Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 21 - Témoignages du 23 mars 2011
OTTAWA, le mercredi 23 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 47, afin d'étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Lillian Eva Dyck (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs et aux membres du public qui suivent notre réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la chaîne CPAC ou dans Internet.
Je suis Lillian Dyck, et je viens de la Saskatchewan. Je suis vice-présidente du comité, et je remplace le sénateur Gerry St. Germain, le président du comité, car il ne pouvait pas être des nôtres ce soir.
Notre comité a pour mandat d'examiner les mesures législatives et les questions relatives aux peuples autochtones du Canada en général. Dans le cadre de ce mandat, nous avons entrepris une étude sur les stratégies possibles de réforme de l'enseignement primaire et secondaire dans les Premières nations en vue d'améliorer les résultats scolaires. L'étude porte notamment sur les ententes tripartites sur l'éducation, les structures de gouvernance et de prestation des services et les cadres législatifs possibles.
Nous devions entendre deux témoins ce soir, c'est-à-dire le ministre et le sous-ministre de l'Éducation, de la Culture et de la Formation du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Je crois que le ministre sera en retard, car il semble avoir éprouvé des difficultés avec ses vols.
Avant d'entendre le témoin qui est présent, j'aimerais vous présenter les membres du comité qui assistent à notre réunion. À ma gauche se trouvent le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick, et le sénateur Larry Campbell, de la Colombie-Britannique. À ma droite se trouvent le sénateur Nancy Ruth, de l'Ontario, le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique, et le sénateur Jacques Demers, du Québec.
Chers collègues, veuillez vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à notre témoin du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, M. Dan Daniels, le sous-ministre de l'Éducation, de la Culture et de la Formation. Monsieur Daniels, vous pouvez commencer avec votre exposé; vous pourrez ensuite répondre aux questions des sénateurs.
Dan Daniels, sous-ministre, ministère de l'Éducation, de la Culture et de la Formation, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Merci et bonsoir, sénateurs et membres du comité. Tout d'abord, je veux vous transmettre le message du ministre Lafferty, qui se dit désolé de ne pas pouvoir se joindre à nous ce soir. Il était en route, mais son vol a été retardé. Il arrivera donc à Ottawa plus tard que prévu.
Je suis Dan Daniels, sous-ministre de l'Éducation, de la Culture et de la Formation du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Tout d'abord, je tiens à vous remercier de permettre au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest de faire un exposé sur les possibilités pour les Autochtones d'atteindre un certain niveau de scolarité. Je comprends que vos travaux concernent surtout les apprenants des Premières nations, mais il est important que nous tenions compte des besoins de tous les apprenants autochtones lorsque nous nous efforçons d'améliorer le niveau de scolarité au pays.
C'est précisément le cas dans des endroits comme les Territoires du Nord-Ouest, où le gouvernement territorial supervise un seul système d'éducation public qui dessert tous les habitants, ce qui comprend les Premières nations, les Inuits, les Métis et les résidants non autochtones.
Je vais commencer par quelques données démographiques au sujet des Territoires du Nord-Ouest.
Les territoires comptent 33 collectivités; Yellowknife est la plus grande, avec une population de 19 500 habitants, et Kakisa, où vivent environ 55 personnes, est la plus petite. Vous serez peut-être intéressés par le fait qu'il y a seulement huit élèves qui fréquentent l'école de Kakisa cette année. Vous comprendrez qu'avec une si petite population, il est peu probable d'y retrouver des services comme des garderies.
Il est impossible ou difficile d'accéder à la plupart des collectivités des T.N.-O. par la route. Un grand nombre d'entre elles ne sont accessibles par la route que pendant la courte saison des routes d'hiver. L'éloignement et l'isolement entraînent des répercussions importantes sur de nombreux aspects de la collectivité, notamment sur la disponibilité du matériel pédagogique. L'aménagement d'installations ou la mise sur pied d'activités nécessitant des ressources doivent être minutieusement planifiés longtemps à l'avance afin de commander les matériaux et d'autres fournitures qui seront livrés par barge une fois par année, faute de quoi les résidants devront payer le coût élevé du transport aérien.
Les T.N.-O. profitent d'un taux d'emploi relativement sain et d'un bas taux de chômage, mais ces données, lorsqu'elles couvrent l'ensemble du territoire, dissimulent parfois le taux de chômage très élevé qui existe dans les petites collectivités.
La population des T.N.-O. est autochtone à 50 p. 100 environ, les plus petites collectivités étant à prédominance autochtone. On compte 11 langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest, et nous constatons que les langues autochtones sont de moins en moins parlées par les jeunes dans de nombreuses régions. Les T.N.-O. ont 49 écoles administrées par huit conseils scolaires et environ 65 p. 100 des élèves sont autochtones. Nous avons deux réserves, et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest y assure les services d'éducation par l'entremise des conseils scolaires.
Trois revendications territoriales sont réglées et une entente d'autonomie gouvernementale est signée; d'autres sont en négociation avec les peuples autochtones. La compétence en éducation est un aspect du mandat que le gouvernement autonome existant pourrait décider de réduire, et on pourrait s'attendre à ce que les gouvernements autonomes émergents suivent cette voie dans l'avenir.
Vous avez proposé un bon nombre de questions dont les témoins peuvent se servir pour orienter leur exposé, et je vais parler de certaines d'entre elles, mais je ne les aborderai pas toutes, sans toutefois oublier que la portée du mandat en éducation dans les Territoires du Nord-Ouest est différente de celle des provinces lorsqu'on parle des Premières nations et des Autochtones.
Selon votre comité, quels sont les principaux défis que pose la prestation à l'intention des élèves autochtones de programmes d'enseignement primaire et secondaire et quelles sont les principales possibilités? Je vais aborder ces questions.
Je pense que les T.N.-O. doivent relever de nombreux défis similaires à ceux qui se posent ailleurs dans le Sud du Canada. Je vais passer brièvement en revue un certain nombre d'entre eux, mais pas tous; je vais seulement parler des plus importants.
Le premier défi est lié au taux d'assiduité des élèves autochtones; en effet, il est beaucoup plus faible que celui des élèves non autochtones, et cela commence dès les premières années. Lorsque les élèves arrivent en 10e année, leurs absences équivalent à deux années scolaires; c'est beaucoup, et un grand nombre d'entre eux ont de la difficulté à rattraper leur retard sur le plan scolaire par la suite.
Le deuxième défi concerne l'engagement des parents. Étant donné que bien des adultes n'ont pas pu terminer leurs études secondaires à l'époque des pensionnats indiens, un bon nombre d'entre eux n'ont pas acquis les habiletés, les connaissances et la confiance dans l'éducation qui leur permettraient de soutenir leurs enfants dans leur scolarisation. Dans bien des cas, l'éducation est perçue comme relevant exclusivement des écoles.
Le troisième défi concerne les coûts. En effet, l'éloignement et l'isolement d'un grand nombre de nos collectivités signifient que le coût relatif à la réalisation des programmes et à la prestation des services d'éducation est élevé et c'est encore plus difficile dans les petites collectivités où les élèves sont peu nombreux. Il peut aussi être difficile pour les écoles d'offrir un large éventail de cours qui correspondent aux besoins et aux intérêts variés des élèves. Les soutiens spécialisés dont les élèves pourraient avoir besoin ne sont pas toujours disponibles sur-le-champ dans un grand nombre de nos plus petites collectivités, en raison de leurs coûts et de la difficulté à recruter des professionnels.
Le quatrième défi concerne la continuité. En effet, le roulement du personnel enseignant atteint 20 p. 100 en moyenne chaque année dans les Territoires du Nord-Ouest, et il est encore plus élevé dans les petites collectivités éloignées. De plus, une petite collectivité qui emploie quatre ou six éducateurs peut voir son taux de roulement atteindre 100 p. 100 certaines années. Les élèves ne peuvent donc pas profiter d'un lien durable avec des enseignants qui comprennent leurs besoins d'apprentissage et leurs intérêts.
Le cinquième est la pertinence du programme et des ressources. Il est difficile de s'assurer que le contenu du programme et les ressources ont une signification pour les élèves. Traditionnellement, nous dépendions des programmes et des ressources du Sud du Canada et souvent, leur contenu n'était pas pertinent pour les élèves du Nord.
Le sixième et dernier point est l'accès à Internet. Dans les T.N.-O, la plupart des élèves n'ont pas le même genre d'accès à Internet que dans les autres parties du Canada. En conséquence, plus le web est utilisé à des fins éducatives, plus les élèves du Nord sont désavantagés sur le plan éducatif par rapport à ceux du Sud.
Votre question portait en partie sur les meilleures façons de régler ces problèmes. Pour ce faire, nous avons pris plusieurs mesures, dont certaines sont mises en œuvre depuis plusieurs années. Toutefois, nous avons aussi mis en œuvre un nouveau processus d'engagement pour nous assurer que tous comprennent qu'ils ont un rôle important à jouer dans l'éducation des élèves. Une nouvelle initiative, qu'on appelle l'initiative d'amélioration de la réussite scolaire des Autochtones, a été lancée pour favoriser la participation active des éducateurs, des gouvernements autochtones, des collectivités et des familles au soutien de l'éducation des jeunes. Un des résultats escomptés est que chaque région et collectivité cible les problèmes les plus importants et élabore des plans d'action en matière d'éducation qui permettront de régler ces problèmes.
Dans le cadre de l'initiative, on a lancé une série d'activités promotionnelles afin d'envoyer aux élèves et aux parents un message clair sur la nécessité d'améliorer l'assiduité à l'école et sur les répercussions de l'absentéisme sur la réussite scolaire. Les nouvelles mesures — et celles qui viendront par la suite — seront centrées sur quatre grands thèmes : le développement de la petite enfance, ou la préparation à l'école; l'alphabétisation; l'aide aux élèves et aux familles; les langues autochtones et l'élaboration du programme d'études.
L'initiative est fondée sur le principe même du réseau de l'éducation des Territoires du Nord-Ouest. Le gouvernement territorial s'occupe des cadres législatif et financier, et nous établissons les normes relatives au programme, aux critères d'obtention du diplôme et aux compétences des enseignants. Le mandat des responsables de l'éducation est de fournir aux élèves des programmes et des services en matière d'éducation dans leurs collectivités respectives, et ils ont le pouvoir d'affecter les ressources de la façon qu'ils jugent la plus appropriée pour satisfaire aux besoins en éducation de leurs élèves.
Reconnaissant que l'apprentissage commence bien avant l'entrée des élèves dans le réseau scolaire, nous examinons également notre cadre de développement de la petite enfance afin de faire les ajustements nécessaires à l'amélioration des mesures d'aide à la petite enfance, ce qui consiste notamment à mieux préparer les jeunes enfants à entrer dans le réseau scolaire. Nous fournissons actuellement du soutien aux intervenants de ce secteur afin de mettre en œuvre des programmes de la petite enfance, ce qui inclut les programmes de « renaissance » de la langue, et nous soutenons les programmes d'alphabétisation des enfants et des familles. Cependant, on constate toujours que trop souvent, les enfants qui entrent dans le système scolaire n'ont pas toutes les compétences de base essentielles à leur réussite scolaire.
Une éducation réussie est largement déterminée par la qualité des enseignants. Nous avons une stratégie de formation des enseignants visant à inciter plus d'Autochtones du Nord à devenir enseignants afin qu'ils puissent soutenir un système d'éducation fondé sur la culture et apporter une plus grande stabilité à notre corps enseignant, en particulier dans les petites collectivités éloignées. Le programme est offert par le Collège Aurora, le seul établissement d'enseignement postsecondaire public des Territoires du Nord-Ouest, qui travaille en étroite collaboration avec l'Université de la Saskatchewan. Nous avons rétabli un programme d'éducation à l'échelle locale dans une tentative d'attirer davantage d'étudiants des petites collectivités vers le programme.
Le programme de formation des enseignants est étroitement lié au Programme des initiatives communautaire en langues autochtones, ou PICLA, un programme de deux ans menant au diplôme. Il est conçu pour fournir aux éducateurs les compétences nécessaires à l'enseignement de la langue et de la culture autochtones. Les étudiants peuvent suivre ce programme à temps plein ou partiel.
Nous reconnaissons aussi l'importance de la formation continue des éducateurs. Nous fournissons aux éducateurs des services d'aide à l'interne afin qu'ils puissent mettre en œuvre les nouveaux programmes, les programmes revus et les ressources. Dans le cadre de la convention collective signée avec la Northwest Territories Teachers' Association, nous nous sommes aussi engagés à financer le perfectionnement professionnel. L'accord prévoit que 2,25 p. 100 du salaire des enseignants doit être consacré à leur perfectionnement professionnel.
Dans le cadre de l'initiative d'amélioration de la réussite scolaire des Autochtones, nous avons également mis en place un programme d'orientation culturelle obligatoire auquel tous les enseignants doivent participer au début de chaque année scolaire. Cette initiative aide les enseignants à connaître les collectivités et les cultures dans lesquelles ils évolueront et à mieux connaître et comprendre leurs élèves. Depuis maintenant quelques années, nous avons également soutenu le Programme d'insertion professionnelle du nouveau personnel enseignant des T.N.-O, dans le cadre duquel, dans chaque école, les enseignants expérimentés sont jumelés à des enseignants débutants afin de leur offrir un soutien qui les aidera à s'adapter aux exigences de la profession et à se familiariser avec les collectivités dans lesquelles ils vont travailler.
Nous avons également le Programme de leadership en éducation; tous les directeurs d'école doivent terminer ce cours s'ils souhaitent continuer à exercer ce rôle dans nos écoles. Le programme est conçu pour développer le rôle de chef de file sur le plan pédagogique des directeurs d'école, et on y aborde des sujets tels que l'apprentissage fondé sur la culture, l'engagement communautaire, les écoles culturellement adaptées et la planification de l'amélioration des écoles, entre autres.
Pour aider à gérer le coût élevé de l'exécution des programmes et de la prestation des services, nous cherchons aussi d'autres façons d'offrir des programmes éducatifs par la formation à distance, y compris Internet. Comme je l'ai mentionné plus tôt, dans beaucoup de nos collectivités, l'accès à l'Internet pose problème. Afin d'offrir aux écoles un meilleur accès à Internet, un de nos projets actuels consiste à évaluer l'efficacité de l'utilisation du réseau d'accès à Internet du gouvernement par les écoles. Les premiers résultats sont prometteurs.
La reddition de comptes est un autre aspect essentiel si l'on veut s'assurer que le réseau scolaire satisfait aux besoins des élèves. À cette fin, toutes les écoles sont tenues d'élaborer un plan d'amélioration qui indique quelles actions stratégiques elles mettent en œuvre pour satisfaire aux besoins en éducation des élèves.
Malgré les nombreuses mesures adoptées pour améliorer le réseau scolaire du Nord, nous avons toujours des difficultés pour ce qui est de la satisfaction des besoins scolaires des élèves autochtones. Certains sont attribuables aux effets durables de l'époque des pensionnats, et d'autres sont liés au coût élevé de l'exécution des programmes et de la prestation des services aux petites collectivités éloignées, où le nombre d'étudiants peut être assez bas.
Pour ce qui est des accords tripartites, le gouvernement territorial n'y participe pas parce qu'il a la pleine compétence en matière d'éducation dans les Territoires du Nord-Ouest. Néanmoins, s'il existe des programmes nationaux qui contribuent à soutenir la réussite scolaire des élèves des Premières nations, nous aimerions savoir en quoi cela permettrait d'aider les élèves autochtones des Territoires du Nord-Ouest. C'est particulièrement important pour les gouvernements autochtones des T.N.-O qui choisissent de s'occuper de l'éducation dans le cadre des ententes sur l'autonomie gouvernementale.
Je vous suis reconnaissant d'avoir eu l'occasion de faire un exposé ce soir et de pouvoir vous donner un aperçu des problèmes clés en matière d'éducation et des initiatives que nous avons mises en place pour améliorer les résultats scolaires des élèves autochtones dans les Territoires du Nord-Ouest.
La vice-présidente : Merci de votre exposé, monsieur Daniels. Sénateurs, si vous désirez poser une question, je vous prie de m'en faire part. Je vais commencer par quelques questions d'ordre général.
Vous avez parlé de la complexité des collectivités dans les Territoires du Nord-Ouest, et vous avez dit que vous avez plusieurs petites collectivités et une ville plus grande, Yellowknife. Diriez-vous que la majorité de vos collectivités sont petites et que votre plus grande difficulté est de composer avec ces collectivités qui sont très éloignées les unes des autres, à un point tel qu'il est difficile d'avoir les installations, les enseignants et la structure nécessaires pour offrir des classes de la maternelle à la huitième année?
M. Daniels : Oui, c'est certainement un défi. La population totale des Territoires du Nord-Ouest est d'environ 42 000 personnes, dont près de la moitié vivent à Yellowknife. Il y a plusieurs autres grands centres régionaux, comme Fort Smith, Inuvik et Hay River, qui sont les trois centres en importance. La majorité de nos collectivités comptent certainement moins de 1 000 habitants; l'éloignement et l'isolement de plusieurs d'entre elles posent problème.
Il y a aussi quelques avantages à avoir de petites écoles parce que dans certaines collectivités, les enseignants ont plus de temps à consacrer à chaque élève, puisqu'ils sont peu nombreux. Il y a quelques inconvénients aussi, comme le fait de ne pas avoir un large éventail de cours, du soutien à l'éducation ou à l'enseignement qu'on pourrait offrir dans une école plus grande.
La vice-présidente : Vous avez parlé d'inclure la culture et la langue dans votre programme. Vous avez mentionné 11 langues autochtones. Y a-t-il une langue dominante? Pensez-vous que le réseau scolaire pourra offrir des cours dans les 11 langues, ou devrez-vous choisir?
M. Daniels : Je dois préciser que nous avons 11 langues officielles. Neuf sont des langues autochtones, auxquelles s'ajoutent l'anglais et le français. L'anglais est la langue dominante dans les T.N.-O. Nous avons un conseil scolaire francophone. Parmi les neuf langues autochtones, je dirais que la langue tlicho est la plus forte. Plusieurs autres langues ont très peu de locuteurs. Nous faisons des efforts pour développer des programmes en langue autochtone qui pourraient être utilisés de la maternelle à la neuvième année. Il est difficile d'attirer les gens vers le programme d'enseignement de la langue et de la culture autochtones, car très peu de personnes parlent la langue. Avant de pouvoir offrir dans nos écoles certaines ressources éducatives qui fonctionnent, nous devons offrir certaines compétences linguistiques fondamentales.
Le sénateur Campbell : Yellowknife est bien loin d'Ottawa, et je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps de venir ici. Ma question porte sur l'Accord sur l'éducation des Inuits et le Comité national sur l'éducation des Inuits. Les T.N.-O en font-ils partie?
M. Daniels : Oui, nous faisons partie de l'Accord sur l'éducation des Inuits. Nous en sommes à l'étape de l'élaboration d'une stratégie. Le groupe de travail s'emploie activement à la mise au point de cette stratégie.
Le sénateur Campbell : Combien d'Inuits vivent dans les Territoires du Nord-Ouest?
M. Daniels : Environ 13 p. 100 de nos quelque 9 000 élèves sont de descendance inuite.
Le sénateur Campbell : Un programme continu est-il près de se concrétiser?
M. Daniels : Pour ce qui est de la stratégie de l'Accord sur l'éducation des Inuits, le groupe de travail est en train d'y mettre la touche finale. Il faudra sans doute déterminer où il faudra investir. Actuellement, une partie des difficultés du comité est liée à la préparation d'un plan de mise en œuvre afin de voir comment ces différentes initiatives pourraient se concrétiser.
Le sénateur Campbell : Est-ce pour bientôt?
M. Daniels : Je pense qu'il y a encore du chemin à faire avant que ce soit en forme finale. Nous croyons que cela se fera d'ici deux à trois mois.
Le sénateur Campbell : Je pose la question parce que d'après mes renseignements, le comité s'est réuni trois fois entre septembre 2009 et avril 2010, et nous sommes maintenant en 2011. Si la stratégie est mise au point d'ici les deux ou trois prochains mois, alors ce serait bien.
Une des questions qui revient toujours est celle des ressources. Savoir de qui viennent les ressources pour cette initiative est-il un enjeu important?
M. Daniels : Pour l'éducation dans les Territoires du Nord-Ouest, le financement provient des paiements de transfert du gouvernement fédéral. Ensuite, le gouvernement des T.N.-O détermine l'affectation des ressources aux différents ministères, qui les utiliseront à des fins différentes. Le gouvernement déterminera le montant affecté à l'éducation.
Le sénateur Campbell : Le transfert du gouvernement fédéral au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est affecté spécifiquement à l'éducation, n'est-ce pas?
M. Daniels : Non. Les fonds ne sont pas affectés à l'éducation; il s'agit d'une enveloppe globale.
Le sénateur Campbell : Est-ce seulement un montant global?
M. Daniels : Oui, puis notre gouvernement répartit les ressources du montant global, qui comprend le transfert du gouvernement fédéral et nos propres revenus.
Le sénateur Campbell : Pensez-vous que c'est une façon adéquate de financer l'éducation?
M. Daniels : C'est un bon modèle, dans le sens que les décisions sur l'affectation des ressources sont prises par les gens des Territoires du Nord-Ouest. Comme nous nous dirigeons vers l'autonomie gouvernementale, c'est certainement la direction que nous prendrons à l'avenir.
Le sénateur Campbell : C'est bon de vous l'entendre dire.
Le sénateur Nancy Ruth : Merci d'être venu. Quand je pense à 33 collectivités et 20 000 personnes, c'est incompréhensible. Je suis originaire de Toronto; il est donc difficile pour moi de m'imaginer un village ou une collectivité avec huit élèves et du personnel qui ne reste pas. Je ne peux même pas l'imaginer.
Si vous aviez une baguette magique, quelles seraient vos trois priorités?
M. Daniels : La première serait d'améliorer l'assiduité des élèves, parce que les inciter à fréquenter l'école fera une énorme différence. La deuxième priorité serait de veiller à doter les Territoires du Nord-Ouest d'un corps enseignant stable. Comme je l'ai mentionné, nous avons un roulement de personnel enseignant élevé. Nous dépendons beaucoup des enseignants des autres régions du Canada pour combler nos besoins. La troisième priorité — et je ne les mets pas dans un ordre précis — serait d'améliorer l'accès à Internet dans nos écoles.
Le sénateur Nancy Ruth : Le collège communautaire offre-t-il un cours de formation des enseignants?
M. Daniels : Oui, le Collège Aurora offre un programme de premier cycle en collaboration avec l'Université de la Saskatchewan.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce pour tous les niveaux d'enseignement, ou seulement pour les choses liées au développement de la petite enfance?
M. Daniels : C'est un programme d'enseignement de la maternelle à la neuvième année.
Le sénateur Nancy Ruth : Parmi les étudiants qui s'inscrivent au programme, combien sont des Autochtones ou parlent une langue autochtone?
M. Daniels : La majeure partie des étudiants qui s'inscrivent au programme sont des Autochtones. On parle d'environ 90 p. 100. Ce n'est pas un programme exclusif. Il est ouvert à tous les étudiants du Nord. En plus des étudiants qui participent au programme de formation des enseignants au Collège Aurora, certains de nos étudiants qui choisissent de suivre un programme de formation des enseignants ailleurs au pays.
Le sénateur Nancy Ruth : J'ai une hypothèse — n'hésitez pas à me corriger — selon laquelle en matière d'emploi, le secteur des services est un employeur important dans les T.N.-O. Est-ce exact?
M. Daniels : Le gouvernement est le principal employeur des Territoires du Nord-Ouest. Il y a beaucoup d'emplois dans l'industrie minière et dans le secteur des transports aussi. Le tourisme est un autre secteur important.
Le sénateur Nancy Ruth : J'ai entendu dire que le gouvernement des T.N.-O avait demandé que 10 p. 100 des diamants soient taillés et polis dans les T.N.-O et qu'on avait fait venir des Arméniens ou des gens pour enseigner la taille et le polissage des diamants, mais que cela n'avait pas eu le succès escompté. Est-ce le cas, et si oui, savez-vous pourquoi cela n'a pas fonctionné?
M. Daniels : Nous avons signé plusieurs ententes avec des entreprises de taille et de polissage qui se sont installées aux Territoires du Nord-Ouest. Une partie du problème est lié au coût de la vie dans les Territoires du Nord-Ouest et à essayer de verser aux travailleurs un salaire décent tout en s'assurant que le coût du produit fini est concurrentiel sur le marché international. Très souvent, les entreprises constatent qu'elles peuvent faire le travail à un coût beaucoup moins élevé ailleurs dans le monde.
Le sénateur Nancy Ruth : Dans les T.N.-O, combien d'autres tentatives a-t-on faites pour attirer des entreprises qui œuvrent dans un secteur autre que celui des services et qui pourraient connaître du succès? Je tourne autour de la question suivante : dans quel but offrez-vous de la formation à ces personnes, et à quoi ressemble l'avenir?
M. Daniels : Le travail est certainement en partie lié au secteur d'extraction des diamants, à l'exploitation minière souterraine, et le reste. Le Collège Aurora offre un certain nombre de programmes de formation qui préparent les gens à travailler dans le secteur minier. Nous avons un protocole d'entente avec les mines de diamants en vue de recruter, de retenir et d'attirer plus de gens du Nord dans l'industrie.
Des accords socio-économiques ont été signés entre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et les sociétés minières. Les gouvernements autochtones ont aussi signé des accords de ce genre avec les sociétés minières. L'objectif est surtout de favoriser la création d'emplois et le développement des entreprises qui soutiennent l'industrie minière.
L'autre projet important qui se dessine, sans aucun doute, est la construction possible du pipeline de la vallée du Mackenzie. Cela ne se fera pas avant quelques années. Toutefois, nous aimerions adopter une démarche semblable à celle du développement des mines, c'est-à-dire que nous allons essayer de conclure des accords avec les promoteurs pour que cela se traduise en emplois et en occasions d'affaires qui profiteront aux gens du Nord.
Le sénateur Nancy Ruth : Permettez-moi de comprendre. Sans ressources naturelles, les entreprises ne peuvent se développer. Le gouvernement conclut ces ententes, que ce soit pour le pipeline, les mines de diamants ou les anciennes mines d'or, pour qu'en bénéficie la population des Territoires du Nord-Ouest. Cependant, accroître une assiette fiscale fondée sur les petites entreprises ne se fera pas avec des pizzerias.
M. Daniels : Un des défis que nous devons relever est de trouver des façons d'augmenter nos recettes fiscales; ce fut particulièrement le cas ces deux dernières années en raison du ralentissement de l'économie mondiale. Cela a eu une incidence sur notre capacité d'augmenter nos recettes fiscales.
Le sénateur Nancy Ruth : C'est une chance pour les T.N.-O de vous avoir comme sous-ministre. C'est une situation difficile.
M. Daniels : Merci.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Bienvenue. Dans votre mémoire, vous avez parlé de 20 défis, et vous venez d'en nommer quelques-uns. Beaucoup d'Autochtones sont venus témoigner. Chaque fois, on nous a parlé d'un plafond de 2 p. 100. Je ne sais pas si cela s'applique à votre région. Toutefois, si c'est le cas, et si on l'augmentait, cela permettrait-il d'augmenter le taux de diplomation des élèves ou d'améliorer vos écoles?
M. Daniels : Je vous remercie de la question. La question des 2 p. 100 ne touche pas les T.N.-O. Je crois comprendre que ce plafond concerne davantage les écoles des réserves et passe par les conseils de bande. Par conséquent, les Territoires du Nord-Ouest ne sont pas touchés par cette mesure.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Dans les 33 collectivités dont vous avez parlé, combien d'écoles connaissent du succès par rapport au taux de fréquentation des élèves et combien échouent? Aussi, savez-vous pourquoi?
M. Daniels : Nous observons des niveaux accrus de réussite scolaire, et c'est dans les petites collectivités et chez les élèves autochtones que nous le constatons. C'est là qu'est la plus forte croissance et d'où proviennent la majorité des diplômés du secondaire.
Ces dernières années, le principal facteur de l'augmentation de la réussite scolaire est une politique mise en œuvre par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dans le milieu des années 1990. Jusque-là, nous avions continué à exploiter un système de pensionnats. À cette époque, le gouvernement a décidé de fermer les pensionnats et d'offrir des classes allant jusqu'à la 12e année dans les collectivités, dans la mesure du possible. Presque toutes nos écoles offrent maintenant le programme complet. Des 33 collectivités, seulement cinq ou six ne l'offrent pas. Étant donné qu'il n'y a pas assez d'élèves dans certaines des plus petites collectivités, les élèves sont envoyés dans une école d'un grand centre de la région. Ils vivent en milieu familial plutôt qu'au pensionnat.
C'est le facteur le plus important du changement survenu ces dernières années. C'est très prometteur. Nous avons encore beaucoup à faire pour améliorer le système. Cependant, nous croyons que nous sommes sur la bonne voie.
Le sénateur Demers : Je vous remercie d'être ici, monsieur Daniels. Vous avez parlé de l'assiduité des élèves. En vieillissant, ces jeunes — tant les garçons que les filles — manquent-ils de motivation parce qu'ils considèrent qu'ils n'ont pas d'avenir? Se demandent-ils pourquoi il est si important d'aller à l'école et, s'ils y vont, ce qu'ils en retireront? Est-ce une question qui vous semble pertinente?
M. Daniels : C'est certainement un facteur. Beaucoup de facteurs complexes entrent en jeu et ont une incidence sur l'assiduité des élèves, comme l'absence de perspectives d'emplois dans certaines des plus petites collectivités. Cela peut certainement être décourageant pour les familles et les jeunes enfants s'ils ne comprennent pas que la récompense vient à long terme.
Le sénateur Hubley : Je vous remercie d'être ici. Je m'excuse de ne pas avoir assisté à toute la séance. Ma question porte sur l'écart du niveau de scolarité. J'espère qu'on ne vous l'a pas déjà posée.
En 2004, la vérificatrice générale a indiqué qu'il faudrait 18 ans pour combler l'écart du niveau de scolarité qui existe entre les élèves des Premières nations et ceux du reste du Canada.
Le même écart existe-t-il dans les Territoires du Nord-Ouest?
M. Daniels : Il y a un écart dans les résultats scolaires des Autochtones et des non-Autochtones. Nous avons fait d'énormes progrès. Je préfère être optimiste et penser que cela ne prendra pas 18 ans. Nous pouvons réduire cet écart en beaucoup moins de temps.
Pour y arriver, nous devons faire plusieurs choses. Il faut d'abord commencer par nos programmes de la petite enfance et mettre un très fort accent sur l'alphabétisation. Ensuite, nous devons nous concentrer sur l'établissement de liens solides entre les écoles, les parents, les familles et les autres personnes dans la collectivité pour que l'on considère cela comme une responsabilité partagée. Chacun a un rôle à jouer et tous ont intérêt à améliorer les résultats scolaires des élèves autochtones.
Cela ne s'applique pas seulement aux élèves autochtones. Pour les habitants des Territoires du Nord-Ouest — et comme nation — c'est donc logique, tant sur le plan économique que commercial.
Le sénateur Hubley : Comment évaluez-vous le rétrécissement de cet écart? Fait-on passer des examens à tous les enfants canadiens ainsi qu'à ceux des Territoires du Nord-Ouest?
M. Daniels : Il n'y a rien à l'échelle nationale. Les provinces et les territoires — pas tous, cependant — ont participé à des examens à l'échelle internationale.
Nous l'évaluons en comparant le nombre de diplômés chez les élèves autochtones et non autochtones, et nous constatons cet écart. En 2004, nous avons mis en œuvre des examens normalisés car nous savions qu'attendre jusqu'à la 12e année serait un peu tard pour examiner les différences. Ces examens sont ceux du gouvernement de l'Alberta, parce que notre programme est fondé en grande partie sur celui de cette province.
Nous avons mis en œuvre les Alberta Achievement Tests, qui évaluent les connaissances linguistiques et les aptitudes en mathématiques chez les élèves de troisième, sixième et neuvième années. Les différences dans les résultats scolaires sont alors déjà perceptibles.
Un autre outil d'évaluation que nous avons mis en place est l'évaluation fonctionnelle en fonction du niveau scolaire. Il s'agit essentiellement d'une évaluation faite par les enseignants, qui déterminent à quel niveau de performance se situent les élèves par rapport à la moyenne pour ce groupe d'âge.
Nous faisons ces comparaisons. Nous utilisons ces données pour déterminer l'écart scolaire, et nous constatons que ces lacunes apparaissent à un très jeune âge chez les élèves de notre réseau scolaire.
Le sénateur Hubley : Pour faire un suivi concernant les mines de diamants, les sociétés minières appuient-elles le réseau scolaire par l'octroi de bourses, la construction d'infrastructures, et cetera? Cela fait-il partie de leur responsabilité sociale?
M. Daniels : Un des aspects est que les sociétés ont conclu des ententes sur les retombées avec les gouvernements autochtones dans les régions où se trouvent les mines de diamants. Elles ont fourni des ressources aux gouvernements autochtones. Nous ne sommes pas une partie intéressée dans ces accords, mais je sais que certains gouvernements autochtones ont utilisé une partie de cet argent pour mettre en place des bourses d'études, par exemple, afin d'aider les élèves des niveaux primaire, secondaire et postsecondaire.
Elles ont également soutenu l'alphabétisation. Par exemple, une de ces sociétés fournit des livres pour soutenir les programmes d'alphabétisation pour les enfants et les familles et leur donne accès à des livres. D'autres ont soutenu les programmes d'infrastructures pour les écoles, dont un centre de métiers et de technologie à Yellowknife qui prépare les étudiants à acquérir des compétences qu'ils pourront utiliser dans l'industrie du diamant ou pour apprendre un métier.
La vice-présidente : Avant de passer au sénateur Raine, je voudrais poser une question supplémentaire sur l'écart scolaire. Voyez-vous des différences entre les sexes dans les taux de réussite au secondaire?
M. Daniels : Les dernières données annuelles à ma disposition indiquent qu'il y a de faibles écarts. De toute évidence, il y a plus de filles qui terminent leurs études que de garçons; en 2009, environ 55 p. 100 des diplômés étaient des filles. C'est aussi ce qu'on observe pour les taux d'inscription au niveau postsecondaire. On constate que plus de filles que de garçons fréquentent l'école.
La vice-présidente : La différence dans les taux au postsecondaire pourrait-elle être attribuable, par exemple, au programme de formation des enseignants, où l'on semble trouver plus de femmes que d'hommes dans l'enseignement?
M. Daniels : Le Collège Aurora offre plusieurs programmes, dont la formation des enseignants. Le travail social est un autre programme qui est à prédominance féminine. Il y a aussi un programme en soins infirmiers. Donc, tous les trois pourraient avoir une incidence sur certains de nos chiffres.
Le sénateur Raine : La situation que vous vivez dans les Territoires du Nord-Ouest est très différente de celle qui prévaut dans n'importe quelle autre région du Canada. Non seulement vous avez un vaste territoire où il n'y a qu'une petite ville — Yellowknife — et de nombreuses collectivités de différentes tailles, toutes plus ou moins éloignées, mais vous offrez aussi, dans les mêmes classes, des cours aux Autochtones et aux non-Autochtones. Créer un programme et faire en sorte qu'il inspire les élèves à vouloir réussir doit être très difficile.
M. Daniels : Un de nos plus grands défis est de satisfaire aux besoins différents des élèves. Nos collectivités ont tendance à être assez inclusives, quelle que soit l'origine des gens. Parce que nos collectivités sont petites, pour la plupart, les gens ont tendance à se considérer comme des membres d'une collectivité plutôt que d'un groupe en particulier, qu'ils soient des Déné, des Métis, des Inuits ou des non-Autochtones. Cependant, dans nos efforts pour faire des choses comme aider à revitaliser les langues autochtones, cela peut parfois être un problème quand on se trouve dans une situation où, dans une école ou dans une région donnée, il n'y a que très peu d'élèves.
Le sénateur Raine : Il y a environ cinq ou six mois, un témoin nous a parlé de la nécessité de créer des programmes pertinents, particulièrement dans les régions éloignées, où l'on aborde et valorise la question de l'apprentissage provenant de l'extérieur de l'école. Il s'agirait d'une formation offerte par des aînés ou des personnes qui apprennent à connaître le mode de vie traditionnel, l'art et toutes ces choses. Est-il possible d'intégrer cela dans vos programmes de formation?
M. Daniels : Nous le faisons certainement de plusieurs façons. Dans les T.N.-O, nous avons le programme Déné Kede, dans lequel on tente d'intégrer la culture des Dénés dans l'approche globale de nos différents programmes. Nous avons également un autre programme, Inuuqatigiit, conçu spécifiquement pour les élèves inuits. Donc, nous avons recours à ces deux programmes.
Nous faisons beaucoup de travail pour élaborer un programme en langue autochtone. Il nous en reste encore un peu à faire. Deux ou trois régions ont participé à un projet pilote en langue autochtone, et nous espérons en tirer des leçons qui nous aideront à progresser.
Nous avons aussi une exigence particulière pour l'obtention du diplôme. J'ai déjà mentionné que beaucoup de nos programmes d'études sont fondés sur le système albertain. Pour obtenir leur diplôme, les élèves qui terminent leurs études secondaires doivent passer les examens du ministère de l'Éducation de l'Alberta. Ils doivent aussi, au secondaire, suivre un cours en études nordiques. Voilà un des aspects uniques de cette exigence. L'objectif de ce cours d'études nordiques est de s'assurer que chaque élève a une compréhension et une connaissance des Territoires du Nord-Ouest, et cela inclut les cultures autochtones.
Le sénateur Raine : C'est une chose très importante à faire parce qu'il se passe actuellement beaucoup de choses dans les Territoires du Nord-Ouest par rapport au pipeline de la vallée du Mackenzie. De nombreuses études sont en cours pour analyser les bassins hydrologiques et apprendre à les protéger; il y a aussi des études biologiques, zoologiques et géologiques.
Pour cela, il faut des études postsecondaires. Mais si on peut établir un lien avec les gens qui vivent sur ces terres et tenir compte des connaissances traditionnelles des Autochtones, cela pourrait inciter certaines personnes à vouloir y participer. Est-ce ce qui se passe?
M. Daniels : Oui. Plusieurs de nos écoles offrent beaucoup de cours sur le terrain. Beaucoup d'écoles amènent les élèves sur le terrain et font appel aux aînés ou à d'autres Autochtones de la collectivité qui sont reconnus comme ayant une très bonne connaissance de ce milieu et de cette culture. Ainsi, les élèves ont l'occasion d'aller sur le terrain.
Les élèves ont également l'occasion de démontrer qu'ils possèdent d'autres sources de connaissance découlant de leur propre expérience familiale. Ainsi, les enseignants peuvent constater que les élèves possèdent effectivement une base de connaissances. Les exigences scolaires de certaines écoles n'en tiennent peut-être pas compte, mais les élèves possèdent effectivement une base de connaissances qui est significative pour leur collectivité et leur culture.
Le sénateur Raine : Je m'éloigne un peu du sujet, mais je me souviens d'avoir eu, au cours de mon éducation, un professeur plus âgé, un homme ayant probablement 20 ans de plus que tous les autres professeurs, mais qui avait passé un certain temps dans le Nord. Il s'écartait constamment du programme d'études en nous racontant des histoires à propos du Nord, de son immensité et de sa population. Pour moi qui vivais à six milles de la frontière américaine, il brossait un tableau qui, aujourd'hui encore, m'intrigue.
Il est important que les gens qui accomplissent des choses là-bas participent également à l'éducation. Votre programme de formation des enseignants accueille-t-il des gens qui ont fait carrière dans d'autres domaines?
M. Daniels : Oui. Le programme de formation des enseignants est ouvert à tous ceux qui souhaitent le suivre. Pour obtenir leur diplôme, les participants doivent satisfaire à certaines exigences. Cependant, nous invitons des gens de tous les horizons à venir travailler dans notre système scolaire.
Parfois, il est difficile de recruter un professeur ayant certaines connaissances. Par conséquent, nous sommes en mesure d'accorder des certificats spécialisés qui reconnaissent les compétences particulières que des personnes peuvent enseigner aux élèves. Si elles n'ont pas reçu une formation d'enseignant, elles sont souvent secondées par des enseignants certifiés lorsqu'elles travaillent dans nos écoles.
Le sénateur Raine : C'est formidable. Il faut être créatif pour affecter les bonnes personnes à ce travail.
M. Daniels : C'est exact.
Le sénateur Raine : Merci. Nous trouvons cette question fascinante, et nous espérons que notre rapport pourra y apporter des solutions.
Dans le récent budget, on a annoncé que les médecins et les infirmières qui étaient prêts à déménager dans des endroits éloignés seraient dispensés de rembourser leurs prêts aux étudiants. Pensez-vous qu'une mesure semblable pourrait être utilisée également dans le domaine de l'éducation afin d'attirer un plus grand nombre d'enseignants, ou est-il préférable que vous développiez vos propres ressources?
M. Daniels : Nous nous efforçons surtout de développer nos propres ressources, non seulement pour assurer leur stabilité, mais aussi pour veiller à ce que notre système d'éducation témoigne de la culture de nos collectivités.
Nous voyons toujours d'un bon œil les mesures qui visent à inciter les gens à déménager dans des collectivités éloignées ou isolées. C'est en partie ce que nous faisons nous-mêmes dans le cadre du programme d'aide financière aux étudiants des Territoires du Nord-Ouest. Nous offrons aux étudiants qui veulent faire des études postsecondaires un ensemble de bourses et de prêts. Certains de ces prêts peuvent faire l'objet de dispenses de remboursement si les gens reviennent dans les Territoires du Nord-Ouest. La mesure dans laquelle les étudiants sont dispensés de rembourser augmente en fonction de l'isolement des collectivités dans lesquelles ils vont s'établir.
Le sénateur Nancy Ruth : Lorsque vous parliez de « l'accès à Internet », à quelles complications des services à large bande pensiez-vous? Qu'est-ce que cela a à voir avec l'éducation?
M. Daniels : En raison de notre géographie, il serait difficile d'installer des fibres optiques. Nous devons trouver d'autres moyens d'assurer l'accès à Internet. Dans de nombreuses régions du pays, les étudiants qui suivent des cours par Internet ou qui utilisent Internet pour accéder à des ressources ont besoin d'une bande très large en raison de la nature imagée de l'enseignement. Si la largeur de bande est limitée, le téléchargement des renseignements vers l'amont ou vers l'aval peut être ralenti ou retardé. Cela peut causer beaucoup de frustrations aux étudiants et aux enseignants qui emploient ces outils pour compléter ce qu'ils font en classe.
Ce que j'envisage surtout, c'est la possibilité d'aider nos plus petites collectivités où il se peut que nous ne puissions pas embaucher des enseignants ayant des connaissances spécialisées. Toutefois, à l'aide d'Internet, un professeur pourrait être en mesure de consulter une personne d'une autre région ou même d'une autre partie du pays qui possèdent ces connaissances.
Le sénateur Nancy Ruth : Qu'est-ce qui peut être fait pour vous fournir une bande assez large pour vos téléchargements?
M. Daniels : Il faudrait investir pour améliorer l'infrastructure globale d'Internet.
Le sénateur Nancy Ruth : Parlez-vous de l'accès par satellite?
M. Daniels : Cela fait partie de la solution. L'autre partie de la solution consiste à veiller à ce que nous ayons un meilleur accès aux canalisations qui composent Internet. À l'heure actuelle, nous y avons accès dans une certaine mesure, mais cet accès est limité. Il est très important pour nous de trouver des moyens d'accroître cet accès.
Le sénateur Campbell : Ce problème concernant Internet m'intrigue. J'ai passé beaucoup de temps dans les Territoires du Nord-Ouest — à Resolute Bay, à Igloolik et dans l'Arctique. Ils ont accès à Internet à Alert Bay, qui se trouve un peu plus loin que le bout du monde. Si c'est possible à Alert Bay, pourquoi les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Yukon ne bénéficient-ils pas du même accès? Je ne comprends pas en quoi consiste la difficulté. Il semblerait que nous sommes déjà en mesure d'offrir ce service. Comme vous l'avez décrit, cela ressemble à des canalisations. Tout ce dont vous avez besoin, c'est d'un raccordement qui se rende dans les Territoires du Nord-Ouest.
M. Daniels : Le problème, c'est le coût. Il est vrai qu'un certain nombre de collectivités des Territoires du Nord- Ouest ont accès à Internet. Cependant, l'accès d'autres collectivités est moins fiable, car il est difficile d'acheminer tout le trafic au moyen d'un seul raccordement. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dispose d'un seul raccordement pour gérer les échanges sur Internet. Le système d'éducation, le système de santé et tous les autres ministères se partagent cet accès. Par conséquent, les écoles tentent d'accéder à ce raccordement. Il faut s'assurer que nous disposons des ressources nécessaires pour élargir ce raccordement, ou il faut trouver des moyens d'accélérer l'accès. Les collectivités qui n'ont pas l'infrastructure nécessaire pour offrir un service Internet à haute vitesse éprouvent des difficultés.
Le sénateur Campbell : L'un de nos problèmes, c'est, bien entendu, la souveraineté du Nord. C'est un gros problème pour tous les Canadiens. Et, si c'est le cas, votre population revêt une importance beaucoup plus grande pour nous, non en raison de sa taille, mais en raison de son lieu de résidence. Il me semble que prolonger ces canalisations non seulement jusqu'aux Territoires du Nord-Ouest, mais aussi jusqu'au Nunavut et jusqu'au Yukon, serait rentable en fin de compte. Êtes-vous d'accord avec ce que je dis?
M. Daniels : À long terme, cette approche serait très efficace pour améliorer l'accès à des services tels que ceux offerts par le système d'éducation, les principaux ministères et le secteur privé.
Le sénateur Campbell : Pourriez-vous m'indiquer approximativement quel effet cela aurait? Vous dites que les principaux problèmes sont liés à la fréquentation scolaire. Si vos élèves bénéficiaient d'un accès Internet adéquat, quelle incidence cela aurait-il sur leur nombre total?
M. Daniels : Cela prendrait de l'importance au fur et à mesure que les élèves progresseraient vers les années supérieures, mais pas tellement au primaire. Toutefois, on en profiterait surtout dans le cas des cours avancés où il est difficile d'embaucher des professeurs spécialisés dans le bon domaine.
La vice-présidente : Monsieur Daniels, au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de nous avoir renseignés un peu sur ce qui se passe dans les Territoires du Nord-Ouest. Vous nous avez fourni des renseignements précieux sur certains des problèmes et certaines des solutions, et nous vous en remercions.
(La séance est levée.)