencer à multiplier ces ressources dans la collectivité, car elles font défaut à l'heure actuelle. Cela répond quelque peu à la question, je crois.
M. Dombrosky : Juste pour vous expliquer comment notre conseil d'aînés a été formé, pendant de nombreuses années, nous organisions une réunion annuelle pour tous les parents. Nous tentions de nous faire très accueillants afin que tous les parents métis, inuits et des Premières nations de toutes les écoles y assistent. Nous envoyions des lettres personnalisées et grâce à ce groupe, nous avons compris qu'il est crucial d'écouter les aînés. Nous avons aussi remarqué que nos élèves s'en remettent très vite à l'aîné. Ils le comprennent très bien, ils le respectent et ils l'écoutent attentivement.
Le comité a été utile parce que nos commissaires comprennent la situation des aînés, les genres d'expériences que chacun d'eux a vécues, et une entente permet à notre conseil de mettre en œuvre le genre de stratégies qu'ils accepteraient tous et qui ont déjà fait l'objet de discussions.
Il a fallu beaucoup de temps et d'efforts pour en arriver à ce point, mais le conseil est précieux, et nos commissaires aiment beaucoup les soirées qu'ils passent avec lui.
M. Buruma : En ce qui concerne l'embauche, nous avons tenté d'engager des enseignants autochtones, en particulier pour le programme en question. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour en faire la promotion auprès de la collectivité autochtone, mais souvent, personne ne postule. Il s'agit d'un défi pour nous, et de l'un de nos objectifs.
C'est intéressant et encourageant de voir qu'ont postulé un certain nombre de personnes qui avaient fait une mineure en études autochtones, mais il est difficile de trouver des enseignants autochtones.
Mme Ebbers : Nous aussi travaillons fort pour engager toujours davantage d'enseignants autochtones, et nous avons connu un certain succès. De nouveaux enseignants viennent s'établir dans la région.
La difficulté s'explique en partie par le fait que certains de nos employés n'ont pas dit qu'ils étaient autochtones. À mesure que les gens s'ouvrent, nous constatons qu'il y a un nombre grandissant d'Autochtones dans notre personnel.
En outre, nous sommes beaucoup plus à l'aise de parler de l'endroit d'où viennent les gens. Nous posons des questions sur l'origine des personnes. Cela a été une très bonne chose.
Étant donné que les gens n'ont pas à préciser leurs origines ethniques dans nos formulaires de demande d'emploi, nous ne connaissons pas le nombre d'Autochtones que compte notre personnel. À moins que les candidats autochtones se présentent directement à notre service pour demander un emploi, auquel cas nous prenons des arrangements avec les ressources humaines, il nous est impossible de connaître le nombre d'Autochtones dans nos rangs; mais chose certaine, les chiffres sont en hausse.
Chaque fois que nous avons lancé un programme, nous avons aussi mis en œuvre un certain nombre de programmes de cri, ce qui est un peu plus compliqué. Il est difficile de trouver des gens qui parlent les langues autochtones et qui possèdent des certificats d'enseignement.
M. Dombrosky : Non seulement nous réussissons à trouver des employés autochtones, mais nous engageons aussi des Autochtones qui parlent cri, parce que nous enseignons cette langue aux élèves. Dans les écoles catholiques d'Edmonton, nous avons des administrateurs qui ont des origines autochtones et un directeur autochtone.
Nous faisons de notre mieux, mais je dirai qu'il est difficile d'atteindre les objectifs. Il est difficile d'entrer en contact avec les universités et de trouver le personnel dont nous avons besoin. Nous faisons de notre mieux, mais c'est certain qu'il y a place à l'amélioration.
Le sénateur Poirier : Hier, lorsque nous étions à Onion Lake, nous avons discuté avec une mère qui s'occupait de huit enfants, mais je ne suis pas certaine qu'ils étaient tous à elle. Elle a parlé en particulier d'une de ses filles, qui avait douze ans. Sa fille est d'abord allée à l'école d'immersion pour les Cris et elle a ensuite été transférée dans le système d'écoles publiques. La mère a parlé de toutes les difficultés et des complications affrontées; elle a dit que sa fille a perdu les connaissances acquises durant les premières années d'école et qu'elle a rapidement oublié tout ce qu'elle savait sur les traditions et la culture lorsqu'elle est passée dans le système d'écoles publiques.
Un témoin a souligné qu'il y a de nombreux problèmes concernant le transfert d'élèves des écoles des Premières nations au système d'écoles publiques, en particulier lorsque les jeunes provenaient d'écoles d'immersion.
Quel est votre système pour corriger la situation et faciliter les transferts? Notre objectif, c'est de permettre aux élèves de poursuivre leur apprentissage dans leur langue et leur culture et de comprendre qui ils sont, pour ensuite l'accepter et aller de l'avant. Cependant, s'ils passent d'une étape à l'autre et reculent, il faut se demander si nous atteignons les objectifs.
Cela pose-t-il un problème dans le système d'écoles publiques? Que faisons-nous pour corriger la situation? Pouvez- vous nous parler d'autres problèmes concernant le transfert d'élèves et de la façon dont vous vous en occupez?
Mme Ebbers : Madame le sénateur Poirier, vous avez raison; c'est certainement un problème. La question s'explique en partie par le fait que nous sommes dans une très grande ville et que nous n'avons pas de programme d'immersion pour les Autochtones. Notamment, notre budget prévoit les frais de transport des francophones et des anglophones, mais pas des Autochtones. Nous devons payer davantage pour transporter les Autochtones.
Également, dans une très grande ville, les Autochtones vivent regroupés. Nous essayons d'offrir un programme de langue seconde où ils habitent, et nous en avons lancé un il y a un certain temps pour le cri. Toutefois, si une famille s'installe de l'autre côté de la ville et si la demande dans le quartier n'est pas assez grande pour qu'on y donne un programme complet et permanent, il peut arriver que les jeunes de cette famille doivent faire une heure et demie d'autobus pour profiter du programme. C'est un autre aspect du problème.
Il n'y a pas que le problème de la langue. En fait, la semaine dernière, un directeur m'a appelé pour me dire qu'un enfant devait être rétrogradé de deux ans. Je lui ai demandé d'où venait l'enfant. Les élèves des écoles dans les réserves présentent un retard d'apprentissage par rapport à ceux des écoles publiques, mais il est possible de rattraper ce retard. Pourquoi recaler un élève dès qu'il arrive dans sa nouvelle école, si nous n'avons aucune idée de ce dont il sera capable?
L'élève doit notamment s'adapter à une classe, à une école et à une communauté beaucoup plus grandes. Dans certains cas, il est habitué à ce qu'un membre de sa famille soit dans la classe. Nous devons donner la chance aux jeunes de s'acclimater. Nous allons soutenir la famille durant ce temps, mais nous sommes contre la rétrogradation de l'élève.
Ensuite, il y a les allers-retours, parce que l'enfant va parfois être ici pendant un temps, pour ensuite retourner à son école dans la réserve. Plus tard, l'élève va peut-être revenir à l'école publique, et ces allers-retours sont pénibles pour lui.
Le sénateur Poirier : Est-ce l'enfant qui choisit de changer constamment d'école?
Mme Ebbers : Généralement, non.
Le sénateur Poirier : Est-ce le choix des responsables du système d'écoles publiques ou du système scolaire des Premières nations?
Mme Ebbers : Dans certains cas, c'est la décision de la famille. Étant donné que le choix d'une école compte beaucoup, la famille peut venir habiter en ville pour que l'élève suive un programme. Il se peut qu'après seulement six mois, elle décide de retourner dans la réserve. Cela dit, la famille peut revenir pour que l'élève essaie un nouveau programme, et c'est pourquoi il fait des allers-retours.
Le sénateur Poirier : Lorsque l'élève est dans le système d'écoles publiques, y a-t-il des programmes pour faciliter la transition? L'aide-t-on à maintenir un lien avec sa culture pour qu'il ne perde pas ses acquis.
Mme Ebbers : Nous faisons bien des choses pour tenir compte de la culture dans nos écoles. Je dirais que, depuis trois ans, nous avons accompli de grands progrès. Les responsables de n'importe quelle école peuvent nous appeler et nous allons envoyer quelqu'un pour les aider. Nous disons aux directeurs des écoles qui accueillent des Autochtones des réserves de nous appeler, car certains de nos employés iront parler à la famille pour voir si nous pouvons offrir du soutien.
Toutefois, nous n'offrons pas d'aide concernant la langue, à moins que les gens vivent dans le quartier où nous offrons le programme de cri ou tout près. Mais là encore, il s'agit d'un programme de langue seconde, et non d'un programme d'immersion.
Le sénateur Poirier : Vous avez dit que le transport représentait des coûts supplémentaires. Qui paie le transport?
Mme Ebbers : Ce sont nous et les parents.
Le sénateur Poirier : Le ministère de l'Éducation de la province ou le ministère fédéral des Affaires indiennes et du Nord transfère-t-il des fonds aux Premières nations pour aider les parents à payer leur part? Est-ce le gouvernement fédéral ou les parents qui financent le transport?
Mme Ebbers : Ce sont les parents qui paient de manière indépendante.
Le sénateur Raine : Merci beaucoup d'être là aujourd'hui. Votre grande expérience nous est très utile.
Quelqu'un d'entre vous a-t-il entendu parler de l'école virtuelle de Sunchild? Dans l'affirmative, croyez-vous que cette école soit utile pour offrir davantage de contenu culturel aux enfants qui ne font pas partie de grands groupes?
M. Celli : La réserve de Sunchild se trouve tout près de Rocky Mountain House, où nous sommes situés. Il y a deux semaines, je parlais avec le directeur de cette école, Martin Sacher. Je connais depuis longtemps Martin et son école virtuelle, et nous croyons certainement que c'est une avenue à explorer.
La majorité de la clientèle de nos écoles vient de Rocky Mountain House, mais l'école virtuelle de Sunchild connaît beaucoup de succès et elle pourrait nous aider à augmenter le niveau d'instruction de la population tout en préservant les traditions, comme disait le sénateur Poirier.
Je pense que nous pourrions grandement profiter de cette école. En fait, nous venons de commencer à discuter de la façon d'y connecter nos établissements scolaires, car le travail est déjà fait. Nous n'avons qu'à établir le lien entre le lieu où sont nos élèves et l'école virtuelle.
M. Dombrosky : Madame le sénateur, nous avons parlé aux responsables de l'école de Sunchild concernant leur programme. Comme nous avons notre propre école virtuelle, ils peuvent nous consulter pour bien des domaines. Nous nous occupons de la question de plusieurs manières.
Néanmoins, nous avons constaté que les élèves apprennent beaucoup mieux dans une salle de classe. Cette proximité entre l'enseignant et les élèves est essentielle. L'école virtuelle ne permet pas toujours de tisser des liens. Les relations interpersonnelles importent beaucoup.
M. Buruma : Pour répondre de manière indirecte, nous essayons d'avoir le plus de contenu culturel possible. Nous avons essayé d'offrir un programme d'études autochtones, et je sais qu'on en a fait autant dans certaines régions de la province. Cela fait partie du programme d'enseignement de l'Alberta. Le problème, c'est entre autres qu'il y a de nombreux cours offerts.
Cette année, nous avons été créatifs en donnant le cours de culture dans notre centre d'enseignement local. Nous pourrions réduire les obstacles à un contenu culturel accru en remplaçant un programme comme les études sociales. Le cours de culture ressemble beaucoup aux études sociales. Il répondrait aux exigences pour recevoir son diplôme, et je sais qu'en Saskatchewan et dans d'autres régions, le crédit accordé pour la réussite du programme de culture peut remplacer celui des études sociales.
Je pense qu'il y a des obstacles inhérents à l'enseignement du cours sur la culture. Il doit être rentable et suivi par un minimum d'élèves. De plus, il est difficile de planifier l'horaire du cours.
Nous avons donné ce cours dans notre programme local. Nous l'avons offert dans trois écoles secondaires, ce qui justifiait son existence, mais c'était néanmoins très difficile. Nous devons chercher à éliminer certains obstacles pour enseigner davantage de contenu culturel aux élèves.
Le sénateur Raine : Bon nombre d'entre vous ont parlé de ce que vous faisiez pour les Premières nations. Avez-vous déjà songé à ce qu'elles peuvent faire pour vous et à ce qu'elles peuvent apporter au système d'écoles conventionnel? Leur culture a beaucoup à offrir dans le monde moderne.
Mme Ebbers : C'était une belle transition. Nous collaborons beaucoup avec la Première nation crie d'Enoch. Même si cela prend pas mal de temps, nous effectuons le travail pratique avant de mettre l'entente sur papier. C'est pourquoi nous sommes aux prises avec des obstacles et des problèmes.
La Première nation crie d'Enoch a entre autres proposé que nous élaborions un cours axé sur son histoire et son territoire, parce que notre région est visée par un traité.
Il se trouve justement que notre personnel comprend un jeune et brillant universitaire de la Première nation crie de Montréal Lake. Cet été, il a travaillé à l'école secondaire que fréquentent de nombreux élèves d'Enoch, il a tenu des réunions avec les ainés et les conseils et il a élaboré au niveau local un cours pilote mettant à profit toutes les archives et les photographies qui concernent la région. Il a construit une bibliothèque avec des élèves, et le résultat est époustouflant.
Nous voulons que le cours soit élaboré au niveau local, parce que la communauté peut transmettre son savoir et les descendants d'Autochtones vivent ici. En fait, un chercheur a retracé certains membres de sa famille qu'il ne connaissait pas. Ce n'est qu'un début, mais ce qui est arrivé est fantastique.
Par ailleurs, de nombreux élèves prennent conscience qu'ils ont leur mot à dire. Nous avons formé bon nombre de groupes de consultation, de réflexion et autres avec les élèves, qui nous disaient toujours qu'ils auraient préféré suivre un cours de culture au lieu des cours d'art et de musique offerts pendant les premières années du secondaire. C'est pourquoi, dans deux ou trois écoles, nous élaborons des cours qui tiennent compte du point de vue des gens locaux.
Le même problème se présente dans les dernières années du secondaire, car il y est difficile d'offrir un cours de culture. Cependant, dans les premières années du secondaire, où commence véritablement le décrochage, nous remportons un certain succès, et tout le mérite revient aux enfants, pas à nous.
M. Celli : C'est intéressant que vous nous demandiez cela, car c'est d'abord une question comme la vôtre qui m'a mené ici. Nous sommes préoccupés depuis un certain temps par la discipline.
Dernièrement, j'ai lu Returning to the Teachings, un livre écrit il y a un certain temps par Rupert Ross.
Il parle de son expérience dans le Nord à titre de procureur de la Couronne et des difficultés qu'il a affrontées. Il dit que les endroits où on a connu le plus de succès sont ceux où on suivait les approches des Autochtones en matière d'enseignement. Il est question de cercles de vision et de guérison.
Habituellement, lorsque nous suspendons un élève, nous devons le faire plus qu'une fois. Bien souvent, l'élève ne revient pas à l'école, et c'est inacceptable. Nous savons que certains jeunes ne sont pas sur la bonne voie. Étant donné que nous devions changer quelque chose, nous avons organisé une réunion pour demander à ces jeunes s'ils pouvaient nous aider. Deux semaines plus tard, nous étions heureux de constater qu'un cercle de vision avait déjà été mis sur pied. Les jeunes avaient discuté avec les aînés de la communauté et décidé d'adopter cette approche pour tout le monde.
C'est de cette façon que nous procédons maintenant. Le cercle de vision se réunit quatre fois par mois, et on nous permet d'amener à l'une de ces rencontres les jeunes qui nous posent des problèmes. On utilise l'approche de la guérison. Quelque chose ne va pas chez la personne et cela explique son mauvais comportement. Si nous guérissons les gens et leur offrons le soutien de la communauté, nous sommes sur la bonne voie. Nous sommes optimistes à propos du potentiel de la démarche. Assurément, cela ne peut pas être pire que ce que nous faisions.
M. Buruma : Nous essayons d'employer le plus de ressources possible, et il y en a de bonnes dans notre communauté, mais l'accessibilité constitue un réel problème. Lorsqu'un responsable des programmes d'enseignement demande aux enseignants d'inviter un aîné, on nous appelle, mais nous n'avons personne à leur envoyer. La situation varie selon l'endroit, mais je pense que le problème se généralise dans la province. Il est très difficile d'avoir accès à ces ressources dans certaines communautés.
Le sénateur Sibbeston : Nous essayons de réduire l'écart d'environ 28 ans qui sépare les élèves des Premières nations et les autres Canadiens.
Je sais que l'avenir des Premières nations au Canada repose en partie sur la collaboration des commissions scolaires comme la vôtre et sur les leçons tirées de votre expérience . Vous connaissez beaucoup de succès, vous êtes bien organisés et vous vous occupez des enfants de communautés très, très motivées. Votre système est excellent, car les enfants qui fréquentent l'école sont très brillants et ils savent beaucoup de choses.
Compte tenu de votre professionnalisme, quels conseils donneriez-vous aux Premières Nations qui habitent pour la plupart dans les régions rurales? Vous connaissez le système et vous savez comment obtenir du succès. La seule chose que vous pourriez gagner à connaître, ce sont les gens et les communautés qui vivent à la campagne.
En ville, les gens sont professionnels; ils sont très bien organisés et très motivés. À la campagne, les gens préfèrent la tranquillité et le rythme de vie plus lent.
Si vous deviez aider les Autochtones du pays, quelles seraient vos suggestions pour réduire l'écart qui les sépare des autres Canadiens en 10 ans au lieu de 28? Si on vous confiait le mandat d'aider les Autochtones et si on vous donnait les ressources nécessaires, comment vous y prendriez-vous?
Vous êtes très professionnel, expérimenté et brillant. Que feriez-vous à ce sujet?
M. Dombrosky : Je pense que nous aimerions tous voir les choses s'améliorer et rendre l'apprentissage agréable et utile. Nous aimerions tous inculquer aux jeunes le goût d'apprendre tous les jours et leur faire comprendre que c'est important. Je pense que cela suffit pour motiver les élèves et la motivation, c'est ce qui compte
Parfois, un verre de lait et une pomme feront l'affaire pour motiver un enfant, mais cela peut être plus complexe. Il faut dire et montrer aux jeunes ce qui compte dans la vie.
Le sénateur Sibbeston : Votre réponse m'a fait sourire un peu, car je me suis demandé si une partie de votre solution serait que chaque communauté profite d'une économie vigoureuse.
M. Dombrosky : En effet.
Le sénateur Sibbeston : Serait-ce une partie de la solution?
M. Dombrosky : Selon votre question, je présume que les communautés disposeraient des ressources nécessaires.
M. Schmidt : Les ressources communautaires sont bel et bien essentielles. Nous devrions aussi songer à ce que nous pouvons faire pour aider les parents à faire de l'éducation une valeur essentielle dans leur foyer. Les parents dont les niveaux de scolarité diffèrent peuvent tout de même défendre fermement cette valeur et la communiquer avec vigueur à leurs enfants. Je pense que c'est essentiel pour motiver les élèves et les aider à tenir bon lorsque les temps sont difficiles.
Il est capital d'inculquer aux jeunes le goût d'apprendre. Malgré que les parents de certains de nos élèves aient un faible niveau de scolarité, s'ils présentent clairement l'éducation comme étant une de leurs valeurs, les enfants vont poursuivre bien plus longtemps leurs études.
M. Celli : Avant tout, les gens de la communauté doivent décider ce qu'ils veulent. Ensuite, ils peuvent s'organiser en conséquence. Il ne faut pas nécessairement beaucoup de ressources, mais on doit bien connaître les objectifs avant de cerner nos forces.
Comme l'a indiqué le sénateur Greene Raine, nous pouvons tirer profit de nos nombreuses forces et décider ensuite de celles que nous devons acquérir. Une partie du problème, c'est que ces choix ont toujours été faits à l'extérieur de la communauté. Cela constitue un problème fondamental et récurrent, et je pense que nous continuerons à nuire grandement à l'éducation des élèves autochtones si nous ne changeons pas notre façon de faire.
M. Buruma : En Alberta, nous avons le programme Education is Our Buffalo, qui témoigne de l'importance de l'éducation. Selon moi, le processus doit s'effectuer dans les deux sens; nous devons collaborer avec la communauté autochtone et vice-versa. C'est une responsabilité partagée, et la façon dont nous allons tisser des liens sera déterminante pour l'avenir.
Le sénateur Hubley : Devant les difficultés rencontrées par vos enseignants et vos administrateurs, vous avez mis en œuvre des programmes et des idées novatrices, de manière à résoudre les problèmes. Avez-vous l'occasion d'échanger entre vous et dans la collectivité en général? Beaucoup de conseils scolaires pourraient mettre à profit nombre de vos bonnes idées et de vos bonnes pratiques. Avez-vous l'occasion de les leur faire connaître?
M. Buruma : Nous savons depuis des années qu'il y a un écart important, et des efforts ont été consentis pour tâcher de le combler. En fin de compte, il faut qu'un objectif précis soit fixé aux conseils scolaires et aux écoles.
Il doit y avoir une obligation de rendre compte. Des rapports doivent être produits. Je pense qu'il est important de pouvoir appliquer ce genre de mesures, qui nous permet de rendre possible une perspective plus solide. Chacun d'entre nous a cette responsabilité qui s'exerce entre autres par les échanges.
Nous nous sommes employés à tisser des liens avec d'autres programmes et nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. C'est un élément important. Les groupements d'éducation formés par le ministère de l'Éducation de l'Alberta sont tantôt ordinaires, tantôt issus des occasions de dialogue créées par les services aux Premières nations, aux Métis et aux Inuits. Ils préparent des publications sur les pratiques prometteuses en matière d'éducation pour les Premières nations, les Métis et les Inuits, publications où il est question de ces programmes.
Deux fois par années se tiennent divers ateliers, dont certains portent sur les programmes de mentorat pour l'achèvement des études secondaires ou sur des sujets semblables. Ces ateliers rassemblent les gens exactement dans cette optique.
Le sénateur Hubley : Lorsque vous célébrez un événement ou une journée spéciale autochtone, est-ce que ce sont la totalité des élèves qui y participent?
M. Dombrosky : Oui, il arrive que de tels événements soient soulignés une journée entière, mais nous tenons également des ateliers spéciaux en classe. Tout dépend du programme concerné. C'est parfois limité à une classe, parfois étendu à l'ensemble d'une école.
Certaines célébrations s'étendent même à l'ensemble d'un conseil scolaire. Chaque année, nous organisons le pow- wow de la Ben Calf Robe School. Tout le conseil scolaire y participe. Cette année, nous avons un nouveau partenaire pour cette fête : la Ville d'Edmonton. De nombreuses célébrations sont organisées avec la collaboration de divers organismes.
Le sénateur Raine : Je m'intéresse toujours beaucoup à l'éducation physique et à l'éducation à la santé dans le système scolaire. Je crois qu'il existe un besoin dans ce domaine, parmi les élèves des Premières nations, parce qu'ils éprouvent parfois des problèmes de santé particuliers lorsqu'ils vieillissent.
Avez-vous des programmes spéciaux d'éducation physique et d'éducation à la santé pour les élèves des Premières nations?
Mme Ebbers : Deux de nos enseignants ont obtenu un certificat d'instructeur de jeux autochtones internationaux et ils mettent leurs compétences à profit pour le conseil scolaire catholique également. Nous collaborons secrètement, pour certains ateliers, avec les deux conseils scolaires, ce qui est magnifique.
Il commence à y avoir un engouement dans les écoles pour ces jeux, et nous espérons que des professeurs d'éducation physique obtiendront, eux aussi, ce certificat. Alors, c'est encourageant.
Un nouveau venu dans notre unité a comme projet d'organiser une ligue intra-muros de crosse dans l'ensemble de la ville. Vous m'en reparlerez l'année prochaine.
Le sénateur Raine : L'éducation à la santé dépasse largement la pratique sportive. Il s'agit d'apprendre comment s'occuper de son corps et comment faire de l'exercice pour être en bonne condition physique.
Mme Ebbers : Les jeux autochtones ne sont pas une compétition. Certains jeux sont stimulants mentalement. Ce sont des jeux qui font appel à l'intelligence. Toutes les facultés du participant sont mises à contribution. Ce n'est pas nécessairement un sport.
Le sénateur Sibbeston : Les temps ont beaucoup changé depuis l'époque où j'allais à l'école. La société est beaucoup plus riche. Mais, si j'ai poursuivi mes études assez longtemps, c'est que je ne voulais pas gagner ma vie comme travailleur manuel. Je viens d'un milieu de chasseurs et de trappeurs. C'est un mode de vie rude.
Au fil de mes études secondaires, j'ai eu des emplois d'été où je travaillais dans la nature ou encore pour Poole Construction. Je transportais du ciment dans une brouette. C'était assez pour me motiver à réussir mes études, car je ne voulais pas passer ma vie à faire du travail manuel.
Je ne sais pas s'il reste des gens qui travaillent aujourd'hui. Tout est mécanisé, et je pense parfois...
Le président : Les sénateurs travaillent.
Le sénateur Sibbeston : Notre société est tellement riche qu'il n'est peut-être même plus nécessaire de travailler pour vivre, de nos jours.
J'ai toujours dit que les gens ne pouvaient pas se développer dans le vide. Ils doivent avoir une motivation ou un but. C'est comme aller à la messe. Si j'y vais, c'est que je me sens généralement mieux après. Si ce n'était pas le cas, je n'irais pas à la messe. Alors, ce doit être la même chose pour les études. Elles doivent avoir un but. Elles doivent améliorer les perspectives d'emploi pour que l'on ait le goût de continuer à étudier.
Je suis d'avis que, pour se développer, toute population des Premières nations doit participer au développement économique. Il faut du concret. Personne, pas même la personne la plus intelligente, ne peut simplement atterrir dans le Nord et y pondre dans le vide un système pour combler l'écart en matière de scolarité.
Une partie de votre travail doit consister à développer l'économie, de manière à ce que les parents puissent travailler et à ce que les enfants soient motivés en songeant aux emplois qu'ils pourront occuper un jour ou l'autre.
À Edmonton, tout le monde travaille. Tous les parents ont des emplois. Ils se sont perfectionnés et détiennent une formation avancée. Leur motivation se transmet à leurs enfants.
Quelle que soit la population, les gens doivent être ainsi motivés. Sinon, il est peu probable qu'ils encouragent leurs enfants à faire des études et à travailler comme eux plus tard. Ils se demanderont à quoi sert le travail et à quoi sert l'éducation.
Je suis bien conscient de la différence entre les mentalités. Ce n'est pas tout le monde qui souhaite vivre à Edmonton et y faire le genre de travail qui est offert là-bas. La vie dans les régions rurales est merveilleuse. Elle se déroule plus lentement et beaucoup plus paisiblement. Elle est moins stressante, j'en suis sûr.
Je me dis parfois que nous devrions nous demander s'il est pertinent d'avoir comme critère le nombre de scientifiques et de médecins formés. Est-ce bien ce que nous voulons comme critère? Ne faudrait-il pas plutôt se demander si la personne qui habite hors des grands centres participe à la vie de son milieu, si elle y est heureuse, si elle a un but dans la vie et si elle se sent bien dans sa peau? Je préfère un critère comme celui-là.
Si, dans un milieu rural, une personne quitte les études après la 10e ou la 11e année, occupe un emploi valorisant et y trouve le bonheur, nous devrions considérer que cette personne a réussi, même si elle ne travaille pas comme scientifique dans une université. Compte tenu de la situation de cette personne, au départ, on peut dire qu'elle a réussi, vous savez. Je pense que nous devrions parfois considérer ce genre de bon résultat également.
M. Celli : Un habitant d'Edmonton a écrit un livre intitulé The Economics of Happiness. Je pense que vous prendriez probablement plaisir à en faire la lecture, si ce n'est déjà fait. L'auteur défend exactement cet argument : tout devrait-il être axé sur l'économie? Ne peut-on pas avoir comme but tout aussi souhaitable de vivre une belle vie et d'être fidèle à ses aspirations?
Je pense que nous devrions entre autres, en toute honnêteté, rééquilibrer un peu le système d'éducation, et pas seulement dans l'optique de mieux servir la population des Premières nations. Doit-on axer tous les efforts sur l'obtention d'un emploi? Il y a évidemment d'autres raisons pour s'instruire. Je pense que nous ne devons pas négliger cette autre dimension qui s'intègre à merveille au travail que nous effectuons avec les Premières nations.
Le sénateur Sibbeston : Je m'attendais à ce qu'une personne issue du système d'enseignement catholique finisse par nous dire que le but de la vie est d'aller au paradis.
Le président : J'espère que c'est le but ultime de tout le monde ici. Je ne sais pas si cet autre endroit est si agréable. Les terrains de golf en sont absents.
M. Buruma : Vos observations ressemblent à nos réflexions au sujet de nos programmes. Dans le cadre de responsabilisation auquel nous sommes soumis, les critères de réussite sont les résultats aux examens, le nombre d'élèves qui terminent leurs études secondaires et la proportion de personnes qui font des études postsecondaires. Pourtant, nous devrions nous poser les questions que vous soulevez. Ce genre de dialogue serait tout à fait pertinent dans notre milieu. Nous devons chercher à savoir quelle idée de la réussite se font les élèves autochtones, car ils ont d'autres critères que ceux que nous avons établis pour mesurer la réussite. Nos critères sont importants, mais il en existe beaucoup d'autres aussi.
M. Dombrosky : J'aurais une observation à faire, et elle n'est pas de nature religieuse.
Je pense que nous avons le sentiment d'avoir accompli quelque chose de formidable chaque fois qu'une personne est la première de sa famille à terminer ses études. C'est le but que nous visons parce que la personne qui obtient son certificat d'études secondaires est outillée pour s'engager à partir de là sur la voie qui lui convient. Je crois que l'obtention de ce certificat est vitale.
Le président : Comme d'autres sénateurs l'ont indiqué, nous sommes en présence aujourd'hui de toute une gamme de professionnels, qui nous apportent beaucoup d'expérience. Les enseignants sont très importants.
En tant qu'élève métis, j'ai pu bénéficier de services de mentorat et d'un traitement un peu spécial en mathématiques et en sciences, chez les sœurs grises, à Saint-François-Xavier, au Manitoba. Cette aide a eu un effet déterminant dans ma vie.
Récemment, j'ai représenté mon parti politique dans un forum, à Ottawa. Une jeune enseignante de Terrace, en Colombie-Britannique, m'a adressé la parole. Elle a souligné que j'étais un Autochtone de la Colombie-Britannique. Elle a indiqué que 20 p. 100 de ses élèves étaient des Autochtones et que 80 p. 100 d'entre eux étaient victimes de sévices. Elle m'a demandé si j'avais des solutions ou des recommandations pour résoudre ce problème.
Tout en hochant de la tête, je lui ai répondu qu'il fallait commencer par le début. Selon moi, tous les enseignants devraient être conscients de ce qui s'est vraiment passé. Pendant 10 000 ans, les Autochtones ont vécu ici en harmonie avec l'environnement. Puis, avec l'arrivée des Européens, leur économie s'est démantelée, à commencer par la disparition du bison. Les Autochtones ont été confinés dans des réserves et ghettoïsés. Devant la jeune enseignante, j'ai dit ceci : « Peu importe qui l'on ghettoïse, que ce soit des Blancs, des Noirs, des Jaunes ou des Rouges, le résultat est généralement le même. » J'ai ajouté qu'on avait mis les Autochtones dans des réserves, qu'on avait confisqué leurs terres et que les traités n'avaient jamais été honorés. Des pensionnats autochtones ont été créés. Les Blancs ou les Européens savaient mieux que les Autochtones ce qui était bon pour eux. Il s'agissait d'extirper l'Autochtone de l'enfant. Les sévices se sont abattus sur eux. Ce fut horrible pour eux, sans aucun doute.
Puis, ai-je dit à l'enseignante, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a été créé, à partir d'une vision paternaliste où tout le monde devient un bénéficiaire. L'aide sociale est au cœur de cette vision, plutôt que le développement. Ce ministère manifeste encore aujourd'hui le même paternalisme.
Si un enfant est élevé dans la violence, il deviendra violent. Si un enfant est maltraité, il maltraitera plus tard ses propres enfants. Voilà pour la partie sombre de mon propos. Mais j'ai poursuivi ma réponse en disant que, si quelqu'un est capable de faire quelque chose, ce sont les enseignants. Chaque enseignant devrait savoir exactement ce qui s'est passé. Il devrait être bien au courant de la chronologie des événements.
Je pourrais continuer ainsi, mais j'essaie de résumer. C'est vous qui détenez la clé puisque vous exercez cette profession dans cette grande province. Je crois que de nombreuses solutions sont entre vos mains, et il est encourageant de constater que la société commence à comprendre. Nous devons aller à la rencontre des Autochtones, comprendre leurs besoins et voir le monde à travers leur regard.
Je voudrais vous remercier sincèrement, au nom du comité, pour avoir pris le temps de venir témoigner devant nous et de nous communiquer vos réflexions, vos espoirs, vos rêves et vos aspirations pour les Premières nations. Que Dieu vous bénisse.
Nous allons maintenant entendre notre prochain groupe de témoins : du Conseil d'éducation des Premières nations du Nord-Ouest, nous accueillons Gerry Guillet, directeur de l'Éducation et président-directeur général, ainsi que Wes Fine Day, conseiller culturel et coordonnateur des partenariats; de la Division scolaire Île-à-la-Crosse, nous accueillons Lon Borgeson, directeur de l'enseignement, et Duane Favel, président de la commission scolaire.
Vous savez que notre étude porte sur l'enseignement de la maternelle à la douzième année. Je pense que, pour la plupart, vous êtes bien au courant du travail entrepris par le Sénat à ce sujet, dans le but de produire un rapport concis et ciblé, qui contiendra quatre recommandations. Nous vous faisons confiance pour nous aider à formuler quatre recommandations auxquelles le premier ministre pourra donner suite immédiatement. Y aurait-il des doutes à ce sujet?
Duane Favel, président, Commission scolaire, Division scolaire de l'Île-à-la-Crosse : Monsieur le président, j'ai une demande spéciale à vous adresser avant que nous poursuivions. Puisque nous ne disposons que de cinq à sept minutes pour faire notre exposé, nous nous sommes préparés pour nous relayer. Nous sommes bien conscients de la limite de temps et nous voudrions savoir si nous pouvons faire notre exposé conjointement, car c'est ainsi que nous l'avons préparé.
Le président : Alors, vous voulez être deux contre un. Allez-y comme vous le souhaitez, sans dépasser le temps qui vous est accordé.
Pour les Écoles publiques de Regina, nous accueillons Calvin Racette, coordonnateur de l'éducation des Autochtones, David Hutchinson, surintendant, et Betty McKenna, aînée.
Le Conseil tribal de Saskatoon est représenté par le chef Larry Cachene ainsi que par John Barton, directeur de l'enseignement par intérim.
Gerry Guillet, directeur de l'Éducation, président-directeur général, Conseil d'éducation des Premières nations du Nord- Ouest : Merci, honorables sénateurs. À l'instar des représentants de la Division scolaire Île-à-la-Crosse, je vais me limiter dans le temps, car la contribution de mon partenaire est essentielle dans notre exposé.
Merci beaucoup de nous faire l'honneur de nous inviter à cette réunion de votre comité. Permettez-moi de vous donner très rapidement les grandes lignes du résumé préparé par le Conseil d'éducation des Premières nations du Nord-Ouest. Nous sommes des nouveaux venus dans le domaine de l'éducation et nous avons adopté un modèle unique, différent de ce qui se fait ailleurs au Canada. C'est certainement le seul modèle de cette nature au pays.
Nous essayons d'établir un système d'éducation ou de prise en charge de l'éducation pour les écoles situées dans les réserves. Notre organisme a été officiellement constitué à titre de projet pilote de cinq ans, en juillet 2005, avec l'aide du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien dans la région et à Ottawa.
Nous avons commencé notre projet avec six bandes indiennes de la région de Battlefords qui souhaitaient accroître la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage dans leurs écoles. Donc, six nations participaient au départ à notre projet. Actuellement, il en reste quatre.
Notre organisme est une autorité indépendante en matière d'éducation. Il n'est pas de nature politique et n'est rattaché à aucun conseil tribal. Nous avons une existence autonome en tant qu'autorité en matière d'éducation.
Notre conseil d'administration, où siège un représentant de chacune des bandes participantes, est responsable d'établir les politiques. Nous rendons des comptes à la population et au chef du conseil de chacune des bandes, qui défendent leurs intérêts et font valoir leur point de vue au sein de notre conseil d'administration. Notre organisme est constitué en société sans but lucratif selon les lois de la Saskatchewan, et nos services concernent les écoles des réserves uniquement.
Nous ne recevons aucun financement des bandes indiennes pour assurer notre fonctionnement. Nous sommes financés entièrement par le bureau régional du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et ce financement est très insuffisant. Nos efforts pour obtenir un financement stable, à travers des propositions de programme, n'ont pas encore porté des fruits.
Nous avons comme mandat de fournir des services de deuxième niveau, en éducation, aux écoles de nos bandes indiennes, aux commissions scolaires ou aux comités scolaires dans les réserves, aux chefs et aux conseils ainsi qu'aux parents et aux élèves.
J'ai résumé, dans notre document, les services que nous offrons. Ils comprennent les services du directeur de l'éducation et du surintendant de l'instruction. Nous cherchons aussi à répondre aux besoins spéciaux, avec un psychologue scolaire, un orthophoniste et des services de thérapie familiale qui sont offerts dans nos bureaux.
Le financement de la bande pour les services de deuxième niveau va au CENN, et c'est le seul niveau de financement destiné normalement aux bandes que nous recevons.
Au-delà des services de base, nos services de surintendance fournissent tous les services de surintendance à la communauté, aux écoles, au personnel ainsi qu'aux comités d'école, à titre consultatif, et nous faisons des recommandations. Nous supervisons et évaluons tout le personnel professionnel et non professionnel et, comme je l'ai dit, nous émettons des recommandations et jouons un rôle consultatif.
Nous avons créé un Programme de mentorat Catalyst pour nous occuper des questions d'alphabétisation. Cela a permis d'envoyer un professeur dans chaque école pour aider les enseignants à améliorer la qualité de l'instruction donnée à nos enfants. Ainsi, la lecture et l'alphabétisation sont au cœur des initiatives destinées à améliorer la qualité de l'enseignement.
Nous avons ciblé les élèves de la 1ère à la 9e année, en nous intéressant plus particulièrement aux enfants de niveau primaire, et nous avons obtenu des résultats fantastiques au chapitre de l'alphabétisation. Les jeunes de 4e année sont maintenant, après cinq années d'apprentissage de la lecture, au niveau correspondant à leur classe et même au-delà. Il n'y a plus d'écart.
Nous avons contribué également à la mise en œuvre des programmes d'instruction en langue crie et des programmes culturels dans les écoles. Nous fournissons aussi des ressources et du matériel pédagogique aux enseignants.
Nous avons créé un centre de ressources à notre bureau central. Nous distribuons des livres et du matériel pour les élèves. Nous fournissons de la technologie et de l'aide aux bibliothèques scolaires, en améliorant la qualité des bibliothèques et en ouvrant des bibliothèques dans les établissements qui n'en ont pas.
Nous donnons également accès à la technologie aux élèves et aux enseignants dans nos écoles, et nous allons même au-delà des établissements d'enseignement en mettant la technologie à la disposition de la communauté.
Nous avons augmenté incroyablement les compétences de notre personnel professionnel — enseignants, aides- enseignants, conseillers d'orientation professionnelle et secrétaires —, qui n'était pas là auparavant. Nous avons créé des communautés d'apprentissage pour les professionnels dans toutes nos écoles.
Nous offrons des programmes en cours d'emploi. Nous réalisons beaucoup d'essais, des tests diagnostiques de lecture, pour montrer aux enseignants ce qu'il faut apprendre aux élèves.
Nous avons également aidé les écoles dans la tenue des dossiers, en leur fournissant un logiciel d'administration scolaire, et nous organisons des rencontres régulières avec les participants au Programme de mentorat Catalyst, nos éducateurs spécialisés, nos enseignants du primaire ainsi que les professeurs en langue crie, de façon à ce qu'ils puissent former un réseau et apprendre les uns des autres.
Nous avons créé d'importants partenariats, dont un avec l'Université de la Saskatchewan, dont nous sommes extrêmement fiers et qui permet aux élèves du secondaire de suivre des cours à l'université pour enrichir leurs connaissances et se faire aider dans des matières scientifiques comme la physique, la chimie et la biologie. Nous allons également recourir à la technologie informatique pour les mathématiques. Nos étudiants utilisent les services de l'université et ses laboratoires.
Nous avons aussi créé un partenariat spécial avec un centre de recherche scientifique aux Pays-Bas. Nous avons établi des partenariats avec nos divisions scolaires locales, le ministère de l'Éducation et, dernièrement, avec la Division scolaire publique de Regina, pour le développement de programmes éducatifs et le perfectionnement professionnel.
Nous avons dû faire face à de nombreux obstacles, certains financiers, d'autres politiques, mais nous avons toujours survécu et nous continuerons d'avancer.
West Fine Day, conseiller culturel/coordonnateur des partenariats, Conseil de l'éducation des Premières nations du Nord-Ouest : Je me suis concentré sur le développement du volet culturel dans le système éducatif afin d'incorporer les méthodologies d'enseignement, les philosophies et les procédures d'évaluation traditionnelles. Nous avons tenté de sensibiliser notre personnel enseignant au fait que cette culture existait avant l'apparition des écoles dans nos communautés et qu'elle est toujours bien vivante chez nos enseignants initiés aux valeurs traditionnelles.
Nous avons commencé à travailler avec les aînés de nos communautés pour bâtir un pont entre les personnes âgées, les parents, le personnel enseignant, les surintendants de l'instruction et notre propre personnel. Nous travaillons avec eux pour faire comprendre tout le sens de la culture. Nous réalisons des études avec nos partenaires et nous incorporons des méthodologies de recherche traditionnelles en essayant de les rattacher aux méthodologies de recherche scientifique modernes dans l'espoir de commencer à développer une compréhension holistique plus importante de ce que l'éducation intégrée peut apporter de bon à nos communautés.
Nous avons des gens fiers de ce qu'ils sont, qui comprennent qui ils sont, qui voient les choses dans une perspective historique et qui savent où est leur place dans ce monde.
Nous introduisons une perspective culturelle dans nos institutions parce que ce sera bénéfique pour nos étudiants. Si nous pouvons arrimer cette perspective culturelle au volet académique, dans nos écoles, nous aurons des gens capables de faire profiter l'ensemble de la société de leurs compétences. Ils mettront leurs talents au service de la société, ils seront fiers de leur identité et, dans une certaine mesure, ils comprendront leur rôle dans la société. Ils seront prêts à se lancer dans l'aventure consistant à savoir quelle est leur destinée dans ce monde.
Le président : Je vous remercie beaucoup. C'est là une initiative très honorable et crédible.
Duane Favel, président, Commission scolaire, Division scolaire de l'Île-à-la-Crosse :
[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Merci de nous avoir invités. Île-à-la-Crosse est une communauté métisse établie sur les bords de la rivière Churchill, dans le Nord de la Saskatchewan. Cette communauté existe depuis 1776. Elle compte environ 1 600 personnes et forme un ensemble progressiste, moderne et dynamique.
La division scolaire de l'Île-à-la-Crosse a été créée en 1975, au terme d'une très chaude lutte pour le contrôle local de l'éducation. Bien sûr, cela nous a donné de l'expérience et le pouvoir de faire le nécessaire en matière d'éducation pour réussir, et c'est un peu de cela dont je vais vous entretenir aujourd'hui.
Récemment, la Saskatchewan s'est lancée dans un processus de fusion à l'issue duquel nous sommes passés de 81 à 29 divisions scolaires. Île-à-la-Crosse est l'une des trois seules divisions scolaires axées sur la communauté en Saskatchewan.
La communauté compte deux écoles : l'école élémentaire Rossignol et l'école secondaire Rossignol. L'école secondaire est unique en ce sens qu'elle fait partie d'un établissement intégré. Nous partageons les installations avec de nombreux organismes communautaires, comme l'hôpital, la garderie et le centre de soins de longue durée pour les aînés. Ce regroupement est unique puisque cela nous donne des défis à relever, mais nous ouvre aussi de nouveaux horizons.
Nous avons environ 460 élèves de la prématernelle à la 12e année, et 95 p. 100 de ces enfants sont de descendance métisse. Plus de 50 p. 100 de notre personnel enseignant est autochtone, comparativement à 85 p. 100 pour notre personnel de soutien. Beaucoup de ces enseignants ont obtenu leur diplôme dans le cadre du Programme de formation d'enseignants dans le Nord.
Lon Borgerson, directeur de l'enseignement, division scolaire de l'Île-à-la-Crosse : En Saskatchewan, tout comme dans d'autres provinces, on s'est davantage concentré sur l'évaluation et la publication des résultats des étudiants au niveau provincial.
Je suis sûr que ce comité a déjà eu des exposés là-dessus et que vous savez que les résultats des indicateurs en Saskatchewan montrent que les étudiants autochtones et ceux du Nord se retrouvent en bas du classement dans la plupart des catégories.
La division scolaire de l'Île-à-la-Crosse est déterminée à réduire, voire à éliminer, l'écart relatif à la réussite scolaire. Mais le problème avec ces indicateurs sur l'éducation, c'est qu'ils ne révèlent qu'une partie de l'histoire. Il manque les indicateurs sur la santé ainsi que les indicateurs socioéconomiques et culturels qui permettront de dresser un portrait complet de la vie de nos étudiants.
Les membres de notre conseil voient ces indicateurs et doivent composer avec eux tous les jours; ils doivent également rendre des comptes quotidiennement. C'est l'avantage d'être une petite division scolaire contrôlée localement. Comme Stuart McLean l'a si bien dit, on n'est peut-être pas gros, mais on est petit.
Nous discuterons de l'apprentissage de la culture et de la spiritualité, des programmes d'éducation préscolaire et de l'enseignement inclusif.
M. Favel : L'une de ces priorités concerne l'apprentissage culturel et spirituel. Bien sûr, c'est une priorité de notre division scolaire, et nous essayons d'atteindre notre objectif en offrant un mélange de programmes d'enseignement linguistique de la prématernelle à la 10e année, qui se termine par un festival communautaire annuel michif.
Nous mettons l'accent sur l'enseignement de la culture et de l'histoire métisses et nous organisons notamment des camps culturels tous les ans. Nous avons aussi un programme impliquant des aînés qui est essentiel pour ce volet de notre division scolaire. Si vous voulez en apprendre un peu plus sur la question, vous pouvez visiter notre site web à l'adresse www.icsd.ca.
M. Borgerson : Nous sommes bien conscients, dans notre division scolaire, de l'incroyable apprentissage qui se fait avant que les enfants n'entrent à l'école. Nous savons que cela dépasse le mandat de cette commission, mais nous croyons que c'est probablement le domaine auquel il faut accorder la priorité.
Nous voudrions que les enfants de trois et quatre ans puissent entrer en prématernelle. Nous offrons maintenant cette possibilité dans le cadre d'une entente avec le centre de l'amitié et en vertu du programme Bon Départ. Nous réunissons dans la communauté des partenaires spécialisés en éducation préscolaire pour qu'ils s'occupent de cette question, assurent la continuité et préparent la transition.
Nous pilotons une école maternelle à temps plein qui semble bien fonctionner jusqu'à présent. Pour favoriser la continuité, nous avons organisé notre premier camp d'alphabétisation sommaire l'été dernier et, actuellement, grâce au travail fondamental du Conseil canadien sur l'apprentissage, nous travaillons sur un projet d'évaluation holistique autochtone avec trois autres divisions scolaires de la province.
M. Favel : Notre but est de garder les étudiants à l'école. Nous ne voulons pas qu'ils se retrouvent dans les rues; c'est la raison pour laquelle nous mettons l'accent sur les partenariats, entre autres, pour atteindre cet objectif.
Notre conseil a décidé que nos écoles devaient être des lieux où chaque jeune de la communauté pourra se forger un avenir. Nous voulons retenir ceux que nous avons déjà et inviter ceux qui n'y sont pas à nous rejoindre. Pour ce faire, nous utilisons un programme inclusif bien équilibré.
Nous offrons des cours pratiques d'arts appliqués, un programme de formation préalable à l'emploi en soudure, en partenariat avec Northern Career Quest et notre Collège Northland. Nous offrons également un programme d'enseignement de 12e année pour les adultes, en partenariat avec l'Institut technique Dumont, qui donne une instruction de base aux adultes, dans le cadre d'un protocole d'entente avec l'Institut technique Dumont.
Nous offrons également un nouveau programme commercial que nous venons de mettre en œuvre cette année et, bien sûr, nous essayons de garder tous nos étudiants en leur proposant un solide programme de soutien.
M. Borgerson : Enfin, nous croyons que l'enseignement des arts est un aspect négligé du programme éducatif. Nous avons donc invité des artistes professionnels dans notre communauté, comme John Arcand, joueur de violon métis. M. Arcand travaille toute l'année dans notre communauté, et nous connaissons le pouvoir qu'ont les arts pour permettre à nos étudiants d'affirmer leur identité personnelle, sociale et culturelle.
Il y a de nombreuses années, M. Favel et moi-même avons participé à un programme sur le théâtre et l'enseignement. J'étais professeur-metteur en scène et Duane était étudiant. Nous sommes tous les deux conscients du pouvoir des arts.
Dans notre hâte à vouloir corriger l'écart entre les niveaux de scolarité, nous devons faire attention de ne pas créer d'autres lacunes dans les programmes d'enseignement.
M. Favel : Pour conclure, nous tenons à souligner l'importance des relations avec nos employés, nos étudiants et la communauté. Afin de renforcer ces liens, notre directeur éducatif s'adresse à la population par l'intermédiaire de notre station de radio locale, et nous entretenons une relation de travail positive avec la communauté.
Dave Hutchinson, surintendant, Écoles publiques de Regina : Bonjour, sénateurs. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de l'occasion que vous nous donnez de vous présenter quelques-uns des travaux que nous réalisons dans les écoles publiques de Regina au chapitre de l'enseignement autochtone. Je vais également être bref pour permettre à mes collègues, l'aînée Betty McKenna et Calvin Racette, de s'exprimer aussi.
Nous essayons tous clairement de nous attaquer au problème qu'est le manque de cadre uniforme pour l'amélioration de la réussite scolaire des étudiants autochtones. À l'instar des représentants des autres divisions que vous avez entendus aujourd'hui, nous avons lancé un certain nombre d'initiatives.
Actuellement, la première, et probablement la plus significative, consiste à créer un espace pour nos aînés au sein des écoles et au bureau de la division. Il y a environ cinq ans, nous avons créé un conseil consultatif pour les aînés, au sein de la division, dont Betty est d'ailleurs membre. Ce conseil compte 10 aînés représentant les Premières nations et les Métis, et il travaille directement avec nous.
Le but recherché était de donner l'occasion aux Autochtones d'insuffler un vent de changement et d'améliorer les choses au niveau de la direction de la division. Ainsi, plutôt que d'avoir des dirigeants qui élaborent des politiques et des programmes pour les Autochtones et les transmettent ensuite aux représentants des communautés pour recueillir leur opinion, nous avons pensé qu'il valait mieux demander à nos aînés de s'investir dans cette entreprise dès le départ.
En plus du conseil consultatif, nous avons des programmes visant 31 aînés-résidents dans nos écoles. Nous commençons à peine à colliger les données sur le rapport entre le travail des aînés et l'amélioration de la réussite scolaire de nos enfants. Il reste que l'information que nous avons recueillie jusqu'à présent nous donne un aperçu de la corrélation entre les aînés et l'amélioration de l'apprentissage chez les jeunes. J'ajouterai que nos aînés travaillent avec tous les étudiants et pas seulement avec les étudiants métis et ceux des Premières nations.
Nous considérons nos aînés comme des partenaires dans la communauté. Beaucoup de divisions ont créé des partenariats avec les Premières nations, et nos aînés représentent les Autochtones visés par le Traité no 4 ainsi que ceux des zones urbaines, de Regina et de Moose Jaw, d'où vient d'ailleurs Betty.
Nous nous concentrons également sur le programme éducatif et l'instruction; je vais vous citer à ce propos quelques- unes des initiatives que nous avons réalisées.
Nous avons créé un centre culturel, au bureau de la division, de façon à disposer d'un espace pour organiser des cérémonies et des activités reliées au développement professionnel du personnel et à l'apprentissage des étudiants.
Nous avons formé la plupart de nos employés et nous comptons près de 1 300 enseignants dans le modèle du Cercle du courage. Il s'agit d'un modèle de formation axé sur l'aide aux enseignants, afin d'apprendre à ces derniers à mieux travailler avec les jeunes à risque, en utilisant des principes autochtones pour favoriser un enseignement et un apprentissage efficaces.
Toutes nos écoles doivent avoir un objectif lié à l'éducation métisse et des Premières nations. Nous leur avons fortement recommandé de se concentrer sur l'apprentissage relatif au contenu des traités.
En Saskatchewan, le ministère a créé une grille d'évaluation pour les élèves de 7e année, de sorte que maintenant, nous sommes capables de mesurer le niveau auquel un étudiant de 7e année se trouve en matière de connaissance des traités. Nous considérons essentiel que tous nos étudiants en sachent le plus possible sur les traités.
Nous avons créé un partenariat avec la Première nation File Hills Qu'Appelle pour le développement d'un programme éducatif axé sur la vision du monde des populations des Premières nations et métisses visées par le Traité no 4. Nous avons également ajouté des enseignants en études indigènes dans quatre de nos écoles communautaires et nous avons un programme d'aide, à l'échelle de la division, axé sur la culture.
Nous avons également environ 60 personnes-ressources capables de se déployer dans l'ensemble du réseau scolaire. Leur travail est coordonné par un agent de liaison culturel, et ces personnes sont prêtes à participer à la préparation de contenus scolaires liés aux peuples autochtones et aux Métis.
Nous travaillons également dans le domaine de la gouvernance. Je viens de parler avec le Conseil consultatif des aînés, et nous avons mis au point une politique en matière d'éducation autochtone, pour la division, qui encadre nos travaux et veille à ce que les politiciens qui nous aident à avoir une vision plus large concernant le développement des systèmes mettent les ressources appropriées dans ce domaine en particulier.
Nous nous concentrons également sur l'obligation de rendre compte en matière de réussite scolaire. Les sénateurs ont entendu les propos de quelques-uns de mes collègues à ce sujet aujourd'hui. Notre division s'est dotée d'un plan d'amélioration continue. Nous sommes extrêmement centrés sur le renforcement de la réussite des étudiants autochtones en littératie et en numératie, c'est vrai. Nous surveillons également très étroitement l'évolution des taux de rétention et d'obtention de diplômes.
Nous avons subdivisé les données dans nos évaluations provinciales et au sein de la division de façon à déterminer la mesure dans laquelle nos étudiants autochtones réussissent par rapport aux étudiants non autochtones.
Nous nous intéressons aussi aux ressources humaines. Nous avons embauché du personnel à la division. Calvin Racette en fait partie. Nous avons également recruté un agent de liaison culturel auprès des aînés qui s'occupe aussi de la coordination du programme éducatif axé sur la culture.
Nous avons renforcé l'embauche d'enseignants. Nous participons à un effort concerté, chaque année, pour recruter un certain nombre d'enseignants des Premières nations et métis. Il s'agit d'un processus d'embauche ciblé. Nous travaillons en étroite collaboration avec les responsables des programmes de formation des enseignants à l'Institut Gabriel Dumont ainsi qu'à l'Université des Premières nations, et nous essayons d'être aussi proactifs que possible pour attirer autant d'enseignants des Premières nations et métis de haut niveau que faire se peut pour s'occuper de nos étudiants. Non seulement ces enseignants sont d'excellents modèles pour nos jeunes, mais en plus, ils font un travail phénoménal qui incite leurs collègues à s'engager dans les programmes d'aînés-résidents, par exemple, et à adopter le modèle axé sur l'enseignement des traités.
Des aînés siègent également à nos comités d'entrevue. Si nous voulons que le système soit axé sur l'embauche de gens ayant l'expérience de l'enseignement aux Premières nations et aux Métis, les aînés sont des membres importants de ces comités, parce qu'ils peuvent nous aider à nous assurer que nous engageons le type de personne que nous voulons et qu'il nous faut pour occuper le poste libre.
En dernier lieu, dans notre système, nous travaillons aussi sur le perfectionnement en leadership. Le développement et le perfectionnement de nos dirigeants se font par l'entremise de la sensibilisation culturelle, de la compétence culturelle, du travail avec les aînés et de la création de liens avec la collectivité autochtone.
Il s'agit des principaux domaines ciblés par notre système en ce moment.
Calvin Racette, coordonnateur de l'éducation des Autochtones, Écoles publiques de Regina : Tout ce que je veux dire, c'est que je veille à ce que ce soit fait.
Betty McKenna, aînée : Tout ce que je vois dans le système des écoles publiques de Regina est un franc succès pour les élèves, les parents, les enseignants et les gens du conseil scolaire qui peuvent voir où cela nous mène. Aujourd'hui, nous travaillons avec nos enfants et nous ne disposons que du moment présent, parce que si nous travaillons efficacement avec eux et les préparons, ils seront prêts à apprendre, à lire et à faire des mathématiques.
À lui seul, cet élément est tellement important pour les enfants, et l'avenir n'en sera que meilleur si nous le faisons bien dès aujourd'hui.
Le président : Êtes-vous originaire de Moose Jaw?
Mme McKenna : Oui.
Le président : J'ai suivi ma formation pour la Force aérienne là-bas. Je ne vous y ai pas vu.
Larry Cachene, chef, Conseil tribal de Saskatoon : Je tiens à remercier le comité sénatorial d'être venu nous entendre parler de nos préoccupations et des collectivités des Premières nations. Construisons ensemble nos collectivités pour que le Canada devienne plus fort et que les gens des Premières nations participent à la société. Donnons aux membres de nos collectivités les compétences nécessaires pour qu'ils puissent s'instruire.
J'aimerais parler quelque peu des problèmes liés à l'éducation auxquels nous faisons face dans nos collectivités. Ces difficultés ont commencé par les pensionnats indiens qui nous ont enlevé notre langue, notre identité et notre fierté culturelle. Nos systèmes scolaires doivent commencer à régler ces problèmes et tenir compte des programmes culturels et de la langue dans l'élaboration des programmes.
Il y a quelques années, nous avons eu l'occasion d'essayer de mettre au point un programme de langue qui aurait porté sur les aspects historiques et culturels de notre langue. Nous voulions ce programme pour permettre aux élèves d'acquérir différentes connaissances, tout en apprenant la langue. Nous n'avons pas été en mesure d'y arriver, parce que cela requiert beaucoup de temps.
Nous pouvons lancer le programme, mais il n'avance pas. Nous ne disposions pas de soutien continu pour sa mise en œuvre. À mon avis, il faut nous attarder à la langue dans nos collectivités, parce que cet aspect nous apportera la fierté dont l'aîné parlait et le sentiment d'identité. À cet égard, nous devons non seulement investir de l'argent, mais aussi engager des gens qui aideront les collectivités à élaborer ces programmes.
Si nos écoles ne fonctionnent pas correctement, si nos élèves n'obtiennent pas leur diplôme et s'ils ne participent pas à des programmes postsecondaires, nous n'arriverons à rien, nous aurons échoué. Si nous n'atteignons pas cet objectif, notre groupe sera laissé pour compte, et les écarts seront toujours présents.
Parmi ces écarts, on retrouve un déficit de financement. Nous administrons un système d'éducation qui est censé être sur le même pied d'égalité que les écoles provinciales en Saskatchewan, mais ce déficit existe bel et bien, et nous devons essayer de gérer ces fonds de notre mieux.
Selon moi, nous y arrivons, mais nous n'obtenons pas les succès souhaités, parce qu'il y a beaucoup de niveaux d'apprentissage différents dans nos écoles. Nous avons des élèves qui ont énormément de mal à comprendre un concept, puis d'autres élèves qui n'ont aucune difficulté, et nous freinons l'éducation de ces jeunes, parce que notre système ne permet pas l'enseignement de différents niveaux d'apprentissage dans une même classe. Il nous faut de bons enseignants, mais pour ce faire, nous avons besoin de ressources.
Nous devons examiner les besoins et la vision de la collectivité, y compris notre langue et notre culture. Nous devons donner la chance aux étudiants de réussir en rendant l'école amusante et en proposant différents programmes scolaires qui changeront la vision négative que nous avons de l'école.
Nous revenons encore aux pensionnats indiens. Dans notre collectivité, je sais que lorsque nous parlons d'éducation ou de religion, les membres ont peur. Ces deux éléments auraient dû profiter à nos collectivités, mais ce n'est pas le cas, parce qu'il manque un important aspect. La confiance en soi n'est pas présente dans nos écoles.
Nous voulons que nos écoles permettent à nos jeunes de réussir, d'apprendre et d'atteindre leur plein potentiel. Nous voulons qu'ils fondent des foyers sains dans nos collectivités, ce qui mènera à des collectivités saines et qui nous permettra d'être des membres sains de la société et de collaborer à la croissance du Canada et de nos familles.
Je sais que vous avez beaucoup entendu parler du manque de ressources, mais il est important de retenir que si nous devons bâtir ensemble le Canada, nous devons commencer par un financement adéquat pour combler les dépenses liées aux études supérieures. Il y a tellement d'obstacles lorsque nos jeunes étudient. Les loyers atteignent 800 ou 900 $ par mois, et dans notre collectivité, le soutien financier pour les études postsecondaires couvre à peine les loyers. Comment notre jeunesse est-elle censée vivre?
Si vous n'avez pas les habiletés d'adaptation qui devraient faire partie de notre système d'éducation, les jeunes décrochent de l'université, parce qu'ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins immédiats et aux besoins de leurs enfants. Cet aspect devra être examiné : un soutien financier durable pour les gens lorsqu'ils étudient.
Nous recevons environ un million de dollars pour notre programme postsecondaire, et chaque dollar sert à payer les études postsecondaires, les frais de scolarité et verser de l'aide aux étudiants. Nous avons une liste d'attente, parce que nous ne pouvons aider qu'un certain nombre de personnes parrainées. Les jeunes qui terminent leurs études secondaires doivent attendre deux, trois, quatre, cinq ans avant que nous soyons capables de les envoyer à l'école, et c'est un désavantage. Nous voyons notre jeunesse qui attend d'avoir accès à l'éducation postsecondaire et durant ce temps, leur cerveau est inactif.
Cette liste d'attente est un problème auquel nous devons faire face dans nos collectivités, et l'AINC examine le statu quo. Que faut-il faire? Il faut s'en occuper d'une manière ou d'une autre. Pour les collectivités comme Yellow Quill, nos ressources sont en fait investies dans le financement postsecondaire.
Nous devons poursuivre ce financement, mais il y a des conséquences. Les collectivités, comme la mienne et d'autres, qui utilisent au maximum leur financement postsecondaire seront pénalisées, puis nos membres devront se battre pour obtenir ce financement supplémentaire.
Je ne sais pas ce qui arrivera du financement postsecondaire, mais certaines modifications y seront apportées. Est-ce que ce sera plus difficile pour les collectivités qui sont en croissance, qui étudient et qui essayent de construire de meilleures collectivités? Ces collectivités seront-elles pénalisées? Ce combat supplémentaire sera la goutte qui fera déborder le vase pour ceux qui veulent étudier un jour.
Selon moi, nous devons commencer à inclure l'importance de notre langue et de notre culture dans la vision de notre collectivité et l'aide des aînés, et encore une fois, nous avons besoin de ressources. Il nous en faut davantage pour maintenir un système d'éducation de la maternelle à la douzième année, pour avoir plus de diplômés et pour avoir plus d'étudiants qui restent à l'école.
Ensuite, nous nous attaquons aux problèmes dans notre collectivité par l'entremise de ce programme. Nous apprenons sur les programmes de santé, notre histoire, notre ancien système de valeur. Tout cela passe par notre programme de langue. Tous ces enseignements donnent au moins à la jeunesse une chance d'acquérir les habiletés d'adaptation et les mécanismes pour les aider à faire face aux difficultés qu'ils rencontreront lorsqu'ils quitteront la collectivité.
Je vous remercie encore de nous avoir donné l'occasion de venir vous parler et j'aimerais ajouter que l'éducation postsecondaire est la clé de tous les objectifs que nous devons atteindre. Nous avons entendu parler un peu du développement économique qui doit avoir lieu pour que les Premières nations connaissent une croissance et deviennent autosuffisantes. Parmi les éléments clés, l'éducation est nécessaire pour aider la collectivité et ses membres à s'autosuffire et à devenir des membres productifs du pays en tant que nation.
Si vous avez des questions, je crois que John Barton sera en mesure d'y répondre. Nous accomplissions beaucoup de travail au conseil tribal de Saskatoon. Encore une fois, avec nos propres ressources, nous essayons de monter nos cours et nos programmes, mais je le répète, nous y arrivons avec le strict minimum en ce qui concerne le personnel, alors que nous pourrions progresser si nous avions la possibilité d'engager des gens compétents pour nous aider au fil des années.
Le sénateur Poirier : Vos exposés étaient très intéressants, et je suis ravie de vous avoir écoutés et d'avoir entendu certaines de vos réussites.
J'ai quelques questions pour le représentant du CENN, le Conseil d'éducation des Premières nations du Nord- Ouest. Monsieur Guillet, vous avez mentionné un projet pilote de cinq ans qui a été mis en œuvre en juillet 2005, et je présume qu'il s'est terminé en juillet 2010. J'ai l'impression que ce projet pilote a été prolongé et qu'AINC continuera de le financer.
M. Guillet : Oui.
Le sénateur Poirier : Savez-vous si ce projet pilote a seulement été offert en Saskatchewan et s'il est offert dans les autres provinces au Canada, maintenant que nous avons dépassé le stade du projet pilote et qu'il a connu un tel succès?
M. Guillet : Aux meilleurs de mes connaissances, je ne crois pas que ce soit le cas. Nous avons du mal à obtenir une reconnaissance, en particulier dans la région. Toutefois, nous avons reçu une reconnaissance verbale des bureaux principaux à Ottawa que le CENN est un chef de file au pays par ses initiatives, sa structure et son modèle.
L'un des bureaux régionaux d'AINC a procédé à une évaluation indépendante de notre conseil, et l'une des recommandations faites à AINC découlant de cette évaluation était que ce modèle devrait être mis en œuvre partout au pays. À ce jour, cela n'a pas été fait.
Le sénateur Poirier : Vous avez mentionné que vous aviez ciblé les compétences en lecture de la première à la neuvième année, un accent particulier étant mis sur la première à la quatrième année. Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'écart. Voudriez-vous s'il vous plaît nous l'expliquer davantage?
M. Guillet : Lors de la mise en œuvre du programme de mentorat Catalyst, nos examens initiaux démontraient que nos élèves de troisième année avaient encore une capacité de lecture correspondant à la maternelle ou à la première année. Actuellement, le niveau de lecture de nos élèves de troisième année correspond ou est supérieur à leur niveau. Nous avons pallié cet écart pour ces années d'études dans 90 à 95 p. 100 des cas.
Le sénateur Poirier : Avez-vous éliminé l'écart qui existait entre les écoles des Premières nations et les écoles publiques?
M. Guillet : Oui.
Le sénateur Poirier : Parfait, c'est un excellent travail.
Le président : Combien d'écoles des Premières nations représentez-vous?
M. Guillet : Nous en avons quatre.
Le président : Vous en aviez six au départ.
M. Guillet : Il y en avait six au début.
Le président : Pourriez-vous nous expliquer ce qui s'est passé?
M. Guillet : La création d'un deuxième conseil tribal a perturbé la situation politique dans la région de Battlefords. Nous sommes indépendants des conseils tribaux, mais il semble que certains dirigeants des Premières nations insistaient sur le fait que nous faisions partie du conseil tribal de Battlefords, le CTB, ce qui est faux. Ensuite, les chefs tribaux de Battlefords Agency, les CTBA, ont été créés. Trois bandes faisaient partie de ce que nous appelons le CTB. Ces trois bandes ont quitté ce conseil et ont formé les CTBA.
À l'origine, dans notre entente de partenariat, qui a été signée par les six chefs, il était écrit qu'une résolution d'un conseil de bande était nécessaire pour retirer une bande de notre organisme. Leur retrait en tant que membre de notre conseil ou organisme scolaire s'est déroulé sans aucune consultation de la collectivité. Ne pas avoir consulté les parents a certainement semé la zizanie dans leur collectivité.
En juin dernier, une bande indépendante s'est jointe à nous, confirmant du coup que nous sommes indépendants, que nous ne faisons pas partie d'un conseil tribal et que nous n'avons donc aucune affiliation politique.
Bien que notre organisme n'ait aucun lien politique, le climat politique régional nous affecte tout de même grandement.
Le président : Cela répond à ma question.
Le sénateur Poirier : Vous avez indiqué que vous êtes maintenant un organisme enregistré sans but lucratif financé par AINC. Vous avez aussi mentionné que vous manquiez de financement. Est-ce que le fait d'être un organisme sans but lucratif vous donne droit à des subventions ou à du financement provenant d'autres organismes? En avez-vous déjà reçu? Est-ce une possibilité pour l'avenir?
M. Guillet : C'est notre vision et une possibilité pour l'avenir. À ce jour, seul AINC nous a accordé du financement, qui diminue d'ailleurs chaque année. Mais nous arrivons à fonctionner malgré les compressions.
Le président : Vous faites partie du système d'éducation de la Saskatchewan. Vous ne recevez aucune aide du fédéral, n'est-ce pas? Vous n'en avez jamais reçu.
M. Favel : Non.
Le président : Je dois dire que je me trouve en quelque sorte en conflit d'intérêts, car je suis justement Métis. Est-ce que le Ralliement national des Métis tente d'obtenir du financement de l'interlocuteur pour des initiatives culturelles linguistiques?
M. Borgerson : Je ne suis au courant d'aucune initiative de ce genre. Je dois toutefois préciser que nous entretenons des relations informelles avec les Premières nations de la région, par exemple avec le conseil tribal de Meadow Lake. Nous partageons, toujours de façon informelle, des ressources, qu'il s'agisse de personnel, d'ateliers et de choses du genre. Il y a longtemps, en tant que division scolaire, nous avions un arrangement avec le conseil tribal de Meadow Lake qui permettait aux élèves à besoins spéciaux de fréquenter notre école. Nous avons donc des arrangements de ce côté, mais pour ce qui est du bureau de l'interlocuteur, nous n'avons reçu aucun financement et nous n'avons aucun arrangement pour le moment.
Le sénateur Dyck : Monsieur Guillet, quand vous parlez de combler l'écart en littératie, je suppose que vous avez évalué les différents domaines de littératie, comme la prose, la numératie, et cetera. Vous avez mentionné quelque chose à propos de partenariats dans l'enseignement des sciences. Comblez-vous l'écart en numératie, en littératie et en sciences?
M. Guillet : Oui, sénateur Dyck, nous essayons. Nous estimions qu'il fallait mettre les efforts en littératie, car pour mieux réussir en numératie et en sciences, les élèves doivent d'abord apprendre à lire et à comprendre ce qu'ils lisent. Dès que les élèves atteignent un bon niveau de compréhension en lecture, ils peuvent saisir plus facilement des notions de mathématiques ou de sciences. Nous avons donc concentré nos efforts en littératie au primaire, avec l'objectif de passer à d'autres matières dans les dernières années du primaire.
Nous travaillons sur un programme de littératie pour les élèves du niveau intermédiaire qui permettra de réduire l'écart à ce niveau. Puisqu'il n'existe aucun programme commercial de ce genre, nous sommes en train d'en créer un et nous le mettons à l'essai cet automne.
Le sénateur Sibbeston : J'aimerais demander aux représentants des écoles publiques de Regina si vous entretenez des rapports, formels ou informels, avec les Premières nations de la région. Lorsque nous étions à Saskatoon, on nous a informés que ce genre de rapports existait, alors j'aimerais savoir si vous avez fait la même chose à Regina.
M. Racette : Comme l'a mentionné David, nous avions un protocole d'entente avec le conseil tribal File Hills Qu'Appelle. Mais comme les opinions en éducation et en politique divergent parfois, nous avons plutôt formé un partenariat avec les aînés.
Nous avons un protocole d'entente non officiel avec l'Université des Premières nations, l'Institut Gabriel Dumont et le district de santé et nous travaillons avec ces organismes. Cependant, nous travaillons surtout avec les aînés, car ils représentent notre collectivité, qui nous donne ainsi son appui. Pour cette raison, les politiciens n'osent pas contredire les aînés.
Il s'agit essentiellement d'un partenariat communautaire avec les aînés. Nous n'avons pas de liens juridiques et officiels avec les bandes, mais nous en avons certainement avec tous les intervenants importants du domaine de l'éducation.
Le sénateur Sibbeston : Considérez-vous que ce que vous faites, c'est du développement progressif? Est-ce là l'avenir en ce qui concerne l'avancement de l'éducation pour les Autochtones au pays?
M. Guillet : Je suis tout à fait d'accord avec cette affirmation, en ce sens que nos élèves ont des compétences et des talents formidables et ils doivent avoir les mêmes chances que les autres, ce qui n'est pas le cas en ce moment. J'ai parlé des écoles situées dans les réserves parce que c'est avec elles que je travaille. Cependant, j'ai 30 ans d'expérience dans le réseau provincial et il ne fait aucun doute que nos élèves, les écoles des réserves, sont désavantagés lorsqu'on les compare aux écoles provinciales.
L'avenir de nos élèves autochtones se trouve dans cette égalité. Ils doivent avoir les mêmes chances que tous les autres. Donc, oui, l'avenir de nos élèves autochtones, inuits et métis réside dans l'éducation et la préparation.
Comme mon collègue Wes l'a dit, la culture et la langue jouent un rôle extrêmement important en la matière.
M. Fine Day : En ce qui concerne l'avenir, nous pouvons faire en sorte que davantage d'Autochtones et de non- Autochtones cultivés travaillent ensemble pour bâtir le pays.
Prenez, par exemple, les roues médicinales. Que savons-nous des roues médicinales? Pour les personnes qui ne savent pas ce que sont les roues médicinales, un meilleur exemple serait peut-être celui des pyramides.
Si des archéologues se rendent sur place, ils apportent leur ruban à mesurer et ils mesurent la pyramide pour connaître la longueur et la largeur des entrées et pour savoir ce qu'on y trouve. Vous remarquerez que dans le cas des pyramides et des roues médicinales, il y a toujours un point de convergence.
Lorsque les gens veulent discuter de questions importantes et qu'ils ont besoin qu'une force supérieure les aide à trouver des réponses, nous disons, en notre qualité de gardiens du savoir traditionnel, que ce savoir se situe à un niveau où les pensées du Créateur et celles de l'humanité sont intimement liées, et c'est dans une certaine dimension.
Lorsqu'un groupe de personnes s'assoit ensemble autour d'une table, chaque personne apporte son énergie spirituelle, intellectuelle, émotionnelle et physique. Maintenant, si nous ne formons qu'un seul esprit et que nous concentrons nos pensées et nos énergies au centre, au point de convergence, notre énergie individuelle est amplifiée à un point tel qu'il nous est possible de créer un lien avec la dimension où réside le savoir. Chacun d'entre nous s'assoit et pose ses questions, en silence, à l'Esprit. Chacun d'entre nous recevra une réponse émanant de ce niveau de savoir et de conscience, c'est-à-dire la dimension où les pensées du Créateur et celles de l'humanité se rejoignent.
Il est très important que les gens comprennent. Je suis une personne spirituelle. Je suis un « cérémonialiste ». Si nous voulons améliorer nos sociétés, il est essentiel de comprendre cette facette de notre culture.
Je trouve que c'est plus important que de connaître la largeur d'une roue médicinale ou des pyramides. Lorsque nous concentrons nos énergies, nous pouvons créer des changements dans le monde physique.
Comment ces personnes s'y sont-elles prises pour construire les pyramides? Lorsque vous êtes capables de créer des changements dans le monde physique, vous pouvez modifier le pouvoir et la nature de la gravité. Si vous avez assez de personnes dans un cercle, vous pouvez faire ce qui semble impossible à une personne normale qui n'a pas accès à cette énergie et à ce pouvoir. Oui, je pense que c'est important.
[Note de la rédaction : difficultés techniques]
Le président : Chef Cachene, pourriez-vous répéter ce que vous avez dit mot pour mot sans changer un seul mot, s'il vous plaît?
M. Cachene : Des partenariats sont en train d'être formés, mais pour que cela fonctionne, on doit tenir compte du point de vue de la collectivité.
Au cours des 100 dernières années, sans notre apport, on a introduit des systèmes dans nos collectivités. Pour que nos partenariats connaissent du succès, nous devons faire connaître le point de vue des collectivités au cours de ces réunions, ce qui nous permettra de faire avancer le travail qui doit être réalisé dans le cadre du partenariat.
En un sens, je crois que ce sera la marche à suivre, mais nous devons toujours tenir compte de l'apport de la collectivité. Ce qui sera fait doit s'inspirer des réflexions et des conseils de la collectivité.
M. Borgerson : À Île-à-la-Crosse, j'ai eu le privilège d'être enseignant et directeur d'une division scolaire gérée localement. J'ai eu la chance d'y retourner à titre de directeur de l'enseignement, mais j'ai aussi eu l'insigne honneur de participer à des projets avec des Premières nations qui venaient tout juste d'obtenir le contrôle local de l'éducation.
En toute franchise, nous avons pris avec les conséquences de la grande incompétence d'AINC et du manque de financement. J'ai été témoin, particulièrement dans le cas d'un peuple autochtone du Nord de la Saskatchewan, d'un réel revirement en ce qui concerne la capacité d'exercer le contrôle de l'éducation à l'échelle locale.
Le chef Cachene a mentionné le mot « collectivité » à de nombreuses reprises, et que la collectivité doit reprendre le contrôle de son propre enseignement.
Il y a 30 ans, à Île-à-la-Crosse, il n'y avait pas de classe de 11e ni de 12e année. Les élèves étaient envoyés au pensionnat et le taux de diplomation était lamentable. Lorsque les choses ont commencé à être gérées localement, on a offert les 11e et 12e années. Depuis, il y a environ 20 diplômés par année.
Le président : Quel pourcentage cela représente-t-il?
M. Borgerson : Le pourcentage est moins élevé qu'il devrait être et se situe entre 65 et 70 p. 100. Ce n'est pas ce que vous verrez dans le rapport sur les indicateurs, mais c'est une autre histoire.
Là où je veux en venir, c'est que lorsque j'ai vu la Première nation Big River prendre le contrôle de l'enseignement, j'ai remarqué que très peu de temps après, elle offrait elle-même la 12e année à ses élèves. Son modèle était un modèle communautaire.
Puis, lorsque j'ai vu la Première nation Turner Lake prendre le contrôle de l'enseignement, elle a fait de même et, grâce à sa nouvelle école — qu'elle aurait dû avoir il y a des années —, elle a maintenant des classes de 11e et 12e année. Il y a donc plus d'espoir pour l'avenir. J'appuie sans réserve les propos du chef Cachene.
Le sénateur Sibbeston : Dans le Nord, nous avons une situation semblable, mais j'ai toujours pensé que le fait de venir d'une petite collectivité et de travailler pour aboutir dans une école où les exigences sont un peu plus élevées représentait un avantage pour les élèves. L'idée, c'est que si vous avez des classes de 11e et 12e année dans votre propre collectivité, les exigences ne seront pas aussi élevées que dans un centre régional.
Bien entendu, les élèves vont peut-être réussir, mais les exigences ne sont peut-être pas aussi élevées. Ils devront inévitablement affronter le monde extérieur. Il y a donc, à mon avis, des avantages à aller de l'avant. Voulez-vous faire un commentaire?
M. Borgerson : J'ai dit aux gens que je fais partie d'un projet qualitatif à long terme parce que j'ai accès aux résultats obtenus par le système d'éducation dont je faisais partie il y a 30 ans.
Tous les jours, je rencontre des diplômés, mes anciens élèves, toujours aussi pleins d'humour, et je suis toujours impressionné de voir ce qu'ils sont devenus.
Je suis aussi très impressionné des responsabilités qu'ils assument. Ils ont reçu leur diplôme d'une école secondaire d'Île-à-la-Crosse, de sorte qu'ils sont à l'aise lorsque vient le temps de se présenter à l'école et de parler de cours et de crédits avec les professeurs. Leurs enfants et eux-mêmes sont maintenant beaucoup plus à l'aise de traiter avec les établissements d'enseignement postsecondaires.
Nous vivons dans un monde plus petit. Tout le monde utilise la messagerie texte. Il y a davantage de routes pavées. J'espère que cela répond à vos questions. La capacité de sortir des collectivités est plus grande qu'auparavant.
Le sénateur Raine : J'aimerais seulement vous demander d'apporter quelques précisions au sujet du projet Cercle du courage.
M. Racette : Il y a un bon nombre d'années, il y a eu un projet au Dakota du Sud; c'était un projet des Lakota. Il s'agit d'un programme qui favorise l'autonomisation des jeunes à risque et qui se concentre sur les quatre besoins universels, selon la vision globale des Autochtones en matière d'apprentissage humain. Nous avons concentré nos efforts sur nos enseignants, à qui nous avons offert de la formation pour leur apprendre à devenir de meilleurs enseignants et à travailler avec des jeunes en difficulté.
Nous avons fait venir des formateurs et nous nous sommes simplement employés à faire preuve de plus d'empathie et de flexibilité et à ajouter une composante spirituelle et holistique.
Le sénateur Raine : Travaillez-vous auprès de leurs parents en même temps?
M. Racette : Eh bien, je pense que oui, indirectement, parce que tandis que les enseignants suivent leur formation, il ne fait pas de doute qu'ils sont beaucoup plus à l'aise quand ils retournent dans les écoles. Donc, pour cette raison — de façon indirecte —, ils le font, mais pas directement, non.
Le sénateur Raine : Hier, quand nous étions à Onion Lake, nous avons été vraiment impressionnés par l'école d'immersion crie. Dans la réserve, il y a maintenant une deuxième école primaire et j'ai été stupéfait d'apprendre que, pour de nombreux parents, l'école de choix n'était pas l'école d'immersion. Manifestement, une certaine réticence à accepter leur langue et leur culture subsiste toujours chez de nombreuses personnes de la collectivité.
Avez-vous des commentaires sur les mesures à prendre pour combattre cette idée erronée selon laquelle l'immersion nuira aux enfants?
M. Racette : À Regina, nous sommes des années-lumière en retard, je suppose, en ce qui concerne les programmes d'immersion et les programmes en langue crie. Cependant, je crois qu'il s'agit sans aucun doute du mythe selon lequel le fait d'apprendre d'abord votre langue maternelle nuit à l'apprentissage, que c'est un obstacle à la réussite dans le monde réel, dans le monde occidental. On croit faussement qu'il faut apprendre l'anglais ou le français.
Si vous voulez régler ce problème, faites des langues autochtones une partie importante de la fondation canadienne et intégrez-les dans la Constitution. Affirmons que les Autochtones ont le droit de parler leurs propres langues et reconnaissons-les dans les collectivités.
En Saskatchewan, moins de deux pour cent de la population sont francophones, mais on octroie du financement de toutes sortes aux francophones, des millions de dollars du gouvernement fédéral pour des programmes en langue française tandis qu'à l'échelle provinciale, il n'y a rien pour les programmes en langues autochtones. En fait, nos écoles comptent 25 p. 100 d'enfants autochtones et on n'octroie même pas 10 ¢ aux Autochtones. Voilà de quelle façon on pourrait régler le problème, à mon avis.
Le sénateur Hubley : Ma question s'adresse à Betty. S'il y a une chose qui m'a impressionnée pendant notre visite, c'est bien l'importance des aînés au sein des collectivités, rôle qui consiste à raconter les histoires, à transmettre les traditions et à jouer un rôle important dans l'éducation des jeunes.
L'idée d'avoir des aînés dans les écoles me plaît et j'ai été heureuse d'en entendre parler. J'aimerais que vous nous disiez combien d'écoles sont concernées. J'ai cru comprendre qu'il y a 31 aînés résidents, selon les renseignements que David nous a transmis. Quels critères sont utilisés pour le choix des écoles qui accueillent un aîné résident? Quelle est l'ampleur du projet? Parlez-nous un peu du travail que vous faites.
Mme McKenna : Le programme Elder in Residence s'étend à toute la division, donc à l'ensemble des écoles de Regina, mais certaines écoles présentent une demande pour qu'un aîné soit sur place. Le programme n'est pas fondé sur le nombre d'élèves autochtones qui fréquentent l'école en question. Il s'agit de savoir dans quelle mesure les enseignants sont disposés à travailler avec un aîné. Je suis là pour tous les élèves, pas seulement pour les Autochtones.
Par exemple, pour les élèves de neuvième année, nous organisons une cérémonie appelée tawaw, un mot cri qui signifie « bienvenue, il y a de la place pour tout le monde ». Nous organisons cette cérémonie à l'arrivée des élèves de neuvième année parce qu'ils ont si peur. Ils trônaient au sommet en huitième année et du jour au lendemain, quand ils arrivent au secondaire, ils se retrouvent au bas de l'échelle.
Nous organisons donc cette cérémonie de bienvenue, les enseignants y participent et nous étreignons ces enfants quand ils entrent en leur disant qu'il y a suffisamment de place pour eux, que tout le monde a un rôle à jouer dans l'école et que cette dernière est leur famille, dorénavant. Pendant quatre ans, ils gardent une pierre avec eux. Ils choisissent une pierre, nous la bénissons, et ces enfants la gardent avec eux.
Certains élèves traînent maintenant ces pierres depuis trois ans. Ils sont en 11e année, et ils sont venus me demander : « Que ferons-nous de ces pierres quand nous obtiendrons notre diplôme? » Je leur ai dit qu'à mon avis, il fallait les utiliser pour ériger un cairn. Ainsi, tous les autres élèves sauraient qu'ils étaient passés par là et qu'ils avaient appris, et cela les encouragerait. Les prochains élèves poseront donc le même geste pour les autres.
C'est l'une des choses que nous faisons à l'école, en plus d'accueillir les élèves et de leur dire à quel point leur présence est importante ce jour-là. Je leur répète toujours qu'il me maintienne en vie chaque jour, et cela les rend tellement heureux. Mes élèves viennent à l'école pour me garder en vie, et ils disent qu'en plus de cela, ils veulent s'assurer que je rentre à la maison saine et sauve.
Dans ma classe, il y a des petites filles qui ne comprennent pas la place qu'elles occupent dans le monde et d'autres qui sont pleines de sagesse. Nous allons au bureau de la commission scolaire, elles participent à une cérémonie de purification et apprennent certaines choses sur leur rôle de femme. Elles apprennent comment prendre soin d'elles- mêmes, comment suivre la tradition si elles sont invitées à un festin, une cérémonie de purification ou toute autre activité à laquelle elles pourraient participer de concert avec d'autres membres de la communauté. Plutôt que de dévisager une autre enfant et de s'exclamer sur son compte, ces enfants s'entraident. Si nous allons à une cérémonie, elles se rappelleront l'une l'autre : « Où est ta jupe? » En tant que petites filles, elles s'entraident aussi à l'école et se soutiennent mutuellement.
Il est important que ces filles comprennent la place qu'elles occupent en ce monde et que leur capacité de donner la vie rend leur rôle très important. Voilà le genre de choses que j'enseigne à l'école, et je sais que tous les autres aînés, mes collègues, font de même.
Il s'agit simplement de les soutenir en cours de route. Tous les enfants ont besoin d'être réconfortés afin d'avoir le sentiment d'être à leur place.
Le sénateur Hubley : Je vous félicite de votre travail.
M. Racette : Si vous me le permettez, je pourrais répondre à la première partie de la question qui a été adressée à Betty. Je m'occupe de l'aspect administratif. C'est donc moi qui organise les programmes. Par conséquent, j'en sais un peu plus qu'elle à ce sujet.
Nous avons 31 programmes. Notre financement est limité, et nous avons deux excellents partenaires. Premièrement, le ministère provincial finance en partie notre programme d'aînés-résidents, puis le gouvernement fédéral y contribue dans le cadre de sa Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain.
Les écoles nous envoient leur demande. Nous examinons celles qui sont les mieux préparées en ce qui a trait à leurs plans d'amélioration de l'apprentissage et à ce que les enseignants sont prêts à faire eux-mêmes. Nous constatons que les écoles qui bénéficient des programmes sont celles où les enseignants et l'administration sont disposés à collaborer avec nos aînés. Si ce n'est pas le cas, leur demande est placée au bas de la pile. Nous devons être plutôt disciplinés à cet égard.
Nous avons un nombre égal d'écoles communautaires et non communautaires. Donc, cela dépend de leur sentiment d'appartenance et de leur désir de collaborer avec nos membres.
Le président : La question que je veux poser concerne les héros, les mentors et les modèles de réussite.
Je siège à ce comité depuis 17 ans et, dernièrement, quelques chefs de Premières nations m'ont demandé d'aborder des hommes et des femmes d'affaires qui, selon eux et moi, ont du succès afin qu'ils viennent s'entretenir avec leurs jeunes et les inspirer.
J'ai des héros, comme la plupart d'entre nous en ont, je crois. Mon père et ma mère ont été logiquement mes premiers héros mais, ensuite, il y a eu des gens comme Terry Fox, Mère Teresa et Stanley Burke dont, selon toute probabilité, aucun de vous n'a jamais entendu parler.
Je me souviens que, quand j'étais un jeune métis, un type qui portait un chapeau de cowboy — je suppose que c'est probablement la raison pour laquelle j'en porte toujours un — et qui conduisait une Cadillac avait l'habitude de nous rendre visite. C'était un député provincial qui prenait habituellement le temps de nous parler et qui disait : « Écoutez, il faut que vous alliez à l'école et que vous vous instruisiez, sinon vous ne sortirez jamais de ce trou. » Il ajoutait : « Je n'ai pas de famille et je ne suis pas marié, mais, si l'un de vous a besoin d'une aide quelconque, je la lui offrirai. » Et, il l'a fait. Il est venu en aide à Morris Todd, l'un des jeunes Métis que nous avions poussé à visiter Jack McConnell. Il est devenu notre héros, notre inspiration, et quelques-uns d'entre nous ont étudié pour échapper à ce milieu.
Je me souviens d'avoir assisté à un congrès politique au cours duquel Randy Travis interprétait la chanson « Heroes and Friends » — que vous avez tous déjà entendue ou que, du moins, un grand nombre d'entre vous ont déjà entendue — pendant que le président des États-Unis entrait dans le stade de Houston, au Texas. Je peux vous dire que j'avais le dos tellement couvert de chair de poule qu'on aurait pu l'escalader.
À mon avis, voilà ce qui manque. Il faudrait vraiment faire le portrait de nos chefs autochtones, qu'ils soient métis, inuits ou membres des Premières nations, créer des mentors que les gens peuvent admirer et élaborer un programme dans le cadre duquel ces gens rencontreraient nos jeunes et accompliraient leur devoir auprès d'eux.
Bon nombre de gens ont une merveilleuse histoire à raconter qui inspirerait les jeunes. Avez-vous réfléchi à cette idée?
M. Racette : Je peux parler un peu de cette question. L'un des sénateurs a mentionné l'importance du spectacle que les Autochtones ont donné aux Jeux olympiques de Vancouver. Nous en avons tiré beaucoup de fierté, mais combien de millions ont été dépensés pour procéder à cette cérémonie? Cela a coûté incroyablement cher aux Canadiens en général.
Comme je l'ai dit, notre division scolaire dispose de ressources limitées. Je préfère investir mes fonds dans l'intégration quotidienne, et collaborer avec les membres de notre communauté et nos aînés au jour le jour. Je crois que les investissements à long terme nous en donnent beaucoup plus pour notre argent qu'un spectacle éphémère.
C'est plus ou moins mon point de vue et, comme je dirige le programme, c'est moi qui prends ces décisions.
Je comprends ce que vous dites, et je pense que, chaque fois qu'on peut le faire, cela en vaut la peine. Toutefois, il y a tellement d'organisations, et nous disposons de tellement peu d'argent pour exercer nos activités que nous devons faire ce que nous pouvons et ce qui est dans l'intérêt de notre communauté. Nous n'avons simplement pas les ressources pour organiser ce genre d'événements.
Le président : Je ne crois pas qu'il faille que tous les mentors soient nécessairement Autochtones.
Le sénateur Raine : Si vous connaissez des Olympiens dans votre région, demandez-leur de participer à vos programmes. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux seraient heureux de jouer un rôle dans cette entreprise et d'aider les jeunes. Ils ne le font pas pour la simple raison qu'on ne le leur a pas demandé. Croyez-le ou non, ils sont timides. Vous n'avez donc qu'à leur demander, et je pense que vous serez agréablement surpris.
Le président : Il y a tellement de gens talentueux au Canada et tellement d'excellentes histoires à raconter qui pourraient vraiment inspirer les gens, parce qu'il est nécessaire d'être inspiré. Si on ne l'est pas, on est un mort-vivant.
M. Borgerson : Nous voulions souligner la formation des enseignants. La Saskatchewan a la chance d'avoir un certain nombre de programmes de formation des maîtres autochtones, y compris l'ITEP, le SIFC et l'Université des Premières nations du Canada, le NORTEP et trois SUNTEP. J'ai eu l'occasion de travailler avec l'un des centres qui offrent le SUNTEP, et la plupart des étudiants, surtout pendant les années reculées des programmes de formation des enseignants, était des femmes et des chefs de famille monoparentale. Pour la plupart d'entre eux, cela représentait un énorme pas en avant, et les diplômés de ces programmes offraient du mentorat.
Vous constaterez que les enfants de certains de ces diplômés s'apprêtent maintenant à suivre des programmes de formation des enseignants. Je sais que le Manitoba possède déjà un programme appelé le BUNTEP, mais c'est un modèle qui, à mon avis, tout le Canada pourrait copier.
M. Guillet : J'aimerais simplement ajouter quelques observations aux vôtres. Mon collègue ici présent est trop embarrassé pour en parler mais, grâce à Wes, le CENN, en collaboration avec nos aînés, est en train d'accomplir un travail phénoménal pour nos communautés. Il enregistre toutes les histoires de nos aînés et les transfère dans des archives que nous, au CENN, tenons à mettre à la disposition de tous nos étudiants, et ces histoires sont absolument incroyables.
L'histoire de nos Premières nations est en train de disparaître, parce que nos récits n'ont pas été enregistrés, ce que nous tentons maintenant de faire. Les histoires comme celle du grand chef Poundmaker sont simplement incroyables, et nous sommes en train de les archiver.
Sénateur St. Germain, nos enfants savent très peu de choses à propos de ces modèles. Même si la réserve porte son nom, qui était le chef Poundmaker, et qu'a-t-il accompli? Qui était Little Pine, et qu'a-t-il fait? Ces histoires sont maintenant en train d'être recueillies, et elles mettent en vedette des modèles.
Le président : Au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier tous d'avoir participé à la séance. Si vous possédez d'autres renseignements que vous aimeriez nous transmettre, il est toujours possible de les faire parvenir à la greffière de notre comité. J'espère que, grâce aux renseignements qui nous ont été communiqués par vous et par d'autres témoins, nous serons en mesure de créer un rapport que personne ne pourra ignorer et dont le monde entier et surtout notre pays, le Canada, vanteront les mérites.
Chers collègues, avant de lever la séance, j'ai quelques questions de régie interne à régler. Je sais que le comité m'a donné la permission d'autoriser la télédiffusion des exposés des témoins, mais j'aimerais que quelqu'un présente une motion à cet effet. Y a-t-il un volontaire? Sénateur Dyck?
Tous ceux qui sont pour?
Des voix : D'accord.
Le président : Ceux qui sont contre, s'il y en a?
Chers collègues, si personne n'a d'autres observations à formuler, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à demain matin. Nous allons nous rendre à l'Académie Amiskwaciy, et nous espérons que vous pourrez tous vous joindre à nous.
Encore une fois, merci, que Dieu vous bénisse et que le Créateur prenne soin de nous tous.
(La séance est levée.)