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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 15 - Témoignages - 23 novembre 2010


OTTAWA, le mardi 23 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis ainsi que d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : revendications particulières).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, je vois que nous avons le quorum. Bonjour et bienvenue aux honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent la présente séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur les ondes de la CPAC ou sur le Web.

Je m'appelle Gerry St. Germain et je suis de la Colombie-Britannique. J'ai l'honneur et le privilège de présider le comité. Le mandat du comité consiste à examiner les lois et les questions qui concernent les peuples autochtones du Canada en général.

En mai 2006, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une vaste étude sur la politique et le mécanisme de règlement des revendications particulières. Les revendications particulières découlent de l'administration supposément inadéquate des terres ou des fonds des Premières nations (bandes indiennes de plein droit) visés par la Loi sur les Indiens ou du non-respect présumé des traités.

De juin à novembre 2006, des membres des Premières nations et d'autres témoins de toutes les régions ont mis en relief les importantes lacunes du régime existant. Dans son rapport final de décembre 2006, intitulé Négociation ou affrontement : Le Canada a un choix à faire, le comité sénatorial a fait état de leurs préoccupations, signalant que la plupart des témoins préconisaient l'établissement d'un organisme indépendant chargé de régler les revendications particulières au moyen d'un effort concerté des Premières nations et du Canada, ainsi que l'amélioration des procédures d'AINC et du ministère de la Justice et l'augmentation des ressources affectées au règlement des revendications particulières. Je précise qu'AINC signifie Affaires indiennes et du Nord Canada.

Le 12 juin 2007, le premier ministre a annoncé un plan d'action visant à réformer le régime de règlement des revendications particulières. Faisant écho aux recommandations du comité sénatorial, le plan d'action proposait pour l'essentiel : de créer un tribunal grâce auquel des juges impartiaux allaient régler les revendications en cas d'impasse dans les négociations; de mettre de côté 250 millions de dollars par année pour la prochaine décennie afin de financer le règlement des revendications; d'améliorer le traitement des revendications; et d'améliorer le mécanisme actuel de règlement des différends de la Commission sur les revendications particulières des Indiens.

Par conséquent, on a déposé, le 27 novembre 2007, le projet de loi C-30 : Loi sur le Tribunal des revendications particulières. Le projet de loi a reçu la sanction royale le 18 juin 2008 et est entré en vigueur le 16 octobre 2008. Nous sommes ici ce matin pour faire le point sur les progrès accomplis concernant le règlement des revendications particulières depuis l'adoption de la loi.

Chers collègues, notre comité entendra deux témoins d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Patrick Borbey est sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone. Anik Dupont est directrice générale, Revendications particulières.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents.

[Traduction]

Le sénateur Roméo Dallaire est du Québec. Sont aussi présents le sénateur Larry Campbell, de la Colombie- Britannique; le sénateur Nancy Greene Raine, également de la Colombie-Britannique; le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut; le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Rose-May Poirier, du Nouveau- Brunswick; le sénateur Patrick Brazeau, du Québec; et le sénateur Jacques Demers, du Québec.

Mesdames et messieurs les membres du comité, veuillez vous joindre à moi pour accueillir nos témoins, M. Borbey et Mme Dupont. Je crois savoir, monsieur Borbey, que vous voulez présenter un exposé au comité. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions, si vous êtes disposé à y répondre.

Patrick Borbey, sous-ministre adjoint principal, Traités et gouvernement autochtone, Affaires indiennes et du Nord Canada : Volontiers.

Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité aujourd'hui. Ce matin, je suis accompagné par Mme Anik Dupont, directrice générale, Revendications particulières, Traités et gouvernement autochtone.

[Français]

La dernière fois que Affaires indiennes et du Nord Canada a comparu devant ce comité pour discuter de la question des revendications particulières, c'était en mars dernier, alors que mon prédécesseur, Michel Roy, était toujours en poste.

Ce matin, j'aimerais profiter de ma présence devant le comité pour vous informer des progrès réalisés depuis la mise en œuvre de l'initiative, La justice enfin, et de ceux qui seront accomplis au cours des prochains mois.

[Traduction]

Pour débuter, j'aimerais vous décrire le travail auquel nous nous sommes livrés dans le dossier du Tribunal des revendications particulières. J'aimerais vous rappeler que les premières nominations au tribunal ont été annoncées en novembre 2009. Les trois membres actuels — le juge Harry Siade, qui en est le président, le juge Patrick Smith et la juge Johanne Mainville — se sont concentrés sur l'évaluation de la nature et de la portée possible des instances afin de déterminer ce qu'elles exigeront des membres du tribunal et d'ainsi établir les règles de pratique et de procédure qui régiront le mode de fonctionnement du tribunal.

[Français]

En avril, Mme Dumont et les membres de son équipe ont rencontré les membres du tribunal pour leur fournir de l'information sur la nature des revendications particulières et le nombre de revendications déposées dans l'ensemble du pays. Pour aider le tribunal à planifier le travail, des renseignements supplémentaires lui ont été fournis par écrit en juin dernier.

[Traduction]

En mai, le président a publié une première version des règles de pratique et de procédure, accompagnée d'un appel de commentaires, sur le site Web du greffe du Tribunal des revendications particulières.

Le Canada a formulé des commentaires détaillés et, le 5 octobre 2010, nous avons assisté à une réunion d'une journée du Comité consultatif sur les règles, convoquée par le président, afin de discuter des règles provisoires de pratique et de procédure.

Le Canada, représenté par le ministère de la Justice, était l'un des 11 intervenants qui ont assisté à la réunion du comité. Les autres participants étaient : l'Assemblée des Premières nations, l'Association du Barreau canadien, l'Association du Barreau Autochtone, la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, la nation Anishinabek, le Conseil tribal Mamuitun, l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique et le Conseil tribal de la nation Nlaka'pamux, de même que plusieurs cabinets d'avocats représentant des Premières nations dans le cadre de revendications particulières.

Depuis octobre, le Canada a commenté la deuxième version des règles. Il est entendu qu'une fois ces règles approuvées et bien établies, le tribunal entrera en fonction.

[Français]

Le 30 septembre 2010, le président du tribunal a présenté le premier rapport annuel du Tribunal des revendications particulières au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ce rapport annuel devrait être déposé devant les deux chambres du Parlement sous peu.

[Traduction]

Finalement, en ce qui concerne le tribunal, le premier mandat des trois juges se terminera à la fin de novembre. Il est entendu que les trois membres souhaitent que leur mandat soit renouvelé. Le processus de nomination relève de la compétence du ministre de la Justice et du Procureur général du Canada.

[Français]

J'aimerais maintenant parler des progrès réalisés à l'égard du traitement de l'inventaire des revendications particulières. J'expliquerai comment nous traitons des revendications pendant les phases d'évaluation et de négociation relatives au processus des revendications particulières. Aussi, je vous ai remis un certain nombre de graphiques qui illustrent le progrès que nous avons accompli à l'égard du traitement et du règlement des revendications particulières.

[Traduction]

On compte actuellement 380 revendications à l'étape de l'évaluation et 177 revendications faisant l'objet de négociations, pour un total de 557. Ce nombre comprend les revendications déposées auprès du ministre à l'entrée en vigueur de la loi, et qui font donc partie de l'inventaire des revendications en souffrance, et celles reçues depuis le 16 octobre 2008.

Depuis avril, nous avons reçu 33 nouvelles revendications. Je suis heureux de vous annoncer que nous continuons de respecter nos engagements publics concernant l'achèvement de l'examen préalable des nouvelles revendications dans les six mois suivant leur réception. Sur les 33 revendications reçues, 21 ont été déposées auprès du ministre. Six autres ne l'ont pas été et ont été renvoyées aux requérants des Premières nations, accompagnées d'une explication détaillée des raisons pour lesquelles leur revendication ne respectait pas la norme minimale établie par le ministre conformément à la Loi sur le Tribunal des revendications particulières.

[Français]

Entre le 1er avril et le 3 septembre 2010, nous avons procédé à l'examen historique et juridique de 59 revendications. En s'appuyant sur ces évaluations, le ministre a accepté de négocier 29 revendications et a informé les Premières nations que 30 revendications ne seraient pas acceptées pour négociations.

[Traduction]

De sérieux progrès ont été réalisés à l'égard des règlements négociés. Depuis avril, six ententes de règlement ont été ratifiées, pour une indemnisation totale de 273 millions de dollars. Récemment, nous avons réglé trois revendications, soit la revendication de la Première nation de Peguis relative à la cession de 1907, d'une valeur de 126 millions de dollars, et les revendications particulières de la Première nation des Mississaugas de New Credit relative à la parcelle de Brant et à l'achat de Toronto, d'une valeur totale de 145 millions de dollars. Il s'agit des plus importantes revendications jamais réglées à ce jour.

Vendredi dernier, le 19 novembre, le ministre se trouvait à Fort William pour annoncer le règlement de la revendication relative aux limites de la réserve de la Première nation de Fort William et de la revendication particulière de la Première nation de Fort William relative à la cession de Neebing. La somme prévue dans l'entente de règlement de ces revendications atteint plus de 171 millions de dollars.

Un meilleur accès à des services de médiation facilitera la négociation de règlements. Afin d'offrir un meilleur accès aux services de médiation, une unité spéciale de médiation a été créée au sein de notre secteur. L'unité s'emploie actuellement à définir les critères de sélection des médiateurs indépendants qui offriront leurs services, avec le consentement des parties, pendant la négociation des revendications. Ces critères de sélection serviront à créer une liste de médiateurs auxquels les tables de négociation pourront rapidement et facilement faire appel. L'Assemblée des Premières nations a été invitée à participer au processus de définition des critères de sélection et à l'établissement de la liste.

[Français]

En conclusion, je peux vous parler brièvement de ce que nous réserve la prochaine année. Comme vous le savez, la Loi sur le Tribunal des revendications particulières prévoit un délai de trois ans pour l'évaluation et trois ans pour la négociation de revendications particulières. Des plans ont été élaborés pour assurer le respect de ces délais.

[Traduction]

Tout porte à croire que d'ici le 16 octobre 2011, le ministre aura informé toutes les Premières nations de la décision d'accepter ou non la négociation des 319 revendications en attente. En date du 16 octobre 2011, 96 revendications auront fait l'objet de négociations depuis trois ans. Des plans sont également en place pour s'assurer que les tables qui touchent à leur fin sont dûment mandatées pour conclure des conventions de règlement.

L'initiative « La justice, enfin » a amorcé une réforme fondamentale du processus des revendications particulières. D'après les données disponibles et une observation continue, de nombreux objectifs de la réforme, en particulier à l'égard du traitement plus efficace des revendications, seront atteints. De plus, afin de confirmer le succès de l'initiative, nous avons entamé une évaluation officielle. Cette évaluation formative est en cours et sera suivie, lors du prochain exercice financier, d'une évaluation sommative.

Quoique des progrès considérables aient été réalisés depuis notre dernière comparution devant le comité, il reste beaucoup de travail à accomplir. L'année qui vient sera très chargée. Nous continuerons de faire tout notre possible pour traiter les revendications en souffrance et maintenir un processus efficient, efficace et équitable afin de traiter et de régler toutes les revendications.

[Français]

Je vous remercie et ce sera un plaisir pour Mme Dupont et moi de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : Merci d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.

Mes questions portent avant tout sur ce qui s'est passé depuis 2008. Le calendrier fixé par cette loi prévoit en fait que rien ne se passera avant 2011, n'est-ce pas? Il y a un délai de trois ans avant qu'on fasse quelque chose ou que quelqu'un puisse présenter une revendication en vertu de cette loi. C'est bien cela?

M. Borbey : Non, nous évaluons et nous négocions déjà des revendications. Toutefois, nous jouissions d'un délai de trois ans pour respecter le calendrier prescrit par la loi. Nous espérons que le tribunal entrera en fonction avant l'expiration de ce délai.

Le sénateur Campbell : Devrons-nous attendre à 2011 avant que des revendications aient franchi toutes les étapes?

M. Borbey : Non, toutes les revendications sont encore à l'étude. Le tribunal chargé de statuer sur les revendications qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement ou qui n'ont pas encore été acceptées à des fins de négociation — si les Premières nations désirent adresser ces revendications au tribunal — n'est pas encore opérationnel.

Le sénateur Campbell : Combien de revendications sont-elles prêtes à être présentées au tribunal?

M. Borbey : Nous ne possédons pas ces renseignements parce qu'il revient aux Premières nations de décider de choisir de s'adresser au tribunal ou non.

Le sénateur Campbell : Certaines l'ont-elles fait?

M. Borbey : Pas que nous sachions.

Le sénateur Campbell : N'a-t-on pas déposé de nouvelles revendications?

M. Borbey : Aucune revendication n'a été adressée au tribunal. Pour l'instant, on traite et on négocie les revendications en recourant au processus habituel.

Le sénateur Campbell : C'est là où je veux en venir. Même si je voulais présenter une revendication, il n'existe aucun tribunal apte à instruire l'affaire.

M. Borbey : Le tribunal est un dernier recours pour les Premières nations. Il existe encore un processus de négociation.

Le sénateur Campbell : J'ai une revendication, le ministre dit qu'elle ne sera pas acceptée et je veux m'adresser au tribunal. Cela fait trois ans. Qu'arrive-t-il — est-ce que je peux dès maintenant m'adresser au tribunal?

M. Borbey : Non, le tribunal n'est pas opérationnel. C'est un organisme indépendant qui est en train de s'organiser. Il faudrait s'adresser au personnel du tribunal pour savoir quand il sera en mesure d'instruire certaines des affaires relatives aux revendications.

Le sénateur Campbell : J'ai l'impression que nous tournons en rond. Permettez-moi de revenir à cette question. En fait, les délais fixés dans la loi ne signifient-ils pas qu'aucun requérant ne pourra déposer une revendication auprès du tribunal avant octobre 2011?

Anik Dupont, directrice générale, Revendications particulières, Affaires indiennes et du Nord Canada : Une Première nation dispose de quatre possibilités pour s'adresser au tribunal. Le premier cas est celui d'un refus par le ministère, c'est-à-dire le ministre; si la revendication n'a pas été acceptée, on peut s'adresser au tribunal.

Les évaluations des revendications ne durent pas toutes trois ans. Même si nous avons déjà opposé un refus à certaines d'entre elles, il est possible, en théorie, de s'adresser au tribunal dès maintenant. Il n'est pas nécessaire d'attendre que la période de trois ans soit écoulée avant de saisir le tribunal d'une revendication.

Le sénateur Campbell : Combien de revendications a-t-on refusées?

Mme Dupont : À ce jour, on a refusé une centaine de revendications.

Le sénateur Campbell : Si on a refusé ma revendication et que je veux m'adresser au tribunal, comment puis-je le faire si ce tribunal n'a pas encore été mis sur pied?

M. Borbey : Comme je l'ai dit précédemment, le tribunal est un organisme indépendant. Il élabore actuellement ses règles et procédures. Une fois celles-ci adoptées, il pourra ouvrir ses portes et commencer à instruire des affaires.

Le sénateur Campbell : Le projet de loi C-30, Loi sur le Tribunal des revendications particulières, a été déposé le 27 novembre 2007. Nous sommes en 2010. Que s'est-il passé au cours des trois dernières années?

M. Borbey : Nous avons fait notre travail, c'est-à-dire traiter les revendications aussi rapidement que possible en respectant les délais; cela comporte l'évaluation et la recherche, ainsi que la négociation des revendications. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous avons réussi à négocier un certain nombre de revendications; nous en avons réglé certaines; et nous avons réduit considérablement le nombre de revendications en attente. Lorsque votre comité étudiait la question, plus de 800 revendications étaient en souffrance; il en reste moins de 400.

Le sénateur Campbell : Vous avez réglé 400 revendications?

M. Borbey : Nous les avons réglées ou nous les avons retournées aux Premières nations parce qu'elles ne satisfaisaient pas à la norme minimale fixée par la loi.

Le sénateur Campbell : Combien en avez-vous retournées?

Même si la loi a été adoptée en novembre 2007, c'est à cause du tribunal lui-même que celui-ci ne siège pas encore — cela n'a rien à voir avec votre ministère, n'est-ce pas? C'est que le tribunal est en train de se mettre sur pied depuis novembre 2007; est-ce bien cela?

M. Borbey : Oui, il vient tout juste de déposer au Parlement son RMR, son rapport ministériel sur le rendement; on y décrit la démarche de création du tribunal. Son rapport annuel sera déposé au Parlement sous peu; il y sera aussi question des progrès accomplis.

Le sénateur Campbell : J'attendrai de prendre connaissance des chiffres, monsieur le président.

Le sénateur Patterson : Je ne siégeais pas au comité lorsque le rapport a été rédigé, de sorte que je pose peut-être certaines questions élémentaires. La première porte sur les frais de recherche et les frais juridiques des Premières nations.

Je crois comprendre que, lorsque le Parlement étudiait le projet de loi, on prévoyait que le tribunal pourrait verser de l'argent aux requérants, soit les Premières nations ayant saisi le tribunal d'une revendication, pour leur permettre de mener des recherches et de payer leurs frais juridiques. Pouvez-vous me dire si l'on a affecté des fonds à cette fin et, le cas échéant, combien? Les Premières nations qui ont saisi le tribunal de leurs revendications peuvent-elles toucher cet argent pour payer leurs frais juridiques et leurs frais de recherche?

M. Borbey : Premièrement, les Premières nations ont accès à des fonds dans le cadre du processus de négociation d'une revendication. Nous gérons ce mécanisme pour les aider à acquitter leurs frais de négociation. Toutefois, en ce qui a trait au tribunal, c'est lui qui est chargé d'offrir un tel soutien et il dispose de crédits, dans son financement de base, pour ce faire.

Le sénateur Patterson : Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet, maintenant ou plus tard?

M. Borbey : Comme je l'ai dit, le tribunal est un organisme indépendant qui gère son budget. Je ne possède pas ces renseignements. Son RMR présente une certaine ventilation du budget selon les activités de l'année écoulée.

Le sénateur Patterson : Qu'est-ce que le RMR?

M. Borbey : Il s'agit du Rapport ministériel sur le rendement, qui est déposé chaque année au Parlement. Pardon, c'est le document qui accompagne le Rapport sur les plans et les priorités. Le greffier du tribunal dépose les deux documents puisqu'il s'agit d'un organisme indépendant.

Le sénateur Patterson : Et cela n'a pas encore été fait?

M. Borbey : Le ministre dépose les deux documents dans le cadre du processus habituel d'examen des prévisions budgétaires. Je crois que le président du Conseil du Trésor a déposé le RMR il y a quelques semaines.

Le sénateur Patterson : Merci beaucoup.

Vous avez décrit le processus de consultation relatif aux règles, ce qui est très bien. Je crois que vous avez indiqué que le ministère intervenait dans l'établissement des règles, si j'ai bien compris les commentaires du Canada. Je me demande simplement si ce sont les Affaires indiennes qui sont intervenues au nom du gouvernement dans l'établissement des règles? Avez-vous eu votre mot à dire sur les règles qu'est en voie d'adopter le tribunal?

M. Borbey : Nous avons collaboré avec le ministère de la Justice, qui défend la position du Canada et formule les commentaires concernant les règles. Nous avons participé à ces consultations et nous avons formulé nos commentaires. Puisque nous participerons, à terme, au processus d'examen par le tribunal, lorsque celui-ci sera fonctionnel, il est évident que nous nous intéressons à ces règles et procédures.

Le sénateur Patterson : Peut-on consulter ces positions qu'a prises votre ministère par l'entremise du ministère de la Justice — vos commentaires sur les règles?

M. Borbey : Je ne crois pas qu'il s'agisse de documents publics.

Le sénateur Patterson : Où en sommes-nous en ce qui a trait à la mise au point définitive des règles? Elles sont nécessaires pour que le tribunal puisse commencer ses activités. Touchons-nous au but?

M. Borbey : Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, nous avons communiqué au tribunal une deuxième série de commentaires. Il revient à ses membres de réunir tous les commentaires reçus des parties intéressées. Il y a un processus d'approbation à respecter. Les commentaires doivent être publiés comme il se doit dans la Gazette du Canada; le tribunal devra donc le faire une fois les consultations achevées. Nous espérons qu'elles se termineront bientôt.

Le sénateur Patterson : Qui paie les salaires des juges?

M. Borbey : Cela relève du ministère de la Justice.

Le sénateur Patterson : Cette question a-t-elle été étudiée et réglée?

M. Borbey : Je ne peux répondre au nom du ministère de la Justice.

Le sénateur Patterson : On pourrait présumer que les juges sont...

M. Borbey : Je suppose. Cela dépend aussi du nombre de juges; il faut en outre déterminer combien on devra nommer de juges pour gérer les revendications en attente et accomplir le travail.

Le sénateur Stewart Olsen : J'ai consulté vos graphiques et je veux vous féliciter pour les progrès accomplis. C'est plutôt impressionnant. En 2008, le nombre de revendications en attente était considérable, et vous en avez réglé beaucoup. Je crois que les règlements négociés sont la meilleure solution.

Pouvez-vous en conclure que les Premières nations font confiance au processus et qu'elles optent pour la négociation plutôt que le recours aux tribunaux? Quelle est, à votre avis, la perception globale des bandes indiennes?

M. Borbey : J'hésite à faire des commentaires. Je ne suis pas en poste depuis très longtemps, mais j'ai été témoin de règlements plutôt impressionnants récemment. Je dirais que les Premières nations qui ont négocié un règlement sont plutôt satisfaites du processus de négociation. Toutefois, je ne saurais me prononcer sur la façon dont les autres perçoivent le processus ou sur ce qu'elles en pensent.

Mme Dupont : Je crois que la démarche a été très positive. Les Premières nations constatent les progrès accomplis. Elles formulent des commentaires favorables concernant les résultats.

Elles se sont dites très satisfaites.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci pour ces renseignements.

Je sais qu'il y a encore beaucoup de travail à accomplir, mais je tiens à vous féliciter pour ce qui a déjà été fait. Je sais que c'est un processus difficile. Il semble très bien se dérouler; nous sommes vraiment en voie de régler ce problème qui perdure. Merci.

Le sénateur Brazeau : J'aimerais obtenir quelques précisions.

Lorsqu'une revendication est rejetée par Affaires indiennes et du Nord Canada et que le tribunal en est saisi, est-il vrai qu'on ne peut présenter aucune nouvelle preuve ou qu'on ne peut plus invoquer la jurisprudence? En gros, il tout à fait impossible de modifier la revendication.

M. Borbey : C'est effectivement le cas pour une revendication adressée à notre ministère. Si une Première nation veut ajouter de nouveaux renseignements, elle doit reprendre la démarche.

Dans ses règles et ses procédures, le tribunal déterminera comment il traitera les nouvelles preuves. Nous ne pouvons vraiment formuler de commentaires à ce sujet.

Le sénateur Brazeau : Si elle doit tout reprendre depuis le début, quel est alors le délai et combien en coûte-t-il à la Première nation pour, essentiellement, tout recommencer?

M. Borbey : Le ministère remet les pendules à zéro lorsqu'une Première nation présente une nouvelle demande.

Mme Dupont : Si la Première nation choisit de déposer une nouvelle revendication fondée sur de nouveaux renseignements, nous ne reprenons pas la démarche depuis le début. Nous examinons le dossier et nous déterminons ce qui a changé par rapport à la première demande. Toutefois, il s'agit bel et bien d'une nouvelle demande qui est traitée comme telle, de sorte qu'on recommence avec un nouveau délai de trois ans.

Le sénateur Brazeau : Combien pourrait-il en coûter à une Première nation pour présenter une nouvelle revendication?

Mme Dupont : Cela varie d'une Première nation et d'une revendication à l'autre, selon le type de revendication. Toutefois, la Première nation peut obtenir un prêt. Une fois le règlement négocié, le prêt est remboursé sur la somme octroyée à titre de règlement. Par conséquent, la Première nation contracte un prêt jusqu'au moment du règlement et, une fois la revendication réglée, le prêt est remboursé.

Le sénateur Raine : Merci d'être venus nous rencontrer.

J'aimerais que vous précisiez la situation actuelle des juges qui ont accepté de siéger au tribunal. Il s'est écoulé un certain temps et, que je sache, ils sont nommés pour un mandat précis. Si le mandat est terminé, ont-ils accepté de le renouveler?

Comment procède-t-on pour nommer ces juges? Nous croyons comprendre qu'il existe un comité de travail. Un comité de travail est-il chargé de la nomination des juges? Qui siège à ce comité et comment fonctionne-t-il?

M. Borbey : Ce processus est géré par le ministère de la Justice et relève du ministre de la Justice. C'est donc dire que nous ne participons pas directement au choix ou à la nomination des juges. Je sais qu'il y a actuellement trois juges et que leur mandat est sur le point de prendre fin. Le ministre de la Justice étudie le renouvellement de ce mandat.

Lorsque le tribunal s'apprêtera à entrer en fonction, nous envisagerons la nomination d'un plus grand nombre de juges pour compléter l'effectif du tribunal.

Le sénateur Raine : Est-il possible, à votre avis, que le début des activités du tribunal, prévu pour 2011, soit retardé? On ne prévoit pas de retards n'est-ce pas?

M. Borbey : Nous espérons qu'il n'y en aura pas, et nous mettons tout en œuvre pour nous en assurer.

Je rappelle que le tribunal est un organisme indépendant et que nous ne pouvons vraiment répondre au nom des juges en ce qui a trait aux moyens qu'ils prennent pour être en mesure d'instruire les revendications.

Le sénateur Raine : Si vous le permettez, j'aimerais aborder un sujet légèrement différent.

Je regarde la liste que vous nous avez fournie où l'on présente le nombre de revendications particulières, sous les rubriques « à l'étude », « recherche » et « conclues ». Je peux lire « réglée par négociations », 337; « aucune obligation légale », 235; et « dossier fermé », 243.

Le total des deux derniers chiffres est de 478; il s'agit de revendications qui sont prêtes à être portées devant le tribunal afin que l'affaire soit entendue. Ai-je bien compris?

Mme Dupont : Non. Il s'agit du total cumulatif depuis le début du processus. La loi prévoit que, si la revendication n'a pas été acceptée avant l'entrée en vigueur de la loi, on ne peut s'adresser au tribunal. Par conséquent, seules les revendications qui n'ont pas été acceptées depuis l'entrée en vigueur de la loi y ont accès — on parle d'une centaine de revendications — depuis le 16 octobre.

Le sénateur Raine : Vous dites que, dans certains cas, une Première nation a présenté une revendication particulière qui a été refusée soit parce qu'il n'y avait « aucune obligation légale » ou que c'était un cas de « dossier fermé ». Je ne sais pas ce qu'on entend par « dossier fermé ».

Mme Dupont : On ferme parfois le dossier lorsque la Première nation ne veut pas poursuivre la revendication pour une quelconque raison. Il se peut qu'elle intente une action en justice, de sorte que nous fermons le dossier de la revendication particulière. Il se peut que le dossier soit renvoyé à un autre processus s'il ne correspond pas aux paramètres de la politique sur les revendications particulières. C'est dans des cas semblables qu'on ferme un dossier.

Le sénateur Raine : Nous devrions donc nous pencher sur la rubrique « aucune obligation légale »; dans un tel cas, le gouvernement rejette essentiellement la revendication.

Mme Dupont : Il n'y avait pas d'obligation légale.

Le sénateur Raine : Il se pourrait que la plupart des Premières nations ne soient pas de cet avis. Vous dites que, parce qu'elles ont présenté leur revendication avant la création du tribunal, elles ne peuvent s'adresser au tribunal. Peuvent- elles reprendre la démarche depuis le début?

Mme Dupont : Oui.

Le sénateur Raine : Sont-elles tenues de le faire?

Mme Dupont : Oui, elles peuvent recommencer.

Le sénateur Raine : Logiquement, selon moi, 235 revendications pourraient être présentées à nouveau.

M. Borbey : Lorsque nous rejetons une revendication, nous fournissons une explication détaillée, avec jurisprudence à l'appui, des raisons pour lesquelles il n'y a aucune obligation légale. Dans de nombreux cas, on finit par accepter la décision. Quoi qu'il en soit, il est effectivement possible de s'adresser au tribunal ou de reprendre le processus.

En cas de reprise du processus, nous avons déjà effectué la recherche; il est donc possible d'en arriver plus rapidement à la décision d'accepter ou de rejeter la revendication.

Le sénateur Dallaire : Vous disposez de ce fonds de 2,5 milliards de dollars sur 10 ans, qui est de l'argent frais pour le ministère. Cet argent est bel et bien ajouté à votre budget de référence?

Mme Dupont : Oui.

M. Borbey : Toutefois, il s'agit d'une enveloppe distincte réservée aux revendications particulières.

Le sénateur Dallaire : Cet argent ne provient donc pas de votre budget.

M. Borbey : Non.

Le sénateur Dallaire : Lorsque vous réglez une revendication, quelle est la responsabilité d'AINC à l'égard de l'organisation de la Première nation concernant les suites à donner à la revendication?

M. Borbey : Le règlement comprend une renonciation complète à toute responsabilité future; la revendication est réglée et nous insistons sur cette renonciation.

La Première nation doit créer un fonds de fiducie assorti de mesures de contrôle relatives à la gestion de l'argent. Normalement, le règlement comprend aussi l'approbation, par les membres de la Première nation, de la création de ce fonds.

Une fois le fonds de fiducie créé, l'argent y est déposé par le ministère. Par la suite, la Première nation gère son argent de façon tout à fait autonome. Nous n'avons absolument aucun rôle à jouer.

Le sénateur Dallaire : Étant donné que dans le passé certaines règlements ont porté sur la construction d'infrastructures et de choses du même ordre, ainsi que sur les besoins en éducation, en programmes sociaux, en distribution d'eau, en logements et cetera, est-ce qu'AINC est relevé de ces responsabilités? Font-elles désormais partie des règlements des revendications?

M. Borbey : Non, la Première nation demeure admissible à tous nos programmes de soutien dans les réserves. Elle peut toutefois bonifier ces programmes en y ajoutant ses propres fonds. C'est à elle de choisir, mais elle demeure admissible à tous nos programmes.

Le sénateur Dallaire : Les règlements antérieurs prévoyaient un examen quinquennal du règlement. Est-ce toujours le cas?

M. Borbey : Je crois que cela s'applique au processus de revendications globales. C'est un processus différent. Une revendication particulière porte sur une erreur ou un préjudice antérieur qu'on souhaite corriger, tandis qu'une revendication globale porte sur le règlement des droits relatifs à un territoire qui n'est pas assujetti à un traité.

Le sénateur Dallaire : Ce règlement est un règlement financier ponctuel qui n'a aucune influence sur les responsabilités d'AINC à l'égard des Premières nations : elles existaient déjà et continueront, ou devraient continuer, d'exister par la suite, n'est-ce pas?

M. Borbey : Oui, et il pourrait y avoir certaines répercussions à l'avenir. Par exemple, si une Première nation obtenait le droit, dans le cadre du règlement, d'agrandir sa réserve, le ministère participerait à cette démarche en gérant cet agrandissement. Là encore, l'achat des terres se ferait de gré à gré entre la Première nation et le vendeur. Ces terres devraient aussi être contiguës à celles terres de la réserve pour pouvoir y être annexées.

Dans certains cas, lorsque la province est partie au règlement de la revendication, elle peut céder des terres de la Couronne qui relèvent d'elle. Selon les critères, certaines de ces terres pourraient être ajoutées à la réserve. Le cas échéant, nous collaborerions avec la Première nation durant cette démarche, et ces terres seraient assujetties aux dispositions de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Dallaire : Maintenant que vous commencez à conclure des règlements et compte tenu des sommes considérables qui sont versées à la bande ou à la structure en place, avez-vous constaté une modification, plus précisément une réduction, des crédits accordés à AINC concernant n'importe laquelle de ses responsabilités?

M. Borbey : Non, il n'y a aucune relation entre les deux.

Le sénateur Dallaire : Qu'il y ait ou non une relation, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu de dotation. Je veux savoir si, à votre connaissance, il y a eu une réduction des services ou du financement, quelle qu'elle soit, dans les domaines touchés par ces règlements, en ce qui a trait aux responsabilités d'AINC, qui n'ont pas subi de modification?

M. Borbey : Je n'en connais pas et il ne devrait pas y en avoir.

Le sénateur Dallaire : Il ne devrait pas y en avoir. Bien.

Le président : Je crois comprendre, monsieur Borbey, que les 250 millions de dollars par année affectés au règlement des revendications particulières par le tribunal sont réservés strictement à l'audition des affaires par le tribunal, n'est-ce pas? Vous avez signalé qu'il y avait eu un règlement de 171 millions de dollars en Ontario ainsi que d'autres règlements. Cet argent provient-il des 2,5 milliards de dollars?

M. Borbey : Oui, tous les règlements — qu'ils découlent de la négociation de revendications par le ministère ou qu'ils soient imposés par le tribunal à l'avenir — seront financés sur cette enveloppe.

Le président : Je croyais que ces 250 millions de dollars constituaient un fonds destiné exclusivement aux revendications qui allaient faire l'objet d'un examen par le tribunal et que toute somme supérieure à 150 millions de dollars allait devoir être approuvée par le Cabinet.

M. Borbey : Oui, il existe un processus distinct pour toute revendication supérieure à 150 millions de dollars. Il faut s'adresser au Cabinet dans ces cas-là. Toutefois, chaque règlement, qu'il s'agisse d'un règlement négocié ou d'un règlement fixé par le tribunal, sera financé sur des fonds réservés à cet effet, soit les 2,5 milliards de dollars sur 10 ans.

Le président : D'accord.

Le sénateur Dallaire : C'est le même fonds, mais on doit s'adresser au Cabinet parce que la somme est supérieure à 250 millions de dollars.

M. Borbey : Dans le cas de Fort William, le montant est supérieur à 150 millions de dollars, mais il y a deux revendications. J'ai mentionné la revendication relative à Neebing et celle concernant les limites de la réserve de Fort William; il existe donc deux revendications différentes et nous avons annoncé leur règlement en même temps. C'est pourquoi on dépasse le seuil des 150 millions de dollars.

Le président : J'avais cru comprendre que, lorsqu'on a fait cette démarche et créé le tribunal, les 250 millions de dollars par année jusqu'à concurrence de 2,5 milliards de dollars s'ajouteraient aux règlements antérieurs. Je suis quelque peu étonné. En théorie, avec 250 millions de dollars par année, vous pourriez régler deux grosses revendications, et le tribunal n'aurait plus d'argent pour régler d'autres revendications.

Comment cela fonctionne-t-il? Pouvez-vous nous expliquer les modalités? Vous avez 171 millions de dollars, ensuite vous avez 126 millions et 145 millions de sorte qu'en théorie, il n'y a plus d'argent. Si le tribunal était opérationnel, d'où proviendrait le financement?

Mme Dupont : Nous gérons les 2,5 milliards de dollars comme un fonds, de concert avec le Conseil du Trésor et le ministère des Finances. Nous pouvons d'une année à l'autre reporter l'argent que nous ne dépensons pas.

Le président : Je le sais. C'est l'une des recommandations que nous avons formulées, et je crois qu'on l'a intégrée à la loi.

Mme Dupont : Oui, et nous pouvons en plus prélever de l'argent dans les 2,5 milliards de dollars prévus pour les années à venir. Cette année, notre ministère obtiendra l'approbation, par l'entremise du Budget supplémentaire des dépenses, de prélever plus de 200 millions de dollars sur les 2,5 milliards de dollars pour payer les règlements. Nous avons cette souplesse, de sorte que, lorsque le tribunal sera opérationnel et qu'il nous présentera les sommes à verser, nous serons en mesure de gérer le fonds réservé pour les règlements de manière à payer ces sommes. Nous disposerons de la souplesse nécessaire pour dépenser l'argent selon les besoins, en respectant ce délai.

Le président : Avons-nous une estimation de ce que coûteront les règlements dont nous avons connaissance — un chiffre approximatif?

Mme Dupont : Nous avons un passif éventuel équivalent à la valeur de toutes les revendications, soit plus de cinq milliards de dollars.

Le sénateur Sibbeston : J'aimerais savoir si le ministère a vraiment modifié sa mentalité et son approche. Je crois qu'on s'attendait que l'adoption de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières incite le ministère à « mettre les bouchées doubles » pour régler les revendications particulières.

Y a-t-il eu un tel changement de mentalité et d'approche de la part du ministère? Vous dites dans votre rapport que vous devez achever 319 évaluations et 96 négociations au cours des 11 prochains mois. S'agit-il d'une amélioration marquée par rapport aux années précédentes, d'un objectif plus ambitieux? Êtes-vous en mesure d'atteindre cet objectif?

M. Borbey : Mes observations sont fondées sur une relativement courte période puisque je ne suis en poste que depuis quelques semaines. On aborde le règlement des revendications particulières de manière bien définie et très pratique.

Les rapports sont plutôt exhaustifs et ils sont affichés publiquement tous les trimestres, de sorte que les gens puissent constater les progrès accomplis. Je crois que les graphiques dont vous avez pris connaissance montrent que nous avons réduit de moitié environ le nombre de revendications en attente d'examen depuis l'entrée en vigueur de la loi.

AINC et le ministère de la Justice ont obtenu des ressources supplémentaires pour accélérer le processus.

Je peux vous dire qu'il s'agit d'un volet très ciblé et motivant de notre mandat; nous sommes tous très fiers lorsque nous concluons des règlements, comme nous l'avons fait récemment.

Notre ministre y accorde aussi beaucoup d'importance.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Borbey, je ne connais pas vos antécédents, les autres ministères pour lesquels vous avez travaillé ni ce que vous avez fait, mais vous venez d'entrer en fonction. Pouvez-vous nous dire si vous apportez une nouvelle énergie et un nouvel esprit d'initiative à tout cet exercice? Lorsqu'on pense aux « Affaires indiennes », il y a toujours un horizon de 20 ou 30 ans. Rien ne se passe très vite dans ce ministère.

Vous venez d'entrer en scène, si je peux m'exprimer ainsi. Croyez-vous que vous allez adopter cet horizon de 20 à 30 années ou croyez-vous que vous pourrez insuffler une vigueur, une énergie et une vie nouvelles et peut-être obtenir des résultats plus rapidement que d'autres personnes?

M. Borbey : J'ai l'impression de passer à nouveau mon entrevue.

En ce qui a trait à mes antécédents, il y a quatre ans que je suis au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. J'étais le sous-ministre adjoint responsable des affaires du Nord. Au cours de ces quatre années, j'ai certainement fait ma marque dans le Nord; cette région est devenue une priorité d'importance pour le gouvernement et la population canadienne. Nous avons apporté des améliorations impressionnantes aux programmes dans le Nord.

Il y a aussi d'importantes revendications globales et ententes sur l'autonomie gouvernementale dans le Nord. Nous sommes fiers d'avoir réglé les revendications dans la plus grande partie du Nord. Les Premières nations et les Inuits jouissent ainsi de conditions meilleures et différentes.

Par conséquent, mon rôle désormais au sud du 60e parallèle est de tabler sur cette énergie pour aider les Premières nations et les Canadiens à forger une relation nouvelle et différente, qu'il s'agisse de régler les griefs historiques par l'entremise de revendications particulières ou de réaliser des progrès concernant les revendications globales et l'autonomie gouvernementale.

Je suis conscient que tout cela prend du temps. Les négociations sont complexes. Tant mieux si nous pouvons accélérer le travail avec les Premières nations. Je crois que la rigueur qu'impose la loi, en fixant des délais, est un changement important et motivant.

J'ai participé à l'étude de l'imposition de calendriers dans le cadre d'un régime de réglementation dans le Nord, ce qui est prévu dans la Loi sur le Nunavut qu'étudie le Parlement. Je crois que les calendriers, une fois mis en place et financés, sont une bonne façon de s'assurer qu'il existe un dynamisme suffisant pour accélérer la démarche et ne pas traîner les choses en longueur. Personne n'a intérêt à ce qu'on prenne trop de temps : ce n'est pas dans notre intérêt, ni dans celui de la population canadienne ou celui des Premières nations. C'est ce que j'espère apporter à ce travail.

Le président : J'ai une petite question. Lorsque nous avons étudié ce sujet précis dans le passé, le ministère se faisait prier pour communiquer des données de recherche aux Premières nations. Les Premières nations étaient contraintes de mener elles-mêmes des recherches pour obtenir des renseignements que le ministère possédait déjà. Il y avait chevauchement, et les coûts étaient faramineux. Seuls les avocats et les consultants gagnaient de l'argent.

La situation a-t-elle changé?

M. Borbey : Oui, j'invite ma collègue à vous faire part de ses commentaires.

Mme Dupont : Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, il y avait énormément de chevauchement dans le passé. Les Premières nations effectuaient des recherches et nous en faisions de notre côté; ensuite, nous nous retrouvions pour comparer nos notes, ce qui ne faisait que prolonger la phase d'évaluation des négociations.

Aujourd'hui, les Premières nations font leurs propres recherches et elles reçoivent des fonds à cette fin. À l'étape de la vérification des dossiers au ministère, durant l'évaluation, si nous repérons de l'information que la Première nation ne possède pas, nous la lui signalons. Nous lui demandons aussi ce qu'elle souhaite faire de l'information. Faut-il par exemple la verser au dossier. Certaines Premières nations préfèrent qu'on leur communique l'ensemble du dossier afin qu'elles puissent procéder à une analyse plus complète.

Nous communiquons effectivement l'information à la Première nation.

Le président : Il n'y a donc plus cet esprit d'antagonisme. Vous travaillez maintenant de concert, n'est-ce pas?

Mme Dupont : La Première nation présente sa revendication au ministère, de sorte que nous ne participons plus à son élaboration. Elle fait son propre travail.

Lorsque nous examinons son travail et que nous trouvons, dans les documents historiques, des renseignements qui ne figurent pas dans sa revendication, nous en avisons la Première nation et lui demandons ce qu'elle entend faire de ces renseignements. Nous la laissons décider si elle veut l'intégrer à sa revendication ou ce qu'elle veut faire du dossier.

Le sénateur Poirier : Ma première question fait suite à celle du sénateur Brazeau. Il a mentionné que, lorsqu'on accorde un prêt à une Première nation, celle-ci reçoit la somme prévue par le règlement et n'a pas à rembourser le prêt ni son coût.

Qu'arrive-t-il à ce prêt s'il n'y a pas de règlement, si la revendication est rejetée?

Mme Dupont : Les prêts sont accordés lorsque les Premières nations négocient; il s'agit d'une contribution aux recherches relatives aux revendications. Elles n'ont pas à rembourser l'argent lorsqu'elles se chargent de la recherche. Lorsqu'elles entament la négociation, on leur verse des prêts pour la démarche de négociation.

Le sénateur Poirier : Jusqu'à cette étape, on n'offre aucune aide financière.

Mme Dupont : Oui, mais il s'agit de contributions qui n'ont pas à être remboursées.

Le sénateur Poirier : D'accord.

Dans quelle proportion les revendications rejetées sont-elles présentées à nouveau, font-elles l'objet d'une demande à cette fin, ou attendent-elles d'être entendues par le tribunal?

M. Borbey : Nous ne pouvons déterminer ce chiffre parce que le ministre a rendu une décision et il revient désormais à la Première nation de décider si elle l'accepte ou si elle veut s'adresser au tribunal. Toutefois, le tribunal n'est pas encore prêt à entreprendre ses activités.

Le sénateur Poirier : Par conséquent, c'est parce que le tribunal n'est pas opérationnel. Lorsqu'il le sera, de quel délai disposera-t-il pour entendre une affaire et rendre sa décision?

M. Borbey : La loi ne prévoit aucun calendrier, mais nous estimons que le tout devrait se faire assez rapidement, puisque toute la recherche aura été faite et qu'on aura aussi accompli une bonne partie du travail de négociation. Nous espérons que le tribunal pourra trancher rapidement et rendre une décision exécutoire.

Le sénateur Poirier : Le tribunal commencera-t-il à siéger l'année prochaine?

M. Borbey : Je ne saurais dire.

Le sénateur Poirier : Vous ne savez même pas encore cela.

M. Borbey : Nous espérons qu'il commencera à siéger au cours de l'année qui vient, mais je ne peux être plus précis.

Le sénateur Poirier : Par conséquent, nous n'avons aucune idée du moment où le tribunal commencera à fonctionner et nous n'avons aucune idée du nombre d'affaires qu'il aura à entendre. Est-ce bien cela?

M. Borbey : Oui.

Le président : Il semble que le juge Slade remettra son rapport au ministre le 25 novembre. Le ministre devra ensuite faire rapport aux deux chambres. À ce moment-là, il est fort probable que le juge Slade nous aura indiqué notamment où en est rendu le tribunal dans l'élaboration de ses règles et procédures.

Le sénateur Campbell : Selon les chiffres que j'ai sous les yeux, vous avez un total de 1 483 revendications. Le terme « conclues » est à mon avis très problématique. Je suppose que la revendication est réglée de votre point de vue. J'aimerais bien savoir si elle l'est du point de vue de l'autre partie.

Vous avez réglé 848 des 1 483 revendications. Toutefois, dans le cas de près de 500 d'entre elles, vous indiquez qu'il n'y a aucune obligation légale ou que le dossier a été fermé. C'est peut-être vrai; je ne remets pas ces chiffres en question. Je comprends ce que vous voulez dire. Toutefois, les dossiers sont peut-être réglés de votre point de vue, mais convenez-vous qu'ils ne Le sont probablement pas du point de vue de l'autre partie?

M. Borbey : Oui, il revient à la Première nation de décider. Là encore, certaines des revendications ont été réglées avant que le tribunal soit créé ou que la loi entre en vigueur.

Le sénateur Campbell : Elles sont foutues de toute façon, n'est-ce pas?

M. Borbey : La Première nation peut déposer la revendication à nouveau par l'entremise du nouveau processus; nous l'examinerons à la lumière de l'information dont nous disposons déjà.

Le sénateur Campbell : Lorsque le tribunal verra le jour — et je dois dire que je suis très déçu de voir combien de temps il aura fallu; je n'arrive pas à comprendre pourquoi il faut tant de temps pour créer un tribunal —, en théorie, les juges pourraient se trouver face à 400 affaires en attente.

Corrigez-moi si je me trompe parce que j'essaie de comprendre ce qui se passe. Le tribunal pourrait avoir un rôle de, disons, 400 affaires en attente. Il peut dépenser au plus 250 millions de dollars par année. Les sommes en cause dans certains de ces traités sont de l'ordre de 150 millions de dollars, et ce n'est pas tout; le montant pourrait gonfler avec le temps. Comment peut-on espérer régler un jour toutes ces revendications ou en arriver à une entente que les deux parties accepteront?

M. Borbey : La majorité des affaires sont beaucoup plus petites que les cas que j'ai mentionnés.

Le sénateur Campbell : Il ne faut pas beaucoup de temps pour dépenser 250 millions de dollars lorsqu'il y a 400 affaires en attente.

M. Borbey : Comme nous l'avons expliqué pour ce qui est des 250 millions de dollars, nous pouvons puiser dans les crédits à venir. Cette souplesse fait partie intégrante de la démarche, de sorte que, si l'on entend plus d'affaires, s'il y a plus de règlements au cours d'une année donnée, nous pouvons faire un prélèvement sur les crédits à venir.

Le sénateur Campbell : En fait, vous disposez de 2,5 milliards de dollars, n'est-ce pas?

M. Borbey : Nous en avons déjà dépensé une partie.

Le sénateur Campbell : Lorsque nous nous sommes penchés sur cette question, on nous a informés que le coût du règlement éventuel de toutes les revendications serait de 6 milliards de dollars. Que fait-on de la différence entre ces deux chiffres?

Qu'on me comprenne bien : je ne fais pas preuve de partisannerie ici. Tous les gouvernements ont agi ainsi — libéral, conservateur, peu importe; nous sommes tous logés à la même enseigne. Comment régler ce problème?

M. Borbey : Nous avons calculé un passif éventuel maximum d'environ cinq milliards de dollars pour les revendications. C'est un maximum.

Le sénateur Campbell : Nous venons d'économiser un milliard de dollars.

M. Borbey : Nous réduisons aussi ce passif éventuel chaque fois que nous réglons une revendication. Nous sommes aussi tenus de nous adresser au Cabinet une fois terminée la période de transition de trois années prévue à l'origine.

D'ici octobre prochain, nous espérons avoir réglé les affaires en attente et le tribunal devrait être opérationnel. Nous pourrons nous adresser à nouveau au Cabinet par la suite pour faire le point sur la situation. Si les fonds disponibles pour mener à terme le processus posent problème, on le signalera alors au Cabinet.

Le sénateur Campbell : Bien que je puisse paraître négatif, il reste que je trouve le processus de règlement par négociation impressionnant. Vous avez réglé le tiers des revendications. D'après ce nous avons entendu, c'est plutôt incroyable; je vous félicite.

Je suis inquiet pour vous en ce qui a trait aux affaires en attente, mais je vous félicite pour ce que vous avez fait et vous remercie pour vos réponses à mes questions.

Le président : J'abonde dans le sens du sénateur Campbell. Le processus devait être mené rondement; j'espère que vous continuerez sur votre lancée et que le rythme s'accélérera.

Ce qui me préoccupe, chers collègues, c'est qu'historiquement — et il n'y a absolument rien de partisan dans mes propos — le ministère de la Justice a toujours pris du temps à réagir. C'est ce qu'on nous a dit au cours des audiences sur cette question. Certaines affaires ont été bloquées pendant des années au ministère de la Justice.

Il y a peut-être de bonnes raisons, mais cette situation dure depuis des années. Maintenant, il semble qu'on éprouve certains problèmes à faire démarrer le tribunal; or il relève du ministère de la Justice. J'espère que tout ce processus pourra démarrer sans tarder.

Puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants, je remercie Mme Dupont et M. Borbey pour leur exposé ce matin ainsi que pour leurs réponses franches et sans détour. J'espère que ce processus évoluera comme prévu et comme il le devrait et que les Premières nations de tout le pays seront mieux servies.

Il se pourrait que nous souhaitions convoquer d'autres témoins, mais nous en discuterons à huis clos.

S'il n'y a pas d'autres questions, je mets fin à la séance.

(La séance est levée.)


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