Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 3 - Témoignages du 29 avril 2010
OTTAWA, le jeudi 29 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 6 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Nous avons l'honneur et le grand plaisir d'accueillir notre invitée, qui est très reconnue au sein de l'industrie. Je vous souhaite tous la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et je suis le président du comité.
Le comité continue son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada, pour que nous puissions formuler ensemble à notre gouvernement, à nos gouvernements, ce que j'oserai appeler des recommandations visant à améliorer le climat de l'industrie. Nous désirons aussi faire part de nos connaissances à d'autres acteurs du secteur forestier pour veiller à ce que la qualité de vie des Canadiens et la création d'emplois stables et de qualité soient au cœur des décisions.
Nous accueillons aujourd'hui Mme Diana Blenkhorn, présidente et chef de la direction du Bureau du bois de sciage des Maritimes.
[Français]
Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à venir témoigner à ce comité.
[Traduction]
Je demanderai aux sénateurs de patienter quelques instants le temps que je précise, pour le compte rendu, que Mme Diana Blenkhorn occupe le poste de présidente et directrice générale du Bureau du bois de sciage des Maritimes depuis 29 ans. En date d'avril 2010, elle a passé 34 ans dans l'industrie. Elle est la représentante du Canada et elle a été nommée représentante de l'American Wood Council. Depuis 1986, elle a assumé la responsabilité des travaux de coordination pour les quatre provinces atlantiques et obtenu l'exemption des droits de douane pour les provinces de l'Atlantique — les recours commerciaux — dans le dossier actuel du bois d'œuvre Canada-États-Unis.
J'ajouterai également qu'elle connaît bien l'industrie et qu'elle y est reconnue. Quand nous parlons de responsabilité, d'actions axées sur les résultats et de dynamisme, nous pensons tous à Diana Blenkhorn. Je vous demanderai maintenant, madame Blenkhorn, de faire votre exposé. Les questions des sénateurs suivront. Merci, et bienvenue au Comite sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Diana Blenkhorn, présidente et chef de la direction, Bureau du bois de sciage des Maritimes : Sénateur Mockler, messieurs et mesdames les sénateurs, merci de m'avoir invitée. Et merci pour l'excellent travail que vous faites au sein de ce comité. J'ai suivi quelques témoignages qui ont été faits devant vous. Grâce à la technologie d'aujourd'hui et aux transcriptions disponibles dans le hansard, j'ai pu me tenir au fait des sujets passionnants que vous étudiez. Comme je l'ai mentionné, je suis très heureuse et très honorée d'avoir l'occasion de participer à vos activités et de comparaître devant vous comme témoin.
Depuis 1938, le Bureau du bois de sciage des Maritimes, l'organisme qui me rémunère pour le travail que je fais pour le compte de l'industrie, représente les intérêts du secteur des produits du bois massif dans le Canada atlantique. Nous œuvrons principalement dans les secteurs de l'accès aux marchés et du contrôle de la qualité. Nous sommes donc un organisme de réglementation, une fonction qui passe souvent inaperçue dans certaines de nos activités promotionnelles. Nous sommes bel et bien un organisme de réglementation et nous sommes reconnus par un grand nombre d'organismes canadiens et internationaux, notamment des États-Unis, de l'Union européenne, de la Chine et du Japon. Nous sommes aussi un promoteur et aimons penser que nous apportons des solutions.
On dit qu'il faut toujours savoir profiter d'une crise. Celle qui a sévi dans le secteur forestier au cours des deux dernières années s'est traduite par des efforts concrets pour réorienter nos activités vers de nouveaux marchés nationaux et étrangers.
On m'a demandé de parler précisément des efforts que nous avons déployés pour promouvoir l'utilisation du bois dans la construction au Canada, particulièrement des activités qui ont lieu dans le Canada atlantique, et de discuter des répercussions de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis.
Honorables sénateurs, s'il me reste du temps à la fin de ma présentation et si vous me le permettez, j'aimerais profiter de l'occasion pour discuter du problème de la santé des forêts, qui a des répercussions dans le Canada atlantique, notamment en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Nos forêts sont contiguës, et ce problème pourrait s'étendre à tout le pays. Je crois qu'il devrait être abordé devant le comité, car j'ai revu votre mandat et cette question semble s'y inscrire parfaitement.
Je sais que, dans votre rapport, vous recommanderez au gouvernement fédéral des mesures précises qui serviront de base à la vision pour le positionnement et la compétitivité à long terme de l'industrie forestière du Canada. Le dernier point que j'aborderai sera tout aussi pertinent que l'accès au marché et que d'autres facteurs, parce que nous avons besoin de forêts en santé pour bien nous positionner.
Nous travaillons avec nos partenaires du Canada, notamment avec le Conseil canadien du bois, l'Association des produits forestiers du Nouveau-Brunswick et l'Association des produits forestiers de la Nouvelle-Écosse, et avec de nombreux autres au pays, en Colombie-Britannique et au Québec, afin de mettre sur pied un vaste programme coordonné sur le thème du « bois d'abord ».
Je parlerai de nos efforts dans le Canada atlantique et je ferai un survol de notre travail comme partenaire dans des activités ailleurs au pays. Pour réussir, nous avons besoin d'une initiative coordonnée pour l'ensemble du Canada ou de l'Amérique du Nord afin de comprendre ce qu'est une culture du bois et d'en créer une.
Nous avons entrepris nos efforts ciblés en juin dernier. Nous avons collaboré avec les provinces de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick afin de lancer le concept du « bois d'abord ». Nous avons commencé par le lancer à l'échelle municipale. L'objectif de ce concept est de créer une culture du bois au Canada.
L'économie de notre pays, et celle de la région de l'Atlantique bien sûr, dépend du secteur forestier. Nous avons mis l'accent sur la sensibilisation de nos importateurs — les consommateurs étrangers — sans vraiment faire de même pour les Canadiens. Le bois, les forêts et la production de bois d'œuvre font partie de notre patrimoine et, avec le temps, nous avons peut-être tenu pour acquis que le bois était un choix logique pour les avantages qu'il présente tant pour l'environnement que pour la construction. Nous n'avons pas suffisamment investi dans les activités de sensibilisation pour informer les prochaines générations de Canadiens.
Comme je l'ai dit, le bois a beaucoup d'avantages. Il est notamment écologique, ce qui est essentiel. Pour encourager nos importateurs étrangers à l'utiliser, nous devons commencer à donner l'exemple. Nous devons instaurer une culture du bois dans notre pays.
Nous avons commencé par inviter tous les maires des quatre provinces atlantiques à une réunion qui a eu lieu à Moncton, en juin dernier. Nous avons d'abord présenté les avantages écologiques et les caractéristiques du bois, puis expliqué ce que nous devions faire pour instaurer ensemble une culture du bois. Nous avons rencontré les unions de municipalités du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse et nous avons fait des présentations à la Fédération canadienne des municipalités.
Un grand nombre de résolutions ont donc été adoptées, ce qui nous a permis d'entreprendre le long processus de promouvoir le bois en tant que matériau de construction de choix pour la construction non résidentielle. Nous travaillons depuis avec les gouvernements provinciaux et envisageons de modifier la législation ou de mettre en œuvre des lois semblables à celles que l'on trouve ailleurs. Nous nous sommes également rendu compte que les spécificateurs devaient inscrire le bois dans les spécifications pour réussir. On ne peut assurer l'engagement des municipalités, des provinces et des administrateurs si les spécificateurs ne sont pas eux-mêmes engagés. Nous avons entrepris de sensibiliser les architectes et les ingénieurs.
Je connais très bien la question du bois d'œuvre, mais la technologie n'est pas mon point fort.
Pourquoi le bois? Pourquoi inscririons-nous le bois dans les spécifications et pourquoi les autres le feraient-ils? Le bois est essentiellement un puits de carbone. Il est renouvelable, recyclable, réutilisable et biologique. Il purifie l'air et nettoie l'eau, il fournit de l'oxygène, il est biodégradable, il sert d'habitat. Il n'émet pas de carbone, il est solide, léger, flexible, diversifié et attrayant. À ce sujet, quelques études ont d'ailleurs porté sur les vertus thérapeutiques des hôpitaux et des maisons de soins infirmiers qui sont construits en bois. Le bois est facile à utiliser, disponible, peu coûteux et polyvalent.
Si nous n'utilisons pas le bois, quel matériau utiliserons-nous? Le béton et l'acier sont des solutions, mais des analyses du cycle de vie ont révélé qu'ils émettaient du carbone et que leur fabrication nécessitait beaucoup d'énergie. Par ailleurs, ni l'un ni l'autre n'est renouvelable.
Je vais prendre quelques instants pour parler du carbone, parce que nous croyons que parler précisément du carbone et de l'empreinte carbone est la clé pour promouvoir une culture du bois et pour sensibiliser le public aux nombreux avantages de ce matériau.
Une résidence moyenne construite en bois emmagasine 30 tonnes de carbone, soit l'équivalent de conduire une automobile pendant cinq ans. Si une maison de bois de grandeur moyenne emmagasine autant de carbone, on ne peut que se demander quelle quantité de carbone pourraient emmagasiner des bâtiments non résidentiels.
Pendant les Jeux olympiques de Vancouver, avec l'appui de la Colombie-Britannique — et je crois qu'il est important de se pencher là-dessus —, le bois a été le principal matériau de construction spécifié pour différentes raisons. L'empreinte carbone de toutes les nouvelles structures avait été prédéfinie. Nous avons convenu que les Jeux olympiques étaient le meilleur moyen de promouvoir le bois et ses possibilités au monde entier. Plusieurs installations ont donc été bâties.
Notez que ces bâtiments ont absorbé huit millions de kilogrammes de carbone et ont permis d'éviter 17 millions de kilogrammes d'émissions. Le bâtiment sur lequel j'aimerais attirer votre attention est celui de la photo supérieure gauche, qui nous intéresse particulièrement dans le Canada atlantique. Il s'agit du Richmond Olympic Oval. Il a une portée de 200 pieds, et son toit est fait de planches de deux sur quatre. On a développé une technologie pour utiliser du bois d'œuvre provenant d'arbres de la Colombie-Britannique morts à cause du dendroctone. Ce bois d'œuvre a été transformé en planches de deux sur quatre. Cette diapositive montre d'autres usages du bois d'œuvre.
On pourrait adapter cette technologie aux besoins de provinces comme celles du Canada atlantique, où les arbres poussent différemment par rapport à ceux de la Colombie-Britannique. Nos pièces de bois d'œuvre ne sont pas longues. Nous produisons principalement des planches de bois de deux sur quatre pour la construction.
Pensez au nombre d'arénas, de clubs de curling et de centres communautaires actuellement construits à même des budgets d'infrastructure. Avant que nous commencions à diffuser notre message et à informer les spécificateurs, seulement quelques bâtiments devaient être construits en bois.
C'est à ce moment que la Colombie-Britannique a adopté une loi sur le thème du « bois d'abord ». L'objectif de cette loi était de faciliter l'instauration d'une culture du bois en exigeant l'utilisation de ce dernier comme principal matériau de construction de tous les bâtiments financés par la province. Les provinces atlantiques font actuellement la promotion de projets de loi semblables. Peu de gens comprennent que le Nouveau-Brunswick est, après la Colombie-Britannique, la province qui dépend le plus, économiquement, du secteur des produits forestiers.
Nous voulons mettre en place des politiques sur le bois. De telles politiques adoptées ailleurs favoriseront l'avenir et la santé des forêts. Nous avons envisagé différentes mesures, comme des résolutions visant la construction avec du bois. Depuis 2002, la Fédération canadienne des municipalités a adopté des résolutions sur le thème du « bois d'abord », mais les provinces et le gouvernement fédéral n'ont pas fait la promotion de politiques à cet égard dans leurs codes du bâtiment ni dans leurs mécanismes de financement des installations.
Il est important de préciser que, en mettant en place une politique privilégiant le bois, nous ne devons pas craindre de nuire à la prospérité des industries canadiennes de l'acier ou du béton. Les codes du bâtiment ont des exigences précises. Les industries peuvent très bien cohabiter. Par exemple, une structure comme l'anneau de patinage de vitesse comporte des connecteurs en acier, même si le matériau visible est le bois. Le bois a servi à insonoriser et à éliminer la condensation. On a jumelé les avantages du bois à ceux d'autres matériaux.
Au pays, le Québec et la Colombie-Britannique ont des politiques sur le bois, et c'est aussi le cas de pays comme la France et la Nouvelle-Zélande. La Colombie-Britannique a aussi une loi qui prévoit une taxe sur le carbone. Quand le Royaume-Uni a adopté une loi visant à réduire de 10 p. 100 son empreinte carbone, le bois est devenu le matériau de construction de choix.
Nous sommes d'avis que l'adoption de lois et de politiques privilégiant le bois doit suivre un objectif simple. Le bois doit être le premier choix dans la construction de bâtiments publics. Les politiques doivent suivre le modèle « SMART », c'est-à-dire qu'elles doivent être stratégiques, mesurables, réalisables, réalistes et limitées dans le temps. Elles doivent exiger que les projets gouvernementaux aient la plus faible empreinte carbone possible. Avec cette exigence, on relance le débat sur les avantages écologiques du bois comme matériau de construction.
On peut aussi débattre sur les ressources forestières et l'accroissement ou la diminution des forêts canadiennes. Soit dit en passant, les ressources forestières augmentent depuis longtemps. Cependant, il n'y a pas de débat quant aux avantages du bois lorsqu'il s'agit de produire la plus faible empreinte carbone possible.
Il nous faut intégrer et utiliser, dans les politiques et dans la pratique, les éléments des analyses du cycle de vie, comme l'énergie consommée pour produire du bois et pour construire avec du bois, en faisant des comparaisons avec d'autres matériaux de construction. Nous devons sensibiliser les gens au rôle des forêts et aux pratiques de construction qui permettent d'atténuer les changements climatiques et qui offrent des perspectives d'action locale.
Nous devrions retenir les services d'architectes et d'ingénieurs qui connaissent le bois. Mais ces spécialistes ne peuvent pas connaître le bois si nous ne les informons pas. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons une certaine responsabilité. Nous devons voir à ce que les spécificateurs, les bailleurs de fonds et les constructeurs demandent d'utiliser le bois et l'indiquent dans les spécifications.
J'ai parlé de perspectives locales parce qu'on me l'a demandé. Je vois notre programme comme un fusil à deux canons. Le programme œuvre à l'échelle locale, en plus de faire fructifier les possibilités d'exportations lorsque le Canada atlantique occupe une bonne position géographique et peut offrir la gamme de produits adéquate.
Nous devons diversifier nos activités. La crise que nous venons tout juste de traverser nous a prouvé que nous devions être présents dans différents marchés. Si notre seul marché est le marché américain, qui est actuellement aux prises avec sa crise des prêts hypothécaires à risque, l'industrie continuera de souffrir. Le Canada atlantique a déjà été témoin d'une situation semblable. En 1993, notre principal marché se trouvait outre-mer quand les portes de ces marchés se sont fermées du jour au lendemain en raison de problèmes phytosanitaires. Nous avons été chanceux de pouvoir compter sur le marché américain en émergence. Dans les deux cas, nos efforts étaient concentrés sur un seul marché d'exportation.
Il s'agit maintenant d'instaurer une culture du bois. La solution pour le Canada atlantique est de diversifier le marché. Nous étudions de nouveaux marchés d'exportation, plus précisément dans les Caraïbes. D'un point de vue géographique, le Canada atlantique est bien placé pour approvisionner cette région, tout comme le sont d'autres régions du Canada. Compte tenu des installations d'expédition de la Porte de l'Atlantique dans le port d'Halifax et des changements politiques que connaissent de nombreux pays des Caraïbes, nous croyons que le Canada atlantique est en bonne position. Nous avons travaillé avec des pays des Caraïbes pour élaborer des codes du bâtiment qui conviennent à leur réalité — notamment en ce qui concerne les tornades, la résistance au vent et aux tremblements de terre. Le bois y est préconisé.
Nous avons aussi fait du travail en Chine par l'entremise du Conseil canadien du bois et d'autres organismes. Nous regardons également du côté du Moyen-Orient, sans jamais oublier le marché historique de l'Europe. Nous avons travaillé étroitement avec nos partenaires des États-Unis afin d'élaborer le programme « Branché sur le BOIS ». Nous avons tâché de promouvoir l'utilisation du bois dans des structures non résidentielles.
Nous parlons de diversifier les marchés géographiques. Je dis souvent que le Canada atlantique est dans un triangle. Nous sommes entourés des États-Unis, du reste du Canada et de l'Europe. Nous devons tenir compte de cette réalité au moment de choisir les marchés où nous concentrerons nos efforts.
Cependant, pour revenir à mes premiers commentaires, si le Canada n'utilise pas le bois et n'a pas une culture du bois, quel message envoie-t-on au moment de trouver de nouveaux marchés?
La prochaine diapositive porte sur la viabilité économique. Je pourrais créer une diapositive semblable pour tout le Canada. Je sais que plusieurs sénateurs ont des intérêts ailleurs. La situation se ressemble beaucoup, que vous soyez au Québec, au Manitoba ou en Ontario. Cette diapositive indique l'emplacement des scieries au Canada atlantique en 2006. Vous verrez que l'industrie du bois était alors l'unique employeur industriel dans 75 de ces communautés. Si on passe à l'année 2009, on constate une diminution de 70 p. 100 de la production et une diminution de 80 p. 100 du nombre d'installations d'exploitation, soit en raison de fermetures temporaires ou permanentes, en raison de la crise.
L'industrie continue quand même d'investir dans les activités dont j'ai parlé aujourd'hui parce qu'elle a confiance en l'avenir. Elle comprend l'importance de la contribution économique qu'elle a faite par le passé. Nous sommes une région qui compte essentiellement des entreprises familiales. Elles ont déjà investi.
Je passerai maintenant au deuxième sujet que vous m'avez demandé d'aborder, c'est-à-dire les répercussions de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux. Ces répercussions ne sont pas étrangères au programme de développement des marchés.
Dans le domaine du bois d'œuvre résineux, qu'on parle des États-Unis ou du programme de développement des marchés, il est important de comprendre que toutes les régions de l'Atlantique sont reliées. Nous ne fonctionnons pas comme des provinces distinctes. Même si nous respectons la structure de gouvernance de la région, nous fonctionnons comme une région. C'est la seule façon de faire qui assurera une utilisation productive des ressources disponibles, et il y a une autre raison.
Depuis 1986, le Canada atlantique a été exempté de tous les droits et recours commerciaux. Vous voyez un extrait de l'actuel Accord sur le bois d'œuvre résineux, qui a été signé en octobre 2006. Notez qu'il ne fait aucune référence à une province précise. Tous les cas d'exemption concernent les Maritimes. Dans une note en bas de page, on précise que la province de Terre-Neuve-et-Labrador est comprise dans les Maritimes.
L'argument que nous invoquons auprès des États-Unis depuis 1986 porte en partie, et en partie seulement, sur le fait que nous fonctionnons comme un seul fournisseur. Du bois à pâte circule entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle- Écosse pour approvisionner différentes installations. De la bille de sciage circule entre les trois provinces des Maritimes. L'estampe ou l'assurance de la qualité du Bureau du bois de sciage des Maritimes, qui est l'organisme de réglementation, s'applique à toutes les provinces. Même sur le plan de la couverture forestière, nous sommes reconnus comme une région distincte au Canada.
Aux États-Unis, la législation commerciale ne permet pas la présence de taux propres aux provinces pour les questions commerciales. Une province ne peut avoir de taux propre pour les droits compensateurs ou les droits anti- dumping. C'est pourquoi, au moment où le conflit sur le bois d'œuvre résineux se poursuit — et mes collègues du Québec vous ont peut-être dit que nous étions un élément négligeable —, nous avons fait enquête. Il n'y a pas de subvention, mais on nous force à payer le taux appliqué à tout le pays. C'est la législation des États-Unis qui prescrit l'application d'un taux national à toutes les provinces.
La législation américaine comporte toutefois une échappatoire qui permet de reconnaître des divisions politiques d'une région donnée d'un pays qui n'est pas définie par des frontières provinciales. Nous avons utilisé cet argument en 1986, accompagnés de propriétaires terriens, d'exploitants privés et de quelques sociétés publiques. Nous avons mentionné l'achat de terrains privés, les coûts d'exploitation élevés et d'autres éléments en faveur de cette reconnaissance, et nous avons fait valoir cet argument.
Comme je l'ai dit au sénateur Mockler, je dois reconnaître le travail et les efforts que le Sénat et que les comités ont déployés par le passé au profit du Canada atlantique. Quand l'Accord sur le bois d'œuvre résineux est entré dans la législation canadienne à des fins d'application, nous nous sommes retrouvés dans une situation où seules les provinces étaient reconnues, et non les divisions politiques de certaines régions. La législation canadienne ne reconnaît pas les exemptions, mais a plutôt recours à des taux nuls. Le Canada atlantique bénéficiait d'une exemption depuis 1986. Il ne jouissait pas d'un taux nul. Notre inquiétude était que — et notre inquiétude s'est concrétisée —, si des problèmes survenaient pendant la durée d'application de l'Accord, la solution proposée pour résoudre certains problèmes serait d'augmenter le taux de 5, de 10 ou de 2 p. 100. Donc, malheureusement, ceux qui bénéficiaient d'un taux de 5 p. 100 le verraient passer à 10 p. 100, ceux qui étaient à 10 p. 100 passeraient à 15 p. 100, et ceux qui avaient un taux de 0 p. 100 se retrouvaient alors avec un taux de 5 p. 100. Nous n'aurions plus été exemptés.
Nous avons travaillé avec tous les comités avant l'intégration dans la législation, particulièrement avec les comités sénatoriaux, et je souhaite vous remercier sincèrement de votre aide et de la reconnaissance que nous avons obtenue. Cette façon de faire était nouvelle au Canada, et elle a permis de reconnaître quelque chose qui avait été accordé par les États-Unis pendant 23 ans.
Ceux qui croient que ça a eu un effet positif devraient regarder ce qui s'est vraiment passé. Cette diapositive est probablement la plus révélatrice concernant le secteur du bois d'œuvre résineux. On remonte au premier cas de droits compensateurs qui a été résolu au moyen d'un protocole d'entente conclu entre les deux pays en 1986. Ce sont les lignes verticales. La ligne bleue représente les exportations des Maritimes pendant cette période et la ligne rouge au centre représente la seule période, au cours des 23 dernières années, où le bois d'œuvre résineux a été assujetti au libre- échange, sans qu'aucun recours commercial, accord ou litige ait lieu. Je ne pense pas que nous en sommes vraiment conscients.
J'ai le plaisir de vous annoncer que, dans le contexte de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux et de l'actuelle structure de prix — et nous ne parlerons pas de la variation du taux de change —, le Canada se retrouvera le mois prochain, pour la première fois depuis 1996, dans une situation de quasi-libre-échange où aucune taxe ne s'appliquera, puisque l'Accord prévoit un plafond. Cette situation prévaudra dans toutes les provinces, sauf au Québec et en Ontario, qui ont été défavorisées par l'arbitrage dans le cadre de l'Accord.
C'est important parce qu'on parle toujours de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux comme s'il venait tout juste d'être signé. Il existe maintenant depuis 23 ans, période durant laquelle il n'y a pas eu de libre-échange au Canada, sauf dans le Canada atlantique par la reconnaissance de ces faits.
C'est très important pour notre avenir parce que le véritable point sur lequel je veux insister est ce qui est arrivé aux exportations dans le contexte de l'exemption conformément à l'Accord sur le bois d'œuvre résineux. Je vous ai montré le nombre d'installations en exploitation avec l'exemption. Avez-vous une idée de ce que je vous dirais si l'exemption n'existait pas?
Nos niveaux de production actuels dans la région sont moins élevés que ceux de 1995, et ce, même si nous pouvons pénétrer dans le marché américain sans être pénalisés, conformément à l'Accord.
Je pourrais présenter cette diapositive par province, mais notre argument le plus efficace est le fait que nous sommes une région distincte et non pas des provinces individuelles. Et nous travaillons fort pour continuer à diffuser ce message.
Vous m'avez invitée à aborder précisément les activités qui touchent la province du Nouveau-Brunswick. Les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador sont interreliées lorsqu'on parle de ces questions. Elles le sont également lorsqu'on parle de leur succès imminent. Par conséquent, si à la fin de l'Accord sur le bois d'œuvre résineux nous ne réussissons pas à recréer cette situation, malgré l'information qui pourrait circuler, nous devrons nous assurer que la région continue d'être reconnue, et non pas les provinces en elles-mêmes.
Rien n'est certain, mais si l'on se fie à la façon dont la législation américaine traite les accords commerciaux, si une province se fait dire que les trois autres peuvent continuer de rester ensemble, si on commence à retirer des provinces si je peux m'exprimer ainsi, il sera important de continuer à mener nos activités avec la même intégrité que dans le cadre de l'Accord. Nous devons absolument maintenir les politiques de prix axées sur le marché que nous avons adoptées dans le cadre de l'Accord, réfléchir à l'avenir et nous imaginer à l'expiration ou au prolongement de l'Accord, et maintenir cette exemption.
Les 3,5 milliards de pieds-planche qui ont été produits en un an ne sont pas habituels. Cette situation s'est produite après l'ouragan Juan qui a touché la Nouvelle-Écosse. Du bois avait été soufflé par terre et devait être traité. En règle générale, l'Atlantique produisait environ 2,4 milliards de pieds-planche par année, mais notre production n'a pas atteint les 960 millions en 2009. Il y a aussi les exportations. Comme on l'a vu dans la diapositive précédente, elles ont aussi connu une baisse, mais la production a décliné.
Cette diapositive représente les exportations faites aux États-Unis, par trimestre. Je sépare l'information comme ça parce que, dans un contexte de reprise des activités, il peut parfois y avoir une très bonne saison de construction, surtout aux États-Unis, et les gens disent que la situation s'améliore. À notre avis, on ne peut jamais comparer une situation à celle du trimestre d'avant. Il faut la comparer à celle du trimestre correspondant de l'exercice précédent pour s'assurer de suivre les variations saisonnières.
Enfin, avant de parler des questions phytosanitaires, j'aimerais dire que si nous avons envisagé le programme « Le bois d'abord » et la diversification des marchés, si nous avons continué de surveiller l'Accord sur le bois d'œuvre résineux, continué de maintenir toutes nos obligations pour veiller à l'intégrité, c'est pour une seule raison, celle de notre avenir. À ce sujet, j'aime bien la citation suivante, qui se traduit mal en français, veuillez m'en excuser. La citation dit essentiellement que le changement régit la vie, et que ceux qui ne font que regarder le passé ou le présent ne verront pas l'avenir. Ce que nous avons fait et continuons de faire aujourd'hui pour instaurer une culture du bois au Canada et pour maintenir nos obligations et nos partenariats aux États-Unis, nous le faisons pour notre prospérité future.
Monsieur le président, est-ce que j'ai le temps d'aborder les questions phytosanitaires?
Le président : Oui.
Mme Blenkhorn : Je veux aborder un sujet qui pourrait mériter d'être étudié davantage, et j'ai nommé la santé des forêts canadiennes et les répercussions que les insectes d'origine étrangère ont sur elles.
Il existe au Canada une loi concernant la mise en quarantaine et l'identification, qui est appliquée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA. Ce n'est qu'à la découverte d'un ravageur importé, d'une espèce dite envahissante ou étrangère, que la situation est considérée comme urgente. Il y a peu de coordination entre l'ACIA et le secteur forestier canadien, et ces situations sont habituellement signalées au Service canadien des forêts.
En 2000, la Nouvelle-Écosse a décelé la présence du longicorne brun de l'épinette, considéré en Europe, son milieu indigène, comme un ravageur secondaire de peu de conséquences. Maintenant qu'il se trouve au Canada, et plus particulièrement au Canada atlantique, nous ne savons pas trop comment réagir. Nous ne savons pas s'il va se reproduire avec nos scolytes locaux. Nous ne savons pas si la forêt va être ravagée. La recherche se poursuit.
Notre capacité à réagir dépend de certaines questions qui doivent être réglées collectivement. Le seul outil à notre disposition semble être la réglementation, mais cela vient perturber un secteur qui peine déjà parce qu'il cible les déplacements artificiels, même s'il existe des preuves convaincantes que le longicorne se déplace de façon naturelle. Le financement provenant du gouvernement fédéral pour gérer la situation et ralentir la progression du ravageur dépend en grande partie des exigences restrictives prévues par la loi qui font en sorte que, plutôt que de mettre sur pied une initiative suivie visant à préserver la santé des forêts, l'urgence d'une situation doit être démontrée pour y réagir. La propagation est très limitée. En Nouvelle-Écosse, pour l'essentiel, la propagation est ralentie par le piégeage et les investissements de masse. Nous investissons chaque année dans la recherche afin d'élaborer des techniques d'identification biologiques. Chaque année, même si nous ne découvrons que deux ou trois longicornes de plus, la solution proposée, qui s'appuie sur un choix d'outils et un financement limités, est de réglementer l'industrie encore davantage.
Nous tenons à ralentir la progression du ravageur. À cause de l'incertitude qui plane, personne n'a envie de découvrir le longicorne brun de l'épinette, l'espèce allogène, sur le territoire du Nouveau-Brunswick, d'où il pourrait se propager vers la Nouvelle-Écosse et le Québec. Il faut mettre plus d'efforts dans la coordination des interventions qui ne sont pas liées aux situations urgentes. Il faut que des sommes soient débloquées pour mettre à profit la recherche. Il faut que des sommes soient débloquées pour l'élaboration d'une boîte à outils qui favorise l'exploitation des forêts touchées, au lieu de les laisser devenir des nids à insectes. Il faut susciter de l'intérêt pour l'investissement dans des solutions novatrices et efficaces, et mettre moins l'accent sur l'imposition de contraintes à l'industrie.
Je pourrais passer la journée à parler de certains détails de ce dossier. Ce serait négligent de ma part de ne pas en faire part au Comité. Je crois que ça s'accorde avec la vision et avec les changements que nous tentons progressivement d'apporter au système. Ces espèces se sont implantées en Nouvelle-Écosse, mais je crois que nous pouvons élaborer et mettre en œuvre un système pratique de contrôle des ravageurs qui pourrait être utilisé ailleurs au Canada la prochaine fois que le problème surviendra. Comme nous sommes un pays importateur, le problème va se présenter de nouveau. On trouve déjà la spongieuse asiatique et l'agrile du frêne. Heureusement, aucun autre insecte allogène que le longicorne brun de l'épinette ne s'est installé dans nos forêts de conifères.
Il faut réfléchir à la question de la coordination avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Je ne critique pas les services offerts. Nous avons consacré beaucoup d'énergie à l'élaboration d'approches novatrices avec leurs représentants. À bien des égards, ils sont tellement limités par les dispositions de la législation canadienne que ce n'est pas nécessairement un moyen efficace de faire avancer les choses.
Je vous remercie encore une fois de cette occasion de témoigner devant vous. J'espère avoir proposé des pistes de réflexion stimulantes, et je me ferai un plaisir de répondre à toute question, si je le peux.
Le président : Madame Blenkhorn, merci de cet extraordinaire exposé, fort enrichissant pour le comité.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie d'être des nôtres. On dirait bien que j'ai l'occasion de vous rencontrer chaque trimestre, à un titre ou à un autre, dans le Canada atlantique ou ici à Ottawa.
Je suis sensible à votre opinion sur la santé des forêts. Nous pourrions peut-être tenir ce problème pour distinct et en discuter à un autre moment. Vous avez soulevé une question importante. Je vais éviter d'en parler pour l'instant.
L'un des avantages de siéger à ce comité, c'est qu'il compte six sénateurs originaires des Maritimes, et que le reste voudrait bien l'être. Certains d'entre nous connaissent mieux le terrain que d'autres.
Vous avez parlé d'une politique sur le thème du « bois d'abord » pour les municipalités. Pouvez-vous nous dire si elle a connu du succès et nous donner des exemples qui valent le détour? Ceux d'entre nous qui habitent le Canada atlantique pourraient aller les voir. Je ne propose pas ici au comité de faire un nouveau voyage.
Mme Blenkhorn : Il y a eu des résultats positifs et la plupart de ces projets sont en construction ou à l'étape de la conception. Nous avons amorcé le processus il y a un an. Les unions des municipalités rurales du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse sont toutes deux en voie d'adopter, si elles ne l'ont pas déjà fait, des résolutions visant à privilégier le bois dans tous les processus.
À la suite des efforts que nous avons déployés pour informer les professionnels du design, les architectes et les ingénieurs, on a annoncé la construction d'une immense installation à Colchester, en Nouvelle-Écosse. Cette installation sera construite en bois et comprendra une piscine, deux patinoires, une bibliothèque et un centre communautaire. Une autre installation en bois doit être construite à Lunenburg. J'attends d'autres annonces du genre du Nouveau-Brunswick.
C'est d'ailleurs avec plaisir que j'invite tous les sénateurs, ainsi que toute autre personne intéressée, à participer à une activité que nous organisons les 10 et 11 juin. Nous avons invité tous les élus provinciaux des quatre provinces à venir présenter leurs projets et promouvoir ces valeurs pour que d'autres, comme vous-mêmes et les membres du public qui sont intéressés, puissent découvrir ces installations.
Le sénateur Mercer : Je vais certainement essayer de suivre le développement des projets de Colchester et de Lunenburg. Comme vous le savez, un certain nombre de projets de construction ont été mis en chantier dans la grande région d'Halifax, en prévision des Jeux du Canada de 2011. Nous avons parlé de l'anneau de patinage de vitesse à Richmond, que certains d'entre nous ont pu voir.
A-t-on cherché à rendre les Jeux plus écologiques en faisant du bois un élément majeur?
Mme Blenkhorn : Comme vous le savez, le Centre des Jeux du Canada a été construit à proximité de Lacewood Drive, à Halifax. Pour autant que je sache, il ne contient pas une once de bois. Au vu de cette déception, nous sommes encore une fois d'avis qu'il faut savoir profiter d'une crise. Face à cette situation fâcheuse, nous nous efforçons de faire intégrer du bois à toutes les autres installations. Certaines de nos idées, dans ce plan d'activités, supposent une présence visible aux Jeux d'hiver du Canada.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de la Porte de l'Atlantique et du port d'Halifax. Je vais mettre mon autre chapeau, celui de membre du Comité des Transports. Avez-vous eu vent d'une annonce d'un gouvernement concernant la Porte de l'Atlantique? Nous avons eu la Porte du Pacifique, la Porte continentale et la Porte de l'Atlantique. Certains d'entre nous ont de la difficulté à voir quelque progrès ou quelque développement que ce soit du côté de la Porte de l'Atlantique.
Votre industrie exporte une ressource primaire. Avez-vous constaté des changements depuis que les gouvernements parlent de la Porte de l'Atlantique?
Mme Blenkhorn : En toute honnêteté, il est difficile d'évaluer si des changements ont eu lieu, parce que nous n'exportons pas et que les volumes sont à la baisse.
J'ai constaté des changements dans notre capacité à commercialiser les services de certaines sociétés maritimes sur la base de leur disponibilité et de leurs engagements. La réussite de ce programme nous permettra de faire des vérifications.
Le sénateur Plett : Merci d'être venue et de nous avoir fait ce merveilleux exposé. J'ai tellement appris au cours des six derniers mois en siégeant à ce comité. J'y ai pris beaucoup de plaisir.
Je suis de ceux qui croient que nous devons informer plutôt que légiférer. Je ne suis pas à l'aise avec l'idée d'imposer par voie législative l'utilisation d'une quantité de bois donnée dans les bâtiments, bien que je sois pleinement conscient des avantages que ça comporte. Comme le rappelait le sénateur Mercer, nous avons vu de merveilleux bâtiments faits en bois.
D'autres témoins ont parlé d'une lacune dans les universités, dans la formation des architectes et des ingénieurs. Vous y avez fait allusion vous aussi.
Est-ce que le Bureau du bois de sciage des Maritimes contribue au Code national du bâtiment? Faites-vous partie d'un comité, faites-vous du lobbyisme ou participez-vous à l'élaboration de certains règlements?
Mme Blenkhorn : Je contribue au Code national du bâtiment, étant donné que je siège à titre de présidente à la Commission nationale de classification des sciages, l'organisme canadien de classification. Je siège aussi au conseil d'administration du Conseil canadien du bois qui, à l'instar de la Commission nationale de classification des sciages, a son mot à dire quant aux changements envisagés. C'est l'organisme responsable des codes et des normes concernant l'utilisation du bois.
Pour répondre à votre question, l'industrie du bois est bien représentée et est en mesure, au besoin, d'influer sur le contenu du Code national du bâtiment. Les provinces ont toutes adopté le Code national du bâtiment, mais se réservent une marge de manœuvre.
Le sénateur Plett : Cela dit, je crois que le Code national du bâtiment ne permet pas de construire en bois des bâtiments commerciaux non résidentiels de plus de quatre étages, à quelques exceptions près, dont un bâtiment construit à Québec, que nous avons visité.
Mme Blenkhorn : Il y en a un autre en Colombie-Britannique.
Le sénateur Plett : Oui. Nous ne l'avons pas vu, mais nous avons vu celui de Québec, un très beau bâtiment.
Si le CNB était modifié pour permettre la construction de bâtiments de sept, huit ou dix étages, est-ce que ça pourrait soulager certains maux de l'industrie?
Mme Blenkhorn : Oui, certainement. Comme vous l'avez si bien dit, le Code national du bâtiment fixe à quatre étages la limite pour les installations protégées par des extincteurs automatiques. Certaines provinces, comme la Colombie-Britannique et le Québec, ont passé outre au Code national du bâtiment; elles l'ont adopté, mais elles ont ajouté des dispositions qui permettent la construction de bâtiments de six étages protégés par des extincteurs automatiques.
Chaque province a le droit d'établir ses propres structures. Par contre, pour créer une culture du bois, il faut d'abord faciliter le recours au bois. La preuve est faite que le bois est un choix logique pour la construction de bâtiments de six étages à certaines conditions, notamment la présence d'extincteurs automatiques. Deux provinces permettent l'utilisation du bois dans les bâtiments non résidentiels. L'une des nombreuses qualités du bois que nous avons mises de l'avant est qu'il emmagasine le carbone. Le bois permet aussi de s'attaquer à certains autres problèmes environnementaux. Compte tenu de cela, il me semble que le Code du bâtiment devrait favoriser l'épanouissement de cette culture en permettant le recours au bois, lorsqu'approprié.
Le sénateur Plett : Hier, à la Chambre du Sénat, nous avons discuté des quotas pour les conseils d'administration, par opposition à l'idée d'y faire siéger les plus grands spécialistes tout simplement. Le problème ici est semblable, il faut informer et permettre au Code du bâtiment de suivre.
Dans le cas des édifices gouvernementaux, si le gouvernement exigeait qu'une limite à l'empreinte carbone soit fixée, si nous parlions davantage de l'environnement et que le gouvernement insistait sur ce point, est-ce que ça aurait le même effet?
Nous avons accueilli des représentants des industries du béton et de l'acier qui préconisent de laisser le marché décider et de ne pas exiger de quantité minimale de bois, étant donné qu'on n'exige pas de quantité minimale d'acier.
Si nous prenions de telles mesures, est-ce que ça répondrait à certaines de vos préoccupations?
Mme Blenkhorn : Je comprends que votre mission et celle de tous les élus est de représenter également l'ensemble de l'industrie canadienne. Si des lois et des règlements exigeaient la plus faible empreinte carbone possible, le bois serait automatiquement avantagé.
Je ne crois pas avoir suggéré que le gouvernement fédéral exige que le bois soit privilégié. Sur ce plan, j'ai plutôt proposé la mise en place de politiques qui exigent la plus faible empreinte carbone possible. En bout de compte, ça répondra à nos préoccupations.
Je dois dire que je suis absolument d'accord avec vous pour dire que nous devons informer. Je préfère la sensibilisation au recours à des lois. Mais il faut tout de même que les élus canadiens démontrent qu'ils ont choisi de valoriser le bois. La meilleure façon de le faire est de réglementer et de légiférer, par des modifications qui portent sur les avantages environnementaux plutôt que sur un produit en particulier.
Le sénateur Robichaud : Vous dites prendre des mesures pour informer les spécificateurs.
Quelles sont vos méthodes, de quelle façon procédez-vous? Est-ce que les gens sont ouverts à l'idée ou est-ce qu'ils se montrent rébarbatifs? Ça suppose un certain changement, n'est-ce pas?
Mme Blenkhorn : Oui, en effet. Je suis heureuse de vous annoncer que nous venons tout juste d'offrir deux séminaires sur la conception en bois — l'un à Halifax et l'autre à Moncton — les 30 et 31 mars dernier. Un des invités a parlé des traitements de préservation dans les teintures et les peintures appliquées au bois. Le deuxième a abordé le design architectural, et a comparé les bâtiments à quatre et à six étages. Le troisième invité était Gerry Epp, l'ingénieur qui a construit le toit de bois courbé de l'anneau olympique de Richmond. Cette façon de construire permet l'utilisation de planches de deux sur quatre.
C'est nous qui avons organisé cette activité complémentaire. C'était la meilleure approche selon nous. Du reste, nous avons décidé de fournir aux participants des crédits de formation continue en design, étant donné que les ordres professionnels des architectes et des ingénieurs les incitent à obtenir de tels crédits. J'ai le plaisir de vous dire que nous avons eu 110 participants à Halifax, ce qui en a fait l'une des activités les plus populaires de toutes celles organisées au Canada. À Moncton, 52 personnes y ont participé. Si on en croit les commentaires reçus, c'était l'une des meilleures formations auxquelles ils ont assisté, et ils sont prêts à recommencer. Nous allons en offrir d'autres. Je le répète, c'est un nouveau programme. Il ne s'est pas passé 30 jours depuis ces activités à Halifax et à Moncton, mais la réaction dans le Canada atlantique a été aussi bonne, sinon meilleure qu'ailleurs au pays.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que le concept de la séquestration du carbone est enseigné aux spécificateurs? Est-ce qu'ils commencent à y attribuer une valeur?
Mme Blenkhorn : Ça fait partie du message que nous répétons. Je ne prétends pas être une spécialiste de toutes les caractéristiques de l'environnement. Mais je m'y connais, assez pour en parler. Il faut élaborer un message cohérent et basé sur des faits. Ce message doit être diffusé partout en Amérique du Nord. Il ne devrait pas se restreindre à une région, à une province ou à un pays en particulier.
Si la séquestration du carbone est valable pour les grands bâtiments non résidentiels au Canada, elle l'est aussi pour les bâtiments américains. Le Royaume-Uni a réduit son empreinte carbone de 10 p. 100 en intégrant le bois à ses constructions, et il a adopté cette philosophie même si son économie ne dépend pas autant du bois que celle du Canada. Nous avons besoin de ce message cohérent.
Je réponds donc à votre question par l'affirmative. Le message est articulé par différentes personnes chaque fois que nous offrons des formations. C'est quelque chose que je répète toujours lorsque je m'adresse à un groupe.
Le sénateur Robichaud : Des mesures ont-elles été prises pour sensibiliser les spécificateurs aux États-Unis?
Mme Blenkhorn : Je crois que Bob Glowinski doit venir témoigner devant le comité jeudi prochain. Je représente le Canada auprès de son organisation. Il va parler de certaines mesures concertées visant à transposer ce message aux États-Unis.
Le sénateur Ogilvie : Pour en revenir à ce que vous avez dit au sujet du longicorne brun de l'épinette, je crois que la réaction initiale a mal été gérée. Vous avez laissé entendre que, pour l'essentiel, les mesures prises ont fait retomber toute la responsabilité sur l'exploitant en s'appuyant sur des règles qui, selon moi, n'ont pas été bien conçues.
Mme Blenkhorn : Nous sommes d'accord sur ce point.
Le sénateur Ogilvie : Je gère moi aussi une certaine étendue de forêt. Je connais bien le ravageur indigène qu'est le dendroctone de l'épinette, qui cause des dégâts sur une grande partie du territoire néo-écossais. La difficulté de gérer ces petites pestes n'est pas que bureaucratique.
J'ai une question concernant le bois d'œuvre. Est-ce que le nombre de pieds-planche que vous donnez pour représenter notre production comprend seulement le bois d'œuvre certifié et estampillé, ou aussi le bois brut?
Mme Blenkhorn : Il comprend tout ça.
Le sénateur Ogilvie : Le bois brut est donc pris en compte. Ça n'apparaît pas dans votre diapositive sur les producteurs.
Sur vos grandes cartes, j'ai remarqué des points à peine visibles en plus de ceux plus gros qui représentent les scieries. Est-ce que ce sont des défauts dans l'image ou avez-vous essayé d'indiquer la présence de plus petites scieries de cette façon?
Mme Blenkhorn : Non, je tiens toutes les scieries pour égales. Le Bureau représente les petites et les grandes scieries de la même façon.
Le sénateur Ogilvie : Je connais très bien la Nouvelle-Écosse rurale. Et je connais des scieries rurales qui n'apparaissent pas dans votre document. Je me demande si le petit point non loin de Bennett Bay, dans la région de Scotts Bay, près de Noel, représente des scieries de moindre envergure.
Mme Blenkhorn : Je ne veux pas vous induire en erreur. Ces scieries ne sont probablement pas des membres permanents du Bureau du bois de sciage des Maritimes. Il s'agit probablement d'exploitants saisonniers qui font appel à nous pour accéder aux marchés réglementés. Mes images ne montrent que les membres permanents du Bureau dont la seule activité est l'exploitation d'une scierie.
Le sénateur Ogilvie : J'aurais dû mieux formuler ma question. Les scieries que je connais sont des exploitants saisonniers qui, comme vous l'avez mentionné, ne sont pas représentés dans votre diapositive.
Mme Blenkhorn : Les scieries saisonnières n'y sont pas représentées.
Le sénateur Ogilvie : Je me questionne surtout sur le carbone. Je le redis, presque tout ce que je construis est en bois. J'adore le bois et mes commentaires ne sont pas motivés par un sentiment antibois.
D'abord, je crois qu'il est essentiel de comprendre ce dont on parle lorsqu'on s'attaque au problème du carbone. Le carbone est emmagasiné dans le bois d'œuvre. D'ailleurs, les preuves s'accumulent quant au fait que le carbone emmagasiné dans le bois d'œuvre finit tout de même un jour par former du dioxyde de carbone. Il faut reconnaître ce fait.
D'autre part, les arbres sont un merveilleux élément de l'écosystème. Leur système respiratoire absorbe du dioxyde de carbone, mais ils en perdent une énorme quantité chaque année sous forme de feuilles, d'écorce, et cetera. Lorsque le bois est scié, la partie la plus grossière — celle qu'on appelle bois de dosse — est immédiatement réutilisée comme source d'énergie, soit telle quelle, soit sous forme de granules ou autrement, ce qui le transforme en dioxyde de carbone.
J'aimerais revenir à la portée du problème, telle que je la conçois. Mieux nous comprendrons le problème posé par le carbone dans l'environnement et plus nous l'aborderons de façon réaliste et non émotive, plus nous verrons que le bois peut jouer un rôle positif. Il faut toutefois que nous utilisions les termes appropriés et que nous reconnaissions l'ensemble des effets. Sinon, les gens finiront par croire des choses qui se révèleront peu représentatives du fond du problème.
Le bois fait partie d'un plan stratégique global et constitue un précieux outil pour la séquestration du carbone. Mais d'autres aspects de la récolte du bois et de la production de bois d'œuvre s'inscrivent dans la problématique générale du carbone dans l'environnement.
Mme Blenkhorn : Je ne suis pas en désaccord avec vous. Je disais il y a quelques minutes que je n'étais pas une spécialiste. Mes diapositives n'indiquent aucunement que les émissions de carbone sont nulles. Elles comparent la séquestration du carbone et les émissions évitées par le bois et par d'autres matériaux de construction.
Ce que vous dites est très pertinent. Lorsque je parle d'avoir un message cohérent, je parle d'un message cohérent qui repose sur des faits et qui est facile à comprendre, afin de faire avancer le dossier. Je ne sais pas si les membres du comité ont entendu parler de FPInnovations. Cette organisation a réalisé des analyses de cycle de vie et du carbone. Si cet aspect particulier vous intéresse, je suggère fortement au comité de solliciter leur avis, car ce sont des spécialistes, ce qui n'est pas mon cas.
Le sénateur Ogilvie : Je suis sensible à votre commentaire. Ce que nous exprimons peut parfois être compris de différentes façons. Je prends bonne note de ce que vous avez dit, ce sont des renseignements d'un grand intérêt.
Mme Blenkhorn : Je vous remercie.
Le sénateur Mahovlich : Quel est le pays qui accorde le plus de valeur au bois?
Mme Blenkhorn : Probablement la Norvège ou la Finlande. Aux Jeux olympiques récemment organisés par la Norvège, le bois a été mis en évidence de mille façons. La Finlande considère comme entièrement durable son système composé de divers programmes de certification. J'aime à penser que si on demandait à la Norvège ou à la Finlande, ils diraient qu'ils viendraient au Canada.
Le sénateur Mahovlich : Je crois fermement qu'il y a beaucoup de leçons à tirer de l'histoire. Un insecte a pénétré en Ontario il y a une cinquantaine d'années. Je me souviens d'avoir vu tous les ormes morts de la maladie hollandaise de l'orme. Avons-nous tiré une leçon de cet épisode? Si je cherche un orme dans la ville de Toronto, je n'en trouverai que deux ou trois.
Mme Blenkhorn : Je crois que nous avons appris quelque chose, mais comme vous venez de le dire, nous ne traitons pas, nous abattons. Peut-être que l'abattage constitue un traitement, mais il est impossible de raser toute une forêt. Les ormes qui poussent dans les secteurs résidentiels peuvent être abattus. La même chose s'est produite là où j'habite. La maladie hollandaise de l'orme s'est insinuée dans les localités de la Nouvelle-Écosse. Il n'y a pas d'ormes à Truro, et il n'y en a plus à Emerson. Nous nous sommes intéressés à l'abattage. Nous en avons tiré quelques leçons. J'avancerais qu'il reste encore beaucoup à apprendre et que bien des changements doivent être apportés.
Le Canada est le seul pays au monde à réglementer ses exportations pour des raisons phytosanitaires. Nous avons des règlements et des lois visant les importations. Nous exerçons un contrôle sur les importations qui pourraient renfermer des insectes moins strict que notre réglementation visant nos propres exportateurs. Cette situation a pour effet d'annuler leur compétitivité, parce que le pays importateur détermine les exigences. Il réglemente. Il contrôle. Nous faisons les deux.
Le sénateur Eaton : Votre dernier commentaire est très intéressant. Nous ne réglementons pas autant les produits qui arrivent que ceux qui partent. Nous pourrions peut-être recommander un changement de ce côté.
Vous avez parlé d'une initiative pour l'ensemble du Canada ou de l'Amérique du Nord. Nous savons, je suis sûr que vous l'avez constaté en consultant le hansard, que notre pays est constitué de nombreux vases clos. Les efforts menés au Québec ou en Colombie-Britannique n'ont pas toujours d'écho ailleurs au pays. Certaines provinces font mieux que d'autres en matière de promotion du bois. Comment envisagez-vous de faire avancer une initiative qui se voudrait pancanadienne pour que des pratiques exemplaires soient adoptées et pour que nous nous épaulions les uns les autres, d'un bout à l'autre du pays?
Mme Blenkhorn : Je mentionnerai d'abord que même le rapport de la vérificatrice générale du Canada s'est attardé à nos carences en matière de contrôle des produits qui entrent au pays et aux mesures prises à cet égard. Ce n'est pas seulement moi qui le dis. Je tiens simplement à m'assurer que vous n'avez pas perçu ma réflexion comme étant dénigrante, car elle était plutôt factuelle.
Le sénateur Eaton : Pourrions-nous insister? Combien de bois importons-nous, et pourrions-nous insister auprès des pays exportateurs pour qu'ils prennent des mesures de contrôle?
Mme Blenkhorn : Il faut que nos mesures de contrôle soient plus efficaces, et selon moi l'ACIA ne finance pas adéquatement ce champ d'activité. Leur programme concernant les exportations est excellent, mais ce n'est pas nécessairement le cas de leurs activités de contrôle. Certaines mesures sont prises. C'est pour ça que j'ai soulevé la question ici. Oui, je crois que nous le pourrions.
Vous demandez combien de bois nous importons? Mis à part le bois de feuillus, nous n'importons pas beaucoup de bois d'œuvre de catégorie utilitaire, mais tout produit qui entre au Canada en provenance de quelque pays que ce soit est généralement placé sur une palette en bois ou empaqueté dans un contenant en bois, qu'il s'agisse de pièces venant de la Chine, ou d'acier, ou de réfrigérateurs.
Le sénateur Eaton : Lorsque nous exportons vers d'autres pays, ils ont une réglementation.
Mme Blenkhorn : Une réglementation sur les importations, oui.
Le sénateur Eaton : Pourrions-nous imposer la même réglementation?
Mme Blenkhorn : Nous le pourrions, et ça nous aiderait, parce que la réglementation des exportations du Canada est généralement exagérée si on la compare à la réglementation du pays importateur. Il est plus difficile de se conformer aux exigences phytosanitaires de notre propre pays pour les exportations que de respecter les exigences du pays importateur.
Le sénateur Eaton : On pourrait commencer par ça.
Mme Blenkhorn : Absolument.
Le sénateur Eaton : Pourriez-vous répondre à la question concernant votre initiative pour l'ensemble du pays?
Mme Blenkhorn : Nous avons une organisation appelée le Conseil canadien du bois. Cette organisation a connu une période difficile, une crise de croissance, une réorientation. Nous avons mis sur pied des programmes Branché sur le BOIS au Canada, qui relèvent du Conseil canadien du bois. Ils ont un volet propre à chaque province, et ils se sont le mieux implantés en Colombie-Britannique et en Ontario, et dans une moindre mesure en Alberta et au Québec, bien que le programme québécois soit en expansion, et ils n'ont pas encore pris leur envol dans le Canada atlantique. C'est la direction que nous avons prise.
Je crois fermement que Branché sur le BOIS doit être chapeauté par une organisation comme le Conseil canadien du bois. Il peut avoir des bases opérationnelles provinciales, parce que ce qui fonctionne en Nouvelle-Écosse est probablement très différent de ce qui fonctionne en Colombie-Britannique.
Le sénateur Eaton : D'accord, mais elles devraient communiquer entre elles.
Mme Blenkhorn : Absolument. Le programme a besoin d'être amélioré et orienté sur la coordination. Mon opinion personnelle est qu'il ne devrait pas être restreint au Canada. Si nous devons dépenser des dollars canadiens pour financer les activités qui se déroulent aux États-Unis, il faut coordonner la mise en œuvre dans toute l'Amérique du Nord.
Le sénateur Eaton : Pourquoi envoyons-nous des dollars canadiens aux États-Unis?
Mme Blenkhorn : C'est notre plus grand marché.
Le sénateur Eaton : Souhaitez-vous que nous recommandions la mise en place d'un programme fédéral sur le thème du « bois d'abord »? Y voyez-vous un avantage?
Mme Blenkhorn : Oui, j'aimerais que nous recommandions un programme de la sorte, peu importe s'il est question d'en créer un ou d'améliorer le programme Branché sur le BOIS, parce que le gouvernement fédéral investit déjà dans Branché sur le BOIS par l'intermédiaire du Service canadien des forêts. Il me semble que tout l'investissement se fait par l'intermédiaire du Service canadien des forêts et d'autres programmes de développement régionaux.
Mon opinion personnelle est que cet argent peut être mieux utilisé si l'on adopte une approche plus coordonnée. Je ne pense pas que l'approche actuelle est mauvaise, ou qu'elle est inexistante. Il s'agit seulement d'un cas où nous pouvons faire mieux et être plus productifs grâce à une meilleure coordination.
[Français]
Le sénateur Rivard : Madame, merci pour votre excellente présentation. D'entrée de jeu, je voudrais vous dire que tous les collègues autour de la table sont favorables à l'utilisation du bois, que ce soit dans les projets résidentiels, commerciaux, gouvernementaux, et cetera.
Il y a quelques semaines à la Chambre des communes, un projet de loi pour obliger le gouvernement à utiliser du bois dans ses propres édifices a été adopté à la majorité. Le projet de loi n'est pas encore en vigueur, il en est au stade de son étude au Sénat.
Croyez-vous que c'est le rôle du gouvernement d'obliger que le bois, surtout à un certain pourcentage, soit obligatoire, que ce soit dans ses propres immeubles ou dans des immeubles privés? Est-ce que ce n'est pas plutôt le rôle des associations comme vous, des producteurs, des ingénieurs pour démontrer qu'il a des qualités environnementales, économiques, et cetera, à utiliser le bois plutôt qu'un autre matériau?
[Traduction]
Mme Blenkhorn : C'est une question délicate. Ça revient à choisir entre sensibiliser ou légiférer. Vous avez employé le mot « obliger ». Je dirais plutôt « faciliter » l'utilisation du bois lorsqu'il répond de façon appropriée à un besoin en construction, au détriment d'un autre matériau de construction.
Dans notre pays, l'industrie forestière est le secteur qui contribue le plus à l'économie, son apport surpasse celui des mines, de l'énergie et de tous ces secteurs mis ensemble. Nous ne forçons pas les gens à conduire des automobiles, mais nous adoptons des lois qui facilitent leur utilisation, et nous venons en aide à cette industrie lorsqu'elle est en détresse.
Je suis aussi d'avis qu'il faut sensibiliser plutôt que légiférer mais, parfois, il faut préparer le terrain avant de sensibiliser. Il faut qu'il y ait un désir et un besoin d'apprendre. Lorsqu'une mesure illustre le soutien ou la promotion de l'industrie, comme dans le cas de la loi dont vous parlez, un climat favorable à la sensibilisation est créé et, au fil du temps, l'utilité de la loi est remplacée par une spécification.
[Français]
Le sénateur Rivard : Vous avez parlé tantôt d'exportation des produits de votre région vers les États-Unis et vers l'Europe. Le prix de base auquel ce produit est vendu, que ce soit aux États-Unis ou en Europe — nous allons faire abstraction des monnaies — est-il au même coût que le marché le permet? Par exemple, en Europe, le bois est plus cher; pouvez-vous vous permettre de le vendre plus cher ou si le prix à la sortie de l'usine est le même partout, que ce soit l'Europe ou l'Asie? Je comprends que l'Asie est un peu loin pour vous alors parlons de l'Europe.
[Traduction]
Mme Blenkhorn : Votre question est en deux parties. D'abord, le coût de production est variable. Nos coûts de production sont très élevés en raison du volume des terres privées dans le Canada atlantique et du prix du bois. Par conséquent, nous subissons les prix, nous n'en décidons pas. Il est question d'un produit de base. D'autres pays ailleurs dans le monde dépendent de la production du bois, comme je le mentionnais précédemment dans ma réponse au sénateur Mahovlich, sans compter d'autres encore qui connaissent une croissance au sein de l'Union européenne. Que ce soit en Europe ou aux États-Unis, les enjeux du marché et la demande dans ces pays en particulier déterminent le prix, et non le coût de production.
[Français]
Le sénateur Rivard : Monsieur le président, j'aurais une dernière question à poser. À quelques reprises au cours de la dernière année, nous avons reçu le président de l'Ordre des architectes du Québec qui se disait très favorable à l'utilisation du bois dans des constructions non résidentielles, mais qui déplorait le fait que ses collègues architectes et ingénieurs ne spécifiaient pas le bois dans les plans et devis.
On se demande s'ils le font par paresse ou par négligence. On a l'impression que c'est plutôt par manque de connaissances sur les bienfaits du bois. Que faut-il faire pour que les architectes ou les ingénieurs soient plus favorables à l'utilisation du bois, ou, du moins, qu'ils considèrent le bois sur un pied d'égalité?
Lorsqu'on prend connaissance des plans et devis, ce sont l'acier et le béton qui sont spécifiés, mais il est très rare qu'on spécifie le bois. Selon vous, qu'est-ce qui peut être fait pour que les architectes et ingénieurs spécifient davantage de bois?
[Traduction]
Mme Blenkhorn : Je vous remercie de poser cette question.
Le processus commence bien avant qu'ils ne deviennent des architectes et des ingénieurs. Les programmes d'enseignement de notre système scolaire devraient être axés sur la valeur des forêts et certains aspects que nous avons abordés. Plutôt que d'imposer une loi sur l'utilisation du bois, nous devrions songer à imposer du contenu de cours pour obliger les programmes d'ingénierie à aborder l'utilisation du bois. Il existe quelques universités canadiennes qui utilisent le bois comme outil d'enseignement.
Le sénateur Duffy : Madame Blenkhorn, je suis content de vous revoir. Je vais faire suite à la question du sénateur Rivard dans un instant, mais je tiens à souligner, pour le compte rendu, l'ampleur des accomplissements du Bureau du bois de sciage des Maritimes, une petite organisation basée à Amherst. Ce que vous avez fait pour le Canada atlantique dans le cadre des négociations avec les États-Unis est absolument remarquable pour une petite région qui se lançait dans ce milieu. Je me souviens d'avoir rencontré Tony, votre collègue, qui se trouvait à Washington dans le but de convaincre les « gros méchants » Américains que la région de l'Atlantique était différente et qu'elle méritait d'être traitée différemment, ce que vous avez réussi à faire.
À ce sujet, au fil des années, la Coalition for Fair Lumber Imports vous a-t-elle laissés tranquilles? Je fais référence à l'industrie américaine du bois d'œuvre qui s'est attaquée sans relâche à l'industrie canadienne. Votre entente tient-elle, ou subissez-vous des pressions des États-Unis malgré la légitimité évidente de votre cause?
Mme Blenkhorn : Sénateur Duffy, je vous remercie pour ces propos et cette question. La coalition américaine a la conviction profonde d'assurer ce qu'ils appellent des « pratiques commerciales équitables et axées sur le marché ». Beaucoup d'obligations envers le Canada atlantique sont entrées en vigueur, dont certaines que nous avons nous- mêmes suggérées. Par exemple, nos exportations ne peuvent jamais dépasser notre production, ce qui ferme la porte à tout contournement, et nous maintenons cette obligation. D'autres visent le maintien de nos pratiques forestières axées sur le marché et, étant donné le volume élevé de terres privées, c'est ce que nous avons fait.
Lorsque des mesures énergiques annoncées dans des provinces laissent croire qu'il y a un potentiel pour des subventions, ils réagissent et s'attendent à une réponse. Nous fournissons ces renseignements. Nous croyons qu'une approche ouverte et transparente est la meilleure façon de conserver la relation que nous avons établie. C'est en mettant cartes sur table et en nous en tenant aux faits que nous en sommes parvenus là.
Pour répondre brièvement, ils nous ont toujours un peu à l'œil. Ils réagissent bien aux données factuelles, et nous continuons à respecter le principe de fonder notre commerce du bois d'œuvre résineux sur un système axé sur le marché.
Le sénateur Duffy : Voilà qui est rassurant, tout comme le fait de savoir que vous vous chargez de ce dossier qui, visiblement, demande une vigilance constante.
Nous avons beaucoup entendu parler du débat entre sensibilisation et législation. D'autres témoins entendus ici, autant de l'industrie du béton que de l'acier, ont parlé des efforts déployés dans les universités et dans les séminaires scientifiques de formation continue pour veiller à ce qu'ingénieurs, architectes et autres connaissent les nouvelles avancées technologiques liées à leurs produits. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de lire tous leurs témoignages.
Nous avons reçu des membres du Conseil canadien du bois et, honnêtement, ils ne m'ont pas vraiment semblé dans le coup. Je comprends que l'industrie subit des pressions financières mais, selon moi, une vaste campagne de sensibilisation du public s'impose. Une telle campagne pourrait renseigner la population sur l'importance de l'industrie forestière au Canada, sur sa flexibilité et sur sa capacité d'innovation. Elle permettrait de montrer que les constructeurs peuvent utiliser le bois plutôt que de dépendre d'autres produits. Le Conseil canadien du bois est-il même en train d'envisager quelques-unes de ces solutions?
Prenons l'exemple de la télévision américaine le dimanche matin. Divers groupes industriels achètent du temps d'antenne publicitaire pendant les émissions d'actualités pour sensibiliser et influencer les législateurs. On ne voit pas ça ici. Je sais qu'il y a des pressions financières, mais il me semble que la sensibilisation du grand public devrait être au menu. On ne peut se contenter de s'en remettre au gouvernement pour qu'il adopte un règlement et s'attendre à ce que tous les problèmes disparaissent.
Mme Blenkhorn : Je suis, encore une fois, entièrement d'accord avec vous. Ce n'est pas à moi d'expliquer pourquoi le Conseil canadien du bois a fait ou n'a pas fait ceci ou cela. Sachez qu'il y a un plan d'action en place, dans lequel les lacunes ont été ciblées. Parmi celles-ci, il y a le manque de direction en raison d'un vide. Pour diverses raisons, dont certaines ont été nommées, ce conseil n'a pas eu de président au cours des dernières années.
Le plan d'action contient les mêmes éléments que ceux que j'ai mis de l'avant, et vous découvrirez sans doute un visage complètement différent du Conseil canadien du bois dans les années à venir. Ce ne sera plus seulement un souhait des représentants élus et des membres du gouvernement qui forment notre société démocratique, mais une exigence de l'industrie.
Le sénateur Mercer : J'aimerais passer au sujet de la santé des forêts. Vous avez parlé de recherches en cours. Pourriez-vous nous indiquer où ces recherches ont lieu, combien d'argent on y investit et d'où provient cet argent?
Mme Blenkhorn : Je n'ai pas de montant exact. Je crois qu'il s'agit d'environ 1,3 million de dollars. La responsabilité est partagée par la province de la Nouvelle-Écosse ainsi que, en particulier, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui relève d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et le Service canadien des forêts.
Il s'agit d'un programme de trois ans qui prend fin cette année. Collectivement, nous avons fait des efforts pour cibler d'autres besoins en matière de recherche. Il nous reste des étapes à franchir dans le processus, tant en ce qui a trait à la lutte biologique qu'à de nombreux autres aspects.
J'ignore si la durée du programme sera prolongée et, le cas échéant, si le prolongement se fera par une enveloppe de programme. De nouveau, une des choses qui compliquent le prolongement du programme et l'obtention d'une enveloppe provient de la loi elle-même, qui est rédigée en termes de capacité de l'Agence canadienne d'inspection des aliments à financer des éléments qualifiés d'« urgences ». Selon ces paramètres, il est difficile de se qualifier en passant d'une approche d'éradication en cas d'urgence à un plan de gestion pour ralentir la propagation.
Cet après-midi, j'ai une réunion avec le vice-président de l'ACIA. En tant que présidente des parties prenantes dans la région de l'Atlantique, j'essaie de réunir ces groupes. Nous faisons des progrès. Chaque fois que nous trouvons un moyen d'aller de l'avant, nous sommes confrontés à des restrictions. Le mandat de l'Agence canadienne d'inspection des aliments en est un de réglementation. Rien ne prouve qu'une activité humaine facilite la propagation des longicornes bruns de l'épinette. Nous avons trouvé un, deux ou trois longicornes dans des pièges, mais on ne peut stopper une industrie au complet lorsque c'est votre seul outil. Nous devons concevoir d'autres outils.
Le sénateur Mercer : Vous ne m'avez pas dit où les recherches avaient lieu.
Mme Blenkhorn : Le développement d'appâts et de phéromones est effectué au laboratoire de produits forestiers de Fredericton, ainsi que sur le terrain, en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Rivard a fait référence à un projet de loi à la Chambre des communes, le projet de loi C-429. Un membre du Bloc québécois propose que le gouvernement, par l'intermédiaire de TPSGC, favorise le concept de la promotion du bois et tienne compte des coûts et des émissions de gaz à effet de serre.
Quelle est l'opinion de votre organisation au sujet de ce projet de loi? S'il est adopté à la Chambre des communes et qu'il nous est soumis au Sénat, devrions-nous le voir d'un bon œil?
Mme Blenkhorn : Je préfère éviter de me prononcer au nom de mon organisation sans avoir d'abord consulté mon conseil. Je crois qu'un projet de loi lu hier propose un financement pour le Québec en particulier. Je pense qu'on y propose un montant de 2,8 millions de dollars pour le traitement du carbone et la promotion de telles démarches. Quand je vois ça, je me dis que nous avons besoin de fonds pour élaborer des programmes similaires dans le Canada atlantique.
Le sénateur Eaton : Dans le cadre des efforts de promotion, de réglementation ou de sensibilisation concernant un concept du « bois d'abord », avons-nous commencé à fabriquer les produits du bois à valeur ajoutée nécessaires à la construction de bâtiments à six étages?
Mme Blenkhorn : Oui. Un des changements de direction dans les Maritimes est que l'influence du Bureau ne doit plus se limiter aux produits primaires, mais plutôt s'étendre au secteur de la fabrication et à sa promotion. J'ai parlé de la fabuleuse technologie du bois courbé, qui permet d'ajouter de la valeur à la fabrication de produits de base grâce à la conception technique, plutôt que de simplement hausser les coûts de production.
Nous nous tournons vers l'avenir en prenant soin d'explorer toutes les possibilités.
Le sénateur Eaton : Nous avons entendu parler de produits comme les panneaux structurels contrecollés et le lamellé-collé. Nous avons reçu un entrepreneur du Québec qui se sert de l'extrémité de très petits arbres pour en faire des produits du bois à valeur ajoutée. Fait-on la même chose dans les Maritimes? Y a-t-il des gens qui fabriquent ces produits, ou doit-on les importer? Si je voulais construire un bâtiment à six étages à Fredericton demain, serait-ce possible de le faire?
Mme Blenkhorn : Vous ne le construiriez pas en LVL, parce que personne n'en fabrique au Canada. Si vous vouliez construire un bâtiment de six étages à Fredericton, vous pourriez le faire à l'aide de matériaux locaux et par des partenariats avec les industries de l'acier et du béton.
Le sénateur Eaton : Nous n'avons pas de produits du bois de haute technologie pour l'instant, n'est-ce pas?
Mme Blenkhorn : Pas le LVL ou ce genre de produits, non. Nous n'avons pas de bois d'œuvre lamellé dans le Canada atlantique pour l'instant.
Le sénateur Eaton : Êtes-vous en mesure de m'indiquer quand cela se produira?
Mme Blenkhorn : De nombreux projets d'optimisation ont été lancés dans le Canada atlantique, mais ils ne sont pas forcément achevés. Ils ajoutent de la valeur. Par contre, ils prendront peut-être la forme de granules de bois. Les biomasses produisent de l'énergie plus efficace, parce qu'elles récupèrent des résidus. Elles ne constituent pas nécessairement des transformations fonctionnelles ou des produits de pointe, comme le LVL, mais elles sont étudiées.
En ce moment, on se concentre sur la technologie. Je serais ravie de voir le Canada atlantique devenir un lieu d'assemblage capable d'approvisionner n'importe quel endroit au Canada en composants pour les toits en bois courbé. À mon avis, ce serait une occasion incroyable pour nous.
Le sénateur Eaton : Les forêts des Maritimes ont-elles des arbres qui leur sont propres? Y trouve-t-on des arbres qui ne poussent pas au Québec, au Manitoba ou en Colombie-Britannique? Les arbres sont-ils plus hauts et plus larges?
Mme Blenkhorn : Ils ne sont pas plus hauts ni plus larges.
Le sénateur Eaton : On n'y trouve pas de bois de feuillus, donc?
Mme Blenkhorn : Il y a du bois de feuillus et des peuplements de feuillus. Les forêts sont très diversifiées et comptent beaucoup d'arbres exploitables. Elles sont denses. C'est à cause de notre climat.
Si on étudie les espèces qui composent la couverture forestière du Canada atlantique, on constate qu'une partie de ces espèces sont des conifères, comme l'épinette, le pin et le sapin, qui poussent aussi ailleurs. On trouve aussi des peuplements de feuillus, de cèdre et de pin blanc.
Au Canada, on l'appelle la région forestière acadienne. Il y a plusieurs différences. Cependant, commercialiser nos produits et cibler un créneau en fonction des espèces que nous exploitons n'est pas une option.
Le sénateur Eaton : Déploie-t-on des efforts pour accroître le nombre de feuillus? Cette démarche serait-elle jugée non concurrentielle par rapport au climat plus chaud des États-Unis et aux arbres qui poussent au Brésil?
Mme Blenkhorn : Ça ne fait pas partie de mon domaine de compétence. Je suis davantage dans les résineux. Il y a une demande pour du bois de feuillus de meilleure qualité qui pourrait être utilisé pour la fabrication de produits ou à d'autres fins, et non seulement comme bois de chauffage.
Le sénateur Robichaud : Je suis préoccupé par la santé des forêts. Il y a quelques semaines, j'ai abattu des arbres. Ils tenaient debout, mais ils étaient morts à cause des scolytes. Nous appelons ça des violons ou des mélèzes, et d'autres parlent du dendroctone rouge de l'épinette. Je ne sais pas si vous connaissez cette espèce. Elle se propage. Il y a tout de même beaucoup d'arbres morts dans la région. Y a-t-il un risque de croisement entre le scolyte indigène et le scolyte étranger, ce qui multiplierait les ravages?
Mme Blenkhorn : On me dit que oui. C'est pourquoi je vante les mérites des efforts de recherche autres que pour répondre à des urgences. Nous ne savons pas s'il peut y avoir un croisement ou si nous nous retrouverons devant une souche virulente. Un de nos arguments en tant que parties intéressées est que nous savons que nous avons des problèmes liés à la santé des arbres à cause d'espèces indigènes, comme le dendroctone de l'épinette. Si les mesures que nous adoptons pour soigner les arbres attaqués par des espèces indigènes permettent simultanément de soigner les arbres attaqués par des espèces autochtones, ne sommes-nous pas gagnants? Le résultat n'est-il pas un meilleur état de santé pour les forêts au Canada?
Le sénateur Plett : J'aimerais faire suite aux propos du sénateur Rivard. Autour de cette table, nous convenons tous qu'il y a un problème à régler. La seule différence de point de vue, selon moi, concerne la façon d'y parvenir.
Vous avez laissé entendre que le gouvernement venait en aide à d'autres industries. Vous avez tout à fait raison. Nous formons le Comite sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, et nous appuyons la composante « agriculture » depuis plusieurs années. Vous avez donc tout mon soutien.
Pendant votre exposé, lorsque vous présentiez une de vos diapositives, celle sur les hôpitaux je crois, vous avez mentionné les propriétés thérapeutiques du bois. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
Mme Blenkhorn : Marianne Bérubé, responsable du programme Branché sur le BOIS dans le Nord de l'Ontario, pourrait vous en dire davantage.
Des projets de recherche et certaines données non scientifiques montrent que, en raison de la valeur esthétique et des propriétés réconfortantes du bois, les patients hospitalisés dans un endroit fait de ce matériau guérissent mieux et se sentent plus à leur aise que dans des milieux aseptisés faits de murs de béton. Par conséquent, quelques hôpitaux en Ontario ont utilisé davantage de bois précisément pour cette raison. Je peux vous faire parvenir ces renseignements. Je ne les ai pas avec moi ici, mais à mon bureau.
Le sénateur Plett : Merci. Ce serait bien de nous faire parvenir ces renseignements. Vous avez mentionné la valeur esthétique du bois. De jolis tableaux peints sur un mur d'acier n'auraient-ils pas le même effet?
Mme Blenkhorn : Je ne crois pas qu'on trouverait ça aussi réconfortant.
Le sénateur Plett : Soit. Vous avez aussi parlé de scieries. Je ne suis pas certain en quelle année c'était.
Mme Blenkhorn : C'était en 2006.
Le sénateur Plett : Elles sont si nombreuses à avoir disparu. Dans votre exposé, vous avez également dit que la production avait ralenti. Y a-t-il une corrélation directe entre la fermeture de scieries et le ralentissement de la production? Lorsque nous étions au Nouveau-Brunswick, nous avons visité une des scieries d'Irving, et j'ai vu la quantité de bois traitée par la scierie pendant le peu de temps que nous avons été là. J'imagine que, tout comme l'industrie agricole ou d'autres industries, l'industrie forestière est devenue plus efficace. Nous les avons regardés couper et écorcer des arbres à l'aide de grosses machines. Visiblement, l'accroissement de l'efficacité à elle seule pourrait expliquer la réduction du nombre de scieries. Existe-t-il une corrélation directe entre la diminution de la production et la fermeture de scieries?
Mme Blenkhorn : Oui, mais la corrélation ne se limite pas à la fermeture de scieries. Les scieries ne ferment pas nécessairement parce que les grosses scieries sont plus efficaces. En règle générale, ce sont les petites scieries qui alimentent le commerce agricole. C'est leur créneau, et elles ont desservi le marché local davantage que le marché de l'exportation. Même les grandes scieries ont réduit leur volume. C'est là qu'il y a corrélation.
Si vous exploitez une installation d'Irving à haut volume de production qui permet de produire plus de bois avec un même arbre, vous fonctionnez probablement à un quart de travail et, lorsque le marché est fort, à deux quarts. Vous arrivez quand même à produire le volume nécessaire grâce à vos employés et votre technologie. La réduction d'un régime n'est pas synonyme de ralentissement. Ça signifie réduire la production en diminuant le nombre de quarts, ce qui a une corrélation directe avec la perte d'emplois.
Le sénateur Plett : Vous avez mentionné l'ampleur de la diminution qui a eu lieu au cours d'une même période.
Mme Blenkhorn : C'était de l'ordre de 70 p. 100.
Le sénateur Plett : Merci.
Mme Blenkhorn : La perte d'emplois directs a été équivalente. Selon nos données, il serait question d'environ 1 800 emplois directs, et d'au moins 6 000 emplois indirects. Par conséquent, les entrepreneurs ne vont pas dans les forêts. Les camionneurs n'ont pas de matériaux à transporter si on ne leur apporte pas d'arbres. À cela s'ajoutent les emplois directs des travailleurs des scieries. Les répercussions sur l'emploi ont été immenses.
Le sénateur Plett : D'un point de vue tout à fait personnel, et rien ne me permet de croire que vous connaissez le chiffre exact, mais à quel point le Manitoba a-t-il été touché?
Mme Blenkhorn : Je n'ai pas le chiffre exact, mais je sais que vos ralentissements de production se comparent à ceux du Canada atlantique, parce que plusieurs des secteurs du Manitoba avec lesquels j'ai travaillé au cours de cette période utilisaient des processus d'exploitation similaires.
Le sénateur Ogilvie : Cette discussion a été captivante. Comme vous le savez tous très bien après avoir suivi les procédures, nous étudions l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada. Beaucoup de facteurs entrent en compte, mais j'aimerais en souligner un pour que ce soit clair. Vous avez répondu adéquatement à la question du sénateur Eaton, mais je veux que ce soit clair. La question de la surveillance des espèces envahissantes ne se limite certainement pas à la surveillance du bois d'œuvre non traité. C'est plutôt, comme vous l'avez relevé avec justesse, intrinsèquement lié au matériel d'emballage qui entre au pays. Ça fait partie de l'enjeu plus vaste des espèces envahissantes qui entrent au pays.
Mme Blenkhorn : C'est exact.
Le sénateur Ogilvie : J'aimerais qu'on aborde la question de l'industrie forestière en soi. Pour être franc, j'ai toujours eu la forte impression que, au cours de notre histoire, nous avons surtout été des chasseurs-cueilleurs sédentaires. Nous pouvons facilement repérer une forêt. On s'y rend avec nos scies, on abat les arbres, on les sort de la forêt, on en fait du bois d'œuvre dans les scieries, et on les expédie un peu partout.
De nombreux pays de l'industrie forestière mondiale, qui ont eu à traverser de telles épreuves bien avant nous, se penchent sur ce que l'industrie désigne généralement comme les espèces d'élite. Dans le Canada atlantique, on s'est efforcé de trouver les plus grandes épinettes dans la forêt pour en recueillir les cônes et faire le tri dans tout ça.
La Scandinavie, dont la superficie est relativement petite, se montre très concurrentielle par rapport à nous sur les marchés mondiaux. On y étudie les espèces d'élite en s'appuyant sur les progrès scientifiques. Ironiquement, la plupart des recherches scientifiques utilisées pour leurs nouvelles espèces d'élite proviennent du laboratoire de biotechnologie du CNRC en Saskatchewan. Les chercheurs canadiens ne sont pas parvenus à susciter l'intérêt des sociétés de production forestière du Canada pour cette technologie.
Je m'explique mal pourquoi certaines des entreprises les plus grandes et les plus performantes de ce pays n'ont pas investi davantage dans la voie des espèces d'élite. Il n'est pas seulement question de celles dont les fibres conviennent mieux à certains marchés, mais aussi des espèces susceptibles de résister à certains prédateurs naturels, et ainsi de suite, en plus de l'étude de l'utilisation de nouvelles compositions de bois qui répondent aux normes de production de meubles haut de gamme, grâce à des idées comme celles mentionnées par le sénateur Eaton.
En ce qui a trait à nos recommandations, n'est-il pas raisonnable que ces très vastes exploitations forestières deviennent d'importants partenaires au Canada en vue des investissements dans la recherche nécessaire pour aller de l'avant? Je ne parle pas des petites scieries, mais des très grandes exploitations forestières qui dominent la majorité de notre secteur.
Mme Blenkhorn : J'apprécie vos commentaires. D'abord, je ne suis pas une spécialiste, mais j'en connais un peu sur les espèces d'élite. Un certain nombre de choses me viennent à l'esprit.
L'industrie forestière doit-elle investir? Elle le fait. L'industrie forestière est sans doute l'une des industries les plus réglementées au Canada. Notre réglementation relève des ministères de l'Environnement, des Pêches et des Océans ainsi que de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Notre secteur forestier et la capacité à fonctionner selon certains paramètres sont probablement les secteurs les plus ridiculisés au Canada. Biodiversité ou monoculture, espèces d'élite ou régénération naturelle, et ainsi de suite. Selon moi, l'industrie forestière a fait tous les investissements nécessaires en cours de route pour être à la fois productive et reconnue par le public.
Sénateur Ogilvie, je sais que vous venez de la Nouvelle-Écosse et que vous savez que, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le Québec ont commencé à planter des épinettes de Norvège, une espèce d'élite de l'Europe. Ils l'ont fait parce que les fibres de cet arbre sont très longues, ce qui en faisait une espèce privilégiée pour la production de pâtes et papiers. Mais, puisque cette espèce est arrivée à maturité sans pénétrer le marché des pâtes et papiers, l'industrie forestière doit investir dans l'obtention des valeurs de calcul adéquates pour arriver à utiliser l'espèce dans l'industrie de la construction au Canada.
Chaque espèce offre ses propres propriétés structurelles, qui sont précisées dans les diverses règles de classification. Les démarches faites pour obtenir l'acceptation des propriétés structurelles dans les différents codes du bâtiment chez nous et ailleurs — et faire en sorte que l'industrie dans la province qui dispose des espèces puisse en bénéficier — sont le plus souvent financées par l'industrie.
Le président : Merci. En terminant, j'aimerais, avec votre permission, mesdames et messieurs les sénateurs, prendre la parole. Madame Blenkhorn, vous avez fait quelques déclarations sur la collaboration des industries de l'acier, du béton et du bois, avec l'objectif de trouver de nouveaux produits hybrides. En vous appuyant sur votre expérience, souhaitez-vous ajouter quelque chose? Lorsque l'on parle de collaboration, comment ce comité peut-il travailler avec les industries de l'acier, du béton et du bois en vue d'améliorer les choses?
Mme Blenkhorn : Plutôt que de devenir protectionnistes et de maintenir les parts actuelles de marché, nous devons étudier les possibilités d'accroître notre capacité de pénétration grâce aux partenariats. Je n'ai pas toutes les réponses, sénateur Mockler. J'aimerais avoir plus de temps pour y réfléchir afin d'élaborer un plan d'action.
Je sais que si nous respectons nos positions respectives et que nous incitons les industries à comprendre les philosophies de construction complémentaires, nous pouvons tous y gagner, plutôt que d'avoir deux programmes promotionnels différents. Ainsi, de nouvelles possibilités, avantageuses pour nous tous, devraient se concrétiser. Généralement, les structures en bois reposent sur une fondation en béton.
Le président : Vous avez fait référence à la recherche et au développement. Fait-on suffisamment de recherche et de développement au Canada, ou doit-on améliorer ces aspects dans le domaine des bois de feuillus de l'industrie?
Mme Blenkhorn : Sans vouloir faire de jeu de mots, je pense que, en ce qui a trait au bois de feuillus, nous aurions intérêt à faire flèche de tout bois. C'est une espèce sous-exploitée. La plupart des matériaux en grande quantité et de haute qualité sont importés des États-Unis. Dans le Canada atlantique, où nous avons du bois de feuillus en lamelles, notre bois de feuillus est, en règle générale, généralement destiné à la production de bois de chauffage. C'est une espèce sous-exploitée pour laquelle il faut trouver de nouvelles utilités.
Le président : Lorsque les honorables sénateurs se trouvaient au Nouveau-Brunswick, ils ont planté des arbres. Incontestablement, votre exposé ce matin a été très enrichissant, en plus d'expliciter le mandat de notre comité. Incontestablement, grâce à votre expérience, vous avez vu ce que nous appelons les « R » de la foresterie : la revitalisation, le renouvellement de notre engagement ainsi que la réinvention des marchés émergents de demain et leur soutien.
Au nom du comité, je vous remercie beaucoup d'avoir témoigné aujourd'hui.
(La séance est levée.)