Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 15 - Témoignages - 24 novembre 2010
OTTAWA, le mercredi 24 novembre 2010
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 47 pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et sur d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent la présente séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la CPAC ou sur Internet.
Je m'appelle Gerry St. Germain. Je suis originaire du Manitoba et je réside maintenant en Colombie-Britannique. J'ai l'honneur de présider le comité.
Avant d'entendre nos témoins de ce soir, j'aimerais profiter de l'occasion pour exprimer, au nom du comité, notre profonde tristesse au décès de Noah Augustine, ancien chef de la Première nation Metepenagiag. Le chef Augustine a été président de l'Union of New Brunswick Indians et coprésident de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs. Il a témoigné devant notre comité en ces qualités et il a défendu ardemment la cause de son peuple. Nos condoléances à sa famille et à ses amis. Nous espérons qu'ils trouveront force et consolation en se rappelant et en honorant ce qu'il était et ce qu'il représentait.
À notre manière, notre comité lui rendra hommage en poursuivant ce soir notre important travail au nom du groupe auquel il s'intéresse, les peuples autochtones du Canada. Ceux qui ont suivi nos travaux savent que nous avons entrepris une étude sur les stratégies possibles de réforme de l'enseignement primaire et secondaire dans les Premières nations en vue d'améliorer les résultats scolaires. L'étude porte notamment sur les ententes tripartites sur l'éducation, les structures de gouvernance et de prestation des services et les cadres législatifs possibles.
Afin d'aider le comité dans l'exploration de ce sujet, le chef Gilbert Whiteduck, de la Première nation Kitigan Zibi Anishinabeg, témoignera ce soir. Cette Première nation est située à l'extérieur de la municipalité de Maniwaki, au Québec. Couvrant environ 8 437 hectares, Kitigan Zibi est la plus grande nation algonquine au Canada, en superficie et en population. Elle compte près de 2 600 membres.
La Première nation de Kitigan Zibi gère et fait fonctionner une école primaire et secondaire. L'école de Kitigan Zibi est la première école établie sur une réserve au Canada construite et contrôlée par la collectivité. Les principaux postes administratifs, tels que directeur et directeur de l'éducation, sont occupés par des membres qualifiés de la Première nation.
À son ouverture, en 1980, l'école offrait des cours primaires. Chaque année, on a ajouté des classes jusqu'à atteindre la 11e année en 1985. Au Québec, cela équivaut à la dernière année du niveau secondaire. Un peu plus tard, l'école s'est agrandie pour y ajouter un gymnase et une bibliothèque. Les premières années, la majorité des enseignants étaient non- autochtones; plusieurs membres des Premières nations agissaient à titre d'aides-enseignants. Aujourd'hui, la collectivité contrôle l'école de la maternelle à la 11e année. L'école offre son propre diplôme qui équivaut à celui du Québec.
Notre témoin, le chef Whiteduck, a été directeur de l'éducation du conseil d'éducation de Kitigan Zibi et président de la Confédération des centres éducatifs et culturels des Premières nations. Il œuvre dans le domaine de l'éducation des Premières nations depuis plus de 30 ans. Pendant cette période, il a joué plusieurs rôles, notamment conseiller en orientation, enseignant, directeur d'école et directeur de l'éducation. Il a siégé pendant plus de 12 ans comme conseiller élu au conseil de bande de Kitigan Zibi Anishinabeg.
M. Whiteduck participe à plusieurs comités et conseils à l'échelle nationale, régionale et locale. Il détient un baccalauréat spécialisé en sciences sociales, un baccalauréat et une maîtrise en éducation et un doctorat honorifique en éducation.
[Français]
Avant de laisser la parole au témoin, permettez-moi de vous présenter les membres du comité qui sont présents.
[Traduction]
Il y a le sénateur Lovelace Nicholas, du New Brunswick; le sénateur Dallaire, du Québec; le sénateur Patrick Brazeau, du Québec; le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique; le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick; et enfin, le sénateur Patterson, du Nunavut.
Bienvenue, chef Whiteduck. Vous avez un exposé. Nous vous prions d'être assez concis et précis.
Chers collègues, nous entendrons le témoin et nous poursuivrons ensuite à huis clos afin de mettre la dernière main, je l'espère, au rapport sur la Commission de la vérité et de la réconciliation. Nous avons prévu une heure pour le témoignage.
Monsieur, vous avez la parole.
Gilbert W. Whiteduck, chef, Première nation Kitigan Zibi Anishinabeg : Bonsoir. Je désire remercier le comité de me permettre d'être ici ce soir pour témoigner sur ce que je crois être l'un des enjeux les plus importants dans les communautés autochtones : l'éducation.
Je suis accompagné ce soir par quelques jeunes de chez nous qui sont au niveau postsecondaire. Ils sont diplômés de notre école. Il y a aussi des membres de notre communauté venus entendre ce qui se dira ce soir et des membres de l'APN.
Je suis très fier ce ces jeunes, que je considère comme l'avenir de notre communauté et qui auront vraiment une incidence au Canada. Pour eux, être ici ce soir afin de voir la démocratie en action, je suppose, de voir comment fonctionne le processus et, je l'espère, le faire avancer, représente une formidable opportunité.
Comme vous l'avez entendu, j'ai travaillé toute ma vie dans le secteur de l'éducation, au niveau communautaire. J'ai été élu chef de la communauté en 2008 et réélu en 2010. J'ai fait de l'éducation l'une des priorités chez nous, parce que j'y crois.
Je dis souvent qu'avec toute mon expérience et mes antécédents en éducation, je pense savoir un peu de quoi je parle. Je l'ai vécu, je l'ai vu, j'en mange et j'y crois.
J'aimerais aussi ajouter que je suis le père de quatre enfants et le grand-père de trois. Deux de mes petits-enfants fréquentent actuellement notre programme préscolaire où ils étudient leur langue algonquine. C'est un autre aspect très important.
On a mentionné que notre école fait partie des très rares écoles au Canada qui décernent leur propre diplôme d'études secondaires. C'est inhabituel au Québec, parce que, normalement, il faut passer par le ministère de l'Éducation. Pas nous. En 1985, nous avons négocié avec les cégeps et les collèges communautaires, et notre diplôme a été reconnu. Depuis, les jeunes qui quittent notre école secondaire sont effectivement bien préparés. Il n'y a pas de transition. S'ils y mettent l'effort, ils peuvent réussir. Pour nous, c'est un petit bout de chemin dans l'affirmation de notre autonomie par le contrôle de notre éducation.
Je dois dire que nous n'avons pas réinventé les cours de chimie ou de physique, par exemple, mais que nous avons pu intégrer dans notre programme des aspects très importants de notre culture et de notre langue. Nos anciens ont été invités à l'école. Tous ces aspects ont rendu nos élèves beaucoup plus forts.
Comme vous le savez probablement et, j'espère que vous le savez, cette discussion sur l'éducation des Premières nations découle en réalité du document de politique sur le contrôle autochtone de l'éducation autochtone. Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous encourage à le faire. En 1972, quand il a été adopté, il est devenu le cadre pour ce qui allait se développer par la suite.
Comme vous le savez probablement aussi, il a émergé du livre rouge, rédigé à cause du Livre blanc. Le livre rouge est venu de l'Alberta et il a affirmé que l'éducation serait la clé pour sortir les Premières nations de la pauvreté. Le Livre blanc de 1969, comme vous le savez probablement, a découlé du rapport Hawthorn de 1967. Toutes ces étapes ont mené les Premières nations à affirmer que nous voulons le contrôle de notre éducation.
À la dernière assemblée générale annuelle de l'APN, la version mise à jour du Contrôle par les Premières nations de l'éducation des Premières nations a été déposée et approuvée par les chefs, qui l'ont considérée comme un cadre. Ce n'est pas définitif, mais c'est un cadre pour faire avancer le contrôle autochtone de notre éducation.
Il y a eu de nombreux rapports, comme nous le savons tous, et j'en ai apporté quelques-uns ce soir. J'aurais pu en apporter des piles. Très souvent, ils examinaient ce qui ne fonctionnait pas. C'est bien, mais je crois qu'il y a aussi plein de choses qui fonctionnent bien dans l'éducation autochtone. Il y a de nombreuses sources de fierté et nous l'oublions. Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein? Pour nous, il est à moitié plein.
Il y a encore beaucoup à faire, beaucoup de pain sur la planche. Certaines communautés ont plus de mal que d'autres, mais il y a de grandes réussites, et les jeunes qui sont avec moi en sont un bel exemple parmi tant d'autres.
On entend souvent les médias et diverses personnes affirmer que le système provincial est supérieur à tout ce que peuvent faire les Premières nations. Je dis souvent que, oui, nous avons des choses à apprendre des ministères de l'Éducation provinciaux, mais j'ai souvent constaté qu'ils nous ont appris ce qu'il ne faut pas faire. Très souvent, ils réussissent moins bien que nous, surtout en ce qui concerne les élèves autochtones.
Depuis le contrôle autochtone en 1973, nous avons développé des compétences. Dans notre école à Kitigan Zibi, 98 p. 100 du personnel est autochtone. Ils sont anishinabeg. Beaucoup ont une maîtrise et beaucoup ont obtenu des compétences supplémentaires. Nous avons du personnel très qualifié et, lorsque nous le comparons à celui du réseau provincial, le nôtre est de loin supérieur.
Le Québec s'efforce de protéger sa langue, sa culture et ses valeurs. Pourquoi devrions-nous accepter moins que la protection de notre langue, de notre culture et de nos valeurs, afin qu'elles se transmettent sur le territoire anishinabeg, sur lequel se trouve le Parlement? Nous essayons de préparer nos jeunes à aller n'importe où dans le monde et à s'y sentir bien.
Ce soir, je prendrai quelques minutes pour présenter quelques recommandations très concrètes qui, selon moi, doivent être mises en œuvre.
Je crois que le gouvernement du Canada doit réaffirmer que les Premières nations ont le droit de contrôler leur système d'éducation.
Le gouvernement du Canada doit reconnaître et appuyer l'approche des Premières nations, lorsqu'elles souhaitent que l'enseignement se fasse dans leur langue maternelle.
Le gouvernement du Canada doit collaborer de façon respectueuse et stratégique, sans intentions cachées, avec les Premières nations pour améliorer les résultats tout en optimisant les fonds disponibles.
Le gouvernement du Canada, avec l'entière collaboration des Premières nations, doit examiner les formules de financement existantes, afin de trouver les lacunes. Beaucoup de travail a été fait dans ce domaine et je pense donc qu'il pourrait y avoir une solution rapide. Certains soutiendraient que, tant que nous ne pouvons pas démontrer que l'argent est effectivement dépensé correctement, rien ne devrait bouger. C'est grotesque. Il faut tout examiner et tout considérer, mais que ce ne soit pas un prétexte pour ne rien faire.
Le gouvernement du Canada doit travailler avec les Premières nations pour que tous les enfants autochtones puissent aller dans une école sûre et confortable. Cela me fait penser au rêve de Shannon. Shannon rêvait d'une école confortable où les enfants se sentiraient en sécurité et seraient heureux.
Le gouvernement du Canada doit maintenir et renforcer le Programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire. Ce programme doit resté contrôlé au niveau communautaire, mais il devrait devenir un programme ciblé. Il faut établir un nouveau régime de gestion pour assurer la transparence et la reddition des comptes à tous les niveaux.
Le gouvernement du Canada doit appuyer les efforts visant à établir des services de deuxième et troisième niveau à l'appui des systèmes scolaires.
Le gouvernement du Canada doit reconnaître et continuer d'appuyer le travail positif des centres culturels pédagogiques, qui sont la pierre angulaire de l'environnement pédagogique.
Je crois que le gouvernement du Canada, avec l'entière collaboration et l'approbation éventuelle des Premières nations, devrait, au cours des deux prochaines années — pas dans dix ans ni dans cinq ans, mais d'ici deux ans — élaborer une loi sur l'éducation des Premières nations et en faire un modèle pour le monde entier.
Les Premières nations, ainsi que le gouvernement fédéral, devraient fournir tous les ans un rapport détaillé des résultats obtenus. Nous devons rendre des comptes à nos citoyens, et le gouvernement doit rendre des comptes aux citoyens qu'il représente. Alors nous devons trouver une façon de rendre ces comptes. Il y a beaucoup à faire, mais notre communauté et toutes les Premières nations, je crois, sont prêtes à travailler. Nous avons cependant besoin de la capacité et des outils pour agir. Il faut un bulletin pour montrer si nous atteignons nos objectifs ou si nous sommes enlisés. J'espère que nous ne sommes pas enlisés et que nous avançons.
Enfin, je crois que notre centre d'intérêt collectif doit être l'élève autochtone. Il doit être au cœur de tous nos efforts. Les chamailleries n'aideront pas les élèves, autrement dit, les jeunes doivent avoir toutes les chances possibles dans des écoles sûres et confortables, où les programmes répondent aux besoins de la communauté.
On pense que les ententes tripartites entre les provinces et les Premières nations sont une panacée. C'est faux. Les ententes tripartites ne feront pas bouger les choses. Les communautés doivent développer des relations et des partenariats avec les commissions scolaires. L'initiative doit venir de la base, pas des échelons supérieurs, parce que l'éducation se fait en classe.
L'éducation se fait aussi à la maison. Nous croyons que les parents ont un rôle très important à jouer dans l'éducation de leurs enfants. Nous constatons que, lorsque les parents appuient leurs enfants, les enfants réussissent mieux, mais il y a de nombreux aspects du processus familial qu'il faut améliorer.
En conclusion, l'éducation est la clé pour nous sortir de la pauvreté, pour que nous puissions avancer, que les jeunes connaissent encore leur langue et se sentent bien n'importe où dans le monde. On nous demande souvent si nous espérons que nos jeunes reviennent chez nous. Je réponds que j'aimerais qu'ils reviennent s'ils le souhaitent, mais que s'ils vont ailleurs et partagent leur culture, leur langue et leur savoir, ils enrichiront tout le Canada. Voilà l'essentiel. Ils peuvent décider où ils veulent vivre et travailler, comme le dit le document de politique sur le contrôle par les Premières nations de l'éducation des Premières nations. Nous n'essayons pas de les garder tous au même endroit, mais de leur donner la liberté de choix.
Le président : Quel est le pourcentage d'élèves qui terminent leurs études dans votre école secondaire?
M. Whiteduck : Je vais situer un peu le contexte. Jusqu'à ce que nous prenions le contrôle de l'école en 1980 et que nous ayons nos premiers diplômés en 1985, le taux de décrochage à l'école secondaire locale était de l'ordre de 70 à 90 p. 100. Quand j'ai terminé mes études secondaires, j'étais le seul diplômé qui continuait au collège. Maintenant, de 30 à 35 p. 100 des élèves décrochent ou quittent le système. Comme ailleurs, ces jeunes sont souvent à la recherche d'autres possibilités, la formation professionnelle, par exemple. Il y a de l'emploi dans ces domaines, mais il faut de l'argent pour obtenir cette formation.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Il n'y a aucun doute que l'argument de fond que vous utilisez, à savoir que l'éducation est absolument essentielle à l'évolution de votre peuple, devrait certainement être bien compris au Québec. En effet, toute la mouvance nationaliste a été inculquée par les écoles et les professeurs d'école, ainsi que par tout le système scolaire.
Avez-vous l'impression que vous avez au Québec, dans les arrangements que vous avez eus depuis 1985, un gouvernement qui est plus attentif à vos besoins comme nation et comme peuple, en comparaison avec les Premières nations des autres provinces?
M. Whiteduck : C'est un bon point. Oui, il y a eu des situations où il y avait davantage d'ouverture de la part du gouvernement, mais c'était plus important au niveau des cégeps.
[Traduction]
Les cégeps doivent agir pour que le système soit plus accueillant pour les étudiants et qu'il y ait un plus grand appui. C'est une question intéressante parce que, très souvent, ce n'est pas au niveau gouvernemental que cela se passe, c'est au niveau local, au niveau des relations interpersonnelles. Au fil des années, notre communauté a développé cette relation avec le cégep ici à Gatineau. De fait, à cause de ma participation dans certains domaines au cégep, j'ai fini par devenir président du conseil du collège. C'était la première fois qu'un Autochtone était élu à un conseil de collège au Québec. Cela m'a permis d'apprendre bien des choses, tout comme ma relation avec le Collège Algonquin. Il y a des années, j'ai siégé au conseil des gouverneurs, ce qui m'a permis de mieux comprendre les rouages.
Pour en revenir au Québec, il y a parfois une entente, mais le Québec insiste beaucoup sur le contrôle de l'éducation. Il considère que cela relève des compétences provinciales plutôt que fédérales. Nous faisons valoir que nous pouvons avoir une relation de travail avec les commissions scolaires et le ministère tout en maintenant notre autonomie. J'appelle ces ententes bilatérales des ententes d'affaires et je crois qu'elles peuvent fonctionner.
Dans diverses Premières nations au Québec, les élèves font souvent leurs études secondaires dans le réseau provincial. Nous devons nous assurer que, lorsqu'ils changent de système, ils sont bien préparés afin de ne pas devoir redoubler une année.
Le sénateur Dallaire : Dans les écoles de votre région, les élèves apprennent leur langue autochtone. Apprennent-ils aussi l'anglais et le français ou sont-ils limités à seulement l'anglais ou le français?
M. Whiteduck : Dans notre système scolaire, les enfants de 4 et 5 ans font la moitié de leur journée en algonquin et l'autre moitié en anglais. Quand ils arrivent en 1ère année, ils ont le français comme deuxième matière, et tout le reste est enseigné en anglais. Ils ont un programme de base de 30 minutes par jour en algonquin. Les élèves qui veulent aller dans le programme d'immersion peuvent passer les après-midis dans un environnement algonquin où ils apprennent la langue. Les parents peuvent prendre cette décision.
Je veux souligner un aspect important et unique dans notre école. Les parents peuvent décider d'envoyer leurs enfants étudier à Kitigan Zibi ou dans le réseau provincial. Certains envoient encore leurs enfants en ville, comme nous disons; certains les envoient à l'école anglaise ou française. Nous croyons que c'est un droit des parents. Nous les laissons choisir. À nous d'offrir un meilleur programme. Nous avons laissé les parents décider.
Il y a parfois des conséquences sur le financement, parce que lorsque les enfants vont en ville, le financement part avec eux, ce qui réduit ce que nous pouvons faire à l'école. Encore une fois, nous laissons les parents décider, parce que nous pensons que les parents sont ceux qui peuvent déterminer ce qui est mieux pour leurs enfants.
Le sénateur Dallaire : Nous avons vu des exemples d'ententes où le gouvernement fédéral a bâti une école, mais n'a jamais donné un sou pour l'entretien. L'école a 20 ou 30 ans et est complètement désuète, parce qu'il n'y a pas eu de continuité.
Vous avez créé ou bâti votre école, vous vous organisez pour qu'elle respecte les normes pertinentes et vous maintenez cet effort. Comment votre méthode est-elle perçue par les autres Premières nations du Québec, où je sais qu'il y a des situations assez difficiles?
M. Whiteduck : L'un des aspects importants pour nous était notre gestion financière — autrement dit, comment gérer nos fonds et économiser en prévision des jours difficiles. Lorsqu'il y avait des réparations ou que nous devions acheter des ordinateurs, nous avons essayé de trouver des façons de réaliser des économies pour avoir une marge de manœuvre. Nous n'avons pas tout dépensé. Nous savions que nous prenions parfois des décisions difficiles. Une bonne gestion financière était importante, tout comme négocier du financement suffisant et être fiers de notre école. On veut l'entretenir. Les enfants y vont tous les jours. On veut qu'elle soit confortable. Nous avons souvent investi plus que ce que nous obtenions pour en assurer l'entretien. Cette année, cependant, grâce à l'initiative du gouvernement fédéral, après 30 ans, il y a eu une injection de 2 millions de dollars pour ramener les installations scolaires aux normes.
Nous avons travaillé fort pour avoir une bibliothèque. Nous n'avons pas reçu un sou pour les bibliothèques. Nous avons dit que cela n'avait pas de sens. Nous avons besoin de livres pour encourager les jeunes à lire et à explorer. Nous payons nos professeurs moins cher. Ils ne gagnent pas autant. Nous avons nos propres échelles salariales. Ils sont payés moins cher que dans le réseau québécois. Nous réinvestissons ces sommes dans le système scolaire, dans les bibliothèques, dans des employés de soutien supplémentaires et dans des activités pour les jeunes. La communauté et le personnel ont accepté cela. C'est parfois difficile de recruter du personnel qui reste, mais dans l'ensemble, les gens sont restés. C'est une saine gestion ou une gestion aussi saine qu'elle peut l'être, une vision claire de ce que nous voulons et un questionnement lorsque les choses ne vont pas bien. Les parents et la communauté nous interrogent. En un sens, les parents exercent un contrôle lorsque nous ne réussissons pas ou qu'ils sentent que leurs enfants n'ont pas un enseignement de qualité.
Nous pensons que nous offrons un enseignement de qualité. Si nous avions des ressources supplémentaires, nous pourrions aller plus loin.
Le sénateur Brazeau : D'abord, aux fins du compte rendu, je dois rendre à César ce qui appartient à César. Je pense qu'il faut vous féliciter, chef Whiteduck, pour votre travail à Kitigan Zibi dans le domaine de l'éducation. Je pense que ce que vous avez fait est certainement un bel exemple de réussite. Chaque fois que je voyage, je prends toujours le système d'éducation de Kitigan Zibi comme modèle que d'autres communautés devraient examiner. La langue algonquine est enseignée; les élèves sont exposés à de nombreuses activités culturelles; les taux de diplomation sont plus élevés et un plus grand nombre d'élèves vont dans des établissements postsecondaires. Vous avez indiqué qu'on se concentre parfois uniquement sur le négatif, mais qu'il y a des choses positives.
Vous avez parlé du contrôle de l'éducation des Premières nations. Je ne le conteste pas du tout. Mais nous vivons la réalité — et j'ai aussi posé la même question à d'autres témoins — de l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle, qui prévoit que le gouvernement fédéral exerce la compétence relative aux Indiens qui vivent dans les réserves. Par contre, l'éducation est une compétence provinciale. Nous pouvons débattre à perpétuité du contrôle des Premières nations sur l'éducation, mais nous vivons encore dans cette réalité. Je ne parle pas simplement des questions autochtones, mais aussi de toutes les autres questions. Il ne s'agit pas seulement des questions constitutionnelles.
À votre avis, comment bâtir de meilleures relations pour en arriver là? Encore une fois, il y a la compétence du gouvernement fédéral et celle des provinces sur l'éducation. Comment réconcilier tout cela afin d'atteindre l'objectif?
M. Whiteduck : Nous pouvons sans aucun doute avoir une longue et intéressante discussion sur le partage constitutionnel des pouvoirs et tout le reste. Mais pendant toutes les années où le système d'éducation provincial a accueilli nos élèves, et pour lesquels il a reçu des millions de dollars parce que les frais de scolarité étaient payés par le ministère des Affaires indiennes, on n'a fait aucun effort pour que les systèmes provinciaux soient responsables de l'argent qu'ils recevaient. J'en ai la preuve, parce que j'étais là à l'époque. Je peux donner des exemples concrets.
Des élèves qui arrivaient à l'école en septembre étaient souvent renvoyés en octobre ou en novembre pour toutes sortes de raisons. La commission scolaire touchait tous les frais de scolarité pour l'année parce que la date limite était le 30 septembre. Le 1er octobre, vous aviez l'argent pour toute l'année. Prenons l'exemple d'une classe de 20 élèves. Huit d'entre eux sont Algonquins. Soudainement, on demande à quatre ou cinq d'entre eux, selon le nombre, de partir. Qui obtient maintenant toute l'attention de l'enseignant? Les élèves non autochtones. Selon moi, le système provincial ne nous a jamais rien donné. Ile ne nous a jamais donné les outils. Personne ne s'en inquiétait. Nous avons commencé à réussir quand nous avons obtenu le contrôle.
De nos jours, nous avons des relations avec les commissions scolaires. Nous leur parlons. Nous avons une entente sur les frais de scolarité avec elles. La Commission scolaire de l'Ouest du Québec a peut-être été l'une des premières au Canada avec laquelle nous avons eu une entente mutuelle prévoyant que lorsque des élèves de la communauté vont à une école provinciale, nous payons les frais de scolarité. Si l'élève autochtone vit à Maniwaki et fréquente notre école, alors elle nous donne les frais de scolarité. C'est une question de respect, et nous avons une entente qui confirme cet arrangement. Ces relations sont plus importantes qu'essayer de conclure des ententes globales, comme autrefois. Cela se passe sur le terrain et c'est significatif; les résultats sont importants. Je conviens que les grandes questions constitutionnelles seront résolues à un moment donné, mais probablement pas de mon vivant. En attendant, cela fait avancer les choses au quotidien. Il y a des incidences positives sur les élèves, pendant qu'on discute du reste.
Le sénateur Brazeau : Merci. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous sur le fait que les écoles provinciales n'ont jamais apporté quoi que ce soit aux Autochtones. Vous êtes allé dans une école provinciale et vous avez réussi, tout comme de nombreux autres Autochtones. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous sur ce point.
Ma deuxième question porte sur ce que fait le gouvernement actuel dans le domaine de l'éducation. Ainsi, depuis quelques années, les conservateurs demandent un examen interne d'AINC, afin d'examiner les voies et moyens pour que le financement affecté à l'éducation soit mieux dépensé dans certaines communautés autochtones qui ne rendent pas de comptes et aussi au sein du ministère.
En même temps, le gouvernement a aussi envisagé la possibilité de signer des ententes tripartites sur l'éducation avec les gouvernements provinciaux et les communautés autochtones qui le souhaitent. Notre comité étudie l'éducation de la maternelle à la 12e année et un autre comité sénatorial examine l'enseignement postsecondaire en mettant l'accent sur les étudiants autochtones. Il y a un mouvement assez important au sujet de l'éducation.
Il y a quelques semaines, un panneau publicitaire a attiré mon attention.
Il disait que les politiques du gouvernement conservateur sont un échec pour les étudiants autochtones.
On y voit le Premier ministre, Lawrence Cannon, le député de Pontiac, et le ministre des Affaires indiennes.
Je ne pense pas me tromper en affirmant que tous les sénateurs assis autour de cette table, qu'ils soient conservateurs ou libéraux, conviendront que les gouvernements antérieurs ont parfois échoué ou n'ont pas fait autant qu'ils l'auraient pu dans le domaine de l'éducation.
Pouvez-vous nous indiquer une politique du gouvernement fédéral conservateur depuis 2006 qui a été un échec pour les étudiants autochtones?
M. Whiteduck : Permettez-moi de revenir sur votre remarque que vous n'êtes pas nécessairement d'accord avec tous mes propos et que je suis moi-même diplômé du système scolaire. Je vous dirai ceci : quand j'étais dans le système scolaire, on me disait qu'il n'était absolument pas question que Gilbert Whiteduck, adolescent à l'école secondaire, puisse aller plus loin que le secondaire. Le bureaucrate des Affaires indiennes venait quatre fois par année et me faisait sortir de la classe — j'étais en 9e ou en 10e année — pour me dire « Tu sais quoi, Gilbert, ne pense pas à continuer au postsecondaire. Au mieux, ton père a travaillé dans le bois toute sa vie, tu devrais peut-être rester autour de Maniwaki ».
Je me suis toujours souvenu d'une chose : peu importe ce que je ferais dans la vie, ce serait malgré eux. J'ai dit à ce bureaucrate qu'un jour, je serais assis à sa place. J'étais effronté à l'époque. Je ne savais pas ce que je disais.
Peu de temps après, je suis devenu conseiller en orientation, malgré le système. Le racisme dont mes amis et moi- même avons souffert n'a pas facilité les choses. Je l'ai combattu. Ce que j'ai réussi à accomplir, c'est parce que je me suis battu. Ce que nous avons accompli dans notre communauté, c'est parce que notre communauté s'est battue.
En ce qui concerne les politiques ou les programmes, je dirais qu'un grand nombre des programmes et des nouvelles initiatives, qui sont considérés comme des programmes de financement ciblé n'ont eu aucune incidence au niveau communautaire. Aucune.
Obtenir 30 000 $ au niveau communautaire ne mène pas très loin. On ne peut pas planifier. La planification stratégique est très importante à long terme. Nous avons demandé des éclaircissements à la haute direction des Affaires indiennes. Il y a quelques mois à peine, nous leur avons demandé ce qu'ils faisaient dans le dossier de l'enseignement primaire et secondaire. Ce que nous pouvions faire pour aider. Où étaient les lacunes et les problèmes. Où ils allaient. S'ils pouvaient nous informer. Si une nouvelle ou une ancienne politique allait s'appliquer. Personne ne voulait parler. Nous étions prêts à participer, prêts à trouver des solutions, désireux d'optimiser les fonds, tout à fait disposés à collaborer. Les partenaires ne l'étaient pas autant que nous.
Les programmes ciblés, les annonces de financement sur deux ans, 10 millions de dollars n'aident pas à développer un système d'éducation. Nous ne faisons pas que gérer une école. Nous sommes censés gérer un système d'éducation, ce qui veut dire les écoles, et les services au deuxième et au troisième niveau. C'est tout cela, à mon avis, qui a échoué. C'est un échec en ce sens que les approbations de financement et les politiques connexes n'ont pas appuyé les possibilités que les Premières nations réussissent à élaborer un système.
Le sénateur Brazeau : À nouveau, je vous remercie pour cela aussi. Mais ces politiques sur les ententes de financement existent depuis des décennies.
À mon avis, des panneaux comme celui-là, qui disent que les politiques du gouvernement conservateur sont un échec pour les étudiants, sont des marchands de peur. Si vous remontez dans le temps, c'est l'ancien gouvernement libéral qui a imposé en 1997 le plafond de financement de 2 p. 100.
Aux fins du compte rendu, je déclare n'avoir jamais vu de panneau portant sur les politiques de l'ancien gouvernement avant 2006. Étant donné tout ce que j'ai signalé concernant ce que nous essayons de faire, vous ne nous avez pas encore dit quelle politique particulière du gouvernement est un échec pour les étudiants.
M. Whiteduck : Vous pouvez être aussi partisan que vous le voulez, sénateur Brazeau.
Le sénateur Brazeau : La question se pose tout de même.
M. Whiteduck : Vous mettez peut-être l'accent sur la politique. Ce qui m'intéresse et ce qui intéresse la communauté, ce sont les jeunes. Ce sont eux qui viennent en premier pour nous. Si le panneau vous inquiète, vous devriez peut-être vous demander pourquoi. De toute évidence, vous ne comprenez pas le message. Parlons franchement. Les déclarations que vous continuez de faire sont aussi des marchands de peur, des affirmations trompeuses aux Canadiens.
Vous avez la possibilité de faire une différence, sénateur. Vous le pouvez, à cette table et ailleurs, mais vous ne saisissez pas cette chance. C'est malheureux. Faites ce que vous devez faire. Nous faisons ce que nous devons faire.
Des voix : Bravo.
Le président : Chers collègues, cela me paraît déplacé. On n'applaudit pas dans les réunions des comités. Je peux comprendre qu'il y a un facteur émotif, mais je demanderais de ne pas agir ainsi.
Si vous voulez participer au deuxième tour, très bien. Nous sommes ici pour essayer de régler un problème. Je ne veux pas que le comité se lance dans des opinions personnelles, d'un côté ou de l'autre. Je veux que cette séance soit constructive par rapport à notre mandat.
J'espère, en ma qualité de président, que tout le monde sera sensible à ma demande.
Le sénateur Patterson : Je suis un sénateur relativement nouveau, un sénateur conservateur. Je suis content de participer à ce comité parce que nous ne travaillons pas de manière partisane. Je l'apprécie, c'est une tradition que nous avons au Nunavut, que je représente au Sénat.
Chef, vous avez fait un exposé très clair et simple. Nous avons entendu de nombreux témoins et je veux vous remercier pour votre clarté.
Vous avez mentionné les parents et l'importance de l'appui à la maison. Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce que vous avez fait pour travailler avec les parents et encourager la présence à l'école, et vos succès pour réduire le décrochage. C'est quelque chose que nous devons examiner.
M. Whiteduck : C'est une question importante, parce que les parents sont au cœur de l'école.
Au fil des années, il y a eu diverses activités avec les parents ou des activités à l'école qui ont amené les parents à l'école. L'idée, c'est que les parents se sentent à l'aise dans une école. De nombreux parents qui sont allés dans les écoles provinciales ou qui sont sortis des pensionnats n'aimaient pas l'idée d'envoyer leurs enfants dans ces écoles, même dans notre propre ville.
Avoir nos propres enseignants algonquins qui travaillent dans notre école, nos propres administrateurs algonquins qui surveillent ce qui se passe, a permis de se sentir assez à l'aise avec l'idée de venir à l'école, même quand la situation est difficile. Il y a eu de nombreuses activités à l'école, depuis les soirées de distribution des bulletins jusqu'à des dépliants distribués à la maison afin de tenir les gens informés.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de difficultés. Il y a encore des familles qui ont du mal à venir à l'école. Nos enseignants sont sur la ligne de front. Ce sont eux qu'il faut féliciter, parce qu'ils continuent d'essayer d'établir un contact. Dans une petite communauté, chaque fois qu'on sort, on rencontre les parents et on échange avec eux pour les encourager.
Depuis le premier jour et encore aujourd'hui, nous nous efforçons de faire comprendre à quel point l'éducation est importante pour pouvoir faire ce qu'on veut dans la vie. Chaque fois que nous le pouvons et par tous les moyens, nous en parlons, nous faisons passer le message, nous encourageons et nous célébrons. Quand nos diplômés se préparent à poursuivre des études postsecondaires, nous célébrons leur réussite. C'est un autre aspect important.
Je sais que je me répète. Très souvent, on insiste sur le négatif. J'ai vu tellement de diplômés depuis 1985. Un grand nombre de ces jeunes, ainsi que leurs parents, reviennent maintenant et occupent des emplois administratifs de haut niveau. Ils sont bien formés et ont confiance en eux.
J'ai remarqué que, collectivement, la communauté dans son ensemble a des jeunes équilibrés.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes, mais je suis content quand je vois des jeunes équilibrés dans leur vie professionnelle et leur vie personnelle, des jeunes qui contribuent. Ils sentent qu'il y a de l'espoir et que les choses peuvent avancer. Certains parents ont plus de difficulté que d'autres, et la communauté doit alors offrir son appui, au besoin.
Le sénateur Patterson : Je suppose que vos enseignants gagnent moins que dans le réseau provincial, et nous connaissons la formule de financement. Nous avons déjà entendu cela. D'autres témoins ont déclaré qu'ils ne peuvent pas attirer les membres de leur communauté à cause de cela. Vous devez inspirer un grand esprit de corps ou un sentiment d'appartenance.
Je voudrais vous interroger sur la formule de financement. L'une de vos recommandations est un examen complet de la formule de financement afin de cerner les lacunes. Vous avez dit qu'il faut tout montrer et que ce doit être sérieux. Pouvez-vous expliquer ce qu'il faut pour avoir un examen complet de cette question?
M. Whiteduck : J'ai quelques orientations à proposer. Le Conseil en éducation des Premières nations au Québec et l'Assemblée des Premières nations ont examiné une formule, effectué une analyse concurrentielle, fait une comparaison région par région et fait des calculs. À l'assemblée spéciale des chefs en décembre dernier, le ministre Strahl est venu et j'ai été invité à parler au nom des chefs. À propos de ce dossier, je lui ai dit que nous pouvions nous asseoir à la même table, avec vos esprits les plus brillants et les nôtres pour aller vraiment au fond du problème et avoir une vision commune pour pouvoir utiliser l'argent de la meilleure façon. S'il y a des lacunes, les deux parties peuvent le reconnaître et les définir. Nous croyons qu'il y a un manque de bibliothèques, de technologies, en éducation spécialisée et en langues autochtones, mais nous avons proposé de nous donner six mois pour examiner la situation. Nous croyions que nous pouvions le faire. Je pense que le gouvernement fédéral et les Premières nations veulent la même chose, soit des résultats positifs, de meilleurs résultats. Comment mieux utiliser les dollars? S'il y a des lacunes, comblons-les et faisons-le ensemble. Ne vous imposez pas. Il y a des solutions. Les possibilités sont là. Je le crois vraiment. Mais quand nous rencontrons des bureaucrates, comme je l'ai expliqué plus tôt, qui ne veulent rien savoir de nous, alors, que faisons-nous en tant que Premières nations? Parfois, nous finissons par installer des panneaux publicitaires, parce que nous ne savons plus quoi faire. Nous ne savons plus quoi faire, parce que nous n'avançons pas.
Le sénateur Patterson : Les bureaucrates nous frustrent aussi parfois, je vous assure.
Le sénateur Lovelace Nicholas : J'aimerais vous féliciter pour votre taux de réussite. Votre communauté se trouve-t- elle dans une région éloignée ou bien peuplée?
M. Whiteduck : Nous ne sommes qu'à une heure et demie d'Ottawa. Nous sommes près d'une ville d'environ 4 000 habitants.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Quand les étudiants terminent leurs études, peuvent-ils trouver facilement un emploi dans leur domaine, chez vous ou ailleurs?
M. Whiteduck : La plupart le peuvent. Cela dépend vraiment d'eux. L'éducation donne les outils et c'est ensuite à chacun de les utiliser. La plupart trouvent un emploi ici à Ottawa, mais d'autres vont ailleurs dans tout le Canada. La communauté est limitée. C'est une bonne question, parce que la plupart des postes d'enseignants et des postes au centre de santé, les infirmières, sont des membres de notre communauté qui ont obtenu leur diplôme et qui sont revenus chez nous. Nous sommes un peu saturés. Certains postes ne deviennent libres que lorsqu'il y a des départs à la retraite. Nos capacités sont limitées.
Nous encourageons aussi le développement économique. Nous espérons que les jeunes obtiendront ce genre de formation et reviendront chez nous pour créer des entreprises, parce que nous croyons que nous devrions être le plus autonomes possible, et que le développement économique est une façon d'y parvenir. L'éducation est une étape pour y arriver.
Le sénateur Lovelace Nicholas : C'est différent au Nouveau-Brunswick, parce que nous sommes dans une région éloignée. Quand les étudiants obtiennent leur diplôme, ils veulent évidemment revenir dans la communauté et faire de leur mieux pour aider leur communauté. Comme vous l'avez dit, les ressources sont insuffisantes, et il n'y a pas assez d'emplois dans les communautés. Un médecin, par exemple, ne sera pas embauché, souvent à cause du racisme et parfois parce que l'emploi est trop éloigné. La plupart du temps, ils ne trouvent pas de travail, même s'ils sont instruits. Je pense que c'est une lacune que nous devons combler.
M. Whiteduck : Dans mes voyages au Québec, en particulier pour visiter les Premières nations, je vois souvent les problèmes de capacité de gestion, par exemple. La plupart des communautés du Québec ont un taux de natalité très élevé. Pas nous. Nous sommes assez stables. Comme dans le reste de la société, nous avons une population vieillissante. Dans d'autres communautés, le nombre d'enfants dans les familles est très élevé et les écoles ne peuvent pas répondre à la demande; les infrastructures ne suffisent pas. Quand je vois certaines de ces infrastructures, je me demande comment on peut permettre que des enfants se retrouvent dans de tels environnements. Il est vrai que la communauté a aussi un rôle à jouer. La communauté doit réagir à un moment donné. On accepte la situation ou on ne l'accepte pas. Mais je pense que lorsque la sécurité est compromise, on n'a pas le choix. On réagit. Il le faut. C'est une responsabilité parentale et politique.
Dans les communautés, parce qu'elles sont confrontées à une multitude de problèmes et qu'elles s'efforcent de tout équilibrer, c'est parfois très difficile de poursuivre la lutte, de garder l'attention sur l'éducation, tout en s'occupant des problèmes de logement, de santé et d'emploi, par exemple.
Le sénateur Stewart Olsen : Chef, je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à tous les élèves qui vous accompagnent. Nous sommes très heureux de vous voir ici.
D'après ce que j'entends et ce que j'ai lu sur votre bande, votre taux de réussite est peut-être plus élevé que la moyenne. Je vais vous demander votre avis et peut-être vous faire cogiter un peu.
Les témoins que nous avons entendus et les gens qui se sont exprimés me font croire qu'il y a une grande différence selon qu'on est proche de grands centres ou dans des régions rurales. Je ne suis pas certain que votre modèle pourrait être implanté tel quel dans une région isolée. Dans le rapport que nous présenterons, devrions-nous avoir deux optiques, les régions rurales et les régions plus urbaines? Je pense que les deux groupes ont des difficultés très nettes.
M. Whiteduck : Je suis d'accord. C'est une observation très importante. En même temps, je connais des communautés proches de centres urbains, de petites villes, qui ont tout de même beaucoup de difficultés. C'est encore une question de développement des capacités au niveau communautaire. La gestion du financement de l'éducation est le grand problème. On a appris au fur et à mesure, parce que les Affaires indiennes n'étaient pas là pour nous aider. Parfois, nous nous sommes trompés et nous avons aussi tiré des leçons de nos erreurs, mais nous devions nous débrouiller tout seuls. Quand le contrôle indien est arrivé, nous avons tout simplement pris le relais d'AINC. Nous n'avions pas les outils, alors nous avons dû les inventer, et les outils devaient d'abord nous permettre d'obtenir une éducation. Nous avons progressé par essai et erreur.
Je sais que, dans de nombreuses communautés, la capacité de gestion et la surveillance des programmes peuvent être problématiques. Cela dit, je suis encore convaincu qu'avec quelques ressources supplémentaires, certains besoins pourraient être satisfaits. On ne peut pas sauter de A à Z. Il faut franchir les étapes, et toutes les communautés doivent avancer graduellement. C'est pour cette raison que je crois dans le concept d'un bulletin annuel. Le gouvernement les Premières nations doivent convenir de le mettre en place. Nous indiquerons le nombre de diplômés et les besoins spéciaux et où nous en sommes. Ensuite, nous nous assoirons à la table, nous réévaluerons la situation, nous appuierons sur le positif et le renforcerons et nous prendrons les mesures correctives qui s'imposent. Je pense que c'est possible.
Le sénateur Stewart Olsen : J'ai davantage une observation qu'une question. Je suis d'accord avec vous pour adopter une approche plus terre-à-terre, pas rigide et pas axée uniquement sur des ententes. Quand on a les connaissances et si l'on accepte qu'il vaut mieux travailler avec les personnes les plus proches de soi, je pense qu'on a plus de chance de réussir.
Le sénateur Raine : Durant notre étude, nous avons parlé à des éducateurs à divers endroits au Canada. Il y a un fil commun, soit que quelqu'un dans la communauté a pris le taureau par les cornes et décidé qu'il fallait investir davantage dans les écoles.
Quand vous vous êtes retrouvés dans cette situation, quelles ressources avez-vous pu investir dans les écoles pour qu'elles puissent fonctionner?
M. Whiteduck : Nous avons négocié les budgets avec les Affaires indiennes. Nous avons dû être très astucieux dans nos négociations, repousser les limites quand il le fallait et nous entendre à l'intérieur des formules. Elles sont nombreuses. Nous devions faire attention aux nombreuses formules dans les nombreuses sources de financement de l'éducation. Il fallait négocier avec astuce. Finalement, dans notre communauté — et je suis très transparent à ce sujet —, par exemple, quand nous négociions avec les Affaires indiennes sur l'enveloppe complète pour l'éducation programme par programme, le ministère nous a dit qu'il ne pouvait plus nous donner de ressources pour faire fonctionner nos écoles. Nous avons alors négocié encore plus et présenté nos arguments pour que l'enveloppe du postsecondaire soit plus élevée. Ils savaient que nous réinvestirions ces fonds supplémentaires dans une école de bande. Pour eux, c'était une façon de contourner le problème. Ils ne pouvaient pas le donner à un endroit, mais ils pouvaient faire des projections. Ce qui était important pour nous, c'est que les ressources pour l'éducation restent en éducation. C'était important.
Si la formule avait répondu à nos besoins pour l'école communautaire, nous n'aurions pas été obligés d'agir ainsi. Ce qui se passe maintenant, au fil des années, parce qu'il y a des ententes pluriannuelles, c'est que de plus en plus d'élèves font des études postsecondaires et que notre enveloppe du postsecondaire diminue. Il y a de moins en moins d'argent pour l'école, et notre défi consiste à offrir les programmes que nous voulons à l'école. Nous sommes maintenant à une croisée des chemins. Nous sommes sur le point de négocier avec les Affaires indiennes une nouvelle entente pluriannuelle et nous ne savons pas ce qui nous attend.
Je suis certain que, s'il le fallait au niveau communautaire, il pourrait y avoir des investissements mineurs dans certains domaines, mais nos moyens sont limités.
Le sénateur Raine : C'est intéressant. Une bande autochtone en Colombie-Britannique qui a obtenu un règlement de revendications particulières a placé les fonds dans une fiducie qui ne peut effectuer de versements à des particuliers. Tous les fonds doivent être investis dans l'infrastructure et l'éducation. Cela a fait toute la différence pour eux, parce que les formules ne vous aident pas à avoir votre propre école. Bonne chance dans vos négociations.
J'ai une autre question. Vous travaillez évidemment avec les jeunes de votre communauté qui vont dans les écoles provinciales et vice versa. Comment suivez-vous les mouvements des élèves? Chaque élève a-t-il un numéro d'étudiant afin de pouvoir suivre les transferts d'une école à l'autre?
M. Whiteduck : Les élèves visés ne se comptent pas par centaines. C'est beaucoup plus facile parce qu'ils ne sont pas nombreux. On les suit par leurs bulletins. Lorsqu'ils vont ailleurs, le dossier est transféré ailleurs. S'ils reviennent, le dossier revient chez nous.
Dans notre cas, la ville locale de Maniwaki n'a pas de grande école anglophone. Elle est à peu près de la même taille que la nôtre. Nous avons tenté pendant des années de nous asseoir avec eux et de leur demander pourquoi nous travaillons chacun de notre côté; pourquoi nous ne pouvons pas trouver une façon, par exemple, de réunir nos élèves du secondaire avec les leurs et d'offrir un programme encore meilleur, un programme plus complet. Ils n'ont jamais voulu. Nous avons essayé à maintes reprises.
Il y a des limites à ce qu'on peut faire dans ces situations pour essayer de trouver une solution. Nous les suivons de cette façon. Il faut se rappeler que, dans la ville locale, et c'est peut-être le cas ailleurs, environ 52 p. 100 des élèves sont Algonquins, soit de notre communauté, soit d'une autre communauté algonquine appelée Lac Barrière. Si ces élèves revenaient chez eux, le système anglophone à Maniwaki tomberait. C'est pour cette raison que je ne comprends jamais pourquoi ils étaient réticents à s'asseoir avec nous. Pour moi, c'est tout à fait logique de mettre en commun nos ressources et de pousser dans le même sens pour améliorer la qualité de nos programmes.
Le sénateur Raine : Vous avez tout à fait raison.
En ce qui concerne le suivi, je crois qu'AINC est en train de mettre au point un système d'information sur l'éducation, afin de collecter des données pour les rapports et la reddition des comptes. Êtes-vous au courant de cette proposition?
M. Whiteduck : Oui, plus ou moins. Je pense que ce sera un important outil de gestion, mais il doit être important pour la communauté. Il faut utiliser les données pour obtenir un changement et pas seulement pour s'amuser à les collecter. Il faut les utiliser pour améliorer la situation, pour comprendre les réussites et les problèmes, afin de changer. Je m'efforce toujours de veiller à ce que la base de données ou le régime de gestion qui seront utilisés soient de bons outils pour la communauté. Oui, cela devient un bon outil pour AINC et les organismes régionaux, mais d'abord et avant tout, pour la communauté.
Le sénateur Raine : Ne craignez-vous pas que cela fasse double emploi avec la gestion des données existante?
M. Whiteduck : Probablement, et je suis fermement convaincu qu'il faut travailler avec les Premières nations pour trouver des solutions et arriver à un consensus. Tout le monde y gagne.
Le sénateur Poirier : Dans votre exposé, vous avez indiqué que les parents avaient le choix d'envoyer leurs enfants à l'école de la réserve, l'école algonquine, ou à l'école provinciale. Pouvez-vous me donner une idée du pourcentage d'élèves qui vont à l'école provinciale et de ceux qui vont à l'école de la réserve?
M. Whiteduck : Il a varié d'un creux d'environ 10 p. 100 à un sommet d'environ 18 p. 100. Cela s'explique de plusieurs façons. Pour vous donner un exemple, certains parents ne sont pas tout à fait sûrs de la valeur de notre diplôme d'études secondaires. Même si nous avons démontré que cela ne pose pas de problème pour aller dans un collège communautaire. Certains parents veulent que leurs enfants soient plus intégrés dans la société dominante. Ils estiment que cela les prépare mieux et c'est leur droit.
Le sénateur Poirier : De 10 à 18 p. 100 qui vont à l'école de la réserve?
M. Whiteduck : Oui.
Le sénateur Poirier : Le niveau des élèves de votre école qui obtiennent leur diplôme et continuent au collège communautaire, à l'université ou au cégep est-il assez comparable à ceux qui sortent des écoles provinciales?
M. Whiteduck : En fait, il y a un peu plus de diplômés de l'école Kitigan Zibi que dans le réseau provincial. Nous le constatons aussi dans la communauté du Lac Barrière, au nord de chez nous, parce que certains de leurs enfants viennent à notre école, mais d'autres vont à l'école provinciale. Nous avons tendance à diplômer un ou deux élèves par année chez nous, ce qui est énorme pour une communauté qui s'efforce de prendre le contrôle de l'éducation. Nous réussissons à ce que des jeunes finissent au moins leur secondaire. Nous avons tendance à en diplômer davantage qu'avant ou qu'au niveau provincial.
Le sénateur Poirier : Il y a environ trois ou quatre semaines, nous sommes allés dans une mission d'information en Saskatchewan et en Alberta. Nous avons visité de nombreuses écoles. Certaines étaient des écoles autochtones, d'autres, des écoles provinciales accueillant des élèves autochtones. Certaines de celles que nous avons visitées, surtout parmi les écoles provinciales, faisaient des efforts énormes pour que les élèves autochtones se sentent bienvenus en offrant des programmes sur la culture, par exemple. Est-ce la même chose dans l'école provinciale où vont vos élèves?
M. Whiteduck : Un peu. Ils ne se préoccupent pas nécessairement beaucoup de cet aspect. Ils estiment avoir un public captif. On n'y enseigne pas l'algonquin. J'insiste vraiment sur l'importance d'enseigner notre langue. À un moment donné, il faudrait vraiment discuter de la possibilité que l'enseignement à l'intention des Premières nations se fasse entièrement dans la langue des Premières nations. Chez nous, il ne reste plus qu'environ 150 personnes qui maîtrisent notre langue et il y en a une ici ce soir.
Nous l'enseignons à l'école. Nous avons le programme d'immersion, mais nous sommes en mode de survie. Nous devons nous demander s'il faut continuer ou non. Pour nous, c'est important, mais il nous faut des ressources pour pouvoir le faire. Nous luttons. Nous ne pouvons pas nous permettre que la langue disparaisse chez nous. Nous connaissons d'autres Premières nations au Canada qui aimeraient mettre sur pied leur propre système, mais c'est une question de ressources pour pouvoir y arriver. Le concept de l'école d'immersion en français qui s'est implanté en Ontario et ailleurs au Canada est possible. Nous pouvons l'appliquer. Rien ne l'empêche.
Le sénateur Poirier : Finalement, dans un tout autre ordre d'idées, vous avez dit que lorsque vos élèves — et nous avons entendu la même chose de nombreuses autres Premières nations — partent et vont dans une école provinciale, le coût ou le transfert de fonds est beaucoup plus élevé pour vous et cela réduit ce qui reste à distribuer dans votre école. Vous avez indiqué également que vous avez conclu avec la province une entente par laquelle des élèves du réseau provincial vont dans votre école. Quelle est l'entente financière dans ce cas? Y a-t-il une équivalence équitable?
M. Whiteduck : Je faisais allusion aux élèves algonquins qui vivent en ville. Chaque fois qu'une famille vit hors de la communauté, on ne peut pas la mettre sur notre liste pour obtenir du financement d'AINC parce qu'on considère qu'elle ne vit pas sur la réserve.
Pour répondre précisément à cette question, nous obtenons les mêmes frais de scolarité que ce que nous verserions à la commission scolaire. C'est le même montant.
Le sénateur Poirier : Même si ce sont des élèves autochtones qui vivent hors de la réserve, le montant que vous...
M. Whiteduck : Non. Nous ne recevons rien pour des élèves qui vivent hors de la réserve au niveau primaire ou secondaire. Ils doivent vivre dans la réserve. S'ils vivent à Ottawa et vont à une école secondaire à Ottawa, nous ne recevons pas un sou. Quand nous préparons la liste pour AINC, nous ne pouvons y inscrire que ceux qui résident dans la réserve.
Le sénateur Poirier : J'ai peut-être mal compris. Si vous avez un enfant qui vit dans la réserve et que les parents décident de l'envoyer à l'école provinciale, alors la Première nation doit payer un certain montant à la province, n'est- ce pas?
M. Whiteduck : Oui, parce que nous obtenons du financement pour les frais de scolarité à payer.
Le sénateur Poirier : Mais dans le cas d'une famille autochtone qui ne vit pas dans la réserve, cette famille autochtone pourrait-elle prendre la décision, si elle vit à proximité, d'envoyer son enfant à l'école autochtone plutôt qu'à l'école provinciale?
M. Whiteduck : Oui.
Le sénateur Poirier : Si elle le fait, quel est le montant du transfert?
M. Whiteduck : Le même que ce que nous paierions à l'école provinciale pour nos élèves.
Le sénateur Poirier : Le même montant, d'accord.
M. Whiteduck : C'est ce que nous avons établi. Il n'y a pas beaucoup de cas semblables au Canada. Je me rappelle avoir négocié cette entente il y a une dizaine d'années. Même si nous n'avions pas beaucoup d'élèves dans cette situation, les commissions scolaires n'y voyaient pas de problème. Les commissions scolaires ne voulaient pas payer le transport, mais les frais de scolarité étaient couverts.
Le sénateur Poirier : À votre connaissance, est-ce la même chose dans toutes les provinces ou est-ce négocié province par province?
M. Whiteduck : C'est négocié d'une commission scolaire à l'autre. Je l'ai fait avec la commission scolaire et quelqu'un au ministère a accepté ces paiements. Notre entente sur les frais de scolarité avec la commission scolaire était assez particulière, parce que la commission scolaire a reconnu notre compétence; sur notre territoire, nous avons reconnu la leur. Il s'agissait d'une reconnaissance mutuelle.
Le sénateur Dallaire : Chef Whiteduck, vous avez été dans le secteur de l'éducation toute votre vie, comme vous dites. Vous avez fait preuve d'extraordinaires qualités de leadership pour faire avancer le leadership dans votre communauté.
Si nous voyons des scénarios pas très reluisants, non seulement dans les régions isolées, mais aussi dans des régions qui le sont moins, pensez-vous qu'il faut peut-être un engagement plus grand ou une plus grande capacité de leadership chez les Premières nations afin d'obtenir les résultats que vous avez pu obtenir chez vous?
M. Whiteduck : Je répondrais probablement que oui. Je dis toujours que tout n'est pas rose chez nous. Nous avons des difficultés dans de nombreux domaines, mais il faut un engagement de la part de ceux qui croient dans les gens. Je crois, mais je ne suis pas seul, toute la communauté et toutes les personnes intéressées le croient aussi, en l'avenir de ces jeunes. Je sais qu'il ne me reste plus que quelques années. Je cherche sans cesse autour de moi pour trouver, par exemple, celui de ces jeunes qui prendra le relais et qui sera à l'aise dans ce rôle, fier de lui et capable de venir à des tables comme celle-ci. C'est pour cette raison que j'ai toujours été aussi passionné par l'éducation, parce que cela m'a permis enfin de m'exprimer — ce que nous avons mis tant de temps à faire — sans crainte, et en toute franchise et simplicité.
Le sénateur Brazeau : Nous avons parlé des frustrations beaucoup trop fréquentes avec les bureaucrates. En ce qui concerne l'école primaire et secondaire, vous dites qu'aucun financement n'est accordé à la communauté pour les élèves hors réserve. Est-ce une politique du ministère? Quelles mesures avez-vous prises pour tenter de corriger la situation et que vous répondent les fonctionnaires?
M. Whiteduck : C'est une question importante parce qu'elle n'est pas résolue. AINC a pour politique de ne financer que l'éducation primaire et secondaire dans les réserves. Je vous donnerai un exemple.
Si un élève habite chez nous et qu'il n'y a pas de programme pour lui, il doit venir à Ottawa parce qu'il y a un programme spécial et que du financement est accordé pour le logement à Ottawa. Mais nous n'obtenons pas ce financement pour nos membres qui vivent à Toronto ou ailleurs. Tous les ans, nous devons envoyer un rapport. Nous donnons la liste de tous nos élèves, leur niveau, leur date de naissance, et d'autres renseignements de ce genre. Ils doivent vivre dans la réserve. AINC pourrait venir à l'école et nous dire : « Vous nous avez donné une liste de 20 élèves. Montrez-nous où ils sont aujourd'hui. S'ils sont absents, nous ferons peut-être des appels pour nous assurer qu'ils doivent vraiment figurer sur la liste. »
Si vous vous souvenez bien, il y a quelques années, le Québec a eu un grand problème parce que les commissions scolaires inscrivaient de faux élèves ou des élèves fantômes sur leurs listes. Nous devons rendre compte des élèves inscrits. Il faut des vérifications. Il existe une politique. Au fil des années, j'ai écrit aux ministres et j'ai parlé aux bureaucrates parce qu'un grand nombre de nos familles vivent hors des réserves. Il n'y a pas de problème avec les frais de scolarité, mais parfois ils ont besoin d'aide pour les fournitures et les manuels scolaires. Au fil des ans, nous nous sommes efforcés dans notre communauté de prendre une partie de l'argent dans notre enveloppe de l'éducation pour financer l'éducation hors réserve, même si nous ne recevions rien pour cela, pour les fournitures et les manuels scolaires. Récemment, avec les compressions financières, nous avons réduit ce montant à 70 $ pour ceux qui le demandent, quand il y a un besoin, afin de les aider à payer les fournitures scolaires. Ce montant vient de notre enveloppe globale. Il faudra peut-être aller le chercher dans les fonds de la bande, à l'avenir, nous ne sommes pas certains. Nous croyons qu'on fait partie de KZ, qu'on soit dans la réserve ou ailleurs. Nous essayons d'aider, même quand nous ne recevons aucun financement. Nous avons demandé aux Affaires indiennes d'au moins envisager de nous donner quelque chose, parce que de nombreuses familles qui vivent hors de la réserve en arrachent.
Le président : Je vous remercie, chef Whiteduck. Vous êtes un as dans votre domaine. Vous travaillez dans l'une des plus importantes professions touchées par notre étude, l'enseignement. Je suis fermement convaincu que, s'il existe une profession au monde qui peut faire une différence pour nos Premières nations, c'est celle d'enseignant. Je m'en voudrais de ne pas remercier ceux qui sont venus avec vous et qui appuient ce que vous faites.
Vous avez déclaré que cette question a été étudiée en long et en large; c'est vrai. Nous espérons que notre comité aura la sagesse et la capacité de faire des recommandations qui seront productives et appuyées.
Nous continuerons maintenant à huis clos pour terminer notre travail de ce soir.
(Le comité se poursuit ses travaux à huis clos.)