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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 19 - Témoignages du 1er mars 2011


OTTAWA, le mardi 1er mars 2011

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue aux sénateurs, ainsi qu'au public qui assiste à la présente séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la chaîne CPAC ou sur le web. Je suis le sénateur St. Germain et je représente la Colombie-Britannique.

Notre comité a été chargé d'étudier la législation et d'autres questions relatives aux peuples autochtones du Canada. Un certain nombre de rapports font état de difficultés importantes liées à la distribution d'une eau potable salubre dans les collectivités des Premières nations, notamment : le vieillissement des systèmes d'alimentation en eau; la formation et l'accréditation des exploitants; le manque de ressources indépendantes pour financer convenablement l'exploitation et l'entretien des réseaux d'eau potable et d'eaux usées; et le manque de précision des rôles et des responsabilités.

Nous poursuivons ce matin notre étude d'un projet de loi visant à régler ces problèmes, le projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations. Nos témoins représentent quatre organisations, soit la Federation of Saskatchewan Indian Nations, le Mohawk Council of Akwesasne, la Société des services techniques des Premières nations de l'Ontario et, à titre personnel, M. Steve Hrudey, professeur, et le grand chef Stan Louttit, qui ont compté parmi les membres du groupe d'experts chargé en 2006 d'examiner la question de la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont ici ce matin.

[Traduction]

Ce sont le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Ataullahjan, de l'Ontario; le sénateur Poirier et le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique et le sénateur Demers, du Québec.

Mesdames et messieurs, souhaitons ensemble la bienvenue à nos premiers témoins, le grand chef Stan Louttit du Mushkegowuk Council et M. Steve Hrudey, professeur à l'Université de l'Alberta. Ils partageront avec nous leur expertise en tant que membres du groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, qui a déposé son rapport en novembre 2006.

Nous vous laissons faire vos exposés, et ensuite les sénateurs vous poseront des questions.

Stan Louttit, grand chef, Mushkegowuk Council, à titre personnel : Je vous remercie de m'offrir cette occasion d'exposer à votre comité la perspective que j'ai tirée de mon expérience de membre du groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, en 2006. Je compte aussi vous faire part de mon point de vue en tant que grand chef élu du territoire Mushkegowuk du Nord de l'Ontario.

On m'a dit que j'avais cinq minutes. C'est bien cela?

Le président : Oui. Nous avons convoqué plusieurs témoins importants. Nous vous serions donc reconnaissants de faire des exposés concis, autant que possible, et nous aimerions que les questions et les réponses le soient tout autant.

M. Louttit : J'essaierai de résumer en cinq minutes mon rapport d'une heure.

Quand le ministre des Affaires indiennes de l'époque m'a désigné, avec l'aval de l'Assemblée des Premières Nations, pour faire partie du groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, j'y ai vu l'occasion, en ma qualité de grand chef élu, de me renseigner sur la situation qui régnait dans tout le pays et de contribuer à sensibiliser le gouvernement à l'importance de l'eau potable salubre dans nos collectivités. Les témoignages que nous avons entendus en 2006 sont encore d'actualité. Je me pose la question suivante : est-ce que quelque chose a changé dans les cinq années qui se sont écoulées depuis que le ministre a reçu le rapport, à l'automne de 2006?

Aujourd'hui, vous serez mis au fait de certains éléments importants dont on nous a parlé, et dont traite le rapport que nous avons présenté au ministre. Je parlerai, par exemple, de la relation qu'ont toujours entretenue les Premières nations avec la terre, le territoire, y compris avec l'eau qui se trouve sur les terres ancestrales, une relation historique qui, encore aujourd'hui, nous tient profondément à cœur.

Nous avons rappelé dans notre rapport que nous avons été les premiers à habiter ces terres. Nous avons parlé de nos droits en tant que signataires de traités, et aussi de la relation de confiance spéciale établie avec le gouvernement avant, pendant et après la signature des traités. Notre statut de peuple reconnu du pays, conjugué à notre relation historique avec l'eau, revêt une grande importance.

Nous avons parlé de la nécessité que le gouvernement consulte adéquatement nos collectivités, nos dirigeants, nos exploitants, nos aînés et nos peuples, en ce qui concerne l'eau. Le gouvernement, pour établir un régime de réglementation, doit s'appuyer sur leur perspective. Nous avons fait savoir clairement que nous avons besoin de participer à ces négociations.

Nous avons fait valoir qu'il est important de déterminer quelles sont les ressources financières et humaines nécessaires pour assurer un approvisionnement en eau salubre dans nos collectivités.

Nous avons expliqué qu'il est important d'avoir les ressources nécessaires avant l'instauration d'un régime réglementaire. À quoi bon créer un tel régime si on n'a pas les ressources financières pour satisfaire à ses exigences? La loi qui est proposée nous condamnerait à un échec cuisant, compte tenu du manque actuel de revenus et de financement pour soutenir nos peuples et nos collectivités. Elle ferait obstacle au progrès.

Nous avons parlé en outre de doter les collectivités de la capacité d'exploiter leurs installations. Nous pensions à l'époque, et nous le pensons encore aujourd'hui, qu'il importe de donner aux collectivités les moyens d'appliquer les normes auxquelles s'attendent leur population; d'exploiter leurs usines et leurs réseaux et, si elles le veulent, d'exploiter n'importe quelle usine de traitement de l'eau au pays.

J'ai poursuivi ma réflexion. J'ai un ami à Attawapiskat, où j'ai grandi. Nous avons à peu près le même âge, mais je n'en dirai pas plus. Il est exploitant de l'usine depuis 30 ans. Il a peut-être été à l'école jusqu'en huitième ou en neuvième année. Il fait bien son travail. Il gère cette usine au niveau 2.

Bien des collectivités de ma région sont dans la même situation. Ces gens exploitent nos réseaux depuis de nombreuses années, et ils font un travail fantastique pour leur collectivité. Beaucoup ont une famille et des petits- enfants. Ils aimeraient bien pouvoir achever leurs études secondaires et obtenir diplôme et accréditation, mais ce n'est tout simplement pas possible. Comme pour vous tous et la plupart d'entre nous, ici, la famille passe en premier.

Il va nous falloir mobiliser nos jeunes — la prochaine génération, qui est en train de grandir. Nous n'entendons pas beaucoup parler d'activités de promotion ni d'activités de relations publiques dans nos collectivités et au sein du gouvernement pour intéresser nos gens au métier d'exploitant d'usine de filtration. Nous entendons parler d'avocats et de médecins, mais on met peu l'accent sur le renforcement de la capacité de nos jeunes de prendre en charge l'infrastructure de nos collectivités. Peut-être faudrait-il y penser maintenant, si nous voulons avoir des travailleurs dûment accrédités pour les prochaines générations. C'est une responsabilité qui nous incombe à nous, les chefs et les dirigeants de nos collectivités, mais pour nous en acquitter, nous avons besoin de partenaires au sein du gouvernement et d'ailleurs.

Les choses ont-elles changé depuis le rapport de 2006? Peut-être un peu. Je ne connais pas les statistiques nationales, mais à mon avis, il doit y avoir plus d'une centaine de collectivités du pays qui éprouvent encore des problèmes de qualité de l'eau. Je parierais qu'environ la moitié d'entre elles serait considérée à risque élevé. Dans la région territoire Mushkegowuk, qui longe la baie James du côté de l'Ontario, d'où je viens, Attawapiskat a des problèmes d'eau depuis aussi longtemps que remontent mes souvenirs, surtout le captage. Je suis arrivé sur la scène politique régionale en 1985, tant comme administrateur que comme dirigeant. Les études se sont succédé depuis 1985 et pourtant, aujourd'hui encore, l'avis d'ébullition de l'eau est encore en vigueur dans ces collectivités. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est expert en solutions symboliques. Il donne 100 000 $ pour faire une chose, ou 50 000 $ pour régler un problème pendant deux mois. Il en a toujours été ainsi pour cette collectivité et, j'oserais dire, pour bon nombre de nos collectivités. Pourquoi ne pas investir les fonds nécessaires pour déplacer la prise d'eau du lac et l'amener à un autre point du réseau fluvial pour éliminer le problème? Le gouvernement investirait ainsi dans la collectivité. L'eau vient d'un lac, et en hiver, les températures peuvent atteindre les 40 degrés sous zéro. La plus grande partie du lac n'est alors que glace, alors d'où vient l'eau? Il n'y en a pas assez pour approvisionner la collectivité en eau potable salubre, quoi qu'on fasse pour l'assainir et quelle que soit la quantité de solvants qu'on y met. Changeons cela. La collectivité, aujourd'hui encore, est sous le coup d'un avis d'ébullition de l'eau là-bas.

L'attention du pays s'est tournée vers Kashechewan en 2005. J'en étais alors le grand chef. Le chef Leo Friday et moi- même avons traversé le pays pour venir ici demander de l'aide pour cette collectivité. Où en est-elle aujourd'hui? Le gouvernement paie chaque année des centaines de milliers de dollars à une société d'ingénierie pour qu'elle reste sur place assurer l'approvisionnement de la collectivité en eau salubre. Qu'est-il advenu de l'idée de tendre la main à nos propres jeunes et d'investir une part de ces fonds pour les préparer à prendre les choses en main? Devrons-nous dépendre d'ingénieurs et dépenser des millions de dollars année après année? Il nous faut un plan pour renforcer notre capacité de nous débrouiller nous-mêmes.

En résumé, nous avons beaucoup de pain sur la planche, et j'incite vivement le gouvernement du Canada à ne pas agir seul. À maintes reprises, dans le rapport du groupe d'experts et dans d'autres rapports et exposés que vous avez entendus, nous avons dit vouloir participer au processus. Nous le dirons encore. Le principe est simple, mais le gouvernement a souvent du mal à en comprendre le sens, ou il ne peut y adhérer parce que sa vision est trop étroite. Quand il est question de règlements et de lois qui ont une incidence directe sur un groupe de gens, en l'occurrence, les peuples autochtones, le gouvernement doit collaborer avec eux et chercher de concert avec eux une solution mutuellement acceptable. Il se peut que ce soit ce que vous cherchez à faire, avec ce projet de loi. Laissez-nous y travailler avec vous un peu plus étroitement et un peu mieux, de sorte que nous puissions être un élément de la solution — ce serait mieux que de se faire dire quelles mesures seront mises en œuvre, que cela nous plaise ou non, après une consultation de surface. Nous sommes en 2011; changeons donc d'attitude à l'égard de la relation que nos aînés avaient envisagée en 1905, quand ils ont conclu un traité avec le gouvernement.

Meegwetch.

Le président : Nous vous remercions, monsieur Louttit.

Monsieur Hrudey, vous avez la parole.

Steve Hrudey, professeur émérite, Université de l'Alberta, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous suis très reconnaissant de m'offrir cette occasion de vous exposer ma perspective sur l'approvisionnement des collectivités des Premières nations en eau potable salubre, dans le cadre de l'étude que vous faites du projet de loi S-11. Harry Swain, le grand chef Louttit et moi avons comparu devant vous le 15 mai 2007 pour vous exposer les conclusions du groupe d'experts. De mon côté, elles n'ont pas changé, alors je ne perdrai pas de votre précieux temps en y revenant.

J'aimerais concentrer mon intervention sur trois points. Tout d'abord, la compétence opérationnelle dans l'approvisionnement en eau potable salubre, et là, je confirmerai ce que vous a dit le grand chef Louttit; deuxièmement, l'engagement stratégique qu'a pris le Canada en 1977 d'offrir aux membres des collectivités des Premières nations des services communautaires de qualité égale à ceux qui sont fournis au reste de la population canadienne; en troisième lieu, j'aborderai quelques aspects pratiques portant sur l'observation de la loi, dont il est très peu question dans le projet de loi S-11.

Alors que la majorité des Canadiens ont généralement accès à une eau potable d'une grande qualité et qui remplit toutes les normes internationales de salubrité, plus les collectivités sont petites et éloignées, moins elles peuvent avoir l'assurance d'avoir le même avantage. En définitive, l'approvisionnement en eau potable salubre exige du responsable de l'approvisionnement qu'il ait la compétence requise à cette fin — c'est-à-dire une formation, des connaissances, des notions de santé publique, la motivation et la capacité de faire fonctionner les installations. Plus l'entité chargée de cet approvisionnement est restreinte, plus il est difficile d'en garantir la compétence. De façon générale, les systèmes d'approvisionnement en eau potable des Premières nations sont de petits systèmes. Vous devez reconnaître cette réalité.

Pour illustrer mon argument sur la compétence, pensez à ce qui suit : seriez-vous à l'aise dans un avion dont le pilote est payé au salaire minimum, a reçu une formation minimale et n'a que très peu de soutien technique? Et pourtant, dans bien des petites collectivités du Canada, y compris celles des Premières nations, nous confions l'approvisionnement en eau potable salubre à des gens qui, bien souvent, manquent de formation et sont très mal payés pour assumer l'énorme responsabilité de la santé publique. Une erreur opérationnelle grave peut rendre malade toute une collectivité.

Les experts qui ont témoigné devant nous lors des audiences que nous avons tenues en 2006 ont confirmé ce que je pensais : même quand les installations sont moins qu'optimales, un exploitant dûment formé et responsable saura mieux protéger une collectivité en cas de problème qu'un exploitant mal formé chargé des meilleures installations de traitement qui soient. L'approvisionnement en eau potable salubre exige de vastes connaissances, et aussi un mécanisme de soutien qui équipe les exploitants et les aide à relever le défi.

Où est la difficulté à reconnaître la source véritable des problèmes? Le Canada a fait d'importants investissements dans la modernisation des installations de traitement de l'eau des Premières nations, avec d'excellents résultats; cependant, il s'est concentré sur les installations, en omettant d'accorder encore plus d'attention comme il l'aurait dû, à une tâche plus difficile : la formation d'exploitants compétents et responsables pour chaque installation.

Compte tenu du chômage élevé qui sévit dans bien des réserves isolées des Premières nations, la création d'emplois spécialisés devrait être vue comme une priorité évidente, et cela, sans compter le rôle crucial que jouent des exploitants compétents dans l'approvisionnement d'une collectivité en eau potable salubre.

La compétence opérationnelle doit être au premier plan des priorités. Il existe un modèle international de pratique exemplaire, une espèce de plan de salubrité de l'eau, que l'on pourrait décrire comme un modèle de connaissance de son propre système. Il constitue un mécanisme naturel pour garantir la compétence des exploitants.

Le projet de loi S-11 ne parviendra pas à assurer un approvisionnement en eau potable salubre sans qu'un engagement soit pris sans réserve de fournir aux exploitants la formation dont ils ont besoin pour faire fonctionner les systèmes avec compétence.

Deuxièmement, au sujet de la politique qu'a adoptée le Canada en 1977 dans le but d'assurer l'égalité entre les membres des collectivités des Premières nations et le reste de la population canadienne au chapitre des niveaux de service à la communauté, mes propos précédents étaient une entrée en matière. Il est certain que certaines collectivités des Premières nations, en raison des investissements importants qui y ont été faits, disposent aujourd'hui d'installations plus modernes et meilleures que celles de collectivités non autochtones de taille correspondante et qui sont tout aussi isolées. Les petites collectivités isolées du Canada savent toutes les difficultés que présente l'acquisition des compétences nécessaires, mais certaines ont pu réussir parce qu'elles ont reconnu qu'il est important d'avoir des exploitants compétents.

Certaines collectivités des Premières nations ont pu tirer parti des programmes de formation itinérante qui permettent de fournir un soutien régional aux exploitants isolés, mais il y a généralement trop de monde inscrit à ces programmes, qui sont en plus sous-financés.

Dans l'ensemble, en supposant que la politique de 1977 régit encore le processus décisionnel fédéral, un examen approfondi des difficultés que connaissent les petites collectivités est susceptible de montrer que le gouvernement fédéral doit investir davantage dans la formation et le soutien véritables et efficaces des exploitants que dans les installations.

Je vous ai remis des exemplaires d'un nouveau document d'orientation commandé par l'Institut C.D. Howe qui a été rendu public hier. On y explique que, dans l'ensemble, l'approvisionnement en eau potable salubre fait problème dans les petites collectivités du Canada. Les auteurs du rapport y voient un problème grave de leadership.

En ce qui concerne les questions d'application de la loi et de conformité, y compris les inspections, le projet de loi S- 11 ne traite de ces questions qu'aux paragraphes 5(1), 5(2) et 5(3), qui autorisent le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ou le ministre de la Santé, ou les deux, à conclure un accord « avec toute province, toute société ou tout autre organisme » pour l'exécution et le contrôle d'application des règlements pris en vertu de la loi ».

Ceci soulève d'importantes questions. Qu'arrivera-t-il dans une province donnée si l'organisme provincial pertinent n'est aucunement intéressé à administrer le règlement en ce qui concerne les Premières nations? Si le projet de loi S-11 envisage le recours à une société ou à un autre organisme pour cela, ne serait-il pas prudent d'y inclure le pouvoir de créer un organisme réglementaire ou d'application de la loi à cette fin? Comme le ministère de la Santé et celui des Affaires indiennes et du Nord canadien financent tous deux des volets de la capacité fonctionnelle des Premières nations d'assurer l'approvisionnement en eau potable salubre, ces ministères seraient très certainement en conflit s'ils devaient être chargés d'appliquer le règlement pour des aspects qu'un financement insuffisant aura rendus déficients.

Bien que j'applaudisse la détermination que montre le gouvernement fédéral à lutter contre les problèmes que pose l'eau potable salubre pour les Premières nations, je ne crois pas que le projet de loi S-11 puisse contribuer efficacement à l'atteinte de cet objectif à moins de quelques changements importants prévoyant une aide pour la formation des exploitants dans la structure réglementaire connexe à la loi. Après tout, qui contesterait les avantages d'une gestion de l'eau potable conforme à la nouvelle pratique exemplaire internationale énoncée dans un plan de salubrité de l'eau, une approche axée sur la connaissance de son propre système?

Le projet de loi S-11 offre une occasion unique de combler l'absence de leadership au Canada dont j'ai parlé, ce qui aura des avantages pour les Canadiens de toutes les petites collectivités.

Le président : Nous vous remercions pour vos exposés.

En ce qui concerne la commission sur l'eau, dont vous avez parlé, compte tenu de la diversité des quelque 620 Premières nations du pays, comment, selon vous, une telle commission pourrait-elle fonctionner? On pourrait créer un autre Ottawa, mais je ne crois pas que le pays en ait besoin.

M. Hrudey : C'est vrai. Je ne proposais pas de modèle particulier, comme la commission de l'eau des Premières nations dont il est question dans le rapport du groupe d'experts. C'est une possibilité. Je disais seulement que le projet de loi S-11, tel qu'il est structuré maintenant, ne confère pas au gouvernement le pouvoir de créer autre chose. Qui devra faire des règlements et assurer le respect de cette loi?

Le président : Puisque vous avez étudié le Programme de formation itinérante, y voyez-vous un élément de la solution?

M. Hrudey : Absolument. S'il y a une chose qui mérite d'être au tableau d'honneur, c'est un programme de ce genre, qui facilite le soutien d'exploitants dévoués qui ont besoin d'aide.

Quand on y pense, des centaines de millions de dollars ont été investis dans les installations. Combien y a-t-il eu pour les ressources humaines? Vraiment pas assez.

Le président : Merci beaucoup.

Sénateurs, j'ai déjà demandé des questions concises, parce que nous avons prévu d'entendre d'autres témoins ce matin.

Le sénateur Dyck : Messieurs, je vous remercie pour vos exposés.

Certains membres du comité soutiennent que ce projet de loi améliorera la salubrité de l'eau potable dans les réserves des Premières nations, y compris de celles du Grand Nord. Or, il me semble avoir entendu ce matin que l'eau d'Attawapiskat est insalubre depuis les années 1980. Pensez-vous que ce projet de loi contribuera à prévenir de graves problèmes de santé publique liés à l'eau potable? Est-ce que selon vous, il pourrait nous rapprocher de ce but? C'est ce que certains soutiennent.

M. Louttit : Le seul moyen que cela puisse se réaliser, je l'ai dit, c'est si des ressources suffisantes — tant des ressources financières que des ressources humaines — sont engagées pour aider ces collectivités dans l'immédiat et le futur. L'entrée en vigueur de ce projet de loi avant que les besoins en ressources humaines et financières de ces collectivités soient comblés les vouerait encore une fois à l'échec.

M. Hrudey : C'est aussi mon avis. En assujettissant les Premières nations au régime réglementaire de leur province, le projet de loi part du principe que le régime des provinces fait ce qu'il faut pour les petites collectivités. Je soutiens que ce n'est pas le cas, presque partout au Canada. C'est ce qu'on cherche à faire comprendre dans ce document.

Les petites collectivités du pays posent un problème, et celles des Premières nations présentent des défis supplémentaires.

Pour moi, le débat sur ce projet de loi est une occasion pour le gouvernement de faire preuve du leadership qui a manqué jusqu'ici dans le dossier de l'eau potable partout au pays, et dans d'autres dossiers aussi. Ce qu'il faut, c'est tourner l'attention vers ce qui importe, c'est-à-dire les ressources humaines, et c'est ce qui est plus difficile. D'ici, dans un bureau d'Ottawa, il est plus difficile de régler les problèmes de ressources humaines et d'offrir une formation sur le terrain que de signer des commandes d'achat de vastes installations de traitement de l'eau. Je crains que ce soit là- dessus que l'attention ait porté jusqu'à maintenant.

Oui, tout cela est important, mais ne suffit pas. Je préférerais qu'une part de cet argent soit dépensée pour les ressources humaines, dont il y a un besoin criant.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Je m'excuse auprès du grand chef Louttit et du professeur Hrudey d'être en retard. J'espère que vous me pardonnerez.

[Traduction]

Monsieur Hrudey, vous avez témoigné à plusieurs reprises devant le comité du Sénat.

M. Hrudey : J'ai comparu une fois devant votre comité, et deux fois devant d'autres comités du Sénat.

Le sénateur Dallaire : Vous avez ici un rapport de l'Institut C.D. Howe qui, d'après ce que je comprends, témoigne avec éloquence du problème. C'est vrai?

M. Hrudey : Oui.

Le sénateur Dallaire : Est-il seulement en anglais?

M. Hrudey : Malheureusement, les publications de l'Institut ne sont diffusées qu'en anglais.

Le sénateur Dallaire : Le terme « malheureusement » ne m'est d'aucune consolation, parce que je ne pourrai pas lire ce document tant qu'il n'aura pas été traduit. Il ne pourrait pas nous servir officiellement de document de référence si nous faisions une analyse approfondie du projet de loi et nous devrions nous en tenir à un emploi non officiel parce qu'il n'est qu'en anglais. C'est la règle du pays — deux langues officielles. Je déplore que nous ne puissions recevoir cette information plus rapidement. Je ne le reproche pas au témoin, mais plutôt au système.

Le président : Sénateur, en toute justice, je tiens à préciser que le rapport, apparemment, n'été rendu public qu'hier. Ce n'est pas que je cherche une excuse, mais je le dis à titre d'information.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Nous sommes fatigués d'entendre des excuses. Les droits des Autochtones ont été bafoués dans notre pays. Que dire de la Francophonie, qui lutte toujours pour mettre en vigueur des règlements et des lois. Malgré le fait que des lois aient été mises en vigueur, des accrocs persistent toujours depuis 40 ans. Pour réparer ces torts, on se fait rabattre les oreilles par des excuses.

Nous avons le devoir de mettre pleinement en pratique nos droits acquis. Je peux lire le document en anglais, là n'est pas la question, mais ce faisant je m'inscrirais en faux contre la législation que je défends. Je sais que vous ne pouvez pas traduire le document et que le délai pour le faire n'est que de 24 heures.

Je regrette énormément d'avoir eu à m'insurger contre cela, mais la situation se répète trop souvent.

Le président : Je comprends bien, sénateur Dallaire. Vous avez une question?

Le sénateur Dallaire : Certainement.

[Traduction]

Monsieur Hrudey, vous avez parlé d'un mécanisme international de gestion de l'eau dit de « connaissance de son propre système ». Il en est question dans votre texte. De quoi s'agit-il? Est-ce une série internationale de critères de développement?

M. Hrudey : Les Directives de qualité pour l'eau de boisson qu'a publiées l'Organisation mondiale de la santé en 2004 et qui ont été mises à jour en 2008 traitent d'un « plan de gestion de la salubrité de l'eau ». J'emploie l'expression « connaissance de son propre système » pour expliquer la teneur du plan de gestion de la salubrité de l'eau. Il vise à ce qu'on connaisse notre propre système.

Si vous le permettez, au sujet du document de l'Institut, le président du comité ne savait pas que je comptais l'apporter. En fait, je ne savais pas moi-même jusqu'à la semaine dernière qu'il allait être diffusé hier. J'y ai collaboré pendant quatre mois avec l'Institut C.D. Howe. Ce n'est que coïncidence qu'il ait été publié hier.

Le sénateur Dallaire : J'espère que l'Institut C.D. Howe ne reçoit pas de financement fédéral.

Est-ce que le Canada a adhéré à la norme internationale qu'a établie cette organisation mondiale?

M. Hrudey : Ce n'est pas tellement un processus auquel on adhère. Le Canada a participé à l'élaboration de ces directives, mais très franchement, c'est un des reproches que je fais au gouvernement fédéral. La responsabilité de la réglementation de l'eau potable au Canada repose sur les provinces, et c'est ainsi qu'il en a été décidé dans notre Constitution. Cependant, Santé Canada fournit les services d'un secrétariat et assure la coordination d'un comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable. Même si le ministère participe aux réunions de l'Organisation mondiale de la santé, qu'il siège à des réunions dans le monde entier sur les systèmes des « petites collectivités », il ne fait pas profiter le Canada de l'expérience acquise par d'autres pays dans la gestion de ce problème. Si on demandait aux responsables de l'approvisionnement en eau des collectivités du Canada s'ils ont un plan de gestion de la salubrité de l'eau, je ne pense pas que leur réponse vous plairait. Nous n'en sommes tout simplement pas là.

Le sénateur Dallaire : Nous signons des conventions, adhérons à des normes internationales et participons à leur élaboration, mais nous ne les mettons pas en œuvre. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Hrudey : Oui. Santé Canada a adopté une approche timide, se disant : « Étant donné que la responsabilité de la réglementation incombe aux provinces et que nous ne pouvons pas leur dicter un comportement, nous nous concentrerons sur la production de chiffres. » Le ministère s'est montré réticent à faire preuve de leadership. Il devrait pour cela admettre l'existence d'un problème dans nos petites collectivités, organiser des réunions dans tout le pays pour mettre en commun les connaissances, trouver des solutions et observer les pratiques exemplaires des autres.

Le sénateur Dallaire : Les peuples autochtones du pays relèvent du gouvernement fédéral, n'est-ce pas?

M. Hrudey : C'est exact.

Le sénateur Dallaire : Voyez-vous la moindre logique dans ce concept bicéphale qui fait qu'on signe des conventions internationales alors que c'est la responsabilité des provinces? On pourrait avoir une base de l'armée dont l'approvisionnement en eau ne répondrait pas à la norme parce qu'aux yeux du gouvernement fédéral, ce serait le problème de la province. En fait, c'est ce qui se passe en ce moment à Shannon, près de Valcartier, non?

M. Hrudey : En fait, une poignée de fonctionnaires ont pris l'initiative de former un groupe spécial. Environ 22 ministères fédéraux gèrent des problèmes relatifs à l'eau et ils ont formé un groupe spécial chargé d'élaborer des lignes directrices internes pour garantir une eau potable salubre. C'est donc au moyen de ce groupe informel qu'ils se débattent pour régler le problème même dont vous parlez.

J'ai un message à transmettre à votre comité : vous avez une occasion unique de faire montre d'un certain leadership avec ce projet de loi. La question relève du gouvernement fédéral. Il y a une pratique exemplaire au niveau international dont nous pouvons tirer parti.

Le sénateur Dallaire : Toutefois, cela ne trouve pas écho dans le projet de loi.

M. Hrudey : Non, c'est bien vrai.

Le sénateur Dallaire : Grand chef, j'aimerais que vous nous parliez de la formation du personnel ainsi que de l'exploitation et de l'entretien des systèmes. Nous avons vu que le gouvernement fédéral et le MAINC signent un traité, mais qu'ils ne fournissent pas d'argent ni de ressources pour y donner suite. Ils vont donner un peu de fonds de démarrage, mais il n'y a pas d'argent pour mettre en œuvre les mesures prévues dans le traité. Êtes-vous en train de nous confirmer qu'il n'y a pas de fonds suffisants pour la formation du personnel et pour l'entretien des systèmes d'alimentation en eau, sans parler de la construction de nouvelles installations?

M. Louttit : Oui, c'est bien le cas, en ce qui concerne la région d'où je viens.

Je ne parlerai pas au nom des autres, mais en ce qui concerne le Programme de formation itinérante, je dois dire que le gouvernement a déployé certains efforts pour aider les collectivités à acquérir la capacité d'exploiter correctement les installations. Toutefois, au bout du compte, cette aide parvient-elle aux collectivités et aux gens qui travaillent dans les usines de traitement de l'eau et qui ont grand besoin de formation? Arrivons-nous à joindre les gens de la prochaine génération, nos jeunes, pour les intéresser à cette question et les doter de la capacité de faire fonctionner les usines de traitement de l'eau? De nombreuses usines sont vétustes et coûtent probablement deux fois plus cher à faire fonctionner qu'une installation normale.

Le sénateur Dallaire : Croyez-vous que le projet de loi va régler le problème?

M. Louttit : Non.

Le sénateur Sibbeston : Vous avez tous les deux fait partie du Groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, vous êtes donc tout particulièrement bien placés pour vous prononcer sur un projet de loi comme celui-ci. On pourrait dire que beaucoup d'experts ont donné beaucoup d'informations et de conseils au gouvernement et croire que le projet de loi que nous étudions est le fruit de tous les conseils que le gouvernement a retenus.

Monsieur Louttit, vous dites que le régime proposé par le gouvernement est condamné à échouer, vous n'avez donc pas grand-chose de bien à en dire.

Monsieur Hrudey, vous êtes un peu plus positif en ce sens que vous voyez des problèmes, mais, à la fin, vous dites qu'il faut un organisme pour réglementer les choses.

Notre comité doit décider de ce qu'il faut faire de ce projet de loi. Devons-nous l'amender, l'adopter ou simplement accepter qu'il soit seulement un pas de plus en avant? Devrions-nous simplement l'adopter? J'aimerais en savoir un peu plus sur ce que vous nous conseilleriez de faire. Soyez donc un peu plus précis, si possible.

M. Louttit : Comme vous l'avez dit, beaucoup d'études ont été menées et beaucoup de travail a été fait par le passé concernant cette question. Le gouvernement est allé de l'avant en rédigeant un projet de loi.

Si vous voulez une recommandation de moi, suspendez le projet de loi — mettez-le en veilleuse pour un certain temps. Ne le mettez pas de côté pour toujours, mais pour un certain temps. Venez nous voir. Asseyons-nous et parlons des solutions possibles.

Nous avons parlé de deux choses. Il y a très peu de mesures dans le projet de loi qui permettraient de régler le grave problème de capacité dans nos collectivités, et nous devons être en mesure de réparer les usines de traitement de l'eau qui sont en mauvais état. Occupons-nous de ces deux problèmes. Alors, asseyons-nous ensemble à la même table et attelons- nous ensemble à concevoir un plan qui fonctionnera. Nous ferons alors partie de la solution; mettons en commun nos idées, nos connaissances et notre expertise pour trouver la solution qui sera bénéfique pour nos collectivités.

Le gouvernement ne fait jamais cela. Il dit : « On prend ce chemin-ci ou ce chemin-là, et c'est tout ». Combien d'initiatives ont été couronnées de succès avec ce genre d'attitude? Asseyons-nous et travaillons-y ensemble plutôt.

M. Hrudey : Je vous recommande vivement de résister à la tentation d'adopter le projet de loi en y voyant une légère amélioration de la situation actuelle, parce que je pense qu'il n'aura aucunement cet effet. Les politiques du gouvernement sont mises en œuvre par les ministères. Comment pouvez-vous donner des directives aux ministères si rien n'est prévu à cet effet dans le projet de loi que vous adoptez? Il n'y a pas assez d'instructions dans le projet de loi actuel pour que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien reconnaisse qu'il faut se concentrer sur la capacité des exploitants de faire fonctionner les installations et sur les ressources humaines au lieu de simplement verser de grosses sommes d'argent à des sociétés d'ingénierie pour dessiner des usines de traitement de l'eau. Oui, nous avons besoin de telles installations, mais ce n'est pas la chose la plus urgente. Ce qui presse le plus, c'est d'aider les gens qui s'occupent de ces usines. Or, il n'y a aucune instruction à ce sujet dans le projet de loi. Si le texte est adopté, vous ne verrez aucune amélioration, il n'y aura que plus d'inertie, tout simplement.

Le sénateur Demers : Le grand chef a dit « condamné à échouer » et cela fait très peur. J'ai beaucoup de difficulté à envisager les choses de cette façon. Il ne faut pas se laisser condamner à échouer, il faut se donner les moyens de réussir. Voulez-vous dire qu'il n'y a aucun espoir ni aucun progrès possible? La réponse a peut-être déjà été donnée. Est-ce une question de mauvaise gestion? Pour ce qui est d'être condamné à échouer, la question remonte à 2006 et nous sommes maintenant en 2011. Cela fait bien longtemps.

Je ne remets pas en question ce que vous avez dit, mais j'ai beaucoup de difficulté à comprendre que nous soyons condamnés à échouer. Cela a-t-il du sens? Je ne sais pas.

M. Louttit : C'est ce que je constate.

Le sénateur Demers : Voilà pourquoi je veux que vous répondiez.

M. Louttit : Vous êtes en train d'élaborer une loi qui réglementera la façon dont on gérera, fera fonctionner et exploitera les usines de traitement de l'eau. La loi établira les politiques, les règles et les règlements régissant le traitement de l'eau dans nos collectivités. Toutefois, vous ne faites rien pour doter les gens de nos collectivités des compétences requises pour gérer et faire fonctionner ces systèmes en respectant les nouvelles politiques et les nouveaux règlements qui régiront de façon serrée le mode de fonctionnement de ces usines.

Mon collègue et moi croyons que vous devez investir dans les ressources humaines. Vous êtes en train d'élaborer une loi pour que nos usines de traitement de l'eau aient une capacité X, que nous voulons aussi, mais nos gens sont là, à Y. Il faut donc relever ce niveau pour que nous ayons des gens compétents et qualifiés pour faire fonctionner les systèmes de traitement de l'eau.

M. Hrudey : La réponse à votre question se trouve dans les circonstances qui nous occupent. Le rapport du groupe d'experts a été déposé à la Chambre des communes en décembre 2006. Notre comité a tenu ses audiences en mai 2007 et déposé son rapport en mai 2007. Le comité a fait les mêmes constatations que notre groupe d'experts s parce que beaucoup d'autres personnes vous ont dit la même chose que nous. Dans le rapport, il est dit que si on met le règlement en premier, cela ne marchera pas; il faut d'abord doter les gens de la capacité nécessaire pour faire fonctionner les installations.

Nous sommes maintenant en 2011. Combien de temps aurait-il fallu pour élaborer ce projet de loi et le faire adopter? La rédaction prend un certain temps, mais le projet de loi adopte la solution la moins prisée dans notre rapport d'experts — les méthodes réglementaires provinciales. On présume ainsi de ces méthodes. C'est le cas à Ottawa, à Toronto et dans les grandes villes. Sortez des grands centres, allez dans les petites communautés rurales de n'importe quelle province et je ne crois pas que vous en viendrez à la conclusion que les choses fonctionnent bien. En conséquence, je ne crois pas que l'adoption de ce projet de loi est la réponse au problème.

Le sénateur Brazeau : Monsieur Louttit, vous avez répondu à la question du sénateur Dallaire sur les ressources et les fonds. Vous avez confirmé que votre évaluation fait état d'une insuffisance de fonds pour les réseaux d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées.

Je vais poser la question à l'envers. Êtes-vous en mesure de confirmer que les collectivités qui font fonctionner les réseaux d'alimentation en eau et les systèmes de traitement des eaux usées dépensent 100 p. 100 des fonds qu'ils reçoivent à cette fin?

M. Louttit : Naturellement. Les fonds très modestes qu'elles reçoivent pour leurs usines servent à l'entretien de ces vieilles installations et servent également à payer les coûts de l'acheminement des pièces dans ces collectivités éloignées accessibles seulement par la voie des airs, qui s'élèvent à trois ou quatre fois les coûts engagés ailleurs. Les gens ne peuvent pas se rendre au Canadian Tire, prendre une pièce et payer seulement 10 $ d'essence. Vous savez cela.

Dans nos collectivités éloignées, le coût et le temps nécessaires pour l'entretien des installations sont d'environ la moitié ou les trois quarts plus élevés que partout ailleurs. En conséquence, oui, les fonds que reçoivent les Premières nations du MAINC pour faire fonctionner leurs usines servent exactement à cette fin.

Le sénateur Brazeau : Monsieur Hrudey, les lois sont souvent adoptées pour résoudre un problème. Il y a un vide réglementaire concernant l'approvisionnement en eau propre et salubre. Le principe de base de ce projet de loi concerne l'approvisionnement des citoyens des Premières nations en eau potable propre et salubre. Les lois sont présentées et adoptées, et les règlements suivent. Le gouvernement a fait savoir que si ce projet de loi est adopté, le règlement sera élaboré en consultation avec les gens des Premières nations. De la même façon, les discussions sur les budgets et le financement suivront l'adoption de la loi.

Notre comité a entendu les préoccupations légitimes concernant les ressources. C'est facile d'adopter une loi. Comme vous l'avez dit, si les ressources appropriées ne sont pas fournies pour la mise en place d'une infrastructure convenable, la prestation de la formation requise, l'accréditation, et cetera, il y aura des problèmes.

Vous avez dit que le projet de loi doit être reformulé. Cela étant, si les ressources appropriées pour l'infrastructure, et cetera, suivent et sont mises en place advenant l'adoption du projet de loi, y aurait-il encore des passages du texte à reformuler?

M. Hrudey : Oui. Le projet de loi, comparativement à d'autres lois efficaces, comporte un préambule de quatre paragraphes qui ne fournit essentiellement qu'un peu de contexte. Il n'y a aucune vision dans le document. Ma première réponse concernant la situation qui nous occupe était que presque cinq ans se sont écoulés depuis la présentation du rapport de notre groupe et nous en sommes toujours là. Entre-temps, Affaires indiennes et du Nord Canada a continué de fonctionner comme il le faisait auparavant. Il n'a accepté aucune orientation du Parlement sur ce qui devait être fait. Le projet de loi ne donne aucune orientation au ministère et ne l'amène pas à se pencher sur le problème. Il fournit simplement une façon de prendre des règlements.

Si vous ne donnez pas une orientation au MAINC, le ministère continuera de faire ce qu'il a toujours fait. Il ne s'agit pas simplement d'adopter le projet de loi et d'y ajouter des règlements, il faut y inclure une certaine vision et une orientation, qui ne sont pas là.

Le sénateur Brazeau : C'est une réponse légitime. Vous nous avez dit ce que Affaires indiennes et du Nord Canada ne fait pas. Que devrions-nous faire pour améliorer le projet de loi, alors?

M. Hrudey : Il faut tout au moins inclure dans le préambule un énoncé de vision sur la façon de fournir aux gens une eau potable salubre. Il ne s'agit pas simplement de construire des usines ou de signer un accord avec les autorités d'une province pour adopter leur régime réglementaire, ce qui est tout ce que le présent projet de loi offre.

Le sénateur Dallaire : Votre rapport remonte à 2006. Le gouvernement a élaboré un projet d'assainissement de l'eau, dont j'oublie le nom officiel. Le gouvernement a versé quelque 1,3 milliard de dollars dans le projet. Nous avons vu une amélioration importante de cas qui étaient très problématiques et une augmentation du nombre de cas qui, sans avoir été vraiment résolus, ont néanmoins été améliorés sensiblement. Dans le budget actuel, le gouvernement planifie d'investir encore plus d'argent pour ce projet.

Toutefois, en 2009, la nécessité d'une mesure législative a fait son apparition. Je ne comprends pas. Si le programme fonctionnait et que la situation progressait avec l'ancien plan, pourquoi croyez-vous que le gouvernement avait besoin de ce projet de loi pour aller de l'avant avec un programme qui fonctionne bien depuis cinq ans?

M. Hrudey : Je ne prétends pas connaître les rouages du gouvernement, mais je sais que c'est le rapport de la vérificatrice générale de l'année précédente qui a mené à la création du groupe d'experts. La vérificatrice générale notait que les Premières nations n'avaient pas de cadre réglementaire. Cet aspect n'a toujours pas été corrigé. Je présume que ce projet de loi se veut un moyen de le faire.

Permettez-moi d'en parler. Je reconnais tout à fait que de l'argent a été investi pour essayer d'améliorer la situation, mais est-il investi aux bons endroits? Ce projet de loi permet de diriger d'une certaine manière les futurs investissements, mais il n'accomplit pas ce qu'il devrait accomplir.

Le sénateur Raine : Ma question s'adresse au grand chef Louttit. Je comprends que ce projet de loi est une loi habilitante. Il permettrait aux collectivités et aux régions d'élaborer des règlements qui fonctionneraient sur leur territoire. J'ose croire que les règlements permettraient d'insister sur le niveau de formation requis, ce qui forcerait l'attribution de financement en ce sens. Actuellement, ce n'est pas le cas, et peut-être qu'AINC ne peut pas allouer des ressources où il en faut. Croyez-vous qu'il soit possible de mettre en place des règlements dans votre région pour développer vos capacités?

M. Louttit : Je crois que ce serait possible si nous étions inclus dans le processus.

Le sénateur Raine : L'objectif de la mesure législative est de vous permettre de rédiger des règlements; le diable est dans les détails, comme on dit. Ce cadre réglementaire permettrait au gouvernement fédéral d'adopter les règlements élaborés dans les collectivités. Chaque collectivité est différente. La géographie, la taille et le type de collectivités varient beaucoup, et les gens ont des problèmes différents. Lorsque j'examine ce projet de loi, je vois beaucoup de possibilités pour chaque collectivité de participer à la rédaction de son cadre réglementaire. Le projet de loi fournira le cadre général à l'intérieur duquel se trouvent des solutions pour régler les problèmes que vivent les collectivités.

M. Louttit : Le cadre est important, mais pourquoi ne participons-nous pas à sa conception? Je sais qu'il est important de collaborer et de se consulter, après coup, pour élaborer les règlements. Je suis d'accord, mais je trouve insensé de concevoir le cadre sans nous.

Ce projet de loi sur le cadre réglementaire mentionne-t-il les conclusions du groupe d'experts sur le statut des Premières nations, notre relation avec l'eau, nos droits issus des traités et la constitutionnalisation de notre statut? Le projet de loi parle-t-il de renforcer nos capacités et de ne pas adopter le projet de loi avant d'avoir atteint les objectifs et réparé les usines? Est-ce qu'on parle de ces éléments?

C'est ce que je veux dire. Ce projet de loi a été rédigé sans nous. Arrêtons le processus un certain temps et étudions le projet de loi ensemble pour concevoir quelque chose qui fonctionnera. Ensuite, nous pourrons poursuivre notre collaboration en élaborant ensemble les règlements. Actuellement, selon ce que je comprends, le projet de loi n'aborde aucunement les points essentiels que j'ai mentionnés.

M. Hrudey : Un cadre réglementaire est correct, parce que c'est souvent ainsi que les choses se font. Toutefois, ce cadre n'offre pas la direction qui résoudra le problème. Il révèle une pensée minimaliste : celle de simplement adopter un projet de loi pour pouvoir se dire que le Canada dispose d'un cadre réglementaire pour les Premières nations. Il n'oriente aucunement les fonctionnaires qui devront le mettre en oeuvre par voie de règlements. Si vous ne leur donnez pas cette orientation, je vous garantis que vous n'obtiendrez pas les résultats escomptés.

Le président : Merci monsieur Hrudey et grand chef Louttit. Nous vous remercions de nous avoir fait part de votre expertise.

Grand chef Louttit, vous vivez l'expérience et monsieur Hrudey, vous avez une feuille de route imposante. Nous vous remercions d'avoir répondu avec clarté aux questions des sénateurs. Nous avons hâte de travailler de nouveau avec vous.

Chers collègues, le deuxième groupe de témoins compte trois organismes. Nous accueillons Lyle Whitefish, le chef adjoint de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, la FNIS. Représentant le Conseil mohawk d'Akwesasne, nous entendrons le grand chef Micheal Mitchell et Jay Benedict. La Société des services techniques des Premières nations de l'Ontario sera représentée par son directeur exécutif, Bob Howsam, et le formateur principal, Jason Henry.

Nous commencerons par la FNIS et le chef adjoint Whitefish.

Lyle Whitefish, chef adjoint, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan : Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous exposer nos points de vue sur le projet de loi. Je suis conscient que beaucoup de travail a été fait. Ce matin, je vous lirai une déclaration préparée.

Le président : Je vous demanderais s'il vous plaît d'être le plus bref possible, parce que nous avons beaucoup de témoins et de questions.

M. Whitefish : La terre et l'air sont des cadeaux du Créateur aux Premières nations. C'est en nous appuyant sur cette notion que nous avons accepté de laisser les nouveaux arrivants les utiliser en ratifiant des traités avec la Couronne. Nous n'avons jamais cédé ces cadeaux dans le processus des traités. Nous en étions les gardiens au temps de la signature des traités et nous le serons pour des générations à venir. Toutefois, depuis la signature des traités avec la Couronne, les gouvernements provinciaux et fédéral ont assumé le rôle de gardiens et même de propriétaires de la terre, de l'air et de l'eau et l'ont inscrit dans la loi. Nous n'avons jamais donné notre accord à ce sujet. Cette mesure législative, le projet de loi S-11, est une autre forme d'action qui porte atteinte au processus des traités.

Sénateurs, l'examen juridique et l'examen des traités ont été préparés par notre avocate internationale, Sharon Venne. Voici quelques-unes de ses réflexions.

L'eau faisait partie des traités signés entre nos ancêtres et la Couronne britannique. « Pour aussi longtemps que les rivières couleront » étaient les mots utilisés. Dans toute discussion sur l'eau et son utilisation, il faut tenir compte des traités. Le projet de loi S-11 met clairement en cause l'honneur de la Couronne.

Le tout remonte à la Proclamation royale de 1763 qui a été depuis consacrée dans la Constitution canadienne. Les colons britanniques ne devaient pas perturber les activités des peuples indigènes à moins qu'un accord ou un traité soit en place. La Couronne a donc signé des traités d'amitié et de paix pour s'assurer que ses colons pourraient vivre en paix parmi nous. Nos ancêtres ont continué de respecter leurs engagements.

Dans la foulée entourant le rapatriement de la Constitution en 1982, l'article 35 a reconnu les droits issus des traités. Nous détenons un statut juridique et constitutionnel unique en raison de la Proclamation royale de 1763, du processus de conclusion des traités et de la Loi constitutionnelle du Canada.

Les représentants du gouvernement fédéral nous ont dit que c'est un projet de loi habilitant. Qu'est-ce que ça veut dire? Le sommaire, le préambule et le texte du projet de loi sont bien formulés et dénotent de belles intentions. Cependant, à partir de l'article 3, le projet de loi commence à définir les règlements et à accorder au ministre et au Cabinet plus de pouvoirs.

Ce projet de loi met aussi la responsabilité sur les épaules des chefs et des conseils. Comment arriverons-nous à remplir les exigences s'il n'y a pas de ressources investies?

Le projet de loi dégage également le gouvernement de toute responsabilité. Un élément nous inquiète beaucoup : le projet de loi accorde au ministre et au Cabinet, en dépit des traités, le pouvoir de définir unilatéralement la responsabilité des traités. Ce n'est pas le partenariat d'égal à égal que nos ancêtres avaient imaginé. La question des traités est importante, étant donné que la disposition abrogative semble accorder au ministre et au Cabinet un pouvoir décisionnel plus unilatéral au sujet des traités. De plus, en ce qui concerne les règlements, cela mine encore plus la relation d'égal à égal entre les Premières nations et la Couronne dans le processus des traités.

Ce projet de loi ou les règlements ne devraient pas influer sur la mise en oeuvre des traités; il s'agit d'un tout autre sujet qui ne devrait pas être inclus.

J'ai appris qu'AINC vous a présenté un exposé au début de votre étude. La Saskatchewan peut bien souhaiter poursuivre l'élaboration d'un cadre réglementaire et AINC peut bien vous avoir présenté un mémoire, mais cela ne veut pas pour autant dire que nous approuvons ce projet de loi sous sa forme actuelle et la manière dont le processus parlementaire a été lancé. Les conséquences sont trop importantes pour ignorer ce que nous disons au sujet des ressources et du financement pour maintenir et assurer la durabilité des systèmes d'acheminement de l'eau dans les collectivités des Premières nations.

Je tiens à le dire très clairement : nous n'approuvons pas ce projet de loi. Le problème, c'est que les procédures du plan d'action relatif à l'eau sont incluses dans le projet de loi. Le processus de propositions sur l'élaboration des règlements se trouve aussi dans le projet de loi S-11. Si le projet de loi reste en plan à la fin de la session ou est retardé, il en va de même pour le processus d'élaboration des règlements. Chaque projet de loi et chaque élaboration de règlements doivent être indépendants; ils ne doivent pas être rattachés aux procédures du plan d'action relatif à l'eau.

Tout projet de loi nécessitera des règlements qui devront être élaborés dans les régions par les Premières nations et pour leurs membres. Nous avons présenté à AINC la structure que nous avons l'intention de mettre en place pour créer un régime réglementaire pour les Premières nations en Saskatchewan.

En juin 2010, nous avons tenu une assemblée de tous les chefs de la FNIS. Les chefs ont rejeté le projet de loi en raison du manque de consultations. Les Premières nations et les gouvernements devraient se servir de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pour renforcer leur relation à l'avenir. Collaborer à la refonte du projet de loi pourrait être un bon point de départ.

Si le gouvernement fédéral veut accorder aux chefs et aux conseils la responsabilité du système d'acheminement de l'eau dans les collectivités, ces gens doivent être consultés pendant l'élaboration de la mesure législative et des règlements

En Saskatchewan, des avis d'ébullition de l'eau ont été émis pour un certain nombre de collectivités, et ces avis peuvent être en vigueur des années dans certains cas — ou encore des jours, des semaines, des mois. Au 4 février 2011, 16 avis étaient en vigueur dans 13 collectivités. Il semble toujours y en avoir environ entre 13 et 18 en vigueur en même temps, et nous mettons souvent à jour cette statistique. C'est inacceptable. Imaginez les gens qui vivent dans ces conditions, auxquelles il faut ajouter un logement inadéquat, la moisissure, les maladies chroniques, la pauvreté, un faible taux d'emploi et l'aide sociale. Je n'essaye pas de faire du sensationnalisme; c'est la réalité de ces collectivités. C'est très réel.

Si nous avions poursuivi notre collaboration à la suite du groupe d'experts sur l'eau de 2006, je crois que la situation de l'eau potable se porterait beaucoup mieux. Le gouvernement avait l'option de collaborer avec les Premières nations à l'élaboration d'un projet de loi sur l'eau potable qui aurait vraiment permis aux Premières nations d'y avoir accès.

Si nous avions poursuivi les consultations en nous servant des conclusions du groupe d'experts, nous aurions aujourd'hui un projet loi beaucoup plus acceptable pour les Premières nations que celui devant nous. Je vous donnerai l'exemple concret du Programme de formation itinérante qui a été mis en place dans le cadre d'un partenariat entre la Saskatchewan et AINC au nom des Premières nations. Ce programme comporte des avantages, mais il suscite aussi des inquiétudes.

L'objectif de ce programme est notamment de fournir de la formation et de l'expertise aux opérateurs des collectivités. Cette initiative a du bon et c'est évident dans le cas d'un opérateur débutant dans le domaine. Cependant, les problèmes commencent à paraître lorsque l'opérateur travaille depuis longtemps dans des collectivités où les technologies en place ne sont pas utilisées en dehors des collectivités des Premières nations. Certaines collectivités des Premières nations utilisent la technologie membranaire pour procéder au traitement de l'eau, et cette technologie n'est pas utilisée ailleurs. Il est possible qu'un formateur itinérant provincial arrive dans une collectivité et qu'il ne connaisse pas cette technologie. Les rôles sont alors inversés : le formateur provincial apprendra de l'opérateur des Premières nations au lieu d'être le contraire. De plus, l'opérateur des Premières nations pourrait être de niveau 2 tandis que le formateur provincial pourrait être de niveau 1. Le problème est évident.

Un autre problème, c'est que, après être venu dans la réserve et avoir fait son travail, le représentant provincial retourne à son bureau et envoie une facture au MAINC, qui paie. Le processus ne permet pas aux Premières nations d'approuver la facture et de dire que le travail facturé a été bénéfique à la collectivité.

C'est sur ces propos que se termine mon exposé.

Michael Mitchell, grand chef, Conseil des Mohawks d'Akwesasne :

[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Notre délégation vient du territoire mohawk d'Akwesasne. Nous sommes ici au nom des Mohawks d'Akwesasne à titre de Conseil élu des Mohawks d'Akwesasne. Akwesasne, qui compte 18 000 habitants, dont 11 000 sont inscrits sur notre liste des membres, est une des plus importantes collectivités des Premières nations au Canada.

Le territoire d'Akwesasne est artificiellement divisé par une frontière internationale entre le Canada et les États-Unis de même que par une frontière interprovinciale entre l'Ontario et le Québec. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien considère le territoire d'Akwesasne comme la réserve numéro 15 (Québec) et la réserve numéro 59 (Ontario) et ne tient aucunement compte de la portion de notre territoire considéré comme faisant partie de l'État de New York. La complexité de notre situation géographique nous a forcés à trouver des solutions créatives, puisque les habitants d'Akwesasne se considèrent toujours comme une seule famille vivant dans une seule collectivité.

Dans les années 1960, Akwesasne était considérée comme une des collectivités les plus polluées en Amérique du Nord. Elle a été polluée par les industries voisines. Au cours des 20 dernières années, le Conseil des Mohawks d'Akwesasne, ou CMA, a constamment amélioré ses aptitudes et sa capacité de protéger l'environnement et son peuple. Au cours des 18 dernières années, par l'intermédiaire des départements des services techniques, de l'environnement et de la santé du CMA et le programme environnemental ont examiné les pratiques exemplaires et les normes afin de s'assurer que les gens ont accès à de l'eau potable salubre. Les responsables de la gestion des effluents ont travaillé en collaboration avec des ministères comme Santé Canada et le MAINC pour maintenir et mettre en oeuvre des contrôles rigoureux de la qualité de l'eau.

L'accréditation des opérateurs au traitement des eaux est un critère essentiel qui est appliqué vigoureusement depuis 15 ans. Actuellement, le département des services techniques emploie un gestionnaire de catégorie 4 qui agit à titre d'ingénieur professionnel, deux opérateurs de catégorie 3, un opérateur de catégorie 2, deux opérateurs de catégorie 1 et deux opérateurs en formation.

Voici quelques observations : le MAINC nous a demandé si Akwesasne voulait être une des collectivités participantes à un projet pilote lié à l'élaboration d'un nouveau cadre législatif actuellement à l'étude. Le Conseil des Mohawks d'Akwesasne participe en ce moment à des négociations sur l'édification d'une nation par l'autonomie gouvernementale et sur un partenariat et une entente sectorielle avec le Canada qui reconnaîtraient la compétence d'Akwesasne sur la gestion de l'eau et des eaux usées et qui feraient en sorte que les terres d'Akwesasne ne seraient plus assujetties à la Loi sur les Indiens. La nature plurigouvernementale des terres et des voies navigables d'Akwesasne — en Ontario, au Québec et dans l'État de New York — exacerbe les problèmes liés aux normes, aux cadres réglementaires et aux mécanismes d'application de la loi.

Il faudra s'occuper des besoins en infrastructures des Premières nations et il faudra augmenter les enveloppes budgétaires du gouvernement pour faciliter la conformité au cadre réglementaire proposé. Le projet de loi S-11 ne reconnaît pas la compétence des Premières nations sur la gestion de l'eau et des eaux usées ni sur l'établissement de normes en la matière. Il ne prévoit pas non plus de solution de rechange concernant le transfert d'un rôle de gestion aux Premières nations.

Une telle solution de rechange permettrait aux Premières nations de jouer un rôle plus important, d'avoir des responsabilités réelles et permettrait d'augmenter la capacité comme ce fut le cas dans d'autres domaines, comme les transferts en santé. Nous nous sommes entendus sur le rôle des provinces dans les territoires des Premières nations et il y a là des conflits potentiels.

En conclusion, nous avons l'intention de demander l'inclusion d'une exemption au projet de loi S-11 parce que dans sa forme actuelle, le projet de loi ne tient pas compte du caractère plurigouvernemental unique d'Akwesasne. À ce moment- ci, Akwesasne a l'intention d'exercer son autorité sur l'établissement des normes sur l'eau potable. Cependant, en cette période de développement et de transition, Akwesasne aimerait poursuivre ses efforts en vue d'atteindre ou de surpasser les normes et les pratiques exemplaires existantes en matière d'eau potable. Nous avons l'intention de continuer à travailler avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada afin de créer un cadre réglementaire efficace pour l'établissement de normes en vue d'assurer à la collectivité une eau potable sécuritaire. On créerait ainsi un cadre réglementaire qui permettrait de régler des questions comme la gouvernance, la surveillance, l'application de la loi, les mécanismes d'appel, l'établissement de rapports, la planification en cas d'urgence et la protection des sources d'eau potable. Akwesasne est préoccupée par le fait que dans sa forme actuelle, le projet de loi S-11 aura une incidence sur les droits et les compétences des Premières nations. En l'occurrence, Akwesasne souscrit aux exposés et mémoires de Chiefs of Ontario et de l'Assemblée des Premières Nations.

Bob Howsam, directeur exécutif, Société des services techniques des Premières nations de l'Ontario : Mesdames et messieurs les sénateurs, merci de l'invitation. Quand j'ai parlé à votre analyste pour savoir ce que vous vouliez entendre de la part de la Société de services techniques des Premières nations de l'Ontario, elle m'a dit que vous vouliez qu'un organisme technique vous parle des difficultés liées à la mise en oeuvre de la réglementation sur le terrain. J'ai pensé qu'il était préférable de laisser à quelqu'un qui a de l'expérience pratique en usine et qui est notre formateur principal le soin de vous parler; je cède donc la parole à Jason Henry.

Jason Henry, formateur principal, Société des services techniques des Premières nations de l'Ontario :

[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre accueil chaleureux. Merci d'avoir invité la Société de services techniques des Premières nations de l'Ontario, ou SSTPNO, à participer à la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones portant sur le projet de loi S-11 et de nous donner l'occasion de parler des aspects techniques et de vous indiquer quels sont les problèmes auxquels les Premières nations sont confrontées dans le domaine de l'approvisionnement en eau potable salubre. Permettez-moi de confirmer que notre exposé ne traitera que des aspects techniques et ne remplacera pas le point de vue de l'Assemblée des Premières Nations, de Chiefs of Ontario ou des dirigeants des Premières nations de l'Ontario sur la consultation, les questions financières ou les droits territoriaux ou issus de traités des Autochtones.

Notre organisme offre, en collaboration avec les collectivités des Premières nations de l'Ontario et les services techniques des conseils de bande des Premières nations affiliées, des services-conseils de qualité sur les infrastructures et de la formation pour les opérateurs afin de répondre aux besoins en constante évolution des Premières nations. Nous réalisons cela grâce à notre programme d'assurance de la qualité dans le domaine de l'eau et des eaux usées, la formation des opérateurs, les services environnementaux, l'élaboration et la planification de projets, la sécurité-incendie et les programmes de logement et d'infrastructure.

Dans mon exposé, je vous parlerai des problèmes actuels et les situerai dans leur contexte, je ferai un résumé de la situation actuelle et je ferai des recommandations sur les solutions qui permettront aux Premières nations de maintenir l'approvisionnement en eau potable salubre.

Le projet de loi S-11 établit le rôle et les responsabilités des Premières nations et du gouvernement. Pour soutenir une Première nation, certains éléments essentiels sont nécessaires, comme le transfert de risques, le financement et le besoin de développement de la capacité. Comme les Premières nations de l'Ontario s'efforcent actuellement d'appliquer la loi provinciale sur la salubrité de l'eau potable et ses règlements, les opérateurs des usines de traitement de l'eau des Premières nations et leur personnel de soutien sont très conscients des risques associés à l'exploitation d'installations sous-financées et non conformes.

Le système de gestion de la qualité de l'eau potable de l'Ontario, ou SGQEP, procure un cadre opérationnel et financier détaillé pour les systèmes d'eau potable de la province, qu'ils soient de petite ou de grande taille. Ces cadres peuvent être appliqués aux installations des Premières nations. Cependant, les ressources pour les mettre en oeuvre ne sont pas encore disponibles.

Avec la présentation du projet de loi S-11 vient la perception que les Premières nations ne peuvent pas gérer leurs installations, et plutôt que de fournir aux Premières nations les ressources et le financement nécessaires pour les exploiter, il y a un point de vue selon lequel il serait peut-être préférable d'avoir recours à des mesures d'application de la loi et à des sanctions. Pourtant, si nous investissions le temps nécessaire pour normaliser la conception et la construction et pour faire la promotion de la formation en milieu de travail, nous pourrions créer un environnement de travail différent. L'élaboration continue des mesures législatives semble indiquer qu'un système qui s'appuie sur des mesures d'application de la loi et des sanctions puisse être la solution. En raison des investissements importants du gouvernement et de ces collectivités, le risque et les obligations doivent continuer à être assumés par le gouvernement et les Premières nations.

Les dispositions du projet de loi S-11 et les règlements qui en découleront détermineront ces écarts et les rôles et les responsabilités essentiels permettant de fournir de l'eau potable salubre. Les Premières nations veulent faire partie de la solution et aider à fournir de l'eau potable salubre à leurs collectivités. Cependant, on ne réussira pas à mettre en oeuvre ces solutions dans le cadre des programmes actuels des Premières nations. De nouvelles ressources et du nouveau financement sont essentiels au partage des responsabilités si l'on veut approvisionner les Premières nations en eau potable salubre. La tendance actuelle qui consiste à étendre les protocoles du MAINC aux systèmes centralisés et décentralisés indique que les Premières nations continuent de prendre comme modèles les normes de conception et les pratiques exemplaires conformes à la réglementation de l'Ontario. Malgré qu'elles aient empêché la réduction du financement, les Premières nations espèrent que les compressions budgétaires des dépenses en immobilisations ne continueront pas à être un facteur déterminant pour les projets à venir.

En Ontario, la situation géographique et les différences démographiques et culturelles des Premières nations ajoutent aux difficultés qui doivent être surmontées si l'on veut créer un cadre réglementaire inspiré par les Premières nations.

Quand on examine le Plan national d'investissements en infrastructure des Premières nations 2010-2011 du MAINC, on constate qu'on projette une réduction des dépenses en immobilisations des Premières nations pour les cinq prochaines années. Ces dépenses passeront de 274 millions de dollars — un sommet — pour l'année financière en cours à 145 millions en 2014-2015. Ce qui est particulièrement préoccupant, c'est qu'on a prévu mettre un terme au Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations, ou Plan d'action pour l'eau, en mars 2012.

Le Plan d'action pour l'eau fournit actuellement du financement supplémentaire pour les programmes d'eau des Premières nations, comme du financement supplémentaire pour l'exploitation et l'entretien, le Programme de formation itinérante, le Programme des opérations de salubrité de l'eau, la subvention pour la formation des opérateurs et les services de soutien d'urgence 24 heures sur 24. Étant donné qu'on prévoit à la fois la mise en oeuvre d'une réglementation sur la salubrité de l'eau potable pour les Premières nations et la réduction du financement, mener à bien cette initiative devra se faire dans un contexte de rareté des ressources.

Maintenant que l'évaluation technique nationale est terminée, les Premières nations attendent la publication des conclusions et des recommandations du rapport. L'évaluation de l'infrastructure des Premières nations faite par l'expert-conseil ne révélera pas de nouveaux problèmes, mais confirmera l'ampleur des besoins. Les conclusions seront aussi un outil utile pour déterminer les domaines dans lesquels il faut offrir une formation continue. Elles permettront aussi d'établir des points de repère pour les dépenses en immobilisations à venir et de favoriser la croissance stratégique au sein des Premières nations.

Le programme de formation itinérante de la SSTPNO est un des principaux programmes de formation des Premières nations. Il met l'accent sur l'évaluation, la détermination des lacunes et les mesures à adopter pour répondre rapidement aux besoins des Premières nations. Grâce à la prestation de ce programme, on constate que les besoins des Premières nations dans le domaine des eaux et des eaux usées sont uniques et en constante évolution. Notre programme a été bien accueilli en raison de notre capacité de réagir et de nous adapter à ces besoins.

Par l'intermédiaire de notre programme de formation, nous dirigeons plusieurs initiatives de soutien opérationnel. L'objectif est de construire une structure qui aidera les Premières nations à gérer et à soutenir leurs propres systèmes. En plus du Programme de formation itinérante, la SSTPNO met la touche finale à une évaluation des besoins en infrastructure. L'information recueillie permettra aux Premières nations de prévoir et de planifier le développement de leurs collectivités.

En Ontario, les Premières nations continuent d'encourager leurs membres à devenir des professionnels ou à attirer des professionnels, mais le succès est limité en raison d'un historique de programmes et de projets pour lesquels on n'a pas fourni toutes les ressources nécessaires à leur mise en œuvre. Cette tendance négative s'étend aux programmes d'opération et de gestion des Premières nations ainsi qu'aux mesures à prendre afin de résoudre ces problèmes. Or, les Premières nations n'ont pas les ressources nécessaires pour le faire. Ce cycle continu de programmes en manque de ressources s'est étendu, de sorte que l'entretien et les pratiques opérationnelles des bâtiments et des infrastructures des Premières nations font défaut.

En outre, on s'attend à ce que les dirigeants des Premières nations règlent au jour le jour les problèmes liés à la gouvernance aux échelons supérieurs et aux questions communautaires, ce qui crée un climat où les situations de crise quotidienne deviennent la priorité. Au sein des collectivités, la maintenance et l'entretien de ces installations sont alors relégués au second plan pour faire place aux priorités en matière de santé et de programmes sociaux. Puisque l'administration et la gestion sont peu structurées au sein des collectivités, les dirigeants des Premières nations doivent assumer certains de ces rôles pour que les services essentiels puissent être fournis.

En règle générale, on n'a fourni aux Premières nations qu'une aide à court terme par le biais de programmes de financement supplémentaires. Cela ne procure qu'un soutien temporaire et ne favorise pas l'autonomie des collectivités. Malgré les bonnes intentions, cela n'empêche pas les éventuels cas d'épuisement professionnel. Les investissements constants dans la formation de conseillers techniques hautement qualifiés sont essentiels si on veut mettre fin à ce cycle.

La pérennité de la qualité de l'eau pour les Premières nations dépend de l'investissement dans des infrastructures appropriées et de l'adoption des normes et des pratiques exemplaires de l'industrie pour la mise à niveau des installations existantes et la construction de nouvelles installations. Nous pouvons inverser la tendance actuelle, mais des fonds supplémentaires sont nécessaires pour que les Premières nations puissent satisfaire à ces exigences.

Pour assurer la viabilité à long terme, il faut continuer de financer les organismes des Premières nations en place et leurs services professionnels de conseillers techniques en mettant en place des plans décennaux. Le gouvernement devrait conclure un partenariat avec les Premières nations, possiblement sous la forme d'un groupe de travail technique, pour l'aider dans la prochaine étape de ce projet de loi. Malgré les obstacles de taille, les exploitants des installations et les conseillers techniques des Premières nations font habituellement un excellent travail pour approvisionner leurs collectivités en eau potable. Pour régler véritablement les problèmes, il faut un financement permanent plus élevé, de la formation et des évaluations continues, un meilleur entretien des installations ainsi que des consultations approfondies et un régime réglementaire conçu par et pour les Premières nations qui soit propice au succès.

Le sénateur Dallaire : Chef Mitchell, l'ambiance d'aujourd'hui est plus amicale que lorsque nous nous sommes rencontrés en 1990. Je suis heureux que nous puissions nous voir dans ces circonstances.

À plusieurs reprises, différents chefs et dirigeants ont mentionné que le Canada a ratifié la convention sur les peuples autochtones. La responsabilité envers les peuples autochtones s'étend aussi à l'échelle internationale. Le gouvernement a mis quatre ans avant d'emboîter le pas aux nombreux pays qui avaient signé la déclaration, alors que nous avions joué un rôle de premier plan dans sa création. Toutefois, nous ne l'avons toujours pas intégrée à nos lois. Le Canada a signé la déclaration, mais ne l'a pas mise en vigueur dans ses lois. La déclaration a été mise de côté, tout comme le protocole facultatif relatif aux droits de l'enfant, que le Canada a signé en 2000 sans jamais l'intégrer à ses lois. Bien que le protocole puisse être un rappel utile à une prise de position morale, il n'est doté d'aucune capacité juridique. J'espère que quelqu'un s'en chargera pour qu'il se traduise dans la loi.

Sur le sujet à l'ordre du jour, les Nations Unies ont adopté une résolution sur le droit à l'eau, que le gouvernement n'a pas signée. Pardonnez ma franchise, mais à la lecture du projet de loi S-11, je me demande si la volonté de satisfaire aux exigences en matière d'eau potable ne cache pas d'autres intentions. Veut-on sincèrement régler pour de bon le problème de l'alimentation en eau salubre et propre?

M. Whitefish : Il est vrai que le Canada tarde à réagir à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; c'est très malheureux.

Pour répondre à votre autre question sur le projet de loi S-11, ce qui nous préoccupe le plus en Saskatchewan, c'est l'absence de consultation. Nous en avons assez des bureaucrates du gouvernement fédéral qui imposent aux Premières nations les projets de loi et les libellés qu'ils croient bons pour eux. Nous voulons rédiger nous-mêmes nos propres lois sur ce qui est bon pour les Premières nations, dans la perspective qui nous est propre, dans nos territoires. Nous connaissons les problèmes d'eau potable avec lesquels sont aux prises les collectivités de Premières nations. Naturellement, comment pouvons-nous entretenir l'infrastructure et réglementer le système si nous n'avons même pas commencé à penser aux normes? Il est très difficile de réglementer sans normes. De plus, ces dernières doivent être d'un niveau satisfaisant, bien entendu. Il faut investir dans l'infrastructure avant de pouvoir s'attaquer à la réglementation.

En Saskatchewan, nous croyons qu'il faut rejeter ce projet de loi, puis laisser les collectivités des Premières nations rédiger elles-mêmes le projet de loi qui réglerait le problème dans son ensemble.

Le sénateur Dallaire : Monsieur Henry, vous nous avez présenté un exposé concis, clair, logique et convaincant sur les aspects techniques. J'attire votre attention sur l'alinéa 4(1)q), qui porte sur la propriété des installations. Voici ce qu'il dit :

4(1) Les règlements peuvent notamment :

q) prévoir qu'une première nation est, pour l'application de la présente loi, réputée être propriétaire de tout système d'alimentation en eau potable ou de tout système de traitement des eaux usées situé sur des terres de la première nation [...]

Pour vous, que signifie « être propriétaire »? Est-ce que cela signifie que la Première nation prendra possession d'un ancien système désaffecté du gouvernement fédéral? Cela signifie-t-il qu'elle devra concevoir et construire son propre système? Devra-t-elle simplement le soutenir? Que signifie « être propriétaire » en vertu du projet de loi?

M. Henry : À mon avis, sur le strict plan opérationnel, les systèmes appartiennent au maire et au conseil municipal, en Ontario. L'autorité responsable de l'exploitation serait probablement un organisme comme l'Agence ontarienne des eaux, ou bien la commission des services publics de la municipalité ou à une société d'experts-conseils des Premières nations. Puisque je ne sais pas vraiment ce qu'il en est de la propriété des installations, je m'en remets à M. Howsam ou à l'un des chefs. C'est ainsi que les choses fonctionnent en Ontario.

M. Howsam : Actuellement, puisque le projet de loi n'est pas adopté, la propriété est une question nébuleuse. Le chef et le conseil de bande sont bien sûr responsables de ce qui se passe dans leur collectivité, mais le gouvernement fédéral accorde des fonds pour les installations par l'intermédiaire d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Le budget pour l'exploitation et l'entretien provient du ministère et des frais imposés aux usagers.

Je ne prétends pas parler au nom des chefs, mais ce qui est inquiétant, c'est que le projet de loi tente de consolider la responsabilité du chef et du conseil de bande plutôt que de partager propriété et responsabilité.

Le sénateur Dallaire : Légalement, le projet de loi pourrait-il stipuler que les Premières nations sont propriétaires, mais que le gouvernement accorde les fonds nécessaires à l'entretien et à l'exploitation des installations? Serait-ce correct d'un point de vue éthique?

M. Howsam : Je ne peux pas parler de l'aspect légal, mais je peux vous dire qu'une telle disposition poserait problème sur le plan éthique. Je m'en remets encore une fois aux chefs pour cette question.

M. Henry : Imaginez qu'il s'agit d'une voiture de location. L'agence de location est propriétaire de la voiture, et le client peut seulement l'utiliser. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral finance partiellement les installations, et les Premières nations ont la charge de les exploiter. La propriété est une zone floue.

Le sénateur Dallaire : Quelqu'un d'autre aimerait-il intervenir?

M. Mitchell : À Akwesasne, nous avons deux stations d'épuration des eaux. Au cours des 15 ou 20 dernières années, nous avons joué un rôle direct dans les activités d'exploitation, la prestation de services, l'élaboration de règlements et la participation de la population.

Il y a quelque temps, nous avons dit que nous formerions des gens pour gérer et exploiter les installations; je vous ai énuméré leurs qualifications. Pour ce qui est de l'obtention des fonds dont nous avons besoin à cette fin, nous vivons la même situation depuis longtemps.

Akwesasne est en cours de négociation pour obtenir l'autonomie gouvernementale. Nous attendons avec impatience le jour où nous serons les seuls responsables de la gestion de nos affaires.

On qualifie notre collectivité de progressiste. Nous ignorons ce que cela est censé vouloir dire. La propriété est tout ce qui nous intéresse. Nous l'accepterons volontiers. Nous allons relever le défi et former nos gens pour qu'ils s'occupent de la prestation des services, et pour qu'ils participent à la gestion de quelque chose qui nous appartient.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous comptons déjà des réussites à notre actif.

Le sénateur Dallaire : D'où provient le financement?

M. Mitchell : Il provient du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le président : Grand chef, vous avez mentionné un projet pilote auquel vous travaillez actuellement en collaboration avec AINC. Ai-je bien compris?

M. Mitchell : Oui.

Jay Benedict, directeur, Département des services techniques, Conseil des Mohawks d'Akwesasne : Je peux en parler.

M. Benedict : Le programme de gestion de l'eau et des eaux usées relève de notre service.

À l'heure actuelle, nous essayons de déterminer avec le ministère nos rôles respectifs pour la suite des choses et le soutien qu'il peut nous apporter. Pour commencer, nous voulons former un groupe de réflexion qui examinera les régimes en vigueur dans les régions avoisinantes, comme l'État de New York, afin de connaître les normes, la réglementation et la vision derrière leurs lois en matière d'eau potable. Nous procéderons ensuite de la même façon pour le Québec et l'Ontario.

Nous croyons que les mesures législatives des régions avoisinantes comportent de bons éléments. Nous aimerions les évaluer. Il est un peu tôt pour se prononcer, mais nous pourrions peut-être sélectionner avec soin et adapter les normes et les règlements qui fonctionneraient à Akwesasne. Comme l'a dit le grand chef, notre collectivité est scindée par la frontière.

À l'heure actuelle, les membres de la collectivité ne comprennent pas pourquoi la norme qui s'applique au sud du territoire est différente de celle du nord. Il suffit de regarder les prises d'eau. La collectivité ne saisit pas pourquoi deux normes différentes sont en vigueur, et c'est légitime.

Nous voulons avoir le pouvoir de passer en revue le processus, et peut-être d'établir un ensemble de règlements officiels pour toute la collectivité.

Le sénateur Brazeau : Chef Whitefish, diriez-vous que depuis 2006, AINC a mené des consultations sur l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées?

M. Whitefish : Depuis 2006, AINC a fait avancer les choses sur le plan de la salubrité de l'eau. Ce que nous disons aujourd'hui, c'est que les Premières nations n'ont aucunement été consultées lors de la rédaction du projet de loi S-11.

Le sénateur Brazeau : Depuis 2006, AINC a-t-il fait appel à la FSIN pour toute question entourant le projet de loi S- 11?

M. Whitefish : Je ne fais pas partie de la FSIN depuis si longtemps, mais je sais que du travail est effectué avec AINC concernant les terres et les ressources. Nous nous en sommes inspirés pour définir la position de la Saskatchewan au sujet de la salubrité de l'eau potable pour les Premières nations. C'est un dossier différent de ce qui nous intéresse aujourd'hui.

Le sénateur Brazeau : Depuis 2006, la FSIN a-t-elle reçu du financement d'AINC pour discuter des systèmes d'alimentation en eau potable et de traitement des eaux usées?

M. Whitefish : Nous n'avons reçu aucun financement sur la question de l'eau.

Le sénateur Brazeau : Ma prochaine question s'adresse à M. Henry. Je vous remercie de votre exposé. Je suis d'accord avec mon collègue le sénateur Dallaire pour dire qu'elle était très succincte, précise et concise.

Étant donné son savoir-faire et l'importance de son rôle, votre société pourrait-elle aider le gouvernement et les Premières nations à créer une réglementation, à la mettre en vigueur et à en assurer la surveillance, si le projet de loi était adopté?

M. Howsam : L'organisme politique régional Chiefs of Ontario nous a demandé d'élaborer la réglementation qui accompagnerait les mesures législatives entourant l'approvisionnement en eau potable des Premières nations. Je pense bien sûr que nous pourrions jouer un rôle à cet égard, puisque c'est la volonté des dirigeants politiques.

D'après ce que je comprends, le projet de loi porte davantage sur les installations fixes que sur l'exploitation, l'entretien et la formation, ce que M. Hrudey disait aussi plus tôt. Oui, je crois certainement que nous aurons un rôle à jouer.

M. Henry : À mon avis, notre organisation aura un grand rôle à jouer advenant l'adoption du projet de loi. Nous sommes actuellement en train de mettre au point des mesures pour aider les Premières nations à satisfaire aux exigences du projet de loi.

Akwesasne est la collectivité de Premières nations la plus importante et moderne du Canada sur le plan des systèmes d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées. Or, elle rencontre toujours des difficultés. Les obstacles font partie de son lot quotidien.

Pour ce qui est de la formation et de l'aide à l'exploitation, nous nous employons aussi à établir le profil des exploitants des installations. Pour ce faire, nous évaluons leur niveau de compréhension et de connaissance des systèmes d'approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées. Cette évaluation nous permet aussi de concevoir des plans de formation en temps réel, d'évaluer les installations et d'élaborer un plan d'assainissement pour s'assurer que les stations correspondent aux normes.

Je crois donc que nous jouerons un rôle important.

Le sénateur Brazeau : Je comprends les défis que doit relever la collectivité d'Akwesasne, étant donné les frontières qui la traversent. Toutefois, le groupe d'experts avait trois options : une réglementation fédérale, des règlements provinciaux, ou bien une solution hybride provenant de différentes instances. S'il est adopté, le projet de loi permettra à toute collectivité d'élaborer des règlements avec le gouvernement fédéral, tout en examinant les règlements régissant ce domaine dans la province concernée. Ainsi, votre collectivité pourrait le faire, ainsi que toutes les autres.

Le sénateur Dyck : Des organismes autochtones d'un océan à l'autre nous ont dit à maintes reprises ne pas être heureux ou satisfaits du projet de loi. Apparemment, le gouvernement serait prêt à y apporter des modifications.

À votre connaissance, est-ce que quelqu'un a été consulté au sujet des amendements? Et si on modifiait le projet de loi, les gouvernements des Premières nations et leurs chefs ne devraient-ils pas y participer?

M.Whitefish : Nous pensons, en Saskatchewan, que le projet de loi devrait être mis de côté et qu'on devrait repartir à zéro. Nous devrions commencer à examiner l'infrastructure des Premières nations et travailler avec ce qui est déjà en place; il faut amener les normes à un niveau acceptable et ensuite commencer à travailler sur la réglementation du système.

Il est aussi important de travailler par région, car la situation est différente dans chacune. Par exemple, une zone de la Saskatchewan fait partie du Grand Nord. On trouve, dans chaque province, des problèmes relatifs à l'isolement et les préoccupations qui s'ensuivent.

Il y a aussi l'infrastructure, qu'on doit entretenir et pour laquelle on doit prévoir une solution de rechange, si nécessaire. Par exemple, une usine de traitement des eaux a brûlé en Saskatchewan, ce qui a entraîné des conséquences, certaines liées à la santé. En effet, l'approvisionnement en eau est devenu un problème grave, étant donné qu'on n'avait prévu aucune solution de rechange.

Si on veut établir un régime de réglementation adéquat, il faut commencer au tout début. Il est très important de suivre les étapes, région par région, afin d'inclure chaque collectivité dans la rédaction d'un nouveau projet de loi éclairé.

Le sénateur Dyck : Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait commenter à ce sujet?

M. Mitchell : La situation géographique unique et compliquée d'Akwesasne fait en sorte qu'il nous est parfois difficile d'envisager les choses dans un contexte national ou régional. Nous faisons tout en notre pouvoir pour protéger nos intérêts, notre participation, notre responsabilité et notre compétence.

Lorsque nous essayons de parler de nos réussites avec les autres Premières nations, nous expliquons que nous les devons en partie à notre relation avec le Canada. En effet, en l'an 2000, nous avons conclu avec le gouvernement fédéral un protocole politique portant sur la compétence, qui a été signé par Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Voici trois extraits de cette entente : « Attendu que le Conseil des Mohawks d'Akwesasne est le gouvernement communautaire des Mohawks d'Akwesasne mandaté pour repérer et dégager des domaines où Akwesasne peut exercer, par voie de négociation, une plus grande compétence et assumer un plus grand contrôle et un surcroît de responsabilités pour l'exécution de programmes et la prestation de services à la population d'Akwesasne; attendu que les parties reconnaissent que les Mohawks d'Akwesasne ont éprouvé de constantes difficultés directement attribuées à la présence de la frontière interprovinciale Ontario-Québec et de la frontière internationale Canada-États-Unis au sein du territoire mohawk d'Akwesasne; attendu que les parties présentes conviennent de travailler de concert dans le cadre du présent protocole politique afin d'appuyer le développement économique et social de la collectivité d'Akwesasne et de négocier des modalités facilitant l'exercice du gouvernement par le Conseil des Mohawks d'Akwesasne tel qu'il en a été convenu par les parties [...] ». Nous avons profité, grâce à cette entente, d'une certaine marge de manœuvre qui nous a permis de participer plus activement, car nous ne voulons pas être une partie silencieuse jusqu'à sa conclusion. Dès le début, nous faisons valoir notre expertise, nos compétences et notre désir de concevoir le programme à partir du commencement. Nous insistons pour participer dès le début du processus, et non à la fin.

En ce qui a trait à l'entente, on dit qu'il y a eu des consultations. Affaires indiennes serait le premier à admettre que nous devrions avoir entière compétence dans ce domaine puisque nous collaborons avec le ministère et Santé Canada. Ils nous consultent sur la façon de procéder et nous demandent d'accueillir des représentants d'autres Premières nations à Akwesasne pour les former. Le monsieur assis juste ici collabore régulièrement avec l'Ontario First Nations Technical Services Corporation et nous envoyons bien d'autres gens aider les autres Premières nations à acquérir des compétences.

À mon avis, nos tentatives pour aider les autres Premières nations ou le Canada est la seule chose qui est de nature régionale ou nationale, mais nous voulons aussi qu'on comprenne notre situation. Notre objectif est d'établir un partenariat avec eux, ce qui peut que nous être bénéfique.

Le sénateur Dallaire : Comment vous en êtes-vous tirés avec le projet de loi S-11? Dans quelle mesure avez-vous participé à son élaboration en utilisant le travail fantastique que vous avez accompli sur le plan politique?

M. Mitchell : Nous y avons très peu participé.

Le sénateur Dallaire : Cela n'a aucun sens, n'est-ce pas? Si vous entretenez de si bons rapports avec AINC, pourquoi s'engagerait-il dans une telle entreprise sans vous y faire participer pleinement?

M. Mitchell : Pour ce qui est de savoir comment nous nous y prendrions, nous avons fait part de notre expertise au ministère et nous avons participé au processus. Si on tient compte de ce que j'ai dit plus tôt, la même chose s'applique pour le projet de loi S-11. On ne nous a pas demandé de participer au début. Ils ont organisé des forums.

J'ai été grand chef pour la majeure partie des 26 dernières années; si je ne l'étais pas, c'était parce que j'étais chef. J'encourage les membres de notre conseil et de notre collectivité à participer à tout ce qui pourrait avoir des répercussions sur les Premières nations ou sur nos vies. Certains d'entre vous savent que nous assistons à vos séances chaque fois qu'elles nous concernent afin d'y donner notre avis. Nous n'avons cependant pas beaucoup participé au sujet qui nous occupe.

Le sénateur Sibbeston : Nous devons maintenant décider de la suite des évènements en ce qui a trait au projet de loi S-11, qui concerne la prise de règlements relatifs à l'eau potable et au traitement des eaux usées. Certains articles traitent du pouvoir du gouverneur en conseil de prendre des règlements sur recommandation du ministre des Affaires indiennes ou du ministre de la Santé. D'autres traitent de recommandations du Cabinet au sujet de l'eau et de l'élimination des eaux usées dans les collectivités des Premières nations. D'autres enfin traitent des limites de responsabilité, de moyens de défense et d'immunités.

Vous et votre collectivité vous occupez quotidiennement des questions relatives à l'eau et aux eaux usées. Ce projet de loi aura-t-il des conséquences néfastes pour vous, ou vous contenterez-vous de continuer votre travail, qui est d'essayer de faire de votre mieux pour pouvoir offrir aux gens de vos collectivités de l'eau potable salubre et sécuritaire?

Lorsque vous lisez ce projet de loi, êtes-vous préoccupés par l'étendue du pouvoir accordé au gouvernement fédéral au sujet de l'eau des Premières nations? Si le projet de loi est adopté, croyez-vous qu'il aura des conséquences négatives sur votre travail?

M. Henry : Nous allons continuer notre travail sur l'eau des Premières nations et sur le traitement des eaux usées. Je crois cependant que si le projet de loi est adopté et que des règlements sont pris, cela aura d'abord un effet négatif, en raison du manque de ressources pour les installations et leurs opérateurs sous-payés et non formés.

Je vais vous raconter une histoire. Il y a deux ans, je parlais de formation avec un opérateur. Il vivait dans une collectivité voisine et je lui ai offert de le former gratuitement. En effet, comme il était chargé d'une usine de traitement des eaux et que sa collectivité faisait l'objet d'une obligation de faire bouillir l'eau, je lui ai offert de le former gratuitement. Il m'a répondu : « Écoute, Jason : si j'avais une formation, je serais au courant de certaines choses et je devrais assumer des responsabilités, ce que je ne veux pas faire. On ne me paie vraiment pas assez pour que je sois responsable de cette eau, alors s'il te plaît, ne m'offre plus de formation. »

Il me semble que si la loi était adoptée et que nos opérateurs n'étaient pas outillés pour s'y conformer, notre travail deviendrait très difficile, car ils auraient peur de la responsabilité. Ils pourraient alors démissionner pour devenir conducteurs d'autobus, ce qui arrive souvent de nos jours dans les collectivités des Premières nations.

M. Howsam : Le projet de loi se penche aussi sur les sanctions et les cas où les règles, peu importe ce qu'elles seront, ne sont pas respectées. On peut présumer que le projet de loi permet au gouvernement d'embaucher des entreprises qui n'appartiennent pas aux Premières nations pour gérer les réseaux d'alimentation en eau, ce qui ne ferait qu'empirer les problèmes liés au manque de formation, au manque de participation des jeunes, et cetera. Les choses semblent donc empirer au lieu de s'améliorer.

M. Mitchell : Notre participation remonte à la Commission mixte internationale des Grands Lacs, qui s'occupe de l'eau des Grands Lacs jusqu'au fleuve St-Laurent, qui traverse notre territoire. Nous faisons partie de cette commission en compagnie d'autres spécialistes de la gestion des ressources en eau et nos idées, nos préoccupations et notre avis sont pris en compte par les autorités américaines. Nous nous sommes beaucoup plaints, car la plus grande partie de la pollution qui nous affectait venait des industries américaines. Nous nous sommes battus à ce sujet pendant les années 1960 et 1970, jusqu'aux années 1980. Notre avis est maintenant pris en considération.

Les Autochtones des États-Unis sont beaucoup plus actifs que nous pour ce qui est d'avoir compétence. Ils ont un plus grand pouvoir de gestion et ils sont consultés beaucoup plus souvent. On les considère comme des partenaires égaux dès le début. On pense encore, au Canada, qu'on doit établir les règles pour les Premières nations, comme un parent le ferait avec son enfant.

Lorsque nous serons des partenaires égaux, des projets de ce genre vont se mettre en branle beaucoup plus facilement. Certains d'entre nous se font entendre, mais nous nous rendons compte que le système étouffe nos voix. Nous voulons participer plus activement et être entendus plus souvent. Nous voulons aussi gérer nous-mêmes nos affaires.

M. Whitefish : Mon collègue a soulevé la question de l'environnement. Nous avons le même problème en Saskatchewan. L'article 3 porte sur l'environnement et la contamination de l'eau. Il est très difficile, pour les Premières nations, de protéger l'eau des contaminants extérieurs. Nous avons les sables bitumineux de l'Alberta à l'ouest de notre province et, bien sûr, les vents soufflent de l'ouest. De plus, un grand nombre d'études scientifiques démontrent que les pluies acides ont des effets négatifs sur le Nord de la Saskatchewan et sur le lac Athabasca. Les règlements pris en vertu du projet de loi S-11 compliqueraient beaucoup la tâche du chef et de son conseil de s'occuper de la question de contamination ou de salubrité de l'eau.

Le président : Je vous remercie tous de vos excellents exposés ce matin. Nous avons hâte de travailler avec vous à l'avenir. Continuez votre bon travail en vue d'améliorer l'accessibilité à une eau potable salubre non seulement pour les Premières nations, mais aussi pour toute la population du pays.

Le sénateur Sibbeston : Ne perdez pas espoir.

Le président : Oui. La lumière est au bout du tunnel.

(La séance est levée.)


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