Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 20 - Témoignages du 8 mars 2011
OTTAWA, le mardi 8 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau sur les terres des Premières Nations, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public qui suivent la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur la Toile.
Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur et le privilège de présider le comité. Le comité a pour mandat d'examiner les projets de loi ainsi que toute autre affaire au sujet des peuples autochtones du Canada en général.
Divers rapports font état de difficultés importantes liées à la distribution d'une eau potable salubre dans les Premières nations, notamment le vieillissement des systèmes d'alimentation en eau, la formation et l'accréditation des exploitants, le manque de ressources indépendantes pour financer convenablement l'exploitation et l'entretien des réseaux et le manque de précisions au sujet des rôles et des responsabilités.
Ce matin, nous poursuivons notre étude d'une loi destinée à corriger ces problèmes : le projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.
Nous accueillons le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et des fonctionnaires de trois ministères.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité présents ce matin.
[Traduction]
J'ai, à ma gauche, le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Lillian Dyck, vice- présidente du comité, de la Saskatchewan, le sénateur Roméo Dallaire, du Québec, puis le sénateur Joyce Fairbairn, du Sud de l'Alberta. À ma droite, j'ai le sénateur Salma Ataullahjan, de l'Ontario, le sénateur Stewart Olsen et le sénateur Rose-May Poirier, toutes deux du Nouveau-Brunswick, puis le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie- Britannique, et enfin le sénateur Jacques Demers, du Québec.
Mesdames et messieurs membres du comité, je vous invite à accueillir notre premier témoin, l'honorable John Duncan, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il est accompagné de deux fonctionnaires de son ministère, tous deux du Secteur des opérations régionales : Gail Mitchell, directrice générale, Direction générale des infrastructures communautaires, et Karl Carisse, directeur principal, Innovation et transformations stratégiques majeures.
Nous aurons à la même table, Me Paul Salembier, avocat général au ministère de la Justice, ainsi que Michel Roy, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et Ivy Chan, directrice, Division de santé environnementale et publique, Santé Canada.
Monsieur le ministre, nous allons commencer par vos remarques liminaires, après quoi les sénateurs vous poseront des questions, à vous-même et à vos fonctionnaires.
L'honorable John Duncan, C.P., député, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits et ministre de l'Agence canadienne de développement économique du Nord : Merci pour ces présentations, monsieur le président. Je remercie le comité de m'avoir invité à lui parler du projet de loi S-11, Loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières nations.
[Français]
Monsieur le président, j'aimerais vous remercier, ainsi que les membres du comité, de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui du projet de loi S-11, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.
[Traduction]
Il est absolument inadmissible, en 2011, que les communautés des Premières nations ne soient pas protégées par des normes exécutoires en matière d'eau potable tel que le sont les autres communautés canadiennes. Le chef national Shawn Atleo a déclaré ici devant vous, il y a quelques semaines, que lorsque des enfants et leurs familles ne peuvent pas avoir confiance dans l'eau qu'ils boivent, la sûreté et la sécurité sont inexistantes.
Je suis entièrement d'accord avec cette affirmation. Il faut faire quelque chose à ce sujet. Les membres des Premières nations ont le droit de jouir des mêmes protections que le reste des citoyens canadiens et ils le méritent. Ce comité a l'occasion et le pouvoir de nous permettre d'atteindre cet objectif.
Je veux commencer par répondre à certaines des fausses idées graves qui ont été soulevées au sujet du projet de loi S- 11, de manière à nous permettre de progresser vers une solution commune. Beaucoup de gens ont fait valoir que l'infrastructure des réserves souffre de lacunes graves et que la capacité fait défaut aux Premières nations pour satisfaire aux normes. Il souligne la nécessité de combler pleinement ces lacunes avant d'appliquer de nouvelles normes ou de commencer à préparer un règlement.
Je donne mon assentiment à la déclaration de l'Institut sur la gouvernance concernant l'opportunité d'attendre que tous les systèmes soient entièrement opérationnels. L'institut a déclaré que ces systèmes n'en arriveront jamais à être tous opérationnels, que cela n'arrivera jamais.
Nous ne pouvons pas continuer à demander aux contribuables canadiens de consacrer sans cesse des ressources à un système qui n'est pas encadré par des normes claires et exécutoires. Il pourrait falloir des années pour élaborer des règlements. Le gouvernement n'a pas l'intention d'attendre de nouvelles études et analyses pour confirmer ce que nous savons déjà : un règlement est nécessaire pour protéger la santé et la sécurité des citoyens des Premières nations.
Cela nous amène aussi à un problème plus large, à savoir comment ce règlement sera élaboré et appliqué. Beaucoup de Premières nations se sont dites inquiètes de ce processus; elles veulent avoir un rôle à jouer dans l'élaboration et l'application du règlement. Je m'engage envers vous aujourd'hui à collaborer avec les Premières nations pour faire en sorte que le régime réglementaire proposé soit déployé par étapes sur plusieurs années. On garantit ainsi que le régime de conformité réglementaire entrera en vigueur une fois que les Premières nations auront la capacité de s'y conformer. Si ce projet de loi est adopté, nous prenons l'engagement de collaborer avec des organisations des Premières nations en vue de planifier l'étape de développement réglementaire.
Les organisations des Premières nations et le gouvernement se donneront la main pour créer des plans de mise en œuvre qui mettront en lumière les lacunes dans les capacités, établiront les priorités dans le règlement de ces lacunes et s'engageront envers un calendrier de réalisations de ces objectifs. La préparation d'un règlement et de plans d'investissement pluriannuels appuiera la mise en place efficace du règlement. C'est une méthode flexible, respectueuse, responsable et pertinente. Je n'ai nulle intention d'assujettir les communautés des Premières nations à des lois auxquelles elles ne peuvent obéir et je ne permettrai pas une telle chose. C'est pourquoi j'appuierai une modification du projet de loi qui rendra explicite cet engagement envers la collaboration.
Nous avons aussi entendu un autre argument analogue, c'est-à-dire que les Premières nations devraient avoir le choix d'adhérer ou non à ce règlement. Une telle approche convient sans doute aux lois qui concernent la croissance économique des communautés, mais elle est inacceptable en matière de santé et de sécurité. La protection des communautés des Premières nations n'est pas une question de choix.
Ce projet de loi autorise les Premières nations autonomes à adhérer, mais uniquement parce que les ententes sur l'autonomie gouvernementale prévoient qu'une Première nation doit rédiger ses propres lois, ou alors se conformer aux lois de la province ou du territoire. Le but est de veiller à ce que des protections soient établies pour tous les membres d'une Première nation. Offrir l'option d'adhérer ou non au projet de loi S-11 aurait pour conséquence que certaines communautés seraient sans protection, ce qui est irresponsable et inacceptable du point de vue de la santé et de la sécurité. Le gouvernement refuse d'approuver une telle façon de faire.
Un autre problème a été soulevé, celui de l'incorporation par renvoi dans le projet de loi. Beaucoup de Premières nations craignent qu'on ouvre ainsi la voie à une compétence provinciale sur les terres des Premières nations. Je dis clairement que ce n'est pas le cas. Beaucoup croient qu'inclure cette option aura pour conséquence d'incorporer automatiquement les lois provinciales actuelles dans les règlements sur les eaux des Premières nations. Tel n'est pas le cas et ce n'est pas non plus l'intention de ce projet de loi. Les règlements seront fédéraux.
Nous reconnaissons qu'à cause de leur taille et de leur éloignement, certaines Premières nations ont des besoins tout à fait uniques qui ne pourront être comblés par le biais de la plupart des régimes provinciaux actuels. Il a toujours été prévu de permettre l'adoption de règlements provinciaux qui soient adaptés aux circonstances.
Les Premières nations ont aussi évoqué le problème de la responsabilité. Le grand chef Chamberlin de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, a déclaré ceci au comité : « Il est tout à fait inacceptable que le Canada cherche à se dégager de ses responsabilités sur les Premières nations. »
Ce serait inadmissible si c'était vrai, mais, en réalité, le projet de loi S-11 précisera les charges et responsabilités de tous les intervenants dans l'alimentation en eau et l'évaluation des eaux usées dans les communautés des Premières nations, y compris le gouvernement du Canada et les chefs et conseillers des Premières nations. Ce projet de loi conférera de la clarté et de la certitude, de manière que les membres des Premières nations connaissent l'identité des responsables de la gestion des eaux dans leurs communautés. Le Parlement connaîtra ainsi les rôles et responsabilités des ministres fédéraux et pourra donc les obliger à rendre compte.
L'une des choses que nous avons entendues, surtout de l'Alberta, est que le projet de loi permet d'assujettir les Premières nations aux critères provinciaux de répartition de l'eau et d'attribution de permis sur les eaux. Cela est faux et telle n'a jamais été notre intention. Pour dissiper ce malentendu et bien préciser notre intention, nous appuierons des modifications qui stipuleront que ce projet de loi n'autorise pas la prise de règlements sur la répartition de l'eau.
Un autre problème a été mentionné avec force et conviction, à savoir la crainte que le projet de loi empiète sur les droits ancestraux et découlant des traités. Je veux m'exprimer clairement sur cette question. Le projet de loi ne contient pas de disposition de non-dérogation, mais il autorise l'insertion de dispositions de non-dérogation dans le règlement, sans compter la protection accordée aux droits ancestraux et découlant des traités par la Loi constitutionnelle de 1982. Selon moi, cette question se prête parfaitement à une loi habilitante et nous ne devons pas tomber dans le piège de croire l'inverse. Le règlement autorise la rédaction de dispositions de non-dérogation adaptées aux besoins et préoccupations de chaque région relativement aux droits ancestraux et découlant des traités.
L'insertion d'une disposition de non-dérogation dans le projet de loi même aurait un effet nocif, puisque si une seule communauté au Canada craignait un empiétement possible, la création d'un règlement pour tout le monde serait bloquée. Contrairement à tout ce qu'on vous dit, plusieurs organisations des Premières nations comprennent parfaitement l'importance de la santé et de la sécurité pour leurs gens, et souhaitent aller de l'avant et rédiger un règlement avec nous. On ne peut permettre que d'autres leur bloquent le chemin.
Quant à l'abrogation ou à la dérogation des droits ancestraux et découlant des traités en vertu de ce projet de loi global, citons les paroles éloquentes du sénateur Campbell, au début de cette série de réunions du comité :
[...] des données scientifiques concluantes, c'est faible [...]
[...] Nous savons ce qui fait de l'eau de bonne qualité et nous sommes au fait des circonstances environnementales qui produisent des sources d'eau de bonne qualité [...]
J'ai vraiment de la difficulté lorsque que quelqu'un dit qu'il n'écoutera pas la voix de la science parce qu'il a des droits.
Je suis d'accord; nous parlons ici de santé et de sécurité. Un empiétement sur ces droits ancestraux ou découlant des traités est possible dans quelques cas où il existe un problème grave de santé et de sécurité. Cependant, je ne crois pas un seul instant qu'il existe un chef qui ne serait pas d'accord que la sécurité de la communauté prime sur tout et qu'un empiétement en l'occurrence serait justifié.
Nous sommes conscients toutefois que toute atteinte potentielle aux droits ancestraux et découlant des traités inquiète gravement les Premières nations. Dans cette optique, j'appuierai une modification de cette disposition pour veiller à imposer les limites qui conviennent sur la liberté d'action du gouvernement à cet égard.
À ce comité, vous avez régulièrement entendu dire qu'il n'y a eu que peu ou pas de consultations à propos de ce projet de loi. Je ne suis absolument pas d'accord. Depuis 2006, nous avons eu des entretiens avec les communautés et leurs dirigeants sur tout ce dossier. Mon ministère a débloqué des fonds pour permettre que des représentants de dirigeants et de techniciens de toutes les communautés des Premières nations au Canada puissent participer aux ateliers d'échange qui se sont déroulés partout au pays. Nous avons débloqué des fonds pour que chaque région au Canada, par la voie de son organisation régionale, puisse réaliser une étude des impacts éventuels de la loi sur l'eau et obtienne gratuitement pour sa communauté des services de consultants afin de les aider à ce sujet.
De plus, les représentants ont parcouru le pays à plusieurs reprises pour discuter de ce projet de loi avec les dirigeants. Qu'ils veuillent ou non l'admettre devant le comité, des représentants étaient sur place et leur ont parlé tout d'abord des lois sur l'eau en général, puis du projet de loi S-11. Mon personnel politique participe en toute bonne foi, depuis des mois, à des négociations.
Néanmoins, ce n'est qu'un début, j'en prends aussi l'engagement devant vous aujourd'hui parce que nous allons lancer d'autres consultations plus intensives, une région à la fois, tandis que nous collaborons avec nos partenaires parmi les Premières nations en vue de rédiger des règlements dans des domaines vraiment importants.
Dans le discours du Trône de 2010, notre gouvernement s'est engagé à faire une priorité nationale du dossier de l'eau potable et du traitement efficace des eaux usées dans les réserves. Le projet de loi est un élément fondamental de cet engagement.
Le projet de loi S-11 nous donne les outils dont nous avons besoin pour travailler avec les Premières nations à l'instauration d'un régime réglementaire qui nous permettra de protéger la santé et la sécurité des familles vivant dans des communautés des Premières nations. Malgré les défis qui se posent encore, nous avons accompli de réels progrès dans les dossiers de l'adduction d'eau et des eaux usées dans les Premières nations, en collaboration avec les communautés et les organisations des Premières nations.
Je demande au comité de faire ce qu'il faut et d'agir. Ce projet de loi vise à régler une question essentielle de santé et de sécurité. Il va enfin permettre aux membres des communautés des Premières nations de jouir de la même protection essentielle que celle accordée à tous les autres Canadiens. Ce projet de loi est la façon dont le gouvernement assume son rôle de leadership pour garantir l'accès des Premières nations à de l'eau potable salubre.
Actuellement, les normes sont appliquées par le biais de lignes directrices et de protocoles volontaires ne reposant sur aucune base légale. À défaut de normes exécutoires, les investissements du gouvernement dans les systèmes d'eau et d'eaux usées jusqu'à présent se heurteront à la détérioration des biens et à l'absence de reddition de comptes.
Le projet de S-11 est nécessaire pour que les communautés des Premières nations disposent de ressources permanentes et ciblées en vue de l'alimentation en eau potable salubre. En l'absence d'un règlement, il est quasiment impossible au gouvernement de préparer des programmes de financement globaux qui répondent aux besoins en infrastructures et en capacité. Le règlement servira de boussole qui guidera les décisions à venir sur les investissements à faire pour combler les lacunes dans l'infrastructure.
Il est impératif d'adopter ce projet de loi afin de nous permettre d'entamer une collaboration avec les Premières nations en vue de commencer à rédiger les règlements. L'État et les Premières nations n'ont jamais pris un engagement aussi fort d'élaborer ensemble et de partager des solutions. Je fais donc appel aux membres du comité et aux communautés des Premières nations pour qu'ils collaborent de bonne foi afin que chaque femme, chaque homme et chaque enfant des Premières nations aient accès à une eau propre et salubre.
[Français]
Je vous remercie et, si les membres du comité ont des questions, je ferai mon possible pour y répondre.
Le président : Merci, monsieur le ministre. C'est excellent.
[Traduction]
Chers collègues, le ministre doit participer à une réunion sur les priorités et la planification, je crois vers 10 h 15. Je vous demande de lui poser des questions aussi brèves que possible.
Le sénateur Sibbeston : Merci, monsieur le ministre, de votre visite. Vous avez fait allusion à des modifications, ce qui est positif.
Je dois aussi féliciter le gouvernement. Je me rappelle une époque, après la constitution de ce gouvernement, où M. Prentice, alors responsable de ce portefeuille, avait déclaré qu'il allait s'occuper de ce problème de l'eau. C'est tout à fait louable et je vous en félicite.
Le comité a accueilli un certain nombre de témoins au cours des dernières semaines et ces témoins se sont dits particulièrement inquiets de leurs droits. Il m'est arrivé de me demander pourquoi ils ne me parlaient pas de la question de l'eau. Ils semblaient ne vouloir parler que de leurs droits, car ils craignent que ce projet de loi ne vienne empiéter sur ces droits.
Ils ont aussi soulevé la question de la consultation. Je comprends bien que vous venez juste d'être nommé aux manettes du ministère où vous n'avez qu'une courte expérience. Quoi qu'il en soit, les dirigeants autochtones nous ont affirmé qu'il n'y avait pas eu de consultations appropriées, tandis que vous venez de nous déclarer qu'il y a eu énormément de consultations depuis 2006.
Vous êtes-vous renseignés auprès de vos fonctionnaires ou avez-vous envisagé la possibilité que ceux-ci ne vous aient pas dit toute la vérité? Que pensez-vous de cela?
Nous sommes en présence d'un écart d'opinions énorme. D'un côté, les Premières nations affirment qu'il n'y a pas eu de consultations, parce qu'une consultation doit aller au-delà d'une simple séance d'information où le gouvernement présente un projet de loi. La consultation, c'est plus que cela, c'est du donnant-donnant où il faut faire des compromis.
Vous ne vous posez pas de questions quand vos fonctionnaires vous disent qu'il y a eu consultation? Les avez-vous questionnés? Êtes-vous convaincu qu'il y a eu des consultations suffisantes?
M. Duncan : Je suis parfaitement au courant des engagements pris par le ministre Prentice après son arrivée aux commandes et je sais que certains sénateurs ont soutenu que ce projet de loi semble être tombé du ciel. C'est faux parce que ce projet de loi découle des recommandations formulées par le commissaire à l'environnement et au développement durable — lequel fait partie du Bureau du vérificateur général du Canada —, du Groupe d'experts sur l'eau potable salubre pour les Premières nations et du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Cela fait déjà plus de quatre ans que nous parlons avec les experts et les communautés des Premières nations.
Vous avez dit que j'ai récemment été nommé dans ces fonctions. Je peux vous garantir que je travaille dans tous ces dossiers depuis 1994. J'ai été porte-parole en matière d'environnement en 1994 et je suis toujours plus ou moins resté en contact avec ce portefeuille dont j'ai été le porte-parole de l'opposition jusqu'aux élections de 2006. J'ai passé la moitié de cette période de 12 ans, sans doute, dans l'opposition et je connais parfaitement les dossiers des Premières nations. Je connais personnellement de nombreux acteurs et je connais le ministère et sa façon de fonctionner — probablement davantage que n'importe quel ministre ayant occupé ce poste.
Je peux vous garantir que mon personnel politique s'est engagé à négocier de bonne foi dans ce dossier et qu'il a investi beaucoup d'énergie dans ce sens. Si la bonne foi que nous avons investie dans ces négociations n'a rien donné — avec, en face, une Assemblée des Premières Nations ainsi que les organisations régionales désignées et déléguées par cette organisation nationale, qui étaient parfaitement au courant des tenants et aboutissants —, alors je ne sais pas ce que négocier de bonne foi veut dire.
Nous avons fait tout en notre pouvoir pour que cela fonctionne. Lors de mon récent passage à Calgary, j'ai indiqué aux chefs des Premières nations de l'Alberta — et cela devrait intéresser le sénateur Fairbairn — signataires des traités 6, 7 et 8, que nous n'allons pas leur imposer de loi. Nous voulons collaborer avec eux et nous assurer que cela fonctionne.
Nous avons adopté la même position auprès du personnel technique, c'est-à-dire ceux que nous avons commencé de rencontrer en octobre. Je leur ai dit exactement la même chose. J'ai eu ce genre d'échanges avec le chef national et avec les chefs régionaux.
Vous me demandez si je crois les gens du ministère à propos des consultations? Eh bien oui, je crois que c'est comme ça que ça s'est passé.
Nous sommes très actifs en matière de développement économique — cela pour reprendre une autre de vos remarques concernant les préoccupations en matière de droits des Autochtones. Il y a environ deux semaines, j'ai assisté à la conférence sur l'énergie des Premières nations en Colombie-Britannique. J'ai été frappé de constater que ces gens-là ont bien compris. Quand une Première nation est saisie d'une proposition d'affaires, elle peut faire deux choses : elle peut se tourner vers ses avocats pour parler de droits et de titres ancestraux ou elle peut aller chercher de bons conseils d'affaires. Les Premières nations commencent à opter pour des bons conseils d'affaires plutôt que pour ceux d'avocats spécialisés en droits et titres ancestraux qui viennent tout bousiller.
Cette loi sur l'eau est essentielle, elle est fondamentale, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour la faire accepter. Si vous voulez protéger une source d'eau dans une réserve, il est évident que vous risquez d'empiéter légèrement sur les droits autochtones de quelqu'un, quelque part. Il serait déplacé que le chef et le conseil ne protègent pas la source d'eau de la communauté. Ce faisant, ils risquent d'empiéter sur certains droits autochtones. C'est la réalité et c'est un sacrifice à faire au nom du progrès.
Le président : Je vais exercer mon autorité de président. Sénateur Dallaire, je vous invite à ouvrir la première série de questions.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Avant de poser ma question, j'aimerais tout d'abord soulever un point.
Tel qu'indiqué par le ministre et ses fonctionnaires, nous savons maintenant que des amendements au projet de loi seront proposés. Par conséquent, je présume que nous entendrons le point de vue d'intervenants qui nous donneront l'autre côté de la médaille. Aurons-nous la chance d'entendre, par exemple, les commentaires des chefs afin de nous porter conseil sur les amendements proposés et aussi pour savoir si, selon eux, ces amendements remplissent l'objectif de rendre le projet de loi plus acceptable? Je prends pour acquis que nous les entendrons avant de procéder à l'étude article par article?
Le président : Pas nécessairement.
Le sénateur Dallaire : J'aimerais insister sur ce point. Étant donné que des amendements seront proposés, nous devons pouvoir mesurer leur impact, du point de vue des personnes concernées, afin de prendre une décision éclairée et transparente envers nos populations et tenant compte de leurs valeurs fondamentales. Des représentants du ministère viendront s'expliquer, mais nous devons également entendre des représentants des Premières nations.
Le président : Le comité directeur a déterminé que le dernier témoin sera le ministre et ses fonctionnaires.
Le sénateur Dallaire : Le comité directeur est composé de vous, monsieur le président, et du sénateur Brazeau.
Le président : Le sénateur Brazeau et moi.
Le sénateur Dallaire : C'est vous qui avez décidé de ne pas entendre les représentations des Autochtones?
Le président : Voulez-vous poser votre question, car le ministre...
Le sénateur Dallaire : Oui, j'y arrive.
Le président : Et on en discutera plus tard.
[Traduction]
Le sénateur Dallaire : Monsieur le ministre, le Plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations a été lancé en 2006 et nous avons depuis reçu une série d'évaluations et de rapports annuels extraordinairement positifs sur la façon dont tout cela fonctionne. Le problème de l'eau potable salubre a été en grande partie réglé dans les communautés. Le gouvernement va investir 330 millions de dollars jusqu'en 2012 pour continuer de promouvoir ce programme.
En 2007, le groupe d'experts a déclaré que des fonds serviraient à créer les infrastructures nécessaires à la mise en œuvre de cette loi.
Quelqu'un a dit, c'est vrai, que si nous avions dû attendre que tout cela se réalise sans intervention, jamais rien ne se serait passé. Pourtant, si les choses progressent et si le programme est mis en œuvre, pourquoi alors utiliser une massue pour enfoncer le clou, pour continuer à surveiller l'application et à conseiller les communautés autochtones sur la manière de le mettre en œuvre et d'obtenir les fonds nécessaires? Pourquoi imposer un tel texte, aussi draconien, en fonction duquel, selon moi, les peuples autochtones ne pourront pas bénéficier de ces dispositions parce qu'ils ne maîtrisent absolument pas la partie financement?
C'est vous qui employez la massue et qui contrôlez les fonds. Vos fonctionnaires ne nous ont communiqué aucun renseignement sur l'importance de l'écart. Il est possible que vous ayez investi 2,3 milliards de dollars sur cinq ans, mais si le coût est de 8 milliards, nous sommes loin de pouvoir répondre aux besoins. Cela étant posé, pouvez-vous nous garantir que le règlement vous permettra d'obtenir davantage d'argent — à moins qu'il soit prévu que vous en aurez plus de toute façon — pour permettre la construction des infrastructures nécessaires à la mise en œuvre de ce projet.
M. Duncan : Nous avons accéléré les investissements dans les infrastructures d'adduction d'eau et de mise à l'égout, comme vous l'avez dit. Cependant, tant que nous ne disposerons pas de normes, il nous sera difficile de savoir si nous réalisons de bons investissements. C'est la même question qui se pose dans le cas de la capacité des Premières nations. Nous avons besoin de gens formés à l'exploitation de ces systèmes en fonction de certaines normes. Certaines Premières nations ont déjà adopté, par voie de renvoi, des normes municipales ou provinciales, mais tout ça est très brouillon. Il est difficile de continuer à réaliser des investissements quand il faut imaginer les normes ou qu'on ignore ce qu'elles peuvent être.
Nous n'estimons pas que cette mesure législative soit draconienne ou imposée à coups de massue. Les Premières nations avec lesquelles nous travaillons à l'échelon régional reconnaissent que ce texte est essentiel pour l'avenir. Personnellement, j'estime qu'il est fondamental si nous voulons progresser et je n'arrive pas à comprendre pourquoi on le bousille ainsi quand il vise très clairement à assurer la sécurité et la protection des membres des Premières nations.
Le sénateur Demers : Ça fait des semaines que nous parlons de ce projet de loi et je n'ai entendu personne nous dire qu'il est bon, mais plutôt qu'il est suicidaire, impossible à appliquer et inacceptable. Vous nous avez dressé un excellent portrait de la situation. Vous nous avez affirmé que vous négociez de bonne foi.
Serait-il possible que les Premières nations ne soient pas sur la même longueur d'onde que vous? Je sais que vous avez l'intention d'apporter des amendements. Êtes-vous certain que nous cheminons dans la bonne direction? D'après les grands chefs et des dirigeants des Premières nations, tout cela semble être un véritable désastre.
Je ne veux embarrasser personne. Vous maîtrisez ce dossier, pas moi.
M. Duncan : Nous avons conclu, à la lecture des transcriptions, que votre comité n'a entendu qu'une version des choses. Nous collaborons avec le personnel technique des groupes des nations de l'Alberta signataires des traités 6, 7 et 8.
Vous avez raison de dire que tout le monde ne partage pas le même point de vue. Le comité a surtout entendu des points de vue négatifs, ce qui arrive parfois.
Il est plus facile pour les politiciens des Premières nations de s'opposer fermement à quelque chose que d'y adhérer. J'assume cette remarque. J'espère que nous parviendrons à changer cet état de choses. Nous tentons de modifier la dynamique et nous sommes résolus à y parvenir, raison pour laquelle nous avons besoin de ce texte de loi.
Le sénateur Raine : Je suis particulièrement intéressée dans ce que vous avez dit au sujet de la nécessité d'accroître la capacité des Premières nations. Je sais que les universités et collèges, un peu partout au pays, proposent des cours en technologie de l'eau. Beaucoup de ces programmes exigent un diplôme de 12e année. Or, beaucoup d'opérateurs de systèmes d'alimentation en eau font ce travail tout simplement parce qu'ils vivent non loin de là, mais ils n'ont pas de diplôme de 12e année.
Serait-il possible de reconnaître leur expérience pour leur permettre de s'inscrire à des programmes de formation en technologie?
M. Duncan : Je ne suis pas compétent pour répondre à cette question d'ordre technique. Vous soulevez un aspect important. Nous avons tendance à focaliser sur les infrastructures, mais c'est souvent au niveau des opérateurs, chargés de tenir les registres, de prélever les échantillons et ainsi de suite, que le risque est le plus grand.
C'est ce maillon qui a cédé à Walkerton, par exemple. Tout le monde a entendu parler de Walkerton. Ce n'est pas l'infrastructure qui était défaillante, mais les opérateurs et les opérations. Nous savons qu'il est nécessaire de réaliser d'importants investissements dans la formation de nos opérateurs. Nous en avons un bon exemple avec le programme Circuit Rider où sont réunis des formateurs et des experts.
Partout où les Premières nations ont accès à des services à large bande, de nouvelles possibilités technologiques s'offrent à nous. C'est de plus en plus répandu. Par exemple, en collaboration avec Bell Aliant et la province de l'Ontario, nous avons annoncé le lancement de services Internet à haute vitesse d'ici deux ans dans toutes les Premières nations du Nord de l'Ontario uniquement accessibles par voie aérienne. Tout cela va être porteur de nouvelles possibilités.
Dans quelques années, les Premières nations de l'Alberta seront reliées à un réseau centralisé. Notre ministère investit dans cette entreprise et c'est lui qui va se charger du contrôle et de la tenue des registres à distance. Chaque fois qu'il y aura un problème, le ministère pourra intervenir et le régler.
Il serait beaucoup plus facile de réaliser ce genre de projet si nous pouvions nous appuyer sur des normes nationales.
Le sénateur Dyck : Revenons-en aux préoccupations relatives à la consultation et au modus vivendi. J'ai l'impression que nous baignons dans un flou artistique, puisque le ministère a une version des consultations et des arrangements, et que les organisations et les témoins des Premières nations en ont une autre.
Comme l'a fait remarquer le sénateur Demers, jusqu'ici, tous les témoins que nous avons entendus nous ont affirmé que ce projet de loi n'est pas bon et qu'ils n'ont pas été consultés ni aidés. Aujourd'hui, vous déclarez que vous vous engagez à collaborer avec les Premières nations et que vous avez déjà travaillé en collaboration avec les signataires des traités 6, 7 et 8. Pourtant, nous avons entendu des témoins de l'Assemblée des chefs de l'Alberta signataires des traités 6, 7 et 8 qui nous ont dit être surtout préoccupés par le fait qu'Ottawa a rejeté les multiples offres formulées par les Premières nations de l'Alberta qui voulaient être associés à la rédaction de la loi sur l'eau potable.
Ils nous ont dit ne pas avoir participé à l'élaboration de la loi sur l'eau potable.
M. Duncan : Je vais inviter mes fonctionnaires à vous parler davantage des consultations, mais sachez que j'ai rencontré les chefs signataires des traités 6, 7 et 8 à Calgary. J'essaie de me souvenir quand c'était. Il n'y a pas très longtemps. Ils m'ont servi le même discours que celui-là. Je leur ai expliqué le rôle important joué par leur personnel technique et dit que j'étais convaincu que des discussions avaient lieu et qu'il y en avait eu avant.
Tout le monde ne sait pas toujours avec certitude ce que font les autres. Ils ont joué un rôle fondamental et ils n'ont pas agi indépendamment de l'APN ou des autres organisations régionales. L'Assemblée des Premières nations de la Colombie-Britannique, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs, et cetera, sont autant de parties prenantes. Ils ont été tenus au courant de ce qui a été accompli dans le cadre de ces négociations menées de bonne foi depuis le mois d'octobre.
Je suis surpris d'entendre des déclarations comme celle-là.
Le sénateur Dyck : D'où la nécessité de les faire revenir pour leur demander de réagir à la mesure dont nous sommes saisis.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je me suis entretenue avec le ministre des Affaires autochtones du Nouveau- Brunswick. J'ai lu la lettre écrite par l'Assemblée des chefs des Premières nations du Nouveau-Brunswick. Ils n'aiment pas ce texte de loi. Ils ont l'impression qu'on est en train de le leur imposer de force.
Toutefois, puisque nous en sommes à la question de la consultation, pourriez-vous nous donner les noms des communautés que vous avez consultées et les noms des gens avec qui vous avez parlé?
M. Duncan : Je vais demander à M. Carisse de vous répondre à ce sujet, mais avant, je vais conclure ma dernière intervention.
Je crois savoir que nous n'appuyons pas le projet de loi sans amendement. Il est maintenant question d'y apporter des amendements. Je suppose qu'il y a eu des déconvenues avant mon arrivée aux manettes.
Les chefs ont fait de l'excellent travail et ils continuent de négocier avec nous de bonne foi. J'estime que c'est ainsi que nous parviendrons à franchir la ligne d'arrivée avec ce projet de loi.
Le sénateur Dyck : Vous n'avez pas répondu à ma question.
M. Duncan : Non. Je vais demander à M. Carisse de vous répondre.
Karl Carisse, directeur principal, Innovation et transformations stratégiques majeures, Secteur des opérations régionales, Affaires indiennes et du Nord Canada : Je suis très heureux de pouvoir répondre. Je vais me dépêcher, parce que je sais que le ministre doit partir, mais nous pourrons revenir sur cette question. Je m'en remets au président pour savoir si je dois répondre tout de suite.
Le président : Vous devez partir, monsieur le ministre?
M. Duncan : Oui, je viens de recevoir le signal.
Le président : Eh bien, au nom du comité, je vous remercie d'être venu nous rencontrer ce matin. Il est à espérer que le processus de consultation entre votre ministère et les Premières nations se poursuivra sous votre gouverne. Il sera possible d'apporter des amendements jusqu'à l'étape de la troisième lecture.
Vos fonctionnaires vont-ils rester pour répondre à nos questions?
M. Duncan : Oui.
Le président : Encore merci, monsieur le ministre. Poursuivez, monsieur Carisse.
M. Carisse : Je vais vous expliquer un peu plus le processus de consultation et ajouter certaines choses à ce que le ministre a dit. Nous avons débuté en 2006. Un groupe d'experts a été constitué pour rencontrer les organisations ou les membres des Premières nations désireux de s'exprimer. En 2007, nous avons organisé un atelier à Ottawa à partir des constats du groupe d'experts. Nous avons invité des gens de partout au pays — des techniciens, des représentants de différents groupes autochtones — pour parler de tout ce qui avait été dit jusque-là.
Nous avons ensuite entrepris une tournée du pays pour la première fois, au printemps et à l'été 2008. Nous avons contacté les grandes organisations dans chaque région, à commencer par l'Atlantique avec l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, les chefs de l'Ontario et ainsi de suite, jusqu'en Colombie-Britannique.
C'est vers cette époque, au printemps et au début de l'été, que se déroulent les réunions annuelles avant l'assemblée générale annuelle de l'APN, au début de l'été. Nous avons alors parlé à ces gens-là. À l'époque, des représentants de l'APN étaient également présents. Ils étaient présents à l'assemblée de 2007.
J'ai fait des présentations à ces organisations. Il est dit qu'il existe un écart sur le plan réglementaire qu'il faut combler et que, pour cela, il faut commencer par créer un cadre législatif. Nous avons affirmé à tout le monde que nous formaliserions nos échanges dans les mois suivants.
C'est ce qui s'est produit en février et en mars 2009. À l'époque, nous avions organisé un atelier d'un jour. En rétrospective, il aurait été utile de tenir un atelier de deux ou trois jours. Quoi qu'il en soit, en préparation à cet atelier, nous avons produit un document de discussion que nous avons fait parvenir à chaque chef et à chaque conseil, partout au pays, de même qu'aux organisations tribales et aux organisations techniques. Tout le monde a reçu ce document de discussion. L'APN a aussi délégué des représentants lors de ces séances.
Nous avons versé des fonds à chaque communauté au Canada pour qu'elle puisse envoyer son chef ou un membre de l'équipe dirigeante, ainsi qu'un technicien, pour parler avec nous. Nous avons fait la même proposition aux conseils tribaux et aux organisations techniques des Premières nations. Nous étions préparés à rencontrer tous ces gens-là et nous avions réservé les fonds nécessaires pour rencontrer plus de 1 200 personnes, si besoin était.
En tout, nous avons enregistré 700 participants. Les 550 Premières nations ont toutes été représentées, ce qui, je crois, témoigne de la qualité du processus. À l'époque, nous avons aussi financé toutes les organisations régionales pour leur permettre de produire leur propre évaluation des impacts du cadre législatif.
Bien sûr, nous avons reçu des courriers des chefs et d'autres. Nous avons décidé d'entreprendre une nouvelle tournée du pays pour rencontrer de nouveau les dirigeants des organisations nationales. C'est ce que nous continuons de faire aujourd'hui encore. Par exemple, Mme Chan et moi avons fait une heure et demie de route entre Vancouver et Harrison Hot Springs pour rencontrer un des témoins qui se trouvait là-bas, spécialement pour parler de la loi sur l'eau et de ce que les règlements signifieraient pour lui et pour son organisation en Colombie-Britannique.
Voilà tout ce que nous avons fait. En tout, nous avons dépensé jusqu'ici 2 millions de dollars dans ce genre d'échanges.
Le sénateur Dallaire : Vous avez dit avoir mené toute cette consultation, mais il y a quelque chose qui ne colle pas, puisque les Premières nations semblent être radicalement opposées à cette loi.
Vous dites avoir mené toutes ces consultations, mais à moins que je me trompe, on dénombre environ 1 million d'Autochtones au Canada, pays dont la superficie est d'environ quatre fois supérieure à celle de l'Europe. Les Autochtones sont répartis entre 658 emplacements.
Dans mon petit village où j'ai mon chalet d'été, on essaie d'installer un nouveau système de purification d'eau. Les gens ont passé des mois à débattre de ce qu'il fallait faire et de la façon dont il fallait s'y prendre pour respecter le processus leur imposant non seulement de se doter de l'infrastructure appropriée, de former les gens, d'avoir des budgets de fonctionnement et d'entretien, mais aussi de pouvoir maintenir le tout en état de fonctionnement.
Vous me dites être allés dans les 658 emplacements répartis à la surface de cet incroyable pays — des emplacements dont l'accès est parfois formidablement complexe, comme j'en ai fait personnellement l'expérience — et vous pensez n'avoir négligé personne dans la façon dont vous vous y êtes pris. Sur quels critères vous fondez-vous pour nous dire que vous avez fait tout ça et que c'est suffisant?
J'en sais davantage sur ce que font l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, en matière de programmes de développement international que j'en sais à propos de ce que vous avez fait dans ce pays auprès des Premières nations.
M. Carisse : Dans ce cas précis, nous n'avons évidemment pas visité toutes les communautés. Le coût d'une telle entreprise serait prohibitif. Mieux vaut dépenser notre argent dans les systèmes.
Il demeure que nous avons consulté, que nous nous sommes déplacés et que nous avons parlé de notre cadre législatif. Le ministre vous a dit tout à l'heure que ce n'est là qu'un début. La véritable consultation et les véritables échanges interviendront à l'étape de la préparation du règlement, si ce projet de loi reçoit la sanction royale. Nous pourrons alors commencer les discussions. Par exemple, on dénombre 33 communautés dans le Canada atlantique. Il faudrait examiner la situation de ces 33 communautés et cela se fera quand nous entrerons dans les détails du règlement.
Nous n'en sommes qu'à la première étape. Ces quatre ou cinq années passées en consultations devaient nous permettre de produire une mesure législative applicable, nous permettre d'aller plus loin dans les échanges et de mobiliser par la suite chaque communauté si cela s'avère nécessaire.
Gail Mitchell, directrice générale, Direction générale des infrastructures communautaires, Secteur des opérations régionales, Affaires indiennes et du Nord Canada : Permettez-moi d'ajouter qu'en ce qui concerne la planification plus générale des investissements en infrastructures, le ministère travaille en étroite collaboration avec les communautés, sur une base annuelle, afin d'élaborer des plans et, toute l'année durant, nous parlons de questions comme les budgets de F et E et les investissements en immobilisations qui s'imposent.
Il convient de faire la part entre la question plus générale de la mise en œuvre d'une loi habilitante et celle du soutien technique quotidien que le ministère assure aux communautés. Nous travaillons avec les communautés pour qu'elles disposent de moyens de F et E adaptés à leurs systèmes, et cela de façon régulière.
Le sénateur Dallaire : Vous ne pouvez pas soumettre une loi si vous n'avez pas le financement qui vient avec. Vous imposez une loi, à coups de massue, parce que vous exigez des gens qu'ils adoptent et qu'ils suivent des règles. Cependant, vous n'avez même pas encore prouvé que vous leur avez fourni les ressources nécessaires pour qu'ils se dotent des infrastructures, qu'ils les entretiennent et qu'ils forment leur personnel.
Si quelqu'un disait qu'il va investir 5 milliards de dollars supplémentaires pour mettre cette loi en œuvre afin de s'assurer qu'elle fonctionne bien, tout le monde serait avec vous. Mais voilà, pour l'instant vous dites simplement que vous allez considérer l'aspect financier après coup. Même le ministre ne nous a pas dit s'il a réclamé plus de fonds au titre de ce projet de loi.
Je ne pense pas que ça va se produire. Je suis issu d'un ministère où même un directeur général ne serait pas parvenu à se doter d'un système avec un tel budget.
Le sénateur Raine : Je dois préciser, au sujet de l'exemple du sénateur Dallaire, celui de son petit village où il y eu des consultations portant sur le nouveau système, que cela ne se serait pas produit en l'absence de règlements encadrant ce genre de système.
Nous sommes en train de bâtir le cadre réglementaire. J'ai très clairement entendu le ministre dire qu'il s'engageait à collaborer avec les autres intervenants au processus d'élaboration du règlement. Vous pourriez peut-être nous le confirmer.
Mme Mitchell : C'est ce qui est prévu à l'avenir, autrement dit que nous travaillions avec toutes les organisations du pays à la formulation de règlements qui soient adaptés à chaque région. Nous avons l'intention de travailler dans ce sens. C'est notre plan.
Le sénateur Brazeau : Ma question s'adresse à Me Salembier. J'aimerais d'abord corriger mon collègue au sujet du nombre d'Autochtones au Canada qui pourraient être touchés par ce projet de loi. Ce n'est pas 1 million, c'est environ 750 000 membres des Premières nations dont la moitié vit hors réserve. Il serait donc question d'environ 350 000 personnes en tout.
Cela étant posé, je participe à toute cette entreprise depuis plusieurs années et j'ai constaté que le terme « consultation » revient sans arrêt sur la table. AINC verse de l'argent aux communautés des Premières nations pour qu'elles se tiennent au courant de la progression de la législation et, qui dit consultation dit échanges bilatéraux. J'ai aussi entendu dire qu'un grand nombre de membres des Premières nations, à la base, n'ont pas été consultés par leurs propres dirigeants, même si les communautés ont reçu de l'argent pour cela.
La terminologie varie; on parle de consultation, d'ateliers-rencontres et de séances d'information. Quant à moi, on se coupe les cheveux en quatre. Que pense le ministère de la Justice du mot « consultation »?
J'aimerais qu'à un moment donné, dans l'avenir, on inscrive directement le mot « consultation » dans les ententes de contribution pour que tout soit très clair dès le début. Si AINC débloque des fonds pour permettre la consultation, pourquoi ne pas le dire carrément? Beaucoup de chefs qui ont témoigné devant ce comité ont reconnu avoir accepté cet argent, mais qu'il ne s'agissait pas de vraies consultations.
Quelle est la position de votre ministère à cet égard?
Le sénateur Dallaire : Je ne me souviens pas de ça.
Paul Salembier, avocat général, ministère de la JusticeCanada : Je n'ai pas le bon droit de vous donner la position du ministère de la Justice, mais je peux vous donner une idée de ce que les tribunaux ont dit à propos de la consultation. Le problème, avec le terme « consultation », c'est qu'il est polysémique et de sens variable selon les circonstances.
Dans son arrêt R. c. Sparrow, la Cour suprême du Canada a statué que la consultation est un facteur dont il faut tenir compte pour déterminer si le non-respect d'un droit autochtone ou d'un droit issu de traité était justifié dans les circonstances. Les tribunaux examineront donc l'objet de la loi pour s'assurer qu'elle contrevient le moins possible aux droits issus de traités en fonction des objectifs énoncés. La consultation est l'un des facteurs que les tribunaux examineront pour déterminer si une transgression se justifie.
Les tribunaux estiment que ce qui constitue une consultation dépend des faits. Parfois, ça dépend du degré de transgression et de la mesure dans laquelle le droit en question est présumé plutôt qu'incontestable. Les tribunaux pourront estimer que la violation est mineure.
D'un autre côté, en cas de transgression très importante d'un mode de vie, la consultation peut nécessiter de véritables compromis. On ne peut pas dire : « Voici ce que nous envisageons de faire, merci de nous donner votre avis, mais nous allons le faire de toute façon. » Il faut aborder la chose différemment, en disant : « Nous envisageons de faire ceci ou cela, veuillez nous faire part de vos réactions. Nous voulons voir comment nous pourrons réaliser ce projet afin d'enfreindre le moins possible vos droits autochtones et vos droits issus de traités. » Voilà les deux extrêmes envisageables.
Dans chaque cas, tout est circonstanciel. Dans ce projet de loi, il n'y a que très peu de véritables règles parce qu'il est question d'un cadre destiné, plus tard, à formuler des règles qui apparaîtront dans les règlements. Les règles, elles, pourraient fort bien limiter l'utilisation des terres de réserve afin de protéger les ressources en eau, et les tribunaux examineront alors l'ampleur des consultations tenues plutôt que de s'arrêter à la préparation d'un cadre destiné à permettre au gouvernement d'élaborer de telles règles.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Si je comprends bien votre réponse, c'est une question d'argent. On parle ici de systèmes hydrographiques. Que se passera-t-il s'ils n'ont plus les moyens de réglementer les réseaux d'alimentation en eau?
Mme Mitchell : La question du financement domine dans l'esprit des gens. Il ne faut pas oublier que les communautés disposent déjà de réseaux d'alimentation en eau. Elles les exploitent et offrent des services à leurs membres.
Le défi porte sur la capacité des communautés et le ministre vous en a fort bien parlé. Ce sont des défis actuels qui seront encore là après l'adoption des règlements. En partenariat avec les Premières nations, le gouvernement doit combler les écarts de capacité que ce soit du côté de l'infrastructure ou de celui des opérateurs. Les règlements vont permettre de disposer d'un cadre prévisible. Ils apporteront de la clarté du côté des règles et des responsabilités. C'est ce genre de clarté qui fait actuellement défaut.
Nous sommes actuellement aux prises avec les mêmes défis. Nous essayons d'y faire face en travaillant auprès des communautés et des organisations techniques à l'échelon régional, nous voulons arrêter les stratégies qui pourraient nous permettre d'améliorer la capacité des Premières nations. Les règlements apporteront plus de rigueur à tout le processus. Tous les ans, le gouvernement du Canada investit énormément et cela dure depuis de nombreuses années. On s'attend à ce qu'il continue ainsi dans les années à venir.
Notre défi consiste à déterminer quel genre de mesures il faut prévoir dans le cadre réglementaire afin d'apporter des modifications.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Le défi, c'est de régler le problème, pas d'appliquer un sparadrap.
Le sénateur Dallaire : C'est intéressant d'apprendre que vous avez l'intention d'élaborer des normes à l'échelon fédéral pour régir tout ce qui concerne l'eau chez les Autochtones, tandis que, partout ailleurs au pays, on applique de simples lignes directrices et que les normes relèvent de la compétence des provinces.
Un organisme fédéral va donc imposer des normes qui seront élaborées par les provinces, tandis que ce même organisme n'a pas la détermination voulue pour imposer des normes à l'échelle du pays. Les lignes directrices relèvent des provinces. Finalement, on fonctionne à l'envers. Nous voulons que les Autochtones résidant dans les territoires et les provinces appliquent des normes qui seront établies par les provinces. Ça devient très complexe dans notre confédération qui est par ailleurs ésotérique.
Pourquoi veut-on imposer de telles normes dans une loi à ce point envahissante? Il y a tout un ensemble d'éléments, dans ce projet de loi, qui vont bien au-delà de l'établissement des normes à respecter. Beaucoup de vos clients disent que ce projet de loi va bien au-delà d'une simple tentative d'établissement de normes. Certains disent qu'il faudrait le déchirer. D'autres disent : « Attendez un instant, ce n'est pas prêt. »
Nous avons dénombré 49 emplacements où des Premières nations sont aux prises avec de sérieux problèmes. Cependant, il y a eu une nette amélioration sur ce plan au cours des dernières années. On gère la situation. La vérificatrice générale n'aime peut-être pas votre méthodologie. Et alors? Vous êtes un ministère. Si vous craignez d'être congédiés par la vérificatrice générale, alors c'est un autre problème.
La vérificatrice générale n'aime pas la façon dont vous travaillez, mais vous avez toujours votre emploi. La plupart de vos clients disent : « Au moins, ralentissez le processus. Attendez. Allons un peu plus loin dans l'évaluation de la stratégie et des aspects techniques afin qu'on se fasse une meilleure idée de l'écart de financement. Après ça, vous pourrez déposer votre projet. »
Quelle est l'urgence, si ce n'est que vous avez la vérificatrice générale sur le dos, puisque c'est vous qui maîtrisez entièrement la situation?
Madame Chan, vous êtes directrice générale?
Ivy Chan, directrice, Division de la santé environnementale et publique, Santé Canada : Je suis directrice, Division de la santé environnementale et publique.
Le sénateur Dallaire : Qu'est-il arrivé au sous-ministre adjoint?
Mme Chan : Il est parti avec le ministre.
Le sénateur Dallaire: On nous avait dit que les fonctionnaires resteraient sur place. Le sous-ministre adjoint est toujours un fonctionnaire
Le président : Sénateur, Mme Chan est tout à fait capable de répondre aux questions.
Le sénateur Dallaire : Mme Chan n'est ni SMA, ni DG. Pour parler de ce qui nous intéresse, il faudrait que notre interlocuteur soit SMA ou DG. Ce n'est rien contre vous, madame.
Donc, où est l'urgence, si ce n'est que vous avez la vérificatrice générale sur le dos?
Mme Mitchell : Il y a 17 ans que je travaille à AINC. Le processus législatif est souvent très sinueux. Pour ce projet de loi en particulier, il faut du temps. L'objectif consistant à faire coïncider un cadre réglementaire et un investissement à long terme est important. Donc, nous devons continuer d'élaborer cette loi afin d'être en mesure de proposer plus tard un plan convaincant et exhaustif, quand nous recevrons les résultats de l'évaluation nationale.
Si le processus législatif venait à paralyser, c'est la formulation du plan global qui serait compromise. Comme pourraient le montrer la plupart des provinces et des territoires au Canada, ce cadre réglementaire permet de fixer des objectifs très clairs en matière de rendement; il permet de comprendre le genre de solutions technologiques qui s'imposent; il permet aussi de préciser les rôles et les responsabilités des intervenants. Je dirais que, pour l'instant, nous avons beaucoup de difficulté avec tous ces aspects parce que les rôles et les responsabilités n'ont pas été précisés, même si nous avons fait certains progrès. Nous n'avons pas la capacité d'adopter des mesures ayant le même poids qu'un cadre réglementaire.
Pourquoi agir maintenant? La fonctionnaire que je suis, qui conseille le ministre et son personnel, estime qu'il faut continuer d'avancer et maintenir ce processus vivant. Il y aurait un risque à s'arrêter et à attendre que tout soit parfait.
Le sénateur Dyck : Ma question concerne la sécurité. Le sénateur Dallaire a indiqué qu'il y a un an environ, lors d'une comparution devant le comité, le Ministère avait déclaré que le nombre de communautés à haut risque avait diminué pour passer de 93 à quelque 48 ou 49. Ainsi, même s'ils ne sont pas vraiment efficaces, il est maintenant évident que nous disposons de certains mécanismes qui nous permettent d'évaluer les situations risquées et d'appliquer des mesures correctives.
Nous n'allons pas laisser tomber brutalement les communautés à haut risque, comme ce serait le cas si ce projet de loi n'était pas adopté. Je m'étonne que certains semblent insister lourdement pour le pousser, puisque je ne vois pas comment nous pourrions abandonner les communautés à risque.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi cette question est si importante du point de vue de la sécurité?
Mme Mitchell : L'Institut C.D. Howe a récemment publié un rapport dont l'auteur est, je crois, venu témoigner devant vous. Il a dit que toute une série de facteurs interviennent dans le cas des réseaux de distribution d'eau. L'élément réglementaire en est un. Un autre facteur important est le fonctionnement et l'entretien auxquels il faut ajouter la compétence des opérateurs des systèmes.
Nous avons tenté d'aligner les différentes interventions menées par le gouvernement et les Premières nations au chapitre des systèmes de distribution d'eau afin de parvenir, ultimement, à une approche plus globale et plus cohérente en matière de gestion de l'eau.
Vous avez raison de dire que nous sommes parvenus à maintenir les systèmes en état et à réaliser certains progrès. Nous estimons toutefois qu'il nous manque encore un pilier très important de cette stratégie à long terme, je veux parler de l'élément réglementaire. Nous ne pouvons pas raisonner sur les questions d'adduction d'eau et de traitement des eaux usées à long terme si nous ne pouvons pas nous appuyer sur un cadre réglementaire. Ce dont il est question ici, c'est de la stratégie à long terme.
Le sénateur Dyck : Tous les témoins que nous avons entendus reconnaissent que la réglementation est un élément essentiel de la problématique de l'alimentation en eau potable. Toutefois, le groupe d'experts a lui-même indiqué qu'avant de formuler des règlements, il faut pouvoir compter sur une infrastructure physique adaptée et sur des ressources humaines appropriées. Voici d'ailleurs ce qu'on peut lire dans le rapport de l'Institut C.D. Howe que vous venez juste de citer :
Même si les États-Unis disposent d'un régime réglementaire qui, pour l'eau potable, est le plus minutieux et le plus onéreux au monde, selon les études de cas susmentionnées, ce pays a été le siège de 23 des 70 épidémies déclarées.
Force est donc de constater qu'à elle seule, la réglementation n'améliorera pas la sécurité du public. Au Canada, les deux cas les plus récents se sont produits à Walkerton et à North Battleford. Dans les deux cas, des règlements provinciaux s'appliquaient. Comme il y avait des règlements, on ne peut pas dire que la sécurité du public a été menacée par l'absence de règlements. En réalité, c'est parce que les opérateurs de systèmes n'ont pas appliqué le protocole approprié pour s'assurer que l'eau était bien traitée. Ces incidents n'avaient rien à voir avec l'absence de règlements et j'estime donc que la réglementation à elle seule ne favorise pas la distribution d'une eau potable salubre.
Le président : Je suis sûr que beaucoup vont être d'accord avec cela, sénateur. Avez-vous un commentaire à faire, madame Mitchell?
Mme Mitchell : Non.
Le sénateur Sibbeston : AINC, Justice Canada ou le ministre n'étaient-ils pas tenus de proposer une mesure législative plus imaginative ou prenant acte du lien unissant les peuples autochtones à leurs terres, à l'eau et ainsi de suite?
Cela fait 11 ans que je siège ici et j'ai vu défiler beaucoup de textes de loi concernant les Premières nations. Tout ça est très progressiste en ce sens qu'on cède aux Premières nations des pouvoirs que détenait le ministre en vertu de la Loi sur les Indiens. Cette mesure s'appuie essentiellement sur le fait que le gouverneur général peut prendre des règlements sur la recommandation du ministre. En fin de compte, c'est le ministre qui a tous les pouvoirs avec la bénédiction du gouverneur général.
N'aurait-on pas pu s'y prendre autrement, un peu comme les lois progressistes que nous avons vues auparavant?
Les parlements démocratiques aiment à avoir des lois qui leur permettent de suivre la situation. Or, avec des projets de loi comme celui-ci, qui reposent sur des règlements, on se trouve à retirer les pouvoirs des mains du législateur pour — Dieu nous en garde — les mettre dans les mains de fonctionnaires et de bureaucrates comme vous. Qui sait ce que vont faire des gens comme vous, surtout dans le cas de nos Premières nations qui ont été injustement traitées dans le passé par le gouvernement fédéral?
Pourquoi cette loi sur l'eau est-elle ainsi conçue? N'auriez-vous pas pu faire preuve de plus d'imagination? N'auriez- vous pas pu fournir plus d'informations sur ce que pourraient être les règlements, leur objet et ainsi de suite?
Avez-vous une ébauche de texte que vous pourriez nous montrer pour nous donner une idée de ce qui nous attend, pour ainsi dire?
Mme Mitchell : Pour vous répondre au sujet du caractère imaginatif qu'aurait pu revêtir ce projet de loi, il faut dire que celui-ci est vraiment destiné à conférer le pouvoir voulu de prendre des règlements. Ce sont les règlements qui vont préciser la façon dont les systèmes devront être gérés. C'est à ce stade qu'on passera au niveau du détail. Comme le ministre vous l'a dit et comme nous nous sommes, nous aussi, engagés à le faire, nous accomplirons cela en collaboration avec les organisations des Premières nations de partout au pays.
Il s'agit d'une mesure habilitante qui se veut relativement simple. Je suppose qu'on pourrait toujours ergoter à ce sujet, mais telle était l'intention visée. C'est à partir de là que les règlements seront élaborés.
Le sénateur Sibbeston : On nous a parlé d'amendements. Sont-ils prêts pour qu'on y jette un coup d'œil? Êtes-vous prêts à nous remettre les amendements proposés par le ministère et les bureaucrates?
Mme Mitchell : C'est vous qui allez décider de ce qu'il faut faire de ce projet de loi.
Le sénateur Sibbeston : C'est important, monsieur le président. Il est toujours possible qu'on ait répondu à mes préoccupations et que je perde mon temps. Il va bien falloir, à un moment donné, savoir ce que sont ces amendements.
Mme Mitchell : J'ai cru comprendre qu'à l'amorce de l'étude article par article, le parrain du projet de loi peut proposer des amendements.
Le président : Même s'il ne l'a pas fait de façon explicite, je crois que le ministre nous a indiqué qu'il y aurait des amendements. Je ne sais pas combien, mais je crois qu'il y a eu avec l'APC, l'APNQL, l'APN et les signataires des traités 6, 7 et 8, des négociations et des consultations assez longues ainsi que des consultations et une collaboration. Il y a eu des discussions et celles-ci se poursuivent.
La question qui se pose, chers collègues, est celle de la salubrité de l'eau potable. Pendant combien de temps encore pourra-t-on se permettre de procrastiner? En 2006, comme le sénateur Dyck l'a indiqué, on dénombrait 193 communautés à haut risque. En 2007, il n'y en avait plus que 97. Quand allons-nous faire quelque chose? Ce débat pourrait s'éterniser et pourtant, je pense qu'il y a eu de la bonne volonté.
Cela fait 18 ou 19 ans que je siège ici et je n'ai encore jamais vu un gouvernement, un ministre ou un ministère disposé à discuter d'amendements et à proposer de modifier leurs propres textes de loi à un tel point. Il serait possible d'apporter des amendements en troisième lecture. Si des Premières nations proposaient des amendements dignes d'intérêt, je serais personnellement prêt à les proposer.
Je ne crois pas que, qui que ce soit autour de cette table, dans la mesure où je peux m'exprimer au nom des sénateurs, souhaite autre chose que ce qu'il y a de mieux pour les Premières nations. Ces gens-là veulent une eau potable salubre. Ils y ont droit. Pour l'instant, il n'existe que de simples lignes directrices et il n'y a aucun règlement. Voilà pourquoi tout à déraillé en 2006.
Nous n'allons pas nous mettre à blâmer quelque gouvernement que ce soit, parce que tous ont été concernés : le gouvernement Mulroney, le gouvernement Chrétien, le gouvernement Martin et maintenant le gouvernement Harper. Je ne devrais peut-être pas m'exprimer ainsi, parce que cette personnalisation des gouvernements suscite la polémique.
Il faut éviter que le mieux devienne l'ennemi du bien. Il faut avancer pour le bien de ceux et de celles que nous représentons. La politique s'immisce partout, même dans mon mariage. Nous avons recueilli les avis opposés de divers groupes et n'avons donc pas qu'une version des choses.
Je me tourne maintenant vers l'opposition parce que dans mes fonctions de président, je n'ai jamais cherché à avoir des gens qui applaudissent à tout ce que nous faisons. Reconnaissez avec moi que nous avons été objectifs. Nous avons accueilli les témoins qui se sont présentés; nous sommes allés dans les communautés des Premières nations et avons entendu leurs exposés. Le ministre et le ministère ont réagi. Ils ont réagi par le biais d'amendements et j'estime qu'il faut maintenant passer à l'action. Cette loi permettra d'adopter des règlements sans lesquels, j'en suis intimement convaincu, nous risquerions de mettre en danger la vie et la sécurité des peuples autochtones du Canada, surtout des enfants.
Le sénateur Dyck : Puisque vous m'avez spécialement visée, je me sens obligée de réagir. J'ai dit que le nombre de communautés à haut risque a été réduit. Ce faisant, je n'ai pas employé cet argument pour indiqué mon appui à cette mesure législative, mais plutôt pour affirmer que le ministère dispose de politiques et qu'il a adopté des mesures correctives pour suivre les communautés à haut risque afin de les sortir de leur mauvais pas. Je tenais à préciser cela.
Vous avez aussi parlé de mariage et avez dit que même dans les mariages il y a de la politique.
Le président : Je ne le ferai plus jamais.
Le sénateur Dyck : J'ai déjà été mariée et je comprends donc très bien. J'ai l'impression que la relation entre AINC et les communautés des Premières nations s'apparentent à un mauvais mariage, parce que le ministère détient tous les pouvoirs de l'homme, comme dans les mariages à la mode ancienne, et que les Premières nations ressemblent aux épouses d'antan qui n'ont pas les mêmes pouvoirs que leur conjoint. C'est comme un mauvais mariage et il faut d'abord réparer ce mariage pour que les deux époux aient les mêmes pouvoirs.
Le président : Croyez-moi, à la maison, c'est ma femme, Margaret, qui dirige tout.
Le sénateur Dallaire : Après avoir entendu les fonctionnaires dire que des amendements sont nécessaires, j'applaudis aux efforts du ministère. C'est le minimum qui a été réclamé par les témoins que nous avons accueillis, y compris les témoins non autochtones spécialistes du domaine. Ils sont venus nous parler de leurs réserves au sujet de cette loi.
Je suis marié sous contrat dans la province de Québec et la question des pouvoirs dans le couple est réglée, n'ayez crainte.
Quoi qu'il en soit, j'estime qu'il serait tout à fait inapproprié de modifier ce texte de loi qui a tellement soulevé la polémique et qui présente des dimensions à côté desquelles on ne peut pas passer, comme une clause non dérogatoire qu'on ne rencontre tout de même pas tous les jours. Cela dit, je suis militaire, pas avocat. S'il y a des amendements, monsieur le président, j'estime que nous devrons disposer de beaucoup de temps pour en prendre connaissance et les comprendre, puis pour en discuter à l'étape de l'étude article par article.
Je recommande fortement que cette liste d'amendements ne surgisse pas soudainement demain soir, au moment où nous entamerons l'étude article par article, parce que je ne serais alors pas en mesure d'en débattre. Si tel devait être le cas, c'est comme si je devais être carrément absent. Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues. Si vous voulez que nous débattions de ces amendements, que nous soyons transparents et tout le reste, veillez à nous les faire transmettre de sorte que nous ayons le temps de les examiner.
Je conclurai mon intervention précédente, bien qu'il en ait déjà été question au comité de direction, en disant que j'aimerais beaucoup — parce que Dieu sait à quoi ressembleront ces amendements et que nous sommes par ailleurs conscients de l'ampleur des préoccupations des peuples autochtones relativement à ce texte de loi — accueillir au moins encore une fois des représentants des Premières nations, comme l'APN, avec qui le gouvernement semble être en consultation. Permettons-leur de venir s'exprimer ici pour nous donner un point de vue non gouvernemental au sujet des amendements. Nous prendrons les choses à partir de là.
Le président : Avez-vous quelque chose à dire au sujet de la disponibilité des amendements, madame Mitchell?
Mme Mitchell : Nous faisons tout notre possible pour qu'ils soient disponibles. Nous travaillons avec les intervenants pour étudier les changements possibles. Il leur faudra également du temps pour réfléchir à tout ça et nous indiquer ce qui, selon eux, paraît acceptable.
Le président : Vous savez que nous avons l'intention de passer à l'étude article par article demain soir. Pourrions- nous trouver une façon d'informer un peu les sénateurs? J'estime qu'il est urgent d'adopter cette loi. Pourrait-on répondre à cette requête en organisant une séance d'information privée ou quelque chose du genre?
Le sénateur Brazeau : Si je comprends bien, les amendements annoncés seront apportés parce que le ministère est en train de discuter et de négocier avec les groupes d'intervenants. C'est cela?
Mme Mitchell : C'est cela. Nous avons eu des échanges avec différents intervenants, qui ont témoigné devant le comité, afin de cerner les problèmes qu'ils perçoivent et de pouvoir proposer des amendements susceptibles d'être acceptés.
Le sénateur Brazeau : Donc, on continue de négocier et de collaborer avec les groupes des Premières nations pour prendre en compte leur point de vue au sujet de ces amendements, c'est cela?
Mme Mitchell : C'est cela.
Le sénateur Dyck : Vous dites que vous rencontrez les intervenants, que vous avez des échanges avec eux et que vous leur soumettez des propositions. La grande question est de savoir si cela correspond à un véritable effort de collaboration. C'est là où se situe le véritable problème. Vous nous dites qu'il y a collaboration, mais nous n'en aurons pas la certitude tant que nous n'aurons pas entendu le point de vue de l'autre partie.
Le président : Ça ne me dérange pas d'en parler en comité plénier, mais le comité de direction, en collaboration avec le ministère et le ministre, a déterminé que le ministre serait notre dernier témoin. Nous pourrions avoir des témoins à n'en plus finir. Nous pourrions rappeler tout le monde des quatre coins du Canada. Prenons l'exemple de n'importe quelle organisation, comme le Congrès du travail du Canada ou l'APN; elle devrait avoir le dernier mot. En l'espèce, le ministre nous a clairement dit qu'il y aurait des amendements. Des changements seront apportés en réponse aux positions des Premières nations. La directrice générale nous a indiqué que les discussions se poursuivent.
Il est juste de donner le dernier mot au ministre et à ses fonctionnaires. C'est ce que nous avons fait aujourd'hui, ça n'a rien de surprenant. Comme nous en avons parlé au comité de direction, je n'ai pas de mea culpa à faire. Tous ceux qui ont voulu témoigner ont pu le faire. Nous avons essayé d'arranger tout le monde. Nous n'avons imposé de limite à personne. Afin de faire avancer les choses, nous venons d'entendre le dernier témoin.
Le sénateur Dallaire : La semaine dernière, nous avons accepté de faire passer à la chaîne neuf témoins en deux heures qui auraient pu prendre une heure chacun. Nous avons accueilli une armada de témoins à qui nous avons imposé des durées de témoignage très limitées. Pour faire face à la situation, nous avons même débordé de notre horaire. Nous avons voulu que le ministre soit le dernier témoin. Il nous a dit quand il serait disponible et nous avons organisé notre calendrier de séances en fonction de ses disponibilités. Le ministre est venu, il a passé 45 minutes avec nous sur une durée totale de trois heures de séance. Il a passé plus de 20 minutes à lire ses notes d'intervention et nous avons à peine pu lui poser des questions.
Ce n'est pas le législateur qui a le dernier mot. Le dernier mot doit revenir à ceux et à celles qui sont touchés par cette loi et non à ceux qui sont responsables de la mise en œuvre.
Il serait tout à fait approprié que, dans le cadre de nos délibérations, on donne le dernier mot aux Autochtones. Nous aurons alors suffisamment de temps pour examiner les amendements et passer à l'étude article par article. Personne ne m'a dit que nous ne pouvions pas travailler dans la semaine du 22 mars. Je ne veux pas sembler faire de l'esprit ni être désinvolte, mais je tente de faire passer un message.
Le président : Je comprends ce que vous dites, mais nous devons aussi passer à la question de l'éducation. Le fait demeure que le ministre est venu nous rencontrer à notre demande. Nous avons fixé le calendrier dans lequel tout cela devait se dérouler et nous l'avons invité. Il est venu passer 45 minutes ici et nous aurions souhaité qu'il reste plus longtemps. Malheureusement, son cabinet l'a rappelé pour se rendre à une réunion des ministres. Il n'y a rien à redire à cela.
Les différentes organisations ont été amplement entendues. Je n'ai jamais rien vu d'aussi partial. Nous n'avons pas limité le nombre de témoins et nous avons ouvert la porte en grand. Il ne sert à rien de faire venir des témoins qui disent tous la même chose. Le ministre et le ministère ont réagi en proposant des amendements.
Les amendements seront peaufinés à l'étape des discussions finales avec les intervenants pour que tout le monde y trouve son compte. Nous ne sommes pas en quête de perfection, mais d'une solution. Je cède la parole au sénateur Raine.
Le sénateur Raine : Il s'agit d'un projet de loi du Sénat. Nous allons l'améliorer et le rendre aussi parfait que possible. Dans ce cas, le second examen objectif incombera à l'autre chambre. Nous devons bouger.
Nous avons accueilli un technicien qui forme des opérateurs de systèmes d'épuration d'eau. Quand il a proposé à un opérateur d'une Première nation voisine de le former gratuitement et à son gré, celui-ci a refusé en affirmant qu'il préférait ne pas savoir ce qu'il faisait parce que, sinon, il serait tenu pour responsable. S'il y avait un règlement, il serait possible de remplacer cette personne par quelqu'un qui sache ce qu'il fait. Cela permettrait sans doute d'obtenir de l'eau potable salubre.
Il s'agit d'une anomalie de taille. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des travailleurs dans ce domaine ne cherchent pas vraiment à produire une eau potable salubre. Les règlements vont nous aider sur ce plan.
Le sénateur Dallaire : Le même témoin nous a expliqué que ce jeune opérateur ne voulait pas de cet emploi parce qu'il n'avait pas les outils pour faire le travail. C'est AINC qui fournit les outils et c'est pour ça qu'il a fait machine arrière. Il n'avait aucune garantie qu'il disposerait des outils nécessaires pour faire son travail, même s'il savait ce qu'il fallait faire, outre qu'il aurait été tenu pour responsable.
Le sénateur Raine : Ne pensez-vous pas que ces règlements vont aider à corriger ce genre de situation à l'échelon local?
Mme Mitchell : Tout à fait. On a fait remarquer que les règlements à eux seuls ne suffiront pas à alimenter les communautés en eau potable salubre. Ils se veulent plutôt un instrument de mise en contexte permettant de clarifier les rôles et les responsabilités. C'est un élément d'un tout qui nous rassurera quant au fait que nous tendons vers les dispositions du Plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations.
Le sénateur Dyck : C'est un projet de loi du Sénat. En tant que sénateurs membres de ce comité, nous avons pour rôle d'interrompre ce processus maintenant plutôt que de le laisser aller jusqu'à l'étape de la troisième lecture ou à son renvoi devant la Chambre des communes. Nous avons pour responsabilité de le rendre le plus parfait possible.
Il faut bloquer le projet de loi maintenant. Les témoins des Premières nations et d'autres organismes nous ont dit que ce projet de loi n'est pas bon, qu'il ne va pas favoriser l'amélioration de la salubrité de l'eau potable dans les Premières nations. Il faut le modifier par le truchement d'une véritable consultation des Premières nations avec qui il faudra s'asseoir pour rédiger le texte.
Les Premières nations vont-elles vous remettre un amendement indiquant, par exemple, qu'elles souhaiteraient qu'il soit question de l'élaboration des règlements dans le projet de loi, et cela dans le respect de leur définition de la consultation et du modus operandi? Peuvent-ils, à ce sujet, agir au stade de la rédaction des amendements?
Mme Mitchell : Le ministre et le personnel, avec l'appui du ministère, travaillent en étroite collaboration avec les différents intervenants. Les différentes façons possibles de libeller les dispositions ont a fait l'objet de nombreuses discussions. Nous avons, à différents moments, reçu des recommandations portant sur la façon de rédiger à nouveau les différentes dispositions.
Le président : Chers collègues, étant donné que la consultation se poursuit, nous aurons l'information en main demain avant midi. Je veillerai à ce que tous les sénateurs reçoivent copie des amendements avant demain midi pour qu'ils puissent en prendre connaissance.
Cela ne mettra cependant pas un point final au chapitre, puisqu'il sera possible, en troisième lecture au Sénat, d'apporter des modifications. Si des amendements s'imposaient, ce serait le moment de le faire. Je suis sûr qu'il y aura débat en troisième lecture.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je veux faire ce qui est bien pour les Premières nations. Je ne veux pas transformer tout ce débat en affrontement politique. Faisons tout notre possible pour faire en sorte que ça fonctionne pour eux. S'il devait ne pas y avoir de règlements, nous risquerions de nous retrouver dans les pires scénarios. Il faut des règlements. C'est urgent. Personnellement, je serais inquiet si je devais patienter chez moi sans eau potable pendant qu'une bande de sénateurs et de politiciens à Ottawa se chamaillent sur ceci et sur cela, sur ce qu'il faut faire en premier et ce qu'il faut faire en dernier.
C'est notre responsabilité. Nous représentons la population. Dans notre système parlementaire, chacun de nous, même s'il n'est pas élu mais nommé, représente la population.
Je n'ai personne d'autre sur la liste.
Le sénateur Dallaire : Je désire faire une déclaration et formuler une motion. Ma déclaration, c'est que je suis entièrement d'accord avec vous quant à la nécessité de permettre à ces gens d'avoir accès à une eau potable salubre. Le principe de notre système législatif, où les échanges d'idées sont dûment encadrés pour nous permettre de produire de bons textes de loi pour le pays, est fondamental. En vérité, quand nous réclamons un véritable débat, il ne faut pas conclure que nous sommes opposés à l'adoption de la loi. Autrement dit, nous voulons que les gens disposent de règlements à temps pour avoir de l'eau potable salubre.
Si le plan enclenché il y a cinq ans ne valait rien et que vous ayez dépensé 2,3 milliards de dollars, nous serions les premiers à reconnaître que quelqu'un doit payer les pots cassés. Tel n'a pas été le cas. Donc, ce n'est pas comme si tout était parti en fumée dans la nuit; il est plutôt question de s'assurer que nous avons poussé le raisonnement jusqu'au bout pour que la loi soit efficace. Si jamais j'entends quelqu'un aller raconter, après tout ça, que nous avons bloqué le projet de loi et, ce faisant, que nous avons empêché les Premières nations d'obtenir les règlements dont elles ont besoin pour être approvisionnées en eau potable salubre, je vous garantis qu'il y aura de la casse. Nous n'avons jamais, absolument jamais eu l'intention de bloquer ce projet de loi.
De plus, nous vous respectons énormément parce que vous êtes très efficace à la présidence du comité. C'est ce même comité qui a affirmé qu'il ne faut pas adopter de projet de loi avant d'avoir la certitude qu'il est assorti des ressources nécessaires à sa mise en œuvre. Nous sommes en train d'agir à l'encontre de nos propres recommandations qui, vous vous en souviendrez, avaient reçu un appui important parce que le rapport où elles sont contenues est sacrément bon.
Voilà la déclaration que je voulais faire pour mémoire et à l'intention des membres du personnel. Si nous recevons les amendements avant midi demain, nous aurons le temps de les examiner.
Je veux maintenant déposer une motion. Je propose qu'avant de passer à l'étude article par article du projet de loi, demain soir, nous accueillions un représentant des peuples autochtones pour recueillir ses commentaires au sujet des amendements afin d'équilibrer les points de vue au sujet de ce que le ministère propose pour améliorer le projet de loi et ainsi favoriser son adoption. Telle est ma motion.
Le président : Sénateur Dallaire, vous proposez d'inviter l'APN à participer à la réunion au cours de laquelle nous allons étudier le projet de loi S-11 article par article?
Le sénateur Dallaire : Non. Je propose que l'APN témoigne avant que nous passions à l'étude article par article pour nous donner son point de vue au sujet des amendements. Nous pourrions faire ça en 45 minutes. Après cela, nous nous en remettrons à vous.
Le président : Vous demandez que l'APN soit invitée à se présenter à la réunion avant l'étude article par article du projet de loi; c'est cela?
Le sénateur Dallaire : Oui.
Le président : Nous sommes saisis d'une motion. Malheureusement, c'est la deuxième fois que nous allons voter en cinq ans. Depuis trois ans que vous êtes ici — ça fait donc huit ans en tout —, nous n'avons jamais voté, n'est-ce pas?
Le sénateur Dyck : Nous avons eu un vote la semaine dernière.
Le président : C'est cela, c'était le seul.
Que ceux qui sont pour la motion lèvent la main. Que ceux qui s'y opposent veuillent bien lever la main? Cinq. Que tous ceux qui sont favorables à la motion lèvent la main, une fois de plus? Six. C'est adopté.
Ai-je le droit de voter? Mon vote ne changerait rien de toute façon.
Le sénateur Dallaire : Bien joué, monsieur le président.
Le président : Je ne suis pas certain que tel soit le cas, mais c'est fait.
Nous prendrons les dispositions pour répondre aux vœux du comité. Y a-t-il autre chose?
Le sénateur Brazeau : Monsieur le président, c'est pour montrer sa bonne foi que, d'ici demain midi, le gouvernement va communiquer ses amendements à l'opposition afin qu'elle ait la possibilité d'y jeter un coup d'œil. J'invite en retour l'opposition à s'engager à nous communiquer d'ici demain midi une partie des amendements qu'elle se propose de déposer.
Le sénateur Dallaire : Oui.
Des voix : Oui.
Le président : S'il n'y a plus d'autres questions, la séance est levée et nous nous reverrons demain soir.
(La séance est levée.)