Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 3 - Témoignages du 22 avril 2010
OTTAWA, le jeudi 22 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit ce jour à 8 h 5 afin d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada de même qu'un avant-projet de budget.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, chers collègues. Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et en profite pour vous souhaiter la bienvenue.
[Français]
Je suis le sénateur Percy Mockler, président du comité.
[Traduction]
Messieurs les témoins, notre séance d'aujourd'hui fait suite à celle de mardi qui avait pour thème l'entente sur le bois d'œuvre.
[Français]
Nous recevons ce matin deux grands experts. Étant donné que le comité veut étudier les causes et les origines de la crise forestière actuelle pour recommander au gouvernement des solutions de partenariat avec tous les intervenants, ils ont été invités pour fournir de l'information sur cet objectif et en regard de l'éducation concernant ce même objectif.
Nous recevons M. Luc Bouthillier, professeur, Département des sciences du bois et de la forêt, Faculté de foresterie et de géomatique de l'Université Laval. Merci d'être avec nous ce matin et d'avoir accepté notre invitation.
[Traduction]
Nous accueillons aussi Daowei Zhang, professeur d'économie et de politique forestières à l'École de foresterie et de sciences de la faune, Université Auburn, Alabama, É.-U. Merci à vous deux d'avoir accepté notre invitation et ainsi de nous aider à accomplir notre mandat.
Je vous invite à passer à vos exposés après quoi nous vous poserons des questions.
[Français]
Luc Bouthillier, professeur, Département des sciences du bois et de la forêt, Faculté de foresterie et de géomatique, Université Laval, à titre personnel : Monsieur le président, je vous remercie et je suis très heureux d'être avec vous ce matin pour célébrer la Journée de la Terre. C'est un privilège de vous rencontrer.
[Traduction]
Je suis heureux d'être ici pour vous faire part de ma vision et vous faire partager ma passion pour la forêt et aussi et surtout pour ceux et celles qui en vivent et qui bénéficient de ce formidable patrimoine dont nous avons hérité au Canada.
[Français]
Évidemment, on m'a demandé de raconter l'histoire du litige canado-américain sur le bois d'œuvre. C'est une histoire complexe. On va s'arrêter sur l'entente de 2006, mais j'aimerais remonter plus loin afin de comprendre l'histoire et de se projeter dans le futur.
Comme j'ai peu de temps — et que je viens de brûler quelques minutes —, je vais m'exprimer en français. Je vais essayer de parler lentement, mais je m'excuse à l'avance auprès des interprètes parce que, en bon francophone, je vais sûrement m'exciter parce que c'est un sujet important!
D'abord, la profondeur historique de l'enjeu du bois d'œuvre entre le Canada et les États-Unis. Vous savez, on a failli entrer en guerre avec les États-Unis sur la question du bois d'œuvre. Cela s'est passé à la frontière du Maine et du Nouveau-Brunswick, où l'on voulait faire passer la frontière un peu plus au nord pour bien englober la vallée de la rivière Aroostook parce que cette vallée était riche en bois. Des deux côtés, les milices se sont affrontées. Évidemment, c'est anecdotique, mais cela démontre bien l'importance du bois dans les relations canado-américaines.
Il faut se souvenir que le premier traité de libre-échange avec les États-Unis, que l'on a appelé le Traité de réciprocité, signé en 1866, visait essentiellement à favoriser l'entrée du bois canadien en liberté de droits de douane, sans aucun tarif. Évidemment, cela a été rappelé quelques années plus tard parce que l'Ouest américain était maintenant disponible, ouvert. La guerre de Sécession était terminée et il fallait stimuler l'industrie américaine du bois d'œuvre. La meilleure façon de le faire, c'était d'imposer un tarif à l'industrie canadienne. Donc ce réflexe protectionniste, il est présent et il était présent.
Évidemment, il faut aussi se souvenir que le gouvernement américain avait une période extrêmement intéressante d'ouverture à l'égard de l'industrie canadienne des produits forestiers sous le règne du président Taft, en 1911, alors qu'on pratiquait ce qu'on appelle la « dollar diplomacy ». Le président Taft consentait à ce que les produits canadiens puissent entrer en toute liberté, sans aucun tarif, à condition que ce soit du capital américain qui soit à l'origine de la fabrication de ces produits au Canada.
Cette « dollar diplomacy » qui a favorisé l'essor de l'industrie canadienne, tant dans les pâtes et papiers que dans le domaine du sciage, a très bien fonctionné jusqu'à la Grande Crise de 1929. Dès février 1930, la Loi sur les tarifs américaine a aboli ce privilège et on a réclamé des taxes sur les bois canadiens et sur un paquet d'autres produits. C'était de l'ordre de 25 à 30 p. 100 de la valeur des bois à la frontière. Il y a donc une histoire très profonde.
Parlons maintenant de ce qui nous intéresse vraiment : l'entente de 2006. L'entente a bel et bien été ratifiée par les deux pays en octobre 2006. Elle aussi s'inscrivait dans une lignée de conflits — en fait, c'est l'expression anglaise qui domine, Lumber 1, Lumber 2, Lumber 3 et Lumber 4. L'entente 2006 correspond à ce qu'on appelle le Lumber 4. Avant d'arriver à Lumber 4, parlons des 1, 2 et 3.
La première bataille contemporaine du bois d'œuvre survient en 1982. Une coalition de scieurs américains trouve que l'industrie canadienne — là, il faut comprendre surtout l'industrie de la Colombie-Britannique —, en mène très large, détient de trop grandes parts de marché et invoque les lois commerciales américaines pour exiger une mise à niveau des conditions de compétitivité. Pour ces scieurs, surtout de l'Ouest américain, les bonnes performances de l'industrie canadienne s'expliquent essentiellement par le fait que l'industrie canadienne profite d'une forêt publique et qu'elle est subventionnée parce que la Couronne n'exige pas des redevances assez élevées.
Dès mars 1983, l'administration américaine, qui gère à la fois l'International Trade Commission et l'International Trade Administration, va arriver à la conclusion que la plainte est non fondée, essentiellement parce que le dossier des pétitionnaires américains est mal monté. Ce qui fait qu'on va se réessayer dès 1985. La coalition va soumettre une nouvelle demande, et en dépit du fait que l'administration Reagan et l'administration Mulroney s'entendent très bien l'une et l'autre, ils ne veulent pas qu'on entrave le commerce entre le Canada et les États-Unis.
La loi américaine a été bien comprise, cette fois, par la coalition, et le mécanisme est déclenché.
Évidemment, les lois commerciales américaines — là on vient d'entrer dans Lumber 2 —ont cette particularité que la présomption de culpabilité domine. Il est extrêmement important de comprendre cela. Dès qu'il y a présomption de culpabilité, on vous impose une taxe et selon le déroulement de l'enquête, si vous êtes déclaré non coupable, la taxe est enlevée. Cependant, ce qui se produit plus généralement, c'est qu'on vous impose, au départ, avec cette présomption de culpabilité, une taxe maximale qui pourra être baissée au fur et à mesure que le cas chemine.
En juin 1986, l'International Trade Commission du gouvernement américain statue que la plainte est recevable, que l'industrie américaine souffre d'un préjudice parce que l'industrie canadienne profite d'un avantage indu, ce qui signifie qu'elle pratique une concurrence déloyale. Et, de facto, on menace d'imposer une taxe de 27 p. 100.
Le gouvernement canadien, dans les mois qui vont suivre — surtout à la suite des démarches des gouvernements provinciaux de la Colombie-Britannique et du Québec —, va convenir que même si nous ne sommes pas coupables de concurrence déloyale, le client a toujours raison et qu'il vaut peut-être mieux, plutôt que de se voir imposer un tarif, s'imposer une taxe à l'importation tant et au aussi longtemps que les régimes forestiers provinciaux ne seront pas amendés de manière à ce que cette apparence d'avantages indus soit levée.
Nous venons donc de passer à travers l'épisode no 2 — Lumber 2 — de la guerre du bois d'œuvre des années 1980.
En 1991, le gouvernement canadien va annoncer aux Américains que la taxe à l'exportation est levée puisque les régimes forestiers de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec — qui sont les trois provinces visées — ont été amendés de manière à ce qu'il n'y ait plus cette apparence de compétitivité déloyale.
Et immédiatement, la Coalition for Fair Lumber Imports, cette coalition de scieurs américains qui prétend souffrir de la concurrence américaine va lancer une troisième poursuite. Cette troisième poursuite, évidemment à cause de la présomption de culpabilité, signifie une taxe de 14,48 p. 100 et après discussions, en février 1996, on va conclure qu'encore une fois, bien que le Canada et les provinces canadiennes ne se considèrent pas coupables, elles admettent que pour servir son meilleur client, elles peuvent s'imposer une contrainte pour continuer à avoir accès aux marchés et cette fois-ci, au lieu d'avoir une taxe à l'exportation, on va s'imposer des contingentements.
Et on se donne une période de cinq ans, encore une fois, pour améliorer les régimes politiques. On veut imposer à chaque industriel qui exporte aux États-Unis un contingent basé sur l'historique de sa présence sur le marché américain et fondé sur l'idée que l'industrie canadienne, dans son ensemble, ne peut pas détenir plus que 33 p. 100 du marché américain. Retenez bien ce pourcentage qui est extrêmement important dans notre histoire sur le bois d'œuvre.
Évidemment, les contingentements seront levés début 2001 et dès le moment où les contingents sont levés — parce qu'encore une fois, les provinces canadiennes ont amendé le régime forestier de façon à rendre les règles du jeu plus comparables à ce qui se passe aux États-Unis —, l'industrie américaine, enfin certains scieurs américains vont amorcer une nouvelle construite prétendant que non, les Canadiens font une concurrence déloyale.
Et en mai 2002, la Commission sur le commerce international des États-Unis va statuer qu'il y a présomption de culpabilité. On va charger l'administration internationale du commerce, du département du commerce américain, de prouver cette présomption, mais en attendant, on va imposer une taxe de 27 p. 100 qui correspond à ce qu'on appelle des droits compensateurs pour corriger avec un tarif l'avantage indu que l'industrie canadienne possède, mais aussi, on va accuser — et ça, c'est nouveau — certaines entreprises canadiennes de faire du dumping, de vendre à un prix inférieur au coût de production, et donc, le droit de 27 p. 100 va correspondre à la fois à un droit compensateur et à un droit antidumping.
Tout cela se déroule dans un contexte où le prix du bois d'œuvre est extrêmement intéressant parce qu'on a un marché de la construction domiciliaire qui va très, très bien, avec plus de 2,3 millions de mises en chantier. Le marché peut tout prendre. Et à toutes fins utiles, même avec une taxe de 27 p. 100, c'est un peu plus difficile pour l'industrie canadienne, mais il y a encore moyen de vendre sur le marché américain, de payer les taxes, c'est-à-dire à la fois les droits compensateurs et les droits antidumping et de faire des sous.
On va même constater que l'industrie de Colombie-Britannique va avaler cette taxe dans ses coûts de production et va agrandir ses parts de marché sur les États-Unis.
Ce n'est pas le cas pour l'industrie ontarienne, l'industrie albertaine et l'industrie québécoise. L'industrie québécoise, notamment, va être la plus grande perdante. C'est plus difficile pour elle d'avaler la taxe et ses parts de marché vont se réduire sensiblement.
Néanmoins, c'est un enjeu qui coûte cher en termes d'emploi et le gouvernement canadien — et surtout le nouveau gouvernement Harper, en 2006, mais il s'inscrivait dans la lignée d'action du gouvernement Martin et surtout du gouvernement Chrétien — va conclure un accord pour avoir accès au marché américain et pour prévenir ce jeu de poursuite.
Les deux gouvernements vont s'entendre en avril 2006 et l'entente va être scellée en octobre 2006. Maintenant, que dit cette entente? Cela est très important. Essentiellement, l'entente du 26 avril — qui va être scellée en octobre 2006 — veut donner un accès libre et prévisible aux productions canadiennes sur le marché américain, veut essayer d'éviter les quotas, les contingentements et les tarifs.
Elle veut aussi obtenir le remboursement des droits puisque depuis 2002, chaque fois que 1 000 pieds de mesures de planches, chaque fois qu'un camion de bois d'œuvre canadien traverse la frontière, il y a des droits qui sont imposés, ces droits sont encaissés en fidéicommis. Et le montant s'élève à presque cinq milliards de dollars. C'est considérable. Que faire avec ces cinq milliards de dollars? L'entente prévoit que 85 p. 100 des droits seront remboursés, non pas à l'industrie canadienne, mais aux différents gouvernements provinciaux pour qu'on puisse mieux faire de la foresterie; un milliard restera aux États-Unis; 500 millions pour les membres de la coalition; et 500 millions pour des œuvres caritatives qui seront désignées par le gouvernement américain.
L'entente prévoit aussi qu'évidemment, si le marché n'est pas bon, si la part du marché américain détenue par le marché canadien est trop grande, il faudra imposer des mesures de contingentement et imposer des droits de douanes et de taxes. On va identifier — c'est aussi un chiffre important — que dès que le prix du bois d'œuvre sur le marché américain descend sous le seuil de 355 dollars américains du 1 000 pieds mesures de planches, on doit imposer une taxe ou des contingentements. Ce prix est ce qu'on appelle la moyenne d'un panier de produits sur le marché américain, 15 types de bois d'œuvre vont composer le panier de produits à partir duquel on identifiera cet indice des prix à 355 dollars.
Pourquoi 355 dollars? Eh bien parce que les concepteurs de l'entente ont regardé l'évolution de l'historique du marché sur les 15 années précédant la signature de l'entente et ils se sont rendus compte que dans 55 p. 100 des cas, le prix était supérieur à 355 dollars. Et à l'époque, on prévoyait que l'histoire se répéterait.
Ce montant de 355 dollars américains, il faut aussi savoir que l'industrie canadienne fonctionne avec des coûts en dollars canadiens. Le taux de change à l'époque était de 71 sous américains par dollars canadiens, ce qui signifiait un prix de 500 dollars canadiens pour l'industrie canadienne, et cela rendait la chose assez intéressante pour les Canadiens.
Ce qui est intéressant aussi, c'est le mécanisme prévu à l'entente. Alors, qu'est-ce qui arrive si le prix descend en bas de 355?
En avril 2006, le prix était de 365 dollars. Le prix était en descente et on approchait du fameux seuil à partir duquel des contraintes étaient imposées aux Canadiens. Essentiellement, il y a trois paliers. Si le prix varie entre 336 dollars et 355 dollars, c'est une taxe de 5 p. 100 qui s'impose; de 316 dollars à 335 dollars, une taxe de 10 p. 100 et en bas de 315 dollars, une taxe de 15 p. 100.
Depuis août 2007, le prix est inférieur à 315 dollars. Il a remonté récemment. Ces contraintes qu'on appelle l'option A, où l'on impose une taxe à l'exportation, les revenus restent au Canada et varient par palier selon l'évolution du prix. L'industrie de l'Alberta et de la Colombie-Britannique était tout à fait d'accord avec cela. Dans l'est, on n'était pas d'accord. C'est la raison pour laquelle l'entente a prévu l'option B qui est un mélange de tarifs et de contingentements qui fonctionnent par paliers. L'idée, c'est que lorsque le prix varie entre 336 dollars et 355 dollars, on impose une taxe de 2,5 p. 100 et il faut s'assurer de distribuer les contingentements de façon à ce que la part canadienne ne dépasse jamais 34 p. 100. Entre 316 dollars et 350 dollars américains du 1 000 pieds mesure de planche, une taxe de 3 p. 100 et là, la part de marché global ne doit jamais dépasser 32 p. 100. Lorsque le prix tombe sous la barre du 315 dollars, c'est une taxe de 5 p. 100 et la part de marché est réduite à 30 p. 100 et doit être distribuée entre chaque industriel.
Est-ce que tout cela a fonctionné? Oui, cela a fonctionné relativement bien, sauf que, comme je dis souvent, quand il est question de pourcentage, il faut toujours questionner la base, la valeur absolue, un pourcentage de quoi? Il devient alors extrêmement important de se rendre compte qu'à partir de janvier 2007, la bulle de construction immobilière éclate.
Pour la période 2004-2006, il s'est construit en moyenne autour de 2,3 millions de maisons unifamiliales, multifamiliales aux États-Unis qui, essentiellement, utilisent du bois. À partir de 2007, la bulle éclate, à un point tel, qu'au moment où l'on se parle, on a construit à peine 700 000 résidences et c'est tombé. En avril 2009, il se construisait moins de 500 000 résidences. Un plancher qui n'a jamais été atteint depuis qu'on tient des statistiques sur la construction résidentielle soit en 1957. Nous ne sommes jamais descendus si bas.
Cela signifie que dans les belles périodes, 2003, 2004, 2005, on avait besoin d'environ 66 milliards de pieds mesure de planche. À partir de 2008 et 2009, on est tombés à 45 milliards de pieds de mesure de planche. Les contingentements ont fait mal et évidemment, les prix sont tombés.
Il semble y avoir des signes de reprise depuis la crise économique et financière que nous vivons depuis septembre 2008, et qui s'est accentuée en 2009. Le président Obama, pour relancer l'économie, essaie de stimuler la construction verte et les paramètres fondamentaux de l'économie sont meilleurs, un peu. C'est la raison pour laquelle la construction a repris un peu. Nous en sommes à 700 000 — mon collègue aura certainement des chiffres plus précis. Le marché de la construction va mieux et les prix se sont raffermis à un point tel que nous avons franchi le premier seuil et les prix tournent autour du 320 dollars, 330 dollars du 1 000 pieds ce qui fait que les contingents pour les gens qui sont sur l'option B, les taxes ont baissé. Les taxes, pour ce qui est de l'industrie de la Colombie-Britannique, ont aussi baissé. Cette entente fonctionne relativement bien et maintenant, les taxes et les contingents ont baissé.
Que peut-on conclure de cette entente? D'abord, c'est une réussite de diplomatie commerciale. Les deux administrations, tant l'administration américaine que canadienne avaient pour objectif d'essayer de mettre fin à ses luttes commerciales avec une entente qui serait juste pour les deux parties. Cela me semble avoir réussi. Évidemment — et je vais me permettre de le dire en anglais — « fair trade is not free trade ». Un commerce équitable, ce n'est pas un libre commerce. Ce que l'industrie canadienne veut, c'est un libre accès, c'est du libre-échange. Ils ont obtenu un accès contraint lorsque les conditions de marché sont difficiles. Quand les conditions de marché sont favorables, le commerce est relativement libre. Ça a très mal été. Vous savez que les communautés forestières et les gens ont été durement touchés par la crise économique. Dans la mesure où il n'y aurait pas eu cet accord commercial de 2006, probablement que des tarifs, des taxes beaucoup plus élevées, des contraintes beaucoup plus difficiles à supporter pour l'industrie auraient été imposés.
Même si cette entente a fait mal et a contraint la performance de l'économie canadienne, cela a été relativement positif puisqu'en l'absence de cet accord, probablement que la crise économique aurait déclenché des réflexes protectionnistes encore plus difficiles à supporter. Retenons aussi que cet accord fait que chaque fois qu'un dollar de taxe est imposé, il reste au Canada. Retenons aussi que cet accord a stimulé une nette progression en politique forestière canadienne de manière à ce que l'on ait une politique plus décentralisée, plus ouverte sur la sylviculture, sur un développement de l'industrie forestière et aussi sur une conception de la politique publique en foresterie, ouverte à une dynamique de marché. Par exemple au Québec, cet accord a été invoqué pour justifier la mise en place d'un gros système d'enchères qui devrait, pour les bois des forêts publiques, être enclenché d'ici deux ans et on invoque beaucoup l'accord pour justifier ce mouvement qui est assez intéressant.
Maintenant, cet accord était valable pour une durée de 7 ans pour deux ans, renouvelable pour deux années additionnelles. Il a été signé en 2006, il devrait prendre fin en 2007. C'est donc le temps de penser à l'avenir.
Lorsqu'on regarde toute l'histoire canado-américaine du bois d'œuvre, il faut se rendre compte, et ce, même pour d'autres produits que le recours aux lois commerciales américaines par l'industrie américaine est considéré comme une pratique commerciale, et cela fait partie du modèle d'affaires.
Ce qu'il faut comprendre, c'est à quel moment l'industrie américaine considère que c'est beaucoup plus payant pour elle de lancer un produit que d'essayer d'être plus productif ou de fabriquer de meilleurs produits.
On se rend compte en étudiant l'histoire que dès que l'industrie canadienne possède plus de 33 p. 100, tout de suite le réflexe protectionniste est déclenché. Dans les années 1990, notre industrie du bois a réussi à gagner des parts de marché, non pas parce qu'elle était protégée par les lois canadiennes, mais parce qu'elle était plus performante que la moyenne des industriels américains.
Est-ce qu'il faut payer lorsque nous sommes bons? Nous détenons 28 à 34 p. 100 du marché américain selon les années, mais cela représente pratiquement 66 p. 100 de ce que nous produisons. Nous avons donc besoin d'eux. Si la règle du jeu est que nos compétiteurs américains peuvent recourir à du protectionnisme quand cela fait leur affaire, nous devons l'accepter et essayer de négocier des ententes comme celle de 2006, qui nous imposent des contraintes que nous choisissons relativement librement.
C'est une stratégie défensive. Pour l'avenir nous devons aussi avoir une stratégie offensive qui mise sur la productivité. Il est très révélateur que dans les premières années de la quatrième bataille du bois d'œuvre en 2002, 2003 et 2004 qu'en dépit de la taxe, l'industrie de la Colombie-Britannique ait réussie à augmenter sa part de marché. Elle a été très productive.
Il faut aussi fidéliser notre clientèle. Notre bois peut paraître un peu plus cher, mais le service à la clientèle est très important lorsqu'on regarde la restructuration du marché de la construction aux États-Unis où de moins en moins de joueurs construisent de maisons et compte tenu de la qualité de notre bois au Canada, si on ajoute une prestation service au client, livrer les quantités demandées juste à temps, dans des délais raisonnables, c'est-à-dire entre 48 et 72 heures, ce qui est un défi — et pourtant, c'est ce que l'industrie scandinave fait, à partir du moment où la commande est placée, on livre dans 48 heures. Au Canada nous n'en sommes pas là, mais si nous étions capables de le faire, nous pourrions bâtir une liste de clients et dans les circonstances où une taxe serait imposée, la qualité de nos produits et la prestation de nos services feraient en sorte que le client serait d'accord pour payer plus.
On peut offrir plus que du bois d'œuvre, on peut offrir des systèmes de construction en bois. Au Québec, on a calculé qu'en construisant 200 000 maisons préfabriquées, on pourrait utiliser tout le bois d'œuvre québécois et que ce nombre correspondrait à deux ou trois points de pourcentage des parts du marché de la construction domiciliaire aux États-Unis, et ce faisant ne dépasserait pas le seuil qui déclenche des attaques protectionnistes qui font partie du modèle d'affaires.
C'est extrêmement important, l'idée est de ne pas dépasser les parts de marché qui déclenchent ces réflexes protectionnistes.
Si on a de bons systèmes de construction en bois, qu'est-ce qui nous empêche de diversifier nos marchés et de vendre en Chine, au Japon? Les gens de la Colombie-Britannique l'ont d'ailleurs compris. Qu'est-ce qui nous empêche de vendre en Europe? Pour ce qui est de l'industrie ontarienne, que je connais un peu, et québécoise, nous sommes de taille à affronter la compétition qu'elle vienne de Finlande ou d'Allemagne. Nous sommes capables et nous avons de bons produits en valeur ajoutée. Ce faisant, en diversifiant nos marchés, nous éviterons les réflexes protectionnistes américains qui sont déclenchés lorsque l'on a une trop grande présence sur le marché américain ou que la conjoncture économique fait que les producteurs américains veulent se protéger de la concurrence d'où qu'elle vienne et dans quelque production que ce soit. Merci pour votre attention.
Le président : Monsieur Bouthillier, merci de votre très belle présentation.
[Traduction]
Nous accueillons maintenant officiellement au Canada le professeur Zhang. Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Je vous invite à nous faire part de votre exposé.
Daowei Zhang, professeur, Économie et politique forestières, École de foresterie et de sciences de la faune, Université Auburn, Alabama, É.-U., à titre personnel : Merci de votre invitation. Avant de commencer, je veux poser une question à la greffière. Si je fais une plaisanterie, je dirai simplement que c'est « entre nous ». Si tel est le cas, si je dis quelque chose n'étant pas politiquement correct, sera-t-il possible que ma remarque n'apparaisse pas dans les transcriptions?
Le président : Nous allons faire paraître tout ce que vous allez déclarer dans le The New York Times. Non, soyez à l'aise, vous êtes entre amis et vous pouvez dire tout ce qui vous passe par la tête.
M. Zhang : Comme il risque d'y avoir des répétitions, je me propose de sauter une partie de mon exposé. Vous pourrez toujours annexer à la transcription la version complète imprimée de mes déclarations liminaires.
Je ne vais pas tout reprendre de ce document parce que j'y ai apporté des changements à bord de l'avion et que j'étais encore en train de le retoucher à 23 heures hier soir. Sachez simplement que je vais un peu m'écarter du texte écrit.
Je m'intéresse au différend commercial canado-américain sur le bois d'œuvre résineux et j'en étudie les tenants et aboutissants depuis une vingtaine d'années. J'ai vécu cinq ans au Canada ans où j'ai d'ailleurs fait mon doctorat à l'Université de la Colombie-Britannique en 1994.
J'ai une bonne connaissance des secteurs forestiers canadien et américain et du différend qui oppose les deux pays. En 2007, j'ai rédigé un livre intitulé The Softwood Lumber War : Politics, Economics and the Long U.S.-Canadian Trade Dispute, publié par The Resources for the Future Press, Washington, D.C. Il a été bien accueilli par la critique et certains observateurs ont d'ailleurs dit qu'il faisait autorité dans ce domaine et que les politiciens canadiens et américains devraient tous le lire. J'encourage les membres du comité à y jeter un coup d'œil si ce n'est déjà fait.
Le livre rappelle en détail l'historique de ce différend. Je ne vais donc pas me répéter aujourd'hui. Le tout dernier accord vous a été parfaitement décrit par le professeur Bouthillier avec qui je suis d'accord hormis sur un ou deux points. Ce différend qui est le plus long et le plus important entre les deux pays est difficile à comprendre, étant donné que la plupart des biens et services, y compris les produits forestiers, circulent librement sur le marché. Le bois résineux est une exception rare et notoire.
On m'a demandé de parler de quatre sujets : l'historique du conflit, l'accord, ses conséquences et ma vision pour après 2013. Je vais sauter les deux premières parties pour me concentrer sur les deux dernières.
J'apporterai une correction mineure à ce qu'a déclaré mon voisin de table, soit que le remboursement des droits compensateurs et anti-dumping que les producteurs canadiens ont versés entre 2001 et 2006 s'élève à 4,4 milliards de dollars; cela représente environ 81 p. 100 de la somme totale. Cet argent a été versé aux entreprises et pas aux gouvernements provinciaux.
Honorables sénateurs, je vous invite à sauter la suite de la première page parce que je vais maintenant passer aux conséquences de l'entente qui sont exposées à la deuxième page. En ce qui concerne le Canada, l'accord a quatre grandes conséquences. Premièrement, il a clos les demandes des droits compensateurs et anti-dumping déposées par la coalition en 2001 et il protège les exportateurs canadiens contre toute nouvelle poursuite. L'accord impose une trêve temporaire.
Deuxièmement, comme le prix du bois d'œuvre aux États-Unis est généralement inférieur à 315 $ par unité, la plupart des exportateurs canadiens de bois d'œuvre paient le montant le plus élevé du droit à l'exportation — 15 p. 100 — ou bien le droit le plus élevé associé au contingent maximal durant une bonne partie des trois premières années et demie de l'accord. Ce droit de 15 p. 100 à l'exportation est plus élevé que les droits compensateurs et anti-dumping combinés, de 10,8 p. 100, en vigueur au moment de la signature de l'accord, en 2006.
Évidemment, le droit à l'exportation reste au Canada, tandis que les droits compensateurs et anti-dumping sont destinés à être conservés par le Trésor américain, si jamais le Canada perdait ses contestations. Avant la signature de l'accord, le Canada avait toutefois gagné ses contestations sous le régime de l'ALENA. Par contre, il n'avait pas remporté de victoire nette devant l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce.
Le droit à l'exportation et les règles de contingentement font partie des raisons pour lesquelles la part canadienne du marché américain de bois d'œuvre résineux a baissé de 33,4 p. 100 en 2005 à 26,6 p. 100 en 2009, son niveau le plus bas en 30 ans, tandis que la part des producteurs américains est passée de 62 p. 100 à 71,7 p. 100 au cours de la même période. Les autres raisons sont la récession économique, l'activité de construction domiciliaire extrêmement faible aux États-Unis et le taux de change défavorable à notre dollar.
Troisièmement, l'accord a octroyé 500 millions de dollars aux membres de la coalition. Certains exportateurs de bois d'œuvre ont dit que c'était là une mesure d'extorsion ou une façon de récompenser la coalition pour l'extorsion exercée. D'autres y voient le prix à payer pour rapatrier au pays 81 p. 100 des droits qu'ils ont dû verser et pour jouir d'une trêve de sept à neuf ans. Une conséquence inévitable de cet arrangement est que la coalition et ses membres risquent d'utiliser l'argent pour financer leurs activités de lobbying et de contestation judiciaire.
Enfin, cet accord gêne le Canada dans la formulation de ses politiques en matière de gestion et de conservation des ressources. Par exemple, pour produire des énergies renouvelables, les États-Unis subventionnent les producteurs de pâtes et papier à hauteur de 50 $ par unité de liqueur noire produite, tandis que la coalition a contesté les tentatives canadiennes déployées dans le même sens en affirmant que le versement d'une telle subvention n'est pas autorisé en vertu de l'entente sur le bois d'œuvre de 2006. Tout cela semblait logique, mais c'est la réalité, cette même réalité que j'entrevoyais déjà dans mon ouvrage. J'y ai écrit que tout ce que font les gouvernements provinciaux et fédéral au Canada est sous surveillance et fait régulièrement l'objet de contestations.
Ces quatre conséquences concernent le Canada et je ne dirai rien de ce qui s'est passé au sud de la frontière, notamment pour les consommateurs américains.
Que se passera-t-il après 2013? Premièrement, bien des choses peuvent survenir d'ici là. Deuxièmement, je n'ai pas d'informations privilégiées sur les intentions actuelles de l'industrie et des gouvernements des deux côtés de la frontière. Troisièmement, je n'ai pas de boule de cristal pour prédire un avenir aussi lointain. J'aimerais néanmoins faire remarquer que les facteurs fondamentaux qui ont alimenté ce différend interminable sont toujours présents. Il s'agit de facteurs économiques, institutionnels, juridiques et politiques. Je m'attends donc à ce que ce différend se poursuive. Je vais vous parler un peu de ces divers facteurs.
Il y a d'abord les facteurs économiques. Le différend est motivé par les gains économiques que souhaitent réaliser les membres de la coalition. Aussi longtemps que la demande pour le bois d'œuvre demeure plus inélastique que l'offre correspondante sur le marché américain, les producteurs états-uniens auront tendance à restreindre l'offre afin d'égorger les consommateurs américains. Comme les lois antitrust américaines interdisent la collusion entre producteurs américains désireux de réduire la production intérieure et comme le Canada est un important fournisseur sur le marché américain, il est tout à fait naturel que les producteurs américains aient cherché à restreindre les exportations canadiennes vers leur pays, au grand dam des consommateurs américains et des producteurs canadiens. En outre l'avantage comparatif des producteurs canadiens de bois d'œuvre, en termes de patrimoine de ressources, est nullement diminué par l'accord actuel. Certains membres de la coalition trouvent que la part du marché du bois canadien aux États-Unis est importante. Par conséquent, la motivation économique de restreindre le bois d'œuvre canadien est toujours présente.
Voyons les facteurs politiques. La coalition est bien organisée et elle se prête au jeu politique des groupes d'intérêts mieux que les consommateurs américains. Depuis sa création, elle a su rallier à sa cause les législateurs américains qui, à leur tour, exercent des pressions sur les administrations américaines et sur les Canadiens. Cela est compréhensible, étant donné que les bénéfices de la restriction des échanges sont concentrés, tandis que les coûts sont dispersés.
La mobilisation politique des consommateurs américains de bois d'œuvre au cours des dernières années a fait contrepoids à la coalition. Néanmoins, la coalition a plus d'influence dans le milieu politique américain que les groupes de consommateurs n'ont jamais été capables d'égaler par le passé et qu'ils ne semblent pas en mesure de faire dans un proche avenir.
L'industrie canadienne du bois d'œuvre est fragmentée et divisée à l'échelon tant provincial que régional, peut-être encore plus fragmentée que les groupes de consommateurs américains. Cette fragmentation et cette division ne contribuent pas à promouvoir une étroite coopération entre l'industrie canadienne et les groupes de consommateurs américains.
Je vais maintenant vous entretenir de facteurs juridiques. Les lois américaines sur le commerce ne tiennent pas compte de l'impact économique des restrictions commerciales sur les consommateurs américains. Ces derniers n'ont aucune capacité juridique et ne sont pas sur un pied d'égalité avec les producteurs américains même si, en fin de compte, ils finissent par payer le prix des restrictions commerciales sur le bois d'œuvre.
Les producteurs américains peuvent essayer de promouvoir le versement de subventions au Canada et prétendre subir un préjudice, sans pour autant se préoccuper du préjudice subi par les consommateurs américains. Les restrictions commerciales ont un avantage juridique et économique pour les producteurs américains, mais pas pour les consommateurs.
Ensuite, les lois administratives américaines sont nombreuses et imprécises et elles font donc l'objet de manipulations et de pressions politiques.
Enfin, les mécanismes de règlement des différends de l'ALENA et de l'OMC n'en sont qu'à leurs balbutiements. En fait, le différend du bois d'œuvre résineux a affaibli le mécanisme de règlement des différends sous le régime de l'ALENA.
Il y a aussi les facteurs institutionnels. Au Canada, le fait que les ressources forestières appartiennent aux provinces et que ce soit également ces dernières qui établissent les politiques connexes de coupe a directement contribué au différend sur le bois d'œuvre. Dans les deux pays, les institutions politiques du fédéralisme incitent les deux gouvernements à jouer le jeu des groupes d'intérêts spéciaux. Le Sénat américain a fait exactement ce pour quoi il a été créé : offrir aux petits États moins populeux une voix sur la scène politique nationale. Les subventions canadiennes étant considérées comme un article de foi par certains sénateurs américains représentant les États producteurs de bois ainsi que par d'autres politiciens américains, les voix et les opinions de ces petits États se reflètent dans les décisions prises depuis 24 ans par les responsables des enquêtes. Le protectionnisme a prévalu dans le secteur du bois.
Les institutions politiques canadiennes sont également présentes dans les rouages politiques interprovinciaux et interrégionaux du différend sur le bois d'œuvre. Le gouvernement du Canada doit prêter l'oreille à de nombreux électeurs et il s'est parfois montré incohérent dans son traitement du différend sur le bois d'œuvre. Il a voulu le libre-échange avec les États-Unis, mais il a approuvé le protocole d'entente en 1986. Il avait réfuté l'allégation de subvention et obtenu une décision favorable du groupe bilatéral de l'ALE en 1993 et 1994, mais il avait ensuite changé d'idée et signé l'Accord sur le bois d'œuvre de 1996. Il a juré de se battre à l'ALENA et à l'OMC après l'expiration du premier Accord sur le bois d'œuvre résineux, mais en même temps, il s'est montré tout à fait disposé à accepter un arrangement négocié entre 2003 et 2006.
En effet, il a signé l'Accord sur le bois d'œuvre de 2006 après avoir remporté de solides victoires devant les tribunaux de l'ALENA et des États-Unis et une certaine victoire à l'OMC. Ce faisant, non seulement il n'a pas su profiter pleinement de ces victoires juridiques, mais il a donné 1 milliard de dollars américains aux États-Unis dont la moitié est allée dans les poches de son principal adversaire, la coalition, et il a laissé quelques questions juridiques importantes à l'interprétation de l'industrie et du gouvernement américains, notamment l'autorité de l'ALENA, le recours à la « réduction à zéro », les subventions et le droit légal au remboursement des dépôts douaniers.
Ces questions continueront de hanter non seulement l'industrie canadienne du bois d'œuvre, mais également d'autres industries canadiennes en litige avec les États-Unis. Le harcèlement commercial des Américains, que le gouvernement canadien est déterminé à supprimer par le biais de l'accord bilatéral de libre-échange et de l'ALÉNA, ne cessera jamais.
En bref, le différend du bois d'œuvre englobe de nombreux enjeux et de nombreux acteurs dans des contextes politiques, économiques, juridiques et institutionnels complexes. Certains enjeux se tiennent du point de vue économique, mais pas du point de vue juridique. En raison de la diversité des arrangements économiques, juridiques et institutionnels ainsi que des jeux politiques, ce différend est interminable et il est parfois teinté d'amertume et d'acrimonie.
Les contextes politique, économique, juridique et institutionnel ont généré et nourri le facteur le plus important : le fait que la coalition n'a rien à perdre à poursuivre sa lutte politique et juridique contre les importations canadiennes de bois d'œuvre. Même si elle perdait après trois ou cinq ans de contentieux, l'augmentation du prix du bois durant cette période aura généré des profits accrus dépassant largement le coût du différend.
L'incapacité des consommateurs américains — à cause des coûts élevés de transaction et des lois commerciales américaines — de se battre contre la coalition, la division des intérêts au Canada et la disposition du gouvernement canadien à faire des concessions dans le différend sur le bois d'œuvre sont autant d'éléments qui donnent à la coalition des raisons supplémentaires de se battre pour rapporter chez elle des trophées de guerre remportés dans le cadre du protocole d'entente et des deux accords sur le bois d'œuvre.
Les parties n'ont pas encore pu trouver de véritable solution durable, même si elles prétendent toutes en rechercher une.
L'issue du prochain cycle du différend dépendra des forces relatives et de l'influence réciproque des consommateurs américains, des producteurs canadiens et des gouvernements fédéral et provinciaux du Canada en rapport à celles des producteurs américains et de leurs alliés au Congrès. L'histoire du dernier quart de siècle a démontré que l'incapacité des premiers à offrir au Congrès quelque chose d'assez substantiel pour faire contrepoids à la Coalition for Fair Lumber Imports dans le différend sur le bois d'œuvre résineux a directement donné lieu à des mesures restrictives sur les importations de bois canadien.
Je remercie le comité de m'avoir invité à lui exposer mes réflexions et je me ferai un plaisir de donner plus de détails ou de répondre à ses questions le moment venu.
Le président : Merci pour cet exposé, monsieur Zhang.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Bouthillier, merci de votre exposé sur l'entente qui était déjà très complet et qui a été complémenté par votre collègue, M. Zhang.
Vous avez terminé en disant qu'on devrait peut-être se diriger vers une valeur ajoutée de nos produits. Parce que, si je comprends bien, le différend sera toujours là et il y aura toujours des moyens pour contester les niveaux d'exportation de droits de coupe et du processus de notre côté.
Y a-t-il des risques que la coalition, qui a reçu la somme de 500 millions de dollars, s'élève contre nos exportations de valeur ajoutée aux États-Unis?
M. Bouthillier : Évidemment oui, cela fait partie du modèle d'affaires. Sauf que pour le moment, les membres de la coalition ne sont pas vraiment impliqués dans la fabrication de produits à valeur ajoutée. Mais il ne faut pas exclure qu'une nouvelle coalition apparaisse et prétende que les produits canadiens à valeur ajoutée performent très bien sur le marché américain parce que la matière première, à cause de la teneur publique qui domine au Canada, fait que le prix de la matière première est nettement sous-évalué.
Sauf que quand vous êtes dans la valeur ajoutée, la contribution de la matière première au prix du produit final est nettement moindre.
On parvient à ce moment-là à éviter que cet avantage présumé indu fasse une différence sur le prix de vente aux consommateurs. La preuve serait beaucoup plus difficile à faire dans le cas où il y aurait poursuite en droits compensateurs dans le cadre des lois commerciales par une coalition de producteurs américains qui feraient de la valeur ajoutée.
Néanmoins, et mon collègue M. Zhang l'a bien expliqué, il y a un avantage systémique pour les producteurs forestiers américains à utiliser les lois commerciales quand cela fait leur affaire pour se tailler des parts de marché. Et je ne vois pas pourquoi ils s'en priveraient, si jamais les productions canadiennes de valeur ajoutée leur font mal. Il y a toujours cette idée de parts de marché et souvenons-nous que ce qui déclenche les réflexes américains, c'est toujours lorsqu'on va au-delà des 33 p. 100. Historiquement, dès qu'on dépasse même 30 p. 100, il y a plein de gens qui s'excitent et les autorités américaines sont obligées d'appliquer leur loi commerciale.
Le sénateur Robichaud : En fait, il faudrait veiller à ce qu'on ne dépasse pas un certain niveau, en matière première, parce que, lorsque c'est le cas, même si, sur le plan juridique, on gagne, au final on perd quand même. N'est-ce pas?
M. Bouthillier : Exactement. Non seulement cela, mais lorsqu'on gagne sur le plan juridique, les éléments qui justifient et qui motivent cette victoire sont utilisés par la partie américaine pour ajuster les lois commerciales. Cela aussi, mon collègue M. Zhang l'a très bien montré.
Le message alors est de dire : essayons de produire autre chose, essayons de diversifier nos marchés. Essayons d'offrir une prestation aux consommateurs américains qui fera en sorte qu'ils vont reconnaître l'excellence des produits canadiens, en dépit des taxes.
Le sénateur Robichaud : Cela mène à ma prochaine question. Vous parlez des consommateurs américains.
[Traduction]
Monsieur Zhang, supposons que nous options pour la formule des produits de bois à valeur ajoutée; comment le consommateur américain réagirait-il si la coalition luttait contre nos importations aux États-Unis, même si celles-ci représentent un avantage pour lui?
M. Zhang : Il est évident que le consommateur prendrait la part des exportateurs canadiens et qu'il se tournerait contre la coalition. Le consommateur américain est de votre côté. Il aime avoir de bons produits répondant à ses besoins, à un prix raisonnable. Qu'il s'agisse de bois d'œuvre ou d'autres produits à valeur ajoutée, le consommateur est content quand il peut choisir et qu'il peut payer un prix raisonnable. Il s'associerait donc avec les producteurs canadiens et essaierait d'empêcher la coalition d'aller trop loin dans sa lutte.
Le sénateur Robichaud : Cependant, les consommateurs américains sont loin d'être organisés comme l'est la coalition.
M. Zhang : C'est vrai. Pour ce qui est des produits à valeur ajoutée, il n'y a pas grand-chose qui se passe actuellement et l'on ne sait pas jusqu'à quel point les consommateurs réagiront bien à ce genre de produits ni comment la coalition se positionnerait. On ne peut qu'émettre des hypothèses.
Les consommateurs sont diversifiés, ils sont très nombreux. Les producteurs, eux, sont peu nombreux et ils sont concentrés. Quand les gains sont concentrés et que les coûts sont distribués, il est facile pour les producteurs de se structurer et il est plus difficile de le faire pour les consommateurs. Ceux-ci sont donc désavantagés sur le plan de l'organisation.
Le sénateur Robichaud : Quand vous dites « les consommateurs », englobez-vous les constructeurs, les utilisateurs de nos produits?
M. Zhang : Tout à fait. D'ailleurs, le plus important groupe de consommateurs à s'être associés avec le Canada dans ce différend sur le bois d'œuvre, c'est la National Association of Home Builders, dont le siège social se trouve à Washington, D.C. Cette association n'apprécie pas les ententes signées, c'est-à-dire le protocole d'entente et les deux accords sur le bois d'œuvre.
Le sénateur Robichaud : L'association n'a pas autant de pouvoir politique que la coalition, c'est cela?
M. Zhang : C'est une première chose. Deuxièmement, elle poursuit d'autres intérêts. Je vais vous donner un exemple. À l'époque où le protocole d'entente a été négocié, en 1986, le Sénat américain envisageait de consentir un crédit d'impôt applicable aux intérêts des prêts hypothécaires, ce qui était très important pour tous les propriétaires de maison. Le comité des finances du Sénat a dit : « Préférez-vous ce crédit d'impôt ou du bois d'œuvre? » Quand cette position a commencé à transpirer dans les projets de loi fiscaux du comité, les constructeurs se sont calmés. Ils n'ont plus envie de se battre pour le bois d'œuvre parce qu'ils ont trop à perdre sur les autres enjeux. Ils ont donc d'autres intérêts.
J'entends cependant bien ce que vous dites. Il est vrai, tout d'abord, qu'ils n'ont pas autant de poids que les producteurs. Cela ne veut pas dire pour autant que, dans l'avenir, ils en resteront là, parce que les constructeurs de résidences sont encore très puissants aux États-Unis. S'ils ciblaient leurs actions, ils pourraient jouer un rôle politique très important.
[Français]
Le sénateur Eaton : Merci messieurs pour vos présentations. Pour poursuivre sur la lignée de questions de mon collègue, lorsqu'on parle de produits de valeur ajoutée, est-ce que cela a à voir avec la biomasse? Comme vous le savez, dans le domaine de l'énergie, beaucoup d'expérimentation se fait dans la foresterie pour créer de la biomasse énergétique. Est-ce que cela affecterait l'Accord sur le bois d'œuvre résineux?
M. Bouthillier : Lorsqu'il est question de biomasse forestière utilisée à des fins énergétiques, il faut bien comprendre que ce n'est pas un gros produit à valeur ajoutée. Brûler du bois, ce n'est pas là qu'on crée de la valeur. On peut en ajouter; fabriquer des produits énergétiques à partir de la biomasse forestière, cela devient intéressant seulement si c'est un produit complémentaire à du bois d'œuvre, à des systèmes de construction en bois. Quand on parle de bioproduits, les gens ont tout de suite l'idée d'énergie en tête, mais on peut fabriquer plein de bioproduits. Je pense entre autres à des lubrifiants, à de la peinture. On pourrait aller plus loin avec la molécule de cellulose ou d'hémicellulose. Pour ce qui est de votre question, quel est le lien avec le bois d'œuvre?
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Comme on est en train de tester des applications pour la couche holorganique — à l'Université de Guelph, par exemple, on fait des expériences sur le saule qu'on récolte tous les trois ans —, je suppose que nous avons un énorme avantage grâce à l'immensité de notre couvert forestier. Pensez-vous que cet avantage puisse devenir un enjeu? S'il devenait soudainement plus facile de produire cette biomasse, cela ferait-il problème au regard de l'Accord sur le bois d'œuvre?
M. Bouthillier : Je ne le pense pas pour l'instant, surtout parce que les producteurs américains de bioénergie ont une très nette longueur d'avance sur nous. Nous sommes loin de les menacer et, pour l'instant, il n'y a donc pas de risques. Toutefois, comme vous le disiez, nous avons d'énormes étendues de terre et il est possible qu'à un moment donné les producteurs canadiens de bioénergie extraite de la forêt ou des résidus des produits de la forêt viennent jouer les trublions sur le marché américain.
Cela me semble toutefois improbable pour l'instant à cause des coûts de transport. Comme le baril de pétrole coûte environ 80 $, il n'est pas question de livrer de la biomasse forestière à une distance supérieure à 70 kilomètres de son lieu de transformation en produits énergétiques. Ce que je veux dire, c'est que pour fabriquer un produit...
[Français]
Le sénateur Eaton : Vous pouvez vous exprimer en français, c'est seulement que moi je m'exprime mieux en anglais.
M. Bouthillier : Actuellement, pour que la bioénergie soit rentable — le prix du baril de pétrole tournant autour de 80 ou 85 dollars — nous ne pouvons pas récolter notre matière première à une distance excédant 70 kilomètres du parterre de récolte à l'endroit où l'on utilise cette biomasse forestière pour produire de l'énergie. Nous ne pouvons donc pas faire une grosse différence.
Lorsqu'on parle de brûler la biomasse, nous pourrions éventuellement avec des biocarburants faire une percée parce que les Américains sont énergivores; tout comme les Canadiens, mais comme ils sont plus nombreux, le marché est plus intéressant.
Il y a toutefois un problème technique puisque pour fabriquer des biocarburants compte tenu de la technologie disponible, le coût énergétique de la fabrication de biocarburant est plus grand que la contribution énergétique; et ce, même quand on parle des biocarburants de deuxième génération qui utilisent la cellulose.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : On m'a dit que pour produire un baril d'éthanol on en consomme deux. Pour les sables bitumineux, il faut un baril pour en obtenir trois et, pour le bouleau, par exemple, le ratio est de un pour dix.
M. Bouthillier : Ces résultats sont expérimentaux. Quand on les ramène au niveau de chaque industrie, ça ne fonctionne pas ainsi et c'est précisément ce qui se passe aux États-Unis. Nous ne sommes actuellement pas présents sur le marché américain même si, d'après les résultats de recherche, il serait effectivement intéressant de faire du biocarburant.
Le sénateur Eaton : Professeur Zhang, nous sommes confrontés à ces sempiternels problèmes au Canada et vous nous avez très bien expliqué les réalités politiques et économiques. Soixante pour cent de la production de l'industrie forestière canadienne est écoulée aux États-Unis. Ne devrions-nous pas modifier l'équation pour exporter davantage vers les marchés asiatiques? N'est-ce pas là que se trouve notre meilleur filet de sécurité pour l'avenir?
M. Zhang : Tout à fait. Vous amélioreriez considérablement vos parts de marché si vous parveniez à réduire cette marge de 60 à 55 p. 100. Du côté Atlantique, il y a l'Europe et, du côté Pacifique, il y a l'Asie. Le Canada devrait effectivement s'efforcer de diversifier ses marchés.
Le sénateur Eaton : Nous devrions nous retirer du marché américain pour aller ailleurs?
M. Zhang : Oui, le Canada devrait diversifier ses marchés, mais il ne peut pas complètement se retirer du marché américain.
Le sénateur Plett : Merci, messieurs, d'avoir pris le temps de vous déplacer pour venir nous expliquer ce qui me semble être un différend très alambiqué. J'aurai beaucoup appris à son sujet ce matin. Quand vous avez commencé à parler de chiffres et de taxes, j'ai commencé à avoir le vertige. Mes questions seront fort simples et, pour l'une d'elles, je vais enchaîner sur ce que le sénateur Eaton a dit au sujet de la réorientation de nos exportations.
Est-ce que vous pouvez, tous les deux, me dire qui a été le grand gagnant de ce différend? Y a-t-il eu un gagnant? Le Canada a-t-il perdu parce qu'il a laissé 1 milliard de dollars sur la table? À l'issue de toute négociation, il y a toujours quelqu'un qui doit encaisser. D'autres témoins qui vous ont précédés plus tôt cette semaine nous ont dit que, compte tenu notamment de l'actuel taux de change de notre devise, si ce différend se poursuit, nous allons perdre de l'argent quotidiennement. Y a-t-il eu un gagnant et, si oui, qui?
Monsieur Zhang, après ce qu'a laissé entendre le sénateur Eaton, à supposer que le Canada décide simplement de se tourner vers les marchés asiatiques et de ne plus envoyer de bois d'œuvre aux États-Unis — même si l'on sait que cela ne se produira jamais —, nos voisins du Sud seraient-ils en mesure de répondre à leurs demandes intérieures en bois d'œuvre? Nous sommes passés de 2,5 millions de mises en chantier par an à 700 000. Si nous repassions à 2,5 millions, les États-Unis seraient-ils autonomes en matière de bois d'œuvre?
M. Bouthillier : Qui est le gagnant? À court terme, ce sont évidemment les membres de la coalition américaine parce qu'ils ont empoché l'argent. Ils ont limité l'accès à leur marché pour ces étrangers du Nord.
Qui a perdu? De toute évidence, ce sont les consommateurs américains et il ne faut pas perdre cela de vue. Comme les choses auraient pu être bien pires, je crois qu'on peut affirmer qu'à court terme, nous avons plus ou moins gagné. Pendant sept ans, nous bénéficierons au moins d'une sorte de trêve commerciale et nous nous devons d'utiliser tout ce temps pour ressortir gagnants à long terme en fabriquant de meilleurs produits, de « meilleures souricières ». Nous produirons des systèmes de construction en bois. Nous instaurerons des services à la clientèle. Nous diversifierons nos marchés sur le plan géographique. Les sept années suivant 2006 devront servir à renouveler l'industrie des produits forestiers afin qu'elle soit plus solide sur le marché canadien, puisque nous allons couper certains liens avec le marché américain.
Cela étant posé, il faut savoir tout de même que le marché américain est porteur de débouchés fantastiques pour le Canada. On peut effectivement toujours rêver qu'un jour les États-Unis ne soient plus un marché d'opportunité. Nous ne devons toutefois pas l'éliminer complètement. Les États-Unis sont encore une grosse économie. Ils sont tout à côté. Culturellement, les Américains sont près de nous. Ce qu'il faut, c'est offrir aux consommateurs américains de meilleurs produits que ceux mis en marché par les producteurs américains. Il est vrai que, pour le moment, le secteur du bâtiment aux États-Unis ne se porte pas très bien, mais tôt ou tard, il rebondira et il y aura de nouveaux des débouchés pour nous.
Comme les grands gagnants de ce différend sont les membres de la coalition aux États-Unis quand le marché reprendra du mieux, ces gens-là essaieront de bénéficier au maximum de l'éclaircie économique. Cela veut dire qu'ils n'hésiteront pas à renouer avec leurs tendances protectionnistes, parce que c'est ce qui a payé pour eux dans le passé.
M. Zhang : Selon nous, ce sont les avocats qui sont les grands gagnants, comme les politiciens, surtout les représentants au Congrès qui ont reçu des contributions de groupes intéressés. Il est possible que ces gens-là ne veuillent pas d'un accord à long terme parce qu'ils souhaiteront que les groupes d'intérêts reviennent régulièrement les voir pour leur demander des faveurs et donc pour financer leurs campagnes électorales.
L'autre grand gagnant, c'est la coalition, comme je l'ai dit dans mon exposé. Enfin, il y a les gouvernements provinciaux du Canada.
En 1986, quand la Colombie-Britannique a essayé d'extraire de l'argent de l'industrie, celle-ci a tellement résisté qu'elle s'est tournée vers la coalition. La coalition a exercé des pressions externes qui ont conduit à la conclusion du protocole d'entente. Dans les années qui ont suivi, le gouvernement de la Colombie-Britannique est parvenu à augmenter les droits de coupe de 80 p. 100. Nous savons tous que les taxes à l'exportation imposées en vertu de l'Accord sur le bois d'œuvre aboutiront dans les coffres des provinces.
Il y a donc des gagnants de ce côté-ci, mais aussi du côté de l'industrie. Les choses sont équilibrées. Si l'industrie bénéficie d'un retour financier, les gouvernements provinciaux encaisseront les contributions de l'industrie, ce qui est toujours mieux que le gouvernement américain qui ne recevra rien par le truchement des droits imposés.
Pour ce qui est de votre seconde question, les États-Unis ne seront pas en mesure de répondre à la demande de bois d'œuvre si nous nous retirons de ce marché. Il faudra qu'ils importent d'ailleurs. Cela ne fait aucun doute. Mes étudiants, mes collègues et même certains professeurs dans le sud des États-Unis n'ont aucune idée de la différence entre nos deux pays en ce qui concerne l'abondance de la ressource ligneuse. Quand on exprime ce ratio en peuplement forestier sur pied, on s'aperçoit que le rapport est de 3 pour 2 en faveur du Canada. Exprimé par habitant, ce ratio est de 13 pour 1 en faveur du Canada pour ce qui est du peuplement forestier sur pied. Comment les États-Unis pourraient-ils parvenir à répondre à leurs besoins en bois d'œuvre sans le Canada?
Sans le Canada, le prix des habitations augmenterait. Les États-Unis ne sont pas autosuffisants en bois d'œuvre. Ils devraient importer d'ailleurs.
D'ailleurs, à cause du droit qu'ils ont imposé et pour d'autres raisons, les parts de marché des quelque 10 autres pays sont passées de 1 p. 100 en 1995 à environ 5 p. 100 en 2005. Ces pays ont des plans pour que leur présence sur le marché américain atteigne 15 p. 100 d'ici 2050.
Pour répondre à votre question, je dirais que les États-Unis ne sont pas autosuffisants et qu'ils ne pourront pas répondre à leur demande intérieure sans une augmentation considérable des prix.
Le sénateur Plett : J'en suis ravi et j'espère ne pas avoir donné l'impression que je ne veux pas traiter avec les États- Unis. Je veux que nous demeurions présents sur ce marché et je suis reconnaissant que les Américains aient besoin de nous.
Je n'ai pas l'impression que ni l'un ni l'autre n'avez répondu à une question qui vous a été posée : Le Canada aurait- il pu faire une meilleure affaire? N'aurions-nous pas pu faire mieux que de verser 500 millions de dollars à la coalition?
Je suis un homme d'affaires, comme beaucoup d'entre nous ici, et je sais que, parfois, il faut savoir encaisser le coup et se faire à l'idée qu'on a conclu le meilleur marché possible. Selon vous, aurions-nous pu conclure un meilleur marché?
[Français]
M. Bouthillier : Qu'est-ce qu'on aurait pu faire avec les revenus des droits compensateurs et des droits antidumping qui se sont accumulés entre 2002 et 2006? Évidemment, on aurait pu faire mieux. Il est certain que le fait de laisser un milliard de dollars entre les mains des Américains, alors que nous ne sommes pas coupables de pratique illégale, en dépit du verdict mitigé de l'Organisation mondiale pour le commerce, oui on aurait pu faire mieux. Surtout on aurait pu... Peut- être qu'il aurait fallu laisser une partie des revenus aux États-Unis, c'est une façon de négocier. Mais de laisser 500 millions de dollars aux mains des membres de la coalition, c'était exactement ce qu'il fallait pour leur dire que c'était une bonne façon pour eux de faire des affaires.
Et probablement que, diplomatiquement, on a acheté une paix qui va nous coûter cher en 2013 parce qu'on a accrédité la légitimité pour les membres de la coalition d'agir comme ils agissent dès qu'ils se sentent menacés par l'industrie canadienne. On aurait pu faire mieux.
[Traduction]
M. Zhang : Je suis d'accord pour dire qu'en ce qui concerne le Canada dans sa globalité — c'est-à-dire sans parler des provinces ou de l'administration, mais uniquement du Canada —, il aurait été possible de faire mieux. Malgré toutes ses victoires sur le plan juridique et bien qu'il ait obtenu le droit de se faire rembourser les sommes versées, le Canada aurait pu mieux s'en sortir et ne pas verser des milliards de dollars. Le tribunal américain a décrété que la coalition n'avait droit à aucune somme versée par le Canada, mais celui-ci avait payé un demi-milliard de dollars à la coalition.
Je n'en dirai pas plus, et je me contenterai de vous répondre par l'affirmative : le Canada aurait pu conclure une meilleure affaire que celle-là.
M. Bouthillier : Je remercie le professeur Zhang de m'avoir corrigé quant à la destination des 4 milliards de dollars remboursés aux Canadiens. Au début, il était question que les gouvernements provinciaux reçoivent cette somme. À un moment donné, sans doute parce que les membres de la coalition avaient touché quelque chose — et le professeur Zhang a tout à fait raison à ce sujet — il a été décidé que ces sommes seraient reversées à l'industrie canadienne.
N'oubliez pas qu'à l'époque, nous commencions à éprouver des difficultés sur le marché. La construction domiciliaire était en plein repli et il était évident que l'industrie forestière canadienne allait avoir des difficultés. De plus, elle était étouffée par d'énormes dettes et cet argent se présentait comme une bouffée d'oxygène.
Je pense que c'est là une autre explication de la raison pour laquelle les gouvernements fédéral et provinciaux ont accepté ce drôle d'arrangement relatif au remboursement de tous les droits compensateurs et anti-dumping prélevés entre 2002 et 2006.
Le sénateur Plett : Monsieur le président, j'envisageais de poser ma prochaine question au tour suivant, mais les deux témoins ont parlé d'enjeux provinciaux à deux ou trois reprises. Leurs réponses appellent naturellement ma prochaine question. Professeur Zhang, dans votre exposé, vous avez dit que l'industrie canadienne du bois d'œuvre est fragmentée et divisée à l'échelon provincial et à l'échelon régional.
Un peu plus tôt dans votre exposé, monsieur Bouthillier, vous avez parlé d'une taxe de 27 p. 100. Je pense vous avoir entendu dire que la Colombie-Britannique l'avait acceptée et que l'Ontario et le Québec n'en voulaient pas. Pouvez- vous m'expliquer la raison de ces différences entre les provinces? Ne contribuerions-nous pas mieux à notre cause en faisant front commun?
[Français]
M. Bouthillier : Souvent, dans mes cours de politique forestière, quand j'explique aux étudiants avec qui j'ai le bonheur de travailler la Constitution canadienne, je leur dis : vous savez, une des rares choses claires dans la Constitution canadienne, c'est que la gestion des forêts relève des provinces.
Donc l'idée de gérer la forêt, la matière première qui permet un développement économique dans l'industrie forestière, fait partie de l'identité des provinces. Les gens de la coalition américaine l'ont très bien compris parce qu'ils l'exploitent à fond de train. Chaque fois qu'il est question de former un front commun intercanadien, pancanadien, on se heurte à l'identité de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, du Québec, même des Maritimes. Tous invoquent leur droit d'agir comme bon il leur semble, chez eux, parce que cela fait partie de la façon d'être Canadien, d'être spécifique dans nos orientations dans les différentes provinces.
Est-ce qu'on peut, par un jeu de conférences interprovinciales, d'études, développer l'idée que c'est dans l'intérêt commun d'avoir un front uni face aux Américains quand il est question de politique forestière? Je crois que c'est dans notre intérêt de le faire et que peut-être on pourra contrebalancer des arguments identitaires. Mais le Canada est un énorme pays, pas simplement en termes identitaires, mais aussi en termes physiques. La ressource n'est pas la même en Colombie-Britannique par rapport aux provinces centrales du Québec et de l'Ontario. Et ce n'est pas la même chose non plus dans les Maritimes. Et on a le plus bel exemple avec l'exemple du dendroctone du pin. Cette épidémie frappe surtout la Colombie-Britannique, un petit peu l'Alberta. Cet insecte a altéré la qualité des produits du sciage dans l'Ouest canadien, à un point tel que pour fixer le fameux prix de 355 dollars qui déclenche tous les mécanismes de quotas et de taxes aux États-Unis, dans le panier de produits qui, à l'origine comportait des bois d'œuvre faits de pin venant de Colombie-Britannique, il y a deux mois, on a extrait ce produit parce qu'il est tellement de mauvaise qualité que les prix ont chuté. Personne ne veut payer cher pour un produit de mauvaise qualité. Et cela fait partie de la politique de Colombie-Britannique.
Faisons honneur à notre président. Les changements climatiques sont en train de décimer les forêts de sapins dans les Maritimes. À plus ou moins brève échéance, le sapin fera place à autre chose. Ce qui est inquiétant c'est qu'on ne sait pas quelle est cette autre chose. Les gouvernements du Nouveau-Brunswick, de Nouvelle-Écosse ou de l'Île-du- Prince-Édouard devront tenir pour acquis qu'il faudra développer une industrie qui travaillera autre chose que du sciage à partir de résineux. Quelle est notre position commune pendant ce temps sur l'accord liant le Canada et les États-Unis sur la question des stocks de résineux pour faire du bois d'œuvre quand on perd notre intérêt pour cela?
Ce serait dans notre intérêt de nous entendre, mais il y a des problèmes identitaires, écologiques et physiques parce qu'on ne travaille pas avec le même matériel. Les conditions de croissance ne sont pas les mêmes. La nature des produits va beaucoup varier dans un avenir prochain à cause des épidémies d'insectes et des changements climatiques qui commencent déjà à se manifester.
Ce serait donc dans notre intérêt, mais ce sera extrêmement difficile.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président. Excusez-moi d'avoir pris autant de temps.
Le président : Pour ce qui est du temps qu'il nous reste avec nos témoins, étant donné que nous devons traiter d'une autre question avant de lever la séance, les deux derniers sénateurs à prendre la parole seront le sénateur Rivard, puis le sénateur Hubley.
[Français]
Le sénateur Rivard : Monsieur le président, plusieurs de mes points ont été traités par d'autres, mais j'aimerais comprendre la mécanique des droits compensateurs. Si moi comme consommateur, j'achète un produit américain, que ce soit un ordinateur ou un photocopieur, je paye des droits de douane qui sont envoyés à mon pays, le Canada.
Dans le cas du bois d'œuvre, le producteur de bois, pour plusieurs milliards parce qu'il y a eu 4,4 milliards de droits payés. L'exportateur facturait directement son client aux États-Unis. Le client américain payait l'équivalent du prix canadien; les droits étaient facturés par le gouvernement américain aux producteurs. Cela a été placé dans un fonds en fidéicommis. Vous dites qu'à partir d'aujourd'hui, si on dépasse un tel niveau, le 33 p. 100, c'est le Canada qui va recouvrer l'argent pour le redistribuer. Donc c'est contraire à l'ancienne loi. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Bouthillier : Oui, vous avez parfaitement bien compris.
Le sénateur Rivard : Vous êtes d'accord avec cela?
M. Bouthillier : Écoutez, je suis d'accord, personne n'aime payer des taxes, mais si nous devons le faire, si nous devons augmenter artificiellement nos coûts de production de façon à avoir accès au marché américain, j'aime autant que cette augmentation soit induite par une taxe à l'exportation dont les revenus restent au Canada que par un droit compensateur dont les revenus sont attribués aux États-Unis.
Le sénateur Rivard : Merci.
M. Bouthillier : Entre deux maux, on choisit le moindre.
[Traduction]
Le président : Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Zhang?
M. Zhang : C'est exact.
Le sénateur Hubley : Jusqu'à l'expiration de l'actuel Accord sur le bois d'œuvre résineux, en 2013, quelles démarches l'industrie et les gouvernements devraient-ils entreprendre auprès du gouvernement américain afin d'éviter la répétition de ce par quoi nous sommes passés? Quelles stratégies de mise en marché jugeriez-vous importantes et nécessaires — stratégies consistant éventuellement à cibler les consommateurs de bois d'œuvre de résineux aux États-Unis — pour montrer que non seulement nos produits du bois d'œuvre sont supérieurs, mais en plus qu'ils sont diversifiés et que nous avons fabriqué une « meilleure souricière »?
M. Bouthillier : Il est possible que M. Zhang, qui a des renseignements précis, soit mieux en mesure de vous répondre que moi. Toutefois, à ma connaissance, le gouvernement du Canada, avec l'aide des gouvernements provinciaux, a tenté de lancer une coalition de consommateurs américains de bois d'œuvre. Je ne sais pas s'ils ont abouti dans cette démarche, mais mon voisin pourra peut-être vous en dire lui-même deux mots.
Personnellement, je flirte avec l'idée de toucher les consommateurs par la promotion de nos produits : il faut arrêter de proposer des denrées de base. Nous devons nous adresser au consommateur ultime pour le convaincre que, si le prix à payer pour nos produits est un peu plus élevé, il a au moins quelque chose de valable en retour. En français, on parle de « l'approche client », référence culturelle qui est tout à fait étrangère à notre industrie forestière.
J'ai un exemple à vous donner dans l'industrie du papier fin. Domtar avait décidé d'appliquer cette approche client dans son nouveau modèle d'affaires. Savez-vous ce qu'il est advenu? Eh bien, toutes les entreprises de pâtes et papier au Canada ont accusé des pertes en 2009, sauf Domtar. Le message est clair.
L'industrie du bois d'œuvre de résineux devrait prendre acte de ce message le plus vite possible. Cette approche est celle de l'avenir : il faut toucher le consommateur ultime. Certes, ça peut sembler difficile dans le cas de la construction domiciliaire. Il peut sembler difficile de toucher le client ultime quand on parle de matériaux de construction destinés à la rénovation ou à la restauration de l'inventaire immobilier existant, mais c'est là que se situe le défi. En outre, nous avons un très bon produit.
Je ne suis pas en train de faire l'article pour l'industrie du bois de sciage dans laquelle je n'ai pas de parts, mais je suis entièrement convaincu que nous disposons d'un formidable produit et qu'il nous appartient d'en convaincre nos clients.
M. Zhang : Le professeur Bouthillier a raison. Vers la fin des années 1990, l'industrie canadienne a essayé d'organiser une coalition américaine prêchant pour une construction domiciliaire qui soit accessible aux particuliers. L'expérience n'a pas duré longtemps, parce que certaines industries au Canada ont collaboré avec d'autres groupes. En Colombie- Britannique, par exemple, des producteurs s'en sont pris à ce groupe. Tout cela n'a fait qu'entraver la collaboration et la coopération à long terme sur ce plan.
Quoi qu'il en soit, afin d'éviter d'autres différends commerciaux, il va falloir se tourner vers le client. Comme la lutte se déroule dans l'arène politique américaine, il faudra rallier les consommateurs américains de l'autre côté de la frontière.
Le président : Merci. Voulez-vous ajouter quelque chose, sénateur Hubley?
Le sénateur Hubley : Non, ça va.
Le sénateur Fairbairn : Merci à vous deux, c'est très intéressant.
Monsieur Bouthillier, je viens de l'Alberta et comme je suis consciente de trop parler du problème du dendroctone du pin, je ne vais donc pas me lancer sur ce terrain. Pourtant, ce parasite a causé d'énormes dégâts dans deux provinces.
Fait-on quelque chose, notamment sur le plan scientifique, pour essayer, de ramener cette industrie dans le Nord de l'Alberta et dans le Nord de la Colombie-Britannique?
On sait ce qui s'est produit là-bas, mais on n'en entend plus vraiment parler. Que pensez-vous de la situation? Il est fort probable que les autres pays, comme les États-Unis, réagissent négativement.
Peut-on entretenir un quelconque espoir de reprise de cette industrie dans ces régions, dans un avenir prévisible, ou est-ce terminé dans la partie septentrionale de ces deux provinces?
M. Bouthillier : Il n'est pas facile de vous répondre. Nous traversons déjà une période difficile et les choses ne s'amélioreront pas.
Il faudra beaucoup d'imagination pour trouver les solutions qui s'imposent. Il y a des super tas de bois dans le Nord de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Parfois, je suis comme le sénateur Plett, je me prends à rêver.
Le sénateur Fairbairn : Moi aussi.
M. Bouthillier : J'y pensais. En plus du problème du bois malandreux, il y a les problèmes occasionnés par le champignon du bleuissement qui colonise ces produits. C'est une belle couleur et je me demande pourquoi on ne mettrait pas en marché des produits forestiers de finition présentant cette couleur bleutée naturelle.
C'est pour cela que je dis que tout est question d'imagination. J'ignore ce qu'il en est de l'Alberta, mais il y a beaucoup d'argent en Colombie-Britannique qui permettrait d'explorer de nouvelles pistes.
Le sénateur Fairbairn : Merci pour cette idée. Notre comité est allé dans le nord de la Colombie-Britannique dont la forêt a été ravagée, à l'époque où nous en étions à une autre étape de notre étude. Notre groupe a été invité dans une petite ville tout près des lieux touchés par ce problème que nous étudiions.
Un petit groupe d'individus avaient décidé d'étudier des applications pour un lot de bois rejeté à contrecœur. C'était du bois mort et sec, ce qui ne les a pas empêchés de fabriquer des objets extraordinaires avec. Les acheteurs sont venus de Vancouver et de partout ailleurs au point où ce petit groupe n'a pas suffit à la demande.
Puis, plus rien. La production a cessé. Nous avons voulu savoir s'il était possible de la poursuivre, mais je crois que ces gens-là s'étaient contentés de tester leur idée. Ils n'avaient pas envie d'aller plus loin, mais les dendroctones du pin, eux, n'en sont pas restés là et ils sont venus faire des ravages dans ma province où ils ont provoqué le chaos.
Donc, ce qui s'est produit là-haut a eu des conséquences négatives et Dieu sait que ça pourrait se reproduire. On a toujours eu peur que le phénomène se déplace vers l'est et c'est ce qui s'est passé, puisqu'il est passé de la Colombie- Britannique à l'Alberta.
Pouvez-vous me dire, d'après ce que vous savez de ce problème, si l'on peut espérer de vrais débouchés pour l'industrie et pour ceux qui y travaillent, et pas seulement une variante de ce que nous avons déjà vécu?
M. Zhang : Les arbres repousseront dans cette partie du pays, mais il faudra longtemps. Il faudra 80 ans si on laisse la nature agir seule. Dans l'immédiat, l'industrie récupère tout ce qu'elle peut, puisque après qu'un arbre a été infecté au dendroctone, l'industrie dispose encore de trois à cinq ans pour le transformer en bois d'œuvre. Deuxièmement, elle peut fabriquer des produits dérivés. Elle peut diversifier sa production. Puis, si elle dispose de la main-d'œuvre et des fonds nécessaires, elle pourra investir en sylviculture pour accélérer le repeuplement. S'il faut 80 ans à un arbre pour pousser naturellement, il n'en faut que 60, même 50 grâce à la sylviculture. Il est donc, ce faisant, possible de raccourcir la période de croissance. Il y a une stratégie à court terme et une stratégie à long terme.
[Français]
M. Bouthillier : Je crois que le défi est probablement de développer des systèmes de construction en bois qui permettront d'utiliser du bois attaqué par le dendroctone du pin pour faire des produits de qualité moindre à ce qu'on fabrique avec du bois sain, mais cela me semble un défi technologique que l'on peut régler relativement à court terme.
Il y a moyen d'avoir du bois peut-être plus d'apparence que structural, mais il y a des moyens de faire des produits du bois avec les bois avariés et surtout, non seulement de trouver les recettes technologiques, mais de trouver les recettes pour « opérationnaliser ». Je pense qu'il faut chercher encore plus fort.
[Traduction]
Le président : Avant de terminer, nous avons des questions supplémentaires qui nous viennent du personnel de la recherche. Si nous vous faisons parvenir ces questions par écrit, vous pourriez peut-être nous répondre par le même moyen.
[Français]
Je m'en voudrais de ne pas reconnaître le livre.
[Traduction]
Ce livre a été rédigé par M. Zhang. Je vais vous citer certains des commentaires faits par un recherchiste du Congrès et par un journaliste du Vancouver Sun : « L'aperçu que ce livre nous donne de ce différend pourrait servir de point de départ à la conclusion d'une paix durable entre les parties intéressées. » Voici un autre commentaire : « Ce travail de recherche méticuleux devrait être une lecture imposée à tous les politiciens canadiens et américains. Malgré l'accord de 2006, la guerre est loin d'être terminée. »
Je remercie nos témoins de nous avoir aussi bien éclairés sur le sujet. Merci beaucoup, monsieur Zhang et monsieur Bouthillier.
Chers collègues, la question suivante à l'ordre du jour concerne le budget qui nous a été distribué. J'invite la greffière à nous l'expliquer pour que nous puissions passer à l'étape suivante et être en mesure d'effectuer quelques déplacements.
Josée Thérien, greffière du comité : Vous avez reçu copie de l'avant-projet de budget. Celui-ci porte sur un total de 188 125 $. Il comprend des fonds pour quatre activités. La première concerne une série de conférences que devra choisir le comité, que ce soit à l'intention des sénateurs ou du personnel. La deuxième activité est relative aux déplacements à Chibougamau, au Québec et à Timmins, en Ontario, déplacements d'un jour chacun. La troisième activité porte sur des déplacements locaux. Les recherchistes sont en train de parachever l'itinéraire qui prévoira sans doute la visite d'industries susceptibles d'intéresser le comité. La quatrième activité est un voyage en Colombie-Britannique — à Vancouver, à Williams Lake et à Kelowna. Le budget prévoit également des fonds pour les frais généraux au titre des communications, des livres, des magazines et des choses du genre.
[Français]
Le sénateur Rivard : Est-ce que vous prévoyez ces voyages à court ou à moyen terme? De nombreuses associations voyagent pendant que le Sénat travaille. Nous sommes appelés à remplacer nos collègues à cet effet. Pouvez-vous convaincre les whips concernés pour que l'on conserve nos semaines pour s'occuper d'autres choses ou si vous croyez que ce sera dans nos semaines de relâche?
Le président : On portera cela à l'attention du leadership.
Le sénateur Robichaud : Permettez-moi un commentaire, si on le fait pendant que le Sénat siège, on est obligé de se séparer. Cela limite le nombre de personnes qui peuvent voyager avec une délégation. Lorsqu'on ne siège pas, tous les sénateurs sont libres sans avoir à trouver un pair de l'autre côté.
Le sénateur Rivard : Je comprends ce que vous dites, c'est un bon point.
Le sénateur Robichaud : Moi aussi je comprends, je tiens aussi à avoir mes semaines.
Le président : On a pris connaissance du budget.
[Traduction]
Sommes-nous d'accord pour adopter le budget et le soumettre au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration?
[Français]
Le sénateur Robichaud : J'en fais la proposition, monsieur le président.
[Traduction]
Des voix : D'accord.
Le président : C'est adopté. Je vous informe que, jeudi prochain, nous n'aurons pas de réunion à cause d'un changement survenu dans la liste de témoins. Le jeudi suivant, soit le 29 avril, nous accueillerons une représentante du Bureau du bois de sciage des Maritimes qui a fait partie de l'équipe de négociations de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux. Elle pourra donc nous expliquer ce processus et nous donner quelques idées sur les produits hybrides dans l'industrie de la construction domiciliaire.
(La séance est levée.)