Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 2 - Témoignages du 13 avril 2010
OTTAWA, le mardi 13 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 35 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je remarque que nous avons le quorum. Je déclare donc la séance ouverte.
[Traduction]
J'aimerais vous souhaiter de nouveau la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Français]
Monsieur Bourassa, nous vous souhaitons la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Immédiatement nous allons procéder avec l'introduction des membres du comité.
Je me présente, Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président de ce comité.
[Traduction]
J'aimerais maintenant demander aux honorables sénateurs de se présenter.
Le sénateur Mercer : Je m'appelle Terry Mercer et je viens de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn : Je m'appelle Joyce Fairbairn. Je viens de Lethbridge en Alberta.
[Français]
Le sénateur Eaton : Nicole Eaton de l'Ontario.
Le sénateur Segal : Hugh Segal de l'Ontario.
[Traduction]
Le sénateur Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
[Français]
Le sénateur Rivard : Michel Rivard du Québec.
Le président : Je demanderais au dernier sénateur de se présenter.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président : Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
[Français]
Aujourd'hui nous accueillons un témoin qui a comparu devant le comité l'automne dernier. J'aimerais en profiter pour le remercier encore une fois d'avoir accepté l'invitation à comparaître au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts afin de faire une présentation spéciale sur une mission à laquelle il a participé.
[Traduction]
M. Bourassa a accepté notre invitation de revenir au comité pour nous faire un exposé spécial sur une mission d'information à laquelle il a participé. Nous avons donc de nouveau l'honneur de vous écouter aujourd'hui nous faire un autre exposé sur les pratiques innovatrices utilisées pour la construction d'édifices écologiques en Europe.
[Français]
M. Bourassa est président de l'Ordre des architectes du Québec.
[Traduction]
L'exposé durera environ une heure. Nous vous poserons ensuite des questions. Je vous cède maintenant la parole, monsieur Bourassa.
[Français]
André Bourassa, architecte et président, Ordre des architectes du Québec : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie beaucoup de votre invitation.
[Traduction]
J'aimerais de nouveau m'excuser de ne pas être assez à l'aise en anglais pour vous faire un exposé dans cette langue. Cela m'aurait permis de pouvoir parler plus lentement lors de mon exposé, mais, faute de patience, je vous demanderais la permission de m'adresser à vous en français. J'espère que les interprètes et les sténographes pourront me suivre.
[Français]
Je vais d'abord présenter le contexte de cette mission technique. C'est une mission technique qui a été organisée par l'Ordre des architectes du Québec en collaboration avec Hydro-Québec, société d'État qui peine, je dois le dire, à ce que l'efficacité énergétique au Québec soit conforme aux attentes des gens du bâtiment et de ceux d'Hydro-Québec.
Visiblement, on a encore besoin d'exemples des meilleures pratiques et c'est ce que je vais vous démontrer aujourd'hui. Je vais aussi vous démontrer la relation entre l'efficacité énergétique et l'écologie et, comme par hasard, l'utilisation du bois. C'est pourquoi on fait un lien avec la raison d'être de votre comité.
Cette mission se passe en Suisse et en Autriche, parce qu'on y rencontre les pratiques les plus innovatrices et, particulièrement, le Vorarlberg, qui était une des régions les plus pauvres de l'Autriche et qui a été désertée par les concepteurs de bâtiments. Lorsque les jeunes architectes ont décidé de revenir au Vorarlberg, c'était pour concevoir une nouvelle architecture, où le bois et l'écologie avaient une place prédominante.
C'est ce que je vais vous démontrer. Il y aura des images, ainsi que quelques tableaux peut-être un peu arides, vous m'en excuserez. Mais je pense que cela vaut la peine de passer au travers, mais surtout de visualiser ces images pour avoir une idée de la nouvelle architecture en bois.
On a des représentants d'un océan à l'autre, autour de cette table. Et évidemment, il y a des différences entre l'architecture de la Colombie-Britannique et celle du Nouveau-Brunswick, en termes d'utilisation du bois; les arbres n'ont pas la même grosseur, et c'est normal. Et là, on verra autre chose qui, je pense, sera très intéressant.
J'ai eu l'occasion de donner plusieurs conférences d'un bout à l'autre du Québec sur le sujet de l'utilisation du bois et je me rends compte à quel point cette matière devient un élément dynamisant ainsi qu'un élément de prise en charge extrêmement intéressant pour les régions. Le bois en tant qu'élément qui peut être associé au développement économique et à une meilleure valeur ajoutée possible.
C'est évidemment aussi une occasion pour les régions et les grands centres de faire plus avec moins, c'est-à-dire d'être plus efficace avec moins d'énergie dépensée à concevoir le bâtiment. Faut-il rappeler que cela prend beaucoup moins d'énergie pour faire une structure en bois qu'une structure avec d'autres matériaux?
Mais en plus du caractère environnemental, c'est aussi une occasion d'initier une nouvelle qualité, de nouvelles caractéristiques en matière d'architecture, et c'est ce qu'on va voir ici, toujours sous l'angle d'une qualité d'architecture qui profite à tous. On ne peut être compétitif au Canada, on ne peut pas intéresser des chercheurs étrangers à venir au Canada si on les loge dans des « bunkers ». Il faut que ce soit attrayant parce que ce que le monde a à offrir à l'international, ce sont vraiment des environnements renouvelés. Et je pense que c'est important de se le rappeler.
Un autre point important c'est que l'on sent, de plus en plus, qu'une volonté à promouvoir le bois aide beaucoup l'industrie de la transformation du bois, qui est une économie importante au Canada. Malheureusement, on peut sentir également un certain braquage de la part de l'industrie de l'acier, et/ou du béton et/ou de l'aluminium.
Je vous souligne que pour l'Ordre des architectes, il y a un leitmotiv très important, c'est : chaque matériau a sa place. Quand on parle du bois, on parle des endroits appropriés pour le bois, et quand on parle des autres matériaux, c'est la même chose.
Vous allez voir que dans cette mission Suisse-Autriche, on a beaucoup utilisé le bois à l'extérieur, on le laisse vieillir à l'extérieur d'une façon différente de ce que l'on ferait ici. Je n'essaie pas de vous dire que c'est la seule façon de faire, mais je vous dis que c'est une façon de faire. C'est une autre façon de faire parmi tant d'autres, parmi l'architecture campagnarde, l'architecture très contemporaine que l'on peut avoir aussi. Il y a toutes sortes de styles qui peuvent cohabiter d'une façon très heureuse. Je me plais à dire, quand je fais un projet d'architecture pour mes clients, que ce n'est pas mon projet que je fais, mais plutôt leur projet sur lequel je mets mes connaissances et mon imagination. C'est pour cette raison que je ne peux pas dire, chez nous, qu'il n'y a qu'une signature d'architecture parce que je n'ai pas qu'un seul modèle de client. C'est très important et, à plus forte raison, pour l'ensemble des 10 000 architectes du Canada.
J'ai commencé par vous présenter cette petite image d'une salle d'employés qui est plutôt banale et de conception trop ambitieuse en termes de bois. Il n'y a que du bois. Franchement, à mon goût, il y en a un peu trop.
Je veux également vous parler d'un siège social mondial d'une multinationale qui gère des haltes routières avec restaurants santé en Suisse, en Asie et dans beaucoup de pays dans le monde, et qui nous ont dit qu'ils ne voulaient pas d'un siège social comme au milieu des années 1970; ils voulaient plutôt un siège social à très, très, très haute valeur environnementale ajoutée et c'est de cela que l'on va parler dans la prochaine heure.
Je vous montre rapidement quelques images de ce bois, et après on entrera dans le rapport de mission comme tel, tel qu'il a été préparé. En mentionnant que dans cette mission technique, nous étions 25 architectes du Québec, chacun a payé son hôtel, son avion, ses dépenses, soyez-en certains. Cela ne s'est pas fait sur le dos d'Hydro-Québec, ni sur celui de l'Ordre des architectes, ni du gouvernement. Hydro-Québec, cependant, a eu une participation financière importante pour l'organisation de la mission afin que les consultants là-bas aient une bonne préparation.
Je vous amène à une autre image du bois, un revêtement extérieur en planches très banales. Vous remarquerez l'absence de cadrage autour des fenêtres. Personnellement, je ne ferais jamais cela. Mais c'est une autre façon de voir les choses. Il y a des tablettes de fenêtres faites en métal oxydé. C'est aussi une autre façon de voir les choses.
C'est un muse : vous voyez comment le bois vieillit. La tour est en béton et le musée vieillit comme cela. À l'intérieur du même musée, mélange bois, acier, aluminium. À l'intérieur du même musée, planchers de bois, plafonds de bois, sans traitement, sans peinture. Un centre culturel ici, encore une fois, où le bois a une place prédominante. L'espèce de pergola que vous voyez en haut, ce sont des capteurs solaires photovoltaïques, c'est-à-dire qui fabriquent de l'électricité, mais qui laissent passer quand même la lumière du jour. Cela fait une espèce d'agora à l'extérieur pour le centre culturel. Encore une fois, je n'essaie pas de vous dire que c'est l'urgence du moment, au Canada, de fabriquer de l'électricité de cette façon. Je veux juste vous dire qu'il y a de nombreuses façons qui existent et qui méritent vraiment d'être considérées.
Comme je le disais tout à l'heure au sénateur Robichaud, indépendamment de toute la polémique sur les changements climatiques, que l'on dise qu'ils existent ou pas, sans même considérer cette question, une chose est certaine, c'est que le pétrole sera, un jour ou l'autre, une ressource finie. Et que cela vaut la peine de travailler sur d'autres solutions sans se préoccuper des changements climatiques. Personnellement, ce n'est pas ce qui m'émeut. Ce qui m'émeut, c'est qu'il faut trouver d'autres solutions. Et au Canada, on est tellement bien pourvus en ressources. Il faut trouver des solutions.
Remarquez ici à quel point sur des cloisons en bois sans colombage, la porte est ajustée, toujours en se rappelant que ce n'est pas parce qu'on utilise le bois que c'est forcément un design qui est ancien. On a affaire ici à un design très contemporain, du verre et du bois, dans ce fameux centre communautaire que je vous montrais tout à l'heure, et qui, pour les jeunes générations — parce qu'autour de la table il y a quand même quelques cheveux blancs, n'est-ce pas —, il reste que pour les jeunes générations, si on associe le bois uniquement à des façons de faire de style cabanes en bois rond ou cabinets d'armoires avec des pointes diamants, je ne suis pas sûr qu'on va émouvoir tellement notre génération qui, faut-il le dire, a été élevée quand même avec IKEA dans le décor.
Ce n'est pas notre cas, mais c'est leur cas. Il faut donc vraiment séduire par des formes renouvelées.
On voit ici une usine de fenêtres en bois de très haute performance. Ils ont choisi un revêtement de bois qui vieillit de façon claire et obscure. Je dois vous dire que tous les projets que je vous présente dans cette mission technique ont gagné des prix d'architecture en Suisse et en Autriche.
On peut aimer ou ne pas aimer, mais ce sont des projets qui ont été primés par les pairs architectes de ces concepteurs qui, encore là, ont une façon très innovatrice de placer du bois qui n'exige pas d'entretien à long terme.
On voit ici un des coups de cœur de tous les architectes qui étaient présents. Il s'agit d'une école bâtie dans un décor bucolique, absolument fantastique, avec un raffinement dans le bois intérieur et dont la construction intègre des performances énergétiques absolument incroyables.
Le bassin d'eau placé à l'avant-plan est là pour constituer une réserve d'eau pour les gicleurs automatiques. Bref, il s'agit là d'un environnement assez exceptionnel. La seule chose qui peut nous déstabiliser un peu, c'est de voir comment ils ont laissé vieillir le bois à l'extérieur.
Je ne vous cacherai pas le fait que si on avait mis à l'extérieur un autre type de revêtement, je ne pense pas que ce soit grave. Ce qui importe, c'est que la structure du bâtiment et son environnement extérieur utilisent le bois comme ressource principale.
Vous voyez ici du bois d'apparence, un peu à l'image de ce que l'on voit dans la salle à l'arrière. Dans les villages avoisinants, on voit les petites maisons des habitants, dans lesquelles on utilise le bois d'une façon très contemporaine. Encore une fois, on aime ou on n'aime pas, mais c'est contemporain, c'est très renouvelé.
Je vais vous épargner le détail de cette architecture, mais si je le faisais, je vous ferais remarquer que dans le coin extérieur, en bas à gauche, à la jonction des planches de bois, ils ont introduit un détail d'acier galvanisé pour protéger les coins de bois, tout cela est fait avec raffinement.
Mes collègues architectes parlent de la Suisse et de l'Autriche comme étant des pays d'architecture de haute résolution, comme on en parle pour la haute définition d'un téléviseur, tellement les détails sont raffinés et bien exécutés. Encore une fois, ce n'est pas un monument architectural, c'est une maison parmi tant d'autres.
On voit ici une autre maison dans le même environnement, qui présente des caractéristiques très intéressantes. Remarquez qu'il y aurait un cours de structure à faire seulement pour l'allure de ce plafond d'usine, muni de membrures de bois en compression et des membrures d'acier en tension, ce qui produit un mélange bois-acier des plus efficients et des plus performants.
Il y a un nouveau pavillon en bois dans un collège de Montréal qui vient de se terminer récemment, où des charpentes de toit bois et acier utilisent le bois dans les pièces en tension et en compression. Cela fait un travail d'architecture remarquable. C'est une œuvre de l'architecte Hoffman, issu d'une famille d'architectes et d'industriels du bois qui ont produit des architectures vraiment remarquables.
Encore une fois, chaque matériau a sa place. On parlait tantôt de l'énergie qu'il fallait pour produire chaque type de matériau. Imaginez la croissance de toute la biomasse durant une année. Chaque année, la planète nous procure une quantité phénoménale de matériaux renouvelables et c'est une donnée qu'il ne faut absolument pas échapper dans toute notre approche.
Nous sommes ici à Nantes, en France, dans la maison de Marika Frenette, architecte originaire de Québec et consultante en France depuis 20 ans. Elle était l'une des organisatrices de cette mission technique. Dans cette partie de la résidence, on a décidé d'utiliser de la planche de bois brut et un revêtement vert très vivant, situé à l'arrière, pour affirmer quelque chose de frais, le tout à travers un élément architectural novateur.
Imaginez le plaisir qu'il y a à construire un centre de la petite enfance avec de tels revêtements. C'est intéressant et divertissant à la fois. On voit donc la maison dans son ensemble avec de petites et de grosses composantes de bois, avec des contrastes de matériaux. C'est très contemporain et très animé. Cette architecture ne convient pas à tout le monde, mais cela démontre qu'il est possible de travailler avec plusieurs genres d'architecture.
Les fenêtres sont extrêmement contemporaines et performantes. On voit ici un design intérieur créé avec du bois contemporain. Il y a un arbre en plein milieu. Ce mélange des genres et des styles est tout à fait possible dans les nouvelles images du bois proposées.
Finalement, on est ici dans un Salon du bois à Grenoble. Il s'agit de la coupe d'une maquette. Il faut oublier toutes les annonces de maisons québécoises au fond. Ce que je veux vous montrer c'est l'avant-plan. Portez attention à l'ensemble des matériaux qui composent les toits et les murs. Ce sont des matériaux du bois ou des dérivés du bois.
On est dans une petite habitation, dans un bungalow, et plutôt que de voir tout un mélange de matériaux tels le vinyle, le plastique et le polystyrène, on voit une entièreté de matériaux dérivés du bois. Il y a de grands panneaux de bois qui forment la structure du bâtiment, il y a de l'isolant de bois par dessus pour que toute la charpente demeure au chaud. Il y a aussi des parements par l'extérieur en bois qui ont une très haute valeur isolante.
C'est une nouvelle façon de faire. On peut dire que parmi les aspects écologiques du bâtiment, l'avantage certain du bois, c'est qu'il permet une déconstruction plus facile à la fin. Quand le cycle de vie du bâtiment est terminé, on a absolument besoin de penser comment le déconstruire. Dans le cas du bois, chaque fois qu'on déconstruit un immeuble, il est facile de réutiliser ses composantes. On peut réutiliser ce bois pour faire d'autres parties de structure.
Dans le pire des cas, on peut s'en servir comme biomasse. Cela est très différent que d'utiliser du bois avec des isolants collés dessus parce que le travail de déconstruction et de séparation des matériaux devient très exigeant en matière d'énergie. Ce n'est pas ce qu'il faut faire.
Replaçons-nous dans le contexte de la mission Suisse-Autriche. Je vous ai montré ces quelques images en guise d'apéritif.
Le sénateur Robichaud : On pourrait s'y rendre et visiter les lieux, n'est-ce pas?
M. Bourassa : L'automne prochain il y aura une mission spécifique. L'automne dernier, suite à la mission Suisse- Autriche, il y a eu la mission en France. Il y en aura une autre sur le bois l'automne prochain. Elle aura lieu dans les pays Scandinaves ou fort probablement en Californie, ce qui permettra d'explorer d'autres façons de faire.
Il est très important de souligner qu'en Europe — en France, plus particulièrement —, il y a, depuis plusieurs années déjà, je pense que c'est à l'ordre du jour, en ce moment à la Chambre des communes, une législation qui demande aux architectes d'utiliser un pourcentage minimum de bois dans tous les bâtiments. Qu'est-ce que cela a fait? Est-ce que cela a brimé les architectes dans leur égo ou leur créativité? Au contraire. J'ai eu l'occasion de voir plusieurs expertises et dossiers d'architectes français présentés dans des concours d'architecture. Et on voit bien, dans leurs récentes productions, comment ils utilisent le bois; nous l'avons vu en France. Et je peux vous dire que l'imagination est mise au service du bois, dans certaines façons de faire, comme ce que vous avez vu plus tôt, des planches brutes sur le revêtement vert, c'est plutôt bizarre comme usage. Et pourtant, cela fait le travail et c'est quand même très séduisant.
On arrive du voyage d'étude du joyeux groupe de l'Ordre des architectes et d'Hydro-Québec. Et je peux vous dire que six jours d'affilée, jour après jour, de 8 heures du matin à 6 heures du soir — et je ne sais pas si vous le savez, mais les architectes n'ont pas la réputation d'être très ponctuels. Pourtant, tout le monde était à l'heure, personne n'a manqué le rendez-vous. C'était fantastique.
Dans ce que l'on va voir, on va parler rapidement du programme Minergie. Vous avez sûrement entendu parler ici, en Amérique du Nord, de la certification LEED pour les bâtiments écologiques. En Suisse et en Autriche, on parle davantage du programme Minergie, qui est un programme suisse probablement plus efficient en matière d'accréditation écologique.
Et nous allons vous présenter quelques projets, un institut de recherche, un collège, des logements collectifs, le siège social des marchés internationaux, Green Office qui est le bureau d'un architecte et un centre communal que vous avez vu plus tôt.
Le label Minergie comporte différentes déclinaisons que ce soit le label Minergie Standard, Minergie Passif — quand on parle de passif, cela ne veut pas dire un label qui ne fait rien. En Europe, lorsqu'on parle d'architecture passive, c'est un bâtiment qui ne requiert pas d'énergie, qui en produit autant qu'il en consomme. Alors qu'au Canada, lorsqu'on parle du solaire passif, on parle de la bonne orientation des bâtiments. Ce n'est pas tout à fait la même définition —, Minergie écologique, qui rajoute des caractéristiques écologiques, par exemple, quelle sera la provenance des matériaux.
Alors évidemment, qui dit Minergie écologique, provenance des matériaux, va forcément promouvoir l'utilisation du bois au bon endroit parce que cela reste le matériau qui consomme le moins d'énergie dans sa mise en œuvre, dans sa transformation.
On a la crème de la crème, Minergie-P-Éco qui est à la fois passif, peu énergétique et écologique. Ce sont deux notions différentes.
Par exemple, si je fais un bâtiment très bien isolé, mais qui est isolé uniquement avec des panneaux d'isolants à base de pétrole, le pétrole étant une ressource non renouvelable, le panneau étant lui-même non recyclable, j'aurai une grande efficacité énergétique, mais une cote écologique beaucoup plus basse à cause de ce choix de matériau. On ne peut pas toujours, c'est évident, mais quand on peut, c'est un bon choix.
Donc dans ce label Minergie, on aborde certaines exigences primaires pour l'enveloppe du bâtiment.
Retenons que par rapport à un bâtiment standard, le label Minergie veut utiliser beaucoup moins d'énergie. On parle de renouvellement d'air grâce à une aération douce, cela veut dire qu'il y a la possibilité que les fenêtres soient ouvrantes, qu'il y ait de grands mouvements d'air, mais tout en douceur, pour éviter des systèmes de ventilation et de climatisation très complexes.
Autre élément extrêmement important : dans l'accréditation Minergie, on ne permet pas que l'immeuble coûte plus cher, pas plus de dix p. 100 d'un immeuble comparable. Ce qui signifie que si vous faites de l'écologie en utilisant du bois et toutes sortes de choses, et que l'immeuble vous coûte deux fois le prix d'un immeuble normal, vous n'avez pas fait de l'écologie; vous avez consommé trop de ressources, trop d'énergie, trop de budgets pour prétendre être écologique.
C'est une leçon extrêmement importante, et si je me permets de prêcher pour ma paroisse d'architecte, c'est à ces fins que l'imagination et la créativité des architectes doivent servir avant tout, pour que nos bâtiments soient harmonieux, fonctionnels et durables.
Ce sont donc les trois piliers d'une architecture réussie. Si l'architecture ne comporte pas ces trois composantes, ce ne sera qu'une sculpture, si c'est harmonieux, ce ne sera que de la construction, si c'est « rough and tough », alors ce ne sera pas l'équilibre que l'on recherche.
On compare, ici, le label Minergie au Minergie Passif. On vous donne davantage de caractéristiques énergétiques dans le Minergie P. Ce qu'il faut retenir, finalement, c'est que le Minergie P ne doit pas consommer plus de 30 kilowatts/heure au mètre carré par rapport à 38, au Minergie Standard, ce qui, par rapport au niveau de consommation ici, est de beaucoup inférieur.
Je suis désolé que vous n'ayez pas les versions imprimées, mais les responsables ont des copies de la présentation et pourront donc les imprimer ultérieurement.
J'aimerais également vous mentionner, lorsqu'on parle d'isolation thermique, on parle en termes d'épaisseur. Lorsqu'on dit 35 centimètres, cela fait approximativement 14 pouces de valeur isolante. Ils utilisent beaucoup la laine de bois qui est un produit qui n'existe pas ici encore, mais il y a une usine qui s'en vient dans la région de la Capitale nationale. Il y a aussi beaucoup de cellulose dans les produits isolants qu'ils utilisent, mais cela fait des murs très, très épais, ce qui est quand même considérable.
Il faut également souligner que dans les critères de ce qui se fait en Suisse et en Autriche, et beaucoup en France aussi, dans l'avant-garde écologique, on travaille pour faire des murs qui bien que très épais et très isolés, sont des murs qui laissent sortir l'humidité du bâtiment, des murs qui diffusent. Tout comme vous ne feriez pas de ski de fond avec un imperméable — il existe des matériaux, comme le GORE-TEX, par exemple, qui laissent sortir l'humidité du corps quand vous faites des activités —, on veut créer un environnement d'habitation qui laisse sortir l'humidité comme un manteau de GORE-TEX. Là-dessus, je peux vous dire franchement qu'on a, au Québec et au Canada, encore beaucoup choses à apprendre.
On est en retard par rapport à cela, on est encore aux pare-vapeur de type 1, plastique et aluminium, et on peut faire mieux que cela pour contrôler un taux d'humidité adéquat dans les maisons. Je ne dis pas que cela se règle en criant lapin, mais cela se fait quand même. Chez nous, dans notre pratique d'architecture, on fait depuis plus de 20 ans des murs qui diffusent. Des murs qui diffusent, soyons clairs, ne sont pas des murs pleins de trous, mais plutôt des murs, comme le GORE-TEX, qui vous tiennent au chaud, mais qui laisse sortir l'humidité. Et même si votre manteau ciré possède des trous d'aération sous les aisselles, vous serez quand même extrêmement inconfortable. De la même façon que dans une maison, il est bien d'avoir un échangeur d'air, mais pas juste pour contrôler l'humidité.
On a donc, dans ce renouveau de l'architecture en bois, une opportunité extrêmement intéressante. Je ne peux pas m'empêcher de dire que certaines industries de transformation du bois, au Québec ou au Canada, seront probablement remplacées par des industries qui vont faire de l'isolant de bois. Tant mieux. Plutôt que de faire du papier journal, j'aime mieux que l'on fasse de l'isolant de bois avec.
Je vous ai montré plus tôt les gros panneaux contre-collés qui structurent la maison. Il y a des industries qui fabriqueront ces produits au Canada.
Il y a une foule de produits innovateurs que l'on peut créer au Canada à partir du bois plutôt que de seulement faire du 2 x 4 et du 2 x 6 sans valeur ajoutée. Ce serait dramatique.
Le sénateur Eaton : Qu'est-ce que la laine de bois?
M. Bourassa : C'est un isolant qui ressemble à de la laine de fibre de verre. C'est une fibre faite à partir de bois. Il n'y a rien de plus écologique. Les opportunités sont donc très intéressantes.
J'ai appris aujourd'hui qu'à Trois-Rivières, un collège qui enseigne les techniques de pâtes et papiers n'a plus d'étudiants parce que personne ne veut apprendre comment faire des pâtes et papiers. Il est possible d'utiliser des dérivés de pâtes et papiers pour construire des immeubles qui durent et franchement, c'est beaucoup plus porteur d'avenir que de faire du papier journal. On sait qu'aujourd'hui, la demande en papier journal ne reviendra pas et que la lecture des journaux sur Internet est là pour rester.
Il y a de nombreuses opportunités de faire mieux. Je vous ai dit qu'il y avait quelques pages arides, en voilà une.
Allons maintenant en bas à droite, à « écologie du bâtiment ». Quand on construit un bâtiment écologique, on veut des matières premières largement disponibles et une bonne part de matériaux recyclables, ce que l'on sait très bien faire au Canada. Pour ce qui est de l'utilisation de matériaux de construction avec faible nuisance pour l'environnement, dans le cas du bois des forêts bien gérées, on est au rendez-vous pour ce qui est de la fabrication et de la mise en œuvre.
J'arrive à ce que je vous disais tantôt concernant le cycle de vie. Il faut penser à des constructions facilement démontables, qui sont faites de matériaux de construction qui peuvent être valorisés ou éliminés et qui ne nuisent pas à l'environnement.
Allons maintenant en bas à gauche, à l'aspect de l'efficience énergétique. Lorsqu'on veut une accréditation Minergie, la consommation totale d'énergie doit se situer au minimum à 25 p. 100 de celle d'un bâtiment standard et la consommation d'énergie fossile doit se situer au minimum à 50 p. 100 de ce même bâtiment standard. Vous pourrez voir ces choses dans les différents critères qui concernent la santé, le confort, l'efficacité énergétique et l'écologie du bâtiment.
Je vous disais que je voulais vous en mettre plein la vue avec les images. C'est peut-être prétentieux de ma part, mais je veux au moins vous montrer quelques bâtiments d'un genre parfois désarçonnant. On a ici un centre de recherche aquatique qui ne consomme pas d'énergie. Lorsqu'on le voit en personne, je peux vous dire que c'est plus spectaculaire.
Ce bâtiment est couvert de lamelles de verre bleues orientables. Retenons que l'immeuble ne consomme pas d'énergie, qu'il n'a pas de système de chauffage ni de système de climatisation traditionnel, mais que le confort est quand même remarquable.
Il y a même des toilettes qui séparent l'urine des matières solides parce que le centre de recherche étudie ces deux substances séparément. Ce que je voulais surtout vous faire remarquer, c'est que cet immeuble très contemporain, couvert de lamelles de verre, est construit en bois. Il ne s'agit pas d'une structure d'acier ou de béton, mais d'une structure à double ossature faite de 2 x 4 et de 2 x 6, avec une bonne épaisseur de laine isolante et des murs qui permettent quand même la diffusion d'humidité.
Ce bâtiment très contemporain, qu'on aurait associé immédiatement à l'acier et au béton, est fait en bois et c'est une caractéristique remarquable. On explique ici comment on a consommé l'énergie grise. L'énergie grise, c'est l'énergie utilisée pour la fabrication des matériaux. Évidemment, plus longtemps durera l'immeuble, plus l'énergie grise perdra de son importance parce que le coût se répartit sur le nombre d'années.
L'économie de ressources, la compatibilité environnementale et l'énergie grise sont trois facteurs très importants. Dans cet atrium, les mouvements d'air très lents font en sorte que l'immeuble est toujours confortable, car dans ces immeubles on fait beaucoup d'équilibre entre les températures de nuit et de jour.
Je me permets ici d'introduire un détail qui est certainement lié à l'architecture écologique. Je vous souligne le fait que dans la plupart des projets que vous voyez, l'air neuf, plutôt que d'arriver par une grille dans le mur, passe par des tuyaux qui passent sous terre. C'est ce qu'on appelle en Europe un puits canadien.
Au canada, presque personne ne sait ce qu'est un puits canadien. C'est un ensemble de tuyaux lisses et lavables, installés dans le sol, de sorte qu'il n'y a jamais de moisissures dans ces tuyaux. Cet air, au lieu d'entrer à 40 degrés sous zéro et ventiler tout de suite le bâtiment, a le temps d'augmenter sa température au contact avec le sol qui est toujours plus chaud. La température de l'air augmente, il y a donc réduction des coûts de chauffage.
Sur ce bâtiment, il y a aussi différents types de capteurs solaires sur le toit. Si vous examinez les trois colonnes, un bâtiment conventionnel consomme tout cela d'énergie alors que les bâtiments Minergie, Minergie P et notre projet en consomment beaucoup moins, particulièrement dans la partie oranger qui correspond à la production de chaleur. Cela fait vraiment une grande différence.
Ici on a le premier bâtiment scolaire passif. C'est une école remarquable. L'ossature est en bois et toute la base est en béton. Si vous regardez la photo de gauche, vous verrez un grand pan de verre. On a l'impression que c'est un verre transparent alors que par-devant il y a un grillage métallique qui filtre les rayons du soleil afin qu'ils ne soient pas trop abondants.
On voit une charpente en bois d'apparence et des stores qui coupent la surchauffe, lorsque nécessaire. Ce genre de store est de plus en plus répandu ici au Québec. Vous remarquerez qu'il y a des revêtements de bois et beaucoup de bois d'apparence à l'extérieur.
Les classes sont un ravissement. C'est magnifique. Regardez le grand corridor principal et le bois d'apparence au plafond. Regardez comment la lumière et la ventilation sont intégrées dans un jeu de damier.
Sur la photo de droite, il y a le corridor principal et les passerelles qui mènent à chacune des classes. On a droit à un très grand raffinement à un coût très intéressant. Il ne faut pas oublier qu'une structure en bois coûte moins cher qu'une structure en d'autres matériaux.
Là aussi on a des puits canadiens avec de grands tuyaux et des filtres. J'y vais rapidement sur ces détails techniques. On voit ici la même image, mais avec beaucoup de détails de bois très variés sur les aspects écologiques. Voici un petit édifice à trois logements. C'est un autre exemple de raffinement dans chaque composante. Ici on utilise le bois de façon très différente de ce qu'on voit habituellement. Le bois est mis en valeur et les matériaux utilisés sont sains.
Voici un édifice à bureaux, petit bâtiment en apparence, mais qui est le siège social de la multinationale que je voulais présenter. Pour ceux qui connaissent la Suisse, c'est un pays qui a la réputation d'avoir des gazons toujours bien coupés. Mais dans certains immeubles écologiques et dans beaucoup d'immeubles gouvernementaux, il y a un autre changement de paradigme : on a l'air de couper le gazon au maximum deux fois par année.
Il ne faut pas se surprendre si l'on voit le gazon très long. Pour nous, c'était très étonnant. On était en Suisse et c'était du foin à la place du gazon. Très étonnant.
Le bâtiment ici a été construit en panneaux de bois préfabriqués. La préfabrication et le bois sont deux choses très importantes. On ne peut pas penser construire ou développer une industrie du bâtiment du bois en construisant sur place, en laissant détremper le bois sous les intempéries, les orages, la neige, et cetera. Bois, charpente en bois, architecture de bois riment avec préfabrication. Clairement, c'est une des caractéristiques de l'Europe. Les chantiers arrivent particulièrement plus dans les pays germaniques; Suisse, Autriche et Allemagne. L'organisation des chantiers est remarquable. Beaucoup plus qu'en France où il y a un désordre latin un peu folklorique. Selon ce que les architectes de là-bas nous disent. Ne vous surprenez pas si dans la présentation on parle souvent de bâtiments préfabriqués en bois. Les images ne sont pas aussi bonnes que j'aimerais. Voyez l'environnement d'une aire de bureau; le plafond est en bois, il y a un mur végétal qui donne de l'humidité; des aires de travail déplaçables et flexibles avec de l'éclairage indirect. C'est à peine perceptible, mais ce sont des lampes sur pied qui éclairent en ligne directe le plafond de sorte que tout cela est très mobile.
Chose extrêmement positive qui peut être créative d'industries nouvelles et novatrices au Canada, c'est le vitrage à changement de phase. Vous voyez à l'extrême droite de l'image un panneau de verre qui semble translucide plutôt que transparent. C'est du verre à changement de phase, du verre double dans lequel il y a des cellules de sel. Le sel devient transparent au soleil. Il accumule la chaleur ce qui fait que l'on peut avoir des environnements très lumineux tout en ayant une grande performance énergétique. C'est absolument extraordinaire. Cela existe.
C'est le bâtiment vu de son côté. On voit toujours le côté translucide et le verre, mais cela fait que le bâtiment a une performance énergétique et une qualité de vie très intéressante. Il a reçu le Prix solaire suisse et le Prix solaire européen. C'est phénoménal comme type de vitrage. Le vitrage a, par devant, les cellules à changement de phase. Une espèce de verre à prisme qui réfléchit le soleil lorsqu'il est trop couché pour éviter la surchauffe dans le bâtiment. Le confort, c'est autant l'été que l'hiver. Ce sont des opportunités de faire plus. Il ne faut pas manquer le bateau. Ce serait dommage. L'environnement intérieur toujours. Les espaces mécaniques que je passe. La ventilation est intégrée de façon à ce qu'il n'y ait pas de gaine qui dépasse.
Autre étude de cas, encore une fois des prix d'architecture européens. C'est un bureau d'architectes et d'ingénieurs. En Suisse, la formation des architectes et des ingénieurs est souvent regroupée. C'est très germanique comme approche. On ne fait pas dans le folichon comme volume. Ce sont des volumes très compacts. Si je pouvais vous montrer les détails de proche. Vous montrer comment les tablettes de fenêtres sont faites. C'est un bijou d'exécution. Encore une fois, on ne fait pas dans le folichon. C'est très compact comme volume. Allons-y dans les caractéristiques. C'est absolument incroyable.
Ce n'est que pour des firmes qui exercent dans le domaine du développement durable. Vous voyez à droite le bâtiment en construction avec les composantes préfabriquées. Vous voyez à gauche le bâtiment avec des revêtements de planches préoxydées. J'ai visité une scierie il y a trois semaines non loin d'ici qui a ce produit. C'est fantastique. Il y a en ce moment un renouveau sur l'ensemble du Canada dans les produits de bois. Il faut les inventorier et les faire connaître. Il n'y a aucun joint de planche. Chaque fois qu'on a fini la longueur d'une planche, on a mis une moulure d'aluminium. On a les tablettes de fenêtres qui sont résistantes aux intempéries parce qu'on les a mises en métal. On a intégré les stores jaunes qui sont déroulants et levants selon la lumière désirée. Tout est étudié dans les détails. Les composantes en bois du bâtiment en cours d'érection.
Encore, l'intérieur des bureaux. Alors au dessus des poutres en bois, on a placé des tuiles d'argile pour avoir des matériaux à plus faible demande d'énergie possible et qu'il y ait de la masse thermique. C'est un autre élément d'architecture de technique du bâtiment fondamental que les bâtiments aient des murs ayant un certain poids. On a très bien su le faire dans ce cas-là.
On voit ici au plafond des poutres blanches afin qu'il y ait le plus de luminosité possible afin que ce ne soit pas lourd. Les fenêtres sont généreuses, mais ce ne sont pas que des boîtes en verre dans ce cas. Vous voyez la consommation d'un bâtiment standard versus la consommation Green Office et matériaux écologiques. Ici, vous voyez le calcul d'énergie totale. La différence est remarquable entre les uns et les autres.
Ici, autre affaire extrêmement poussée dans ce bâtiment. On est allé jusqu'à introduire un chauffage aux granules. Tout petit chauffage puisque c'est suffisant. On voit la demande en chauffage de ce bâtiment (que l'on voit en vert) versus un bâtiment standard, c'est infiniment moins. Les dégagements de CO2 et de SO2 par rapport à des bâtiments standards, c'est aussi des différences remarquables. La consommation d'eau chaude est « la cerise sur le sunday » : les toilettes du bâtiment acheminent les résidus dans une aire de compostage située au sous-sol. Je ne vous dis pas que l'on sera prêt à installer cela demain, mais ils l'ont fait. Cela fonctionne et ce n'est pas de la science-fiction. Dans les zones où il y a des problèmes au bord d'un lac, certains endroits où il y a des auberges au bord des lacs qui causent des problèmes. Cela se fait par des gens.
Le design intérieur est très contemporain. Ce n'est pas néo-ma-cabane-au-Canada ni néo-granola non plus ni néo- rasta non plus. C'est très découpé et cela fait le travail.
Voici notre fameux centre communautaire où l'on voit encore le toit solaire. Les intérieurs encore une fois très lumineux, mais où le bois est une composante majeure. On voit notre toit photovoltaïque qui est stupéfiant.
Cela complète ce que je voulais vous donner comme impression sur le bois nouveau genre, mais sur le bois comme étant un moteur pour stimuler une nouvelle industrie au Canada dans le secteur du bâtiment.
En guise de conclusion, je mentionne que j'ai eu le plaisir de donner une conférence sur le bois à Milan, il y a un mois. Les Italiens dans le nord de l'Italie ont tout un créneau. Eux aussi ont une promotion intensive du bois. La France et l'Autriche veulent promouvoir le bois pour toutes les raisons que l'on connaît.
Ils nous disaient que ce qu'ils aimeraient le plus c'est que l'on puisse leur exporter le bois en composante de bois et non pas « de l'air ». Je leur ai demandé ce qu'il entendait par « exporter de l'air ». Pour eux des produits tout faits, des maisons et des murs, c'est de l'air. Ce qu'ils veulent, c'est que l'on exporte notre bois et eux vont faire avec.
Cela fait suffisamment longtemps qu'on le fait du côté des États-Unis, on ne va pas changer du côté de l'Atlantique pour les exporter en Italie pour laisser la valeur ajoutée là-bas. Mais si on n'est pas au fait de ce qu'ils veulent en Europe, si on ne sait pas ce qu'il faut leur exporter, on va rester avec nos produits. J'insiste parce qu'il y a presque un hybride à faire entre ce qui se fait en Europe et ce qui se fait ici.
On a quand même de bonnes pratiques malgré la critique que je peux faire sur le plastique et sur tous les matériaux mélangés. On a de bonnes pratiques et de bonnes façons d'utiliser le bois qui sont très efficientes. Je pense aux structures, les fermes de toit que l'on utilise. C'est très efficient les quantités de bois versus les portées.
En Europe, ils ont comme mentalité d'utiliser le plus de bois possible dans un bâtiment parce qu'on va stocker le plus de carbone possible. Pour avoir fait l'expérience de ce discours avec nos architectes du Québec, cela ne passe pas tout à fait la rampe parce que notre mission première lorsqu'on construit un immeuble c'est d'abriter des gens et des fonctions. Ce n'est pas de stocker du carbone.
Nous devons étudier les deux facettes pour développer notre industrie. Si on veut exporter, il ne faut surtout pas oublier de s'arrimer aux autres. Ils sont rendus nettement plus loin que nous, à certains égards, je vous le dis. Nous n'avons qu'à penser aux murs qui diffusent, dans la masse thermique particulièrement.
Le sénateur Eaton : Merci, monsieur Bourassa. J'ai envie de vous dire que l'on n'est pas sûrs, nous aussi, d'avoir les produits de valeur en bois dont on a besoin au Canada. Cela dit, si on recommandait un mandat au gouvernement en ce qui concerne les édifices fédéraux, quel pourcentage d'utilisation du bois nous recommanderiez-vous de leur suggérer? Qu'est-ce que l'on pourrait leur suggérer pour commencer?
M. Bourassa : Vous me voyez très mal à l'aise de vous suggérer un pourcentage exact. Évidemment, il faut situer un pourcentage, mais je pense que les architectes ont toute la créativité nécessaire pour répondre à quelque pourcentage que ce soit.
Dans certains cas, dans la première année, on verra certainement des situations plus performantes et d'autres moins. Il y aura de meilleurs usages et de moins bons, mais c'est en forgeant que l'on devient forgeron.
En établissant un pourcentage, le gouvernement ne risque rien de compromettant sur ses immeubles. Ce qu'il va faire, cependant, c'est qu'il va susciter une demande, un engouement, une créativité. Je vous assure, quand nous sommes allés voir les bâtiments dans une autre mission technique, en France, on était épatés de voir tout ce qui s'était développé comme manières d'utiliser le bois. Nous avons vu un petit stade couvert en banlieue de Paris, convenant aux petites villes, qui était un bijou d'utilisation du bois et qui a aussi gagné des prix d'architecture.
Voilà le but. À mon avis, le pourcentage n'est pas important présentement, le plus urgent c'est de commencer, de faire cette législation, cet incitatif. Je ne peux être autrement qu'en faveur de cela.
Le sénateur Eaton : Cela pourrait stimuler la production de produits de valeur en bois aussi.
M. Bourassa : Absolument. C'est clair. L'innovation aussi, et l'aspect écologique.
Le sénateur Eaton : Comment pourrait-on réaliser une plus grande collaboration entre les provinces? Vous venez de parler de l'initiative avec Hydro-Québec, qui est très intéressante d'ailleurs, mais il me semble que les provinces ne se parlent pas. Il y a des initiatives très intéressantes au Québec, il y en a d'autres très intéressantes en Colombie- Britannique, mais les provinces ne se parlent pas.
M. Bourassa : À travers Énergie Ressource Canada, il y a eu récemment un incitatif pour produire cinq projets. Une subvention a été offerte pour construire cinq projets démonstrateurs en bois à travers le Canada. C'est un début très intéressant. J'ai eu le plaisir de faire partie du jury concernant ces attributions. C'est une initiative des plus intéressantes, sauf que...
Le sénateur Eaton : Où sont ces édifices?
M. Bourassa : Ils en sont à l'étape de la construction présentement. Le jury s'est réuni l'automne dernier, donc cela va se passer dans l'année qui vient. Je peux vous dire que les exemples d'ailleurs nous aident beaucoup. Chacun son tempérament, personnellement, je crois beaucoup à la force de l'exemple, et je pense que les projets démonstrateurs en bois, il en faut encore et encore et encore. Il faut qu'il y ait des initiatives encore et encore.
J'ai donné deux conférences en Abitibi, l'automne dernier. Ils ont du bois, mais ne s'en servent pas tellement. Comme tout le monde, ils sont en remise en question. Je leur donnais des pistes, par exemple, sur l'utilisation de l'argile qu'ils ont en abondance, en complément avec le bois pour créer des produits novateurs, écologiques, et cetera.
Il y a de la place pour de grands projets de démonstration. Les grands projets à Vancouver, par exemple, le magnifique stade qui a été construit à Vancouver, c'est magnifique! Ce design magnifique a été créé à partir de bois qui avait été attaqué par le dendroctone du pin, si je ne me trompe pas. C'est très bien, mais nous devons aussi avoir des démonstrations de projet à différentes échelles. Je vais revenir à la collaboration, mais je veux insister sur le fait que même si, aujourd'hui, on est très concentrés à promouvoir le bois dans la construction non résidentielle, il ne faut surtout pas oublier la promotion du bois dans les petites maisons, dans les petits bâtiments.
En général, au Nouveau-Brunswick, à Vancouver ou ailleurs, ce que l'on voit le plus, ce sont de petites maisons où l'on ne voit pas le bois. On voit le gypse, le prélart de vinyle, on voit la moquette, mais on ne voit pas le bois. Il faut arriver à des formules différentes. C'est une industrie qui est la plus récalcitrante à changer parce que cela prend une grande industrie pour développer des produits nouveaux pour des petits bâtiments. Cet arrimage est difficile à faire parce qu'on veut rester dans nos vieilles pantoufles et qu'on ne veut pas prendre de risque. C'est normal, c'est comme une voiture, même si c'est une voiture économique, il reste qu'elle est étudiée par des ingénieurs et des designers avant d'être mise en marché.
Donc, en ce qui concerne la collaboration entre provinces, il faut quand même penser à l'échange de différents projets de démonstration à différentes échelles. Il s'en fait un peu partout, mais les régions de l'Outaouais, Québec, Ontario, ce sont les régions où il nous manque le plus de projets démonstrateurs en bois.
Donc, comme le gouvernement fédéral construit substantiellement dans la région, je me permets de vous dire que cet incitatif du gouvernement fédéral serait plus que bienvenu pour démontrer, à vous les sénateurs, et à l'ensemble des députés, ce que les immeubles en bois peuvent donner. J'aimerais bien vous amener voir tout ce qu'il y a d'architecture en bois sur la planète, mais votre temps est compté aussi, puis je le comprends. Il reste qu'on a encore du chemin à faire sur la collaboration.
Il ne faut pas non plus oublier de faire évoluer la science du bâtiment. En Europe — je ne vous ai pas montré cela tout à l'heure —, mais la compagnie Du Pont de Nemours qui ne sont pas exactement des deux de pique dans la pétrochimie et le domaine du bâtiment, ils ne sont pas nés d'hier et ils n'ont pas exactement une image « néogranola » non plus, sauf qu'en Europe, ils offrent des freins vapeur pour laisser sortir l'humidité de la maison pour répondre à une demande en Europe, parce que les architectes en Europe veulent des murs qui diffusent. Du Pont l'offre en Europe, mais pas en Amérique du Nord. Il faut être capable d'importer ces produits.
Une société d'importation de produits novateurs serait bienvenue pour faire des projets de démonstration le temps qu'on installe ces industries ici. On ne veut évidemment pas déménager les matériaux d'un bord à l'autre de l'Atlantique, cela n'aurait pas de sens, ni écologiquement ni économiquement. Mais il faut commencer quelque part, il faut les montrer. J'ai donné, je ne sais pas combien de conférences à des ouvriers.
[Traduction]
Le sénateur Martin : J'aimerais d'abord vous remercier de votre exposé très passionnant. Vous êtes un excellent porte-parole qui nous a donné un exemple de ce que nous pouvons faire pour promouvoir la culture du bois au Canada, car c'est un secteur où nous avons des ressources naturelles incroyables.
Je viens de la Colombie-Britannique et j'étais ravi de vous entendre parler du magnifique anneau olympique de Richmond.
Les structures dont vous avez parlé dans votre exposé et les photos que vous nous avez montrées sont splendides et fort intéressantes. Je dois néanmoins mentionner qu'elles me semblaient éloignées, car l'Europe se trouve très loin d'ici. Je pensais au fait qu'en Colombie-Britannique, la culture du bois semble davantage présente. J'ai vu bon nombre de structures, petites et grandes, y compris l'anneau, qui ont été construites en bois. Quand je viens en Ontario, je visite les quartiers et je constate qu'on pourrait utiliser beaucoup plus souvent le bois.
J'aimerais parler davantage de votre mission spéciale. Cet exposé parlait de projets en Europe. Avez-vous un exposé sur ce qui existe au Canada, en particulier dans des provinces comme la Colombie-Britannique où la culture du bois est mieux ancrée?
M. Bourassa : Je n'ai pas personnellement fait ce genre d'exposés. Je connais bien entendu ces projets, mais l'organisation qui fait la promotion du bois au Québec, Seco-Bois, possède beaucoup de ces photos et fournit beaucoup d'information aux architectes et aux ingénieurs, et nous en avons beaucoup.
Le sénateur Martin : Je suis ravi de vous l'entendre dire. Nous avons besoin d'une approche à plusieurs volets. Un de ces volets consiste notamment à ce que vous faites et ce que vous nous avez montré aujourd'hui. Mais il faut également pouvoir examiner ce que nous faisons au Canada, notamment dans les provinces où il y a une culture du bois. Ainsi, cet enjeu nous interpellera plus, et sa réalisation sera plus envisageable.
Je songeais à un exemple concret que le gouvernement pourrait prendre. Il y a eu les Jeux olympiques à Vancouver et un festival de grande envergure aura lieu à Toronto. Je songe à des événements dans lesquels on pourrait avoir des projets d'envergure comme l'anneau olympique de Richmond. Ce genre de projet, qui est couronné de succès, pourrait se multiplier au Canada. Cela aurait une incidence marquée partout au pays. Nous vivons dans un si grand pays. Je me demandais comment vous pourriez faire cela, avec toute la passion que vous avez, en travaillant avec ce qui existe déjà au Canada. Cela pourrait avoir une incidence fort positive pour l'architecture, les architectes et l'industrie.
Le faites-vous déjà? Si ce n'est pas le cas, pourriez-vous le faire au Canada en travaillant avec ce que nous avons? Nous avons également bon nombre d'excellents projets.
M. Bourassa : Je suis d'accord avec vous. Il est grand temps de faire quelque chose qui rayonnera d'une côte à l'autre. Pour que cela soit utile, il faudrait procéder par construction thématique. En Europe, par exemple, il y a bon nombre d'associations de maires faisant la promotion du bois. Toutes les petites municipalités devront construire quelque chose un jour. Pour cela, il faudra tout d'abord miser sur les édifices municipaux. Pouvez-vous me nommer un petit hôtel de ville en Alberta qui a été fabriqué à partir des produits du bois ou encore me parler d'une belle caserne de pompiers?
[Français]
Pour ces différents types thématiques d'immeubles, c'est ce qui est le plus utile. Cela prend des ressources pour le faire, et évidemment, l'Ordre des architectes n'a pas ces ressources. Il faut des éditeurs pour faire des livres intéressants là-dessus. C'est certain que c'est un morceau intéressant.
Je vous ai parlé du futur, je vous ai parlé de l'industrie à venir, mais vous avez parfaitement raison de bien inventorier ce que l'on fait. Cependant, il y a un bémol extrêmement important. On a de la bonne architecture en bois au Canada et malheureusement, on en a également de la mauvaise. Si les gens qui feront ces répertoires ne sont pas capables de faire la différence entre la bonne et la mauvaise architecture de bois, je vous jure que l'on va reculer dans ce domaine.
Il y a un an, des collègues au Québec me disaient que j'exagérais. Ils ont commencé à regarder les immeubles en bois qui datent de 20, 25 ans, avec mon regard d'architecte. J'ai eu personnellement, dans ma profession d'architecte, à rénover les immeubles en bois conçus au début des années 1960. Pour ma part, je m'attends qu'une école dure plus de 50 ans. Et quand il faut changer des colonnes à l'extérieur, le bois, il faut quand même le protéger. En ce moment, on fait un guide sur les bonnes pratiques en bois. Il faut du savoir-faire si on veut que cela dure.
C'est pour cela qu'il faut rester très critique sur la façon dont on a utilisé le bois dans l'architecture de bois des 50, 60 dernières années. Je pense que c'est très, très important.
On a déjà vu un immeuble avec les poutres en bois qui dépassaient. Un collègue a voulu me montrer comment les poutres en bois s'étaient détériorées, mais lorsqu'il est revenu quelques jours après pour les photographier avec le bon angle du soleil, elles étaient alors toutes coupées et ils avaient recouvert d'acier tout le bâtiment. Il faut être très vigilant à cet égard.
Et c'est pour cette raison qu'à mon avis — je vais prêcher pour ma paroisse là-dessus —, la promotion du bois dans le bâtiment ne peut pas se faire par des gens qui ne connaissent pas le bâtiment, qui ne sont pas sensibles aux trois caractéristiques que je vous ai nommées plus tôt : l'harmonieux, le fonctionnel et le durable. Il ne s'agit pas que de livrer un beau bâtiment en bois, couper les beaux rubans et admirer le tout, et se dire qu'on a encouragé l'industrie forestière. Il faut revenir voir ce bâtiment dix ans après, et là, c'est intéressant. Et c'est ce qu'on a fait. On a fait cela en France, on a vu des bâtiments qui dataient de deux ans et qui étaient des désastres. Pourtant, sur le site de l'organisme de promotion du bois en France, c'était très beau. Mais sur place, c'était beaucoup moins beau.
Donc, il n'y a pas seulement la volonté, il y a la connaissance nécessaire aux bonnes pratiques. Et pour cela, on ne s'improvise pas compétent du jour au lendemain.
Le sénateur Segal : J'aimerais parler de la grande question du marché du bâtiment. J'aimerais que vous me disiez quelles sont les forces positives et les forces négatives pour le choix du bois?
Et à votre avis, est-ce que l'industrie forestière est concurrentielle aux autres industries, par exemple l'industrie de l'acier?
M. Bourassa : Pour ce qui est des éléments positifs, la promotion du bois au Québec, en ce moment, est très bien faite. Il y a beaucoup de campagnes de publicité et il y a beaucoup de projets de bois qui se font en ce moment, un centre sportif, un aréna, il y a beaucoup de grands projets qui se font en bois. On a de plus en plus de projets de démonstration facile, sauf dans l'Outaouais. Par contre, comme il y a une demande qui s'est créée de la part des architectes pour construire en bois, en ce moment, l'industrie ne suffit pas, et il y a des retards de livraison.
Cela ne nous inquiète pas tellement parce que d'autres industries sont en train de se construire pour suffire à la tâche. Je n'ai pas d'inquiétude à ce niveau, par contre, on a eu des retards de livraison sur certains projets. Un élément négatif : les ingénieurs en charpente qui sont habitués avec le bois — pas ceux qui disent qu'ils le sont, ceux qui le sont vraiment — sont trop peu nombreux. Sur des projets, des collègues architectes m'ont rapporté que voulant construire en bois, les ingénieurs les en ont découragés. On a besoin de formation supplémentaire pour les ingénieurs en structure de bâtiment.
Il y a de grands projets pour des arénas et des centres sportifs. Il y a un renouveau important sur ce plan, mais pas sur celui de l'habitation, parce que l'on nous répond que l'habitation est déjà en bois. On se sert déjà de 2 x 4 et de 2 x 6. Tout ce dont je vous ai parlé, la masse thermique, les murs qui diffusent, tout cela n'est pas au rendez-vous parce que les architectes font peu d'habitations. C'est un frein important à l'avancement de la science du bâtiment en ce moment.
Il faut être investi d'une mission et avec notre bâton de pèlerin et un peu plus de moyens, je l'espère, continuer à appuyer des projets de développement au Saguenay, en Abitibi et un peu partout au Canada. On devrait pouvoir démontrer à quel point peut être intéressante une maison construite en bois à l'intérieur comme à l'extérieur dans une banlieue ontarienne, par exemple, sans commettre toutefois l'erreur du tout bois ou tout gyproc.
Je vous ai montré la photographie d'un bâtiment qui présente à mon avis trop de bois. C'est un exemple choisi pour vous démontrer qu'il faut faire doser les matériaux. Il faut faire ces projets de démonstration un peu partout.
Au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, par exemple, il y du bois et des maisons qui se construisent. Si on compte juste sur les grands immeubles, les arénas, les centres sportifs ou les condos pour relancer l'industrie du bois, je regrette, des arénas, il s'en construit combien par année au Nouveau-Brunswick?
Le sénateur Robichaud : Pas beaucoup, parce que celle qui était là est passée au feu.
M. Bourassa : C'est moins spectaculaire d'inaugurer une habitation en bois à Mississauga en Ontario avec du vrai bois renouvelé. J'aurais pu vous montrer du design japonais en bois. C'est renversant! Dans les revues d'architecture que l'on montre aux étudiants en architecture, pendant des années, on ne montrait que du béton, du verre et de l'acier. La culture en bois au Japon existe depuis des millénaires, la culture en bois des pays scandinaves est millénaire aussi. Le béton et l'acier dans le domaine résidentiel dans les maisons « d'architecte » ne datent pas de si longtemps, seulement d'après- guerre. Avant cela, il n'y en avait pas.
Pour revenir à votre question, l'un des points négatifs est la promotion du bois dans une autre échelle de bâtiments.
Maintenant, je vous parlerai d'un autre point négatif lié à la promotion du bois. Vous connaissez tous des immeubles en bois, les six, huit ou douze logements où l'on entend le voisin parce que c'est mal insonorisé. Ils ont donné une mauvaise image du bois. Tous les maires des villes pensent à ces exemples quand ils songent à construire leur hôtel de ville. Si je n'ai pas de meilleurs exemples à proposer, c'est difficile de leur prouver le contraire. Lorsque je fais la promotion du bois, les gens ont de la difficulté à comprendre, car dans ces immeubles en bois, il y a aussi une ou deux composantes dans la science du bâtiment qui ne marche pas, qui crée toujours des problèmes.
Prenez un bâtiment de trois étages l'un au-dessus de l'autre comme il en existe beaucoup dans notre pays. L'extérieur est souvent en brique. La brique se contracte-t-elle? Pas du tout. La brique est très stable. Mais qu'arrive-t- il au bois à l'intérieur de ces bâtiments au fil des années? Il refoule. Il y a un retrait du bois qui est normal. Cela fait que la tablette de fenêtre appuyée sur la brique qui devait laisser l'eau s'écouler vers l'extérieur inverse sa pente et l'eau s'infiltre à l'intérieur. Cela fait que l'eau qui s'infiltre fait pourrir le mur, que s'installent la moisissure et tous les dommages qui s'ensuivent et que vous pouvez imaginer. C'est un simple détail, mais tant que l'on n'a pas compris cela, ces immeubles sont associés à la mauvaise qualité.
Le deuxième défaut de ces immeubles, vous allez trouver que je suis rendu loin du bois, mais il faut que j'en parle quand même. Je ne comprends pas qu'au Canada on n'ait pas évolué sur la science du bâtiment. Prenons une toilette sur un plancher en contreplaqué de cinq huitièmes de pouce d'épaisseur. La toilette y est boulonnée. L'étanchéité entre la toilette et le bois est résolue à l'aide d'un beigne en cire jaune. Vous avez déjà vu cela? Vous avez déjà vu aussi l'instabilité qui peut en résulter. Qu'est-ce qui se passe à la longue? Cela coule et sur la tête de l'autre en bas dépendamment à quel étage elle est située. Ainsi, le plafond de l'autre salle de bain du dessous moisit. Je vous jure que j'ai déjà vu entre autres un bâtiment de 20 logements de la SCHL devenir une perte totale. Pas parce que le bâtiment s'était effondré, mais parce qu'il y avait eu de petites infiltrations aux fenêtres, des dégâts d'eau résultant de problèmes de plomberie, d'un aquarium et du toit qui avait coulé. Il y avait tellement de dommages que ce fut une perte totale. Je ne l'ai pas inventée cette histoire.
Il faut donner aux petits immeubles en bois une image de qualité qui n'est plus synonyme de murs qui se fendillent ou de planchers qui craquent.
Le sénateur Robichaud : Qu'est-ce qui a stimulé cette utilisation du bois en Europe? Car il y a toute une éducation à faire. Cela m'impressionne des murs qui respirent. Ici, on les empêche de respirer avec un plastique à l'intérieur pour que l'humidité ne traverse pas ou que la peinture ne s'écaille pas.
Vous parlez de produits isolants, de laine de bois; est-ce le fait que l'on veuille être plus écologique en voulant consommer moins d'énergie et utiliser plus de matériaux disponibles dans la région?
M. Bourassa : Clairement, il y a eu une volonté en ce sens. J'ai un document promotionnel du Val de Loire. Ils ont des moyens promotionnels phénoménaux. Ils ont décidé qu'ils s'occupaient de leur économie, qu'elle ne passait pas par le pétrole, parce qu'ils n'en avaient pas, mais par le bois. Il y a quand même depuis une quarantaine d'années tout un courant d'architecture écologique qui s'est développé à partir du bois. Un moment donné l'industrie a su répondre à la demande de cette architecture écologique en proposant des produits davantage écologiques, des produits industrialisés. C'est la nuance qu'il faut faire. Par exemple, si on parle de construire une maison en ballots de paille. C'est un principe avec lequel je ne suis pas d'accord.
Le sénateur Robichaud : Il y en a une chez nous, pas loin.
M. Bourassa : Au Québec, il en a une qui s'est effondrée à Shawinigan et quelqu'un en est mort. Cela n'a pas été très médiatisé. L'architecture de ballots de paille n'est pas un produit de construction, c'est un produit agricole.
Il est parfois dense, parfois il ne l'est pas; parfois il est bien mis en œuvre et parfois il ne l'est pas. En termes de qualité, ce produit n'est ni homologué ni standardisé, ce qui peut poser un problème. Le gouvernement fédéral devrait-il donc promouvoir l'utilisation des ballots de paille dans la construction de ses immeubles? Dans l'état actuel des choses, je vous répondrai par la négative. Il ne s'agit pas d'un matériau de construction, mais bien d'un produit agricole.
Ce qui a soulevé le débat en Europe, c'est un courant d'architecture écologique lié à une volonté des élus plus locaux ou régionaux. La question s'est rendu jusqu'au gouvernement, qui a élaboré une loi sur l'utilisation du bois dans la construction de bâtiments.
Le sénateur Robichaud : On nous parle souvent du code au Canada. Le Code du bâtiment est un élément qui limite l'utilisation du bois. Or, on ne connaît pas suffisamment les qualités du bois ni les façons de l'utiliser. Comment ont-ils fait pour contourner ce problème, en dépit des codes du bâtiment qui doivent certainement exister?
M. Bourassa : Si vous permettez, je vous ramènerai de ce côté de l'Atlantique où les choses sont en train de changer. Par exemple, à Québec, on a construit un immeuble de six étages en bois. Cette réalisation est récente et sans précédent. Le nouveau code, qui est un code par objectif, permet de proposer des solutions sécuritaires avec d'autres techniques. Plutôt que de donner la recette, on dit qu'avec tel ou tel ingrédient on peut avoir un bâtiment sécuritaire. Nous avons d'ailleurs reçu le mandat de construire un bâtiment de cinq étages dans une région et nous travaillerons ainsi.
Le code permet beaucoup de choses. Le fait de construire en bois ne constitue pas un empêchement. On nous en parle comme étant un empêchement, vous avez raison. On nous brandit le code comme un empêchement. Toutefois, lorsqu'on regarde de près, on voit que ce n'est pas le cas. Il faut bien sûr faire l'effort de regarder.
Pour ma part, si je construis un grand immeuble en bois, au Québec, ce n'est pas tellement le code qui me préoccupera. Je n'aurai qu'à faire mes devoirs à la Régie du bâtiment. Ma principale préoccupation se rattachera aux dates de livraison des structures en bois. On construit des immeubles et des maisons en bois depuis longtemps.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : J'aimerais vous féliciter, monsieur Bourassa, de votre excellent exposé. Votre enthousiasme et vos connaissances nous motivent tous. J'espère que cela déteindra sur le Conseil canadien du bois, qui a déjà comparu devant notre comité. Ils pourront ainsi prendre une partie de votre enthousiasme et de votre énergie.
J'aimerais vous poser quelques brèves questions. Est-ce que les fenêtres Glassex — il s'agit de ces murs spéciaux dont parlait le sénateur — sont disponibles au Canada?
M. Bourassa : Pas encore. Je veux travailler à importer le Glassex, mais je n'en ai pas encore eu le temps.
Le sénateur Duffy : Est-ce que les Européens sont préoccupés par le fait que rendre l'utilisation du bois obligatoire pourrait contrevenir au GATT, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou encore aux obligations commerciales internationales en vertu de l'Organisation mondiale du commerce?
[Français]
M. Bourassa : Je vais demander qu'on me traduise la dernière partie de la question.
Le sénateur Segal : Le droit encourageant l'utilisation du bois pose-t-il problèmes avec les accords internationaux tel le GATT?
M. Bourassa : Je n'ai entendu aucun commentaire à ce sujet.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Merci. Je vous félicite. Merci beaucoup d'être venu nous voir ce soir.
[Français]
M. Bourassa : Si vous me permettez un dernier mot, je vous dirai qu'il doit y avoir une volonté très forte de la part du gouvernement, de l'industrie et surtout de nos organismes scientifiques, qui portent la science du bâtiment sur leur dos, pour accepter de faire la promotion d'autres choses que le pare-vapeur de plastique. Si on ne cherche qu'à réaliser des projets d'arénas ou de stades, cet aspect ne compromet en rien la science du bâtiment. Pour l'habitation où chacun de nous vivons, il est très important pour notre santé de faire évoluer les choses. Or, cet aspect ne bouge pas rapidement. Il faut une volonté et des intrants pour réaliser les projets de démonstration de « passive house » au Canada. Je ne peux pas croire qu'au Canada nous ne puissions réaliser une démonstration de « passive house » dans chaque province.
Le sénateur Robichaud : On n'en a pas.
M. Bourassa : On n'en a pas.
Le président : Nous aimerions vous remercier, monsieur Bourassa, de votre excellente et extraordinaire présentation sur l'utilisation du bois dans l'industrie et dans la construction en général. Votre présentation fut très enrichissante. On pourrait y consacrer encore quelques heures. Nous aurons certainement l'occasion de partager avec vous d'autres éléments du rapport.
[Traduction]
Honorables sénateurs, avant de lever la séance, je constate que le sénateur Duffy aimerait poser une autre question.
Le sénateur Duffy : J'aimerais poser une question à M. Bourassa.
[Français]
Pourrait-on obtenir une copie de votre présentation vidéo, s'il vous plaît?
M. Bourassa : Vous l'avez déjà. Vous pourrez la regarder avec plus de calme et de sérénité que moi.
Le sénateur Segal : Et sans doute plus lentement.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance levée. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)