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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 17 - Témoignages du 2 février 2011


OTTAWA, le mercredi 2 février 2011

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.

Le sénateur Gerry St.Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, honorables sénateurs. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et à tous nos téléspectateurs sur CPAC ou sur le web.

Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider le comité. Notre mandat est d'étudier les lois qui traitent de questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Ce soir, nous entamons l'étude du projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres de Premières Nations. Nous accueillons quatre témoins de trois ministères : le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le ministère de la Justice et Santé Canada.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité présents ici ce soir.

[Traduction]

Le vice-président du comité est le sénateur Dyck, de la Saskatchewan. À ses côtés, nous avons le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique; le sénateur Dallaire, du Québec; le sénateur Banks, de l'Alberta; le sénateur Poirier, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Stewart Olsen, aussi du Nouveau-Brunswick; le sénateur Brazeau, du Québec; le sénateur Lang, du Yukon; le sénateur Demers, aussi du Québec. Enfin, et ce n'est pas le moindre, nous avons le sénateur Patterson, du Nunavut.

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour accueillir nos témoins. Du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, nous avons Christine Cram, sous-ministre adjointe, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social, et Karl Carisse, directeur principal, Direction des initiatives stratégiques, Direction générale des infrastructures communautaires, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social. De Santé Canada, nous accueillons Sheilagh Jane Woods, directrice générale, Direction des soins de santé primaires et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits; le ministère de la Justice est représenté par Paul Salembier, avocat général.

Je ne sais pas combien d'exposés nous avons, mais nous demandons aux témoins, comme c'est notre habitude, d'être le plus concis et précis possible dans leurs exposés parce que nous aurons des questions à poser au sujet du projet de loi.

Sans plus tarder, madame Cram, la parole est à vous.

[Français]

Christine Cram, sous-ministre adjointe, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social, Affaires indiennes et du Nord Canada : Honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de cette occasion que vous nous offrez de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-11, la Loi concernant la sécurité de l'eau potable sur les terres des Premières nations.

En avril 2010, nous sommes venus devant vous pour discuter des progrès que nous avons réalisés au sujet de l'eau potable sur les terres des Premières nations. À ce moment, nous avons parlé du besoin de légiférer en matière d'eau potable et d'eaux usées. Nous sommes heureux de revenir devant vous aujourd'hui afin de discuter de cette importante question de santé et de sécurité.

[Traduction]

L'accès à de l'eau potable salubre, le traitement efficace des eaux usées et la protection des sources d'eau potable dans les collectivités des Premières nations sont indispensables à la santé et la sécurité des ces peuples. La loi proposée, élaborée avec Santé Canada en consultation avec les Premières nations, est une partie essentielle de l'approche globale d'évaluation, d'investissement et de protection mise en place par le gouvernement pour s'attaquer au plus important problème de santé et de sécurité auquel les Premières nations sont confrontées actuellement.

Les provinces et les territoires ont depuis longtemps mis en œuvre une réglementation sur l'eau potable et les eaux usées. Cependant, il n'existe actuellement aucune loi fédérale régissant l'eau potable et les eaux usées dans les collectivités des Premières nations. C'est pourquoi le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et la ministre de la Santé ont déposé ce projet de loi.

Le gouvernement fédéral dispose de protocoles pour les systèmes centralisés et décentralisés d'eau potable et d'eaux usées dans les collectivités des Premières nations qui énoncent des normes pour la conception, le fonctionnement et l'entretien des systèmes d'eau potable. Les recommandations de Santé Canada pour la qualité de l'eau potable au Canada établissent les paramètres de sécurité pour les contaminants potentiellement nocifs que l'on peut trouver dans l'eau potable. Cependant, il n'existe aucun fondement législatif permettant de s'assurer du respect du protocole ou des recommandations de Santé Canada.

Le projet de loi S-11 permettra au gouvernement de mettre au point, en collaboration avec les Premières nations, des règlements applicables pour assurer la qualité de l'eau potable au sein des collectivités des Premières nations. Ainsi, l'écart qui existe actuellement entre les systèmes d'eau potable des réserves et ceux de l'extérieur des réserves sera comblé. Le projet de loi aidera à protéger la santé et la sécurité des collectivités des Premières nations de même que les investissements importants dans les infrastructures pour le traitement de l'eau et des eaux usées.

Il y a trois ans, le comité a entendu les témoignages d'une panoplie d'experts et a publié le rapport intitulé L'approvisionnement en eau potable sécuritaire pour les Premières nations, qui est directement lié au projet de loi. En fait, le rapport du comité est l'un des nombreux rapports présentés ces dernières années qui recommandaient l'adoption d'une loi dans ce domaine. Le Bureau du vérificateur général du Canada et un groupe d'experts ont aussi recommandé l'élaboration d'un cadre législatif pour aider à garantir que les Premières nations disposent d'eau potable salubre et propre.

Le projet de loi S-11 est la concrétisation d'une mesure législative qui permettra au gouvernement fédéral d'élaborer une réglementation fédérale pour l'eau potable et les eaux usées, en collaboration avec les Premières nations, les provinces, les territoires et d'autres intervenants, en procédant province par province et territoire par territoire. Le projet de loi S-11 devrait offrir la flexibilité nécessaire pour trouver, avec les Premières nations, les meilleures solutions.

Pour ce qui est de la réglementation, le gouvernement fédéral visera une approche graduelle, de façon à ce que son entrée en vigueur coïncide avec la capacité des collectivités de satisfaire aux exigences réglementaires, ce qui donnera aux Premières nations et aux exploitants des systèmes le temps nécessaire pour se familiariser avec le nouveau cadre réglementaire et pour faire des investissements dans une infrastructure qui permettra de satisfaire aux règlements.

[Français]

Le gouvernement a travaillé avec les Premières nations à l'élaboration de cette mesure législative. Le gouvernement continue à travailler très étroitement avec les Premières nations, par l'entremise des organisations régionales des Premières nations, afin d'explorer des options pour le développement des règlements.

Au cours des quatre dernières années, des options pour l'eau potable et les eaux usées ont été discutées avec les Premières nations, les chefs régionaux des Premières nations, les organisations des Premières nations, les responsables des gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres parties. Des discussions se poursuivent aujourd'hui avec les dirigeants d'organisations régionales des Premières nations à travers le Canada pour discuter des enjeux spécifiques.

Le gouvernement du Canada continuera ces discussions avec les organisations régionales des Premières nations pour entreprendre une analyse complète des impacts résultant du développement de cadres de réglementation. Ce travail complémentera les analyses de répercussion faites, en 2009, par les Premières nations et subventionnées par le gouvernement.

Pour s'assurer que les intentions du gouvernement sont claires et que les inquiétudes des Premières nations sont bien comprises, le gouvernement du Canada continue de discuter avec les organisations régionales des Premières nations, en préparation à l'élaboration d'un régime réglementaire fédéral.

[Traduction]

Bien que certaines Premières nations aient exprimé leurs préoccupations, beaucoup sont favorables à des règlements régissant l'eau potable et les eaux usées dans les réserves. À l'occasion de son assemblée générale de janvier 2010, l'Atlantic Policy Congress a adopté une résolution d'appui à l'élaboration d'une loi sur l'eau potable. Pendant son assemblée annuelle de juin 2010, en appui à la poursuite des négociations sur l'élaboration d'une réglementation avec le gouvernement du Canada, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador a adopté une résolution à l'unanimité. L'Atlantic Policy Congress, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, ou APNQL, et la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, ou FNIS, ont présenté des propositions concernant l'élaboration de la réglementation, dans lesquelles ces organismes ont indiqué les approches qu'ils privilégiaient dans leur province respective. Le Conseil des Mohawks d'Akwesasne a aussi exprimé son intérêt pour le maintien d'un dialogue ouvert avec le gouvernement sur l'élaboration d'un régime réglementaire pour la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations. À chaque étape de l'élaboration d'un régime réglementaire fédéral, le gouvernement souhaitera poursuivre les discussions avec les organismes autochtones ainsi qu'avec les provinces et les territoires pour s'assurer que la réglementation répond aux besoins particuliers des collectivités des Premières nations.

Depuis 2006, le gouvernement s'est engagé dans une stratégie complète touchant l'évaluation, les investissements et la protection. En mai 2009, suite aux recommandations du comité, le gouvernement du Canada a demandé à un tiers indépendant d'effectuer une évaluation nationale pour déterminer l'état des réseaux d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées.

Environ 1 700 systèmes, dans quelque 570 collectivités des Premières nations, ont été évalués. Il s'agit de l'évaluation la plus complète jamais entreprise sur l'état des infrastructures d'eau potable et d'eaux usées des réserves. On en est à l'étape de la compilation des résultats, qui devraient être publiés au printemps 2011.

Entre 2006 et 2012, le gouvernement du Canada aura investi plus de 2,5 milliards de dollars dans ces infrastructures, ce qui comprend les investissements du Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations, qui a d'abord été annoncé en avril 2008 et récemment prolongé jusqu'à 2012, et qui s'élève à 660 millions de dollars sur quatre ans.

Le projet de loi S-11 est une composante essentielle de cette stratégie. Il fournira le mandat nécessaire à l'entrée en vigueur d'une réglementation exécutoire visant à protéger les investissements en infrastructure, en formation, en exploitation et en entretien. En revanche, cette protection contribuera à l'obtention de meilleurs résultats relativement aux efforts déployés pour garantir de l'eau potable salubre aux collectivités des Premières nations.

Le Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations a donné les résultats suivants : le nombre d'exploitants de systèmes de traitement des eaux usées certifiés est passé de 392, soit 35 p. 100, en novembre 2006, à 683, ou 60 p. 100, en mars 2010. Ces investissements assurent aussi une augmentation du financement du Programme de formation itinérante, qui est un rouage important qui permet aux exploitants autochtones de recevoir sur place une formation continue sur le fonctionnement de leurs installations de traitement de l'eau potable et des eaux usées. En 2009, 11 nouveaux agents de formation ont été engagés, ce qui porte leur nombre à 65.

[Français]

Nous comprenons que certaines Premières nations ont des préoccupations au sujet du projet de loi S-11, et j'aimerais prendre cette opportunité pour répondre à ces inquiétudes.

[Traduction]

Certaines Premières nations se sont dites préoccupées par le fait que le projet de loi accorde au gouvernement beaucoup de latitude pour déléguer des pouvoirs. Notre intention était de nous assurer que le libellé du projet de loi est suffisamment souple pour que les organismes des Premières nations ou d'autres agents s'acquittent de leurs fonctions conformément à la réglementation.

De plus, certaines préoccupations ont été soulevées au sujet de la capacité des Premières nations de faire appliquer la réglementation proposée et de se conformer à ses exigences. L'intention du gouvernement est que la mise en œuvre du régime réglementaire prévu dans le projet de loi S-11 se fasse de façon graduelle, sur un certain nombre d'années, afin de s'assurer que la composante de conformité n'entre pas en vigueur avant que les Premières nations aient la capacité de s'y conformer.

Pour ce qui est des préoccupations relatives aux effets du projet de loi S-11 sur les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones, il faut savoir que comme pour toute loi, l'article 35 de la Loi constitutionnelle, qui protège ces droits, s'applique au projet de loi S-11.

L'accès à de l'eau potable salubre, le traitement efficace des eaux usées et la protection des sources d'eau potable dans les collectivités des Premières nations sont essentiels à la santé et la sécurité des peuples des Premières nations. Le projet de loi S-11 est une composante vitale de la stratégie d'évaluation, d'investissement et de protection du gouvernement; l'objectif est d'assurer que les Premières nations jouissent des mêmes mesures de protection que tous les Canadiens. L'absence d'une loi fédérale régissant l'eau potable et les eaux usées dans les collectivités des Premières nations signifie qu'il n'y a aucun cadre législatif pour obliger le respect des protocoles pour la salubrité de l'eau potable du MAINC ou des recommandations de Santé Canada. La loi comblera cette lacune. Elle permettra de protéger la santé et la sécurité des collectivités des Premières nations ainsi que les investissements importants qui ont été faits dans les infrastructures et de faire en sorte que la qualité de l'eau dans les réserves est comparable à celle que l'on retrouve à l'extérieur des réserves.

Nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de participer aux travaux du comité et nous sommes impatients de connaître l'avis des Premières nations et des autres intervenants dans le cadre de l'examen du projet de loi S-11. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

Le président : Madame Cram, vous avez dit que « l'intention du gouvernement est que la mise en œuvre du régime réglementaire prévu dans le projet de loi S-11 se fasse de façon graduelle, sur un certain nombre d'années, afin de s'assurer que la composante de conformité n'entre pas en vigueur avant que les Premières nations aient la capacité de s'y conformer. »

En attendant, qu'arrivera-t-il à leur eau? Quelqu'un qui a un problème d'eau veut, pour ainsi dire, que cela se règle instantanément. On ne veut exposer personne à de l'eau potable insalubre.

Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement de cette approche, de façon à ce que personne ne soit exposé à de l'eau insalubre?

Mme Cram : Merci d'avoir posé cette question. Nous prévoyons travailler en parallèle. Comme je l'ai dit, nous avons actuellement une stratégie à trois volets : investissement, protection et évaluation. Nous allons continuer à travailler sur cette stratégie.

J'ai mentionné qu'une évaluation nationale est en cours. On a visité les collectivités et les rapports commencent à nous parvenir. Nous devons en faire l'évaluation, et nous prévoyons publier les résultats au printemps. L'évaluation nous permettra de mettre au point une stratégie d'investissement pour l'eau, et nous mettrons l'accent sur les systèmes prioritaires, parce que l'évaluation ne tient pas seulement compte des exigences en infrastructures, mais aussi des exigences en matière de capacité, de formation, d'exploitation et d'entretien nécessaires au bon fonctionnement de ces systèmes.

Par le passé, nous avons apporté des améliorations, et nous continuerons en ce sens. Nous pourrons tirer profit de l'évaluation nationale pour préparer notre plan d'investissement. C'est en fonction des résultats que se feront les investissements, et nous renforcerons les volets formation et exploitation, qui ont besoin d'être revus.

L'idée, c'est que tout ce travail se poursuivra en parallèle. L'élaboration des cadres réglementaires prendra du temps. Nous nous attendons à ce que ce soit fait province par province. Nous allons commencer à travailler là-dessus. Nous espérons que le travail formera un tout lorsque la réglementation sera prête, que le plan d'investissement aura été mis en œuvre et que les mesures d'appui à la formation et à la capacité seront en place.

Ai-je répondu à votre question?

Le président : Oui, merci.

Le sénateur Dyck : Merci de votre exposé. Il était clair et concis.

Je vais commencer par parler de la question de la consultation. Dans votre exposé, vous avez dit que le gouvernement a travaillé à l'élaboration du projet de loi avec les Premières nations. Qu'est-ce que cela signifie? Vous avez dit que vous avez travaillé avec certains organismes qui ont apporté une contribution à ce projet de loi; or, certains d'entre nous ont reçu des lettres d'organismes autochtones disant qu'ils ne croient pas avoir été consultés.

À votre avis, quelle était l'étendue de ces consultations et quel a été l'apport réel des Premières nations au projet de loi?

Karl Carisse, directeur principal, Direction des initiatives stratégiques, Direction générale des infrastructures communautaires, Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social, Affaires indiennes et du Nord canadien : Nous avons mené le processus de consultation continue qui a débuté en 2006 avec la tournée nationale d'un groupe d'experts. Sous la direction de Harry Swain, un ancien sous-ministre du MAINC, le groupe d'experts a parlé des mesures à prendre pour combler le vide réglementaire avec les collectivités de l'ensemble du pays. Plus de 500 représentants ont participé aux discussions.

Quand le groupe d'experts a terminé son travail, nous avons tenu une réunion à Ottawa avec les techniciens des Premières nations de partout au pays pour discuter des résultats. Nous avons poursuivi nos travaux en maintenant cette approche. Au printemps et à l'été 2008, nous avons passé un certain nombre de semaines à entrer en contact avec divers organismes des Premières nations. Nous avons assisté à leurs réunions annuelles et avons fait des exposés sur les lois relatives à l'eau et sur la loi-cadre que nous envisagions, et nous leur avons dit que nous organiserions d'autres séances d'engagement officielles.

Ces séances ont eu lieu en février et en mars 2009. Il y a eu 13 séances à travers le pays. Nous avons payé les frais de déplacement pour que des dirigeants et des techniciens de chaque collectivité au Canada se joignent à nous lors de ces séances pour discuter d'un cadre réglementaire et législatif. Nous avons aussi invité des représentants des organismes techniques et des conseils de bande afin d'obtenir une vue d'ensemble des problèmes et pour avoir leur avis.

Pour stimuler les échanges, nous avons à ce moment-là préparé un document de discussion et nous avons aussi financé les organismes régionaux pour qu'ils puissent préparer une analyse des répercussions. Après avoir fourni le financement, le gouvernement s'est retiré pour obtenir l'avis des collectivités au sujet des répercussions possibles du cadre législatif et réglementaire sur les collectivités dans les provinces et les régions.

Ensuite, nous avons reçu beaucoup de correspondance sur l'issue de ces séances et des analyses des répercussions. Nous sommes retournés et avons eu des discussions avec les dirigeants régionaux du pays. Les rencontres ont toujours lieu. Un peu avant Noël, j'ai fait des exposés devant l'Assemblée des chefs des Premières nations signataires d'un traité de l'Alberta. Nous continuons nos séances d'engagement. Nous avons reçu bien des commentaires des Premières nations par rapport au projet de loi.

Le sénateur Dyck : Par souci de clarté, vous avez dit que les réunions se poursuivent actuellement. Puisque nous sommes saisis du projet de loi, en quoi ces séances contribuent-elles à son amélioration?

M. Carisse : Les réunions actuelles portent davantage sur la façon dont nous passerons à la prochaine étape et sur la question de savoir si la loi devrait être adoptée et recevoir la sanction royale. L'élaboration de la réglementation peut prendre diverses formes. Nous avons reçu des propositions de la part de la FNIS, de la Saskatchewan, et de l'APNQL, du Québec et du Labrador. L'Atlantic Policy Congress nous a aussi fait connaître son point de vue sur l'élaboration de la réglementation dans cette région. Le projet de loi lui-même est fondé en grande partie sur ce que nous avons entendu pendant ces séances.

Au début, nous avons eu beaucoup de commentaires de l'Assemblée des Premières Nations, qui a aussi assisté à certaines séances. Nous l'avons invitée à toutes les séances nationales.

Le sénateur Dyck : Vous avez mentionné la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, la FNIS. Les règlements qu'elle a proposés émanent de cet organisme, sans collaboration avec vos services. Est-ce exact?

M. Carisse : Nous avons reçu des propositions. Celle dont j'ai parlé est une chose pour laquelle nous collaborons avec les vice-chefs de la FNIS pour voir comment nous pouvons aller de l'avant.

Le sénateur Patterson : Le comité a travaillé sur cette question dans le passé. De toute évidence, il s'agit d'un problème important qui devrait être réglé dans les collectivités des Premières nations. La question porte sur les préoccupations des Premières nations, soit que la loi ne reconnaît pas leur compétence sur l'eau, la question des droits ancestraux ou issus des traités des Autochtones et aussi, je suppose, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Il me semble que c'est une question clé pour les Autochtones. Pouvez-vous nous dire de quelle façon le gouvernement a tenu compte, si c'est le cas, de cette question dans son approche? Est-il possible de répondre aux préoccupations des Premières nations?

Paul Salembier, avocat général, ministère de la Justice Canada : Je peux répondre à cette question, du moins en partie. Ce que nous prévoyons faire dans l'élaboration de la réglementation est de demander aux Premières nations de la région à laquelle s'appliquera la réglementation de s'asseoir avec le Canada et de rédiger la réglementation ligne par ligne. Les Premières nations qui seront touchées par les règlements qui régiront leurs collectivités participeront à leur élaboration.

Pour ce qui est des droits ancestraux ou issus des traités des Autochtones, habituellement, la partie de la loi qui porte sur la protection de l'eau potable traite aussi de la protection des sources d'eau potable. Autrement dit, la loi limite l'utilisation des terres entourant les sources d'eau potable pour s'assurer qu'elle n'est pas contaminée. Tout le monde est au courant des problèmes qu'il y a eus à Walkerton il y a quelques années. Ces problèmes ont été causés par la présence de bétail à proximité du puits qui servait à alimenter la ville en eau potable.

Dans la mesure où on limite l'utilisation des terres, oui, on pourrait considérer que cela a une incidence sur les droits ancestraux ou issus des traités des Autochtones liés à l'utilisation de leurs propres terres. C'est pourquoi nous voulons qu'ils participent et nous espérons que tous conviendront qu'imposer des restrictions mineures sur l'utilisation des terres sur une petite portion du territoire est justifiable, puisqu'il s'agit de protéger la santé et la sécurité des membres de cette collectivité.

Je pense qu'il s'agit là de l'approche du gouvernement concernant les droits ancestraux ou issus des traités des Autochtones et nous espérons qu'au bout du compte, après que les Premières nations auront travaillé avec nous à l'élaboration des règlements, personne ne soulèvera la question des répercussions des règlements sur les droits ancestraux, parce qu'on aura compris que les restrictions visent à protéger les gens de la collectivité.

Le sénateur Patterson : J'espère que vous avez raison et que c'est ici que cela se passera. J'entends dire, dans certains cercles, que c'est une question de principe, même si l'intention de la loi semble être dans l'intérêt du public et dans l'intérêt des peuples autochtones. La question semblait être une question de principe, du moins pour certains groupes que j'ai rencontrés. Je vous souhaite du succès dans votre approche.

Mon autre question est d'ordre technique. Je m'interroge au sujet de la disposition de non-dérogation incluse dans le projet de loi. On prévoit que la disposition de non-dérogation aux droits ancestraux ou issus de traités des Autochtones sera inscrite dans la réglementation plutôt que dans la loi, ce qui est probablement la façon de faire la plus courante quand il est question de non-dérogation, je pense.

Est-il plus commun de considérer la disposition de non-dérogation dans la loi comme une clause d'interprétation du statut? Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez parlé des règlements plutôt que de la loi en discutant de la disposition de non-dérogation?

M. Salembier : Je peux répondre à cette question aussi.

Les projets de loi qui contiennent une disposition de non-dérogation sont habituellement des lois pour lesquelles les règlements qui toucheront les Premières nations sont inclus dans les lois. Il est donc logique de retrouver la disposition de non-dérogation dans le même texte de loi que les règlements.

C'est ce que nous appelons une loi-cadre, et le projet de loi ne contient pratiquement aucun règlement touchant directement les Premières nations. Le projet de loi ne fait qu'autoriser l'élaboration de la réglementation région par région, et c'est dans cette réglementation que nous trouverons les règlements. En ce sens, il convient que la disposition de non-dérogation se trouve dans le même texte de loi que les règlements. Voilà un des aspects.

Un des autres avantages d'avoir une disposition de non-dérogation dans la réglementation est que cela permet aux Premières nations de participer à l'élaboration de la réglementation de façon à rédiger une disposition de non- dérogation adaptée à leurs propres droits ancestraux ou issus de traités. Nous n'imposons pas une disposition unique à tous les groupes de l'ensemble du pays. Nous pouvons adapter une disposition pour qu'elle réponde à leurs besoins spécifiques.

La troisième raison est une question de risque. Le problème avec les dispositions de non-dérogation — et je suis certain que tout le monde ici en est très conscient —, c'est que les tribunaux n'ont jamais interprété de façon exacte le rôle d'une disposition de non-dérogation. Je sais que le comité a entendu des témoins qui ont dit « Je pense que cela signifie ceci », d'autres qui ont dit « Je pense que cela signifie cela », ou encore, « J'aimerais que les tribunaux disent que cela signifie ceci ou cela. »

Compte tenu de l'incertitude au sujet des répercussions, on risque, en incluant la disposition dans le projet de loi lui- même, d'obliger le gouvernement à créer la réglementation et, en réalité, on pourrait empêcher le gouvernement d'adopter une réglementation quelconque qui pourrait avoir une incidence sur des choses comme la protection des sources d'eau potable. C'est le risque que nous voulons éviter.

Le sénateur Patterson : Merci de cette réponse. J'ai une autre question, mais je peux attendre au deuxième tour.

Le sénateur Poirier : Merci de votre exposé. J'ai seulement une question, à moins qu'elle ne mène à quelque chose d'autre. Elle porte sur l'établissement des peines. Le projet de loi dit :

La peine établie aux termes des règlements pris en vertu de l'alinéa (1)f) ne peut être supérieure à celle prévue par les textes législatifs de la province où l'infraction a été commise pour les mêmes actes ou omissions lorsqu'ils sont commis à l'extérieur des terres d'une première nation.

Je suis curieux de savoir comment on interprétera la disposition dans le cas d'une collectivité des Premières nations qui se trouve dans deux provinces à la fois et qui pourrait avoir deux lois différentes.

M. Salembier : Le choix est le suivant : avoir deux ensembles de règlements différents pour les parties de la collectivité qui se trouvent dans chaque province ou avoir un seul ensemble de règlements qui adoptent les limites d'une province, soit les plus basses. Ainsi, on satisfera aux exigences de la loi des deux provinces.

Si le territoire d'une Première nation chevauche le Québec et l'Ontario, que l'amende est de 1 000 $ en Ontario et 2 000 $ au Québec, on adopte alors l'amende la moins élevée et on se conforme ainsi à la limite supérieure dans les deux provinces.

Le sénateur Poirier : Cela fera-t-il l'objet d'une négociation particulière pour chacune des Premières nations en fonction de l'endroit où elles se trouvent, ou prévoyez-vous mettre en œuvre cette disposition?

M. Salembier : Je pense que nous voulons avoir l'avis des Premières nations dont les terres chevauchent deux provinces, et je présume que ce seront elles qui soulèveront ce genre de question. Nous chercherons une solution avec elles.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci de votre exposé.

Il ne fait aucun doute que la salubrité de l'eau potable et la protection de la santé et de la sécurité des Premières nations sont d'une importance capitale et qu'elles sont la raison d'être de cette mesure législative.

J'ai deux ou trois questions. Elles sont plus techniques qu'autre chose et elles portent sur la réglementation. La première porte sur l'alinéa 4p), qui parle de « l'obtention de permis préalablement à l'exercice de toute activité sur les terres d'une première nation susceptible d'influer sur la salubrité de l'eau potable ou de toute activité réglementée ».

Ma question est une précision pour moi-même. C'est probablement évident pour vous. Qui délivrera les permis?

M. Salembier : S'il y a un processus de délivrance des permis, la réglementation stipulera qui doit délivrer les permis. En l'occurrence, la réglementation pourrait indiquer qu'on doit obtenir un permis auprès du gouvernement de la Première nation lui-même. S'il y a un organisme d'inspection, une sorte de commission de l'eau pour cette région, un permis de cette commission de l'eau pourrait être requis. Ce sera décidé au cas par cas. La réponse sera évidente lorsqu'on aura établi le processus de délivrance des permis.

Le sénateur Stewart Olsen : Essentiellement, cette loi habilitante est un pas en avant dans la négociation de ces processus de délivrance des permis sur une base individuelle pour chacune des provinces et chacune des Premières nations. Le projet de loi n'est qu'une loi habilitante qui permettra à ce processus et à l'élaboration de se poursuivre.

M. Salembier : Exactement.

Le sénateur Lang : Il y a un an et demi, j'ai siégé au comité et je me souviens que d'importantes sommes d'argent, comme vous l'avez dit plus tôt, avaient été engagées par le gouvernement pendant les quatre dernières années : 2,5 milliards de dollars ou 660 millions par année.

Le sénateur Banks : C'était 660 millions de dollars sur quatre ans.

Le sénateur Lang : Vous pourriez me donner les bons chiffres.

Mme Cram : J'ai donné deux chiffres. J'ai dit que pour la période allant de 2006 à 2012, le gouvernement aura dépensé 2,5 milliards de dollars, dont 660 millions de dollars sur quatre ans pour le Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations. Il s'agit d'un programme spécial de quatre ans, ce qui revient à 165 millions de dollars par année.

Le sénateur Lang : J'essaie de connaître les réalisations du programme pour que nous ayons une idée du nombre de collectivités qui a bénéficié des investissements du Parlement et, par le fait même, savoir ce que vous avez fait pour répondre à la demande.

J'ai cru comprendre que lorsque vous avez commencé ce programme, environ 193 systèmes d'eau potable étaient considérés à haut risque. Vous pourriez peut-être nous éclairer sur les succès qu'a connus ce programme pour que nous sachions en quoi ils consistent, et pour que les téléspectateurs puissent voir ce qui est accompli.

Mme Cram : J'essaie de me rappeler combien il y avait de systèmes à haut risque, et je peux peut-être trouver ce renseignement pour vous.

À notre dernier rapport d'étape, soit celui de mars 2010 qui couvrait la période allant d'avril 2009 à mars 2010, le nombre de systèmes à haut risque était passé à 49 systèmes d'approvisionnement en eau et 61 systèmes de traitement des eaux usées. Il s'agit d'une baisse importante par rapport à la période précédente.

Aussi, dans mon exposé, j'ai parlé de l'augmentation du financement et de la portée du Programme de formation itinérante ainsi que du nombre d'exploitants accrédités. L'accent a été mis sur la réduction des risques liés aux systèmes et aussi sur l'augmentation de la capacité des exploitants et du soutien qui leur est fourni. La réduction du risque et l'augmentation de la capacité sont une réalité.

Pour certains des investissements en infrastructures, nous n'avons pas vu les résultats, et ce n'est pas avant la fin de la construction que nous pourrons les voir. Dans le cadre du Plan d'action économique du Canada, 18 autres projets ont été entrepris, ce qui représente un investissement de 193 millions de dollars sur deux ans. Ces travaux seront terminés d'ici le 31 mars prochain et nous pourrons alors voir les effets bénéfiques de cet investissement.

Le sénateur Lang : J'ai cru comprendre qu'il y avait aussi un certain nombre de collectivités qui avaient un système d'eau potable à haut risque et étaient à la fois sous le coup d'un avis concernant la qualité de l'eau potable. Je crois savoir que vous avez déterminé de quelles collectivités il s'agissait et que pendant cette période, vous avez corrigé un certain nombre de problèmes. Vous pourriez nous parler de ces projets aussi.

Mme Cram : À l'origine, notre liste des priorités comprenait 21 collectivités et, comme vous l'avez indiqué, en 2006, ces collectivités étaient à haut risque et étaient sous le coup d'un avis concernant la qualité de l'eau potable. Dans le dernier rapport d'étape, ce nombre était réduit à trois collectivités, où des travaux sont en cours. Les problèmes varient d'une collectivité à l'autre. Le sénateur Brazeau connaît très bien une de ces collectivités, parce qu'il s'agit de Kitigan Zibi.

De plus en plus de maisons sont raccordées aux usines de traitement des eaux usées, cela aide, mais certaines maisons, par exemple à Kitigan Zibi, qui sont situées en périphérie auront un problème en raison de la forte concentration d'uranium dans l'eau. Nous avons des plans d'action pour chacune des trois collectivités encore sur cette liste.

Le sénateur Lang : À bien des égards, c'est un beau projet qui se concrétise ici pour nous tous autour de cette table, particulièrement pour ceux qui sont ici depuis longtemps, comme le sénateur Banks.

Menez-vous une campagne de relations publiques pour faire connaître les mesures prises par le ministère et le gouvernement du Canada et pour en souligner les bienfaits?

Le sénateur Banks : Il n'y a que vous.

Le sénateur Lang : C'est un début. Vous pourriez emboîter le pas.

Le président : Sénateur Lang, vous venez de la lancer.

Le sénateur Campbell : Merci de cette pause humoristique, sénateur Lang. Merci également aux témoins de leur présence ici ce soir.

M. Harry Swain, le président du groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable, en est venu à cette conclusion dans le rapport :

[...] si nous voulons voir l'achèvement des efforts nationaux considérables que nous avons déployés pour obtenir une eau potable de qualité sur les réserves autochtones, nous devrons d'abord nous inquiéter de la ressource et ensuite du cadre réglementaire.

Selon moi, c'était un bon conseil. Voici ma question : avons-nous abordé la question de la ressource? Nous entamons le travail relatif au cadre réglementaire.

Mme Cram : En réponse à votre question, j'ai mentionné que nous avons entrepris — en grande partie en réaction aux travaux de votre comité — une évaluation nationale, qui est sur le point de se terminer. Grâce aux renseignements que nous en tirerons, nous élaborerons un plan national d'investissements pour déterminer les endroits qui nécessiteront des ressources pour pallier un risque élevé ou un manque de capacité. Tel est notre plan.

M. Swain recommandait que nous fassions d'abord tous les investissements requis, mais je crois que nous n'en verrons jamais la fin. Les investissements essentiels seront constants. Les usines devront être modernisées à intervalle régulier et les opérateurs se succèderont. Les investissements seront donc continus. Nous devons évaluer les ressources disponibles, ce dont j'ai déjà parlé. Ensuite, nous devons examiner de quelle manière nous acheminerons les fonds aux collectivités qui en ont besoin pour leur permettre d'augmenter leur capacité pour se conformer aux exigences.

Nous croyons fermement que ces choses doivent être faites en parallèle, sans attendre la fin de la préparation de la réglementation et du processus législatif, parce que la situation n'est pas statique.

Le sénateur Campbell : Tout le monde a pris connaissance de la réglementation, mais mes questions portent davantage sur l'eau.

Est-ce que les données scientifiques probantes concernant l'eau de bonne qualité l'emportent sur l'idéologie? Je crois avoir entendu que si on veut faire de l'élevage à proximité d'une source d'eau, on peut obtenir une dérogation, selon le cas.

Ai-je sauté un passage ou est-ce vrai dans l'ensemble?

Mme Cram : Je ne crois pas que nous ayons dit qu'une personne pouvait obtenir une dérogation. Nous avons dit que la réglementation serait élaborée de concert avec les Premières nations. Il faut en discuter avec eux.

Bon nombre de Premières nations ont des plans d'aménagement des terres. Nous aimerions les examiner et en comprendre les conclusions, à savoir l'emplacement des divers zonages.

Une partie de l'exercice vise la collecte d'information : étudier les moyens de nous assurer que des plans d'aménagement des terres existent et que la collectivité des Premières nations aura un certain contrôle sur les agissements de ses membres en ce qui a trait à l'emplacement de certains éléments.

Le sénateur Campbell : Je ne veux pas aborder les questions relatives aux droits, à la Constitution et à tout le reste, mais des données scientifiques concluantes, c'est fiable. Si les scientifiques disent de ne pas le faire, je ne crois pas qu'un membre de la collectivité — ou quiconque en fait — a le droit de compromettre ainsi la qualité de l'eau.

Nous voulons une eau de bonne qualité. Selon moi, il faut tenir des consultations. C'est important, mais elles ne doivent pas l'emporter sur les données scientifiques probantes. Nous savons ce qui fait de l'eau de bonne qualité, et nous sommes au fait des circonstances environnementales qui produisent des sources d'eau de bonne qualité.

J'ai vraiment de la difficulté lorsque quelqu'un dit qu'il n'écoutera pas la voix de la science, parce qu'il a des droits. À mon avis, nous gaspillerons de l'argent si nous laissons cela se produire.

Mme Cram : Sénateur, nous ne vous contredirons pas. Nous sommes d'accord. Il faut un cadre réglementaire qui donne au chef et au conseil la responsabilité de veiller à ce que cela ne se produise pas.

Le sénateur Campbell : Je tiens à être clair. Je crois que personne ne veut d'eau de mauvaise qualité. Je crois que personne ne contaminera volontairement l'eau, mais nous devons reconnaître, à un moment donné, la pertinence des données scientifiques.

Le sénateur Brazeau : Merci à tous de votre présence ce soir. Nous avons eu de nombreuses conversations à ce sujet au cours des deux ou trois dernières années.

J'aimerais revenir un peu en arrière. Vous avez mentionné que des ressources avaient été mises de l'avant pour permettre potentiellement à toutes les collectivités des Premières nations de participer aux consultations. Si c'était le cas, quel a été le taux de participation? Nous avons un peu plus de 600 collectivités au pays.

Ensuite, quel a été le taux de réponse en ce qui concerne les collectivités qui ont remis une évaluation des impacts à la suite des consultations?

M. Carisse : Parmi les évaluations des impacts reçues, il y en avait de très bonnes. Par exemple, dans la région de l'Atlantique, l'Atlantic Policy Congress, l'APC, et d'autres organismes ont utilisé les fonds fournis — nous savions le montant nécessaire, parce que nous avions déjà effectué des exercices similaires avec de tierces parties et des experts- conseils. Les organismes ont pris le temps de bien analyser la situation et de rédiger une évaluation des impacts.

Nous connaissions certains paramètres des éléments qui feraient partie de la réglementation. En gros, nous avons rassemblé tous les éléments des réglementations de partout au pays, comme l'accréditation des opérateurs, la conception et la construction des systèmes, et cetera, et nous leur avons demandé : « Quelles sont les infrastructures en place dans votre région, et quelles seraient les conséquences de l'application d'un cadre réglementaire? »

Tout le monde nous a répondu, mais certaines gens ont pris plus de temps ou ont abordé le problème sous un autre angle. Par exemple, l'évaluation des impacts que nous avons reçue de l'Alberta mettait l'accent sur le côté juridique. D'autres évaluations abordaient l'aspect technique : l'infrastructure déjà présente dans leur province.

Si je me souviens bien, plus de 700 membres des Premières nations y ont participé. Ce nombre peut sembler relativement petit lorsqu'on sait qu'il y a 600 collectivités et que nous avions invité 2 membres par collectivité. Il y avait tout de même une bonne représentation.

Certaines délégations étaient plus imposantes que d'autres, comme celle de Saskatoon qui comptait plus de 100 membres. D'autres groupes étaient un peu plus petits. Cependant, la présence de chefs, de membres des conseils et de techniciens a permis de recueillir le point de vue des divers intervenants.

Les gens ont bien participé. Nous étions contents d'y rencontrer des techniciens, parce qu'il est important de comprendre aussi de quelle manière cette réglementation les touchera sur une base quotidienne. Le tout s'est bien déroulé.

Le sénateur Brazeau : Ma deuxième question a été soulevée plus tôt. On se questionne au sujet des ressources. Certains disent que le gouvernement veut imposer cette réglementation, alors que c'est en fait tout le contraire. Le gouvernement agira de concert avec les collectivités des Premières nations.

Si ces mesures législatives sont adoptées, comment AINC peut-il assurer aux membres des Premières nations que suffisamment de ressources seront disponibles pour s'assurer que les opérateurs seront accrédités et recevront une formation adéquate, que l'infrastructure sera construite et que des sanctions seront imposées dans le cas d'infractions?

Ensuite, y a-t-il assez d'argent à l'heure actuelle provenant des budgets précédents ou l'argent devra-t-il être pris ailleurs?

Mme Cram : J'ai mentionné plus tôt l'évaluation nationale. D'ici à ce que nous en ayons examiné les suggestions, nous ne savons pas nécessairement le montant exact requis pour mener à bien les améliorations proposées.

Je vais reprendre. L'évaluation nationale examine ce qu'il faut faire actuellement pour moderniser les systèmes et les rendre conformes aux protocoles ou aux normes provinciales. Elle étudie aussi la croissance prévue pour la prochaine décennie.

Lorsque nous construisons une usine de traitement des eaux usées, nous ne cherchons pas nécessairement à combler des besoins actuels. Cela ne devrait pas être le cas. Il faut la construire pour pallier les problèmes futurs.

Nous savons que les coûts que révèlera l'évaluation nationale seront élevés, surtout étant donné que l'évaluation porte sur 10 ans. Nous ne nous attendons pas à faire tous les investissements la même année. Nous évaluerons les ressources disponibles, puis nous apporterons d'abord des correctifs dans les régions qui courent le plus de risques.

Nous devrons concevoir un plan national d'investissements qui tiendra compte non seulement des ressources disponibles, mais aussi des priorités et des besoins. Son élaboration se fera en fonction du déploiement prévu de la réglementation.

Nous ne nous attendons pas à ce que toutes les modifications relatives à la réglementation soient mises en place simultanément partout au pays. Nous créerons un plan. Nous confirmons que nous n'appliquerons pas la réglementation avant que les collectivités des Premières nations soient en mesure de s'y conformer. Autrement, selon nous, cela n'aurait aucun sens. Si nous commencions à faire respecter la réglementation dès demain, nous savons que personne ne serait en mesure de s'y plier en raison de l'infrastructure déficiente et du manque de capacité.

L'ensemble du projet doit suivre un plan sensé qui sera efficace à long terme, tout en étant abordable. Même si nous voulions implanter immédiatement une usine de traitement des eaux usées, le projet prendrait beaucoup de temps à se concrétiser, parce qu'il faut la concevoir, la construire et la mettre en état de marche. Il nous faut un plan sensé.

Le sénateur Brazeau : Certains membres des Premières nations ne sont pas au fait des détails de cette réglementation ou ne les connaissent pas bien. Certains nous écoutent ce soir et d'autres verront cette séance en rediffusion. Comment leur expliqueriez-vous l'importance de l'adoption de ces mesures législatives et leur présenteriez-vous les avantages qui en découleront?

Mme Cram : Nous entendons régulièrement les Premières nations dire qu'elles méritent d'avoir la même qualité d'eau que les autres Canadiens. Je suis persuadée que les gens ont entendu parler dans les médias de la mauvaise qualité de l'eau de certaines collectivités. Nous croyons fermement que les Premières nations ont raison : tous les Canadiens, peu importe où ils vivent, devraient avoir accès à de l'eau potable. Selon nous, ces mesures législatives sont essentielles pour atteindre cet objectif.

Le sénateur Brazeau : Merci de vos réponses.

Le président : J'ai une question complémentaire. J'examine ce qui a été accompli. C'est remarquable. Toutefois, voici ma question. Combien de collectivités des Premières nations sont encore à risques élevés? Est-ce trois ou quatre? S'il était question de non-Autochtones ailleurs au Canada, comme à Walkerton et à North Battleford, la situation serait corrigée immédiatement. Comment les gens des régions à risques élevés s'en sortent-ils? Les mesures d'urgence sont- elles en place dans ces zones à risques élevés? Chaque collectivité au Canada devrait être traitée de la même manière.

Ce qui a été accompli jusqu'à présent, dont les investissements, c'est remarquable. Cependant, des mesures sont-elles en place dans les régions à risques élevés pour permettre aux gens d'avoir accès à de l'eau potable?

Shelagh Jane Woods, directrice générale, Direction des soins de santé primaires et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : J'aimerais m'assurer que tout le monde comprend que le cadre réglementaire n'est pas inventé de toutes pièces; nous avons actuellement en place le meilleur cadre possible, mais il ne permet pas de faire respecter la réglementation et de contraindre les personnes y étant assujetties.

Notre système est bon. Mme Cram a expliqué de quelle manière nous avons recours aux recommandations pour la qualité de l'eau potable de Santé Canada. Nous ne pouvons contraindre personne à les suivre, mais nous nous en sortons quand même bien. Comme un sénateur l'a dit, personne ne souhaite avoir une eau contaminée. Nous avons une excellente collaboration avec les Premières nations. Nous devons leur donner tout le crédit qui leur revient. Elles comprennent le rôle important que joue l'eau potable dans la santé et la sécurité publiques.

La réglementation nous sera utile, mais il ne faut pas croire qu'une collectivité à haut risque est abandonnée à son sort parce que toutes sortes de dispositions d'urgence entrent en vigueur. Santé Canada envoie des agents d'hygiène du milieu lorsqu'une collectivité connaît un problème. Dans certains cas, ces agents procèdent régulièrement à des tests de la qualité de l'eau; dans d'autres, ils supervisent ce que nous appelons le Programme de surveillance de la qualité de l'eau potable dans les communautés.

Une grande partie de l'argent que Santé Canada a reçu dans le cadre du Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations a servi à former des contrôleurs communautaires de l'eau potable qui procèdent à des tests et à des inspections.

Ces inspections sont effectuées exactement de la même façon qu'en dehors des réserves et conformément aux mêmes lignes directrices sur la qualité. Nous demandons par exemple que des échantillons soient envoyés à des laboratoires accrédités. Le régime en vigueur est strict. Quand il y a un problème, nos agents d'hygiène du milieu en parlent au chef et au conseil, qui, sur les conseils de l'agent, publient un avis.

Pendant les sept ans et demi que j'ai été à Santé Canada, je n'ai jamais entendu parler d'une collectivité des Premières nations qui aurait réagi en disant : « Non, nous ne ferons pas cela ». Dans les cas extrêmes où un avis sur l'eau potable est en vigueur de façon prolongée, d'autres mesures peuvent être prises, telles que l'envoi d'eau potable. Habituellement, cette mesure est prise par nos partenaires au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Les collectivités ne sont jamais abandonnées à leur sort pour faire face à une eau non potable pendant une longue période de temps.

L'une des principales réalisations faites au cours des dernières années a été de réduire de moitié la durée des avis concernant la qualité de l'eau potable et ce, grâce aux investissements faits dans le cadre du Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations. C'est le signe que la situation continue de s'améliorer.

Le président : Merci madame Woods. Vous dites, sénateur Banks?

Le sénateur Banks : Le sénateur Dallaire ne fait-il pas partie du comité?

Le président : Oui.

Le sénateur Dallaire : Ne devrait-il pas intervenir en premier?

Le président : C'est la démocratie dans sa forme la plus épurée, sénateur.

Le sénateur Banks : Je vous remercie. Je dois préciser que j'ai un préjugé, non seulement à l'égard de ce projet de loi, auquel je m'oppose, mais aussi à l'égard de la notion de loi habilitante ou, comme on l'appelle parfois, la loi-cadre.

Le président sera d'accord avec moi : nous voyons aujourd'hui beaucoup plus souvent ce genre de loi qu'auparavant, et cela ne fait pas si longtemps sénateur Lang. Nous recevions une loi-cadre habilitante beaucoup moins fréquemment qu'aujourd'hui. Le Parlement se plaisait à dire : « Comment ce projet de loi fonctionnera-t-il? » On répondrait à la question. On délibérerait ensuite sur le projet de loi et on l'adopterait.

En l'occurrence et pour la majorité des lois habilitantes, on se demande comment cela va fonctionner après que les témoins ont répondu aux questions. La réponse semble être : « Nous vous le dirons plus tard, lorsque nous aurons compris de quoi il retourne. » M. Salembier a déclaré que les Premières nations verraient l'immense utilité du projet de loi une fois mise en place la réglementation. Or, nous ne savons pas pour l'instant en quoi elle consistera. Voilà pourquoi — et ce n'est qu'une raison parmi d'autres — je m'oppose à ce projet de loi.

Je me pose une question d'ordre technique sur le projet de loi. Son annexe comporte deux listes. Pour quelle raison une Première nation figure-t-elle sur la première? Qu'en est-il? Qui décide de son placement?

M. Salembier : Une Première nation peut être placée sur les listes de deux façons. Tout d'abord, certaines collectivités des Premières nations du Yukon qui, techniquement, n'ont pas de réserves, veulent profiter du projet de loi. Ces Premières nations seront placées sur la liste, assortie d'une description légale des terres et de la précision selon laquelle elles peuvent se prévaloir de la protection de la loi.

Le deuxième groupe comprend les Premières nations qui ont déjà conclu des ententes d'autonomie gouvernementale avec le Canada. On distingue dans ce groupe deux types de populations, celles qui ressemblent aux Nisga'a ou Tsawwassen.

Le sénateur Banks : Il n'y en a que deux, je crois.

M. Salembier : Oui, leurs terres sont régies par l'article 92 et relèvent de la province. Ce projet de loi ne les concerne pas. Ce qu'ils font de leurs terres et de leur eau potable sera négocié avec la province.

D'autres, comme la Première nation de Westbank et peut-être les Cris et les Naskapis sont encore régis par l'article 91. S'ils pensent que la réglementation leur donne un plus haut niveau de protection ou qu'ils peuvent éviter de dépenser 100 000 $ pour élaborer leur propre régime, ils peuvent demander à figurer sur la liste. Autrement, le projet de loi ne les concerne pas.

Le sénateur Banks : Certaines nations peuvent demander de figurer sur la liste et d'autres pourraient y être incluses par le ministre?

M. Salembier : C'est exact, mais seulement pour les Premières nations qui n'ont pas d'autonomie gouvernementale.

Le sénateur Banks : Celles qui n'ont pas encore d'entente.

M. Salembier : C'est exact.

Le sénateur Banks : Vous avez déjà abordé la question. Lorsque nous parlons de loi-cadre ou habilitante, nous ne parlons pas de politiques. Or nombre des questions que vous avez posées concernent les politiques. Comment allez- vous procéder? Les réponses doivent concerner les politiques du gouvernement. Nous devons traiter du projet de loi. En ce qui concerne les Premières nations qui figurent sur la première liste, le projet de loi prévoit au paragraphe 6(2) :

(2) La présente loi et les règlements l'emportent, en cas d'incompatibilité, sur tout accord sur des revendications territoriales ou tout accord sur l'autonomie gouvernementale auquel un groupe autochtone dont le nom figure à la colonne 1 de l'annexe est partie ainsi que sur toute loi fédérale les mettant en œuvre.

Vous aviez dit à ce sujet qu'il s'agissait d'une terre contiguë à un cours d'eau, d'une usine ou d'un autre élément. Le ministère est-il disposé à accepter un amendement qui préciserait dans quelle mesure il pourrait y avoir extinction des droits, telle qu'indiquée dans le projet de loi, en décrivant les types de terre et les atteintes qui pourraient être portées contre ces droits, plutôt que l'application générale prévue au paragraphe 6(2)?

M. Salembier : Voulez-vous répondre à cette question, madame Cram?

Le sénateur Banks : Est-ce que cela ne concerne pas le ministère de la Justice?

Mme Cram : Je ne comprends pas l'aspect « extinction des droits ».

Le sénateur Banks : Je vais vous relire la disposition :

La présente loi et les règlements l'emportent, en cas d'incompatibilité, sur tout accord sur des revendications territoriales ou tout accord sur l'autonomie gouvernementale auquel un groupe autochtone dont le nom figure à la colonne 1 de l'annexe est partie ainsi que sur toute loi fédérale les mettant en œuvre.

Au sens large et tel que je la comprends, cette clause est une extinction des droits. La Première nation peut y avoir consenti. Après réflexion, elle peut s'être dit : « Oui, on peut prendre la perche qui nous est tendue, et ce faisant, nous consentons à renoncer à notre autonomie gouvernementale. »

J'ai peut-être tort, mais c'est comme ça que je l'interprète.

Mme Cram : Mon avocat chevronné répondra à la question.

M. Salembier : Pour commencer, vous avez raison : cette clause ne s'applique que dans les rares cas où une Première nation qui jouit d'une autonomie gouvernementale déclare : « Oui, nous voulons faire partie du régime. »

La raison d'être de la clause est d'empêcher qu'une Première nation ne puisse déclarer : « Bon, nous allons faire partie du régime et respecter les règles », mais qui, au premier incident dirait alors : « Attendez, on ne les respectera plus parce que nous réaffirmons notre entente d'autonomie gouvernementale, ou notre propre loi annule les règles auxquelles nous avons accepté de nous conformer afin de protéger nos citoyens. »

La clause prévoit que si une Première nation jouissant de l'autonomie gouvernementale veut se prévaloir de cette loi — peut-être qu'elle est régie par une autorité régionale de l'eau dont les inspecteurs auraient déclaré : « Oui, l'opérateur de votre usine doit être certifié » — nous devons nous assurer, pour que la loi soit cohérente, qu'une fois que la Première nation y adhère, elle s'y conforme. En effet, si l'application de la loi est facultative, nous n'aurons abouti à rien.

Le sénateur Banks : Je sais que ce serait compliqué, mais seriez-vous disposée à amender cette clause, ce qui aboutirait à préciser son application dans les termes que vous avez proposés, plutôt que de la laisser ouverte, comme je l'entends, à toutes les interprétations?

Mme Cram : Sénateur, vous demandez si le gouvernement est prêt à envisager des amendements à la loi. Je répondrai que cette décision revient aux parlementaires et au présent comité. Nous nous attendons à ce que le comité étudie la question de savoir si, effectivement, il faut amender la loi. Je ne peux pas parler au nom du gouvernement et vous dire ce qu'il est prêt à envisager. Cependant, nous nous attendons à ce que le comité propose des améliorations.

Le sénateur Banks : Merci, j'attendrai la deuxième série de questions.

Le sénateur Dallaire : Pour donner suite à cette question, vous avez affirmé que vous devez être impitoyable en cas de non-respect des règles ou si les choses tournent mal. Cependant, vous avez également fait valoir dans cette loi-cadre que vous négocierez avec chaque nation la réglementation qui leur donnera une certaine marge de manœuvre quant à leur mode d'adhésion à la loi.

N'est-ce pas là un double langage? Si vous voulez trouver la solution dans la réglementation, pourquoi avez-vous besoin d'une loi si stricte?

Mme Cram : Cette disposition ne s'applique qu'aux Premières nations qui jouissent de l'autonomie gouvernementale et ont leurs propres accords, et qui décident ensuite d'adhérer à ce projet de loi. Le choix découle en partie de l'état de leur législation. Toutes les Premières nations qui jouissent de l'autonomie gouvernementale ont une législation en vigueur.

Je n'utilise probablement pas la terminologie du ministère de la Justice, mais il s'agit ici de lois qui entrent en concurrence. Il faut préciser quel régime s'applique.

En outre, sénateur Dallaire, nous ne pensons pas nécessairement que le processus réglementaire s'applique individuellement à chacune des Premières nations, mais plutôt sur une base régionale. Pour elles et pour nous, il faudrait que le régime d'application de la loi ait un fondement plus large.

En outre, il faut d'abord examiner le régime provincial et les changements à y apporter afin qu'il fonctionne bien pour les collectivités des Premières nations. Je vais vous donner un exemple.

Certains régimes provinciaux ne s'appliquent pas à des fosses septiques ou à des puits individuels, mais plutôt à des réseaux communautaires. Pour que le régime s'applique dans les réserves, il faudra l'examiner en se posant la question suivante : « En collaboration avec les Premières nations, comment pourrions-nous le modifier pour qu'il fonctionne dans la collectivité? »

Le sénateur Dallaire : En tant que SMA responsable des Programmes et partenariats en matière d'éducation et de développement social, avez-vous une loi similaire à la présente en matière d'éducation et en vertu de laquelle on suit la règle tout en trouvant des arrangements avec les gouvernements provinciaux?

Mme Cram : La question est pertinente. C'est l'une des grandes lacunes que nous avons au plan de l'éducation. Le 9 décembre 2010, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a annoncé le lancement d'un groupe d'experts qui verrait s'il y a lieu de légiférer en la matière.

Le sénateur Dallaire : Nous avons beaucoup entendu parler des problèmes de l'éducation, mais je trouve...

Le président : Sénateur...

Le sénateur Dallaire : J'en arrive à ma question.

Le président : D'accord. J'aimerais que nous nous en tenions au sujet.

Le sénateur Dallaire : J'y arrive. Tout va bien du côté de votre plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, et pourtant vous avez déposé, en 2009, une demande pour obtenir des mesures législatives, même si votre système semble bien fonctionner et progresser dans la bonne direction.

Êtes-vous la personne au sein du ministère qui a amorcé cette demande pour la mise en place de mesures législatives? S'agissait-il d'une décision politique ou d'une indication que votre plan ne fonctionne pas aussi bien que vous le dites, et que vous avez donc besoin d'un appui législatif pour finir par avoir de l'eau potable salubre?

Mme Cram : En 2006, lorsque nous avons commencé à nous rendre compte que l'eau potable posait des problèmes graves et que le gouvernement devait avoir une approche beaucoup plus proactive à ce sujet, nous n'avions pas encore établi les besoins avec précision. Cependant, nous nous sommes rendu compte que la réserve était le seul endroit au pays où l'eau potable n'était pas régie par une mesure législative.

De plus, le Bureau du vérificateur général l'avait mentionné et la vérification du développement durable avait formulé des observations à ce sujet. Le gouvernement considérait donc qu'il s'agissait d'une lacune importante; nous pouvons probablement arranger les choses jusqu'à un certain point en apportant des améliorations, mais nous avons besoin de ce coup de pouce supplémentaire. D'ailleurs, les membres du comité ont examiné la question et ont aussi recommandé que nous envisagions une mesure législative.

Le sénateur Dallaire : Vous avez mentionné la vérificatrice générale, et c'est toute une référence. Je me rappelle que nous avons examiné ces commentaires et que nous avons aussi précisé que les fonds nécessaires pour toutes les ressources recensées des collectivités des Premières nations relativement à l'approvisionnement en eau potable salubre devraient être affectés par AINC et qu'il devrait s'agir d'une condition préalable à la loi.

Vous vous servez des propos de la vérificatrice générale qui a dit que vous ne décidez peut-être pas de la façon dont les fonds sont affectés et dépensés, mais vous ne nous avez jamais dit non plus que vous aviez élaboré un budget détaillé pour l'affectation de nouveaux fonds ou provenant de votre budget afin de prouver que vous étiez en mesure de fournir les ressources nécessaires à cette entreprise. Vous nous présentez ensuite une loi-cadre dans laquelle vous pourrez établir toutes sortes de règlements en fonction des projets du ministère.

À mon avis, cela ressemble à un exercice unilatéral. À moins que la vérificatrice générale finisse par faire allusion à la mesure législative, je ne vois pas pourquoi vous en avez besoin, surtout si votre plan fonctionne bien.

Mme Cram : Je me demande alors pourquoi les provinces et les territoires pensent avoir besoin d'une loi dans ce domaine. Je crois que c'est parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose s'ils ne sont pas appuyés par une mesure législative. Nous pensons en avoir besoin. Nous comprenons que nous devons aussi investir dans l'infrastructure et la capacité. Cependant, seule une approche globale et complète nous permettra de parvenir aux résultats que nous visons.

Le sénateur Dallaire : Je pense qu'il n'est pas approprié de proposer une mesure législative dans laquelle vous n'avez pas formulé les fonds nécessaires ou les besoins en trésorerie pour sa mise en œuvre.

Comme vous l'avez dit, vous envisagez un plan décennal. Vous proposez une mesure législative dans le but de mettre à exécution un plan qui n'a pas encore été élaboré.

Je travaillais dans un ministère où nous ne pouvions pas proposer de mesures législatives comme celle-ci sans avoir au préalable établi un budget sur 15 ans, y compris la gestion du cycle de vie. Pourtant, vous ne garantissez pas que les fonds nécessaires à la mise en œuvre adéquate de la mesure législative seront disponibles — sans que ce soit une épée de Damoclès pour les Premières nations qui devront s'y conformer sans toutefois disposer des ressources nécessaires pour y arriver.

Mme Cram : J'ai quand même précisé que d'ici 2012, nous aurons dépensé 2,5 milliards de dollars.

Le sénateur Dallaire : Ce montant ne représente pas la somme dont vous aurez besoin, mais seulement ce que vous aurez été en mesure d'y consacrer.

Mme Cram : Nous ne savons pas. J'ai parlé de l'évaluation nationale. Tant que nous n'en aurons pas pris connaissance, nous ne saurons pas quels sont les besoins rattachés à la croissance projetée sur 10 ans dont j'ai parlé plus tôt. Dans notre budget des services votés, nous disposons de 197,5 millions de dollars par année pour les dépenses liées à l'eau potable. Nous avons reçu des fonds supplémentaires dans le passé, et nous espérons en recevoir d'autres dans l'avenir.

Le sénateur Dallaire : Eh bien, espérer n'est pas une façon de procéder. Je pense donc que vous ne devriez pas proposer une mesure législative avant de pouvoir garantir que vous disposez des ressources nécessaires à sa mise en œuvre.

Le sénateur Brazeau : Une fois le travail commencé, en 2006, les choses se sont tout simplement déroulées comme à Kashechewan, n'est-ce pas?

Mme Cram : C'est exact.

Le sénateur Brazeau : Merci. Pour rester dans l'esprit de la question du sénateur Dallaire, supposons que la mesure législative n'est pas adoptée. Combien de temps devront attendre les membres des Premières nations, y compris ceux qui vivent dans ma collectivité, pour avoir accès à de l'eau potable propre et salubre?

Mme Cram : C'est une bonne question.

Le sénateur Brazeau : C'est pour cette raison que nous avons besoin de la mesure législative.

Mme Cram : Si une mesure législative est adoptée, une autre façon d'obtenir des ressources, c'est de les affecter à sa mise en œuvre.

Le sénateur Patterson : Oui.

Le président : Nous en sommes maintenant au deuxième tour.

Le sénateur Dyck : Ma question porte sur l'approche législative que vous avez employée dans ce projet de loi. Le Rapport du groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des premières nations a relevé des lacunes relativement à la façon de procéder que vous avez choisie, c'est-à-dire incorporer les lois provinciales ou les adapter. Le groupe a fait observer que cette option semble la moins avantageuse pour diverses raisons : les écarts et les variations entre les régimes, la réticence de la part des Premières nations à accepter cette façon de procéder et enfin les complexités d'ordre juridique liées à la participation d'un autre palier de gouvernement dans la gestion de l'eau.

Pourquoi le gouvernement persiste-t-il dans cette approche, malgré les préoccupations de fond exprimées par le groupe d'experts et par de nombreuses Premières nations? Pourquoi et sur quel fondement le gouvernement a-t-il rejeté les autres options proposées par le groupe d'experts, comme adopter une loi fédérale, mettre sur pied un régime unique ou même recourir au droit coutumier des Autochtones? Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi l'incorporation de la loi provinciale?

M. Carisse : Lors des séances d'engagement, nous avons envisagé la question de l'incorporation de la réglementation provinciale, à condition de l'adapter. Cette approche fait une grande différence. Le groupe d'experts envisageait l'incorporation directe par renvoi, qui reprend la réglementation de la province pour l'appliquer telle quelle aux collectivités. Nous avons profité de nos rencontres avec les Premières nations et leurs organismes partout au pays pour rencontrer aussi les représentants des provinces. Par exemple, les représentants de l'Ontario, province qui possède la réglementation la plus sévère, nous ont indiqué que cette réglementation ne fonctionnerait pas dans les collectivités. Les différences culturelles ne sont pas en cause; en fait, c'est plutôt parce qu'avec une population moyenne de 500 habitants, les collectivités au Canada sont très petites. La réglementation en place dans des villes comme Toronto, Ottawa et London ne pourrait pas s'appliquer aux petites collectivités. Nous savions que nous aurions à les adapter. En effet, l'adaptation est la clé. Nous pourrions partir de zéro ou nous pourrions explorer la réglementation déjà en place dans la province et l'adapter pour répondre aux besoins des collectivités.

Nous leur avons aussi demandé quelles seraient leurs recommandations si cette approche ne fonctionnait pas. Nous aurions pu aussi envisager une approche nationale. Cette option n'a cependant pas été proposée lors des séances d'engagement. Les dirigeants et les techniciens que nous avons rencontrés préconisaient une approche régionale, en raison des différences relatives à la situation de l'eau au pays; en effet, elle n'est pas la même pour la Colombie- Britannique, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, par exemple. Nous avons donc décidé que nous devions étudier cette question par province ou par région.

Le sénateur Dyck : Merci d'avoir répondu à la question. Je ne sais toujours pas à qui revient exactement cette responsabilité, parce qu'un certain nombre d'organisations des Premières nations sont d'avis que le gouvernement fédéral ne devrait pas imposer de loi à cet égard, et qu'elles ont le pouvoir, par l'entremise des conseils de bande, de gérer la construction et l'entretien des réseaux d'aqueduc et tout ce qui s'y rapporte dans leurs réserves.

Il faudrait voir si le gouvernement fédéral n'empiéterait pas ainsi sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones, pas l'autonomie gouvernementale moderne, mais le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, qui renvoie à l'article 35 de la Constitution dont nous avons parlé plus tôt.

D'après ce que j'ai entendu, je ne suis toujours pas convaincue que ce soit acceptable, comme vous nous le dites. Des organisations des Premières nations nous ont dit avoir l'impression qu'on avait bafoué leurs droits.

Mme Cram : Nous avons effectivement eu ce son de cloche. J'ai indiqué que certaines Premières nations sont inquiètes; elles ont exprimé différentes préoccupations, dont la violation des droits autochtones et des droits découlant des traités.

Le sénateur Patterson : J'aimerais revenir sur la question que je vous ai posée plus tôt concernant la disposition de non-dérogation et les raisons pour lesquelles elle a été inscrite dans la réglementation. Cela peut paraître tatillon de ma part, mais je suis curieux d'en savoir plus.

La Loi sur le développement commercial et industriel des Premières nations comporte une disposition de non- dérogation concernant la réglementation et les pouvoirs réglementaires. Je vois que M. Salembier la connaît. Ce qui m'intrigue, c'est que la formulation employée dans cette loi n'est pas la même que celle de l'article du projet de loi S-11 devant nous. Dans la version anglaise, la disposition de non-dérogation de la Loi sur le développement commercial et industriel des Premières nations prévoit ceci : « limiting the extent to which the regulations may abrogate or derogate from », et on parle des droits autochtones, tandis que le projet de loi S-11, dans la version anglaise toujours, prévoit ceci : « the extent to which the regulations may abrogate or derogate ».

Une disposition semble être plus permissive, et l'autre semble limiter la mesure dans laquelle on peut porter atteinte aux droits autochtones.

Au fil du temps, est-ce que la disposition plus permissive s'est avérée inadéquate ou imparfaite? Pouvez-vous nous expliquer la différence, je vous prie?

M. Salembier : Oui. Si vous comparez ces dispositions dans la version française des deux lois, vous constaterez qu'elles sont identiques. Pour la disposition du projet de loi, je vous avouerai franchement qu'une erreur s'est glissée à l'une des dernières étapes de la rédaction, et le terme « limiting » a malencontreusement été supprimé.

Ce n'était pas voulu que cette disposition diffère de celle de la Loi sur le développement commercial et industriel des Premières nations. Comme je l'ai indiqué, la version française de cette disposition est identique dans le projet de loi et dans la loi en question, et le terme « limiter » est présent dans les deux.

Honnêtement, il s'agissait simplement d'une erreur. L'intention n'a jamais été d'introduire une formulation ayant une signification différente. L'objectif était de permettre d'inclure dans la réglementation une disposition limitant la mesure dans laquelle les règlements peuvent porter atteinte aux droits autochtones, pas d'accroître cette possibilité, au contraire.

Le sénateur Patterson : Croyez-vous que nous devrions recommander une modification?

M. Salembier : C'est au comité de prendre cette décision.

Le sénateur Patterson : Je ne vous demande pas la permission, mais j'aimerais savoir si le ministère serait disposé à accueillir une telle recommandation, compte tenu de ce que vous nous avez dit.

Mme Cram : Oui.

M. Salembier : Oui.

Le président : Vous allez bien, sénateur Patterson?

Le sénateur Patterson : Oui. Je crois que le sénateur Dyck a abordé l'autre question que j'avais sur les lois provinciales.

Pouvez-vous nous dire comment ce projet de loi est accueilli en général dans les différentes régions du Canada? J'ai cru comprendre que l'Institut sur la gouvernance avait préparé un rapport sommaire sur les séances d'engagement dont vous nous avez parlé. Selon ce rapport, la grande majorité des participants se sont montrés très critiques à l'égard des questions soumises par les représentants fédéraux en Alberta, au Québec, en Nouvelle-Écosse et en Ontario. Certains ont même carrément refusé d'y prendre part.

Vous nous avez dit ce soir qu'un groupe de l'Atlantique, qui incluait la Nouvelle-Écosse, je présume, avait appuyé le projet de loi. C'est peut-être un signe que l'engagement à l'égard de cette loi ne pose plus autant de problèmes qu'avant. J'ai rencontré les chefs de l'Ontario et ceux-ci s'opposaient fortement à cette loi, invoquant le respect des champs de compétence de chacun.

Où en sommes-nous aujourd'hui en ce qui a trait à ces régions : l'Alberta, le Québec, l'Ontario et la Nouvelle- Écosse? Nous recommandez-vous tout de même d'aller de l'avant, malgré les préoccupations exprimées dans des régions importantes du pays, comme le Québec et l'Ontario? Pouvez-vous faire le point sur la situation, s'il vous plaît?

M. Carisse : Oui. Pour revenir aux séances d'engagement, il faut préciser qu'il y a eu des résultats positifs. Nous avons obtenu de l'information pertinente de la part des dirigeants et des techniciens. D'autres séances se sont toutefois avérées plus difficiles, notamment en Alberta, où les participants se sont montrés réticents entre autres à l'égard des séances d'engagement en soi et de la portée des consultations. Le terme « consultation » est un mot lourd de sens et il est difficile de le définir à ce stade-ci. Cela fait maintenant quatre ans que nous faisons tout ce que nous pouvons pour engager la population.

Pour ce qui est de l'Atlantique, nous avons eu deux rencontres dans le cadre de ces séances d'engagement, une avec les chefs de la Nouvelle-Écosse seulement, et une à Moncton, où étaient représentés les chefs du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et-Labrador, et de l'Île-du-Prince-Édouard.

En collaboration avec l'Atlantic Policy Congress, l'APC, ils ont adopté une résolution pour déterminer comment travailler avec nous sur cette législation, et les chefs de la Nouvelle-Écosse font partie de ce groupe. Ils sont aussi dans cette sphère.

Au Québec, l'APNQL est aussi prête à collaborer avec nous. Elle a adopté une résolution à cette fin. Elle n'appuie pas totalement la loi, je ne veux pas vous induire en erreur, mais elle croit qu'il est nécessaire d'avoir une législation et une réglementation en place. La résolution en question porte sur la façon de procéder à l'égard de la réglementation et vise à déterminer si celle-ci leur pose problème d'une façon ou d'une autre.

Nous avons fait une présentation en novembre, en Alberta, devant les Indiens du traité no 6, puis devant l'Association of Treaty Chiefs; les trois régions régies par les traités étaient donc représentées. Pas un des chefs assis à cette table ne s'est opposé à mettre en place une loi ou des règlements. Ils sont tous prêts à collaborer. Toutefois, ils avaient quelques critiques à formuler à l'égard de la loi en tant que telle, et je suis persuadé que vos témoins pourront vous en parler.

Tout le monde est prêt à faire ce qu'il faut, c'est du moins le cas pour les chefs que nous avons rencontrés, pour veiller à ce que leurs collectivités aient accès à de l'eau potable propre et sécuritaire, et ils reconnaissent que mettre en place des règlements contribuera à concrétiser cet engagement.

Le sénateur Banks : Je ne crois pas qu'une seule des Premières nations, les grandes comme les petites, pourrait nier qu'il est nécessaire de mettre des lois en place. Cette loi doit prévoir des règlements d'exécution. Personne ne peut s'opposer à cette idée. Je suis certainement en faveur de cela.

Cependant, vous constaterez en entendant les témoins, monsieur le président, que bien que l'idée soit généralement acceptée, il demeure difficile de trouver des appuis à l'égard de cette loi dans sa forme actuelle.

Je crois que cela s'explique notamment par le fait que les résultats de l'évaluation ne seront disponibles que ce printemps. Je pense que c'est ce que vous avez dit, madame Cram.

Mme Cram : En effet.

Le sénateur Banks : Voilà où en est la loi. On tire d'abord et on vise ensuite. Ce n'est pas dans cet ordre que les choses doivent se faire, à mon avis.

J'ai une ou deux questions à poser. Je présume que vous avez lu le rapport du groupe d'experts. Ce rapport n'en dit pas long sur la consultation. On y apprend que la question doit être régie par une loi, qu'il faut mettre en place des règlements d'exécution, et que cette loi doit être élaborée non pas en consultation avec les Premières nations, mais avec la participation de ces dernières, ce qui n'est pas du tout la même chose. Elle doit en outre être fondée sur le concept des lois autochtones. Est-ce un bon résumé de ce rapport?

Mme Cram : C'était une des solutions recommandées par le groupe d'experts. Il y en avait trois. L'option dont vous avez parlé est celle du droit coutumier.

Le sénateur Banks : Quelles étaient les deux autres options?

Mme Cram : Il y avait une législation fédérale appliquée à l'échelle du pays, et aussi, celle que nous suivons, c'est-à- dire un cadre fédéral et une exécution provinciale des règlements.

Le sénateur Banks : J'imagine que j'avais mal compris dans quelle mesure le groupe d'experts voulait garantir la participation des Premières nations au processus, à titre de propriétaires. Je vais devoir relire le rapport du groupe d'experts.

J'ai un dernier commentaire à formuler, monsieur le président. Le sénateur Patterson a fait référence à la disposition de non-dérogation. Je dirais plutôt que l'alinéa 5(1)r), à la page 6, n'est pas une disposition de non-dérogation, mais une disposition de dérogation. M. Salembier conviendra que si on prend 25 lois fédérales différentes qui contiennent une disposition de non-dérogation, on trouvera 25 versions différentes, parce que la formulation n'a jamais été uniforme auparavant, et elle était loin de ce qu'on a actuellement. En fait, les premières versions ressemblaient à quelque chose comme « rien dans cette loi ne peut », puis la formulation est devenue de plus en plus floue au fil du temps.

Cette disposition, et M. Salembier pourra me dire s'il est d'accord avec moi, conçoit et reconnaît qu'il y aura violation des droits visés à l'article 35.

M. Salembier : Techniquement, il ne s'agit pas d'une disposition de non-dérogation, parce qu'elle figure au nombre des dispositions habilitantes. Elle confirme que le règlement en soi peut contenir une telle disposition.

J'imagine que si les règlements devaient inclure une telle disposition, celle-ci serait inspirée d'un des cinq ou six modèles employés pour les quelque 19 lois fédérales contenant une disposition de ce genre.

Le sénateur Banks : À tout le moins, monsieur le président, j'espère que nous suivrons la proposition du sénateur Patterson, soit de traduire la version française en anglais, de façon à ce que le terme « limiting » s'y retrouve.

Le président : Je pense que les témoins ont convenu qu'il était possible de faire ce changement, et je suis sûr que nous pourrons y voir.

Le sénateur Dallaire : Quand il a été question de présenter cette loi, avez-vous informé les différents groupes régionaux (si c'était bien le cas, car je ne sais pas comment étaient structurées ces rencontres) qu'elle leur garantirait du financement pour mettre en place l'infrastructure et assurer le fonctionnement et l'entretien des réseaux d'aqueduc qu'ils doivent avoir pour satisfaire aux normes?

Mme Cram : Non.

Le sénateur Dallaire : Bien. C'est donc contraire à ce que nous avons dit plus tôt. Cette loi ne garantit pas du tout du financement. C'est un des outils dont le ministre, espérons-le, tiendra compte pour affecter des fonds aux différentes priorités concernant la salubrité de l'eau.

Combien avez-vous eu de documents signés de la part des gouvernements provinciaux indiquant qu'ils sont prêts à mettre en œuvre l'article 5, qui traite de l'exécution des règlements? Avez-vous des ententes garantissant qu'ils acceptent d'engager des fonds et de se charger du travail de réglementation et des mesures de contrôle?

M. Carisse : Nous avons eu des discussions exploratoires avec les provinces pour voir si elles étaient prêtes à faire ce travail, ou uniquement à jouer un rôle dans la réglementation des réseaux d'aqueduc sur les réserves, qui pourrait se limiter à offrir de la formation, par exemple. Nous saurons quel rôle les provinces vont jouer au fur et à mesure que nous mettrons en place les règlements, province par province.

Nous avons indiqué aux chefs et aux dirigeants que différentes possibilités s'offrent à eux en matière d'application de la loi et de conformité. Ce rôle peut être confié à un organisme fédéral ou à un regroupement des Premières nations, ou encore aux deux. Il s'agit d'une loi habilitante qui nous offrira cette possibilité quand nous traiterons avec chacune des provinces. Nous voulons établir un partenariat avec les Premières nations et leurs organisations, en vue de déterminer la meilleure façon de faire en ce qui a trait à l'exécution de la loi dans chaque province.

Le sénateur Dallaire : Vous semblez vous appuyer sur des « peut-être ». Si les provinces ne sont pas prêtes à jouer ce rôle, serez-vous en mesure de faire tout le travail?

M. Carisse : À vrai dire, certaines collectivités ne voudront pas que la province s'en mêle. Nous sommes allés aux Territoires du Nord-Ouest. Il n'y a que deux collectivités établies dans une réserve là-bas : Salt River et K'atlodeeche. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest joue déjà un rôle dans ces collectivités. Elles n'y verraient peut-être pas d'inconvénient si le gouvernement territorial prenait les choses en mains.

Quoi qu'il en soit, quand nous préparerons les règlements, nous pourrons juger qui sera en meilleure position pour mettre la loi à exécution. Si ce n'est pas la province, il nous reste deux choix : le gouvernement fédéral ou un regroupement des Premières nations. À la suite de nos discussions, l'Atlantic Policy Congress examine dans sa proposition la possibilité de confier certaines responsabilités à une organisation des Premières nations dans l'Atlantique.

Le président : J'aurais une question à vous poser rapidement. Vous nous dites que vous consulterez les Premières nations au sujet des règlements et de leur élaboration, et je le crois. Toutefois, l'élaboration des règlements n'en est pas au même stade dans les différentes provinces et les territoires.

Allez-vous consulter les Premières nations concernées chaque fois qu'une province ou un territoire met en place ou modifie des règlements à cet égard? Comment allez-vous procéder?

M. Carisse : Si nous avions une incorporation par renvoi, ce serait différent. Si une province changeait ses règlements, les choses se feraient automatiquement. Ce n'est toutefois pas l'option que nous envisageons. Nous allons encore examiner les règlements provinciaux. Nous allons faire des modifications dans la mesure où nous le jugeons nécessaire, en travaillant en partenariat avec les Premières nations pour veiller à ce que le résultat leur convienne.

Si la province change ses règlements, ce sera au gouvernement, en collaboration avec les Premières nations, de décider s'il devrait aussi appliquer ces changements aux règlements fédéraux qui seront mis en place.

Le président : Au nom du comité, je remercie les représentants des différents ministères qui se sont joints à nous. Merci pour cette excellente présentation, madame Cram. Merci aussi d'avoir répondu aux questions franchement et ouvertement. J'ai hâte d'entendre d'autres témoins sur ce projet de loi.

Nous allons trimer dur sur cette étude, chers collègues. Le personnel de la bibliothèque vous fournira l'information dont vous avez besoin. Si vous avez besoin d'aide, dites-le-nous, parce que nous voulons que ce dossier soit réglé plus tôt que tard.

S'il n'y a pas d'autres commentaires, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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