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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 12 - Témoignages - 26 octobre 2010


OTTAWA, le mardi 26 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs, aux membres du public et à tous ceux, partout au Canada, qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur le réseau CPAC ou sur le web.

Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider ce comité.

Le mandat de notre comité est d'étudier les projets de loi et, de façon générale, toutes les affaires qui ont trait aux peuples autochtones du Canada. Dans le cadre de ce mandat, le comité a entrepris une étude des stratégies possibles en vue d'une réforme de l'éducation primaire et secondaire pour les Premières nations, en vue d'en améliorer les résultats. Entre autres choses, l'étude mettra l'accent sur les éléments suivants : les ententes tripartites et les partenariats dans le domaine de l'éducation, les structures de gouvernance et de prestation des services, et les cadres législatifs possibles.

Cette réunion sera divisée en deux parties, honorables sénateurs. Durant la première heure, le comité a invité des témoins de la Confédération Blackfoot et des Six Nations de Grand River, situées à Brantford en Ontario. Durant la deuxième heure, nous entendrons des représentants du Comité directeur de l'éducation des Premières nations de Colombie-Britannique.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents aujourd'hui.

[Traduction]

À ma gauche se trouve le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, et le sénateur Larry Campbell de Colombie-Britannique. À ma droite, le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut; le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick; et enfin et non le moindre, le sénateur Jacques Demers du Québec.

J'ignore si vous avez pris entre vous des arrangements quant à l'ordre des interventions. Comme nous sommes des gentilshommes de l'Ouest, nous allons céder la parole en premier à la dame qui se trouve à la droite du chef. Madame la conseillère, si vous êtes prête, je vous invite à prendre la parole le plus brièvement possible, car il y aura beaucoup de questions, alors faites de votre mieux. Vous avez la parole.

Claudine VanEvery-Albert, conseillère, Six Nations de Grand River :

[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]

Je m'appelle Claudine VanEvery-Albert. Je suis de la bande des Six Nations de Grand River et je suis membre du conseil élu de la bande. Je suis enseignante depuis de très nombreuses années et je dis toujours aux gens que j'enseigne depuis aussi longtemps que la terre existe.

Je voudrais pour commencer résumer nos relations avec les gouvernements fédéral et provincial jusqu'à maintenant. Comme vous le savez, pendant des milliers d'années, avant l'arrivée des Européens, nous, le peuple Haudenosaunee, avions notre propre système d'éducation.

Je me reporte à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. L'article 91.24 confie l'éducation aux provinces. Cependant, le gouvernement fédéral a conservé l'éducation des Premières nations, ce qui cause en partie le dilemme dans lequel nous sommes aujourd'hui. Vous connaissez tous très bien la période des pensionnats autochtones, période très sombre pour notre peuple, dont nous ressentons encore le contrecoup. Ma mère, qui m'accompagne ici aujourd'hui, a été pensionnaire dans l'une de ces écoles, de même que son père à elle. On parle beaucoup des pensionnats autochtones chez moi.

En 1972 un rayon d'espoir est arrivé avec la publication, par ce que l'on appelait alors la Fraternité nationale des Indiens, du document intitulé Le contrôle indien de l'éducation indienne. Il est à l'origine de bon nombre d'aspects intéressants que nous avons aujourd'hui dans l'éducation des Premières nations : des enseignants pleinement accrédités qui sont des Autochtones, des Haudenosaunee dans notre cas; des conseillers d'orientation professionnelle; de meilleures écoles; et un enseignement des Premières nations qui, dans une certaine mesure, est adapté à notre perspective.

Après les pensionnats autochtones sont venus les externats indiens et ce sont ces écoles que nous fréquentons maintenant dans ma communauté. Nous avons cinq écoles ordinaires. Mon mémoire explique en partie à quoi ressemble l'éducation chez les Six Nations. En répondant aux questions, je me ferai un plaisir de vous donner cette information.

La Loi constitutionnelle de 1982 a repris l'article 91.24 qui maintient les peuples autochtones à titre d'Indiens sur des terres réservées aux Indiens. On y trouve aussi l'article 35, qui nous a donné nos droits issus des traités.

La Loi sur l'éducation de l'Ontario et d'autres lois provinciales traitent dans une certaine mesure de l'éducation des Premières nations, mais très peu en fait. En 2007, on a établi dans la province un cadre pour l'éducation autochtone des étudiants qui ne résident pas dans les réserves. Cependant, il n'y est pas fait expressément mention de ceux qui résident et qui vont à l'école dans les réserves parce que cela demeure de compétence fédérale.

Si vous voulez en savoir plus sur l'éducation des Premières nations en Ontario, ce document-ci est disponible sur le site web des chefs de l'Ontario. C'est un document volumineux qui a été rédigé par des Autochtones et des enseignants autochtones d'un bout à l'autre de l'Ontario. On y trouve un excellent portrait non seulement de la situation actuelle, mais de ce que nous voulons et ce qui est important pour nous dans l'éducation des Autochtones.

Je donnerai l'adresse de ce site après la réunion.

Je pense que le document le plus important que nous avons avec nous aujourd'hui a été rédigé à l'Assemblée des Premières Nations. Il est intitulé Le contrôle par les Premières nations de l'éducation des Premières nations. Il est également disponible sur le site de l'Assemblée des Premières Nations et il est dans les deux langues officielles.

Voilà donc où nous en sommes du point de vue de la loi et des politiques.

Le président : Aimeriez-vous que ce mémoire que vous nous avez remis fasse partie du compte rendu? Nous pourrions l'annexer au compte rendu, si vous le souhaitez.

Mme VanEvery-Albert : Ce serait bien, merci.

Reg Crowshoe, chef, Confédération Blackfoot : Bonjour. Je suis de la Nation Piikani, communauté de langue Blackfoot du sud de l'Alberta. La plus grande partie de mes recherches porte sur l'éducation culturelle et les pratiques linguistiques et culturelles de la Nation Piikani.

Ma collègue a parlé des politiques législatives et provinciales qui nous ont amenés là où nous en sommes aujourd'hui. Je voudrais pour ma part traiter de la conjoncture dans laquelle nous travaillons chez les Blackfoot Piikani dans le domaine de l'éducation. Dans notre communauté linguistique, nos processus mentaux sont axés sur la tradition orale. Notre langue est issue de cette tradition.

Les recherches menées dans notre communauté ont consisté en partie à examiner l'éducation et les méthodes et pratiques d'apprentissage du point de vue des Premières nations. Quand nous parlons de notre perspective orale, nous avons en tête deux types de penseurs que les aînés ont identifiés. Quand ceux-ci parlent des penseurs de la tradition orale des Premières nations, ils renvoient à une vision du monde, une pratique et des produits découlant de cette pratique.

Dans notre vision du monde, nous croyons que tout est égal : l'air, la terre, l'eau, les plantes. Historiquement, à partir de ce concept d'égalité, du langage et de la tradition orale nous permettant de composer avec l'incertitude, nous avons mis au point nos pratiques, que ce soit dans l'éducation ou d'autres questions qui nous touchent dans nos vies.

L'éducation orale comprenait quatre composantes très importantes. Je crois d'ailleurs que c'est important partout dans le monde où il existe une culture orale. Les quatre composantes que nous avons examinées étaient : le lieu, l'action, le langage et les chansons. Ces quatre éléments s'appliquent également aux pratiques orales de notre Première nation dans le domaine de l'éducation.

Quand on parle des produits qui découlent de cette pratique orale, par exemple quand on passe d'un niveau scolaire à un autre, les chansons sont très importantes parce qu'elles constituent notre documentation des autorités et des responsabilités dans notre vision du monde. Voilà la vision du monde que nous partageons.

Quand nous avons commencé à entrer en contact avec l'éducation occidentale, surtout à l'époque des pensionnats autochtones — j'ai moi-même fait l'expérience de ces écoles, j'ai été pensionnaire dans une école dans la Nation Piikani —, la pratique de l'éducation était fondée sur un système de croyances occidentales et sur une pratique occidentale. Même la manière de s'asseoir dans la salle de classe était complètement différente.

Quand on est exposé à une pratique différente, il faut légitimer ou valider la pratique de l'éducation. Dans mon cas, il m'a fallu deux ou peut-être trois ans d'échecs au même niveau scolaire avant d'arriver à croire et à m'intégrer au système d'éducation occidental.

Le système était fondé sur des documents écrits qui représentaient une forme de validation des autorités et des responsabilités. Par exemple, quand on passe d'un niveau scolaire à un autre, les bulletins sont très importants et vous permettent d'accéder à la classe suivante.

Quand on compare les pratiques d'éducation et les méthodes d'apprentissage, il y a assurément une méthode orale et une méthode écrite, mais nous parlons aussi de parallélisme. Si nous pouvons interpréter culturellement les pratiques de l'un et l'autre système, nous pouvons aboutir à des facteurs communs qui nous permettent de progresser dans l'éducation.

Par exemple, dans notre communauté, nous avons la société Niipoomaakiiks, qui regroupe des jeunes d'environ huit ans. On les a introduits à nos méthodes d'éducation orale. Ces enfants ont pris en main leur éducation une fois qu'ils ont compris notre langue et nos méthodes d'apprentissage. Une fois cela fait, ils ont pu introduire des matières occidentales comme les mathématiques, les langues, les arts et tout le reste.

Dans notre communauté, nous travaillons avec les pratiques ancestrales pour faire une interprétation culturelle des pratiques occidentales de manière que celles-ci deviennent partie intégrante des pratiques de l'Alberta.

Le sénateur Stewart Olsen : Je constate que vos écoles sont financées et dirigées par les autorités fédérales. Trouvez-vous que ce système est une bonne manière de procéder? C'est très différent des écoles qui sont dirigées par les bandes dans les réserves. Est-ce que cela vous plaît ou bien voudriez-vous changer cela?

Mme VanEvery-Albert : Je voudrais que vous compreniez pourquoi nous sommes dans cette situation. Dans les années 1970 — j'ignore si vous connaissez le terme « dévolution » —, les Affaires indiennes voulaient dévoluer l'éducation aux communautés des Premières nations. Dans notre communauté, nous avons étudié cette proposition au moins trois fois. Nous n'étions pas disposés à prendre en main un système d'éducation mal financé et dysfonctionnel qui ne fournissait pas suffisamment d'argent.

Vous savez probablement que les fonds limités consacrés aux écoles des Premières nations obligent les communautés à choisir entre payer les enseignants au même niveau que les provinces et enlever de l'argent aux programmes, ou bien conserver des programmes bien financés et mal payer les enseignants. Cette situation ne devrait pas être. Quoi qu'on fasse, cela cause de grandes difficultés.

Comme le gouvernement fédéral était disposé à travailler avec l'Alliance de la fonction publique et à payer un salaire raisonnable aux enseignants, nous n'avons pas eu besoin de couper dans les programmes. Cependant, l'argent qu'ils allaient fournir ne suffisait pas pour faire les deux. Beaucoup d'éléments de l'éducation ne pourraient jamais être financés dans le cadre de la formule actuelle de financement.

En bref, la réponse est non. Nous n'aimons pas cela, mais nous ne changerons rien tant que nous n'aurons pas obtenu un accord fondé sur les traités ou une entente quelconque établissant clairement que notre système d'éducation sera bien financé et indexé. Alors seulement nous aurons l'impression de ne pas avoir à mendier pour financer l'éducation de nos enfants.

Le sénateur Stewart Olsen : Chef Crowshoe, vous avez dit que votre tradition orale a aidé les enfants à comprendre le système d'éducation occidentale. Croyez-vous que le fait de commencer dès le début, à l'école primaire, c'est-à-dire de la première à la sixième année, en mettant fortement l'accent sur vos propres enseignements traditionnels, aidera les enfants à progresser lorsqu'ils passeront à l'école secondaire et aux études postsecondaires?

Chef Crowshoe : Nous mettons l'accent sur les méthodes d'enseignement. Il est important que cela soit enseigné au plus jeune âge. Par exemple, quand on parle du concept de l'enseignement oral, nous mettons de l'avant la langue et le discours. Le lieu, c'est l'école ou la salle de classe, l'action est la capacité de l'élève ou son bulletin, et les chansons l'accompagnent dans la salle de classe. Si l'on établit ces parallèles dès le plus jeune âge, les enfants font une interprétation culturelle et assument le passage d'un lieu traditionnel à un lieu occidental, ils parviennent à comprendre les deux visions du monde et à en respecter les pratiques.

Nous avons obtenu les plus grands succès avec des enfants qui parvenaient à accepter les deux pratiques d'éducation et à assumer leur propre éducation. Par exemple, quand on enseigne la langue, l'enfant fait sienne cette langue et l'utilise à la maison, mais si à l'école on lui enseigne la langue par la méthode occidentale, pour qu'il ait de bonnes notes, il ne parle pas la langue dès qu'il quitte l'école. Cette langue, il ne la fait pas sienne.

Le sénateur Stewart Olsen : Les écoles fédérales ont-elles cette composante culturelle?

Mme VanEvery-Albert : Dans ma communauté et à Tyendinaga, où l'on trouve les autres écoles fédérales, le personnel, en travaillant avec les gens de la communauté, a élaboré une importante composante culturelle et l'on enseigne la deuxième langue. Nous avons aussi un programme d'immersion. C'est grâce au personnel que nous avons ce système.

Le sénateur Poirier : Madame VanEvery-Albert, vous avez expliqué les raisons pour lesquelles vous avez décidé de conserver le système fédéral. Pouvez-vous m'expliquer la principale différence entre les écoles dirigées par les autorités fédérales dans les Premières nations et les écoles dirigées par les bandes?

Mme VanEvery-Albert : Dans les écoles fédérales et, en fait, dans les écoles des Premières nations en Ontario, nous sommes chargés par les Affaires indiennes d'enseigner le programme éducatif provincial. Les écoles des Premières nations ont une meilleure occasion d'ajouter davantage d'éléments mettant en valeur l'histoire, la culture et la langue, par opposition aux écoles fédérales.

Par ailleurs, nous dépendons du financement fourni par les écoles fédérales pour des activités spécifiques. S'il n'y a pas assez d'argent une année donnée, nous pouvons décider de ne pas renouveler les titres de la bibliothèque. Une autre année, nous pouvons décider de mettre à niveau nos ordinateurs. Il n'y a jamais assez d'argent. Je pense d'ailleurs qu'il n'y a jamais assez d'argent dans les écoles des Premières nations non plus.

Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il est important que la communauté ait le contrôle de ce que ses enfants apprennent à l'école.

Le sénateur Poirier : Dans le système fédéral que vous avez, votre communauté a-t-elle son mot à dire sur l'embauche des enseignants ou le curriculum qui sera enseigné? Êtes-vous le moindrement consulté à ce sujet?

Mme VanEvery-Albert : Non, ou alors seulement quand nous insistons très fort; parfois, il nous est arrivé de travailler assez étroitement avec les responsables fédéraux, et d'autres fois, nous avons été exclus. Cependant, nous avons de bonnes relations de travail avec le personnel qui est composé surtout de gens des Six Nations, et il s'agit donc d'une relation plutôt informelle et non pas officielle.

Le sénateur Poirier : Savez-vous quel est le taux de réussite dans les écoles dirigées par les Premières nations, en comparaison des écoles fédérales? Je sais que dans les écoles dirigées par les bandes, celles-ci ont davantage leur mot à dire sur la teneur de l'enseignement, l'embauche d'enseignants et le programme éducatif. Savez-vous s'il y a une différence entre le taux de réussite des deux systèmes?

Mme VanEvery-Albert : Je ne pense pas qu'il y ait une différence notable dans le taux de réussite. En même temps, il y a probablement des raisons différentes qui expliquent cette réussite.

L'une des grandes difficultés est que les bandes ne peuvent pas se permettre de payer des salaires qui se rapprochent des salaires provinciaux. Elles paient souvent jusqu'à 30 p. 100 de moins. Ce n'est pas le cas dans ma communauté, mais c'est vrai dans d'autres communautés des Premières nations.

D'autres communautés des Premières nations n'ont pas suffisamment d'enseignants de leur nation et doivent donc embaucher des enseignants non autochtones. Quand ceux-ci acquièrent un peu d'expérience, ils s'en vont travailler dans les commissions scolaires locales. Il y a donc peu de continuité dans le programme, pour d'autres communautés des Premières nations.

Dans ma communauté, nous n'avons pas ce problème parce que nous avons essentiellement nos propres enseignants. Environ 94 p. 100 du personnel est composé d'enseignants des Six Nations. Cependant, nous n'avons pas notre mot à dire, ou très peu, quant au contenu de l'enseignement. Nous avons un programme de langue seconde, qui est limité, parce que nous n'avons pas assez d'argent pour en faire un bon programme. Je pourrais continuer la liste.

Le sénateur Poirier : Dans votre réseau, les enseignants sont-ils encore payés 30 p. 100 de moins que dans les autres réseaux?

Mme VanEvery-Albert : Ce n'est pas 30 p. 100. Leur salaire est un peu plus bas, mais ce n'est pas 30 p. 100 dans les écoles fédérales. Cependant, les écoles provinciales ont encore des difficultés.

Le sénateur Poirier : En plus de vos cinq écoles primaires financées par le fédéral et administrées par le MAINC, vous avez aussi plusieurs écoles privées.

Mme VanEvery-Albert : Oui.

Le sénateur Poirier : Je sais que certaines de ces écoles privées reçoivent un peu de financement, tandis que d'autres dépendent entièrement des dons privés. Pouvez-vous expliquer la différence dans le niveau d'enseignement à ces écoles? Parce qu'elles sont privées, est-ce qu'elles embauchent leurs propres professeurs et élaborent leur propre curriculum, ou bien suivent-elles le même système que le vôtre? Comment cela fonctionne-t-il exactement?

Mme VanEvery-Albert : La plus grande école privée que nous ayons est une école d'immersion. Ses responsables se sont retirés du réseau fédéral parce qu'ils estimaient que les contraintes étaient trop lourdes. Pour revenir à ce que mon collègue a dit au sujet des méthodes d'enseignement, ils trouvaient trop contraignant, de diverses manières, le système fédéral, et sont donc devenus privés pour pouvoir offrir le programme dans une perspective plus culturelle.

Ils voulaient une immersion à 100 p. 100 et ne pouvaient pas offrir cela dans le réseau fédéral, parce que les élèves fréquentaient une école fédérale et côtoyaient des élèves anglophones. C'est un exemple.

Un autre cas est celui des écoles confessionnelles. Nous avons une école confessionnelle et ses responsables ont décidé de la privatiser, pour les mêmes raisons.

Le sénateur Poirier : Quel pourcentage des étudiants fréquentent les écoles privées? Les parents paient-ils des frais de scolarité pour que leurs enfants fréquentent ces écoles?

Mme VanEvery-Albert : À l'école d'immersion, les étudiants reçoivent le même montant qui serait versé pour tout étudiant qui fréquente une école provinciale. Le nombre d'étudiants dans ces programmes est très limité. Je n'ai pas les chiffres pour l'école d'immersion cette année, mais dans le passé, on y trouvait peut-être 40 élèves. Il y a de nombreuses années, il y a eu jusqu'à une centaine d'élèves, mais il y en a moins aujourd'hui. D'autres écoles sont financées entièrement par les parents. Ce sont également des écoles d'immersion.

Le président : Je voudrais une précision, madame VanEvery-Albert. Vous avez dit que le montant par élève est l'équivalent de ce que les provinces paient par étudiant.

Mme VanEvery-Albert : Oui, mais l'argent vient du fédéral.

Le président : L'argent vient du gouvernement fédéral?

Mme VanEvery-Albert : Oui.

Le président : Quel est l'écart du financement fédéral, par rapport au montant versé pour les enfants qui ne sont pas des Premières nations et qui fréquentent l'école dans la province d'Ontario?

Mme VanEvery-Albert : Cela dépend vraiment des chiffres qu'on consulte, mais ce pourrait être 30 p. 100 de moins. Si l'on examine cela de très près, et j'ai scruté le tout à la loupe, c'est probablement la moitié de ce qui serait versé dans la province. Mais vous devez savoir qu'il y a de nombreuses manières d'envisager la question.

Le sénateur Campbell : Je suis un peu embrouillé. J'essaie de comprendre la différence, sur le plan du coût, entre le financement fédéral, le financement provincial et le financement de la bande. Il y a évidemment un écart, et j'essaie de comprendre à combien il s'élève exactement.

Mme VanEvery-Albert : Je vais vous l'expliquer. Le financement fédéral, c'est de l'argent qui est versé aux communautés des Premières nations pour leur réseau d'éducation. Cet argent vient directement du ministère des Affaires indiennes parce que les écoles dans les réserves sont fédérales. Il n'y a aucun financement provincial versé aux réserves pour leurs écoles. Ce sont deux choses tout à fait distinctes.

Je voudrais vous faire part de la formule de financement des écoles dirigées par les bandes.

Le sénateur Campbell : Oui.

Mme VanEvery-Albert : En 1988, Affaires indiennes et du Nord a élaboré une formule de financement des écoles exploitées par les bandes, très semblable à celle qui existe en Ontario. Cette formule établit le montant réservé aux enseignants, le montant consacré aux bibliothèques et à tous les autres aspects, notamment les transports.

La formule de financement des écoles de bande est sortie en 1988 sous forme d'une ébauche. Mesdames et messieurs, elle est restée à l'état d'ébauche. Elle n'a pas changé depuis 1988 et elle ne répond pas à nos besoins. Depuis 1988 — et il y a certainement eu beaucoup de changements dans l'éducation en Ontario depuis 1988 —, beaucoup plus d'argent a été versé aux écoles en Ontario, jusqu'à 25 p. 100 de plus, parce qu'il s'est passé beaucoup de choses dans la province. Pendant que ces changements se produisaient, les Affaires indiennes ont plafonné la formule de financement des écoles de bande à 2 p. 100.

Notre financement a donc augmenté de seulement 2 p. 100 en dollars, mais la valeur du dollar a beaucoup baissé depuis ce temps. On ne peut pas acheter aujourd'hui ce qu'on pouvait acheter en 996 avec le même montant. Nous sommes sous-financés et nous continuons de perdre du terrain. Voilà pour l'essentiel.

Le sénateur Campbell : Je viens de Brantford. Supposons que je suis un élève des Premières nations et que je fréquente BCI, North Park ou quelque autre école; qui paie pour cela?

Mme VanEvery-Albert : Affaires indiennes et du Nord Canada.

Le sénateur Campbell : Combien le ministère paie-t-il?

Mme VanEvery-Albert : Cette année, ce sera autour de 10 000 $.

Le sénateur Campbell : Je suis donc de Brantford, mais je ne suis pas autochtone et je fréquente l'école secondaire; combien la province paie-t-elle pour ma scolarité?

Mme VanEvery-Albert : La province paie probablement un montant semblable, étant entendu qu'il y a bien des manières d'envisager ce financement, mais c'est probablement du même ordre.

Le sénateur Campbell : Au bout du compte, on dirait que ce qui est en jeu, c'est la capacité d'enseigner vos langues et vos valeurs ancestrales, par opposition à ce qui est enseigné à l'école à Brantford.

Mme VanEvery-Albert : Je voudrais que ce soit bien clair : le montant que les Affaires indiennes paient en frais de scolarité à une commission scolaire locale est beaucoup plus élevé que ce que le ministère paie pour les étudiants dans la réserve.

Le sénateur Campbell : C'est ce que je voulais savoir. Pourquoi est-ce le cas?

Mme VanEvery-Albert : Eh bien, vous savez, si je connaissais la réponse à cette question, tout irait peut-être mieux aujourd'hui. C'est une question que vous devrez poser au ministre des Affaires indiennes.

Le sénateur Campbell : Cela me semble incompréhensible.

Mme VanEvery-Albert : Durant toute ma carrière d'enseignante, j'ai toujours trouvé ça incompréhensible, moi aussi.

Voici une autre observation importante : non seulement nous avons perdu du terrain sur le plan financier à cause du plafond de 2 p. 100, mais comme vous le constaterez en lisant le rapport du vérificateur général pour 2000 et 2004, il faudra plus de 25 ans au même niveau de financement pour mettre nos étudiants à niveau sur le plan académique. Nous ne pouvons pas attendre 25 ans. Nous devons progresser dès maintenant, mais c'est difficile quand nous n'avons tout simplement pas assez d'argent, surtout pour l'éducation spéciale.

Beaucoup d'étudiants dans notre communauté n'ont pas été évalués faute d'argent. Nous ne pouvons pas fournir les services nécessaires. Le manque d'argent nous étrangle à bien des égards.

Le sénateur Raine : Je pense que nous commençons à comprendre les difficultés que vous éprouvez à diriger vos écoles et à comprendre pourquoi vous restez avec les écoles fédérales, parce que si vous tentiez de prendre en main vos propres écoles, vous auriez 30 p. 100 moins d'argent.

Il faut toutefois reconnaître que quand le gouvernement fédéral verse de l'argent aux écoles dirigées par les bandes, il y a un montant par élève en plus d'un montant consacré aux immobilisations et projets spéciaux. Mais le total n'est probablement toujours pas aussi élevé.

Mme VanEvery-Albert : Je vais vous expliquer cela. J'ai siégé au Conseil scolaire du district de Grand Erie pendant neuf ans et j'ai donc suivi de près le financement de l'éducation. Provincialement, on est financé selon le nombre d'élèves; les conseils scolaires comptent des milliers d'étudiants et l'on prévoit aussi des fonds supplémentaires pour des projets complémentaires et l'on est autorisé à mettre de l'argent de côté pour de futures immobilisations.

Le gouvernement fédéral a un montant fixe pour l'éducation et cet argent est divisé par région entre toutes les communautés des Premières nations du pays. Ensuite, en Ontario, il y a un montant d'argent fixe qui est à son tour réparti entre les communautés des Premières nations. Si l'on descend au niveau des programmes, disons pour l'éducation spéciale, il y a encore un montant fixe qui est divisé. Il n'est pas établi en fonction des besoins. C'est purement mathématique. C'est l'un de nos principaux problèmes et, au fil des années, il s'est aggravé et est devenu très complexe. Nous sommes donc en difficulté. Que pouvons-nous faire quand il n'y a aucune possibilité de rattrapage?

Est-ce que vous comprenez cela?

Le sénateur Raine : Oui. Je pense qu'il est juste de dire que dans le réseau public ou dans les budgets des gouvernements provinciaux, il y a également un montant fixe, mais il correspond évidemment d'un peu plus près au travail à faire.

Mme VanEvery-Albert : Je vais vous dire ce qui se passe aussi et que je trouve difficile.

Comme vous le savez, au gouvernement provincial de l'Ontario, un certain nombre de programmes spéciaux sont lancés chaque année, régulièrement, pour cibler certaines problèmes épineux que les écoles peuvent éprouver. Ce peut être la sécurité à l'école, ou encore la lecture, ou bien les bibliothèques, et cetera. Un montant spécial est mis de côté. Chacun a l'occasion de piger dans cet argent et d'affecter un montant au conseil scolaire et à diverses écoles, et c'est une bonne chose.

Les Affaires indiennes n'ont pas nécessairement des programmes de ce genre. Par exemple, un programme spécial de lecture peut être lancé par le ministère de l'Éducation et nous sommes censés le mettre en œuvre dans les Six Nations, mais on ne nous donne pas d'argent.

Je sais comment fonctionne ce processus, pour avoir siégé au conseil scolaire de district pendant de nombreuses années. Ce peut être un programme de trois ans, mais souvent, dans les écoles fédérales, et assurément dans les écoles des bandes, les Affaires indiennes ne suivent pas le même processus. Là encore, nous prenons du retard.

Le sénateur Raine : Si l'argent ne manquait pas, si le problème du financement ne se posait pas, quelle structure établiriez-vous? Si le gouvernement fédéral versait l'argent directement aux Premières nations, quelle structure donneriez-vous à l'organisation chargée de diriger les écoles des Premières nations pour les étudiants des Premières nations?

Mme VanEvery-Albert : Premièrement, nous aurions notre propre conseil scolaire. Les Affaires indiennes ne donnent pour ainsi dire pas d'argent pour la gouvernance au niveau des communautés des Premières nations. Certaines ont un conseil scolaire, mais il se fait très peu de formation et il n'y a presque pas d'argent pour les réunions du conseil. Il n'y a pas de local pour tenir les réunions. Les membres du conseil n'ont aucune possibilité de suivre une formation quelque part, car il y a beaucoup à apprendre au sujet d'un conseil scolaire. Dans le réseau provincial, ces possibilités existent certainement. Voilà pour le premier point, la gouvernance.

Deuxièmement, il y aurait le personnel. Nous n'avons aucune possibilité de faire véritablement du perfectionnement professionnel de qualité et continu pour notre personnel. Je ne dirai pas qu'il n'y a pas d'argent. Il y en a, mais pas des montants suffisants pour envoyer des gens à une conférence au coût de 3 000 $, parce que nous avons peut-être seulement 10 000 $ pour le perfectionnement professionnel. Par conséquent, nous faisons de notre mieux avec ce que nous avons. Il nous faut assurer le perfectionnement professionnel de nos employés, des directeurs d'école et certainement des enseignants spécialisés. Nous avons besoin de beaucoup de perfectionnement professionnel. On ne peut pas se contenter de le faire une année donnée et puis de tout arrêter par la suite.

Il y a aussi l'éducation spéciale. Nous devons faire du rattrapage et faire évaluer tous les enfants qui en ont besoin. Il nous faut des salles réservées à l'éducation spéciale où nous pouvons travailler avec l'étudiant selon les besoins. Pour les enfants qui ont un handicap auditif, visuel ou de la parole, il nous faut assez d'argent pour les envoyer suivre les programmes pertinents ou pour mettre au point nos propres programmes. Il nous arrive parfois d'utiliser une part importante de notre budget d'éducation spéciale pour un seul enfant. C'est arrivé dans le passé.

Je pourrais poursuivre. Nous avons besoin de bonnes bibliothèques. Nous avons besoin d'ordinateurs. Nos ordinateurs sont anciens et notre communauté, qui est au milieu du sud de l'Ontario, n'a pas accès à Internet haute vitesse. Nous devons nous contenter de moyens médiocres et nos enfants, en plein milieu de la province la plus peuplée au Canada, n'ont même pas accès au monde comme peut-être vos enfants y ont accès. Nous sommes nettement défavorisés. Nous sommes du mauvais côté de la ligne de démarcation numérique.

Voilà quelques problèmes auxquels nous nous attaquerions si nous avions l'argent voulu.

Le sénateur Raine : Enfin, compte tenu de la structure existante, estimez-vous que l'éducation financée par le fédéral, au niveau élémentaire et intermédiaire, parvient à faire entrer vos étudiants à l'école secondaire, ou bien pensez-vous que vous pourriez faire du meilleur travail?

Mme VanEvery-Albert : Je félicite chaleureusement les enseignants des Six Nations parce qu'ils font du travail extraordinaire dans des circonstances très difficiles. Si ce n'était d'eux, nous n'aurions probablement pas autant d'étudiants qui entrent à l'école secondaire.

Nous pourrions et devrions en envoyer plus, mais le problème est de les garder à l'école une fois qu'ils y parviennent. Quand on envoie un étudiant à l'école secondaire et qu'il n'est pas vraiment prêt, on doit s'attendre à des problèmes et il y en a. Certaines années, nous perdons jusqu'à 25 p. 100 de nos étudiants du niveau secondaire avant la 12e année et je pense que nous pourrions faire mieux.

Le président : Je voudrais poser rapidement une question au chef Crowshoe. Le gouvernement du Canada, la province de l'Alberta et les chefs des bandes des divers traités nos 6, 7 et 8 ont signé un protocole d'entente en vue d'établir une entente tripartite. C'est l'un des volets de notre étude.

Vous êtes du traité nos 7, n'est-ce pas, monsieur?

M. Crowshoe : C'est bien cela.

Le président : Comment réagissez-vous à cet accord? Y voyez-vous une amélioration possible des relations entre les divers paliers de gouvernement en vue d'améliorer le financement pour les enfants des Premières nations de l'Alberta?

M. Crowshoe : En février 2010, cette entente tripartite a été signée entre le gouvernement et les bandes des traités nos 6, 7 et 8. Si l'on se penche sur la mésentente entre les chefs et l'Alberta et le Canada, nous nous demandons comment l'on peut reconnaître l'éducation des Premières nations comme partie de notre tradition. J'espère que cela nous aidera au moins de travailler au financement de manière que l'on puisse obtenir davantage d'argent pour nos communautés.

Par exemple, nous gérons un réseau d'éducation appartenant à la bande et nous avons essentiellement les mêmes problèmes que ma collègue vient de décrire. En terme de capacité de gouvernance de notre réseau d'éducation, cette capacité n'existe pas à proprement parler. Nous avons besoin de formation et nous devons établir cette capacité. Si nous ne créons pas cette capacité de gouvernance, nous allons continuer d'avoir des difficultés.

Au sujet du financement dont ma collègue a parlé, il n'y a pas de différence; le financement est passablement le même. Nous faisons de notre mieux pour étirer les maigres dollars que nous avons pour gérer nos écoles de bande. Là encore, au sujet des frais de scolarité, il y a une différence entre le montant qui est payé pour l'éducation dans la réserve et hors réserve. Nous espérons que cette entente tripartite permettra d'augmenter le montant versé pour la scolarité.

J'ai dit que la tradition et la culture font partie intégrante de notre éducation. Nous avons notre mot à dire dans la prestation des services d'éducation sur le plan de la culture et de la langue, mais nous avons de la misère avec l'interprétation des normes provinciales d'éducation. Ces normes n'ont pas fait l'objet d'une interprétation culturelle. Par exemple, nos méthodes d'apprentissage n'ont pas bénéficié de cette interprétation culturelle et elles ne sont donc pas autorisées à l'école.

Ma collègue a parlé des écoles privées; on trouve dans la communauté des parents qui veulent établir leur propre école privée et payer en partie pour y faire éduquer leurs enfants parce que la qualité d'enseignement et la confiance des étudiants sont grandement renforcées par rapport à la réalité dans les écoles.

Certains de nos étudiants s'en vont hors de la réserve et on les inscrit généralement dans l'éducation spéciale. Beaucoup de jeunes élèves sont inscrits à des programmes à l'école et ils perdent tout respect pour l'école. Bien souvent, on les met dans des programmes spéciaux qui incluent l'administration de Ritalin ou d'autres drogues par les conseillers en éducation.

Cependant, si l'on se penche sur notre éducation traditionnelle, ces enfants sont pris entre deux chaises entre une culture orale et une culture écrite. Notre langue et notre culture sont encore solidement implantées dans notre communauté et beaucoup d'étudiants qui s'en vont hors réserve se font diagnostiquer un déficit d'attention que l'on traite au moyen de médicaments et de l'éducation spéciale.

Pourtant, quand ils reviennent dans la communauté et à la méthode de l'enseignement oral, ces enfants n'ont pas besoin de médicaments d'ordonnance et ils apprennent beaucoup mieux dans la réserve. Vous dépensez plus d'argent pour l'éducation spéciale dans les écoles hors réserve que dans la réserve.

Nous gérons notre réseau d'éducation de bande. Nous le gérons par l'entremise de notre conseil scolaire, mais nous devons absolument acquérir une capacité de gouvernance. Il nous faut un programme de formation pour que les membres de notre conseil comprennent ce qu'il nous faut pour offrir l'éducation dont nous avons besoin.

Le sénateur Sibbeston : Notre comité sénatorial a été chargé de se pencher sur la question de la différence, le grand écart — vous avez mentionné 25 ans et je pense que cette différence peut atteindre 28 ans — entre les Premières nations et l'ensemble de la société canadienne.

Je me demande si ce n'est pas un mythe ou en quelque sorte une erreur de croire que nous devrions tous être pareils et être assujettis à la même norme. Je viens du Nord où l'on trouve de petites localités rurales et quand on a une 10e année, c'est très bon. Mon oncle, dans les années 1930 et 1940, n'avait qu'une troisième année et c'était déjà une bonne instruction. Il a réussi avec cela à se débrouiller dans le monde, avec beaucoup de succès.

Vous avez mentionné la tradition orale, l'importance de la culture et tout le reste. C'est un système tellement différent et une société tellement différente que je me demande si nous pourrions jamais être pareils; c'est comme de comparer des pommes et des oranges. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce sujet? Est-ce un mythe que les Canadiens croient que les gens des Premières nations devraient être placées sur le même pied que tous les autres?

Mme VanEvery-Albert : Je suis contente que vous ayez posé cette question. Je voudrais vous faire part de notre point de vue, dans la perspective de ma communauté.

Je tiens à être absolument claire : nous sommes le peuple Haudenosaunee; nous ne sommes pas Canadiens. Nous ne voulons pas être pareils aux Canadiens, mais nous voulons être des amis. Nous voulons parler leur langue, mais nous voulons aussi pouvoir parler notre propre langue. Nous aimons leur musique, mais nous aimons notre musique aussi et nous voulons que vous compreniez notre musique, notre langue et notre culture.

Vous devez savoir qui nous sommes tout autant que nous devons savoir qui vous êtes. Nos écoles nous enseignent tout ce qu'il y a à savoir à votre sujet, mais vos écoles ne vous enseignent pas qui nous sommes.

Nous sommes les premiers habitants de notre pays. Nous vivons uniquement ici et nos langues sont parlées uniquement ici. Quand elles disparaissent, elles disparaissent de la surface de la terre à tout jamais. C'est une tragédie. Nous ne pouvons pas permettre cela et nous ne le permettrons pas.

En même temps, nous vivons dans ce pays et il nous faut une bonne instruction. Nous chevauchons deux univers. Dans le document que je vous ai remis, vous pouvez lire que nous avons le Guswhenta, le wampum à deux rangs. C'est une ceinture blanche qui comporte deux rangs. Pour nous, cela veut dire que nous serons vos amis, mais vous voyagez dans votre barque sur la rivière et nous voyageons dans notre barque sur la rivière. Nous n'embarquons pas dans la vôtre et vous n'embarquez pas dans la nôtre. Nous n'essayons pas de conduire mutuellement nos barques. Telle est notre compréhension de ce que nous sommes.

Il est très important pour nous non seulement d'avoir votre éducation et de comprendre qui vous êtes, mais aussi de maîtriser notre langue, notre culture et la manière dont nous menons nos affaires. Tel est l'objet de notre quête. Nous avons besoin de cela, nous voulons et nous allons l'obtenir. Nous y avons droit, parce que nous sommes les premiers habitants de ce pays.

Jusqu'à maintenant, à mon avis, on nous l'a refusé ou alors on nous a jeté de petites pièces de monnaie pour essayer d'obtenir ce résultat. De notre point de vue, à la bande des Six Nations, en particulier, nous ne souhaitons pas être des pupilles de l'État ou encore un chiffre sur la liste des bandes des Affaires indiennes. Nous voulons être le peuple Haudenosaunee et nous voulons vivre notre propre vie, dans notre pays, en côtoyant nos amis, c'est-à-dire vous.

Le sénateur Hubley : Je vous remercie pour vos exposés de ce matin. Je salue également votre mère. C'est bien qu'elle soit présente.

Notre comité s'est récemment rendu dans l'Ouest. Les témoins que nous avons entendus nous ont notamment parlé des droits issus des traités, dans le domaine de l'éducation. À la lumière de votre dernière déclaration, vous estimez que nous devrions tous nous inspirer de ce modèle pour les droits issus des traités. J'essaie de bien comprendre.

Un autre problème, ce sont les contraintes dans votre curriculum à cause du manque de fonds et à cause des divers types d'écoles que vous avez décrits. Dans quelle mesure est-ce contraignant? Nous avons vu divers rituels dans certaines écoles — des cérémonies comportant le port des peintures traditionnelles, le battement des tambours et des chansons et des rites traditionnels d'accueil — et tout cela est très bien intégré dans certaines écoles. Je me demande si ces rituels pourraient faire partie des mesures intégrées dans vos écoles.

J'ai une dernière question. Des représentants de vos écoles assistent-ils aux conférences provinciales et séminaires destinés aux enseignants? Vous avez parlé de journées consacrées au perfectionnement professionnel. Nous savons tous que les écoles ferment ces jours-là et les enseignants se réunissent pour discuter de divers dossiers concernant leur province ou leur école.

Le président : Je vous demanderais de garder vos réponses les plus brèves possible, je vous prie.

M. Crowshoe : Pour ce qui est de nos écoles dirigées par la bande et des modèles traditionnels d'éducation, nous examinons actuellement la manière d'interpréter culturellement les pratiques d'éducation et les modèles d'enseignement. Par exemple, au sujet de la gouvernance, comment faire une interprétation de la culture occidentale pour transposer cela dans nos coutumes et cultures orales pour les discussions et les prises de décisions?

Dans un cas, on peut utiliser un marteau pour présider une réunion. Dans d'autres cas, on peut utiliser les peintures traditionnelles. Mais quand on parle de parallélisme ou d'interprétation culturelle, nous disons que dans les deux cas, ce n'est qu'un début, le point de départ d'un processus. Nous devons comprendre que ce processus représente les deux parties. Si nous pouvons aller de l'avant et établir ces pratiques, alors nous avons un système de croyances pour l'appartenance traditionnelle et le système d'éducation occidental dans nos communautés et les objectifs que nous voulons atteindre, surtout pour la gouvernance dans l'éducation.

Quand on parle d'enseigner la méthodologie de l'éducation, nous disons aussi qu'il faut enseigner les principes de base de la pratique et ensuite en faire une interprétation culturelle pour les transposer dans les pratiques occidentales.

Nous pourrions parler de contenu de l'éducation, de contenu culturel. Les programmes éducatifs sont différents, mais nous examinons comment nous pourrions faire une interprétation culturelle de la pratique, non seulement pour la gouvernance, mais au niveau de l'enseignement.

Le sénateur Raine : Mes questions s'adressent au chef Crowshoe. Le printemps dernier, nous avons entendu des témoins nous dire comment valoriser l'éducation culturelle des Premières nations. On nous a aussi parlé de ce que les élèves apprennent et qui n'est pas enseigné dans les écoles ordinaires : comment vivre à même le territoire et comment mettre en pratique les coutumes ancestrales. On ne fait pas d'évaluation et on n'accorde aucun statut officiel à cette connaissance ancestrale.

Voyez-vous une manière d'évaluer cette connaissance dans vos écoles, je veux dire officiellement? Autrement dit, vos aînés pourraient peut-être alors dire : « Ces enfants ont réussi et ont atteint tel niveau de connaissance. » On pourrait leur accorder un crédit pour cela.

M. Crowshoe : Quand nous parlons d'interprétation culturelle de la pratique, il faut notamment s'interroger sur le concept de validation. Comment valider l'information? Comment valider des enseignants ou des gens ou les élèves dans une salle de classe?

Le concept même de validation doit faire l'objet d'une interprétation culturelle. Peu importe que l'on fasse la validation de ce qu'il faut apprendre pour vivre à même le territoire ou de matières comme les mathématiques, les sciences et les langues, cette validation doit être interprétée culturellement pour que nous puissions utiliser ces pratiques pour enseigner à nos étudiants, à nos jeunes.

Nous avons des aînés. Cependant, dans notre cas, les aînés sont des enseignants accrédités. Qui accrédite les aînés? C'est nous qui le faisons, dans notre culture, mais quand il s'agit d'enseignants occidentaux qui viennent dans notre communauté, la validation des aînés nous échappe totalement. Quand nos aînés sont invités, il y a un conflit culturel dans notre communauté quant à savoir qui peut devenir un aîné.

Nous devons définir et interpréter culturellement le système de validation en adoptant le point de vue des Premières nations, avant de pouvoir valider de l'information, des gens et le système d'éducation.

Le président : Merci beaucoup. Nous avons entendu deux fiers représentants des Premières nations qui sont eux-mêmes des éducateurs. Nous vous remercions pour l'excellente présentation et les excellentes réponses à certaines questions complexes que nous essayons de résoudre dans le but de nous aider tous, dans notre pays.

Chef Crowshoe, avez-vous quelque chose à nous remettre?

M. Crowshoe : C'est simplement pour le compte rendu.

Le président : Cela fera partie intégrante du compte rendu, chef.

Nous accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins. Nombre d'entre vous connaissent déjà le travail du comité directeur de l'éducation des Premières nations, grâce à notre mission exploratoire en Colombie-Britannique. Au nom de tous les sénateurs autour de la table, je dis que c'est un grand plaisir pour nous de recevoir le comité directeur à Ottawa, représenté par Nathan Matthew, Christa Williams et Deborah Jeffrey.

Je pense que vous avez un exposé à nous présenter, monsieur Matthew.

Nathan Matthew, négociateur, Négociations en matière d'éducation des Premières nations de la Colombie-Britannique, Comité directeur de l'éducation des Premières nations : Nous allons partager l'exposé.

Le président : Pourriez-vous décrire les rôles que vous jouez dans votre organisation, je vous prie.

M. Matthew : Bonjour, nous sommes contents d'être ici pour vous parler de l'éducation des Premières nations, en particulier ce que nous faisons en Colombie-Britannique. Je m'appelle Nathan Matthew; je suis un Secwepemc, une personne Shuswap. Je suis de la Première nation Simpcw. J'ai 35 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation des Premières nations. En Colombie-Britannique, je suis conseiller principal des organisations qui s'occupent de l'éducation pour les Premières nations. Je suis aussi négociateur dans le dossier des compétences.

Nous avons également avec nous Christa Williams.

Christa Williams, négociatrice, Négociations en matière d'éducation des Premières nations de la Colombie-Britannique, Comité directeur de l'éducation des Premières nations : Je m'appelle Christa Williams. Je suis de la Nation Nlaka'pamux dans l'intérieur de la Colombie-Britannique. J'ai été directrice générale du comité directeur pendant 15 ans. Depuis deux ans, j'occupe le poste et le rôle de négociatrice en matière de compétences et aussi de conseillère sur d'autres questions au besoin.

Deborah Jeffrey, directrice générale par intérim, Négociations en matière d'éducation des Premières nations de la Colombie-Britannique, Comité directeur de l'éducation des Premières nations : Je m'appelle Deborah Jeffrey. Je suis directrice générale par intérim du comité directeur. Je m'occupe d'éducation depuis un plus grand nombre d'années que je ne veux bien l'admettre. J'ai été enseignante pendant une quinzaine d'années et ensuite administratrice et aujourd'hui, je pratique aussi le droit à temps partiel.

Je voudrais reconnaître officiellement que nous sommes en ce moment sur le territoire ancestral des Premières nations et je les remercie de nous autoriser à faire cette présentation aujourd'hui.

M. Matthew : Nous sommes ici pour représenter les intérêts en matière d'éducation des Premières nations de Colombie-Britannique, de manière générale et aussi dans les écoles des Premières nations. En Colombie-Britannique, nous sommes responsables depuis maintenant bon nombre d'années de l'éducation de nos enfants dans nos propres écoles. Nous avons l'intention, par l'entremise de nos organisations, nommément le comité directeur et l'Association des écoles des Premières nations, d'exercer efficacement le droit que nous avons de nous gouverner nous-mêmes dans le domaine de l'éducation d'une manière qui est respectueuse de notre langue et de notre culture.

Nous avons une trousse de documents, mais je crois comprendre qu'on ne peut pas les remettre parce qu'ils ne sont pas traduits. C'est bien cela?

Le président : C'est exact. C'est la politique des comités du Sénat. Les documents doivent être dans les deux langues officielles pour être distribués. Nous allons le recevoir et le déposer. Nous le ferons traduire et il sera ensuite intégré au compte rendu.

M. Matthew : Je veux seulement signaler que nous avons reçu l'invitation à comparaître devant vous vendredi matin, de sorte que nous n'avons pas eu le temps de vous faire parvenir les documents à temps pour les faire traduire; ce n'est pas de notre faute. Il est regrettable que vous n'ayez pas cette information. Nous avons pris la peine de préparer un tableau ainsi qu'une note d'information.

Nos organisations, par l'entremise du comité directeur, travaillent ensemble depuis 15 ou 20 ans dans le domaine de l'éducation des Premières nations dans la province, en particulier pour ce qui est des écoles des Premières nations. De plus, nous avons négocié des ententes avec le gouvernement provincial pour l'inscription de nos enfants dans les écoles publiques.

Nous avons une capacité considérable. Nous gérons plus de 30 millions de dollars par année dans le cadre de nos organisations. Nous employons plus de 30 personnes et nous gérons cela efficacement, en limitant le coût d'administration à 7,5 p. 100. Nous avons négocié les conditions et modalités des compétences pour l'éducation des Premières nations, de la maternelle à la 12e année, dans nos réserves. Nous avons appuyé et élaboré le projet de loi C-34 de concert avec le gouvernement fédéral, le projet de loi 46 avec le gouvernement provincial, et ces deux lois nous reconnaissent le droit de gérer et de contrôler l'éducation dans nos communautés de la maternelle à la 12e année. À cet égard, nous en sommes actuellement aux dernières étapes des négociations des compétences, mais nous sommes bloqués par le cabinet parce qu'on n'a pas consacré jusqu'à maintenant suffisamment de fonds à cette initiative.

Voici la question que nous posons au gouvernement fédéral : quand le gouvernement fédéral va-t-il appuyer le projet des Premières nations de se gouverner elles-mêmes dans le domaine de l'éducation? C'est la raison de notre présence ici, et aussi pour répondre aux questions que vous pourriez avoir au sujet de notre état de préparation pour prendre de nouvelles mesures pour renforcer notre contrôle de l'éducation dans nos communautés. Mme Williams va vous donner plus de détails.

Mme Williams : Je vais me reporter à ce magnifique diagramme. Quand vous l'obtiendrez, vous serez peut-être déçus. À l'heure actuelle, il est bien présenté.

Nous voulons vous parler du réseau que nous avons mis en place en Colombie-Britannique, car nous commençons à le qualifier de réseau. En 1997, l'Association des écoles des Premières nations, réunissant des écoles des Premières nations des quatre coins de Colombie-Britannique, a publié un document intitulé Reaching for Success : Elements of a Quality Education System. Dans ce document, on décrivait tous les éléments nécessaires pour obtenir un réseau d'éducation efficace. Depuis 1997, les écoles travaillent collectivement pour mettre en place chacun des éléments qui résulteront en un réseau d'éducation de qualité.

Tout cela est fondé sur les valeurs et les principes associés à notre langue et à notre culture et constitue notre cadre de référence pour tout le travail qui a été accompli. Nous mentionnons cela séparément parce que ce n'est pas financé adéquatement dans nos communautés. Il y a une allocation par personne dont le montant varie. Je pense que c'est 116 $ par ETP, mais ce n'est pas assez pour mettre en place tout un programme de langue et de culture.

La première chose à laquelle nous nous sommes attaqués pour élaborer notre système d'éducation a été l'élaboration des normes pour l'éducation des Premières nations. Nous avons examiné les normes provinciales et décidé de nous en servir comme base minimale, à partir de quoi nous les avons taillées sur mesure pour répondre aux besoins des étudiants de notre communauté. Nous avons commencé à examiner comment la province évaluait les écoles à ce moment-là. Nous avons présenté ce processus à notre communauté et avons posé la question : « Cela fonctionne-t-il pour vous, ou bien faudrait-il adapter ce mécanisme? » Les gens nous ont dit : « Nous aimerions l'adapter pour répondre à nos besoins, mais nous ne voulons pas perdre la rigueur qui existe dans le système provincial original. »

Nous avons donc évalué les écoles, ce qui a débouché sur un processus d'accréditation des écoles. C'est un processus assez intense qui consiste à examiner le programme d'études, la gouvernance, l'environnement des écoles, le taux de satisfaction des étudiants et des parents. À cause de cette intensité et de l'énergie consacrée à mobiliser la communauté, les écoles voulaient une certaine reconnaissance. C'est pourquoi nous avons créé à partir de cela un système d'accréditation. Si vous allez dans des écoles des Premières nations qui sont passées par ce processus, vous y verrez une plaque devant l'école attestant que celle-ci a été accréditée et l'on précise en quelle année cela a été fait.

Les écoles qui éprouvent des difficultés ou qui nécessitent certaines améliorations font l'objet d'un rapport d'étape. Ce rapport s'accompagne d'une aide pour élaborer un plan de croissance de l'école.

Dans le passé, nous n'avions pas de ressources à consacrer à ces plans. Les écoles devaient absorber ce coût et réaffecter de l'argent pour saisir les possibilités de croissance. Avec la mise en œuvre du Programme de réussite scolaire des Premières nations par le MAINC il y a deux ans, il y a maintenant des ressources qui peuvent être consacrées à la mise en œuvre des plans de croissance des écoles.

Ensuite, nous nous sommes demandé comment nous pourrions faire la plus grande différence. La réponse unanime que nous avons reçue des écoles des Premières nations en Colombie-Britannique est que c'était par une intervention au niveau de la salle de classe, en assurant la qualité de l'enseignement. Si l'on a des enseignants qui sont efficaces et savent orchestrer des possibilités d'apprentissage, les étudiants ont plus de chance d'apprendre.

Nous avons commencé à élaborer le processus d'accréditation des enseignants des écoles des Premières nations. Encore une fois, nous avons pris comme minimum les normes provinciales et nous avons donc consulté le Collège des enseignants de Colombie-Britannique, qui est l'organisme compétent pour accréditer et désaccréditer les enseignants. Nous avons conclu un partenariat avec cet organisme. Nous avons pris ces normes, même si celles-ci n'ont pas été appliquées par la province à cause du conflit avec le syndicat. Elles ont été mises de côté. Nous les avons dépoussiérées et nous sommes dit : « Nous aimons beaucoup ces normes. » Elles établissent la rigueur dans l'enseignement et les méthodes pédagogiques et nous les avons donc présentées aux écoles et aux enseignants des Premières nations en leur demandant ce qu'ils en pensaient. Nous en avons amalgamé quelques-unes. C'est drôle, mais quand nous sommes revenus les présenter aux Premières nations à l'occasion d'une conférence, les gens nous ont demandé : « Comment se fait-il qu'il n'y en a que huit alors qu'il y en avait 13? » Nous avons pris une autre année pour faire un diagramme et montrer que nous avions simplement amalgamé les normes et que nous n'en avions écarté aucune. Nos communautés tenaient beaucoup à ce que nous n'ayons pas des normes inférieures.

Ensuite, nous avons ajouté à ces normes les compétences culturelles, en exigeant par exemple que les enseignants aient une bonne compréhension de la diversité des Premières nations en Colombie-Britannique et du rôle que la langue et la culture devraient jouer dans le réseau d'éducation. Nous avons mis en application nos normes l'année dernière, après un projet-pilote de deux ans.

Ce qui est extraordinaire, c'est que nos enseignants adoptent ce processus avec enthousiasme, même s'il comporte une évaluation. Les enseignants y voient l'occasion d'assurer leur perfectionnement professionnel, parce qu'ils se retrouvent avec un plan de carrière qui précise quelle voie ils doivent suivre et quelles possibilités ils doivent saisir pour devenir des enseignants encore meilleurs.

Cette année, nous nous penchons sur la mise au point de normes pour les directeurs d'école et nous examinons donc la supervision des enseignants. Comment les directeurs peuvent-ils mieux encadrer les enseignants pour que ceux-ci deviennent plus efficaces? Ce dossier est en cours et nous en sommes à la première année d'activité.

Nous participons aussi à des activités provinciales. Nous administrons le fonds spécial pour l'éducation que le MAINC met à la disposition des écoles des Premières nations en Colombie-Britannique. Toutes ces ressources sont canalisées par le comité directeur. Les écoles ont donné leur accord parce qu'on aime bien l'idée d'un soutien au niveau provincial qui crée des économies d'échelle.

Par exemple, nous embauchons un certain nombre d'orthophonistes qui supervisent à leur tour les assistants orthophonistes qui travaillent dans nos communautés. Cette catégorie d'assistants orthophonistes n'existait pas avant notre intervention. Nous savions qu'il n'y avait pas assez d'orthophonistes pour servir les nombreuses localités. Nous avons donc embauché collectivement cinq ou six orthophonistes qui sont devenus des mentors et ont formé des assistants orthophonistes.

Nous avons eu quelques démêlés avec l'Association canadienne des orthophonistes et audiologistes, qui craignait un affaiblissement de la profession. Au lieu de cela, ils ont ensuite travaillé avec nous pour créer cette désignation parce qu'ils comprenaient qu'il était avantageux de former des gens dans nos communautés pour assurer la prestation des services. Les orthophonistes continuent de faire les évaluations, le diagnostic et l'ordonnance, mais des gens de la communauté, qui vivent et qui vont rester dans la communauté travaillent maintenant régulièrement avec les enfants. Voilà le type d'activité dont nous nous sommes occupés au niveau provincial.

Nous avons aussi une fonction de communication. On a posé aux témoins précédents des questions sur les conférences provinciales. Nous aurons à la fin novembre notre 16e conférence annuelle de l'éducation des Premières nations, qui réunira 750 à 800 participants des quatre coins de Colombie-Britannique, à la fois du réseau public et du réseau scolaire des Premières nations. Nous avons l'occasion de nous rassembler et d'apprendre l'un de l'autre, de nous enrichir grâce à nos réussites, de discuter des difficultés et de trouver des solutions aux problèmes, et aussi d'établir des contacts que nous avons trouvé précieux.

Outre cela, nous avons la conférence de l'Association des écoles des Premières nations, qui réunit exclusivement les écoles des Premières nations. Elle a lieu chaque année en avril et elle rassemble des enseignants, des parents et des membres de nos conseils scolaires qui discutent des diverses initiatives scolaires des Premières nations et des activités en cours.

Dans le cadre de toutes ces activités, les écoles des Premières nations en sont venues à valoriser les données. Quand nous avons commencé notre processus d'évaluation, il n'y avait aucun moyen de documenter les progrès d'une année à l'autre. Les gens ont donc commencé à se dire : « Il nous faut recueillir des données. » Il y a huit ou neuf ans, les écoles, avant toute intervention des Affaires indiennes ou de quiconque, se sont dit : « Nous devons recueillir nos propres données. Nous devons être en mesure de documenter nos progrès. Nous devons documenter les investissements que nous faisons et vérifier s'ils font vraiment une différence. »

Cette année, nous sommes en train de rassembler les pièces en un seul système de données. Nous examinons actuellement les données des enseignants, les données sur les étudiants, les sondages sur la satisfaction auprès des enseignants, des parents et des étudiants, nous mettons tout cela ensemble et le résultat servira à éclairer nos activités au niveau provincial et à identifier des défis communs. Y a-t-il moyen de travailler ensemble collectivement pour appuyer les écoles des Premières nations?

Cependant, nous sommes très excités par ces données et nous affichons une certaine différence à cet égard. Les efforts pour intégrer cela dans nos écoles découlent en partie d'une campagne de lobbying faite en 1998 pour obtenir du gouvernement provincial qu'il publie des données montrant comment nos étudiants se débrouillaient dans les écoles publiques. En 1998, on a publié le premier rapport How Are We Doing?, où l'on peut voir dans quelle mesure nos étudiants réussissent dans les écoles publiques. Maintenant, nous avons aussi un rapport sur la réussite de nos étudiants dans les écoles des Premières nations et nous trouvons que c'est un exercice utile.

Avec l'adoption des lois mentionnées par M. Matthew, nous ajoutons à notre système, en vertu de nos compétences, certaines fonctions de réglementation, la capacité d'accréditer et de désaccréditer les écoles et les enseignants, ce qui est un grand défi. Nous le relevons avec enthousiasme, mais nous reconnaissons qu'il reste beaucoup à faire dans ce dossier.

Quoi qu'il en soit, on table sur ce qui existe déjà. On ne crée pas quelque chose de nouveau, mais l'on se contente d'en étendre la portée pour y englober la fonction de réglementation. Nous sommes fiers de notre réseau. Il fonctionne bien et là où il y a des difficultés, les écoles des Premières nations unissent leurs forces et trouvent des solutions. Ce travail collectif a été extraordinaire, mais je dois dire que j'ai un parti pris parce que j'y travaille depuis 1993.

Maintenant Mme Jeffrey va vous parler de la langue et de la culture.

Le président : Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais je me rends compte que vous voulez transmettre votre message, alors faites de votre mieux.

M. Matthew : On nous a dit de ne pas parler trop vite à cause de la traduction.

Le président : C'est vrai. On ne peut pas gagner, d'une manière ou d'une autre.

Mme Jeffrey : Je vais essayer d'être brève, étant donné les contraintes de temps. La langue est au cœur de l'identité du Canada et de notre identité à titre de Premières nations et il est impératif que nous, Premières nations, formions des citoyens linguistiquement et culturellement compétents pour assurer la pérennité de nos cultures. Les programmes de langue et de culture sont donc une composante cruciale dans nos écoles. Nous devons avoir le financement voulu pour s'assurer d'avoir des programmes intégrés à tous les niveaux scolaires, pour que des programmes de qualité puissent assurer la revitalisation des compétences linguistiques au niveau communautaire.

L'importance de la revitalisation des langues est généralement reconnue. Je suis sûre que vous avez vu beaucoup de rapports traitant du dossier de la préservation des langues dans les communautés des Premières nations. Le gouvernement de Colombie-Britannique a publié récemment un rapport et nous sommes actuellement en train d'élaborer une analyse de rentabilisation du financement des langues et de la culture dans nos écoles pour prouver clairement le besoin des programmes de langue et de culture. On y trouvera une vue d'ensemble de ce qui a été publié là-dessus ainsi qu'un examen des coûts. Nous voulons nous assurer que ce soit bien documenté et fournir la preuve afin d'obtenir une réponse positive à notre demande de financement des programmes de langue et de culture.

Les langues des Premières nations sont d'une importance immense dans nos écoles. Nous avons mené divers projets de recherche avec les écoles et d'autres consultants afin de déceler les besoins, et celui qui vient en tête de liste est évidemment d'avoir un nombre suffisant d'enseignants compétents pour enseigner les langues des Premières nations. Actuellement, nous menons un projet de recherche avec l'Université de Victoria pour examiner diverses options pour un programme de langue autochtone. Nous étudions les possibilités de perfectionnement professionnel pour voir comment on peut procéder de manière stratégique et à un bon ratio coût-efficacité pour former des professeurs de langue des Premières nations. Dans n'importe quelle langue, les avantages scolaires de l'apprentissage de la langue sont bien documentés; cela favorise l'estime de soi, l'épanouissement personnel et une identité positive qui débouchent sur la confiance; or la confiance est l'un des éléments clés qui assure le progrès de tout apprenant.

Les Premières nations sont bien conscientes que nos objectifs en matière de réussite scolaire et d'apprentissage de la langue vont de pair et débouchent sur une amélioration socioéconomique. Nous avons un besoin immédiat de ressources pour s'assurer que les programmes d'enseignement des langues des Premières nations soient suffisamment financés et bien appuyés. Comme Mme Williams l'a dit, nous avons un réseau d'éducation complet et intégré qui a été élaboré au niveau communautaire, à partir de nos écoles, de manière soigneusement planifiée et soutenue, et pour en renforcer l'efficacité, nous avons évidemment besoin de financement pour nos programmes de langue et de culture.

Il y a un écart important entre le niveau de financement des écoles des Premières nations et celui des écoles provinciales, et je vous pose donc la question : pourquoi donne-t-on à nos enfants une valeur moindre qu'aux autres Canadiens? Pourquoi ne nous donne-t-on pas les mêmes possibilités pour répondre à nos besoins de programmes scolaires? C'est une question qui est restée très longtemps sans réponse et j'espère que, grâce à ce processus, nous trouverons collectivement une réponse et nous attaquerons au problème à long terme.

M. Matthew : Notre principale source de financement est le gouvernement fédéral. Celui-ci a l'obligation de se pencher sur ces problèmes. Le financement que nous recevons n'est pas complet; il n'est pas suffisant; il n'est pas durable et il n'est pas garanti. C'est un problème clé que nous voudrions résoudre. Nous sommes empêchés de nous doter de la capacité qu'il nous faut avoir afin de donner à nos enfants une bonne éducation, et en l'absence de ressources suffisantes, nous continuerons d'être frustrés dans nos efforts. C'est l'un des principaux problèmes non seulement des Premières nations de Colombie-Britannique, mais de toutes les Premières nations au Canada.

Le président : Vous avez signé un accord de réciprocité avec la province de Colombie-Britannique pour le financement des frais de scolarité. Pouvez-vous nous expliquer cela?

M. Matthew : Oui. À la suite des négociations des compétences, les Premières nations paient des frais de scolarité au réseau scolaire public pour l'éducation de nos enfants qui passent des écoles dans les réserves aux écoles publiques, et avec le temps, nous avons assuré l'éducation des enfants hors réserve dans nos écoles. Au départ, on ne recevait rien du tout pour défrayer la scolarité de ces enfants, mais nous recevons maintenant un pourcentage selon que l'école est classée comme école indépendante en vertu de la Loi sur les écoles indépendantes de Colombie-Britannique. Nous avons négocié le paiement de frais scolaires de manière réciproque, de la même manière que nous payons les frais de scolarité pour nos enfants qui vont à l'école publique. Le réseau des écoles publiques paie maintenant les frais des enfants hors réserve qui fréquentent nos écoles, sur la même base et au même taux. C'est un arrangement réciproque. C'est paradoxal en ce sens que la province reconnaît la qualité de l'éducation que nous dispensons puisqu'elle paie intégralement ces frais de scolarité, tandis que le gouvernement fédéral ne semble pas reconnaître la qualité de l'éducation que nous donnons à nos enfants en Colombie-Britannique, ce qui est encore une autre source de frustration.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci pour votre exposé. J'ai du mal à assimiler tout cela, car c'est tellement différent de la plupart des autres provinces.

Est-ce que vous dites que tout l'argent fédéral consacré à l'éducation venant du MAINC est canalisé vers votre organisation, après quoi vous déboursez les frais?

M. Matthew : Non, la plus grande partie de l'argent va aux communautés des Premières nations, aux conseils de bande, pour fournir des services d'éducation et payer les frais de scolarité de nos enfants qui fréquentent les écoles publiques. Nous nous occupons du financement de certains créneaux : l'éducation spéciale, le renforcement des capacités dont nous avons parlé afin de fournir des services à nos communautés. Il y a beaucoup de programmes que nous avons en commun.

Le financement des programmes novateurs est assuré par le comité directeur et l'association des écoles, et nous distribuons ces ressources. Cependant, nous ne nous occupons pas du financement de l'éducation postsecondaire, et l'argent que les communautés des Premières nations utilisent pour fournir des services ne nous passe pas entre les mains non plus.

Le sénateur Stewart Olsen : Je consulte votre rapport financier. Je vois que vous recevez beaucoup d'argent du gouvernement fédéral. Vous dites qu'en plus de ce montant, le gouvernement fédéral finance aussi chacune des bandes pour les services d'éducation. C'est beaucoup d'argent.

J'aime bien l'idée que tout passe par votre organisation, mais je suis conscient des différences politiques. Ce sont des sommes énormes, alors quand vous dites qu'il n'y a pas suffisamment d'argent, je vous entends et je vous comprends, mais le gouvernement fédéral dispose en ce moment d'une quantité d'argent limitée.

J'essaie de mettre dans la balance toutes les demandes. Je comprends vos demandes, mais je voulais seulement faire cette observation.

Mme Williams : En Colombie-Britannique, nous avons 130 écoles des Premières nations comptant un grand nombre d'étudiants. Si l'on met tout l'argent dans une seule pile, c'est vrai que ça semble représenter beaucoup d'argent. Cependant, pour moi qui ai administré cet argent pendant longtemps, dans ma tête, ce n'était qu'une foule de petits montants. Il faut tant d'argent pour acheter des livres de bibliothèque et tant d'argent pour faire l'évaluation; je sais que c'était de l'ordre de 148 $ pour chaque étudiant. Quand on fait une ventilation à ce niveau et qu'on commence à ajouter le coût de l'évaluation ou des programmes de langue ou de culture, le montant par élève est sensiblement inférieur au montant que le même élève obtiendrait s'il fréquentait le réseau provincial.

En fait, le chiffre devrait être beaucoup plus élevé, mais il faut le répartir en petites sommes, chacune consacrée à un élément différent. Croyez-moi, nous avons jonglé avec cela de toutes les manières possibles. Nous avons même travaillé avec le gouvernement provincial en disant : voici notre méthodologie pour faire la comparaison, après quoi ils ont travaillé avec nous et ont paraphé l'entente, disant que notre méthodologie semblait solide et qu'ils étaient d'accord avec l'écart que nous avions constaté.

Le sénateur Stewart Olsen : Les membres de notre comité ont de la difficulté à comprendre tout cela.

Le sénateur Sibbeston : Vous semblez bien organisés. Constatez-vous des progrès pour ce qui est de l'écart entre les Premières nations et les autres Canadiens? Dans le cadre de vos activités et de vos efforts, avez-vous constaté un progrès quelconque et de meilleurs résultats des étudiants des Premières nations au cours des dernières années?

M. Matthew : Oui, c'est le cas. Nous commençons maintenant à faire un suivi des résultats dans le réseau des écoles des Premières nations. Nous n'avons pas les mêmes données que les écoles provinciales, mais il y a eu une amélioration au niveau du nombre d'inscriptions, de l'assiduité et de la réussite scolaire des apprenants des Premières nations dans le réseau des écoles publiques au cours des dernières années. Je suppose que c'est attribuable aux efforts du comité directeur et de l'association des écoles, mais je suis sûr que les gens de la province diraient qu'eux aussi font du bon travail.

Nous consacrons nos efforts à améliorer la réussite de nos étudiants et l'achèvement au moins des études secondaires pour les apprenants des Premières nations dans la province. Nous voulons maintenir un système de suivi de nos étudiants dans notre système, dans le réseau des écoles des Premières nations. Nous sommes en train d'établir ce processus. Nous avons beaucoup d'information, mais ce n'est pas aussi précis que nous le voudrions. Les ressources sont limitées pour le suivi également.

Le sénateur Sibbeston : Considérez-vous que votre organisation et les initiatives que vous prenez pour l'éducation des Premières nations sont la voie à suivre pour qu'un jour, l'éducation des Premières nations soit l'égale de celle des autres Canadiens? Par ailleurs, quels sont vos rapports et votre interaction avec le réseau d'éducation provincial?

M. Matthew : Absolument; nous travaillons ensemble pour réunir nos ressources et renforcer notre capacité collective. C'est le but de notre organisation. Nous traitons des dossiers qui sont difficiles pour les écoles prises individuellement. Par exemple, pour l'éducation spéciale, nous avons un site web; nous avons une ligne téléphonique directe pour l'éducation spéciale à l'intention des enseignants; nous avons le processus d'accréditation des enseignants, et nous travaillons ensemble pour la technologie. Nous avons des spécialistes régionaux que nous embauchons de concert avec les écoles pour fournir les services qu'il serait très difficile d'offrir séparément dans chaque école.

En travaillant ensemble avec la province, nous avons pu renforcer de beaucoup l'efficacité. Nous avons des protocoles d'entente pour travailler ensemble, comme en témoigne l'entente réciproque sur les frais de scolarité. Nous établissons le programme d'études de concert avec la province — l'anglais des Premières nations 10, 11 et 12 — et nous travaillons à un programme de mathématiques des Premières nations.

Nous croyons que nous en faisons le plus possible ensemble, tout en respectant le droit de chacune des Premières nations de contrôler et de gouverner ses propres écoles.

Mme Williams : Pourrais-je apporter une précision? Ce que nous venons de décrire fonctionne bien pour nous parce qu'il y a tellement de Premières nations en Colombie-Britannique. D'autres régions peuvent choisir une approche différente, mais en Colombie-Britannique, nous avons pleinement confiance dans notre manière de procéder.

M. Matthew : Nous avons 130 écoles en Colombie-Britannique et nous travaillons à l'unisson pour établir la stratégie et répondre aux besoins de ces écoles. Du côté du comité directeur, nous avons plus de 85 Premières nations qui travaillent ensemble pour s'attaquer aux questions d'éducation d'une plus vaste portée. Nous avons l'habitude de travailler ensemble, et de le faire avec efficience et efficacité.

Le sénateur Campbell : Je voudrais faire une observation sur la langue. Je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que la perte d'une langue est une perte pour la nation.

C'est peut-être simpliste, mais il me semble qu'il y a quelque chose de déconnecté. L'éducation est de compétence provinciale, sauf pour les Premières nations. Et il y a toujours une rupture de communication également entre le ministère provincial de l'éducation et les conseils scolaires.

On le constate à Vancouver, par exemple, où le conseil scolaire et le ministère ne sont pas d'accord sur le financement ou dans la manière de dépenser les fonds. À un moment donné, s'il n'y avait plus le MAINC, l'argent serait-il versé à la province et vous pourriez interagir comme une entité? Je ne veux pas vous comparer à un conseil scolaire, mais vous traiteriez avec la province comme une seule entité, en ayant essentiellement le même accès aux ressources, mais aussi les mêmes tensions que nous avons vues. Cela ferait-il une différence? De sortir le fédéral complètement du tableau.

M. Matthew : Sortir complètement le fédéral de l'élaboration des programmes et de la gestion.

Nous croyons que le gouvernement fédéral a l'obligation de fournir des ressources aux Premières nations de manière continue, jusqu'à ce que des traités ou des arrangements d'autonomie gouvernementale soient signés et lui enlèvent cette obligation expresse dans le domaine de l'éducation.

L'idée de travailler avec la province ou de devoir s'adresser à la province pour obtenir satisfaction de nos besoins en matière d'éducation ne nous dit rien qui vaille. Nous sommes entièrement capables de nous occuper de tous les aspects de l'éducation pour les enfants de nos communautés.

Le sénateur Campbell : On en revient encore une fois à l'argent. Tout dépend de la manière dont l'éducation provinciale d'une entité donnée est financée par les contribuables, n'est-ce pas? Par conséquent, le financement des Premières nations devrait alors se faire en vertu d'une entente assortie d'une formule d'augmentation quelconque, après quoi vous pourriez vous en occuper.

De mon point de vue, vous êtes un exemple à suivre pour le Canada en matière d'éducation. C'est une question de financement et de la manière dont l'argent vous est acheminé.

M. Matthew : Nous avons négocié des champs de compétence. Nous nous sommes entendus sur un calcul détaillé pour le financement des écoles des Premières nations. C'est ce que nous voudrions pour tout le monde : un arrangement de financement avec les Affaires indiennes, le ministère se retirant et laissant les Premières nations s'occuper de l'éducation de la manière qu'elles jugent appropriée. La seule obligation qui incombe au gouvernement fédéral est de fournir des ressources.

Les Premières nations peuvent prendre les arrangements voulus avec le comité directeur ou l'Association des écoles des Premières nations ou toute autre instance que nous pourrions créer pour gérer les services centralisés et nous occuper des services de deuxième niveau, exactement comme le font la province ou les conseils scolaires. Ainsi, nous pourrions avoir toute une gamme d'appuis pour ce que nous considérons être un système efficace pour les Premières nations.

Le sénateur Campbell : Ce financement serait-il fondé sur le montant fourni par le gouvernement provincial, par exemple, pour chaque étudiant dans l'ensemble du réseau?

M. Matthew : Nous utilisons la province comme cadre de référence. Nous voulons être en mesure de rivaliser sur un pied d'égalité pour embaucher des enseignants compétents et accrédités. Nous voulons discuter des ressources qui sont convenables pour des écoles de la même taille que les écoles provinciales, en y ajoutant des composantes associées aux caractéristiques uniques des écoles des Premières nations, comme la langue et la culture.

Le sénateur Campbell : Tout en reconnaissant qu'il faut faire des compromis de part et d'autre.

M. Matthew : Absolument. Nous sommes en train de négocier cela. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral n'a pas suffisamment d'argent pour accorder un montant qu'il estime pourtant convenable. Le cabinet en est actuellement saisi.

Le sénateur Campbell : Merci beaucoup. Au nom de la Colombie-Britannique, poursuivez votre bon travail.

Le président : Il nous reste quatre minutes, sénateurs.

Le sénateur Raine : Je vais passer mon tour parce que j'ai eu un long échange avec M. Matthew. Je vais laisser mes collègues poser les questions.

Le sénateur Patterson : J'ai trouvé l'exposé des plus encourageants. C'est très impressionnant, la manière dont vous avez dépassé les normes provinciales à certains égards, surtout pour l'accréditation des enseignants, alors que l'association professionnelle — ou le syndicat, comme vous l'avez appelé — n'a pas toujours à cœur l'intérêt public.

Je sais que c'est un projet qui évolue encore et qu'il y a de graves problèmes de financement, mais avez-vous réfléchi au cadre législatif? Actuellement, nous avons les dispositions de la Loi sur les Indiens sur l'éducation des Premières nations, qui datent de 1867. Ce sont des clauses coloniales, désuètes et gênantes. Avez-vous réfléchi à un cadre législatif pour ce que vous faites, à quoi devrait ressembler une loi sur l'éducation des Premières nations au Canada?

M. Matthew : Nous n'avons pas réfléchi à une éventuelle loi des Premières nations pour tout le Canada. Nous avons négocié des mesures législatives qui reconnaîtraient le droit des Premières nations de Colombie-Britannique d'avoir compétence et juridiction sur l'éducation de la maternelle à la 12e année dans les réserves. Nous avons une loi fédérale qui a été appuyée et adoptée. Nous avons une loi provinciale qui a été adoptée. Nous avons une série de cinq accords qui énoncent déjà les critères de tout cela.

Oui, nous avons réfléchi à cela et c'est une approche propre à la Colombie-Britannique pour les compétences et la manière dont les gouvernements fédéral et provincial peuvent habiliter et reconnaître le droit des Premières nations de régir l'éducation comme bon nous semble. Cela a déjà été accepté. Tout ce qui nous retient, c'est l'argent. Oui, nous avons réfléchi à tout cela.

Le sénateur Patterson : Pourriez-vous nous en dire plus long sur la législation fédérale reconnaissant ce que vous faites?

M. Matthew : Nous avons commencé en 2003 par un protocole d'entente avec la province et le gouvernement fédéral. Nous avons négocié les modalités pour les compétences, et quand ces ententes ont été achevées, le marché conclu portait en partie que le gouvernement fédéral devait adopter une loi habilitante pour reconnaître les compétences des Premières nations dans les réserves; pour notre part, nous nous retirerions des articles 114 et 122 de la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens ne s'appliquerait pas. La seule responsabilité du MAINC serait de fournir des ressources en se fondant sur les modalités négociées. De la même manière, la province reconnaîtrait cette compétence et traiterait avec nous en conséquence.

Oui, la loi est en place et tout ce qu'il nous reste à faire, c'est de négocier le financement. C'est pour un nombre limité de Premières nations. Nous voudrions que ce soit applicable à toutes les Premières nations, mais le gouvernement fédéral, dans sa sagesse, a choisi 24 Premières nations qui seraient admissibles dans un premier temps.

Mme Jeffrey : L'autre important cadre juridique qui nous chapeaute est l'article 35 de la Loi constitutionnelle, qui dit que nous avons un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, qui comprend le droit à l'éducation. Cela nous permet de décider de la manière de s'y prendre. C'est l'autre élément législatif crucial qui établit le contexte général et notre orientation en Colombie-Britannique.

Mme Williams : En l'absence de financement, nous n'avons pas cessé de travailler à notre cadre législatif. Un élément clé auquel nous travaillons depuis quatre ans est la rédaction de lois sur l'éducation des Premières nations. C'est conforme à l'idée voulant que, collectivement, nous pourrons en arriver à quelque chose de mieux que nous ne pourrions faire individuellement. C'est une réflexion commune.

Nous avons mis en place des ébauches de lois sur l'éducation et les communautés en sont contentes. Nous avons déjà en place toutes les fondations. Une fois que nous aurons le financement, nous pourrons nous lancer.

M. Matthew : Nous élaborons une administration de l'éducation des Premières nations qui réglementerait les écoles, la qualité des écoles, l'accréditation des écoles et des enseignants, et la validation des programmes d'étude qui déboucheraient sur un diplôme qui serait l'égal du diplôme provincial de 12e année.

Nous faisons tout cela. Le seul obstacle qui nous arrête, c'est l'argent, mais nous faisons beaucoup de travail quand même. Nous avons l'intention d'aller de l'avant parce que nous croyons que c'est notre obligation et notre responsabilité de gérer l'éducation de la manière que nous jugeons convenable et qui reflète ce qui se passe dans notre communauté. Si nous avions les ressources voulues, nous ne serions pas ici aujourd'hui.

Le président : Nous espérons que vous nous rendriez visite quand même.

Monsieur Matthew, pour revenir à la question du sénateur Campbell qui demandait pourquoi, je peux comprendre pourquoi vous voulez prendre en main votre propre destinée en matière d'éducation, mais pourquoi ne pas former un partenariat ou avoir des relations plus étroites avec la province? Elle a l'infrastructure en place et il me semble qu'il y aurait des gains d'efficience qui aideraient les Premières nations de manière plus générale.

M. Matthew : Les instructions que nous ont données les Premières nations de Colombie-Britannique sont d'établir une capacité d'autogestion de l'éducation qui exclut d'être assujetti à un quelconque champ de compétence de la province. Nous pouvons travailler à leurs côtés et conclure une foule d'ententes pour le partage, la réciprocité des frais de scolarité, l'élaboration des programmes d'études, et cetera. Cependant, la gestion du réseau scolaire en Colombie-Britannique nous appartient; cela n'a pas grand-chose à voir avec les gouvernements fédéral ou provincial, sinon qu'ils ont l'obligation de reconnaître notre droit et de nous attribuer les ressources en attendant une quelconque autre disposition dans le cadre d'un traité ou de l'autonomie gouvernementale.

Le président : Vous êtes bien organisés, professionnels et vous savez ce que vous faites. Il y a ici trois sénateurs de Colombie-Britannique à notre comité et nous, Britanno-Colombiens, vous encourageons assurément à poursuivre votre bon travail, ce qui ne veut pas dire que tous les autres sénateurs n'ont pas à cœur de vous voir réussir.

Je vous remercie d'avoir témoigné et de nous avoir donné des réponses franches et directes aux excellentes questions que vous ont posées mes collègues.

S'il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour, le comité s'ajourne à demain soir.

(La séance est levée.)


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