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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 6 - Témoignages du 1er juin 2010


OTTAWA, le mardi 1er juin 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 4 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

L'honorable Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum. Je déclare donc la séance ouverte.

[Traduction]

Je vous souhaite tous la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation. J'aimerais maintenant me présenter.

[Français]

Je suis le sénateur Percy Mockler du Nouveau-Brunswick, président du comité.

[Traduction]

Nous accueillons aujourd'hui les représentants de deux organisations.

[Français]

D'Enerkem, M. Vincent Chornet, président et chef de la direction. Aujourd'hui, M. Chornet est accompagné de Mme Marie-Hélène Labrie, vice-présidente des Affaires gouvernementales et des communications.

[Traduction]

Notre troisième témoin est M. Kelly Lail, directeur des Opérations commerciales à Capital Power Corporation.

Merci aux témoins de participer aux discussions du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts sur les causes de la crise qui sévit actuellement dans l'industrie forestière.

[Français]

Nous promouvons également le développement et la commercialisation de produits de bois à valeur ajoutée.

[Traduction]

Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada, en se concentrant particulièrement sur la biomasse.

[Français]

Avant que nos témoins fassent leurs présentations, j'aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par le sénateur se trouvant à ma gauche pour terminer à ma droite.

Le sénateur Chaput : Je suis le sénateur Maria Chaput du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de l'Ontario.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Plett : Sénateur Don Plett; je suis voisin de madame le sénateur Chaput, au Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Rivard : Sénateur Michel Rivard du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.

Le sénateur Segal : Hugh Segal, de Kingston-Frontenac-Leeds, dans l'Est de l'Ontario.

Le président : Je vous remercie, honorables sénateurs.

On me dit que M. Lail présentera son exposé en premier, suivi de M. Chornet. Nous avons hâte d'entendre vos observations et recommandations.

Kelly Lail, directeur, Opérations commerciales, Capital Power Corporation : Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de discuter de notre expérience à l'égard de la production d'énergie à partir de la biomasse. Nous avons une centrale à Williams Lake, en Colombie-Britannique, et une à Hearst, dans le Nord de l'Ontario.

La production d'énergie à partir de la biomasse est un processus renouvelable qui accroît la productivité des entreprises d'exploitation forestière et les rend plus concurrentielles. Elle crée des emplois à long terme bien payés et transforme les résidus de scieries et d'entreprises d'exploitation forestière en un produit à valeur ajoutée — l'électricité. La production d'énergie à partir de la biomasse est écologique, elle n'a pas d'empreinte carbone et elle aide l'industrie forestière à devenir plus durable.

Je vais commencer par présenter Capital Power en bref. Il s'agit d'une entreprise indépendante axée sur la croissance qui produit de l'énergie en Amérique du Nord. Nous avons actuellement une capacité de 3 500 mégawatts. Nous prévoyons produire environ 700 mégawatts de plus dans deux parcs éoliens en construction, en Colombie-Britannique et en Ontario. Nous produisons actuellement à peu près le quart de notre énergie à partir de ressources recyclées et renouvelables, comme la biomasse, qui représente environ 4 p. 100 du total. Nous possédons 31 installations dans huit États américains et trois provinces canadiennes. Nous employons plus ou moins 1 100 personnes en Amérique du Nord.

Capital Power exploite la centrale de 66 mégawatts située à Williams Lake. C'est un des plus grands projets liés à la biomasse, sinon le plus grand, en Amérique du Nord. Nous exploitons aussi la centrale de 35 mégawatts située à Calstock, dans le Nord de l'Ontario. Je vais concentrer mes remarques sur la centrale de Williams Lake. Toutefois, la centrale de Calstock est semblable, à quelques exceptions près.

La centrale de Williams Lake a été construite en 1991 et 1992. Son exploitation commerciale a commencé en 1993. L'électricité qu'elle produit est vendue à B.C. Hydro en vertu d'une entente de 25 ans. La construction a coûté 150 millions de dollars et a créé 250 emplois locaux. Environ 12 millions de dollars ont été versés en salaires aux gens de métier et aux travailleurs qualifiés de la région. Plusieurs contrats ont également été accordés à des entrepreneurs locaux.

La centrale est exploitée 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Elle produit environ 65 mégawatts, transmis sur le réseau électrique. Elle fonctionne grâce à l'écorce déchiquetée, au bran de scie et aux copeaux provenant des scieries locales. Chaque année, la centrale produit environ 700 000 tonnes de combustible à partir de résidus forestiers. Presque toute la matière première est obtenue dans les scieries de Williams Lake. Toutefois, en raison de la forte baisse d'activité survenue récemment dans l'industrie forestière, nous avons dû nous tourner vers Pioneer Biomass, qui fournit des résidus de coupe forestière récupérés en bordure de route et des résidus transformés. Je sais que des représentants de cette entreprise ont comparu devant le comité il y a deux ou trois semaines.

Avant la construction de la centrale, les résidus forestiers étaient enfouis ou brûlés dans les fours wigwams de la région. Avant la mise en activité de la centrale, il y avait 11 fours wigwams à Williams Lake. La fumée et les particules produites par ces fours nuisaient à la qualité de l'air. Depuis que la centrale est exploitée, la qualité de l'air s'est considérablement améliorée. Il y a 90 p. 100 moins de particules dans l'air, la visibilité est meilleure et il y a moins de risque pour la santé humaine.

Grâce à la centrale, les scieries ont réduit leurs coûts de production de bois débité et elles sont plus concurrentielles. Les responsables n'ont plus à se préoccuper de payer pour faire brûler ou enfouir les résidus. Les choses tournaient assez rondement pour la centrale et les scieries locales jusqu'à la fin 2008, lorsque le combustible provenant des scieries est venu à manquer pour la première fois.

Même si Williams Lake est une des régions de sciage les plus productives de la Colombie-Britannique, nous avons dû faire appel à Pioneer Biomass pour obtenir des résidus de coupe forestière récupérés en bordure de route afin de parer à l'insuffisance de matières combustibles. Nous avons signé une entente avec cette entreprise, qui s'est procuré l'équipement nécessaire et a engagé des travailleurs locaux pour récupérer les résidus de coupe en bordure de route. La matière récupérée est broyée dans la forêt par des déchiqueteuses et transportée ensuite à la centrale.

Grâce à ces activités, Pioneer Biomass et Capital Power ont créé des emplois pour les ouvriers forestiers et les camionneurs au chômage. À cette période, la collectivité avait grand besoin de ces emplois. Si les résidus forestiers n'avaient pas été transformés et utilisés pour produire de l'énergie, ils auraient été brûlés, comme d'habitude. Les résidus des scieries locales et des entreprises de coupe dans la région ont plutôt servi à produire de l'énergie à valeur ajoutée, qui n'a pas d'empreinte carbone. L'exploitation de la centrale a aussi des retombées considérables pour l'économie locale.

Environ 25 millions de dollars sont dépensés chaque année dans la région. Cette somme sert à payer 18 millions de dollars en salaires, environ 5 millions de dollars pour les copeaux et les rabotures des scieries locales et environ 2 millions de dollars en taxes et services des administrations locales et régionales. La centrale compte environ 30 employés, en plus de quatre ou cinq étudiants chaque été. Les techniciens et les gens de métier gagnent entre 30 et 40 $ l'heure. De plus, environ 350 visiteurs commerciaux sont reçus à la centrale et dépensent un montant estimé à 350 000 $ dans l'économie locale.

La centrale de Calstock, en Ontario, ressemble à celle de Williams Lake, car son principal combustible est la biomasse. La chaleur résiduelle des stations de compression de Trans-Canada Pipelines sert de deuxième combustible. Tout comme celle de Williams Lake, la centrale n'a pas pu être exploitée normalement à cause de la baisse d'activité dans l'industrie forestière. Nous l'avons même fermée durant les heures de faible consommation. L'usine de Calstock a besoin d'un approvisionnement en combustible à long terme pour continuer de produire de la bioénergie, d'employer des gens de la région et de contribuer à l'économie locale. C'est pourquoi Capital Power a présenté une demande pour obtenir des droits de coupe de bois et de récupération de résidus forestiers au ministère du Développement du Nord, des Mines et des Forêts et à la Société financière de l'industrie de l'électricité de l'Ontario. Si la demande est acceptée, des espèces moins populaires pourront être utilisées à la centrale de Calstock. Nous pourrons aussi fournir des billots de meilleure qualité aux scieries locales, ce qui les rendra plus concurrentielles. Nous pourrons également créer environ 25 emplois et dépenser entre 7 et 10 millions de dollars supplémentaires si nous obtenons ces droits.

En résumé, la production d'électricité à partir de la biomasse aide l'industrie forestière à devenir plus concurrentielle, car les résidus forestiers sont transformés en un produit à valeur ajoutée. Cette activité permet aussi d'utiliser les billots à bon escient, selon leur qualité. Elle crée des emplois à long terme bien payés et elle est écologique. Le produit a une valeur ajoutée et il est transformé dans la région.

Je répondrai à vos questions avec plaisir.

Le président : Monsieur Chornet, veuillez présenter votre exposé.

[Français]

Vincent Chornet, président et chef de la direction, Enerkem : Bonjour, monsieur le président. Je représente Enerkem, une compagnie québécoise basée à Montréal et à Sherbrooke. Je vous remercie de nous offrir l'occasion de venir vous parler aujourd'hui d'un sujet important, qui nous tient bien à cœur, celui de l'avenir du secteur forestier au Canada.

[Traduction]

Cette comparution importe pour notre entreprise, mais encore plus pour l'avenir des industries des biocarburants, de la bioénergie et des matières renouvelables au Canada. J'aimerais discuter aujourd'hui de quatre sujets principaux.

J'aimerais tout d'abord présenter notre entreprise, pour ensuite expliquer notre travail. Je voudrais également parler de la technologie que nous avons mise au point ces 10 dernières années. Elle fait maintenant son apparition alors que des pays comme le Canada et les États-Unis font la transition vers les biocarburants et imposent des mesures dans le domaine.

[Français]

Après vous avoir présenté Enerkem, j'aimerais vous démontrer comment nos bioraffineries de nouvelle génération peuvent contribuer à transformer le secteur forestier au Canada.

[Traduction]

Troisièmement, je vous ferai part de certains défis d'ordre pratique auxquels nous sommes confrontés dans la commercialisation d'une technologie qui peut contribuer de façon sensible au secteur forestier. Enfin, nous ferons certaines recommandations à l'égard de politiques.

[Français]

Enerkem est un chef de file mondial dans le développement et la production de carburant vert de transport de nouvelle génération. Nous produisons, par exemple, un éthanol de deuxième génération à partir de résidus de toutes sortes : résidus de biomasse, mais aussi déchets ultimes qui actuellement prennent la voie de l'enfouissement.

[Traduction]

L'entreprise fabrique, possède et exploite des bioraffineries de pointe axées sur sa technologie thermochimique, mise au point depuis l'an 2000. La technologie unique d'Enerkem permet de transformer les résidus comme les déchets urbains non recyclables ainsi que les déchets forestiers et agricoles en biocarburants et produits chimiques verts, comme l'éthanol cellulosique.

[Français]

Enerkem est une compagnie québécoise en croissance employant aujourd'hui 75 personnes. C'est, je pense, le reflet de ce qu'on appelle aujourd'hui la technologie propre — clean tech — et c'est un exemple d'une compagnie émergente dans cette nouvelle économie.

La compagnie exploite présentement deux usines au Québec, soit une usine pilote à Sherbrooke, et une première usine commerciale à Westbury dans les Canton-de-l'Est en Estrie.

[Traduction]

Enerkem exploite actuellement deux centrales. En juillet, notre entreprise fera figure de pionnier en inaugurant à Edmonton, en Alberta, la première usine commerciale du monde où des biocarburants seront produits à partir de déchets urbains. Tous les déchets non recyclables d'Edmonton seront transformés en éthanol. Nous avons conclu une entente de 25 ans avec la ville. Nous transformerons en éthanol des déchets comme ceux qu'on enfouit actuellement, ce qui aidera la province à répondre à ses normes en matière de carburant renouvelable.

Le gouvernement de l'Alberta a investi 23,5 millions de dollars dans cette installation de 80 millions de dollars. Nous avons déboursé le reste des fonds nécessaires. L'entreprise élabore de plus un projet semblable au Mississippi, pour lequel l'administration Obama a fourni 50 millions de dollars dans le cadre de mesures de stimulation économiques. Ces fonds sont gérés par le département de l'Énergie des États-Unis.

[Français]

La technologie d'Enerkem a été testée en usine depuis 2003. Elle est maintenant déployée à l'échelle commerciale. C'est l'exemple même d'une innovation issue du milieu canadien de la recherche, plus particulièrement l'Université de Sherbrooke.

[Traduction]

Enerkem est un chef de file parmi les entreprises de technologies propres au Canada. Nous avons accumulé 70 millions de dollars grâce aux marchés des souscriptions privées et nous avons reçu plus de 90 millions de dollars des gouvernements au Canada et aux États-Unis.

En plus de réduire les gaz à effet de serre et d'aider le Canada à répondre aux normes qu'il a établies sur les carburants renouvelables, Enerkem permet d'enfouir moins de déchets. Notre entreprise offre également une belle occasion de transformer l'industrie forestière en utilisant ses résidus pour fabriquer des carburants propres destinés aux véhicules ainsi que des produits chimiques verts et autres.

[Français]

Par la diversité des matières premières qu'Enerkem peut utiliser, ses usines peuvent être implantées tant dans des régions rurales qu'urbaines; par exemple, la ville d'Edmonton. Notre usine actuellement en opération à Westbury est dans un milieu rural, tout près de East Angus. Nous pouvons générer des emplois autant en milieu urbain que rural.

La même usine peut combiner l'utilisation de résidus forestiers et de déchets résidentiels, ce qui nous aide d'ailleurs dans le sens de s'assurer un approvisionnement en matière première garantie et sécuritaire.

[Traduction]

Comme mon collègue l'a mentionné, l'adaptabilité est un enjeu important en ce qui concerne l'approvisionnement en matières premières. Nous en parlerons plus en détail dans quelques secondes.

[Français]

Le potentiel que représentent les usines d'Enerkem pour transformer le secteur forestier est énorme. Enerkem peut produire 360 litres d'éthanol à partir d'une tonne sèche de résidus de la biomasse forestière. Calculée à partir de chiffres fournis par Canbio pour 2008, la transformation des résidus de papetière et celle des opérations forestières pourrait permettre la production de 13 milliards de litres d'éthanol, ce qui représente un marché de plus de 6 milliards de dollars seulement au Canada.

[Traduction]

Étant donné qu'on prévoit produire environ 1,3 million de litres d'éthanol au Canada en 2010, les résidus forestiers représentent un marché potentiel considérable, en plus de réduire notre dépendance au pétrole étranger. Ils peuvent provenir de scieries ou d'entreprises d'exploitation forestière et ils comprennent le bran de scie, l'écorce, les aiguilles, la végétation coupée pendant l'éclaircissage, les branches et les cimes.

[Français]

L'utilisation de la biomasse résiduelle forestière permet de tirer profit de matières sans avoir à cultiver d'autres terres, étant donné que ces matières sont déjà prélevées et qu'elles ne sont pas toutes requises pour la couverture végétale d'approvisionnement en nutriments.

[Traduction]

De nos jours, les résidus des usines de pâtes et des scieries sont plus faciles à récupérer sur les plans économique et géographique. Toutefois, l'accès à la biomasse dépend de l'activité industrielle. Le plus grand défi pour bâtir un secteur fort qui produit des biocarburants et de la bioénergie à partir de la biomasse au Canada, c'est d'avoir accès à une réserve stable de fibre ligneuse à prix concurrentiel. À court terme, on peut exploiter la matière sous-utilisée et travailler avec ceux qui ont facilement accès à la biomasse forestière à prix concurrentiel.

Cela dit, à long terme, l'accès à la biomasse des terres publiques est essentiel pour réaliser le plein potentiel de ces technologies dans le secteur. Partout au Canada, les producteurs potentiels de bioénergie ont encore de la difficulté à obtenir la permission d'utiliser cette biomasse. C'est le même problème dans toutes les provinces. Le système de tenure doit être modifié pour répondre aux besoins de cette industrie à valeur ajoutée. En fin de compte, on doit mettre en œuvre un processus qui simplifie l'accès à la biomasse tout en étant juste et équitable pour les entreprises d'exploitation forestière qui détiennent déjà des permis de récolte sur les terres publiques.

Concernant les politiques, il y a des défis à relever dans l'utilisation de la fibre ligneuse pour produire de la bioénergie, car certains croient que la coupe forestière peut avoir des effets négatifs sur l'environnement. Voilà un domaine où le gouvernement fédéral peut faire plus pour montrer que l'exploitation de bois et de résidus forestiers pour produire des biocarburants et des produits écologiques a des avantages, car elle est durable, elle crée de l'emploi et répond à un besoin criant dans nos économies.

Enfin, l'accès à du capital pour bâtir ces nouvelles usines pose toujours problème, étant donné que ces technologies demeurent précommerciales, même si elles sont prometteuses. Le seul programme de soutien offert pour les bioraffineries de pointe au pays est Fonds de biocarburant ProGen de Technologies du développement durable du Canada, mais il ne permet qu'un projet par entreprise. Or, nous avons une usine à construire à Edmonton; de concert avec le gouvernement du Québec, nous annoncerons, sans doute à l'automne, la construction d'une installation; nous avons une installation à WestBury; la ville d'Edmonton souhaiterait que nous construisions une deuxième usine; et nous exploitons plus de 300 acres partout au Canada. Il nous faut plus qu'un fonds, surtout s'il ne finance qu'un seul projet.

Nous sommes d'accord avec le comité lorsqu'il conclut que, avant toute intervention, le gouvernement doit prendre en compte l'interaction des divers sous-secteurs de l'exploitation forestière pour qu'aucune entreprise ne soit injustement favorisée. Nous signalons toutefois qu'il doit y avoir des lignes directrices pour tenir compte des défis uniques, notamment en ce qui concerne la commercialisation de nouvelles technologies, la neutralité technologique ainsi que la promotion de la recherche et développement continue et de l'innovation au pays.

[Français]

En conclusion, nous sommes à la veille de réaliser quelque chose de spectaculaire en intégrant le secteur de la bioénergie avec celui du secteur forestier à l'aide de nouvelles technologies développées ici, au Canada.

De nos 75 employés actuels, une bonne portion de nos ingénieurs est constituée de jeunes ingénieurs qui, soit ne pouvaient plus trouver d'emploi ou qui ont dû quitter leur emploi dans le secteur pétrochimique conventionnel. Il s'agit ici d'une restructuration et d'une transformation complète de l'économie, et c'est un secteur qui doit donc être absolument réglementé de façon appropriée par le gouvernement du Canada.

[Traduction]

Si on parvient à mettre en œuvre les politiques appropriées, les entreprises comme Enerkem deviendront des chefs de file mondiaux dans le développement de technologies énergétiques propres et elles entraîneront des retombées positives sur notre économie et l'environnement.

Le sénateur Plett : Monsieur Lail, l'approvisionnement déficient semble être un des plus grands problèmes auxquels votre entreprise est confrontée à l'égard de la biomasse. Vous avez dit que, dans certains cas, vous n'avez pas assez de matières premières et que c'est pourquoi certaines de vos usines ne fonctionnent pas à plein rendement.

Le comité étudie le programme Le bois nord-américain d'abord depuis un bon moment et il encourage les gens à utiliser davantage de bois pour construire des bâtiments. Avons-nous des objectifs contraires aux vôtres? Si on utilise plus de bois dans la construction, nuit-on à votre approvisionnement en combustible, ou en bâtissant ces usines, prenez-vous le bois dont on a besoin pour le programme que j'ai mentionné? Parlez-moi de votre problème d'approvisionnement.

M. Lail : Non, nos objectifs ne sont pas contradictoires. En fait, c'est le contraire. Plus les scieries sont productives, plus il y a de résidus pour faire fonctionner nos usines. Par la production de bois d'œuvre, les scieries rejettent de l'écorce, du bran de scie et des rabotures. Nous sommes confrontés à des pénuries de combustible lorsque les scieries ne fonctionnent pas à plein rendement ou ne sont pas en activité du tout. Nous avons dû récupérer des résidus dans la forêt pour combler le manque causé par la baisse d'activité des scieries. Je répète que nous n'avons pas utilisé la matière qui pouvait être transformée en bois d'œuvre. Nous récupérons les résidus laissés dans la forêt.

Les usines qui fonctionnent à la biomasse utilisent le bois qui serait autrement perdu. La production d'énergie complète la production de bois d'œuvre au lieu de lui faire concurrence. Si on utilise plus de bois dans la construction, les scieries sont plus productives. En définitive, il y a plus de résidus disponibles pour nous.

Le sénateur Plett : Poussons le raisonnement. Si vous pouviez brûler l'arbre en entier, cela ne se traduirait-il pas par plus de biomasse pour vous?

M. Lail : Peut-être, mais ce serait très coûteux. On nous livre une tonne de résidus de coupe recueillis en bordure de route transformés pour environ 50 $. Nous devrions dépenser au-delà de deux fois plus d'argent pour brûler des billots entiers. L'électricité ainsi produite serait très dispendieuse. Une telle pratique ne serait pas concurrentielle.

Le sénateur Plett : Il y a bien des incendies de forêt actuellement au Québec et peut-être dans d'autres provinces. Ces arbres brûlés ont-ils une valeur pour votre type d'exploitation?

J'ai appris grâce au comité qu'on n'est pas censé nettoyer la forêt au complet et qu'il est utile d'y laisser des résidus. J'ai aussi entendu dire qu'un incendie de forêt occasionnel est profitable. Parlez-en un peu plus. Les arbres brûlés ont-ils une certaine valeur?

M. Lail : Je ne suis pas forestier, alors je parle du point de vue de la production d'énergie. Les entreprises qui coupent des arbres laissent des résidus dans la forêt. En vertu du code forestier, elles ont deux ans pour se débarrasser de ces résidus d'une manière ou d'une autre. Ces entreprises les rassemblent pour les brûler. On ne favorise pas le renouvellement des forêts en y laissant des résidus. Il faut effectuer des opérations de nettoyage.

Nous n'avons pas examiné la puissance calorifique des arbres brûlés. Nous ne savons pas s'il serait économique de s'en servir dans nos usines.

Le sénateur Plett : Monsieur Chornet, ce que vous faites à Edmonton et aux États-Unis est très prometteur. Vous laissez entendre que vous avez besoin de l'aide des gouvernements pour lancer les projets. Je ne veux pas en discuter, mais si vous obtenez du succès à Edmonton, les responsables d'autres villes ne vont-ils pas insister pour que vous construisiez des usines sur leur territoire? Je proviens d'un endroit tout près de Winnipeg, au Manitoba. Les autorités de la ville de Winnipeg et de toutes les autres grandes villes du Canada seront très enthousiastes si le projet fonctionne. L'intervention ou les fonds des gouvernements ne devraient donc pas être nécessaires.

M. Chornet : Vous avez en partie raison, et cela se produit déjà. Nous recevons des demandes d'Halifax, d'un certain nombre de municipalités au Canada et aux États-Unis et de l'Asie, notamment de Singapour. Nous devons actuellement reporter des projets, parce que nous ne pouvons pas tous les financer.

Cela dit, nous devons encore fournir des sommes pour soutenir les installations. Nous devons fournir au moins la moitié du capital pour chaque projet. Nous devons donc dépenser 40 millions de dollars pour financer le projet d'Edmonton, qui s'élève à environ 80 millions de dollars.

Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, on hésite encore un peu à investir dans les entreprises de production de biocarburants au Canada, car la réglementation n'est pas claire. On n'y distingue pas les biocarburants de pointe de ceux de première génération, produits à partir de maïs.

Au Canada, on a adopté le projet de loi C-33, qui exige que les sociétés de raffinage ajoutent 5 p. 100 d'éthanol dans l'essence dès 2010. Il est déjà possible de satisfaire à cette exigence grâce à l'éthanol produit à partir de maïs. Si on n'augmente pas la quantité d'éthanol à 10 p. 100, les investisseurs ne seront pas convaincus qu'il y a une demande accrue au pays et ils pourraient ne pas financer des entreprises comme la nôtre pour construire des installations supplémentaires.

Le sénateur Mercer : J'ai aussi trouvé vos exposés extrêmement intéressants. Il s'agit de deux expériences canadiennes réussies, à tout le moins en partie.

Qu'une entreprise possédant 31 installations en Amérique du Nord, dont un bon nombre se trouvent aux États- Unis, ait son siège social à Edmonton et qu'une entreprise québécoise fasse des affaires au Québec et en Alberta témoigne d'avancées extraordinaires. Que vous ayez convaincu les gens de l'Alberta Energy Research Institute et de la ville d'Edmonton de se joindre au projet montre que vous utilisez de manière adéquate les fonds disponibles au pays, comme ceux du programme Technologies du développement durable du Canada.

Vous avez une centrale à Williams Lake, en Colombie-Britannique. Lorsque vous avez parlé des difficultés d'approvisionnement, je me suis rappelé qu'il y a une grande quantité de ce que certains d'entre nous appelleraient des résidus forestiers en Colombie-Britannique, soit des pins détruits par le dendroctone. Avez-vous accès à ces arbres, ou se trouvent-ils dans des lieux trop éloignés?

M. Lail : Nous y aurons accès. En fait, lorsque les scieries seront appelées à produire du bois d'œuvre à partir de ces arbres morts, il y aura encore plus de résidus. Nous prévoyons que notre approvisionnement en combustible sera plus que suffisant dans les quelques années à venir, mais que l'offre va diminuer quand cette ressource sera épuisée.

Le sénateur Mercer : Nous savons par ailleurs que les activités dans l'industrie du sciage sont en baisse, comme vous l'avez dit. Je m'attends à ce que le prix des billots rongés par ces insectes baisse. Cela ne vous permettrait-il pas d'exploiter ce bois? Je comprends que vous deviez garder les coûts au minimum, mais je pars du principe que le prix de ce bois mort est en baisse; plus il reste au sol longtemps, plus sa valeur diminue.

M. Lail : Vous avez raison. Le gouvernement de la Colombie-Britannique encourage les entreprises d'exploitation forestière qui ont des droits sur les pins morts à les utiliser avant de leur accorder d'autres droits.

Pour ce qui est de savoir si cette pratique est économique à long terme, cela dépend des coûts de transport et d'exploitation des arbres morts mais encore sur pied. En fin de compte, que les scieries continuent de fonctionner à de très bas niveaux ou non, nous aurons besoin de combustible; nous utiliserons cette matière première aussi longtemps qu'elle sera économique.

Le sénateur Mercer : Monsieur Chornet, vous avez mentionné en passant l'intérêt des responsables de la ville d'Halifax. Comme je viens de là, j'aimerais beaucoup en savoir plus sur le sujet. Vous avez aussi parlé d'un problème continu à l'égard des terres publiques partout au pays. Pourriez-vous nous situer le contexte un peu mieux? Le problème est-il le même d'une province à l'autre, qu'il soit question du Québec, de l'Alberta ou de la Nouvelle-Écosse? S'occupe-t-on des terres publiques de manière différente selon la province?

M. Chornet : La gestion diffère d'une province à l'autre. Le problème auquel nous sommes confrontés, notamment au Québec, c'est que le gouvernement demande des choses difficiles à réaliser. Il faut effectuer toute une série d'opérations; il faut préparer le bois et essayer d'en tirer la plus grande valeur possible, ce qui nous oblige à mener un certain nombre d'activités de première ligne avant de recevoir les résidus forestiers. Pour élaborer un projet fondé sur une entente relative à des terres publiques, il faut avoir accès à une usine de pâtes et à une scierie et il faut effectuer un certain nombre d'opérations. Une telle exploitation devient très compliquée à mettre sur pied.

Le sénateur Mercer : Les gens des usines de pâtes et des scieries doivent notamment faire leur travail avant que vous puissiez faire le vôtre.

M. Chornet : Même si nous adoptons des pratiques exemplaires, nous ne pouvons pas simplement aller dans la forêt et préparer les arbres à notre manière pour que les activités soient les plus simples et les plus utiles possible.

Le sénateur Mercer : Le projet d'Halifax est-il une simple déclaration d'intérêt ou est-ce sérieux?

M. Chornet : Nous avons entamé des discussions avec les autorités d'Halifax. Les gens de là-bas voulaient faire des tests à notre installation pilote de l'usine commerciale de Westbury, au Québec. Comme nous ne pouvions pas les accueillir, nous avons dû repousser la tenue des tests. Pour comprendre la situation, il faut connaître les normes de carburant renouvelable, en particulier celles des États-Unis. Tandis que le projet de loi C-33 exige 5 p. 100 d'éthanol au Canada, les Américains ont ce qu'ils appellent la norme numéro deux du carburant renouvelable, qui exige que 36 milliards de gallons de biocarburants soient produits d'ici 2022. Étant donné que le maïs ne peut répondre qu'à une certaine demande, je crois que c'est 15 milliards de gallons, le reste du biocarburant doit être produit à partir d'autres combustibles que les matières premières conventionnelles que sont le maïs et la fibre végétale. Il y a une course technologique pour extraire le carbone et l'hydrogène de ces matières afin de produire de l'éthanol et d'autres carburants. C'est pourquoi les investisseurs sont très exigeants et demandent une réglementation claire et précise qui régit les entreprises comme la nôtre, ce qui manque présentement au Canada. Malheureusement, nous prenons quelque peu nos distances d'un certain nombre de projets canadiens.

Le sénateur Mercer : Nous devrions peut-être augmenter l'exigence de 5 p. 100 d'éthanol à 10 ou 15 p. 100. Il paraît que l'indice est très élevé au Brésil. Voilà une chose que le gouvernement peut faire sans que cela lui coûte beaucoup d'argent. En augmentant l'exigence relative à l'éthanol, on renforce le marché et plus d'argent y est investi. J'ai l'impression que c'est une solution relativement simple. Est-ce que je simplifie à l'excès?

M. Chornet : Votre idée n'est pas exagérée. C'est justement de ce dont nous discutons à l'Association canadienne des carburants renouvelables. Il y a probablement assez de maïs pour produire les 5 p. 100 d'éthanol actuellement exigés. Mais si on augmentait l'indice à 10 p. 100, la moitié de l'éthanol consommé au pays serait produit à partir d'autres résidus, et il faudrait faire appel aux technologies comme celles que nous utilisons dans le projet de la ville d'Edmonton.

Le sénateur Mercer : J'ai trouvé intéressant votre commentaire sur la perception selon laquelle il n'est pas écologique d'utiliser du bois pour produire des biocarburants. Il y a une chose qui ne change pas, à Ottawa. Peu importe qui occupe les sièges de ce côté-ci ou ceux de ce côté-là, nous critiquons toujours ce que les autres veulent. Nous critiquons leurs idées; ils ont critiqué les nôtres; cela n'a pas de fin. Il vaudrait mieux faire nos campagnes publicitaires sur quelque chose qui nous rallie tous. Pour bien utiliser les fonds de publicité du gouvernement, il faudrait montrer aux Canadiens que la production de biocarburants à partir du bois est économique et écologique.

M. Chornet : Tout à fait. Des recherches ont été menées récemment par Don Roberts, de Marchés mondiaux CIBC Inc., dans lesquelles il a établi la chaîne de valeur de la transformation du bois par les usines de pâtes et papiers. M. Roberts conclut que si les responsables des papetières effectuaient une transition vers la production, par exemple, d'acétates, de diesel synthétique et d'éthanol, ils changeraient complètement la dynamique de l'industrie forestière et ils pourraient faire du bois un produit très attrayant qui a une valeur considérablement plus élevée.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Lail, vous faites de la cogénération à partir de la biomasse résiduelle forestière. On sait que les villes ont un problème de disposition des déchets urbains et industriels. Avez-vous des projets au Canada où vous utilisez la biomasse forestière avec les déchets?

[Traduction]

M. Lail : Nous avons la capacité de transformer des déchets urbains à la centrale de Williams Lake. Toutefois, nous avons droit à l'heure actuelle de n'utiliser que les résidus forestiers.

Nous produisons de l'électricité à partir de déchets urbains dans des centrales aux États-Unis. Actuellement, nous ne prévoyons pas produire de l'électricité à partir de déchets urbains au Canada, principalement parce que nous avons besoin d'un approvisionnement en combustible sûr. Lorsqu'on investit dans une usine pour 25 ans, on veut être certain d'avoir accès à du combustible pendant aussi longtemps.

[Français]

Le sénateur Rivard : Dans les provinces où vous faites affaires, est-ce que vous êtes obligés de vendre l'énergie produite à BC Hydro, par exemple? Au Québec, il faut vendre à Hydro-Québec. Pour que vous puissiez le faire, il faut que votre prix de production soit inférieur à celui d'Hydro-Québec, par exemple, lorsqu'elle produit son l'électricité à partir de l'eau. Elle a un prix, alors pour qu'elle achète, il faut que ce soit rentable. Je sais qu'au Québec, il y a une usine de cogénération dans la région de Montréal, qui est fermée, et qui coûte une fortune aux contribuables parce que le coût de l'énergie à produire étant supérieur, Hydro-Québec n'achète pas.

Dans les endroits où vous travaillez, êtes-vous obligés de vendre l'électricité aux provinces ou aux compagnies qui fabriquent de l'électricité? Avez-vous le même problème?

[Traduction]

M. Lail : Sénateur Rivard, je vous remercie de cette importante question. Il faut des rentrées de fonds régulières pour soutenir l'investissement.

Nous exploitons des usines en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario. Notre siège social est à Edmonton. Auparavant, l'entreprise appartenait à la ville d'Edmonton, mais elle est maintenant cotée à la Bourse de Toronto. Je vais parler des provinces une à la fois.

En Colombie-Britannique, nous vendons de l'électricité à BC Hydro en vertu d'une entente à long terme qui s'applique autant aux centrales hydroélectriques qu'à la centrale fonctionnant à la biomasse à Williams Lake. La production d'énergie à partir de la biomasse n'est généralement pas concurrentielle avec le type de production d'énergie le moins coûteux, qui est actuellement le gaz naturel. Cela dit, c'est pour des raisons liées à l'environnement et à la compétitivité de l'industrie forestière que le gouvernement a demandé à BC Hydro de conclure une entente pour l'usine de Williams Lake. Si on la compare aux autres options disponibles, l'entente a été relativement bonne pour BC Hydro, l'industrie forestière et Capital Power. Pas plus tard qu'hier en fin de journée, BC Hydro a justement présenté une demande de propositions pour 1 000 gigawattheures d'électricité produite à partir de la biomasse. Les offres doivent être soumises au cours des prochains mois, et une décision sera rendue d'ici février.

L'électricité demandée coûtera probablement plus que le meilleur choix disponible actuellement pour BC Hydro. Le gouvernement et cette société veulent cependant obtenir cette énergie pour des raisons de politique publique. À long terme, cette décision sera bonne pour la création d'emplois et les perspectives d'avenir de l'industrie forestière dans la province.

Vous savez peut-être qu'en Alberta, la production d'électricité a été déréglementée et qu'elle est vendue à l'heure. Simplement pour vous donner un exemple, le prix d'un mégawattheure peut varier, comme cela a été le cas la semaine dernière, d'environ 20 $ à près de 1 000 $, selon l'offre et la demande.

Dans un marché instable de ce genre — en fait, certains diraient que l'Alberta a probablement la bourse de commerce la plus instable du monde —, il est très difficile de construire une centrale fonctionnant à partir de la biomasse qui est concurrentielle et qui rapporte aux investisseurs. Nous n'avons pas d'usines qui fonctionnent à la biomasse en Alberta actuellement.

En Ontario, tout comme pour BC Hydro, l'électricité est vendue à une filiale de l'Office de l'électricité de l'Ontario, soit la Société financière de l'industrie de l'électricité de l'Ontario. À l'avenir, l'électricité sera vendue directement à l'office. En Ontario, nous avons cinq usines qui sont la propriété de LP et un parc éolien. L'électricité est achetée à un seul fournisseur. Il faut être sélectionné par appel d'offres pour obtenir le contrat.

Même si cela pourrait arriver, l'électricité produite dans les centrales en Colombie-Britannique n'est pas exportée pour l'instant. Il n'est pas possible de le faire à un taux concurrentiel en Ontario non plus.

Nous n'exploitons pas de centrale au Québec à l'heure actuelle. Je dois dire que je ne sais pas trop comment on présente une offre pour y vendre de l'électricité.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Chornet, j'aimerais avoir votre point de vue sur la cogénération biomasse avec déchets domestiques. Est-ce que vous avez des projets quelque part au Canada?

M. Chornet : Pas au Canada. Nous avons des projets de production d'électricité, donc en cogénération, avec des déchets ultimes plutôt en Europe, où les prix d'électricité sont un peu plus élevés. Au Québec, ce sera très difficile.

Le sénateur Rivard : C'est le problème d'Hydro-Québec.

M. Chornet : C'est le problème, il est très difficile de battre les tarifs de l'hydroélectricité. Aussi, on a développé une technologie qui nous permet d'utiliser le gaz qu'on produit à partir de ces matières pour aller vers des produits à plus haute valeur ajoutée, comme les produits chimiques — l'éthanol dont on a parlé aujourd'hui. Il est beaucoup plus justifié d'utiliser ces matières premières pour la valeur chimique, l'hydrogène qu'elles ont, plutôt que de simplement les brûler pour faire des électrons.

Le sénateur Rivard : Monsieur Chornet, quant à l'usine pilote de Sherbrooke, est-ce que vous recevez une aide financière, que ce soit de la part de la municipalité, du gouvernement du Québec ou du gouvernement fédéral? Et pouvez-vous nous expliquer rapidement en quoi consiste le projet pilote?

M. Chornet : En fait, on opère une usine pilote depuis 2003. Elle a coûté huit millions de dollars. On l'a financée en grande partie, mais on a reçu de l'aide du fédéral et du provincial. À 25 minutes de cette usine pilote, on a construit, près de East Angus, une usine commerciale de 20 millions de dollars, qui va produire à terme cinq millions de litres d'éthanol. Elle utilise les poteaux électriques d'Hydro-Québec. Ces poteaux sont actuellement enfouis parce qu'ils ont de l'arsenic, du PCP et de la créosote. Ils sont convertis en un gaz de synthèse — en dix secondes —, on nettoie le gaz et on en arrive à un gaz aussi propre que le gaz naturel. On reforme ce gaz en éthanol.

C'est ce qu'on va faire maintenant à Edmonton. L'usine de Westbury est dix fois plus grande que celle du projet pilote, et celle d'Edmonton est trois fois plus grande que celle de Westbury. Notre usine au Mississippi est identique à celle d'Edmonton.

Pour répondre plus précisément à votre question, pour l'usine de Westbury, on a apporté 15 millions de dollars nous-mêmes — qu'on a pris des 20 millions de dollars —, somme qu'on a dû lever sur les marchés financiers. À Edmonton, le projet est de 80 millions de dollars et on injecte environ 60 millions de dollars. On doit aller vers les marchés financiers, on doit les convaincre qu'il existe un marché pour cet éthanol de deuxième génération. On en revient donc au mandat des carburants de deuxième génération et à la façon dont ils sont structurés.

Le sénateur Rivard : Merci beaucoup et bonne chance!

Le sénateur Chaput : Merci, Monsieur le président. J'ai une question supplémentaire à celle de mon collègue, le sénateur Rivard. Lorsque vous parlez des déchets ultimes ou non recyclables, est-ce que vous avez déjà considéré la paille?

M. Chornet : C'est une très bonne question. Nous avons justement un projet avec de la paille à Rimbey, en Alberta.

[Traduction]

Rimbey est situé à mi-chemin entre Calgary et Edmonton.

Nous élaborons un projet avec le maire de Rimbey, M. Dale Barr, pour produire de l'énergie à partir de la paille.

[Français]

Le sénateur Chaput : Au Manitoba, nous avions une usine de paille, près d'Elie. Ils achetaient de la paille pour fabriquer des meubles, des planches quelconques. L'usine est maintenant fermée et ils restent avec des montagnes de paille. Je me demandais si la paille avait déjà été considérée.

M. Chornet : Nous avons testé la paille. Nous avons un projet à Rimbey, et la paille est une matière première qui nous intéresse. On prend bonne note de cela.

Le sénateur Chaput : En ce qui concerne l'intégration de la bioénergie et du secteur forestier, afin que cela se développe, qui s'occupe de la recherche, qui s'assure que vous êtes toujours en avant des techniques, que vous allez étudier de plus en plus les matières qui peuvent être utilisées? Avez-vous une équipe de chercheurs?

M. Chornet : Nous avons une équipe.

[Traduction]

Nous avons 75 employés et une petite équipe d'environ une douzaine de chercheurs. Nous faisons de la recherche à l'interne, chez Enerkem. Il s'agit de projets pilotes et de mises à l'essai. Pour ce qui est de la recherche fondamentale, nous avons recours à la sous-traitance. Nous confions cette recherche à l'Université de Sherbrooke et à d'autres universités canadiennes, y compris l'Université McGill, à Montréal.

Le sénateur Chaput : Effectuez-vous des projets pilotes dans le cadre de vos travaux de recherche?

M. Chornet : Nous avons des projets pilotes avec des sociétés de pâtes et papiers ainsi qu'avec Paprican et FPInnovations. Ce sont des entreprises qui font de bons travaux de recherche. Toutefois, compte tenu des exigences des marchés financiers à notre égard, ces travaux ont tendance à ne pas produire des résultats assez rapidement. C'est une question que votre comité pourrait examiner.

Le sénateur Chaput : Ma dernière question porte sur la main-d'œuvre. Existe-t-il de la main-d'œuvre qualifiée apte à faire ce genre de travail?

M. Chornet : C'est une difficulté que nous devons constamment surmonter. À Montréal et dans les autres centres urbains, nous sommes capables de trouver des ingénieurs spécialisés. Dans les régions, c'est plus difficile.

Le sénateur Chaput : Que leur faut-il?

M. Chornet : Il leur faut des ingénieurs chimistes ayant de l'expérience en pétrochimie. Les gens ayant de telles compétences sont concentrés actuellement en Alberta et, dans une certaine mesure, à Sarnia. Montréal a perdu la plupart de ses raffineries. Souvent, lorsqu'ils nous arrivent, les ingénieurs n'ont pas les compétences que nous souhaiterions qu'ils aient en pétrochimie. Nous devons les former.

Le sénateur Plett : Ma question supplémentaire porte sur la matière biologique issue de la paille. Qu'y a-t-il à Whitby? Est-ce une centrale électrique ou des installations de chauffage? Dans ma vie antérieure, j'étais entrepreneur en mécanique, et notre entreprise avait construit une grosse installation de chauffage dans une ferme d'élevage de poulets, pour chauffer huit ou dix poulaillers au moyen de conduites souterraines. L'installation a fini par brûler, et c'est ce qui lui est arrivé de mieux.

Que faites-vous avec la paille à Whitby et quels résultats obtenez-vous?

M. Chornet : Nous y utilisons un procédé de gazéification. Nous sommes probablement la seule entreprise au monde à utiliser le procédé du lit fluidisé bouillonnant sans plasma pour la gazéification. Nous chauffons la matière tout en ne lui donnant pas assez d'oxygène pour qu'elle brûle. Imaginez un récipient, comme une chaudière, qui est chauffé à 700 degrés Celsius, à la pression atmosphérique. Nous y mettons de la paille et un tiers de la quantité d'oxygène qui serait nécessaire si on voulait qu'elle brûle. En 10 secondes, dans notre machine, la paille est transformée en gaz de synthèse composé d'un mélange d'hydrogène et de monoxyde de carbone. Nous sommes reconnus dans le monde entier comme des experts dans le raffinement du gaz de synthèse jusqu'à ce qu'il contienne deux parties d'hydrogène pour une partie de monoxyde de carbone. C'est essentiellement ce que les raffineries font avec le pétrole. Elles le transforment en naphta, puis se servent de ce produit pour en tirer divers composés chimiques, comme des alcools et des hydrocarbures. Nous appliquons ensuite des techniques pétrochimiques.

Le sénateur Plett : Je vais essayer de visiter cette usine la prochaine fois que je serai dans les parages.

Le sénateur Eaton : Monsieur Lail, est-il possible de faire du charbon un combustible propre?

M. Lail : Oui. Nous avons un projet dans cette veine, comme vous le savez peut-être. C'est le projet Pioneer, à notre usine de Keephills, en Alberta, qui est en construction. Il s'agit de faire le captage du dioxyde de carbone pour tâcher de le stocker dans des cavernes de sel.

Le sénateur Eaton : Je veux dire la production de charbon propre pour en faire le commerce. Au cours de la dernière année, nous nous sommes penchés sur les produits à valeur ajoutée pouvant être vendus sur les marchés en général. La production de charbon propre serait-elle plus économique que l'utilisation de la biomasse?

M. Lail : Pas actuellement. À ce que je sache, il existe une seule usine utilisant une technique de production de charbon propre, et elle se trouve aux États-Unis. Ce sont essentiellement des usines pilotes. Le projet dont nous parlons est en Alberta et il bénéficie de l'appui de la province et du gouvernement fédéral. C'est un projet pilote pour éprouver la technologie du charbon propre.

Les sources d'énergie comme l'éolien, l'hydraulique et la biomasse ne suffiront pas à court terme pour satisfaire les besoins croissants en électricité, alors nous allons devoir continuer d'utiliser les combustibles fossiles pour répondre à la demande.

Le sénateur Eaton : Monsieur Chornet, j'aimerais que vous m'en disiez davantage à propos d'Edmonton. Je trouve que c'est fascinant. Nous avons entendu parler, l'année dernière, des Chinois qui utilisent les déchets des usines de pâte aux États-Unis et s'en servent comme combustible dans leur pays. C'est la première fois que nous entendons parler d'une installation canadienne. Si je comprends bien, vous allez fabriquer de l'éthanol à partir des déchets de la ville d'Edmonton. Est-ce bien exact?

M. Chornet : C'est exact.

Le sénateur Eaton : S'en servira-t-on comme carburant pour les automobiles?

M. Chornet : Oui.

Le sénateur Eaton : Vous a-t-on donné un objectif quantitatif de production ou produirez-vous simplement selon la quantité de déchets que vous ramasserez?

M. Chornet : La Ville d'Edmonton possède une usine de récupération des matériaux. Il y a deux collectes des ordures. Les gens mettent les matières recyclables dans un bac bleu ou vert.

Le sénateur Eaton : Nous faisons la même chose à Toronto.

M. Chornet : Exactement. Les matières à recycler sont transportées à l'usine de récupération des matériaux, qui est située à côté d'une grande usine de compostage. La plupart des Canadiens savent que la plus grande usine de compostage d'Amérique du Nord se trouve à Edmonton.

Le sénateur Eaton : Qui dit compostage dit déchets de cuisine et de jardin.

M. Chornet : Oui. Chaque ménage a un second sac, que nous appelons le sac noir. Ce qui ne va pas dans le bac de recyclage doit être mis dans le sac noir, qui contient les déchets proprement dits et qui est envoyé au même endroit, où on l'ouvre. Le contenu des sacs est envoyé à l'usine de compostage. Les déchets alimentaires, soit les matières putrescibles, se décomposent et sont transformés en compost. Malheureusement, environ 40 p. 100 de ce que les gens mettent dans le sac noir ne se décompose pas et ne se convertit pas en compost. Ce sont des matières comme les plastiques non recyclables servant d'emballage pour la nourriture, qui ne peuvent donc pas être mis dans le bac de recyclage, ainsi que les fibres, le bois, les textiles et les tapis. Ce sont ces matières que nous utilisons.

Ces matières sont simplement déchiquetées. Selon l'accord que nous avons conclu, nous devons traiter 100 000 tonnes par année de matières sèches pour les 25 prochaines années. Nous transformons ces matières en gaz, nous raffinons le gaz et nous en faisons de l'éthanol.

Le sénateur Eaton : Devez-vous ajouter à cela des matières provenant de la biomasse?

M. Chornet : Pas du tout.

Le sénateur Eaton : Ce sont des déchets?

M. Chornet : Exactement. Ce sont des matières plus riches que le bois provenant de la biomasse parce que certains plastiques et certains textiles contiennent de l'hydrogène, ce qui permet d'en extraire davantage d'unités thermiques que du bois. La Ville a dû fermer son site d'enfouissement après l'avoir utilisé pendant 20 ou 25 ans. Il n'y restait plus de place. Les gens ne voulaient ni d'un nouveau site d'enfouissement, ni d'un incinérateur, et la Ville avait comme unique autre option d'envoyer les déchets à un site d'enfouissement privé situé à une soixantaine de milles au nord du site d'enfouissement municipal. Cela aurait coûté cher. La solution que nous avons proposée à la Ville était moins chère, et elle l'a retenue.

Le sénateur Eaton : Ce serait merveilleux que toutes les villes adoptent cette approche.

À quels endroits et pour quelles fonctions utilisez-vous la biomasse?

M. Chornet : Nous avons plusieurs projets avec des fabricants de pâtes et de papiers qui essaient d'augmenter leur chiffre d'affaires avec de nouveaux produits et qui cherchent à entreprendre la production de granulés de bois ou encore qui ont des résidus comme de l'écorce, de la sciure ou même des copeaux. Dans leur cas, la production de fibres n'est peut-être plus assez rentable. Par conséquent, ces entreprises cherchent à changer leur production en investissant pour convertir leurs usines, de manière à pouvoir utiliser des technologies comme la nôtre, qui leur permettront de convertir leur bois en éthanol, qu'il s'agisse de résidus ou non.

Le sénateur Eaton : La commercialisation de la biomasse sur les marchés pour le grand public ne se fera pas avant un bon nombre d'années, n'est-ce pas?

M. Chornet : Premièrement, c'est une matière biologique qui coûte plus cher que les déchets. Deuxièmement, les fabricants de pâtes et de papiers ne font pas des affaires d'or par les temps qui courent. Enfin, les accords avec l'État fédéral ou avec les provinces sont plutôt alambiqués. Ce sont des accords plus complexes pour nous, actuellement, qu'un accord comme celui que nous avons conclu avec la Ville d'Edmonton.

Le sénateur Eaton : Pour la transformation de déchets uniquement?

M. Chornet : C'est exact.

Le sénateur Segal : Je voudrais essayer de comprendre le cadre financier, parce que ce n'est pas clair. Capital Power est une société ouverte, si je comprends bien, mais Enerkem ne l'est pas. Elle le sera peut-être un jour, mais ce n'est pas le cas pour l'instant. Je tiens pour acquis que vous supposez pouvoir vendre une certaine quantité d'énergie et que vous avez évalué la demande pour l'énergie que vous produisez. De plus, j'imagine que vous jugez le marché de l'éthanol suffisamment élastique et robuste pour avoir l'assurance de pouvoir écouler toute votre production, peu importe la quantité. Mes suppositions sont-elles exactes?

M. Chornet : C'est une question primordiale, et les marchés financiers nous la posent. La réponse serait la suivante : Oui, le marché est suffisant aux États-Unis en raison de la norme sur les carburants renouvelables adoptée dans ce pays. C'est une norme assez élevée, qui nécessite une production substantielle et qui nous a permis de conclure, à la suite de nos discussions avec les entreprises de raffinage, que nous n'aurions aucune difficulté à écouler notre production d'éthanol. Ce n'est pas le cas actuellement au Canada pour la raison que j'ai indiquée.

Le sénateur Segal : Le 5 p. 100?

M. Chornet : Le 5 p. 100.

Le sénateur Segal : Je me souviens d'une conversation que j'ai eue peu de temps après l'établissement de la règle autorisant un taux de 5 p. 100. J'avais posé la question aux mécaniciens qui s'occupaient de ma voiture. C'était il y a sept ans, ce qui vous montre que je garde mes voitures pendant longtemps. Un mécanicien m'a dit que, si je voulais annuler ma garantie, je n'avais qu'à y mettre de l'essence avec de l'éthanol. C'était une voiture âgée de sept ans. Le fabricant n'aurait pas honoré la garantie si j'avais mis dans le réservoir du carburant ayant un taux élevé d'éthanol.

Cette pratique a manifestement changé. Êtes-vous en train de nous dire qu'il serait préférable que la réglementation au Canada prévoie un taux de 10 p. 100 d'éthanol? Autrement dit, vous voulez que le taux soit plus élevé de manière à ce que vos débouchés soient meilleurs sur le marché canadien?

M. Chornet : En effet, comme on a pu le constater aux États-Unis, les détaillants seraient obligés de tenir compte de la nouvelle norme dans la composition de leurs essences, et les constructeurs d'automobiles seraient obligés d'ajuster leurs moteurs en conséquence. Il n'y a pas de problème au Brésil, pourtant on y utilise un mélange contenant de l'éthanol et 40 p. 100 d'essence.

Le sénateur Segal : L'éthanol y est fabriqué à partir du sucre de canne, je crois.

M. Chornet : C'est exact, mais la molécule en fin de compte est exactement la même. Elle doit être conforme aux normes ASTM.

Marie-Hélène Labrie, vice-présidente, Affaires gouvernementales et communications, Enerkem : L'agence de protection de l'environnement des États-Unis autorise un pourcentage d'éthanol pouvant aller jusqu'à 10 p. 100, mais envisage d'augmenter ce taux jusqu'à 15 p. 100. Il est certain qu'il serait faisable de l'augmenter jusqu'à 12 p. 100, mais elle envisage même de l'augmenter jusqu'à 15 p. 100 au cours des prochains mois.

Le sénateur Segal : Harmoniser nos normes d'émissions avec celles de nos amis de l'autre côté de la frontière semble être l'approche privilégiée par le gouvernement actuel, pour le meilleur et pour le pire. Or, vous prétendez que nous devrions augmenter le pourcentage d'éthanol que doit contenir le carburant mis dans nos véhicules parce qu'il nous sera ainsi plus facile de respecter les normes d'émissions. Vous ai-je bien compris?

M. Chornet : C'est juste. J'ajouterais que l'éthanol est un liquide qui est en train de devenir une source très importante de liquidités...

Le sénateur Segal : Sans jeu de mots.

M. Chornet : ... en Amérique du Nord, et le Canada fausse le jeu des forces du marché en n'ayant pas la même norme que les États-Unis sur les carburants renouvelables.

Le sénateur Segal : Voulez-vous dire que le jeu est faussé parce qu'il rapporte moins de liquidités?

M. Chornet : Non, je veux dire à cause entre autres des différences de valeur et des arbitrages sur les marchés financiers. Nous devons harmoniser notre norme avec celle des États-Unis.

Le sénateur Segal : Si je vous comprends bien, nous devrions envisager, comme recommandation, en vue de favoriser l'utilisation des résidus de bois et des produits connexes, l'augmentation du taux d'éthanol prévu dans cette norme.

M. Chornet : Tout à fait. Nous pensons qu'il est essentiel que le marché de l'éthanol au Canada soit aussi attrayant pour les investisseurs que le marché aux États-Unis, de manière à ce que des fonds d'investissement, des entreprises et d'autres détenteurs de capitaux investissent dans nos usines. C'est primordial.

Je ne voudrais pas entrer trop dans les détails sur notre entreprise, mais nous avons réussi à attirer des investissements de 70 millions de dollars. Nous sommes probablement classés deuxièmes au Canada parmi les entreprises ayant à offrir des technologies vertes pour ce qui est des investissements issus des marchés financiers. Le gros des investissements provient d'entreprises étasuniennes ayant fait ce choix avec l'assurance que nos produits pourront être vendus librement sur le marché des États-Unis.

Le sénateur Segal : Je vois.

Monsieur Lail, avez-vous la certification verte pour la production des usines de Capital Power? Présentement, des détaillants d'énergie vendent de l'électricité venant de sources renouvelables ou vertes. Les gens qui habitent un appartement dans le centre-ville de Toronto ou de Calgary peuvent payer un peu plus cher, lorsqu'ils achètent du gaz naturel ou de l'électricité, pour que le détaillant leur certifie qu'en retour, il s'est procuré une quantité équivalente d'énergie renouvelable, peu importe le prix.

Êtes-vous un producteur certifié de ce genre d'énergie en raison des matières premières que vous utilisez?

M. Lail : Oui, et nous vendons cette énergie accompagnée de ce que l'on appelle des certificats d'énergie renouvelable, qui peuvent se revendre sur le marché. Malheureusement, la plupart des ventes se font de la Colombie- Britannique aux États-Unis.

Le sénateur Segal : À ce que je sache, il y a des vérifications qui se font pour veiller à ce que l'énergie certifiée soit bel et bien de sources renouvelables.

M. Lail : Oui. C'est pourquoi notre usine de Calstock, en Ontario, n'a pas encore sa certification Éco-Logo. Il y a une seule raison, et c'est que nous ne pouvons pas obtenir des scieries les quantités normales de résidus de bois. Nous utilisons du bois issu de sites d'enfouissement, qui a une moins grande valeur thermique et engendre plus d'émissions. De plus, l'usine n'est pas en service. Cependant, dès que nous pourrons revenir à une production normale, l'usine sera certifiée, et nous avons déjà un acheteur qui est prêt à nous payer les certificats d'énergie renouvelable de 5 à 6 $ par mégawattheure.

L'usine de Williams Lake est probablement l'une des usines les plus vertes de production d'énergie à partir de la biomasse en Amérique du Nord. Elle est admissible à la certification Éco-Logo. Cependant, il est possible qu'elle ne puisse pas vendre de l'énergie certifiée renouvelable en raison de son âge. Elle a été construite en 1993 et risque de ne pas être admissible parce que la norme date de 1998. Cependant, c'est une usine auxiliaire dont nous vendons la production.

Le sénateur Segal : Je veux comprendre le cycle de la biomasse en tant que personne s'intéressant au bois d'œuvre, aux autres usages du bois et à l'industrie forestière. Êtes-vous en train de nous dire que les usines font un travail utile parce que, tant qu'à remplacer les poteaux de téléphone en bois par quelque chose d'autre — ce que notre comité n'approuverait jamais —, aussi bien se servir de ces poteaux comme matière première utile? Les vieux poteaux acquièrent de la valeur, tout comme les résidus de sciage, notamment l'écorce et la sciure, ce qui est avantageux pour l'industrie, parce que vous êtes prêts à payer un bon prix pour cette matière et vous la transformez en produit à valeur ajoutée au moyen de votre technologie. C'est bien exact?

M. Lail : C'est exact.

Le sénateur Segal : Donc, vous partez de la prémisse que la biomasse est renouvelable à l'infini. Peu importe les prélèvements faits ou la matière retournée dans la biomasse, il y aura toujours plus de biomasse pour alimenter vos usines. Nous n'avons pas à craindre de nous réveiller un matin avec une pénurie de matière issue de la biomasse parce que vous et les autres acteurs de l'industrie remporteriez un tel succès que vous seriez en train de consommer toute la biomasse. Il n'y a pas de raison d'avoir peur, si je comprends bien ce que vous dites.

M. Lail : Nos deux usines de transformation de la biomasse dépendent de l'industrie forestière. Elles ne seraient pas rentables s'il fallait que nous coupions des arbres, que nous les réduisions en copeaux, puis que nous les brûlions.

Le sénateur Segal : Je vois.

M. Lail : De plus, comme je l'ai dit, l'utilisation de la biomasse est considérée comme neutre en carbone, car on tient pour acquis qu'elle s'accompagne de pratiques d'exploitation forestière viables, c'est-à-dire que les arbres coupés finissent par être remplacés.

Le sénateur Segal : Si je comprends bien, la biomasse aurait été brûlée sans raison si vous ne l'aviez pas utilisée.

M. Lail : C'est exact.

Le président : Oui, c'est une ressource renouvelable tant que les plantations sont adéquates et que la sylviculture est effectuée correctement. Certains des sénateurs à la table ont même déjà planté des arbres. C'est une ressource renouvelable, du moins si nous désirons tous accroître notre ressource forestière de façon durable.

Le sénateur Mahovlich : Vous avez parlé des parcs d'éoliennes. Quelle province canadienne est chef de file à cet égard?

M. Lail : Ce serait l'Ontario.

Le sénateur Segal : Nul besoin de prendre cet air contrit. Vous avez le droit de dire du bien de l'Ontario. Nous ne mettrons pas les drapeaux en berne si vous parlez favorablement de l'Ontario.

Le sénateur Mahovlich : Les Ontariens peuvent-ils s'attendre à payer moins pour leur électricité à l'avenir?

M. Lail : Je viens de la Colombie-Britannique et je ne peux pas parler de l'Ontario. Toutefois, je peux vous dire que...

Le sénateur Mahovlich : Si le gouvernement veut investir de l'argent, il doit l'investir dans un projet dont la population pourra bénéficier.

Le sénateur Plett : Il y a des gens ailleurs qu'en Ontario, sénateur.

Le sénateur Mahovlich : C'est le problème. Nous exportons sans cesse. Si le Canada était l'Ontario, tout irait bien.

J'ai lu que, dans le cas de la fabrication de biocarburant de type éthanol, la canne à sucre cultivée au Brésil donne un rendement de 4 500 à 5 500 litres d'éthanol par hectare. Le maïs cultivé aux États-Unis donne un rendement d'environ 3 800 litres par hectare. Quel est le rendement des arbres à croissance rapide au Canada en litres de biocarburant par hectare?

M. Chornet : Malheureusement, je ne peux pas répondre à cette question puisque nous ne travaillons pas en agriculture. Notre rendement n'est pas calculé en fonction d'hectares, mais plutôt en tonnes métriques de matière première.

La canne à sucre a une concentration en sucres supérieure à celle du maïs et possède un rendement d'environ 500 litres par tonne métrique sèche. Le rendement du maïs, quant à lui, est d'environ 400 litres par tonne sèche. Grâce aux nouvelles technologies que nous utilisons, le bois obtient un rendement d'environ 380 litres par tonne sèche, ce qui se rapproche de celui du maïs. Cela étant dit, il est vrai que le rendement du bois n'est pas aussi bon, mais il coûte 50 $ par tonne sèche tandis que le maïs coûte environ 250 $. Si l'on fait la conversion, on s'aperçoit que chaque dollar dépensé pour le bois obtient un meilleur rendement.

Le sénateur Mahovlich : À l'heure actuelle, la côte du golfe du Mexique est aux prises avec un problème. Le gouvernement des États-Unis n'a pas fait preuve de diligence raisonnable envers les gens qui y vivent en ce qui concerne la surveillance des sociétés pétrolières. Croyez-vous que notre gouvernement fait du bon travail en matière de surveillance et de reboisement de nos forêts?

M. Chornet : Malheureusement, puisque je ne suis pas spécialiste de la gestion des ressources forestières, je ne peux pas répondre à cette question.

M. Lail : Je travaille dans l'industrie énergétique.

Le sénateur Mahovlich : Nous devons surveiller nos forêts. Je sais qu'un grand nombre d'entreprises exportent des granules de bois en Chine et en Europe. Que nous restera-t-il? C'est un problème.

M. Lail : C'est une bonne observation.

Le sénateur Fairbairn : Vos propos m'ont captivée. Je viens de l'Alberta et je suis très intéressée par votre usine de compostage dans la région d'Edmonton.

De toute évidence, votre projet a bien fonctionné. Avez-vous envisagé le secteur montagneux dans le Sud de l'Alberta? Pour l'instant, ce n'est pas l'endroit le plus accueillant sur terre en raison de la neige, de la glace et du vent. Toutefois, cette région regorge d'arbres et de rivières. Seriez-vous intéressé par le Sud de l'Alberta, qui foisonne de grandes forêts?

M. Chornet : Malheureusement, nous n'avons pas examiné la géographie de cette région. Nous sommes très actifs à Rimbey, à Edmonton, de même que près de Red Deer. Nous devons aussi être situés près de raffineries, qui, au fond, sont nos clients puisqu'elles mélangent notre éthanol. Pour l'instant, le Sud de l'Alberta n'a pas éveillé notre intérêt. Toutefois, nous sommes en plein développement et évaluons la possibilité de mener des activités peut-être dans le Sud de la province, dans le cadre desquelles nous ferions affaire avec des raffineries dans le Nord ainsi qu'au Montana.

Le sénateur Fairbairn : Il y a aussi beaucoup de pétrole et de gaz naturel dans le Sud.

M. Chornet : Tout à fait, et nous aimerions aussi combiner nos projets avec la prospection de gaz.

Nous sommes une petite entreprise en croissance. Pendant que nous consolidons nos activités commerciales à Edmonton — nous voulons nous assurer de conserver ce marché —, nous commencerons assurément aussi à évaluer le Sud de l'Alberta.

Le sénateur Fairbairn : Je suis heureuse de l'entendre. C'est un endroit dynamique. Calgary se trouve au pied des montagnes.

M. Chornet : Nous avons aussi discuté avec le service d'enfouissement des déchets à Calgary.

Le sénateur Plett : En passant, j'ai hâte de vous rencontrer au Nouveau-Brunswick au cours de la fin de semaine. Il ne faudrait absolument pas que nous oubliions de réclamer les quatre sous et demi qu'Irving me doit pour l'arbre que j'ai planté. Les intérêts ont peut-être même déjà commencé à s'accumuler.

Monsieur Lail, vous avez mentionné le nombre de mégawatts d'électricité que votre centrale produit à Williams Lake. Je ne connais pas grand-chose à ce sujet. Dites-moi plutôt à quelle proportion de la Colombie-Britannique vous fournissez de l'énergie.

M. Lail : La Colombie-Britannique utilise environ 55 000 gigawattheures par année. Nous lui en fournissons 500, ce qui représente une très petite portion de la consommation énergétique totale de la province.

Le sénateur Plett : Vous avez aussi mentionné que vous utilisez différents produits, comme l'écorce, la sciure de bois et les rabotures. Il y a quelques semaines, j'ai demandé à un témoin si, dans sa centrale, il pouvait passer d'un produit à l'autre sans modifier quoi que ce soit. Il nous a répondu que ses installations ne le lui permettaient pas. Dans votre cas, devez-vous modifier vos installations si vous manquez d'écorce et que vous voulez utiliser de la sciure de bois? La procédure est-elle complexe, ou bien pouvez-vous littéralement utiliser l'ensemble de ces produits en tout temps?

M. Lail : À l'heure actuelle, nous nous servons de tous ces produits combinés. Si seule la sciure de bois était utilisée, il faudrait alors apporter quelques modifications au matériel de manutention pour utiliser un autre matériau.

Le sénateur Plett : Qu'est-ce qu'un four wigwam?

M. Lail : C'est un peu comme un brûleur en forme de tipi ou comme une sorte de nid d'abeille, dans lequel tous les déchets ligneux sont jetés et brûlés. La fumée dégagée s'échappe par le sommet.

Le sénateur Mercer : Cette énergie n'est pas utilisée?

M. Lail : L'énergie est utilisée. Elle sert parfois à sécher le bois d'œuvre. Ces fours ne sont pas courants en Colombie- Britannique. Il n'y en a aucun à Williams Lake, ni à Prince George, ni à Quesnel. Il y en a peut-être un à 100 Mile House et dans quelques autres petites communautés. Puisqu'ils sont plutôt néfastes pour la qualité de l'air, le gouvernement est en train de les éliminer progressivement.

Le sénateur Mercer : Vous nous avez tous les deux dit le nombre d'employés de vos entreprises respectives, soit 75 et 1 100. J'aimerais analyser davantage ces chiffres. Combien de gens travaillent en ingénierie par rapport au nombre de travailleurs affectés à la récupération du bois et des matières premières, un domaine dans lequel des emplois peuvent être créés rapidement?

M. Lail : Nous employons 1 100 personnes en Amérique du Nord, qui exploitent des centrales thermiques alimentées au charbon, des parcs d'éoliennes, des centrales hydroélectriques, des centres de tri et ainsi de suite. Nos installations de Williams Lake, qui produisent 65 mégawatts, emploient 30 personnes à temps plein de façon permanente. Nous avons un directeur général, deux employés de soutien et trois ingénieurs. Les autres sont des gens de métier très qualifiés qui exploitent la centrale, comme des mécaniciens d'outillage qui assurent l'entretien et des contrôleurs de système qui gèrent la production.

Le sénateur Mercer : Qui récolte les produits du bois?

M. Lail : En plus, nous avons une entreprise de camionnage pour transporter la matière première, qui emploie au moins 10 personnes, notamment des chauffeurs. À l'heure actuelle, la majeure partie de notre matière première, soit l'écorce, la sciure de bois et les rabotures, provient de scieries. En principe, les scieries n'emploient personne pour s'occuper exclusivement des matières premières. Toutefois, en amont de la chaîne d'approvisionnement se trouvent notamment des ouvriers forestiers et des camionneurs.

Par exemple, en Ontario, nous cherchons à obtenir des droits de coupe et un permis pour la récupération des débris de l'exploitation du bois en bordure de route. Selon notre évaluation, si ce permis nous est accordé pour produire une partie de notre combustible, au moins 25 emplois de plus seront créés. En prenant ce chiffre et en se basant sur un facteur de multiplication de 2,5, on peut évaluer les retombées que cela aura pour la collectivité.

Le sénateur Mercer : J'essaie de plaider en faveur du concept global. On doit aussi considérer le nombre d'emplois que vous préservez, parce que les scieries sont assez rentables pour maintenir leurs activités dans un marché où elles ne vendent pas bon nombre de leurs autres produits.

M. Chornet : Nos calculs sont beaucoup plus simples. Il y a 20 employés au siège social à Montréal. Il y en a 40 au bureau technique à Sherbrooke, soit environ 30 ingénieurs des procédés de fabrication et 10 chercheurs. Cela donne un total de 60 employés. Il y a 15 opérateurs des installations à l'usine de Westbury dans les Cantons de l'Est, au Québec. Nous sommes rendus à 75. Nous engageons 30 nouveaux opérateurs à Edmonton en 2011. Nous engagerons aussi 30 employés au Mississippi en 2011. Donc, à la fin de 2011, avec les employés au Mississippi, l'entreprise comptera environ 140 employés. Il y a trois ans, nous étions 10.

Le Sénateur Mercer : Vous avez vaguement mentionné le problème des raffineries de Montréal. Il me semble que ce soit une chance à saisir plutôt qu'un problème, parce qu'il y aura des ingénieurs chimistes en recherche d'emploi qui ne le sont peut-être pas en ce moment. J'imagine que la concurrence pour obtenir leurs services est légèrement plus féroce à Edmonton qu'elle ne peut l'être à Sherbrooke.

M. Chornet : Oui, c'est une chance à saisir.

Le sénateur Mercer : Ma dernière question nous ramène à la conversation sur la paille. Parlions-nous de paille ou de panic raide? Il y a une différence entre les deux. Le gros avantage du panic raide, c'est qu'on le sème une fois chaque 10 ans. Il pousse tout seul. Pour un agriculteur, une culture qui pousse chaque année pendant 10 ans, c'est excellent.

M. Chornet : Notre entreprise utilise la paille, en fait l'excédent de paille.

Le sénateur Mercer : N'avez-vous pas étudié la possibilité d'utiliser le panic raide, qu'on trouve en abondance en Saskatchewan et dans certaines régions de l'Alberta?

M. Chornet : Nous ne l'avons pas fait pour le moment. Je vais vous donner la même réponse que j'ai donnée à une question sur le sud de l'Alberta. Il y a une limite à ce que nous pouvons faire, mais je connais l'existence de cette matière première. Elle est riche en carbone et mérite donc que nous nous y intéressions.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je vois, Mme Labrie, que vous êtes vice-présidente et responsable des affaires gouvernementales. Si vous n'êtes pas à l'aise avec la question qui me brûle les lèvres, vous n'êtes pas obligée de répondre.

Dans une vie antérieure, il y a une quinzaine d'années, j'ai eu la chance d'être président de la Communauté urbaine de Québec. Nous avions un incinérateur régional et je n'ose pas vous dire tous les problèmes que nous avions avec Environnement Québec. On avait l'impression qu'ils agissaient comme un empêcheur de tourner en rond et non comme un facilitateur.

Nous fabriquions de la vapeur que l'on vendait à la papetière voisine et on a créé un projet pour valoriser les cendres produites par l'incinérateur. On voulait en faire du remplissage pour les routes, comme cela se fait régulièrement en France et dans d'autres pays européens.

À cette époque, je trouvais qu'Environnement Québec était un empêcheur de tourner en rond. Vous-mêmes, avez- vous l'impression qu'Environnement Québec supporte vos projets ou si, au contraire, il y a tellement de contraintes et de barrières que c'est presque décourageant?

Mme Labrie : Je dirais qu'on a de bonnes relations avec eux. Par contre, les problèmes qu'on rencontre parfois sont au niveau des réglementations. Souvent, elles ont été créées il y a plusieurs années et les nouvelles technologies, finalement, ne correspondent pas vraiment. Nous, par exemple, qui sommes à moitié dans le secteur du déchet et la moitié dans la bioénergie, nous devons travailler fort pour leur présenter ce que l'on fait et ainsi adapter certaines réglementations, parce qu'on sent que nous n'avons pas de place, que rien ne correspond vraiment à ce que l'on fait. À ce moment-là, il faut être plus proactif et avoir des gens qui ont une vision. Le seul problème que l'on rencontre, c'est que la réglementation n'est pas adaptée aux nouvelles technologies comme les nôtres.

Le sénateur Rivard : Avez-vous le même problème dans les autres provinces? Devez-vous toujours convaincre les gens que votre technologie est à jour et que vous contribuez à améliorer la qualité de l'environnement?

Mme Labrie : Je suis souvent aux États-Unis et il n'y a pas vraiment de problème, à part peut-être qu'on se sent un peu comme étant un autre animal. Il faut à l'occasion travailler pour faire comprendre que, par exemple, la matière résiduelle urbaine est aussi une biomasse renouvelable. Aux États-Unis, ils ont reconnu la production de biocarburant, donc il y a du recyclage qui se fait et c'est une biomasse considérée renouvelable.

À Edmonton, aucun problème n'est survenu non plus au niveau de la règlementation, pour avoir notre permis. Je dirais qu'en général, les gens sont ouverts. On présente toutes nos données environnementales, les résultats de nos analyses de cycle de vie qui démontrent que la réduction de gaz à effet de serre est très grande, que souvent nos résultats sont autour de 80 p. cent de réduction de gaz à effet de serre par rapport au pétrole; ils voient le bénéfice environnemental.

Il n'y a pas de cheminée dans notre procédé, tout se fait en vase clos, mais souvent, parce qu'on n'avait pas pensé qu'on pouvait produire un éthanol, par exemple, à base de matières résiduelles, il faut adapter les réglementations.

Le sénateur Rivard : En conclusion, ce sont plutôt des facilitateurs que des empêcheurs de tourner en rond?

Mme Labrie : Souvent, il faut travailler fort avec eux, parce que, justement, notre situation ne peut s'insérer dans aucune des cases, donc cela demande du temps pour expliquer où l'on s'en va. Mais en général, je vous dirais que les gens perçoivent les bénéfices environnementaux.

M. Chornet : Si vous me permettez, il n'y a pas de problème — je vais utiliser un mot dur — religieux, comme vous avez peut-être vécu il y a 15 ans. La société a évolué et les fonctionnaires qui travaillent dans des projets comme les nôtres ont aussi évolué. Par contre, la règlementation n'est pas encore adaptée à des technologies aussi avancées que les nôtres. C'est un problème.

Le sénateur Rivard : Merci beaucoup et bonne chance.

[Traduction]

Le président : En ce qui concerne la matière première, pourriez-vous nous dire quel pourcentage provient des terres privées et quel pourcentage provient des terres publiques, et quelle est la proportion de feuillus par rapport aux conifères?

M. Lail : La quasi-totalité du combustible en provenance des scieries provient des terres publiques et se compose presque exclusivement de conifères.

M. Chornet : C'est la même réponse. La gestion des ressources forestières est ainsi organisée en ce moment, de même que les entreprises de pâtes et papiers. Il y a des terres à bois privées dans les Cantons de l'Est, au Québec, mais nous n'avons pas conclu d'ententes avec des particuliers pour le moment.

Le président : Les propriétaires de terres à bois privées pourraient-ils devenir des fournisseurs? La carte forestière du Canada se divise grosso modo en trois : un tiers appartient au gouvernement, un tiers appartient à des particuliers et un tiers appartient à de grandes entreprises.

M. Chornet : Nous ne sommes pas aussi enclins à faire affaires avec des particuliers qu'avec le gouvernement, parce qu'ils auraient de la difficulté à garantir des ententes d'approvisionnement à long terme. Autrement dit, ils n'ont pas le bilan financier dont le gouvernement dispose pour garantir les ententes.

Le président : Des témoins précédents nous ont parlé de la valeur ajoutée de la biomasse, par exemple, les granules ainsi que l'autre élément de la granule, le bois torréfié.

[Français]

Monsieur Chornet, j'aurais une question qui touche le domaine du bois torréfié. La torréfaction pour la production d'énergie ou pour vous aider à vous alimenter est-elle une valeur ajoutée?

M. Chornet : Dans notre cas, on ne voudrait ni torréfier la matière première ni la transformer en granules, à cause du coût additionnel de transformation. On préférerait recevoir le bois résiduel, simplement le déchiqueter et le transformer en alcool, éthanol ou en produits chimiques.

[Traduction]

M. Lail : Dans la chaîne de valeur, on prend la sciure et les copeaux de bois pour en faire des granules. Ensuite, ces granules de bois sont brûlées pour produire de la chaleur, qui, à son tour, produit de l'électricité. Il y a donc une étape de fabrication avant d'être en mesure de produire de l'électricité.

Dans notre entreprise, nous mettons les déchets de bois directement dans la chaudière pour produire de l'électricité. Nous sautons l'étape de la fabrication des granules. Du point de vue de la valeur ajoutée, la production locale d'électricité, est préférable, selon moi, à la fabrication de granules.

Le président : Je vais vous poser une question sur la recherche et le développement que nous avons posée à d'autres témoins. Je vais d'abord m'adresser à M. Chornet.

[Français]

Du côté de la recherche et développement durable pour permettre la valeur ajoutée et/ou le biocarburant, y aurait-il des améliorations? Avez-vous des suggestions à présenter au comité pour encourager les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral? Parce que, avec la situation économique nous avons dans le secteur de la foresterie présentement, pouvons-nous réussir aujourd'hui à regrouper autour de la table tous les intervenants?

Donc, pouvez-vous partager avec nous, en quelques minutes, ce que vous recommanderiez aux gouvernements pour la recherche et le développement dans le but d'assurer un développement durable dans le domaine du biocarburant?

M. Chornet : C'est une excellente question. Je pense qu'il faut d'abord et avant tout maintenir le programme de crédits à la recherche et développement.

Nous avons un programme très compétitif au Canada. On s'en est servi. Sans ce programme, je ne serais pas ici aujourd'hui. Nous avons au Canada un défi que d'autres pays ont aussi. Je ne sais pas s'ils sont mieux organisés que nous après l'étape de la recherche et du développement fondamental; ce qu'on appelle en anglais the valley of death qui est l'intérim entre la recherche fondamentale et les premières usines commerciales.

J'ai fondé une compagnie à partir de zéro et j'ai dû me diluer à outrance pour faire entrer des fonds privés, des fonds de pension, des fonds de capitaux de risque pour financer cette étape intermédiaire qui est clé, qui est la première usine de démonstration de taille industrielle. Donc, passé l'étape de la recherche et du projet pilote. Nous serions motivés à investir avec des papetières dans un projet de démonstration important. On peut parler de projets de démonstration de 25, 50 ou 75 millions de dollars qui pourraient démontrer la viabilité de la transformation d'une papetière complète vers du biocarburant, mais on ne le ferait que s'il y avait un crédit d'impôt par exemple. Si, pour chaque dollar que nous investissions, le gouvernement investissait un dollar.

Encore une fois, dans cette étape de démonstration, il y a un manque et de jeunes compagnies doivent aller sur le marché financier et se diluer à outrance et franchement, une seule sur 20 réussit.

[Traduction]

M. Lail : Nous sommes principalement une société commerciale. La recherche et le développement ne se font pas à l'interne. Cependant, j'ai deux ou trois suggestions concernant la réglementation sur les forêts et la manière dont l'industrie est gérée.

D'abord, les entreprises forestières devraient faire une utilisation accrue de la fibre et l'on devrait aussi ouvrir la porte à la production d'énergie à partir de la biomasse afin que rien ne soit perdu. Ainsi, les billots de qualité qui peuvent être transformés en bois d'œuvre ou en produits de haute qualité devraient être acheminés aux scieries. Les troncs qui ne peuvent servir à cette fin ou ne sont pas commercialisables devraient être utilisés pour produire de la bioénergie. Pour garantir un approvisionnement stable et à long terme de combustible aux centrales bioénergétique, ces centrales devraient se voir accorder des permis à long terme pour la récupération de bois.

Ensuite, la bioénergie est une énergie verte. Au Canada, nous devrions encourager davantage l'utilisation d'un marché de crédits d'émission de gaz à effet de serre et de crédits d'énergie renouvelable. De plus, on doit également effectuer des recherches pour mieux gérer les imposants tas de biomasses à cause du risque d'incendie. Des recherches sur le sujet sont en cours à l'Université de la Colombie-Britannique et dans d'autres universités.

[Français]

Avant de conclure, avez-vous des commentaires personnels à nous communiquer? Monsieur Shornet et monsieur Lail?

[Traduction]

M. Chornet : Je remercie le comité de m'avoir donné l'occasion de faire un exposé. J'espère que cela vous aidera dans votre étude.

M. Lail : Je remercie le comité de nous avoir donné la possibilité de participer à cette discussion. J'en ai probablement appris plus aujourd'hui que ce que je peux vous avoir appris.

(La séance est levée.)


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