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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 5 - Témoignages du 11 mai 2010


OTTAWA, le mardi 11 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 18 h 5 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et le président de ce comité. Avant de demander aux sénateurs de se présenter, j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'aujourd'hui, le 11 mai, c'est dans la province du Québec, la première « Journée du bois », une journée ayant pour but de faire la promotion de l'utilisation du bois dans la construction et dans d'autres secteurs.

Je demande maintenant aux honorables sénateurs de se présenter.

Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Sénateur Frank Mahovlich, Ontario.

Le sénateur Finley : Sénateur Doug Finley, de l'autoproclamée côte sud de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Sénateur Don Plett, Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Rivard : Sénateur Michel Rivard, Québec.

[Traduction]

Le président : Merci.

Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Nous vous souhaitons la bienvenue au Comité permanent de l'agriculture et des forêts, à savoir au volet « forêts » du comité.

Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui Christopher Rees, directeur pour l'Ontario de l'Association canadienne de la bioénergie et Mme Cara Clairman, vice-présidente, Développement durable, de l'Ontario Power Generation, représentant l'Association canadienne de l'électricité.

[Français]

Merci d'avoir accepté notre invitation.

[Traduction]

On m'a dit que le premier exposé serait celui de Mme Clairman, suivi par celui de M. Rees.

Madame Clairman, veuillez faire votre exposé.

Cara Clairman, vice-présidente, Développement durable, Ontario Power Generation, Association canadienne de l'électricité : Merci pour votre invitation. Je suis ici aujourd'hui au nom de l'Association canadienne de l'électricité, l'ACE. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous entretenir du potentiel de biomasse énorme qu'offrent les forêts du Canada tant au secteur de l'électricité qu'au secteur des forêts.

Tous les jours, les membres de l'ACE produisent, transportent et distribuent de l'énergie électrique à une clientèle industrielle, commerciale, résidentielle et institutionnelle à travers le pays. Nous comptons parmi nos membres des entreprises d'exploitation de centrales au charbon qui fournissent de l'électricité fiable et économique aux Canadiens.

D'après un rapport de Statistique Canada publié en 2007, plus de 55 millions de tonnes de charbon ont été brûlées pour produire environ 40 p. 100 de l'électricité thermique du Canada. Toutefois, nous savons très bien que brûler du charbon est l'une des plus importantes sources d'émissions de gaz à effet de serre au Canada.

Les membres de l'ACE se sont engagés à gérer les émissions de gaz à effet de serre. Nous estimons que c'est là que la biomasse pourrait jouer un rôle de premier plan si l'on adopte les bonnes politiques.

Le message clé que j'ai aujourd'hui concerne la biomasse. Si l'on utilisait la biomasse, récoltée de façon durable, pour remplacer une partie du charbon que nous utilisons pour la production d'électricité, cela pourrait être un gros avantage pour l'environnement et aussi pour le secteur forestier.

Je mettrai d'abord l'accent sur les avantages pour l'environnement, car c'est ma spécialité, et vous entretiendrai un peu des avantages venant de l'utilisation de la biomasse.

Vous savez peut-être que la biomasse est une source renouvelable d'électricité car elle vient du bois de la forêt. J'ai quelques échantillons de granulés de bois que je ferai circuler pour vous montrer ce dont il est question. Nous avons deux types de granulés de bois de sources canadiennes différentes.

Vous pourriez vous demander comment cela pourrait être bon pour l'environnement. Bien entendu, le bois est renouvelable, il peut être durable et peut réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il est renouvelable car, si les forêts sont bien gérées, le CO2 produit par sa combustion est égal à la quantité de CO2 absorbée lorsque les plantes repoussent. On part fondamentalement du principe que l'on peut transformer quelque chose en avantage « carbone » lorsqu'on brûle quelque chose qui peut repousser. Cela s'applique à la biomasse agricole ainsi qu'à la biomasse forestière.

Certaines considérations importantes sont liées à la façon dont la forêt est gérée pour s'assurer qu'elle est durable. Des comités des Nations Unies ont mis au point des définitions de la « biomasse » afin de décider quand elle peut être considérée comme durable et renouvelable. Je vous ai communiqué quelques renseignements à ce sujet, à titre d'information. Je ne passerai pas les définitions en revue, mais l'essentiel est que la forêt doit être gérée de façon durable pour que l'on puisse considérer qu'il s'agit d'un produit forestier durable.

Bien que je ne sois pas une experte en foresterie, je pense qu'au Canada, nos forêts sont bien gérées. C'est très important pour la santé de nos forêts et aussi pour la réputation des sociétés d'électricité — le type de biocombustible que nous achetions — que nous soyons persuadés que les forêts sont bien gérées et que nous menions des recherches, afin de mieux comprendre la santé de l'écosystème forestier et les changements dans la teneur en carbone du stock forestier, pour permettre à ce processus de valorisation de la biomasse d'aller de l'avant.

Une façon de procéder est la certification de la forêt par un tiers, comme celle du Forest Stewardship Council, le FSC, de la Sustainable Forestry Initiative, la SFI, ou de l'Association canadienne de normalisation (ACN), qui sont les systèmes actuels de certification par des tiers. Ce processus aiderait les sociétés d'électricité, les membres de l'ACE et le grand public à savoir que la biomasse provient de forêts bien gérées.

La technologie de cocuisson de la biomasse et du charbon, qui consiste à mélanger de la biomasse à du charbon, est couramment utilisée par les sociétés de services publics européennes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Même sans modifier en profondeur les centrales thermiques, il est possible de réaliser une cocuisson de la biomasse de l'ordre de 10 à 20 p. 100 dans une centrale au charbon traditionnelle. De faibles modifications sont nécessaires. En faisant quelques investissements, on pourrait obtenir des taux de cocuisson plus élevés et une centrale au charbon pourrait être convertie à 150 p. 100 à la biomasse, une possibilité qui est actuellement à l'étude à la Nova Scotia Power et à l'Ontario Power Generation (OPG).

Je ferai quelques brefs commentaires sur l'OPG. Au début de cette année, nous avons demandé des prix indicatifs pour la fourniture de 90 000 tonnes de granulés de bois par année à une de nos centrales de cocuisson — la centrale d'Atikokan — pour en faire la conversion du charbon à la biomasse. Des études techniques et logistiques sont en cours pour la conversion de la centrale d'Atikokan et de quelques autres centrales au charbon d'OPG. En partenariat avec le ministère ontarien de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales, OPG a établi un comité pour consulter les experts du secteur au sujet de la commercialisation de la biomasse agricole et de la biomasse forestière.

OPG continue d'examiner soigneusement la conversion de ses centrales à la biomasse afin de s'assurer qu'elle a toutes les données concernant les coûts et les limites éventuels de l'utilisation de la biomasse en remplacement du charbon. OPG ne procédera à la conversion de centrales et à des modifications finales concernant le combustible et les centrales que lorsque des accords d'achat d'électricité auront été conclus et que son conseil d'administration et les gouvernements provinciaux auront approuvé ce processus de conversion.

Je ferai quelques commentaires sur les avantages pour l'environnement. J'ai déjà signalé que c'est renouvelable et que cela peut être durable si la forêt est bien gérée, mais je voudrais faire des observations supplémentaires sur la réduction des gaz à effet de serre. Pour calculer comment la biomasse peut réduire les émissions de gaz à effet de serre, il est nécessaire de tenir compte du cycle de vie complet de ces émissions. Il faut pour ce faire examiner les émissions de GES produites par l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, afin de déterminer si c'est vraiment avantageux par rapport au charbon lorsque les émissions associées à la gestion des forêts, la production de granulés de bois et le transport sont pris en considération. L'Université de Toronto a publié dernièrement un document qui contient des informations intéressantes. Si cela vous intéresse, je peux vous fournir cette étude.

Elle compare le cycle de vie complet des gaz à effet de serre émis par deux centrales ontariennes alimentées au charbon à ce que ce serait avec l'alimentation au gaz naturel ou la cocuisson avec de la biomasse et avec la conversion à 100 p. 100 à la biomasse. Les résultats ont montré que l'utilisation de granulés de bois issus de forêts gérées de façon durable présente un avantage important sur le plan des gaz à effet de serre. Si l'on convertit une des centrales au charbon ontariennes à 100 p. 100 à la biomasse, elle produit plus de 90 p. 100 de moins d'émissions de GES qu'une centrale alimentée au charbon. De façon analogue, l'utilisation dans une proportion de 10 p. 100 de la technologie de la cocuisson réduirait malgré tout les gaz à effet de serre d'environ 9 p. 100. L'utilisation de granulés de bois présente un avantage important par rapport à l'alimentation au gaz. Un autre avantage, c'est que c'est réalisable de façon relativement rapide, comparativement à de nombreuses autres technologies dont la mise en place prend beaucoup plus de temps, principalement parce que l'infrastructure au charbon, en place dans de nombreuses provinces, peut être utilisée.

L'expérience hollandaise illustre la rapidité avec laquelle la cocuisson peut être intégrée au système et peut faire augmenter le contenu en énergie renouvelable. En dix ans seulement, les Pays-Bas ont porté de zéro à un quart la quantité d'énergie renouvelable entrant dans la production de l'électricité en utilisant la cocuisson dans leurs centrales au charbon.

J'ai mentionné les réductions importantes de GES que permet l'utilisation de la biomasse dans la cocuisson avec le charbon. J'ai également signalé que ce serait un avantage pour le secteur forestier. Nous croyons comprendre que, d'après certains rapports, 141 millions de mètres cubes ont été utilisés en 2008, à savoir la quantité la plus faible que le secteur forestier ait utilisée en près de 20 ans. Le remplacement de seulement 10 p. 100 du charbon brûlé au Canada par de la biomasse renouvelable ferait augmenter la récolte forestière d'environ 10 millions de mètres cubes. L'intégration de pratiques de gestion durable, notamment par l'utilisation de bois de faible valeur non commercialisable pour la fabrication de granulés de bois, pourrait produire de la biomasse renouvelable pour le secteur de l'électricité qui pourrait être un stimulant considérable pour le secteur forestier.

Il existe d'excellentes occasions que le secteur forestier canadien pourrait saisir pour jouer un rôle de premier plan dans le développement et l'adoption de la technologie. Par exemple, les granulés de bois noirs sont appelés « granulés torréfiés » et viennent d'une installation d'essai du Québec. Les granulés torréfiés sont plus durables et n'absorbent pas l'eau par rapport aux granulés traditionnels. Il est possible de les entreposer à l'extérieur et de les manier davantage comme du charbon, et ainsi réduire les coûts de cocuisson d'une centrale électrique. Plusieurs entreprises dans le monde tentent de produire des granulés de bois torréfiés à l'échelle commerciale. Celles qui réussiront pourraient être très bien positionnées lorsque les émissions de GES des centrales alimentées au charbon seront finalement réglementées. Nous prévoyons que certains règlements seront adoptés plus tard dans l'année.

En terminant, un mot au sujet des coûts. À moins d'avoir facilement accès à d'importantes quantités de déchets ligneux à bas prix, ce qui est rare, l'électricité produite à partir de la biomasse coûte plus cher que celle produite à partir du charbon ou du gaz. Comparativement à d'autres formes d'énergie renouvelable, cependant, la biomasse, particulièrement en cocuisson, peut être très concurrentielle. D'après un rapport produit en 2007 par le Royaume- Uni, la cocuisson de la biomasse s'est révélée être la forme de production d'énergie renouvelable la moins coûteuse, à l'exception uniquement des gaz d'enfouissement et des gaz d'égout. La biomasse comporte également une importante valeur ajoutée pour le marché de l'électricité car, contrairement à l'énergie solaire et à l'énergie éolienne, qui sont de nature intermittente, la biomasse peut être répartie. On peut en déclencher et en suspendre l'utilisation à volonté, ce qui présente un attrait pour le secteur de l'électricité.

En Europe, là où l'on utilise la biomasse, on le fait couramment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, pour encourager son utilisation, les décisionnaires ont recours à une des deux méthodes suivantes : ils subventionnent le prix de l'énergie par le biais d'un tarif de soutien ou d'un autre type de subvention, ou ils ont une norme d'énergie renouvelable dans les portefeuilles, indiquant le pourcentage d'éléments renouvelables qui doivent être utilisés. Les services d'utilité publique en Europe utilisent l'avantage de la biomasse du fait qu'ils ne doivent pas acheter d'allocations ou avoir recours à d'autres compensations pour se conformer au système d'échange de droits d'émission de l'Union européenne. Cette façon de procéder comporte de nombreux avantages pour les entreprises européennes.

Au Canada, la biomasse forestière offre des possibilités énormes comme moyen de gérer les émissions de GES du secteur de l'électricité tout en aidant le secteur forestier à se diversifier. Le partage des compétences entre le fédéral et les provinces ainsi que le manque de clarté en ce qui concerne une stratégie nationale sur les GES font que la politique actuelle présente une certaine ambiguïté. Nous estimons toutefois que si les forêts sont gérées de façon durable, il y a forte possibilité que ce soit un avantage pour l'environnement et pour le secteur forestier.

Je me ferai un plaisir de répondre à toute question.

Le président : Merci, madame Clairman. Nous demanderons à M. Rees de faire son exposé, puis les sénateurs pourront poser des questions.

Allez-y, monsieur Rees.

Christopher Rees, directeur pour l'Ontario, Association canadienne de la bioénergie : Merci, honorables sénateurs. Je dois reconnaître que j'ai dû faire mes devoirs avant de venir à cette séance. Le comité sénatorial m'était inconnu. Lorsque je me suis mis à lire certaines discussions et certains exposés de témoins précédents, je me suis toutefois dit que c'était un des secrets les mieux gardés au Canada. L'Association canadienne de la bioénergie consacre beaucoup de temps à l'organisation de conférences et, pourtant, j'ai pu constater, d'après les transcriptions des délibérations des séances précédentes, qu'il y avait eu là davantage de discussions qu'à certaines de nos conférences. Je pourrais peut-être faire un peu de publicité. Si certaines personnes suivent les délibérations sur la CPAC à un moment donné, elles pourraient peut-être inviter une dizaine de leurs amis à les suivre également, car c'est une excellente source d'information. Je tiens à féliciter les analystes pour le travail qui a été accompli par le comité jusqu'à présent.

L'Association canadienne de la bioénergie (CANBIO) est une association entièrement bénévole à travers le Canada. Nous sommes uniquement appuyés par l'entreprise privée. Nous avons des membres qui représentent différents gouvernements et d'autres associations, mais nous sommes un organisme entièrement privé.

Pour nous, la bioénergie inclut la production de chaleur à partir de la biomasse, la production d'électricité, comme l'a signalé Mme Clairman, et la production de biocarburants — par exemple l'éthanol et le biodiésel ainsi que d'autres bioproduits. Ça se fait dans des installations semblables à une raffinerie de pétrole, sauf qu'il s'agit d'une bioraffinerie. Dans un certain temps, on sera capable de produire tous les mêmes éléments que ceux qu'on obtient maintenant à partir du pétrole. À ce propos, si vous regardez autour de vous, vous constaterez que presque tous les tissus pour vêtements qu'on voit ici sont faits à partir d'un quelconque dérivé du pétrole. Des défilés de mode dans le cadre desquels on a présenté des produits provenant d'un bioproduit biodégradable ont déjà été organisés. C'est la promesse de ce à quoi nous voulons en arriver.

Je dois toutefois être franc avec vous. La promesse de la bioénergie au Canada a été jusqu'à présent plutôt illusoire. Ce fut davantage une promesse qu'une réalité. En fait, l'Association canadienne de la bioénergie organise ici une conférence du 15 au 17 juin, sur le thème de ce qui fait d'un projet bioénergétique une réussite. Croyez-le ou non, nous examinons toujours la possibilité de s'assurer que les projets puissent aller de l'avant avec succès. C'est le programme de la première journée. La deuxième journée sera consacrée à l'examen des politiques qu'il sera nécessaire d'instaurer.

Nous organisons constamment des conférences et des missions d'investissement. Pour le moment, nous emmenons une mission en Chine pour plusieurs projets bioénergétiques, dont un de Drayton Valley, en Alberta, pour lesquels nous sommes à la recherche d'investisseurs chinois. Nous avons organisé des conférences afin de montrer à des entrepreneurs du secteur privé au Canada ce qui se passe en Europe. Nous avons emmené dernièrement une mission en Italie et en France pour y montrer aux participants les projets qui existent là-bas. Nous les avons emmenés également dans le nord-est des États-Unis. Nous tentons de faire avancer les choses, dans les projets bioénergétiques.

J'aimerais faire des commentaires sur plusieurs sujets — cinq, en fait, sur lesquels nous avons décidé de mettre l'accent. En premier lieu, nous appuyons entièrement la recommandation de votre comité selon laquelle toute politique forestière se doit de rechercher un juste équilibre entre les rôles économiques, écologiques et sociaux de la forêt. Ça représente une tâche considérable; c'est difficile. C'est la raison pour laquelle nous nous efforçons constamment d'aller de l'avant.

Je sais que le nom de votre comité est « Comité de l'agriculture et des forêts », mais la bioénergie est une nouvelle industrie. Elle peut se développer à partir de l'agriculture et des forêts, et elle le fait, mais le fait de présumer simplement que la bioénergie vient s'ajouter aux forêts ou à l'agriculture ne correspond pas à la réalité. Il s'agit d'un nouveau secteur. Nous entendons toutefois constamment parler de la bioénergie comme faisant partie du secteur forestier ou du secteur agricole. Nous aimerions nous assurer que, dans le cadre de vos délibérations, vous compreniez que la bioénergie inclut à la fois les forêts et l'agriculture. Certains des exposés qui ont été faits devant votre comité ont souligné le fait que ça concerne seulement les forêts. L'agriculture joue en tout cas un rôle aussi important pour nous en ce qui concerne l'énergie renouvelable.

Au début de votre étude, vous avez entendu le témoignage de Bill Love, du Conseil canadien du bois. Il a mis l'accent sur le fait que les produits ligneux sont écologiques et que le bois est le meilleur produit sur le plan environnemental pour la construction. Certains sénateurs ont signalé que, même si c'était vrai, le public ne le croyait pas nécessairement. Je pense que vous avez indiqué qu'une grande partie du public n'aime pas l'idée de l'exploitation forestière. Le même problème se pose en ce qui concerne la bioénergie. Comme Mme Clairman l'a fait remarquer, il y a une disparité entre la réalité de l'avantage environnemental que représente l'utilisation de la biomasse pour la production de bioénergie et la perception qu'a le public du caractère nuisible de l'abattage d'arbres pour la construction et pour la production d'énergie renouvelable.

Nous aimerions que vous examiniez la question dans votre rapport et la nécessité de sensibiliser le public aux avantages écologiques des produits du bois et des produits agricoles pour la construction et pour la bioénergie. C'est un message difficile à faire passer. Dans les provinces des Maritimes, c'est actuellement un sujet épineux. De nombreux projets bioénergétiques sont en suspens à cause de cette perception, à savoir que le public ne veut plus d'exploitation forestière. C'est pour nous le principal enjeu.

L'intégration de la bioénergie aux industries existantes en est un autre. Notre premier choix est sans aucun doute d'appuyer l'industrie forestière et les compagnies forestières qui veulent se lancer dans la bioénergie. Le secteur agricole se comporte de la même façon. La prise en charge a été lente. On constate qu'au cours de l'année dernière, davantage de progrès ont été réalisés et qu'un plus grand nombre d'entreprises de produits forestiers se sont lancées dans la bioénergie. J'ai rencontré dernièrement les représentants de quelques entreprises qui ont maintenant créé une division de la bioénergie dans leur département des produits forestiers. Ce n'était pas le cas il y a un an et demi ou deux ans. On remarque un regain d'intérêt et l'Association des produits forestiers du Canada, l'APFC, a produit un rapport sur les bioraffineries. C'est ce que veut l'industrie forestière, à savoir être à l'étape des bioraffineries. Les compagnies forestières pensent que c'est l'aboutissement qui dynamiserait leur industrie et la transformerait probablement par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui.

À CANBIO, nous sommes sur la corde raide. Un grand nombre de nos membres sont des entreprises forestières et agricoles; nous appuyons par conséquent l'édification de l'assise industrielle, mais il est également nécessaire de laisser une marge de manœuvre pour de nouveaux arrivants sur le marché. C'est en fait le problème qui se pose actuellement. Plusieurs provinces canadiennes ont expérimenté un système de tenure pour les terres domaniales. Il y a plusieurs semaines, l'Ontario a annoncé un projet d'ouverture de ce système. C'est un sujet épineux. Les entreprises de produits forestiers ont l'habitude d'avoir accès aux terres domaniales pour une période prolongée et d'y faire de l'abattage. La plupart des provinces procèdent de manière fragmentée et demandent l'ouverture de 15 ou 20 p. 100 du marché. En définitive, il est toutefois nécessaire d'instaurer un système plus stable à l'échelle pancanadienne dont l'industrie établie pourra tirer parti tout en laissant de la place à de nouveaux arrivants sur le marché. C'est un sujet très épineux; je ne sais pas comment la question sera résolue. Le problème de l'accès à la fibre pour le secteur bioénergétique devra toutefois être réglé pour que ce secteur puisse prendre de l'essor au Canada, comme il l'a fait en Europe.

Un des enjeux les plus fondamentaux pour que nous puissions faire avancer toute la question de la bioénergie est peut-être lié à l'attribution d'une valeur au carbone. C'est peut-être une prise de position difficile à réaliser, car la réponse est toujours la suivante : « S'agirait-il d'une taxe sur le carbone? » Je ne sais pas très bien comment ça marchera, mais il faut attribuer une valeur au carbone. C'est la position officielle de l'Association canadienne de la bioénergie.

On peut jongler tant qu'on veut avec les marchés et avec les subventions. En définitive, la seule base solide pour aller de l'avant consisterait à attribuer une valeur au carbone. Je suis sûr que de nombreux esprits créatifs parmi les personnes ici présentes peuvent s'amuser à voir comment on pourrait appeler cela autrement qu'une taxe sur le carbone, car nous savons que ce n'est pas populaire.

Le sénateur Mercer : Ça ne marche pas.

M. Rees : Ça ne marche pas. Quoi qu'il en soit, je vous laisse le soin d'imaginer comment on pourrait contourner ce problème.

J'ai quelques plus brèves observations à faire. L'une concerne notamment la question des normes. Nous avons accès aux chaudières à biomasse de pointe en provenance de l'Europe pour le chauffage des écoles, des bureaux et des résidences, mais on ne peut pas les utiliser au Canada car elles doivent être certifiées conformes aux normes nord- américaines.

Des discussions sur le libre-échange sont actuellement en cours entre le Canada et l'Union européenne. Nous avons réclamé des normes reconnues de part et d'autre. Savez-vous quoi? Les normes européennes sont de toute façon beaucoup plus strictes que les nôtres et, par conséquent, pourquoi ne les accepterions-nous pas tout simplement? Nous sommes partisans de la promotion de la technologie canadienne, mais nous sommes également partisans d'utiliser les meilleures technologies disponibles à l'heure actuelle. On ne peut pas faire fonctionner le marché de la bioénergie tant qu'on n'aura pas examiné l'offre et la demande, comme vous l'avez fait avec raison de votre côté.

On a besoin de la technologie européenne et, pour la rendre accessible, nous avons signalé deux faits. Le premier, c'est que, pour le moment, le code des chaudières de l'ASME — l'American Society of Mechanical Engineers — est un obstacle important. Le deuxième, c'est que tout le monde pense que nous sommes au siècle dernier, époque à laquelle, lorsqu'on avait une chaudière à vapeur, il fallait l'examiner en tout temps, sinon elle risquait d'exploser. Ce n'est plus le cas. Au Canada, les règlements sont tous des règlements provinciaux et, par conséquent, je ne sais pas très bien comment vous pourriez régler la question. Les règlements exigent toutefois la présence d'un technicien accrédité 24 heures par jour, sept jours par semaine, pour surveiller la stupide chaudière.

En Europe, tout est informatisé. Personne n'est plus là pour surveiller la chaudière. On vient vérifier une ou deux heures par jour pour s'assurer que tout fonctionne bien, mais la technologie est performante. Tout ce que nous pensons, c'est que si l'on veut aller de l'avant dans le secteur de la bioénergie, il faut examiner les normes et les adapter aux réalités actuelles.

En ce qui concerne le dernier sujet, celui des incitatifs, j'hésite presque à en discuter, car chaque fois qu'on discute des incitatifs, il faut mettre un peu plus la pagaille sur le marché. Si l'on pouvait supprimer tous les incitatifs qui existent déjà pour les producteurs d'énergie, je ne pense pas qu'on en réclamerait pour la bioénergie. Dans la réalité cependant, tant qu'on n'aura pas attribué une valeur au carbone, il faudra prévoir des incitatifs pour les entreprises qui essaient de se lancer dans le secteur de l'énergie renouvelable et de la bioénergie. C'est une terrible situation, comme l'histoire de la poule et de l'œuf. En ma qualité d'économiste du secteur privé, je n'aime pas mentionner ici que nous avons besoin d'autres incitatifs. Je suis sûr que c'est le cas pour les représentants de tous les secteurs qui viennent témoigner.

En bref, à CANBIO, nous estimons que la bioénergie a un énorme potentiel mais qu'il est contrecarré par la politique, par l'absence de taxe sur le carbone et par le manque d'harmonisation des politiques, des codes et des règlements, à l'échelle pancanadienne.

C'était là l'exposé de CANBIO, honorables sénateurs.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Ma première question s'adresse à Mme Clairman.

[Traduction]

Vous signalez dans votre exposé qu'on peut réaliser des taux de cocuisson de 10 à 20 p. 100 de biomasse sans apporter de « modifications majeures » aux centrales électriques. Qu'est-ce qu'une modification majeure?

Mme Clairman : Il faut apporter certaines modifications au niveau de la manutention du combustible, des convoyeurs et de l'entreposage. Ces modifications sont essentielles. En ce qui concerne la chaudière comme telle, il y a très peu de modifications à y apporter. Les chaudières peuvent brûler des granulés de bois aussi bien que du charbon, surtout certains types de chaudières. Ce n'est pas une vérité universelle.

Dans nos centrales nordiques, à Atikokan par exemple, les chaudières sont conçues pour brûler du lignite, qui ressemble davantage au bois. C'est une conversion plus simple, tandis que si certaines chaudières sont conçues pour brûler différents types de charbon, certaines modifications sont nécessaires. Malgré tout, c'est relativement simple par rapport à la construction d'une nouvelle centrale, d'une centrale spéciale pour biomasse, par exemple.

Le sénateur Robichaud : Ce n'est que pour 10 à 20 p. 100. Des conversions majeures sont-elles nécessaires pour des taux plus élevés? Est-il nécessaire d'avoir recours à une nouvelle technologie qui n'existe qu'en Europe?

Mme Clairman : Non. Même pour 100 p. 100 de biomasse, notre centrale d'Atikokan ne nécessite que des modifications relativement mineures. Ça ne nécessite pas une modification de la chaudière, mais des modifications au niveau de la manutention et de la surveillance. Le risque d'incendie est différent à des températures différentes, mais on peut utiliser la même infrastructure.

Le sénateur Robichaud : D'où vient actuellement le charbon utilisé dans les centrales ontariennes?

Mme Clairman : Il vient de quelques endroits différents. Le charbon qui alimente notre centrale de Nanticoke vient principalement des États-Unis, à savoir de la Virginie occidentale. Ça représente la majeure partie du charbon utilisé à la centrale de Nanticoke qui brûle un type de charbon différent appelé PRB — Powder River Basin.

Le charbon dont on se sert aux centrales d'Atikokan et de Thunder Bay vient de Saskatchewan, si je ne me trompe — il vient peut-être de l'Alberta. Je sais qu'il est canadien.

M. Rees : J'ai un bref commentaire à faire. La règle empirique veut que plus une chaudière est grosse, plus elle est polyvalente quant au combustible utilisé. S'il s'agit d'une petite chaudière à granulés résidentielle, les granulés doivent être certifiés conformes à une norme spécifique pour que la teneur en cendres soit faible. Plus la chaudière que l'on choisit est grosse et plus on peut utiliser de matières différentes. On a plus de facilité à convertir les très grosses chaudières à des types de combustible différents. C'est le principal facteur. Certaines conversions sont beaucoup plus faciles à réaliser avec une grosse chaudière que lorsqu'il s'agit de projets de plus petite envergure.

Mme Clairman : Dans les centrales électriques, les chaudières sont généralement très grosses.

Le sénateur Finley : Je suis un sénateur invité à ce comité. J'en ai déjà fait partie à temps plein. J'ai trois questions à poser : je suis sûr que deux d'entre elles sont toutes simples et que l'autre est un peu plus globale.

La première est la suivante : comment torréfie-t-on les granulés? La deuxième, c'est : quel est le niveau de résidus avec les granulés de bois, en comparaison du charbon et d'autres systèmes de combustion? Quel est le volume de résidus et comment s'en débarrasse-t-on?

Mme Clairman : En ce qui concerne les granulés de bois torréfiés, ils sont chauffés et on en fait disparaître l'humidité en les grillant. C'est ainsi que je le comprends. Les granulés deviennent plus imperméables à l'eau.

Le sénateur Finley : Y a-t-il un traitement? Est-ce qu'on ajoute quelque chose aux granulés?

Mme Clairman : Je pense que c'est par la chaleur. Il y aurait un peu plus d'énergie et, par conséquent, l'avantage du point de vue des gaz à effet de serre serait un peu moins important, car ce processus nécessite une certaine quantité d'énergie. C'est ainsi que je le comprends.

Le sénateur Fairbairn : Est-ce à ce niveau-là que le charbon intervient à nouveau?

Mme Clairman : On n'a pas nécessairement besoin de charbon pour ce processus. Cela dépend de la source, de ce qu'on utilise pour chauffer la centrale. On utilise peut-être de l'électricité qui, bien entendu, vient de notre centrale.

Le sénateur Finley : Je viens du Sud-ouest de l'Ontario où se trouve, par exemple, la centrale électrique de Nanticoke. Dernièrement, lorsque la centrale de la Bruce Power était en panne, on envisageait la conversion d'une partie de celle de Nanticoke au nucléaire. On a construit les plus laides éoliennes que j'aie jamais vues dans certaines des plus belles régions du Sud de l'Ontario. Des milliers d'acres de terres agricoles sont converties pour l'installation de panneaux solaires. Plusieurs entreprises concurrentes nous parlent de la biomasse. Certaines personnes disent qu'elles utilisent des arbres, que nous avons en abondance. D'autres parlent de cultiver des graminées pour développer la biomasse. D'après d'autres encore, il faudrait brûler les déchets solides municipaux, qui abondent. Nous avons dans notre région à peu près toute la gamme des systèmes de production d'énergie possibles et imaginables.

La présente question fait référence à l'Ontario Power Generation. On m'a dit que l'un des principaux problèmes qu'ont quelques petites entreprises, c'est la difficulté d'accès au réseau. Les chances d'avoir accès au réseau seraient à peu près les mêmes que celles de gagner à une loterie. Dans quelle mesure est-ce exact? Pourrait-on envisager que Nanticoke devienne ou reste un important producteur d'énergie avec la biomasse et se débarrasse du charbon? La centrale de Nanticoke est le deuxième plus grand pollueur d'Amérique du Nord. Parlez-moi des créneaux; comment les obtenir et comment faire pour que le prix des créneaux reste uniforme?

Mme Clairman : Je ferai de mon mieux. En ce qui concerne la première question, c'est un problème de transport. L'Ontario Power Generation est la société de production et Hydro One est la société de transport d'énergie. La scission en deux entreprises a été faite en 1999. Il s'agit d'une entreprise distincte et je ne suis pas experte dans ce domaine. Je pense qu'on a de la difficulté à avoir accès au réseau parce que la plupart des projets éoliens et solaires sont dispersés et se trouvent à des endroits où il n'existe pas de lignes de transport d'électricité. Ce n'est là qu'un des gros problèmes qui se posent pour que le gouvernement passe ce type de contrats. Je ne peux pas répondre de façon plus précise, car ce n'est pas notre domaine.

Le sénateur Finley : Vous signalez qu'en ce qui concerne la biomasse, il faudrait que ce soit établi à proximité d'un des réseaux existants ou que ça se fasse sur le réseau.

Mme Clairman : C'est en tout cas plus simple lorsque l'infrastructure est en place. Cela peut se faire à un endroit distinct mais, dans ce cas, le même problème de raccord au réseau se pose. Un des avantages de la combustion de biomasse dans une centrale existante, c'est que les lignes d'acheminement de l'électricité vers le réseau sont déjà là.

Une certaine production sera nécessaire à Nanticoke, car cette centrale joue un rôle précis de soutien du réseau, étant donné la façon dont l'infrastructure actuelle est établie. Il est bien entendu que quelque chose est nécessaire à cette centrale, mais cela ne doit pas être aussi important ou aussi gros que maintenant. Notre proposition consiste à convertir en partie à la biomasse ou à la cocuisson avec du gaz ou d'alimenter au gaz uniquement. Nous pensons que la biomasse est une bonne option en raison de l'avantage qu'elle présente du point de vue de la réduction des gaz à effet de serre. On peut, bien entendu, utiliser des arbres ou des déchets agricoles. Nous n'envisageons pas la possibilité d'utiliser les déchets solides municipaux, car nos chaudières ne seraient pas capables d'accepter cela. Nous ne sommes pas derrière le projet nucléaire; c'est plutôt le projet de la Bruce Power pour la région.

Le sénateur Finley : Merci.

M. Rees : J'aimerais faire également quelques commentaires pour donner le point de vue de CANBIO. La question du raccord au réseau pose sans aucun doute un problème à de nombreux petits promoteurs. La plupart des promoteurs se sont rendu compte que, quelle que soit la province, ils doivent suivre le réseau jusqu'à un endroit où ils peuvent se raccorder. C'est précisément ce qu'on a fait en Alberta pour l'énergie éolienne.

Le sénateur Fairbairn : Cela représente-t-il une grande partie de la région?

M. Rees : Oui, c'est dans le sud. Par rapport à la biomasse, la production d'énergie éolienne et solaire ne nécessite pas de matière première. Lorsqu'on utilise de la biomasse, que ce soit sous la forme de granulés, de copeaux ou sous d'autres formes, il faut entreposer la matière première et l'acheminer. On ne peut pas utiliser de granulés à Nanticoke s'il ne s'agit pas de granulés torréfiés, car il faudrait des aires d'entreposage beaucoup trop vastes.

Prenez donc deux granulés différents et laissez-les tomber dans un verre d'eau. Vous verrez que celui qui est léger absorbera l'eau en une heure environ. Le granulé torréfié peut rester dans l'eau une semaine sans qu'on remarque la moindre différence. C'est le principal avantage du granulé torréfié.

Le problème en ce qui concerne la biomasse, c'est qu'on a de la matière première qui doit être entreposée et déplacée. Dans les localités, les gens n'aiment pas beaucoup voir trop de camions. Même dans le Nord de l'Ontario où je vis, certaines limites sont imposées sur le nombre de camions acceptés sur la route. En outre, les granulés font de la poussière. C'est donc plus compliqué qu'avec d'autres types d'énergie renouvelable comme l'énergie solaire et l'énergie éolienne.

Actuellement, on mise partout dans une certaine mesure sur la biomasse. En ce qui concerne la centrale de Nanticoke, il faudrait une telle quantité de biomasse qu'il serait nécessaire d'utiliser tout ce qui est disponible dans la région. Ce ne serait pas simplement une source ou une autre.

Le sénateur Mercer : Je souriais quand vous avez parlé de placer un granulé de bois dans un verre d'eau. On a fait une expérience semblable à une séance l'autre soir.

La poussière causée par les camions sur les routes et l'électricité coûteuse par opposition aux emplois dans les régions rurales du Canada, pas dans les villes de Toronto ou de Halifax, où l'on a grand besoin de possibilités de diversifier le revenu. Les habitants des régions rurales du Canada, depuis les agriculteurs jusqu'aux travailleurs du secteur forestier, sont ceux qui sont les plus entreprenants. Ce serait décourageant que nous rations le coche, étant donné que nous avons beaucoup d'arbres et de nombreux produits résiduels forestiers.

Madame Clairman, vous avez fait référence à la Nova Scotia Power dans vos commentaires. J'aimerais que vous donniez des précisions à ce sujet et j'aimerais que vous examiniez la figure concernant la centrale d'Atikokan. Vous avez mentionné les émissions de gaz à effet de serre et montré les différences entre l'utilisation du charbon seulement et l'utilisation à 100 p. 100 des granulés de bois. Les différences sont spectaculaires.

Mme Clairman : Les données tiennent compte de tous les camions nécessaires et du cycle complet de vie des émissions de GES.

Le sénateur Mercer : Il ne s'agit pas uniquement de la combustion, mais cela inclut le transport des granulés, et cetera.

Mme Clairman : C'est exact.

Le sénateur Mercer : Où est-ce sur cette échelle et quel est le projet?

Mme Clairman : En ce moment, le projet n'est pas encore existant. Cette figure représente les résultats d'une étude sur les émissions de GES faite à l'Université de Toronto et ce que seraient ces émissions pour les différentes sources. Nous avons fait plusieurs combustions d'essai, la plupart expérimentales et pilotes, mais la conversion comme telle de la centrale d'Atikokan n'a pas eu lieu. On attend toujours l'approbation du gouvernement provincial. Ce n'est pas encore chose faite.

Le sénateur Mercer : La province passe beaucoup de temps à discuter d'énergie nucléaire, ce qui prend des années et nécessite des investissements de plusieurs millions de dollars pour la construction de centrales. Je ne critique pas l'énergie nucléaire : j'y suis plutôt favorable. S'il suffit toutefois d'apporter quelques petites modifications aux chaudières de la centrale d'Atikokan, nous pourrions réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en faisant travailler certaines personnes quelque part dans le pays, que ce soit dans le nord de l'Ontario, au Québec, ou mieux encore, dans les Maritimes.

Mme Clairman : Dans le cadre de ce projet, il s'agirait de personnes de l'Ontario.

Le sénateur Mercer : N'avez-vous pas fait référence à la Nova Scotia Power?

Mme Clairman : Oui. Je ne suis pas une experte et je ne représente pas la Nova Scotia Power, mais je pense qu'elle envisage la cocuisson dans une certaine mesure et qu'elle fait des études pour ses centrales au charbon. Elle a plusieurs centrales au charbon qui prennent de l'âge. Elle envisage des tests à 100 p. 100 également. Elle n'a pas encore décidé de l'orientation à prendre, mais elle fait certains tests et de la recherche. Elle n'a pas de projet comme tel en chantier, à ma connaissance.

Le sénateur Mercer : Le charbon utilisé par la Nova Scotia Power n'est plus du tout du charbon canadien, bien que la Nouvelle-Écosse soit connue comme étant une province productrice de charbon. Ce n'est plus le cas. Nous importons notre charbon du Venezuela et d'autres régions d'Amérique du Sud.

Monsieur Rees, vous avez fait remarquer que la bioénergie était un nouveau secteur. J'aime ce concept. Vous avez ensuite essayé de le distancer des secteurs forestier et agricole alors que je le considère comme — et je ne veux pas parler au nom de mes collègues — faisant partie intégrante de ce qui se passera au Canada rural. Il y a les agriculteurs et d'autres personnes, qui travaillent dans le secteur forestier, et il faut trouver une possibilité de les intégrer à ce nouveau secteur dont vous parlez, celui de la bioénergie. Vous avez de toute évidence mentionné certaines initiatives. Fait-on cependant des efforts pour collaborer avec les diverses associations agricoles? Vous avez fait des commentaires au sujet des travailleurs du secteur forestier. Et les diverses associations agricoles? Avez-vous essayé de les intégrer à votre processus?

M. Rees : Oui. En fait, CANBIO a des membres qui viennent du secteur des produits forestiers et du secteur agricole. Pour le moment, le secteur agricole est très actif en ce qui concerne les biocarburants, qu'il s'agisse de terres de culture ou de parcs d'engraissement. En tout cas, on développe beaucoup le secteur des biocarburants en Alberta. C'est en agriculture que cela se joue d'une façon générale.

L'agriculture peut également produire des granulés. Cependant, jusqu'à présent, les granulés faits à base de produits agricoles ont une beaucoup plus forte teneur en cendres et, par conséquent, ils se consument moins bien. Lorsqu'il s'agit de production d'électricité, les grosses chaudières peuvent en tout cas tolérer un granulé agricole.

J'avais signalé que le secteur de la bioénergie est un secteur en soi. Une grande partie peut venir du secteur agricole et du secteur forestier. Pour citer un exemple, nous avons implanté une grosse entreprise chimique canadienne dans le Nord de l'Ontario. Elle voulait y développer le commerce bioénergétique. Un des principaux problèmes qui se sont posés à cette entreprise, c'est que si elle voulait être active dans le secteur de la bioénergie et avoir accès aux ressources forestières, il lui faudrait gérer ces ressources exactement de la même façon que les compagnies forestières. Elle a répondu que ce n'était pas sa branche, qu'elle voulait produire de la bioénergie et non faire de l'exploitation forestière. Elle ne voulait pas faire de l'abattage. Par conséquent, les personnes qui veulent le faire peuvent apporter la matière première chez nous pour que nous puissions produire de l'énergie et de l'électricité. C'est notre branche.

Le sénateur Mercer : Quand on fait uniquement de l'abattage, ça ne marche pas si on ne gère pas convenablement les forêts. Il faut les régénérer.

M. Rees : On ne peut pas se fonder sur le principe qu'une entreprise de bioénergie doive procéder exactement comme une entreprise forestière. Je reconnais qu'une intégration verticale s'imposerait. Il est nécessaire de s'appuyer sur la base actuelle, mais aussi de laisser de la place pour permettre à de nouveaux intervenants d'ajouter de la valeur supplémentaire à cette base. L'hypothèse selon laquelle le secteur de la bioénergie n'est que forestier et agricole nous entraîne dans la mauvaise direction. Ça représente 75 p. 100 mais pas 100 p. 100 des activités de ce secteur.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'aimerais commencer par un commentaire. Vous avez dit que ce comité est peut-être le secret le mieux gardé au Canada. Je peux vous dire que c'est grâce à des invités comme vous, qui venez nous renseigner sur les bienfaits, par exemple, de la biomasse. La semaine dernière, nous avons eu le plaisir de recevoir, entre autres, M. John Arsenault, du lac Mégantic, au Québec, qui nous a bien démontré l'importance de l'industrie des granules de bois et le marché en devenir. Nous avons eu le plaisir de recevoir M. Guy Chevrette, un ancien ministre responsable des forêts, au Québec, qui est maintenant président et directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Ces gens, tout comme vous, nous ont sensibilisés au fait qu'il semble y avoir une méconnaissance du public en général sur les bienfaits, tant de la forêt que de la biomasse. De notre côté, chacun doit faire son travail pour que les gens acceptent ces produits.

Je fais un peu un parallèle avec les sables bitumineux de l'Alberta où certaines personnes, à cause d'une possible méconnaissance, parlent de « dirty oil ». Sans dire que les sables bitumineux sont bénéfiques pour l'environnement, les dommages qu'ils causent peuvent être contrôlés. C'est une industrie qui rapporte des milliards de dollars en retombées économiques, alors peut-être qu'un jour, avec la biomasse, nous aurons les mêmes résultats. C'était mon commentaire. J'arrive maintenant à ma question.

Il semblerait qu'il y a environ 50 p. 100 des entreprises émergentes en bioéconomie qui ont de grandes difficultés à trouver du capital de risque, même s'il existe deux fonds, le premier étant Technologie du développement durable Canada et le deuxième, le Fonds de biocarburants ProGen. Qu'auriez-vous à suggérer pour que ces entreprises émergentes puissent avoir accès plus facilement à du capital de risque?

[Traduction]

M. Rees : C'est sans aucun doute une question intéressante et importante. La raison fondamentale pour laquelle les banques hésitent à appuyer de nouvelles entreprises dans le secteur de la biomasse est que ces entreprises ne peuvent pas prouver qu'elles ont un contrat à long terme pour l'approvisionnement en matières premières. Un contrat à long terme est fondamentalement un contrat d'une durée minimale de 12 ans, mais 20 ans est préférable.

En Colombie-Britannique, on a essayé d'ouvrir quelque peu le marché aux terres forestières traditionnelles en offrant aux entreprises du secteur de la bioénergie la possibilité d'obtenir une partie de ces contrats à long terme. Ça n'a pas donné de très bons résultats. Le principal contretemps pour le moment, c'est que, pour pouvoir être financé, il faudrait être en mesure de démontrer qu'on a un marché pour son produit. À supposer qu'il s'agisse de granulés, il faut démontrer qu'on a un marché pour ces granulés. La meilleure possibilité de le démontrer, c'est d'avoir un contrat à long terme pour la vente en Europe. Il faut démontrer qu'on a toute la matière première nécessaire pour fabriquer son produit.

C'est en fait une situation sans issue pour les nouveaux arrivants de petite taille. S'ils n'arrivent pas à obtenir du financement bancaire normal, où obtiendront-ils le financement? Qui prendra le risque? Ça peut représenter un risque considérable.

La recommandation que vous avez faite dans votre rapport intérimaire à propos de ce que vous appelez « Financement forestier Canada » est une idée à creuser. Il s'agit sans aucun doute d'un secteur à risque élevé. La bioénergie est un secteur à risque élevé pour les arrivants de petite taille, qu'il s'agisse de la production d'énergie ou de chaleur.

En Ontario, on a instauré le Programme de tarifs de rachat garantis ou Programme FIT. Cependant, parmi tous les projets qui ont été approuvés jusqu'à présent pour la production d'électricité dans le cadre de ce programme, il n'y en a aucun concernant la bioénergie, à part en ce qui concerne la production de méthane. Parmi les projets qui ont été annoncés dans la première série d'environ 120 ou 130 projets, il n'y en a toutefois que deux concernant le méthane. Actuellement, tout le mécanisme de lancement d'un projet est difficile à financer, car on a du mal à améliorer son marché et à garantir qu'on a accès à la matière première nécessaire.

Un programme semblable à un programme de financement forestier, avec un coup de pouce des gouvernements pour créer ces marchés, serait une possibilité pour les gouvernements provinciaux de faire plus pour mettre en évidence les avantages de l'utilisation de la bioénergie, que ce soit pour le chauffage ou l'électricité, dans leur province. Ce n'est pas le cas à l'échelle du pays — je sais que le Québec a déjà fait beaucoup de travail dans ce domaine — et c'est la raison pour laquelle j'ai dit dans la préface de mon exposé que, jusqu'à présent, dans le domaine de la bioénergie, c'est davantage une promesse qu'une réalité.

[Français]

Le sénateur Rivard : Au-delà des entreprises de capital de risque ou des banques, croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait s'impliquer financièrement dans des projets-pilotes pour démontrer à des clients potentiels les bienfaits sur l'économie, sur l'économie environnementale sur le CO2, et cetera?

[Traduction]

M. Rees : Je pense que les projets pilotes sont utiles, en particulier s'il s'agit de projets pilotes qui peuvent être développés avec le secteur privé. Par conséquent, dans le dernier paragraphe de mon exposé, j'ai fait plusieurs recommandations. La première est d'offrir des crédits d'impôt à l'investissement en immobilisations de 30 p. 100 pour encourager l'investissement et attirer des capitaux.

Nous avons examiné cette question à plusieurs reprises et 30 p. 100 est le chiffre magique. Si l'on offre 20 p. 100, ce n'est pas assez. Si l'on veut nous offrir 40 ou 50 p. 100, nous l'accepterons, mais 30 p. 100 est en fait le niveau de crédits dont nous avons besoin. Un type quelconque de fonds renouvelable sera nécessaire, mais ce pourrait être « Financement forestier Canada ». Il faudrait étendre les primes d'immobilisations pour les investissements dans les biocarburants à plus d'une usine de production.

La tradition au Canada est de réaliser et financer une seule fois des projets pilotes qui font la démonstration d'une nouvelle technologie. Si l'entreprise obtient des fonds pour cette démonstration, elle ne peut plus en recevoir d'autres. En ce qui concerne les biocarburants, à l'heure actuelle, il faut faire deux, trois ou quatre projets de démonstration avant de pouvoir passer à la réalisation, car il y a différents niveaux et différents types de matières premières.

Le gouvernement fédéral pourrait faire beaucoup plus en matière d'incitatifs au développement de l'industrie de la bioénergie. Ce qui est le plus important, c'est que soient en place des politiques qui seront là à long terme. Les programmes écoÉNERGIE étaient de bons programmes, mais ce n'est pas efficace s'il ne sont en place que pour quatre ou cinq ans, puis retirés. Il est préférable d'élaborer des programmes moins ambitieux mais de les laisser en place pour une plus longue période.

Je comprends que le gouvernement n'ait pas des ressources inépuisables et ne puisse pas soutenir continuellement des programmes. Il serait toutefois nettement préférable de laisser des programmes en place pour une plus longue période, comme en Europe, plutôt que d'instaurer des programmes ponctuels selon le goût du jour au gouvernement.

Le sénateur Plett : J'aimerais poser deux questions, et l'une est peut-être davantage une objection qu'une question. L'automne dernier, quelqu'un a mentionné que les déchets issus de la construction représentaient environ 30 à 40 p. 100 des déchets municipaux. De ce pourcentage, environ 80 p. 100 sont des rebuts de bois.

Quel pourcentage de ces rebuts de bois pourrait-on utiliser pour fabriquer des granulés de bois? De quoi sont faits les granulés de bois? En quoi consistent-ils principalement? Est-ce qu'on pourrait utiliser les rebuts de bois à cette fin?

M. Rees : Oui, on peut utiliser des rebuts de bois s'il s'agit de rebuts propres. Si on les a laissé traîner dans des flaques d'huile ou s'ils contiennent des corps étrangers, il faut être plus prudents. On peut toutefois utiliser des rebuts de bois.

On peut utiliser de nombreuses sources différentes de bois pour produire des granulés. On peut instaurer des normes. L'Europe a établi une norme et les États-Unis aussi, pour la production de granulés. Le Canada n'a pas de norme pour la production de granulés. Lorsqu'on en aura instauré une, le marché et les producteurs réfléchiront aux possibilités de respecter cette norme en puisant à différentes sources, qu'il s'agisse de bois de résineux ou de bois de feuillus, ou encore de déchets solides admissibles. Il est essentiel d'instaurer une norme, car c'est en se basant sur cette norme qu'ils devront produire.

Le sénateur Plett : Je ne sais pas très bien comment nous obtiendrons des normes. Je ne sais pas ce qui doit venir en premier. J'approuve les normes, mais c'est difficile d'en fixer sans avoir d'antécédents.

M. Rees : On peut emprunter des normes aux États-Unis ou à l'Europe.

Le sénateur Plett : Madame Clairman, vous avez fait référence, dans votre exposé, aux économies de coûts et aux émissions créées. Je pense que vous avez passé en revue tous les combustibles que nous utilisons actuellement avant de dire que la biomasse nous ferait économiser de l'argent. Je ne vous ai peut-être pas bien comprise, mais je pense que vous y avez même inclus le gaz naturel.

Mme Clairman : Je peux donner des précisions à ce sujet. En ce qui concerne cette étude comparative entre l'alimentation au gaz, la cocuisson, l'alimentation au charbon et la conversion à 100 p. 100 à la biomasse, il s'agit de réduction de gaz à effet de serre et pas d'économies financières.

Le sénateur Plett : Dans ce cas, je ne poserai pas la question.

Monsieur Rees, vous avez parlé de faire venir ici différentes installations de chauffage et différentes chaudières d'Europe. Elles ne sont toutefois pas approuvées au Canada. J'ai travaillé toute ma vie dans le secteur du chauffage et j'ai acheté de nombreuses chaudières que l'on pourrait considérer comme des chaudières de fabrication domestique, faites au Manitoba. De nombreuses colonies huttériennes construisent différents modèles d'installations de chauffage. Je me suis occupé personnellement d'obtenir des approbations de l'Association canadienne de normalisation et de l'ASME, et n'ai pas eu trop de difficulté.

Il faudrait peut-être inviter un représentant de l'Association canadienne de normalisation à témoigner.

Pourquoi avons-nous de la difficulté à importer de l'équipement approuvé? Personnellement, je ne vois pas en quoi cela poserait une difficulté. Je pense que nous devrions être en mesure d'obtenir assez facilement les approbations nécessaires.

M. Rees : Actuellement, l'endroit où c'est le plus facile d'obtenir les approbations, c'est l'Oregon; on y fait des tests en laboratoire. Lorsqu'ils ont été approuvés, ils sont valides pour le marché nord-américain, et pas seulement pour le Canada, mais aussi pour tous les États-Unis. Ce processus a toutefois tendance à être coûteux et long. Plusieurs producteurs de chaudières européens l'ont suivi, mais ils ne sont pas très nombreux, peut-être trois seulement. Je me souviens que l'un d'eux est une entreprise appelée KOB. Elle a suivi ce processus. Une entreprise irlandaise a suivi ce processus.

Notre argument est que les normes pour ces chaudières sont déjà nettement supérieures à ce qui devrait être exigé pour l'Amérique du Nord. Nous aimerions une reconnaissance réciproque des normes concernant les chaudières entre l'Amérique du Nord et l'Europe. Entre l'Europe et le Canada, ce serait un bon point de départ. C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné que des négociations commerciales bilatérales sont en cours. C'est une question que nous avons signalée pour ces négociations. Ça permettrait d'importer ces chaudières au Canada plus facilement que maintenant.

Peut-on suivre le processus? Oui. Selon que la différence entre une ligne de chaudière et l'autre est plus ou moins grande, il faudra peut-être s'y reprendre à une ou deux fois. Nous estimons cependant que le niveau d'efficacité et le niveau des avantages pour l'environnement des chaudières déjà existantes en Europe devraient être reconnus, sans être obligé de refaire tous les tests au Canada et aux États-Unis.

Le sénateur Plett : En ce qui concerne les règlements dont vous prévoyez l'établissement, à quoi faisiez-vous allusion? Vous avez parlé de modifications réglementaires. Sont-elles importantes? Pourriez-vous donner de brèves informations à ce sujet?

Mme Clairman : Comme vous le savez probablement, le gouvernement fédéral a eu à l'étude plusieurs projets différents de réglementation des émissions de gaz à effet de serre au cours des années. Nous nous attendons à ce que l'électricité soit l'un des premiers secteurs à être réglementé. Les récentes rencontres entre le ministre Prentice et les présidents-directeurs généraux de sociétés d'électricité semblent indiquer qu'on élaborera cette année, ou l'année prochaine, des règlements qui devraient entrer en vigueur en 2015. C'est ce que nous avons cru comprendre. Pour le moment, il n'y a aucun document officiel à l'étude, mais nous pensons que ce sera pour bientôt.

Le sénateur Plett : Je vous encourage à envisager d'inviter un témoin de l'Association canadienne de normalisation.

Le président : Oui, nous le ferons, sénateur Plett. Nous devons également penser aux règlements provinciaux qui ont une incidence sur les règlements fédéraux ou sur les futurs règlements.

Le sénateur Duffy : Merci pour ces excellents exposés. Je me fais l'écho de mon collègue : c'est la qualité des exposés qui fait un effet aussi convaincant sur notre auditoire.

Madame Clairman, le sénateur Mercer et d'autres sénateurs de la région de l'Atlantique ont soulevé la question de la production d'électricité dans des centrales alimentées au charbon. Cela se fait beaucoup en Ontario, mais c'est proportionnellement énorme en Nouvelle-Écosse et dans le Nord du Nouveau-Brunswick.

On fait venir par chemin de fer des cargaisons entières de charbon de Virginie occidentale et on en fait venir par bateau d'Amérique du Sud, pour produire de l'électricité; vous soulignez pourtant dans votre mémoire que l'électricité produite à partir de la biomasse est beaucoup plus coûteuse que celle produite à partir du charbon ou du gaz naturel. Quel est le prix par rapport au charbon? C'est ahurissant de voir que, compte tenu de toute la logistique nécessaire pour la production d'électricité au charbon, on ne fasse aucun commentaire sur ses propriétés polluantes et de voir que, bien que nous soyons entourés d'arbres, la production d'électricité à partir de la biomasse serait beaucoup plus coûteuse.

Mme Clairman : M. Rees pourra peut-être donner d'autres informations à ce sujet. Les coûts les plus importants sont liés à l'abattage, au ramassage et au transport, car les coupes sont dispersées. De nombreux camions sont nécessaires pour faire ce ramassage et cette distribution, alors que le charbon arrive dans un gros navire ou sur un train, ce qui a tendance à être beaucoup plus économique. Je pense que la grosse différence se situe dans les coûts de transport. Avez-vous d'autres commentaires à faire, monsieur Rees?

M. Rees : On se base toujours sur le coût à la tonne, après livraison. Je ne suis pas certain du prix actuel du charbon, mais le coût des granulés oscille autour de 200 $ la tonne, ce qui est probablement trois ou quatre fois plus élevé que celui du charbon. Les granulés torréfiés sont plus coûteux que les granulés normaux. Comparativement au charbon, le coût de la biomasse à la tonne après livraison est beaucoup plus élevé.

Le sénateur Duffy : Est-ce que ce facteur coût est la principale raison pour laquelle nous ne nous sommes pas lancés plus tôt?

Mme Clairman : Je pense que c'est un des principaux obstacles. C'est plus coûteux, mais ça présente d'autres avantages. Si l'on mettait un prix sur le carbone, cela aplanirait certainement beaucoup plus les règles du jeu, car ce prix n'aurait aucune incidence sur le coût de la biomasse, mais bien sur celui du charbon.

Le sénateur Mercer : Le sénateur Duffy a fait une bonne remarque. On ne peut toutefois pas tenir compte du coût du transport quand on pense à tout le bien que ça fait aux collectivités et au fait que, dans certains cas, ça les tient en vie. Dans certaines régions où se trouvent de vieilles centrales alimentées au charbon, cela permettrait de maintenir la centrale en activité. Si l'on ne fait rien, elles seront fermées et retirées du réseau. Dans ce cas, le coût de l'électricité dans des provinces comme la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, où il est déjà très élevé, le serait encore plus. Tout ce que nous pouvons faire pour éviter une hausse de prix sera utile.

Mme Clairman : En outre, c'est une chose de comparer le prix du charbon à celui de la biomasse, mais il serait plus juste de comparer ce dernier avec celui d'autres types d'énergie renouvelable. Il est alors beaucoup plus compétitif.

Le sénateur Duffy : Monsieur Rees, vous êtes un porte-parole convaincant de votre association et, en ma qualité d'évangéliste pour la bioénergie, je vous salue. Dans votre mémoire, vous mentionnez que vous exhortez le gouvernement fédéral à faire plus pour illustrer les avantages de l'utilisation du bois et des résidus de bois. Des témoins représentant le secteur du béton et celui de l'acier ont expliqué ouvertement tout le travail et tous les efforts qu'ils faisaient pour s'assurer que les écoles d'architecture et d'ingénieurs sont au courant des plus récents développements technologiques.

J'ai été un peu déçu par l'attitude. Il est possible qu'en période de ralentissement économique, les gens deviennent défaitistes mais, ce qui m'a frappé, c'est que les représentants du secteur des produits forestiers ne sont pas aussi enthousiastes que vous. Je vous salue pour votre énergie et j'espère que ces personnes-là apprendront de vous qu'il faut notamment essayer de faire accepter les options que l'on a. Merci à vous deux d'avoir répondu à notre invitation.

M. Rees : Merci, sénateur Duffy. Je travaille également dans le secteur forestier. En fait, j'ai fait dernièrement du travail pour le Conseil canadien du bois. Nous avons examiné les raisons pour lesquelles les entreprises des secteurs du béton et de l'acier communiquent leur message de façon beaucoup plus efficace. Ces secteurs sont beaucoup plus concentrés. Ils sont composés d'un moins grand nombre d'intervenants de grande taille et, par conséquent, il est plus facile de les mobiliser tous. L'industrie forestière et des produits forestiers est très variée et elle est composée d'intervenants de grande et de petite taille disséminés à travers l'Amérique du Nord. L'industrie sait qu'elle a besoin d'exercer plus de pouvoir pour communiquer le message.

Ce que je voulais dire, c'est que, si le gouvernement du Canada est convaincu que le bois est la meilleure solution du point de vue de l'environnement, un partenariat du gouvernement avec le secteur forestier aiderait cette industrie à avancer à pas de géant. C'est ce qu'on a fait en Europe où la communauté européenne a recommandé à l'industrie de construire avec du bois, car c'est la meilleure solution sur le plan écologique. L'industrie doit mettre de l'ordre dans ses affaires, mais je faisais également un plaidoyer en faveur d'une aide accrue de la part du gouvernement fédéral.

Le président : Avez-vous d'autres commentaires à faire, madame Clairman?

Mme Clairman : Je n'ai rien à ajouter, sauf pour vous remercier de nous avoir invités à faire ces exposés.

Le président : Avant de conclure, deux autres sénateurs ont encore des questions à poser.

Le sénateur Fairbairn : Tout au début, vous avez fait des commentaires sur la région d'où je viens, région où on trouve du charbon depuis toujours. Vous intéressez-vous davantage à la zone des montagnes, des eaux et des vallées entourant Lethbridge, en Alberta, ou examinez-vous aussi la région de Medicine Hat, qui renferme de nombreuses rivières et des ressources gazières considérables. Restez-vous dans une région ou en examinez-vous d'autres aussi?

M. Rees : L'Alberta est sans aucun doute un cas intéressant. Le travail que j'y faisais portait sur toutes les ressources renouvelables et pas uniquement sur la biomasse. En Alberta, il y a une ligne de partage entre le Nord et le Sud. Dans le Nord, on fait beaucoup d'exploitation forestière et dans le Sud, l'agriculture occupe une place importante, mais il n'y a pas beaucoup d'eau.

Le sénateur Fairbairn : Une grande quantité d'eau vient de ces montagnes.

M. Rees : Lorsqu'on veut produire des biocarburants, une des difficultés, c'est d'avoir un approvisionnement suffisant en eau pour assurer une production ininterrompue.

Le sénateur Fairbairn : Est-ce que l'irrigation interviendrait là-dedans?

M. Rees : Ce pourrait être un usage concurrent. On a beaucoup développé l'énergie éolienne dans le Sud de l'Alberta.

Le sénateur Fairbairn : Pouvez-vous répéter cela?

M. Rees : D'après les cartes des vents du Canada, c'est une des meilleures régions pour le développement éolien.

L'Alberta est un cas intéressant car, surtout en ce qui concerne la production d'électricité, c'est un marché privé. Ce n'est pas comme en Ontario. Il n'est pas nécessaire de convaincre toutes les centrales électriques d'essayer de faire de la cocuisson avec de la biomasse. Une seule suffit, et celle-là peut prendre la tête. La province de l'Alberta ne s'est pas encore lancée dans ce secteur, mais j'ai bon espoir qu'on y utilise la bioénergie pour la production d'électricité et pour la production de chaleur et que des bioraffineries y apparaîtront peut-être plus rapidement que dans certaines autres provinces.

Le sénateur Mahovlich : Je remercie les témoins d'être venus nous donner leur avis sur la biomasse.

Je reviens de la Nouvelle-Orléans. Je me posais des questions sur les risques dans ce domaine. Y a-t-il des risques dans ce secteur? Vous n'avez aucune idée de ce que ce déversement de pétrole dans le golfe du Mexique coûtera au gouvernement américain.

M. Rees : Parlez-vous de risques environnementaux?

Le sénateur Mahovlich : Je parle du coût des efforts déployés pour enrayer l'écoulement du pétrole.

M. Rees : Non.

Mme Clairman : Faites-vous référence aux risques environnementaux?

Le sénateur Mahovlich : Ce sont également des risques environnementaux.

M. Rees : Je ne pense pas que la bioénergie pose des risques environnementaux, sauf qu'il faut marier l'exploitation forestière et les ressources agricoles de façon à en faire de la gestion axée sur l'avenir. C'est à ce niveau-là qu'on rencontre l'opposition du public. Il pense que si nous abattons de plus en plus d'arbres, nos forêts seront détruites. Il faut faire comprendre que la forêt doit être gérée de façon raisonnable pour l'environnement et que la promotion de la bioénergie est toujours la meilleure façon d'y arriver. La bioénergie ne pose pas les risques environnementaux que posent le pétrole, par exemple, le gaz naturel ou le charbon.

Mme Clairman : Pour tous les types de chaudières il faut gérer certains risques en matière de sécurité, exactement comme on le fait pour le charbon. La poussière de charbon pose certains risques et la poussière de bois pose des risques semblables, quoique légèrement différents. Il faut gérer les aspects liés à la sécurité des travailleurs.

Le sénateur Mahovlich : Les risques sont toutefois minimes.

Mme Clairman : Ils sont gérables et semblables aux risques auxquels nous avons toujours eu affaire, à savoir des risques d'explosion.

Le sénateur Mahovlich : C'est semblable à l'énergie atomique, quoique pas catastrophique.

Le président : Avez-vous une autre question à poser, sénateur?

Le sénateur Mahovlich : J'en avais une, mais j'ai perdu ma concentration.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur Rees, vous avez parlé des produits bios, autant du côté de la forêt que de l'agriculture, vous avez même regardé votre veston. Quand pourrons-nous avoir ces produits?

[Traduction]

M. Rees : Un certain nombre de bioraffineries ont déjà été établies pour la production de biocarburants; on fait notamment de la coproduction de glycérine et on utilise des parcs d'engraissement pour fournir l'énergie nécessaire pour alimenter l'usine d'éthanol.

En ce qui concerne l'extraction de produits chimiques, les avis sont probablement partagés quant à savoir où l'on en est dans ce domaine. Certaines personnes pensent que ce sera peut-être pour dans trois ou quatre ans seulement alors que d'autres estiment qu'il faudra probablement attendre une dizaine d'années. La percée est proche en ce qui concerne l'éthanol lignocellulosique — c'est-à-dire la production d'éthanol à partir de produits ligneux et pas uniquement à partir de blé et de produits agricoles. L'extraction des produits chimiques devient alors beaucoup plus facile. Pour le moment, la technologie progresse par bonds. De nombreuses personnes sont optimistes; plusieurs projets pilotes vont actuellement de l'avant aux États-Unis. Plusieurs usines de pâtes et papiers canadiennes se prêtent particulièrement à une incursion en bioraffinerie. Votre province, à savoir l'Alberta, progresse assez bien. Les usines de pâtes et papiers canadiennes ont des possibilités de se lancer dans le secteur des bioraffineries. Je présume que ça prendra de cinq à dix ans.

Le sénateur Mahovlich : Aux États-Unis, la plupart des propriétés d'exploitation du bois sont privées. Les Américains ne pourraient-ils pas gérer leurs propriétés convenablement? Est-ce plus facile pour eux que pour nous? Si notre gouvernement possède la plupart des propriétés, les États-Unis n'auraient-ils pas plus de facilité à prendre la tête dans ce domaine?

M. Rees : Parlez-vous de la propriété du bois?

Le sénateur Mahovlich : Je parle de la propriété du bois ou de la biomasse, des granulés; de la fabrication des granulés.

M. Rees : En Ontario, il y a des terres domaniales et des terres privées. Dans le Sud de l'Ontario, la plupart des terres sont privées. Dans le Nord de l'Ontario, la plupart des terres sont domaniales. Ça ne fait aucune différence, pour autant qu'on puisse extraire la biomasse des terres domaniales, que ce soit par l'intermédiaire d'une entreprise forestière ou par l'intermédiaire d'un propriétaire de boisé.

Le sénateur Mahovlich : Le gros problème qui se posait avec les Américains, c'est qu'ils prétendaient être en concurrence avec le gouvernement du Canada parce que nos forêts sont publiques.

M. Rees : Il serait probablement nécessaire que vous teniez d'autres audiences complètes sur cette question.

Mme Clairman : En ce qui concerne la bonne gestion des forêts, une des méthodes que nous avons mentionnées dans notre exposé est le système de certification par des tiers. On a alors la certitude qu'une personne de l'extérieur a examiné les pratiques de gestion de la forêt, qu'il s'agisse d'un boisé privé ou d'un boisé public, et qu'elle a confirmé qu'il s'agissait de gestion durable de la forêt. Ça vous donnera l'assurance que les forêts ne seront pas détruites par ce processus.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Rees, je vois dans votre biographie que vous avez eu l'opportunité de travailler plusieurs années pour la Chambre de commerce et que vous étiez en poste à Paris. Considérant que la population de la France est plus élevée que la nôtre et que le territoire est sept fois plus petit, si on le compare au Canada, comment se comporte l'industrie? Est-ce que l'industrie du granule de bois est implantée? A-t-elle plus de succès qu'ici? Est-elle subventionnée par le gouvernement?

[Traduction]

M. Rees : En France, l'industrie progresse très bien.

Le seul fait évident en Europe jusqu'à présent, c'est que les gens peuvent signaler que les forêts continuent de croître chaque année. Il n'y a pas autant d'opposition de la part du public en ce qui concerne le développement de la bioénergie. C'est probablement le cas au Canada également, mais c'est plus difficile à démontrer. En France, on peut le démontrer avec des statistiques et le public peut constater la croissance annuelle de ses forêts. Nous ne sommes pas sûrs que ça continuera ainsi. Ce qui permet toutefois d'aller plus facilement de l'avant, c'est d'être en mesure de démontrer que la croissance des forêts se poursuit. C'est un gros avantage lorsque le public peut le voir. Il comprend alors qu'on peut utiliser la ressource tout en maintenant nos forêts.

Le sénateur Mahovlich : Si le comité faisait un voyage en Europe pour voir un projet de biomasse qui est une réussite, quel pays choisiriez-vous pour nous?

M. Rees : Voulez-vous que je trace un itinéraire?

Le sénateur Mahovlich : Oui.

Le président : Nous pourrions vous poser des questions.

M. Rees : Je recommanderais la France, l'Autriche et l'Allemagne, puis deux des pays nordiques : la Suède et le Danemark.

Le sénateur Mahovlich : À quelle période de l'année recommanderiez-vous de faire ce voyage?

M. Rees : Nous pouvons vous envoyer l'invitation quand la CANBIO organisera un voyage.

Le président : Merci beaucoup pour vos exposés et pour vos réponses à nos questions. Je vous rappelle que nous présenterons deux rapports intérimaires officiels. Je pense que vous avez abordé tous les sujets. Étant donné la situation dans le secteur forestier, nous pouvons maintenant réunir tous les intervenants pour examiner la question. Vous avez raison de parler d'un processus éducatif. Il y a aussi la question du développement durable. Nous pourrions faire un suivi en vous envoyant une lettre si nous avons besoin de demander des renseignements supplémentaires à des spécialistes comme vous.

Je vous remercie infiniment, au nom du comité.

(La séance est levée.)


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