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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 12 - Témoignages - 27 octobre 2010


OTTAWA, le mercredi 27 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 48, pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et à tous ceux qui assistent à cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Je m'appelle Gerry St. Germain et j'ai l'honneur de présider le comité. Je suis originaire du Manitoba mais j'habite maintenant en Colombie-Britannique.

Le comité a pour mandat d'examiner les lois et les dossiers relatifs aux peuples autochtones du Canada en général. Dans le cadre de ce mandat, le comité a décidé d'entreprendre une étude sur les stratégies possibles pour réformer le système d'éducation primaire et secondaire des Premières nations, dans le but d'en améliorer les résultats. L'étude porte notamment sur les accords tripartites ou accords de partenariat en matière d'éducation, sur les structures en matière de gouvernance et de prestation de services, et sur les dispositifs législatifs possibles.

Ce soir, nous allons entendre deux témoins de l'Ouest. Vive l'Ouest! Il s'agit de M. Larry Steeves, professeur adjoint à la faculté de l'éducation de l'Université de Regina, qui enseigne la finance de l'éducation et la théorie organisationnelle. Le professeur Steeves a obtenu son doctorat en administration de l'éducation à l'Université de la Saskatchewan en 1991, et ses domaines de spécialisation sont la théorie et le comportement organisationnels, la théorie critique, et l'encadrement et la formation des enseignants. Actuellement, il poursuit des recherches sur l'éducation des Premières nations et des Métis, sur le perfectionnement du leadership, sur les cadres de reddition de comptes, sur les investissements en éducation et sur l'apprentissage des élèves. Vous êtes vraiment au bon endroit, monsieur Steeves. Vous allez même avoir l'occasion d'instruire le Métis qui préside cette réunion. Nous allons également entendre le témoignage de M. Solomon G. Anderson, président du Forum des Premières nations, Politiques publiques des Premières nations.

Avant de commencer, il faudrait que l'un d'entre vous propose une motion autorisant la distribution de la déclaration de M. Sanderson en anglais seulement. La traduction est en cours mais, malheureusement, elle n'a pas été terminée à temps pour cette réunion.

Le sénateur Stewart Olsen : Je présente la motion.

Des voix : Acceptée.

Le président : Monsieur Sanderson, votre déclaration sera distribuée aux membres du comité pour qu'ils puissent vous suivre pendant que vous la présentez.

Messieurs, nos délibérations ne sont pas télévisées ce soir en raison de difficultés techniques, mais cela ne change rien à la conduite de la réunion.

Larry Steeves, professeur adjoint, faculté de l'éducation, Université de Regina : Le dernier Métis pour lequel j'ai travaillé était l'honorable Buckley Bélanger, et je ne sais pas vraiment qui a appris le plus de choses à l'autre. Personnellement, j'ai beaucoup appris du ministre Bélanger.

Je comparais devant vous principalement à titre d'éducateur. J'ai fait pratiquement toute ma carrière dans le système d'éducation provincial, de la maternelle à la 12e année. Ce faisant, j'ai été fonctionnaire provincial en Saskatchewan pendant une dizaine d'années. Je crois que c'est cette expérience qui a inspiré toutes mes recherches actuelles.

En résumé, j'ai été enseignant, conseiller en orientation, principal d'un établissement scolaire de la maternelle à la 12e année, directeur de l'éducation dans un district scolaire rural de la Saskatchewan et dans un petit district scolaire urbain pendant une vingtaine d'années. En même temps, j'ai obtenu une maîtrise en orientation scolaire. Mon doctorat portait sur la restructuration du système scolaire de la Saskatchewan, de la maternelle à la 12e année. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, nous savions que le système n'était pas viable, et c'est pour cela que j'ai entrepris une recherche là-dessus. J'ai travaillé pour la Commission de la fonction publique de la Saskatchewan au début des années 1980. De 2002 à 2007, j'ai été sous-ministre délégué aux Affaires municipales. Ce fut une expérience importante pour moi, pour plusieurs raisons : j'ai appris beaucoup de choses sur les petites collectivités et leurs capacités, et j'ai eu l'occasion de travailler dans le Nord de la Saskatchewan, ce que j'ai trouvé extrêmement intéressant. J'ai également été sous-ministre aux Affaires du Nord, ce qui, en plus des années où j'ai été aux Affaires municipales et celles où j'ai travaillé dans le Nord avec les Autochtones, m'a beaucoup marqué. Cela m'a aidé à mieux comprendre, et je n'ai certainement pas fini, la façon, profondément injuste, dont la société canadienne a souvent traité les Autochtones. Je n'en dirai pas davantage, sinon que tout cela a profondément influé sur les recherches que je fais depuis lors.

Celles dont je vais vous parler principalement ce soir découlent des commentaires des différents groupes de discussion que nous avons organisés dans la région du Conseil tribal de Yorkton. Avant d'aborder le sujet, j'aimerais parler d'une autre étude que j'ai faite, avec d'autres, pour le gouvernement provincial, qui a beaucoup influé sur ma réflexion en matière d'éducation des Premières nations et des Métis.

Le gouvernement provincial nous avait demandé d'examiner comment on pourrait améliorer les résultats scolaires des élèves. Au final, ça devrait être l'objectif de tout le système d'éducation. Nous avons conclu, d'après notre recherche, qu'il était important de focaliser nos efforts sur l'apprentissage en salle de classe et de privilégier des approches systématiques pour l'évaluation des étudiants. L'autre conclusion que nous en avons tirée, et qui continue de susciter la polémique en attendant que le gouvernement provincial prépare sa réponse à notre rapport, est que les écoles ne sont qu'une partie de la solution des problèmes dont il est question ici.

S'agissant de l'écart entre les résultats scolaires des élèves, la recherche semble indiquer que 15 à 20 p. 100 seulement de cet écart est attribuable aux établissements scolaires. Les capacités innées, que certains qualifient de génétiques, l'expliqueraient dans une proportion de 50 p. 100. Les recherches actuelles indiquent qu'une intervention précoce peut avoir une incidence positive sur ces 50 p. 100, mais c'est un autre débat. Les 30 ou 35 p. 100 qui restent seraient déterminés par le statut socioéconomique, la situation familiale, le groupe ethnique et le sexe. L'une des conclusions de notre recherche est que la salle de classe joue un rôle important.

Notre recherche nous a également permis de confirmer l'importance de l'harmonisation. Le problème ne se réglera pas simplement en parlant du rôle important de la salle de classe et des enseignants, même si c'est ce que je suis en train de faire ce soir. Il faut aussi tenir compte du rôle de la famille, de la collectivité et de tout ce qui a trait à l'ethnicité. Seule l'harmonisation de tous ces facteurs — et on aborde là une discussion beaucoup plus générale — permet d'obtenir les résultats que nous devons rechercher. Dans un tel contexte, les questions de pauvreté et de handicap prennent une grande importance. Je n'en dirai pas plus là-dessus ce soir. J'attends de voir comment notre gouvernement provincial réagira à nos recommandations à cet égard. Je crains qu'il ne focalise trop sur les résultats scolaires. Si on veut que les élèves obtiennent de bons résultats, il faut pourtant tenir compte de tous ces facteurs. Mais ce soir, je vais me limiter à un volet plus restreint de l'éducation.

Comme diraient mes amis du Nord : comment un homme blanc du Sud en est-il arrivé à faire ce genre de recherche? Je pense que c'est grâce à certaines personnes qui m'ont aidé à entreprendre un cheminement personnel et à mieux comprendre tous ces problèmes. C'est grâce aussi à un collègue qui est passé par le système d'éducation des Premières nations, qui y a consacré toute sa vie et qui croit passionnément au système d'éducation des Premières nations et à la nécessité de jeter des passerelles entre ce système et celui de la province. Il ne le dira pas lui-même parce que c'est un homme discret qui ne cherche pas la controverse, mais le système provincial n'encourage pas vraiment l'apprentissage chez les jeunes Autochtones, notamment chez les jeunes des Premières nations.

Je suis personnellement convaincu que, pour les familles qui restent dans leur communauté d'origine, c'est le système d'éducation des Premières nations qui est le mieux en mesure d'encourager les enfants à apprendre.

Nous avons commencé cette recherche alors que je donnais un cours sur la théorie organisationnelle à un groupe d'étudiants de la région de Yorkton. Don Pinay, alors directeur de l'éducation pour le Conseil tribal de Yorkton, était venu faire un exposé particulièrement intéressant, qui avait eu un impact réel auprès de mes étudiants. Pourtant, il avait la grippe et il aurait dû rester chez lui, mais il est quand même venu faire son exposé. Je me souviens lui avoir dit : « Don, vous ne pouvez pas continuer comme ça. Vous allez mourir d'épuisement. » Il m'avait alors répondu : « Larry, nous n'avons pas de ressources. Nous faisons ce que nous pouvons avec ce que nous avons. » C'est alors que nous avons commencé à examiner attentivement la question.

Plusieurs bénévoles se sont proposés pour m'aider dans cette recherche, et le Saskatchewan Instructional Development Research Unit, le SIDRU, de l'Université de Regina, a accordé du financement. Le SIDRU est relié à ma Faculté, au ministère de l'Éducation de la Saskatchewan et à Affaires indiennes et du Nord Canada. J'ai apporté la première phase de l'étude originale. Je laisserai le document à la greffière.

Avec l'aide de Sheila Carr-Stewart, Jim Marshall, Joe Pearce, Heather Ryan et Maurice Jago, j'ai commencé à faire des recherches sur le sujet. Nous voulions rassembler les textes qui nous paraissaient importants par rapport au sujet à l'étude, aux questions de gouvernance et aux engagements issus des traités.

J'ai examiné certains des facteurs clés qui influent sur les résultats scolaires des Premières nations, des Métis et des Inuits. Un de mes collègues de l'Université de Regina a examiné la possibilité d'intégrer les services de deuxième ligne, comme on les appelle chez les Premières nations, afin d'améliorer l'apprentissage en salle de classe.

Jim Marshall, qui est associé en recherche auprès de la Johnson-Shoyama Graduate School of Public Policy, à l'Université de la Saskatchewan, a examiné les questions de financement, et quelques autres personnes ont examiné celles de la restructuration. On commençait à se rendre compte qu'il faudrait peut-être restructurer le système d'éducation des Premières nations, et qu'il fallait donc se renseigner davantage sur la façon dont on avait restructuré le système d'éducation provincial. Voilà pour l'essentiel de notre terrain de recherche.

Ce n'était pratiquement que du bénévolat, mes collaborateurs ne facturant que les frais qu'il avait encourus. Comme l'a dit l'une de mes collègues, c'était l'occasion pour eux de faire quelque chose pour aider les étudiants dans la salle de classe, plutôt que de publier une revue lue par peu de monde. C'est pour cette raison qu'elle a fait pratiquement toutes ses recherches pro bono, parce qu'elle estimait que c'était important.

Pour ce qui est des résultats scolaires, je me suis rendu compte qu'il y avait un certain nombre de facteurs clés. Permettez-moi de vous dire, en passant, que d'autres organisations poursuivent des recherches parallèles, et c'est une excellente nouvelle. Il y a encore cinq ou 10 ans, nous ne savions pas vraiment ce qu'il fallait faire. Maintenant nous le savons, et par conséquent, il faut s'y mettre. D'autres collègues de Colombie-Britannique ont fait des recherches similaires et ont obtenu des résultats similaires. De nouvelles études sortent, qui aboutissent toujours aux mêmes conclusions quant à la façon d'améliorer les résultats scolaires des élèves.

La première question concerne le leadership et les structures de gouvernance. La gouvernance vient rapidement sur le tapis quand on commence à parler de ce qu'il faut faire en matière d'éducation, de la maternelle à la 12e année. Les publications scientifiques traitent de la question.

En ce qui concerne les programmes linguistiques et culturels, la recherche indique qu'il faut mettre l'accent sur ces programmes, de façon générale. Il semble en effet que les enfants qui ont commencé leur scolarité dans leur langue maternelle et selon leur tradition culturelle obtiennent de meilleurs résultats, une fois qu'ils se retrouvent dans un programme anglais ou dans un programme d'immersion, que les enfants qui ont commencé leur scolarité directement en anglais. Nous avons suivi des enfants de quatrième année. Nous avons constaté qu'il est tout à fait souhaitable de mettre l'accent sur les programmes linguistiques et culturels.

La question est de savoir comment. Je sais pertinemment, de par ma propre expérience d'enseignant/éducateur dans la province de la Saskatchewan, qu'il est difficile de trouver des enseignants issus d'un certain milieu culturel et linguistique. De plus en plus, les systèmes d'éducation envisagent des modèles novateurs qui leur permettent de recourir aux aînés. Vous avez entendu des représentants des écoles publiques de Regina, par exemple, expliquer comment ils utilisaient les services des aînés. Il est évident qu'il faut réfléchir davantage aux possibilités d'utiliser les services des aînés et d'autres ressources communautaires. Sinon, on ne réussira pas à trouver les enseignants dont nous avons besoin pour ce genre de programmes.

En ce qui concerne les méthodes pédagogiques et le programme d'études, il faut bien sûr qu'ils soient culturellement adaptés aux élèves, comme dans n'importe quel autre contexte. La recherche indique que cela est vrai pour toutes les écoles performantes, qu'il s'agisse d'écoles des Premières nations ou d'autres, et vous en avez certainement entendu parler.

L'influence de la communauté et de la famille est une autre question importante. Étant donné les effets pernicieux des écoles communautaires, il est difficile, dans de nombreuses provinces, de faire participer les parents à la vie scolaire. J'ai moi-même constaté combien c'était difficile dans le système provincial, surtout avec nos expériences malheureuses dans le domaine de l'éducation des Premières nations. Et c'est encore plus difficile de nos jours. Nous y reviendrons.

Pour ce qui est des caractéristiques des élèves, j'indiquerai simplement que ceux qui obtiennent de bons résultats scolaires sont ceux qui sont solides, psychologiquement et autrement. Vous vous en êtes certainement rendu compte vous-mêmes.

L'évaluation liée à la pédagogie et à la planification suscite toujours la controverse, en tout cas dans ma province. La recherche est pourtant claire à ce sujet : si vous ne savez pas où vous voulez aller, vous n'irez probablement nulle part. Mais il faut utiliser cette évaluation à bon escient. La recherche indique que les écoles autochtones et des Premières nations qui sont performantes, qu'elles appartiennent au système provincial ou non, se servent de l'évaluation comme outil de planification pour leurs locaux, pour leur système, pour leur école, pour les salles de classe et pour les élèves. Si nous voulons que ça marche, il faut absolument utiliser l'outil qu'est l'évaluation.

Nous avons également examiné la question du niveau adéquat de financement, et les avis étaient partagés. Chez les Premières nations, le discours est toujours le même : ce financement est inadéquat. J'aimerais penser que c'est vrai. Certes, c'est la conclusion d'un grand nombre de recherches, parfois très récentes, que nous avons consultées, mais je crois que le niveau de financement n'est pas la question principale. En tout cas, il y a d'autres questions structurelles qui sont au moins aussi importantes. Voilà donc le genre de recherches que nous avons faites dans ce domaine.

Quand nous avons commencé nos recherches sur les services de deuxième ligne, nous avons reçu beaucoup d'aide du système provincial. Dans ce domaine, les gens veulent prendre les bonnes décisions, dans la mesure du possible. Il y a un nombre important d'élèves des Premières nations dans le district scolaire de Prairie Valley, qui se trouve dans la banlieue est de Regina et englobe une grande partie de Qu'Appelle Valley. Nous nous sommes servis de ce groupe comme comparateur entre les services d'un bureau central ou des services de deuxième ligne. Nous sommes également servis de la province. Ce fut horriblement compliqué car les systèmes de budgétisation ne sont pas les mêmes, mais nous avons quand même réussi à obtenir ce que nous cherchions.

Qu'entend-on par services de deuxième ligne ou services d'un bureau central? Le programme d'études et la pédagogie, la supervision, les psychologues scolaires, les orthophonistes, les thérapeutes, les chefs de département, l'informatique et toutes sortes d'autres choses.

Nous sommes très reconnaissants au district scolaire de Prairie Valley d'avoir fait une grande partie de cette recherche pour nous et de nous en avoir communiqué les résultats, que nous avons ensuite comparés aux données provinciales et à celles du Conseil tribal de Yorkton. Qu'avons-nous constaté? La réponse à cette question fait l'objet à elle seule de toute une étude, que nous n'avons pas encore terminée. Nous avons cependant déjà constaté, à maintes reprises, qu'en comparaison de ceux du district scolaire de Prairie Valley et même de la province, les services de deuxième ligne du Conseil tribal de Yorkton étaient moins nombreux. Les chiffres étaient de 280 pour le conseil et d'environ 379 pour le district scolaire de Prairie Valley.

Il y a plusieurs facteurs qui interviennent ici, notamment la structure de financement établie par AINC, et la façon dont les bandes l'interprètent, mais le fait est que le financement offert pour ces services de deuxième ligne n'est pas le même que celui qui est offert à la plupart des systèmes provinciaux. Je suppose qu'on peut faire la même constatation avec d'autres comparateurs provinciaux.

En examinant ces chiffres et en faisant des comparaisons, nous nous sommes demandé s'il serait souhaitable d'avoir une approche régionale pour la prestation des services. Nous en avons conclu que les écoles indépendantes des bandes, même dans un système à peu près structuré comme celui du Conseil tribal de Yorkton, ne pouvaient pas offrir des services de deuxième ligne aussi performants, et qu'elles avaient besoin qu'on mette en place un système de prestation à l'échelle régionale. Faute de quoi, elles ne peuvent pas offrir autant de services de façon rentable. Avec un système de prestation de services à l'échelle régionale, le coût des services par étudiant est moins élevé car il est réparti sur un ensemble plus vaste.

Nous en avons conclu que nous étions en train de construire une argumentation en faveur d'un modèle de prestation régional, et que, comme c'était un sujet controversé, nous n'irions pas plus loin. Mais la recherche est là, qui démontre que, sur le plan financier, il y aurait lieu d'envisager un système de prestation régional. C'est un tout autre débat, dont votre comité connaît maintenant au moins aussi bien que moi les tenants et les aboutissants.

Voilà ce que nous avons fait pour commencer. Nous avions l'intention d'organiser des groupes de discussion avec des enseignants et des administrateurs, mais nous n'avons pas été jusque-là. Nous n'avons pas reçu à temps l'approbation des services d'éthique en recherche, et quand nous l'avons reçue, nous voulions élargir notre champ de recherche. Nous voulions en effet savoir ce qu'un plus grand nombre de participants communautaires du Conseil tribal de Yorkton avaient à dire à propos des services de deuxième ligne.

Voilà donc ce que nous voulions savoir, mais ce n'est pas tout à fait ce que nous avons obtenu. Les gens nous ont surtout dit : « voilà ce qu'il nous faudrait dans notre système. » Pour autant, même si nous n'avons pas obtenu les réponses que nous attendions, je pense que celles que nous avons eues étaient plus précieuses.

Chose intéressante, les commentaires des aînés, des parents, du groupe de discussion de chaque catégorie, des élèves, des enseignants, des administrateurs scolaires et des conseillers élus cadraient bien avec les recherches dont je parlais tout à l'heure, qui portaient sur les facteurs essentiels à de bons résultats scolaires ou sur les mesures qu'il faut prendre pour y parvenir. Pour moi, c'était très encourageant de constater, en allant discuter avec les gens concernés, en l'occurrence ceux du Conseil tribal de Yorkton, que leurs commentaires correspondaient aux conclusions que nous avions tirées de nos recherches.

Que nous ont-ils dit? Je vais passer en revue les questions qu'ils ont abordées, pas nécessairement par ordre d'importance ou de priorité, mais cela vous donnera une bonne idée de ce dont nous avons discuté ensemble.

S'agissant des niveaux de financement, il est clair que les membres des Premières nations sont convaincus qu'ils sont insuffisants. Je crois qu'ils ont raison, même si les recherches ne le démontrent pas toujours. J'ai l'impression que les comparaisons entre les provinces, d'une part, et les Premières nations ou les Autochtones, d'autre part, ne reviennent pas nécessairement à comparer des torchons et les serviettes. Cela nous ramène à ce que je disais tout à l'heure au sujet de la pauvreté et du handicap, ces 30 à 35 p. 100 de l'écart qui sont liés à la communauté et à la famille. Certains handicaps que nous avons constatés dans les communautés des Premières nations nous permettent de penser qu'il faudrait probablement leur accorder un financement proportionnellement plus élevé qu'aux écoles provinciales.

S'agissant maintenant des personnels des services de deuxième ligne, les gens que nous avons rencontrés ont clairement demandé que le Conseil tribal de Yorkton offre des services plus nombreux et de meilleure qualité. Ils nous ont dit beaucoup de choses intéressantes sur les influences communautaires et parentales. Je veux parler des parents, des conseillers élus et des enseignants, qui avaient manifestement une vision du monde différente de ce à quoi je m'attendais. J'ai donc appris des choses.

Pour ce qui est des programmes linguistiques et culturels, il est évident qu'ils les jugent essentiels. Les aînés surtout, mais aussi les autres, qui nous ont dit que ces programmes étaient indispensables.

Un bon programme d'études, bien enseigné, est également un élément extrêmement important pour eux. Ils ont notamment abordé la question des enseignants et du maintien en poste des enseignants, ce que je n'avais pas prévu mais que je développerai tout à l'heure. C'est un problème sur lequel ont beaucoup insisté les élèves, les enseignants, les administrateurs et, dans une moindre mesure, les aînés.

La plupart des groupes ont soulevé la question du leadership et de la gouvernance. Les aînés ont parlé des effets pernicieux de la politique sur le système, et ont dit que la politique n'avait pas sa place dans l'éducation.

Pour en revenir à la première question, les niveaux de financement, je pense qu'on a assez bien couvert la question, et je résumerai en disant que, de l'avis des personnes interrogées, ces niveaux sont insuffisants.

Pour ce qui est de l'amélioration des services de deuxième ligne, ils nous ont dit qu'il faudrait plus de monde partout, notamment des orthophonistes, des travailleurs sociaux et des conseillers en orientation qualifiés. Pour eux, ce sont des services essentiels, qui devraient être renforcés afin de répondre aux besoins des communautés et des écoles.

On nous a dit des choses intéressantes sur les influences communautaires et parentales. Je me souviens encore d'un jeune homme qui était l'un des conseillers élus de la commission des programmes d'études du Conseil tribal de Yorkton. Il nous a dit qu'il serait temps que les parents s'occupent de leurs enfants. Franchement, cela m'a beaucoup surpris, car je ne m'attendais pas à ça. Mais je l'ai aussi entendu chez des élèves, des enseignants et d'autres participants aux groupes de discussion.

J'ai même, une fois, abordé la question des pensionnats. Une personne a soulevé la question de la commission des programmes d'études, mais personne d'autre. Enfin, à des parents qui n'avaient pas soulevé la question, j'ai demandé quel avait été l'impact des pensionnats. Cela en dit long sur les difficultés, les peines et les fractures que cette situation a provoquées parmi ces communautés. Une jeune femme a parlé du pensionnat Lebret, qui avait une bonne réputation. Son frère aîné avait fréquenté cette école, et elle m'a dit : « Au pensionnat, on leur apprenait toutes sortes de choses que je n'enseigne pas à mes enfants aujourd'hui, comme la valeur du travail, entre autres, et je pense que c'est dommage. » Ensuite, elle a dit que son frère avait lui aussi été abusé sexuellement, et que ça, ce n'était pas bien. Cette famille doit donc assumer tout ça, et je pense que c'est révélateur de ce que j'appelle les effets « pernicieux » des pensionnats.

Ces parents et beaucoup des élus que nous avons rencontrés étaient dans la vingtaine ou dans la trentaine, et je crois qu'ils s'étaient résignés à toutes ces choses. Mais ceux qui étaient plus âgés étaient prêts à en parler davantage. C'était très intéressant à observer, dans le contexte des influences communautaires et parentales. Le message qui revenait souvent était que les parents doivent mieux s'occuper de leurs enfants. Des enfants nous ont dit : « Untel a décroché et ses parents n'ont rien fait pour lui. Pourquoi les parents ne font-ils pas ce qu'ils sont censés faire? » Je pense que ça illustre bien toute la tragédie des pensionnats, et la façon dont les gens en parlaient.

Il ressort clairement que les programmes linguistiques et culturels revêtent une importance primordiale. Je crois que, si un jeune ne peut pas grandir et s'épanouir dans son propre contexte, dans sa propre langue et dans sa propre culture, et s'il n'a pas la fierté de l'appartenance, on en fait un ennemi de la culture. L'aliénation est un phénomène extrêmement dangereux pour un jeune aussi bien que pour ceux qui l'entourent. Bon nombre des problèmes que connaissent les jeunes des Premières nations viennent justement du fait qu'ils n'ont pas ce sentiment d'appartenance. Si vous réussissez à ancrer ces enfants dans leur propre culture et dans leur propre langue et qu'ensuite vous les faites passer dans un autre système, ils ont déjà acquis un sentiment de fierté qui, à la longue, profite à tout le monde.

Ils réclament des programmes scolaires plus efficaces de par leur contenu et de par la façon dont ils sont enseignés. Je suis sûr que si j'allais dans la plupart des écoles provinciales, j'entendrais la même chose. Les parents, les enseignants et les administrateurs veulent toujours plus. C'est toujours comme ça. J'ai entendu la même chose, là, et sans doute avec plus d'emphase, car le niveau de soutien avec lequel ces gens-là doivent composer est franchement beaucoup plus critique que dans les écoles provinciales. Ils réclament des ressources supplémentaires en maths et en sciences, des bibliothèques — j'ai constaté que la bibliothèque d'une école que nous avons visitée était en piètre état —, des programmes d'alphabétisation, des programmes d'apprentissage du langage pour les enfants d'âge préscolaire, des programmes contre l'intimidation, et davantage d'activités parascolaires. Ce sont des programmes dont toutes les écoles ont besoin, mais les écoles des Premières nations encore plus que les autres. Or, d'après ce que j'ai constaté, elles en ont moins que les autres.

Ce qui m'a le plus surpris, c'est toute la question des enseignants et du maintien en poste des enseignants. Je ne l'avais pas constaté dans la recherche. D'un côté, je pensais que pendant les 20 années ou presque que j'avais travaillé dans le domaine de l'éducation, j'aurais dû m'en rendre compte. J'en avais entendu parler, de temps à autre, par d'autres enseignants/éducateurs, et à l'époque où je travaillais dans le secteur de l'éducation des Premières nations. C'était donc une question qui était mentionnée dans la recherche, mais je ne m'en étais pas préoccupé jusqu'à ce que les élèves en parlent. C'était un groupe d'élèves de neuvième et 10e années, ils étaient une petite quinzaine. Il n'y avait que des filles, à l'exception d'un garçon. Tous les autres garçons avaient décroché. Pourquoi? À cause de la drogue, entre autres. Si vous voulez avoir une bonne idée du tragique de la situation quand il s'agit d'éducation des Premières nations, je pense que ce groupe de discussion en était une illustration flagrante. Il n'y avait pas un seul garçon, sauf un. Ils avaient tous décroché, et ils passaient leurs journées à glander. Ces jeunes, sans parler des autres, ne feront jamais rien de bien dans la vie si nous n'arrivons pas à les garder à l'école et à les faire participer activement aux activités de l'école.

Et les autres, ceux qui continuent d'aller à l'école? Ce sont les filles, bien entendu. Les sénateurs sont au courant des études qui ont été publiées sur la question. De plus en plus, les filles réussissent mieux que les garçons à l'école, et le groupe en était un exemple flagrant. Ces filles avaient une idée bien précise, comme seul un groupe de filles de 14, 15 ou 16 ans peut en avoir, de ce qu'elles voulaient. Elles voulaient des professeurs qui savent ce qu'ils font, qui le font bien et qui restent suffisamment longtemps en poste. « Elles voulaient des professeurs qualifiés, expérimentés et capables de rendre le sujet du cours intéressant. Elles ont ajouté que les professeurs venant d'autres provinces étaient souvent plus réservés et moins bons que les autres. »

Comme elles ne parlaient pas des professeurs autochtones, j'ai moi-même abordé le sujet, car il est à mon avis très important. Il faut s'intéresser sérieusement aux programmes de l'Université des Premières nations, en Saskatchewan, et aux programmes de formation des enseignants, que nous appelons les TEPS en Saskatchewan, afin d'augmenter le nombre de places pour les étudiants du Nord, les Métis et les Premières nations.

Les élèves que nous avons rencontrés nous ont dit qu'il leur importait peu que leurs professeurs soient des Premières nations ou non. L'essentiel, pour eux, c'était qu'ils soient de bons professeurs, qu'ils connaissent bien leur matière, qu'ils sachent bien enseigner et qu'ils sachent rendre le cours intéressant. De plus, les élèves voudraient que leurs professeurs soient là pour quelque temps, et c'est un problème. Ils nous ont dit que les bons professeurs ne restaient pas, qu'ils avaient eu un excellent professeur de sciences, mais qu'on lui avait offert autre chose, et que le Conseil tribal de Yorkton l'avait engagé comme consultant en informatique. Or, c'était, d'après les élèves, le seul bon professeur qu'ils avaient eu depuis longtemps.

Voilà le genre de commentaires très directs que nous a faits un groupe d'élèves de 15 ou 16 ans. Au sortir de cette discussion, je me suis senti remonté à bloc et encore plus désireux que jamais de poursuivre mes recherches.

Les administrateurs nous ont dit qu'il fallait améliorer le taux de maintien en poste des enseignants. Leur taux de roulement, dans le système d'éducation des Premières nations, est très élevé. Les enseignants, eux, ont demandé plus de sécurité et de protection, et ils ont dit que, pour attirer les meilleurs professeurs, il fallait rendre le travail plus attrayant, offrir des contrats plus longs et, partant, une certaine sécurité d'emploi, ce qui diminuerait le taux de roulement. Ils ont également parlé de l'impact de la politique locale sur le maintien en poste des enseignants. Par exemple, ils ont dit que certains enseignants issus des Premières nations avaient dû quitter une communauté en raison de tiraillements politiques entre certaines familles et certains élus.

Nous avons essayé de creuser la question et nous avons constaté que, dans ce contexte, les contrats d'un an sont pratiquement la règle, alors bonjour les problèmes! Un de mes amis était chef de service dans le système provincial, il a pris sa retraite et il travaille maintenant dans le système d'éducation des Premières nations. Il m'a dit que les enseignants étaient tellement sur leurs gardes qu'ils ne se concentraient pas suffisamment sur leur travail en salle de classe. C'est vraiment un gros problème.

Il y a aussi eu des problèmes de rémunération, mais je ne suis pas ici pour parler de finances. C'est un facteur, mais qui n'explique pas tout. Les bandes font des efforts pour amener les salaires des enseignants au niveau où ils sont. C'est une situation délicate car, dans les communautés des Premières nations, tous les autres travailleurs ont un salaire très faible et ils en veulent par conséquent aux enseignants qui gagnent plus. Certes, cela est vrai aussi dans beaucoup d'écoles rurales provinciales, mais ça l'est encore plus dans les écoles des Premières nations.

C'est l'attitude typique : tu ne dois pas avoir ce salaire parce que je ne gagne pas autant. Comme mon père disait, lui qui était agriculteur : « Tu gagnes trop d'argent; je suis agriculteur et je n'en gagne pas autant. » Je comprends cette réaction, mais il n'en demeure pas moins que les bons professeurs s'en vont parce qu'ils peuvent avoir un meilleur salaire ailleurs, avec de meilleurs avantages sociaux. C'est un vrai problème. J'ai constaté que les salaires varient entre les échelles salariales provinciales et des niveaux bien inférieurs, et que les avantages sociaux peuvent être excellents mais aussi inexistants.

Une bande a été placée sous tutelle parce qu'elle était en retard dans ses paiements. L'organisation des Premières nations censée verser les prestations d'aide sociale a cessé les versements parce que la bande ne payait pas ses factures, si bien qu'ils n'ont pas reçu leur salaire. Le problème des enseignants et de leur maintien en poste est vraiment inquiétant.

La troisième question concerne le leadership et la gouvernance, et elle a suscité pas mal de discussions parmi les enseignants, les administrateurs et les aînés, ce qui est intéressant en soi. On a dit qu'il fallait faire une plus grande distinction entre les programmes éducatifs et certaines autres questions. Un directeur d'école a même parlé de la nécessité d'avoir une séparation entre l'Église et l'État. C'est peut-être excessif, mais je crois qu'il est important que les gens comprennent bien la nécessité d'avoir un système d'éducation indépendant. Quand les systèmes politiques changent, grands dieux nous vivons dans une démocratie, et les changements, ça arrive, mais il ne faut pas que cela chamboule tout.

Ma nièce a un petit ami issu des Premières nations. Un jeune homme vraiment bien. L'un de ses parents est travailleur social, et l'autre, enseignant. Le conseil de bande a changé, le chef a été remplacé, alors ils ont tous les deux été licenciés. Il est impossible de maintenir une certaine stabilité quand ce genre de chose se produit.

Solomon G. Sanderson, président du Forum des Premières nations, Politiques publiques des Premières nations : Merci, sénateur St. Germain. Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de m'avoir invité et d'accepter ma déclaration écrite en anglais seulement.

Je sais que le mandat que vous avez va de la maternelle jusqu'à la 12e année seulement, et que les nombreux témoins que vous avez entendus ont surtout parlé des programmes scolaires et des ententes administratives qui concernent l'éducation.

J'aimerais vous parler des conditions dans lesquelles se trouvent nos nations, et plus particulièrement les communautés et leurs populations qui sont touchées par les politiques passées, présentes et futures. Je m'attarderai sur les plans et stratégies qui affectent les relations Canada-Premières nations, et sur les relations constitutionnelles issues des traités.

Je me propose de dresser un tableau général des programmes politique, législatif et fiscal. Les gens hésitent toujours à en parler dans le contexte des champs de compétence, car ces programmes ont un impact sur les compétences des Premières nations, sur les gouvernements des Premières nations et sur les lois des Premières nations, mais il faut être prêt à s'y attaquer.

L'accent est mis sur un système d'éducation indien néo-traditionnel, qui tient compte de la vision du monde et de la philosophie des différentes Premières nations, et qui les inclut dans un système d'éducation allant de la maternelle à la 12e année.

Pour ces plans et stratégies, nous devons bien sûr tenir compte des politiques coloniales du Canada à l'égard des Indiens, dans la mesure où elles influent sur les conditions actuelles et sur les conflits en matière de compétence et de fiscalité.

Les recommandations visent à élaborer un programme politique qui inclut un programme fiscal et législatif, ce qui concerne le gouvernement fédéral, le gouvernement et les lois des Premières nations et les parties aux traités 1 à 11. Si l'on veut parler de gouvernance, on ne peut pas éviter de parler de compétence et de droit.

Au sujet des politiques coloniales du Canada, passées et présentes, j'aimerais vous reporter à l'annexe de votre document, à l'onglet 2. Premièrement, les politiques coloniales impériales de 1830 étaient connues sous le nom de politiques de détribalisation. Elles ne sont ni anciennes ni nouvelles, ce sont les politiques qui continuent d'être appliquées aujourd'hui. Leurs objectifs sont l'assimilation, l'intégration, la civilisation, la christianisation et l'extermination. Qui étaient les cibles de ces politiques? Je veux parler des empires d'Angleterre, d'Espagne et de France, entre autres, qui ont appliqué ce genre de politiques à des peuples indigènes et autochtones du monde entier.

Ils ont commencé par détruire le noyau familial, nos familles, pour ensuite cibler les familles élargies, les communautés et les sociétés de nos nations. Il ne faut pas oublier que la common law et le système juridique britanniques qui s'appliquent encore aujourd'hui aux Indiens sont toujours axés sur les objectifs des politiques de détribalisation de 1830.

Tous les partis ont appuyé les politiques coloniales du Canada. Tous les partis qui ont formé des gouvernements au niveau provincial ou fédéral ont appuyé ces politiques. Tout le monde est donc responsable de l'application de ces politiques.

Le plan visant à régler le problème des Indiens au Canada en l'espace de 25 ans s'articulait sur la réalisation des objectifs des politiques de détribalisation de 1830. Il s'articulait également sur la mise au rancart des traités 1 à 11, et il continue de cibler la destruction et la disparition de nos sociétés et de nos unités familiales. Je pourrais vous donner la liste des mesures qui avaient été prévues à l'époque pour transférer l'éducation, la santé et le développement social des Indiens du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux.

En 1956, alors que j'avais 15 ans, nos aînés et nos dirigeants m'ont choisi pour aller parler de ces questions. Cela fait 50 ans que je fais de la politique indienne. On m'a toujours dit, et je l'ai constaté, que la politique est omniprésente.

C'est le même genre de politique qui régit le système d'éducation des Indiens d'aujourd'hui. Élaborée par un professeur d'université, elle est devenue une politique publique du Canada. Le livre blanc de 1969 était une politique libérale de Trudeau, mais sa mise en œuvre a été acceptée par tous les partis. Ces objectifs étaient la suppression des droits spéciaux des Indiens, du statut spécial des Indiens et des programmes spéciaux et uniques pour les Indiens. La politique de transfert de la première génération visait à mettre en œuvre ces politiques.

Comment ont-elles été mises en œuvre? On avait prévu de modifier les lois existantes ou d'en adopter de nouvelles. La politique autochtone de 1974-1976 était destinée à remplacer la politique sur les Indiens. C'est ainsi que des Indiens, des Métis et des Inuits ont été embauchés comme réceptionnistes par les gouvernements pour qu'ils fassent la promotion de cette politique autochtone, par opposition à une politique indienne.

La politique du saut de bison de 1980, une politique conservatrice de Mulroney, mettait en œuvre la politique de transfert de la deuxième génération, en se fondant sur les politiques de 1830, de 1969 et de 1974-1976. Cette politique de la deuxième génération visait à supprimer encore davantage les droits et les statuts spéciaux des Indiens, ainsi que les programmes spéciaux pour les Indiens, et prévoyait l'intégration de l'éducation, de la santé et des services sociaux pour les Indiens dans le champ de compétence et la législation des provinces.

Ces politiques ont causé de graves problèmes. En plus de détruire les unités familiales, leur objectif était d'éliminer nos compétences, nos gouvernements et nos lois. Leur objectif était aussi de prendre totalement le contrôle de notre peuple, de nos sociétés et de nos gouvernements, dans tous les secteurs.

Quand une société perd un tel contrôle dans tous les secteurs, il en résulte des conditions propices à l'apparition de symptômes comme des taux de suicide élevés, des taux d'emploi très faibles et l'absence de débouchés économiques. Tous ces symptômes sont énoncés dans le document que vous avez devant vous. Je n'en dirai pas plus sur ces politiques, mais ce sont elles qui régissent encore de nos jours les relations du gouvernement avec les Indiens.

Quand on observe bien la situation, on se rend compte que ces politiques sont maintenant intégrées dans le système d'éducation, le système de développement social et le système des services à la famille. On parle des pensionnats. Dans l'Ouest du Canada, 27 000 enfants indiens sont actuellement sous la garde de la province. Ces enfants ont été retirés à leurs familles et à leurs communautés.

Ces politiques se retrouvent dans notre système économique, qui prévoit depuis longtemps des sanctions économiques qui existent encore. On retrouve également ces politiques dans le système juridique.

Notre système d'éducation a toujours été assujetti à une politique d'assimilation, d'intégration, de civilisation, de christianisation et d'élimination. Ça a toujours été l'objectif principal du système d'éducation.

Il faut que nos enfants apprennent qu'en tant que Premières nations, ils ont des titres et des droits inhérents, ainsi que le droit à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination. L'annexe se trouvant à l'onglet 3 porte sur ces droits inhérents. Chacun de ces droits inhérents s'accompagne de devoirs et de responsabilités que nous avons tous, individuellement et collectivement, de par notre statut d'Indiens. Il faut donc qu'on les enseigne aux enfants, non seulement à la maison mais aussi dans le système scolaire et dans les autres secteurs dont j'ai parlé.

Nous devons reconnaître que le Créateur nous a accordé ces droits inhérents. Je suis Cri et je resterai Cri. Nul ne pourra changer cela. Les droits dont j'hérite sont transmis de génération en génération. On entend parler de droits créés par les hommes, comme les droits de la personne et les droits ancestraux. Les politiques autochtones actuelles visent à abolir le statut spécial des Indiens, les droits spéciaux des Indiens et les programmes de services spéciaux pour les Indiens. Nous avons la responsabilité d'élaborer nos propres plans et stratégies afin de faire reconnaître nos droits inhérents dans chaque secteur, y compris celui de l'éducation, notamment celle qui est dispensée de la maternelle à la 12e année.

Le dispositif juridique et politique que le gouvernement a établi pour régir les relations entre le Canada et les Premières nations reconnaît que nous avons le pouvoir de déterminer notre propre forme de gouvernement, nos propres lois, notre propre système juridique et nos propres affaires internes, externes et internationales.

En ce qui concerne le pouvoir de conclure des traités, je suis le porte-parole de mon peuple pour le traité numéro 6. Quand on parle de nos droits inhérents et des traités, j'aimerais rappeler que nous n'avons jamais eu à négocier avec des représentants de la Couronne nos droits inhérents, car ils sont réservés, reconnus et confirmés par les traités, et nous pouvons parfaitement vous le démontrer.

Il existe un certain nombre d'ententes sur les traités internationaux. Les traités nos 1 à 11 reconnaissent aux gouvernements des Premières nations les pouvoirs souverains de conclure des traités.

Nous n'avons jamais autorisé la Couronne, le Parlement ou le gouvernement fédéral à déterminer la forme de nos gouvernements, de notre citoyenneté, de l'appartenance à nos bandes et du statut de nos terres, car cela est protégé par les traités. La souveraineté de nos nations demeure intacte dans les traités en ce qui concerne nos titres fonciers et nos ressources. Je parle des traités nos 1 à 11.

J'ai inclus dans mon document les articles des traités qui confirment nos droits en matière d'éducation, ainsi que les obligations de la Couronne en ce qui concerne l'éducation des Indiens. Selon votre propre définition, l'éducation comprend l'éducation préscolaire, la maternelle jusqu'à la 12e année, ainsi que l'enseignement postsecondaire, y compris la formation professionnelle dispensée dans les collèges et les universités. Ces droits inhérents issus des traités doivent être inclus dans les programmes d'études, de la maternelle à la 12e année.

Passons maintenant au dispositif régissant les relations conventionnelles entre les Premières nations et le Canada. Vos propres tribunaux ont reconnu la souveraineté des Premières nations. Vos propres tribunaux vous ont confié la responsabilité de la réconciliation, et ils ont reconnu que les sociétés et les traités des Premières nations ont une incidence sur la souveraineté du Canada. L'annexe 4, à l'onglet 5, décrit cette relation. Le dispositif régit les relations des Premières nations, telles qu'elles sont déterminées par les droits et les traités ainsi que par la Proclamation royale de 1763, la Loi constitutionnelle de 1982, et le droit international.

Vous savez tout cela. Cependant, depuis 1982, le Canada a l'obligation de mettre en place de nouvelles institutions juridiques et politiques et des structures gouvernementales. Il ne l'a pas fait mais il doit le faire.

Il faut que les programmes scolaires, de la maternelle à la 12e année, enseignent ce genre de choses. Je veux parler de la reconnaissance politique et juridique de nos droits inhérents, des traités, et des droits issus des traités, par la Constitution du Canada. Or, nous continuons de devoir nous battre devant les tribunaux pour contester des lois qui bafouent ces droits constitutionnels. Ces lois ont été adoptées par le gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux. Pourquoi devons-nous encore nous battre alors que ces droits sont reconnus et consacrés dans la Constitution de 1982?

J'ajouterai que ce dispositif juridique et politique établit des relations bilatérales, de gouvernement à gouvernement, entre la Couronne et les gouvernements des Premières nations.

D'autres types de relations découlent de cette reconnaissance des relations politiques et conventionnelles. Ainsi, de la reconnaissance des relations politiques et conventionnelles découle la reconnaissance de l'égalité des gouvernements, de la compétence, des lois et des tribunaux entre le gouvernement des Premières nations, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Vous avez déjà la common law britannique et le Code civil français, ce qui constitue deux formes différentes de gouvernement. Les États-Unis en ont trois : le gouvernement tribal, le gouvernement des États et le gouvernement fédéral. En 2010, nous devons mettre en œuvre ce type de stratégie et cesser toute cette intimidation économique et fiscale dont je parlerai tout à l'heure.

La relation conventionnelle qui existe entre la Couronne et les Premières nations doit être reconnue pleinement car nous avons encore beaucoup de choses à régler au sujet des traités. Vous avez donné force de loi à des traités modernes comme la Convention de la Baie James et du Nord québécois, et vous avez fait adopter la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec par votre Parlement et par le Sénat. Récemment, vous avez adopté une loi sur les Nisga'a, qui permet l'entrée en vigueur de l'Accord définitif nisga'a.

En revanche, vous n'avez toujours pas légiféré pour donner force de loi aux Traités 1 à 11. Pourquoi? On parle d'enseignement, il faut que ces choses-là soient enseignées.

Nous venons d'avoir une réunion, à Regina, sur les Traités 1 à 11. À cette réunion, nous avons parlé de nos plans et de nos stratégies pour faire valoir nos droits inhérents et nos droits issus des traités dans chaque secteur, au moyen de nos lois et de notre champ de compétence. Nous avons parlé de créer nos propres formes de gouvernement.

Nous avons examiné la question de la mise en œuvre des relations juridiques déjà reconnues. Nous pouvons créer un système juridique néo-traditionnel, intertribal et communautaire. Le dispositif établi reconnaît l'existence de relations économiques. Il reconnaît que les Premières nations peuvent mettre en place un système économique intertribal et communautaire pour faire valoir nos droits inhérents et nos droits issus des traités dans chaque secteur de l'économie, au niveau communautaire, régional, national et international. Le dispositif reconnaît également l'existence de relations fiscales avec les Premières nations, le financement des gouvernements des Premières nations, et les obligations fiscales et juridiques du gouvernement fédéral qui découlent des relations conventionnelles et constitutionnelles. Ces obligations comprennent le financement d'un système d'éducation néo-traditionnel.

Les relations internationales sont définies en fonction du passage des frontières, des relations internationales des Premières nations, du commerce international des Premières nations, et de la déclaration internationale sur les droits des peuples autochtones. Cela comprend la portabilité de nos droits inhérents et de nos droits issus des traités. Selon vos politiques, à partir du moment où un Indien met un pied en dehors de la réserve, il perd tous ses droits inhérents et ses droits issus des traités. Cela ne fait qu'ajouter à la confusion.

Vous parlez d'éducation de la maternelle à la 12e année. Les chefs et les conseils ne reçoivent du financement que pour ceux qui habitent dans la réserve. Or, les élèves et les étudiants qui quittent les réserves pour les centres urbains et vice versa ne sont plus pris en considération.

Quand nous parlons de la portabilité de nos droits inhérents et de nos droits issus des traités, nous voulons dire qu'ils doivent être reconnus aux niveaux national et international, et qu'ils ne doivent plus être limités au territoire de la réserve ou par des politiques fédérales ou provinciales. C'est ces politiques qu'il faut limiter.

Pour ce qui est du financement des gouvernements des Premières nations, cela comprend le financement politique, le financement des cadres de direction, le financement des programmes par secteur, les échelles salariales et les avantages sociaux, et cetera.

Je suis actuellement sénateur de la FSIN, après avoir travaillé pendant 50 ans en politique indienne, mais je ne touche pas de salaire, de pension ou d'avantages sociaux comme vous qui êtes sénateurs du Canada. Je n'y ai peut-être pas droit, mais moi j'estime que j'y ai droit, et c'est justement ce genre de chose qui doit changer.

Je parlais tout à l'heure du financement des cadres de direction, et le témoin précédent y a fait allusion ainsi que d'autres d'après les notes que j'ai pu voir. Les Indiens ne reçoivent aucun financement pour leurs cadres de direction, pas plus la bande que le conseil tribal, la FSIN ou encore l'APN. Vous, vous recevez du financement pour vos cadres de direction au niveau des municipalités, des provinces et du fédéral, et même pour vos propres bureaux politiques, sans parler des cadres responsables des programmes et de la prestation des services dans chaque secteur.

Je vais maintenant vous parler des mesures à prendre pour opérer des changements radicaux et obtenir certains succès. D'abord, il faut modifier le système d'éducation si l'on veut opérer ces changements et mettre en œuvre des initiatives.

Pour ce qui est de l'application de nos droits inhérents et de nos droits issus des traités en matière d'éducation, je dirais que nous sommes en train de mettre sur pied un système d'éducation indien néo-traditionnel, avec un programme d'études néo-traditionnel.

Le témoin précédent a parlé d'un encadrement insuffisant par les parents. Nous avons mis sur pied des programmes de formation traditionnelle à l'intention des parents, mais nous n'arrivons pas à obtenir le moindre cent pour les financer. Les non-Indiens qui gèrent le même genre de programme obtiennent du financement, mais pas les Indiens. Nous estimons que ce genre de programme est indispensable, et que nous devons être en mesure d'expliquer aux gens quels sont leurs droits inhérents, ainsi que les devoirs et les responsabilités qui découlent de ces droits inhérents. Nous devons être en mesure de leur expliquer ce qu'est notre système de protection sociale traditionnel, qui nous protège de la naissance jusqu'à la mort.

Pour ce qui est des capacités scolaires et intellectuelles de notre peuple, nous reconnaissons qu'à partir du deuxième quart de la vie, les femmes ont 10 ans d'avance sur les hommes. Il n'y a pas besoin de faire des études pour le prouver, c'est la réalité.

Nous avons besoin d'aide pour les services spécialisés, au niveau du préscolaire, de la maternelle et du postsecondaire. Nous avons besoin de programmes et de services pour les normes de programmes. Nous avons besoin de lois pour régir ces normes de programmes selon notre compétence et selon la compétence fédérale, pas seulement selon la compétence provinciale. Pour ce qui est des institutions et des structures d'éducation communautaires et intertribales, dont a parlé le témoin précédent, nous avons la capacité de les mettre en œuvre afin d'offrir un programme éducatif de qualité, efficace, constructif et positif. Pour cela, il nous faut de nouvelles relations fiscales et de nouvelles ententes fiscales.

Honorables sénateurs, selon les modalités actuelles, les fonds visant à financer les services des Premières nations ne sont pas versés aux chefs et aux conseils, mais à des sociétés qui sont chargées de les redistribuer à des institutions scolaires et sociales.

Par exemple, vous financez à l'heure actuelle plus de 470 agences en Saskatchewan pour assurer des services aux Indiens hors réserve. Au niveau national, vous financez 6 800 agences pour assurer des services aux Indiens hors réserve. Quand j'étais le chef de ma réserve, je n'arrivais pas à savoir où étaient dispensés les services pour les Indiens hors réserve dans la ville de Prince Albert ou dans la province de la Saskatchewan. Il faudrait faire en sorte que nos institutions et nos structures fournissent des services et des programmes aux Indiens hors réserve aussi bien qu'aux Indiens qui vivent dans la réserve.

Pour ce qui est du contenu des programmes d'études, il y a bien sûr tout ce qui concerne la haute technologie. Nous avons besoin de capitaux et d'expertise pour mettre en place la nouvelle technologie dans notre système d'éducation, pas seulement de la maternelle jusqu'à la 12e année, mais aussi dans l'enseignement postsecondaire, entre autres. Je parlais tout à l'heure de l'expertise dont nous avons besoin, et il s'agit essentiellement de financement pour les cadres de direction et pour les services de deuxième ligne.

S'agissant maintenant de la gouvernance, de la compétence et des lois des Premières nations, le témoin précédent a parlé de l'instabilité due au taux de roulement élevé chez les enseignants. Je vous dirai que l'instabilité règne partout étant donné que vous ne voulez pas reconnaître que notre compétence et nos lois s'appliquent dans tous les secteurs.

Il faut adopter une loi sur le système d'éducation indien néo-traditionnel, qui établisse des normes mutuellement acceptables en matière de programmes scolaires pour les Indiens. Cette loi doit définir les relations fiscales avec les Premières nations, afin que celles-ci reçoivent un financement durable, et doit définir de nouvelles modalités fiscales dans le cadre de nouvelles ententes fiscales. Vos accords de contributions ne nous servent à rien, et il faut que ces ententes soient clairement définies pour que nous puissions recevoir les subventions directement du Trésor.

S'agissant des modalités de financement prévues par la loi fédérale, votre Comité sénatorial permanent des affaires juridiques constitutionnelles a fait six recommandations importantes sur l'application de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Votre vérificateur général a informé le Sénat que les politiques d'AINC n'avaient pas de fondement législatif.

Comment pouvez-vous légitimement assurer un financement durable et répondre aux normes établies en matière de prestation des programmes sans fondement législatif approprié? Comment pouvez-vous assurer le financement des programmes sans une gouvernance appropriée des normes applicables à ces programmes?

Il faut adopter une loi fédérale sur le système d'éducation indien néo-traditionnel, qui définisse les obligations juridiques et fiscales du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation des Indiens, telles qu'elles sont énoncées dans les traités et la Constitution. Ces obligations ne devraient pas relever de la loi provinciale.

Toujours dans le domaine législatif, il y a la question des normes de programmes qui régissent le système d'éducation, de la maternelle à la 12e année, et il faut à cet égard consolider les fonds versés par le gouvernement fédéral. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Avant, nous traitions avec Affaires indiennes et du Nord Canada et avec Santé Canada. Aujourd'hui, vous allouez des fonds du Parlement aux ministères et organismes fédéraux ainsi qu'aux sociétés d'État. Vous en avez 156. Nous, de notre côté, nous sommes censés aller leur demander l'aumône en leur soumettant des demandes de financement. Nous n'avons pas cet argent. Nous voudrions que les budgets consentis aux Premières nations soient calculés en fonction de nos besoins et de nos obligations juridiques, et que ce ne soit plus des allocations non assorties d'obligations juridiques.

C'est moi qui étais chef lorsque nous avons sorti nos enfants de l'école Kinistino pour mettre en place le premier système d'éducation au Canada qui soit contrôlé par les Indiens. Dans les années 1950, 1960 et 1970, il sortait chaque année un élève indien du système scolaire provincial auquel nous étions intégrés. Six Indiens occupaient un poste dans les systèmes scolaires, et cinq dans le système universitaire.

Le génocide qui a eu lieu dans les pensionnats est encore présent dans tous les esprits. À l'échelle de la province, l'intégration du système d'éducation n'a rien fait pour améliorer les perspectives économiques et les possibilités d'emploi des Premières nations.

Sans avoir pu régler les questions de compétence et de financement, nous avons réussi, depuis les années 1970, à cibler la formation des enseignants et des travailleurs sociaux. Nous avons créé des écoles communautaires, des collèges intertribaux et l'Université des Premières nations du Canada. Aujourd'hui, nous avons des centaines d'élèves et d'étudiants qui sortent avec un diplôme de nos écoles, de nos universités et de nos collèges. Les bandes, les conseils tribaux et la FSIN emploient un total de 30 000 travailleurs, dont 14 000 Indiens dans le secteur de l'éducation.

J'habite dans la ville de Prince Albert. Nous faisons appel à 14 000 non-Indiens pour réhabiliter nos gens dans le système correctionnel, dans le système judiciaire et dans le réseau des travailleurs sociaux du fédéral et de la province. Rien que dans cette ville, nous avons plus de 400 jeunes Indiens en probation.

Lorsque nous avons décidé d'assurer la formation des enseignants et des travailleurs sociaux chez nous, au niveau communautaire, l'Université de Regina, à Saskatoon, m'a fait savoir qu'elle n'homologuerait pas notre formation. Je lui ai répondu que cela n'avait pas d'importance puisque, de toute façon, aucun Indien ne sortait de cette université avec un diplôme. Comme vous le savez, nos programmes sont maintenant devenus des programmes de formation régionaux, dans les universités, mais aussi des programmes de formation nationaux et internationaux.

Le programme d'études doit être repensé, afin de dispenser une éducation néo-traditionnelle articulée sur la philosophie et la vision du monde des Premières nations.

La reddition de comptes est un principe important pour les Premières nations, mais nous voulons rendre des comptes dans le cadre de la compétence et des lois du gouvernement des Premières nations, et pas dans le cadre des lois fédérales-provinciales. Autrement dit, nous voulons pouvoir rendre des comptes en vertu d'un dispositif juridique qui respecte notre système d'éducation néo-traditionnel. Nous voulons pouvoir rendre des comptes en vertu de nos lois sur l'administration financière.

Vos politiques d'intervention de 1996-1997 ont créé le climat épouvantable qui existe actuellement en ce qui concerne le fonctionnement et la prestation des programmes et des services. L'intimidation fiscale et économique a abouti aux interventions que nous subissons actuellement dans les secteurs administratif et politique. Je veux parler des anciens fonctionnaires d'AINC qui ont été désignés tiers administrateurs. Je veux parler d'AINC, qui a cessé d'être un organisme de prestation de services pour devenir un organisme de financement. Et ces mesures étaient d'autant plus odieuses que les politiques d'AINC n'avaient aucun fondement législatif. L'intimidation fiscale et économique commence dès que nous essayons de faire reconnaître la compétence et les lois des Premières nations dans nos différents secteurs. Les politiques de transfert de la première et de la deuxième génération, c'est-à-dire celles de 1969 et de 1980, doivent être abrogées et remplacées.

Le système colonial actuel refuse coûte que coûte de reconnaître qu'il existe un système d'éducation distinct pour les Indiens, mais c'est pourtant la réalité. Nous avons un système d'écoles publiques, un système d'écoles francophones, des instituts, des collèges et des écoles confessionnelles distincts, ainsi que des universités et des établissements postsecondaires distincts. Tous ces établissements d'enseignement sont financés avec des fonds publics. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir un système d'éducation distinct pour les Premières nations, qui dispenserait une éducation néo-traditionnelle?

J'estime personnellement que, si les mesures que je viens de préconiser ne sont pas mises en œuvre, le processus de vérité et de réconciliation n'aboutira jamais, auquel cas les excuses qui nous ont été données au sujet des pensionnats ne sont qu'une coquille vide.

Je sais que mes paroles sont dures, mais il est temps que nous discutions sérieusement de compétence et d'accords de financement pour nos élèves de la maternelle à la 12e année. Nous allons concevoir et planifier la mise en œuvre d'un système d'éducation néo-traditionnel sur une base générationnelle. J'ignore quels sont vos objectifs à long terme pour votre système d'éducation de la maternelle à la 12e année, mais je viens de vous exposer nos stratégies et nos plans pour notre système, et je sais que nous réussirons à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter ce document, et de l'avoir accepté dans la version anglaise seulement.

Le président : Merci, monsieur Sanderson. Monsieur Steeves, vous avez dit que le modèle régional de prestation de services était controversé. Pourquoi?

M. Steeves : Premièrement, selon les lois et les traités, le contrôle appartient à la bande individuelle, beaucoup plus que dans le système provincial où, par définition, les municipalités — je sais que la comparaison n'est pas tout à fait exacte, mais je la fais quand même — sont, en vertu de la Constitution canadienne, des créatures du gouvernement provincial. Donc, si vous voulez mettre en place davantage de systèmes régionaux de prestation de services, cela signifie que chaque bande doit céder des pouvoirs à une administration régionale quelconque. C'est une chose difficile pour beaucoup de communautés, et c'est pour cela que cela suscite des controverses.

C'était déjà difficile, quand je m'occupais des affaires municipales, d'essayer de rassembler autour d'un objectif commun les organisations municipales des villes et celles des petites localités rurales, mais ça l'est encore plus lorsqu'il s'agit d'un secteur où les enjeux juridiques et constitutionnels sont plus complexes.

M. Sanderson : Je pense que je suis mieux placé pour répondre à cette question étant donné que je m'y suis intéressé toute ma vie.

En fait, vous nous avez privés du pouvoir de nous gouverner, notamment du pouvoir de créer et de gérer notre propre système d'éducation en vertu de nos lois et de notre compétence. De plus, vous avez créé, en vertu de la loi et de la compétence provinciales, ce que vous appelez des sociétés de prestation de programmes et de services qui n'ont pas de comptes à rendre aux chefs, aux conseils ou aux conseils tribaux des Premières nations, pas plus qu'à la FSIN.

Votre système de reddition de comptes n'a pas de mandat en matière de compétence, et les chefs des conseils des différents niveaux ne lui ont délégué aucun de leurs pouvoirs. Il faut que cette reddition de comptes existe.

À la FSIN, nous avons des conventions qui sont des ententes politiques entre les bandes et entre les conseils tribaux. Ces conventions reconnaissent les pouvoirs des chefs et conseils respectifs, ainsi que les pouvoirs qui doivent être délégués pour que les systèmes dont nous parlons puissent être mis en place.

Le président : Monsieur Sanderson, vous avez parlé des systèmes scolaires catholique, protestant et francophone. C'est le gouvernement provincial qui administre tous ces systèmes, car ils font partie du système d'éducation provincial, qu'il s'agisse des écoles chrétiennes, des universités séparées ou autres. Certaines universités de la Colombie-Britannique, d'où je viens, ne reçoivent pratiquement pas de financement. C'est le cas de l'Université Trinity Western, qui se finance avec les droits d'inscription.

Je reconnais que tout ce que vous avez dit est exact, mais pourriez-vous me dire de quelle façon la province pourrait contribuer à la résolution du problème, plutôt que d'être la source du problème?

M. Sanderson : Je pense qu'il faudrait qu'on négocie avec la province une sorte d'entente qui définirait les secteurs de compétence exclusive et les secteurs de compétence partagée en matière d'éducation. Si ça signifie que nous devons nous aligner sur les normes provinciales pour la reconnaissance des compétences des médecins et d'autres professions, nous sommes prêts à en discuter. Je ne dis pas que nous devrions avoir un système séparé et que nous devrions accréditer nos propres médecins. Nous sommes prêts à revoir la façon dont nous accréditons nos propres médecins et guérisseurs, s'il le faut. Mais quand on pense à tous les éléments qu'il faut prendre en compte pour mettre sur pied un système d'éducation complet, il est évident que nous aurons besoin de collaborer avec la province pour l'accréditation dans certains métiers et certaines professions. Mais cela ne devrait pas poser de problème. Nous pouvons nous entendre avec la province en ce qui concerne les accords de financement puisque vous avez un système selon lequel le fédéral verse des fonds supplémentaires à la province pour l'éducation, les programmes sociaux et la santé. La dernière fois que j'ai vérifié, ce chiffre s'élevait à 530 milliards de dollars de fonds supplémentaires pour les provinces et les territoires, y compris le Nunavut, sur une période de cinq ans. Cela comprend les fonds destinés aux universités et aux collèges. Il y a par contre des fonds spéciaux qui sont accordés dans le domaine de la santé pour des services spécialisés dans les écoles, de la maternelle à la 12e année, par exemple des services d'orthophonistes. Ce sont des fonds supplémentaires auxquels nous n'avons pas droit. Pourquoi n'y aurions-nous pas droit? Nous pourrions avoir un système de protection sociale des Premières nations qui utiliserait des fonds fédéraux-provinciaux dans tous ces secteurs, ce qui permettrait d'avoir un financement stable pour les services de deuxième ligne.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Vous financez quatre agences fédérales qui financent à leur tour la recherche universitaire dans les universités du Canada. Ces quatre agences ont reçu plus de 8 milliards de dollars au cours des 54 derniers mois, dont une partie a servi à financer les études de non-Indiens aux niveaux du doctorat et de la maîtrise, notamment. L'Université des Premières nations a reçu 359 000 dollars, sur cette somme de 8 milliards. Toutes sortes de recherches portent sur les Indiens, mais les Indiens ne peuvent pas recevoir d'argent parce que c'est eux qui détiennent les cordons de la bourse. Par contre, les études qui sont faites par des non-Indiens peuvent recevoir du financement.

Je vais vous donner un exemple de ce que les agences fédérales-provinciales font pour les Indiens avec l'argent qu'elles reçoivent du Parlement. Cet argent, qu'on appelle notamment des fonds autochtones, est distribué à plus de 44 ministères fédéraux, sans compter les agences et les sociétés d'État.

Il faut absolument qu'on discute sérieusement des champs de compétence et des obligations fiscales. Nous sommes prêts à le faire avec la province. Nous ne voulons pas d'entente tripartite. Je sais par expérience que, dans les ententes tripartites, il n'y a que deux autorités, le fédéral et la province, et qu'il ne reste rien pour les Premières nations. Si nous voulons des ententes bilatérales, nous pouvons en conclure une avec la province et une avec le fédéral, mais il faut en préciser clairement les modalités et l'impact sur les Indiens.

S'agissant de technologie, les ministères fédéraux-provinciaux, le gouvernement fédéral, le ministère des Affaires indiennes, Santé Canada et Industrie Canada ont investi près de 500 millions de dollars l'an dernier dans l'infrastructure de système de haute technologie. Les Premières nations étaient censées soumettre des propositions pour avoir accès à ces fonds. SaskTel a obtenu 25,3 millions de dollars, mais les Premières nations n'ont rien eu. Nous utilisons les fonds de haute technologie qui ciblent les communautés indiennes, comme nous l'avons fait pour la construction d'écoles mixtes dans les collectivités rurales et urbaines, et nous construisons des hôpitaux indiens à nos propres frais.

Quand nous disons qu'il faut discuter de nos relations fiscales, nous parlons d'investissements et d'intérêts dans ce genre d'entreprises. Pourquoi pas? C'est là où nous en sommes.

Le président : Chers collègues, j'aimerais en votre nom remercier nos deux témoins de ce soir. Si l'un ou l'autre d'entre vous le désire, il peut nous faire des suggestions sur la façon de résoudre le problème que nous examinons. Nous vous en remercions d'avance.

Le sénateur Raine : Les deux témoins nous ont donné amplement matière à réflexion, et je tiens à les remercier d'avoir comparu devant nous.

Monsieur Steeves, vous avez parlé au début des écoles performantes. Pourriez-vous nous dire ce qui rend une école performante?

M. Steeves : La première condition est d'avoir des enseignants performants, qui savent ce qu'ils font. C'est là-dessus que je veux insister, et je suis précisément venu de Regina pour vous le dire. Tant que le taux de roulement des enseignants sera aussi élevé, on ne pourra pas avoir des écoles performantes; c'est impossible.

Deuxièmement, il faut du leadership, c'est-à-dire de solides ancrages dans la communauté, une vision claire de ce qu'on veut faire, enfin les mêmes caractéristiques que celles que doit avoir toute autre organisation. J'insiste beaucoup sur l'ancrage dans la communauté et chez les parents. Il faut aussi savoir utiliser de bonnes méthodes d'évaluation, de bonnes méthodes pédagogiques, et cetera.

Mais dans le cas et qui nous intéresse ici, on ne peut pas avoir d'école performante s'il n'y a pas plus de stabilité parmi les enseignants et les administrateurs.

Le sénateur Raine : Nous sommes allés en Saskatchewan il y a quelques semaines, et nous avons eu le plaisir de visiter une école élémentaire crie, à Onion Lake. C'est une école d'immersion. Nous avons été très heureux d'apprendre que l'une des universités de la Saskatchewan formait des enseignants en quatre ans. Les cours sont organisés dans les régions, si bien que les enseignants n'ont pas besoin de quitter leur communauté pour les suivre.

J'aimerais demander aux deux témoins s'ils estiment que c'est une bonne façon d'augmenter le nombre et la qualité des enseignants autochtones, qui sont ainsi mieux armés pour enseigner dans les écoles de leur communauté.

M. Steeves : La décentralisation des programmes suscite toujours des réserves. Cela dit, c'est une excellente idée. Plus les gens ont la possibilité de suivre ces programmes sur place, plus on a des résultats. Pour autant, si on n'offre pas aux bons enseignants une situation stable, ils ne tarderont pas à accepter une offre d'emploi dans une autre bande ou dans le système provincial. Nous avons besoin de plus d'argent pour les programmes locaux comme le programme de formation des enseignants. Celui dont vous parlez est certainement le programme de formation des enseignants de l'Université de la Saskatchewan. Il est excellent. Plus on investira dans la formation d'enseignants communautaires, mieux ce sera pour tout le monde.

M. Sanderson : Lorsque nous avons retiré nos enfants de l'école Kinistino après 15 ans d'intégration, la première chose que nous avons faite a été d'évaluer leurs compétences en lecture, en écriture et en arithmétique. Nous avons constaté que les élèves de neuvième, 10e, 11e et 12e années avaient des compétences en lecture et en arithmétique du niveau d'un élève de quatrième ou cinquième année. Il est indispensable que ces compétences soient enseignées entre la maternelle et la 12e année. Si nous n'avons pas d'enseignants capables de dispenser ce genre d'enseignement, il faut en former et trouver les fonds nécessaires, car cela en vaut la peine.

Je suis tout à fait pour la formation professionnelle postsecondaire dispensée dans la communauté, car c'est ce que j'ai fait. J'en ai fait l'expérience, et j'ai vu une mère et sa fille obtenir leur maîtrise en services sociaux en même temps.

On a transformé les fonds d'aide sociale en subventions économiques, pas seulement pour la création d'emplois mais aussi pour l'éducation. Quand les gens quittaient la réserve, on continuait de leur verser la subvention pour le logement et la nourriture, car ces gens y avaient toujours droit, et on ne puisait pas dans les fonds consacrés à l'éducation. Comme je l'ai dit tout à l'heure, de deux emplois on est passé à 185 emplois. On avait une solide équipe de 12 conseillers en orientation, un pour les hommes et les garçons, un pour les femmes et les filles, et un en éducation, santé et développement social. Cette solide équipe a obtenu d'excellents résultats.

Le système d'éducation communautaire que nous préconisons sera très proche de cela. Nous avons travaillé avec la Première nation Red Earth : les élèves parlent cri pendant les deux premières années, avec l'anglais comme langue seconde, et la troisième année, c'est l'inverse. Ces élèves ont de très bons résultats au niveau secondaire et à l'université.

Avec ma femme, j'ai mis au point, et ça nous a pris 10 ans, un programme de formation de spécialistes pour un gouvernement des Premières nations. Nous en avons fait la publicité et nous avons reçu 345 demandes en l'espace d'une semaine. Nous avons sélectionné 45 étudiants.

Pour la première année, nous avons reçu du financement de la province et du fédéral. Une fois qu'ils se sont rendu compte de ce que nous enseignions — c'est ce que je vous ai décrit tout à l'heure —, ils ont supprimé tout notre financement, ce qui s'est répercuté sur plus de la moitié de nos étudiants. Vous voyez maintenant ce que je veux dire par intimidation économique et fiscale. C'est ce qu'ils font.

La stratégie communautaire que vous avez vue à Onion Lake, nous l'avons adaptée chez nous. En fait, nous avons complètement épuisé nos instructeurs parce que l'enseignement était personnalisé. Savez-vous ce qui est arrivé? Un jeune homme a fait toutes ses années jusqu'à la neuvième année en deux ans, et il a fait sa première année en anglais à l'université en un an.

Par conséquent, nous sommes capables d'y arriver. Je vous encourage à avoir une vue d'ensemble de toute la situation car ce que vous allez faire va décider du sort de plusieurs générations, et va avoir un impact sur nous.

Le sénateur Raine : Je comprends ce que vous voulez dire, et tout ce que vous nous avez dit dans votre exposé. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser, en vous écoutant, à ce qu'un chef ou un aîné nous a dit, à savoir que nous descendions la même rivière, mais dans deux canoës différents. Que nous avons tous la même destination, et que, si nous nous heurtons à des difficultés, nous devons nous entraider. Que ce n'est pas eux et nous. Bref, c'était un message très puissant.

Dans notre comité, nous sommes d'ardents défenseurs des Premières nations et des peuples autochtones du Canada. Mais nous devons aussi avoir une vue d'ensemble de la situation, car nous savons tous que l'argent, il faut aller le chercher dans la poche du contribuable. Et cette poche, elle n'est pas sans fond, surtout dans la conjoncture économique actuelle.

Il nous appartient à nous tous de chercher des solutions pour mieux travailler ensemble et mieux exploiter les possibilités qui se présentent. Certains des modèles qui nous ont été présentés au cours de notre étude vont dans cette direction. Je pense au FNESC en Colombie-Britannique, qui fonctionne, non pas à l'intérieur du système d'éducation provincial, mais en parallèle et, dans la mesure du possible, en collaboration avec ce système. À court terme, c'est la solution. À long terme, il faudra peut-être avoir des programmes complètement séparés, mais à court terme, je pense qu'il faut tous travailler ensemble. Qu'en pensez-vous?

M. Sanderson : Pour ce qui est des accords fiscaux, les fonds dont dispose le fédéral ne viennent pas tous du contribuable. Il y a des taxes et des redevances qui proviennent de ressources que nous sommes censés partager et qui, en fait, représentent la majeure partie de ces fonds.

Le produit de l'impôt sur le revenu, par exemple, ne suffit même pas à financer la subvention dont je parlais tout à l'heure, pour l'aide au logement et à la nourriture, que le fédéral verse aux provinces et aux territoires, y compris le Nunavut. Alors il pourrait difficilement financer vos systèmes de gouvernement — le municipal, le provincial et le fédéral.

Tout récemment, nous avons calculé combien coûtaient un député, un sénateur et un député provincial. Pour un député, c'est plus de 1 million de dollars. Pour un sénateur, c'est près de 900 000 dollars, et la même chose pour un député provincial. En moyenne, la pension de retraite d'un député est de 176 000 dollars par an. Un député qui a siégé dans l'opposition toute sa vie touche 126 000 dollars par an. J'ai fait de la politique indienne pendant 50 ans, et je ne touche pas un sou. Et vous me dites que ça coûte beaucoup d'argent? C'est ça qui coûte de l'argent.

En Saskatchewan, je préside le groupe de travail Medicine Chest sur la prise en charge de la santé des Indiens par les Indiens. Nous n'arrivons pas à avoir le moindre cent du fédéral ou de la province. Pourtant, la province, qui consacrait il y a 20 ans 45 p. 100 de son budget à l'éducation et 20 p. 100 à la santé, en consacre aujourd'hui 20 p. 100 à l'éducation et 45 p. 100 à la santé. Ce n'est pas à cause du vieillissement de la population indienne, c'est à cause du vieillissement de la population... non indienne.

C'est vraiment deux poids, deux mesures, et il faut le reconnaître. Ce n'est pas moi qui en suis à l'origine, mais je voudrais corriger cela. C'est ma réponse.

On peut trouver des solutions pour financer l'éducation des Indiens. Je viens de vous en donner un exemple. Pourquoi supprime-t-on l'aide au logement et à la nourriture lorsqu'une famille quitte la réserve pour que les enfants puissent poursuivre leurs études? Pourquoi ne pas maintenir ce financement supplémentaire destiné au logement, à la nourriture, au transport et à d'autres choses? Mais ces fonds sont liés au budget du développement social, et non au budget de l'éducation.

Nous avons besoin d'expertise dans le secteur de l'éducation. On pourrait aller chercher du financement dans le secteur de la santé. Nous pouvons vous être utiles. Je pense que nous devons travailler ensemble et poursuivre les mêmes objectifs.

M. Steeves : Sénateur, vous nous avez demandé des suggestions précises, et je vais vous en faire trois. Premièrement, il faut financer davantage la formation d'enseignants pour les Premières nations et les Métis, et créer davantage de places de formation; c'est une question très importante. Deuxièmement, il faut offrir aux enseignants plus de stabilité au niveau de leur poste, de leur salaire et des conditions de travail. C'est une question très importante. Troisièmement, il faut trouver une approche novatrice à la question de la gouvernance, faute de quoi nous ne pourrons pas vraiment nous attaquer aux autres problèmes.

Le président : Merci, monsieur Steeves et monsieur Sanderson.

Puisqu'il n'y a pas d'autre question à régler, je déclare que la séance est levée.

(La séance est levée.)


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