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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 6 - Témoignages du 3 juin 2010


OTTAWA, le jeudi 3 juin 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 4 afin d'étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue chers collègues et témoins. Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler et je viens du Nouveau-Brunswick.

Ce matin, nous entendrons des témoins de quatre organisations : Nicolas Mainville, de Greenpeace; Trevor Hesselink, de la Société pour la nature et les parcs du Canada; William Sammons, d'EcoLaw; et Emma Cane, du Sierra Club.

[Français]

Merci d'avoir accepté notre invitation, chers témoins. Votre présence, ce matin, est très importante.

Le comité continue son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada en se concentrant particulièrement sur la biomasse.

[Traduction]

Avant d'inviter les témoins à faire leurs exposés, je vais demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Mercer : Je m'appelle Terry Mercer et je suis de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je suis Fernand Robichaud du Nouveau-Brunswick

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Je m'appelle Frank Mahovlich et je suis de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Bonjour, je m'appelle Don Plett et je suis du Manitoba.

Le sénateur Eaton : Bonjour et merci de vous être déplacés. Je m'appelle Nichole Eaton et je suis de l'Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Kochhar : Vim Kochhar, de l'Ontario, et je remplace aujourd'hui le sénateur Michael Duffy.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je suis Michel Rivard de la province de Québec.

[Traduction]

Le président : Merci, sénateurs.

Nos témoins ont remis des copies de leurs exposés à la greffière du comité. Comme ils sont dans une seule langue, j'ai besoin de votre accord pour les faire distribuer au comité.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, je veux m'assurer, par contre, qu'une traduction de ces documents nous sera transmise par la suite.

Le Président : Mme la greffière, veillez à ce que ces documents soient traduits.

[Traduction]

Nous commencerons les exposés par M. Mainville et entendrons ensuite M. Hesselink, le Dr Sammons et Mme Cane. Après les exposés, les sénateurs poseront des questions.

Monsieur Mainville, je vous en prie.

[Français]

Nicolas Mainville, responsable, Campagne forêt, Greenpeace : Avant de commencer, je tiens à souligner que l'organisation de ma présentation s'est faite un peu à la dernière minute, mais je vous transmettrai électroniquement un document qui résume mon propos en français.

Je suis très heureux d'être ici ce matin pour vous parler de biomasse, un dossier chaud qui nous préoccupe puisque, cet enjeu fait l'objet d'un engouement certain.

Je suis biologiste et j'ai une maîtrise en science de l'environnement. Je m'intéresse surtout à ce qui se passe en forêt.

Je vais vous entretenir sur les préoccupations de Greenpeace concernant l'enjeu de la biomasse forestière et les solutions entrevues dans cette filière en croissance marquée.

Premièrement, je crois important de clarifier le concept de la biomasse forestière. On en entend beaucoup parler, mais nous avons constaté certaines confusions à son sujet. Pour ce faire, j'attire donc votre attention sur les programmes provinciaux et plus particulièrement sur le programme du Québec de 2008 qui nous dit, en fait, que la biomasse forestière est à peu près tout ce qui pousse en forêt, donc les arbres commerciaux non récoltés, les arbres non commerciaux, les arbres brûlés partiellement, les arbres affectés par les épidémies d'insectes et les résidus forestiers. Tout cela fait partie de la grande famille de la biomasse en forêt. Il y a évidemment les résidus à l'usine aussi. C'est la panoplie de produits qu'on peut aller chercher.

Il faut comprendre que la coupe dédiée à l'exploitation de la biomasse, c'est-à-dire récolter des arbres, les transformer en copeaux et les brûler, a un impact direct sur la forêt.

Nous voulons absolument attirer votre attention sur le fait que la biomasse, en partant, n'est pas un résidu, comme on l'appelle souvent. Le résidu, comme tel, se compose de restants de branches laissés sur le parterre de coupe. C'est l'engrais de nos forêts, il ne faut jamais l'oublier. On ne parle pas d'hydrocarbure, par exemple, ni de charbon emprisonné dans le sol depuis des millions d'années, on parle d'un écosystème qui produit dans la matière ligneuse, de la biomasse vivante sur laquelle toutes sortes d'organismes dépendent pour survivre. Cette interaction est extrêmement importante à considérer.

Si on parle de produire de l'énergie avec quelque chose de vivant, on parle directement d'impact sur la vie. Ces impacts sont majeurs. J'attire votre attention sur le premier et non le moindre : les sols forestiers. Lorsqu'on extrait de la biomasse, lorsqu'on coupe la forêt, lorsqu'on retire la matière ligneuse en forêt, on a un impact sur les sols et surtout sur leur acidité. La fonction chimique de la biomasse, lorsque laissée au sol, est d'agir comme tampon et ainsi diminuer l'acidité.

Nous sommes tous au fait du problème des pluies acides depuis longtemps. C'est un enjeu qui s'est amélioré avec le temps, par contre il est encore présent dans le sud du Québec et de l'Ontario. Lorsqu'on retire la biomasse de la forêt, on augmente l'acidité des sols et on hypothèque la productivité de nos forêts à long terme. Nous devons nous en souvenir.

Le deuxième point : l'enjeu du carbone. On en parle beaucoup. Les préoccupations climatiques sont majeures. On considère la biomasse comme une solution verte souvent considérée carboneutre. Vous allez entendre cette expression magique, la carboneutralité, mais c'est malheureusement un mythe. Que ce soient des branches, des troncs, des arbres entiers, des arbustes ou des feuilles, ce que vous allez prendre et brûler pour produire de l'énergie ne sera jamais carboneutre. Il s'agit d'un mythe et il doit disparaître.

Lorsqu'on retire et transporte la matière ligneuse en forêt pour construire des chemins, lorsqu'on la sèche et qu'on en utilise l'énergie pour la transformer, la brûler, l'écosystème prend 60, 70, 90 ans avant de capter à nouveau le carbone en repoussant.

Vous comprenez le cycle du carbone : on coupe les arbres, on les brûle, on émet ce carbone dans l'atmosphère et, le temps de repousser, les arbres vont recapter ce carbone avec la photosynthèse. Par paresse intellectuelle, ce processus est considéré comme de l'énergie renouvelable, comme un cycle neutre. Dans la réalité, nous devons tenir compte de la quantité d'énergie utilisée pour alimenter une usine de cogénération, par exemple, qui va brûler 10, 15, 20, 18 roues de biomasse par jour pour transporter cette matière, la sécher et la brûler. Les sols impactés et la forêt, pendant la période d'exploitation, vont émettre ce carbone jusqu'à ce que la forêt redevienne productive. Cet enjeu, selon moi, est extrêmement important.

S'il y a une chose qui préoccupe Greenpeace, c'est bien l'absence du principe de précaution pour l'instant. À ce sujet, nous nous devons de tirer des leçons de l'engouement pour les agrocarburants. Le projet de loi C-33 avait ouvert la voie à l'utilisation de l'éthanol, surtout maïs-grain, à des fins de production énergétique. On connaît maintenant l'empreinte écologique de l'utilisation des agrocarburants ainsi que l'impact sur la montée des prix au niveau mondial et la crise alimentaire associée à cela. Nous devons, comme société, réfléchir sérieusement à l'impact de l'utilisation massive de la biomasse, entre autres lorsqu'on projette de convertir des usines au charbon vers la biomasse.

La biomasse est utilisée en ce moment. Une utilisation intelligente peut en être faite. Lorsqu'on regarde les programmes provinciaux actuellement, on conclut à un dérapage environnemental majeur. Cependant, des moyens peuvent être pris pour éviter cela. Des limites de récolte pourraient être imposées, par exemple, ce qui n'est pas le cas actuellement. Les limites de récolte, pour l'instant, sont fixées par la mécanique des machines qui n'arrivent pas à ramasser l'ensemble de la biomasse, ce qui laisse donc sur place environ 30 p. cent de la biomasse. Selon Greenpeace, ce n'est pas acceptable.

Nous devons conserver beaucoup plus de biomasse pour permettre la régénération de la forêt. Et si on ne veut pas de dérapage environnemental, il faut favoriser une utilisation intelligente de cette matière première très valorisable. Au Québec actuellement, puisque le secteur forestier est fortement subventionné, on ne fixe pas de prix minimal à la biomasse. C'est l'offre et la demande qui fixe les prix.

Et puisque la demande est encore relativement faible comparativement à l'offre, cette biomasse importante pour la forêt risque d'être offerte à des prix très bas durant de nombreuses années, alors qu'on parle de terres publiques productives et d'une denrée susceptible d'apporter des retombées économiques majeures.

En ce qui concerne l'image de l'industrie forestière, une entente sur trois ans a été conclue entre les principaux groupes environnementaux canadiens et 21 grandes compagnies. Cette entente a pour but de promouvoir la conservation de la forêt boréale canadienne et d'améliorer les pratiques forestières.

Il faut comprendre qu'un projet de société qui viserait à prendre du bois en forêt pour produire de l'énergie suscite des questions. Est-ce vraiment la voie à suivre? Faut-il vraiment faire de l'exploitation massive de nos forêts pour produire de l'énergie?

Rappelons-nous que le bois a été la première source d'énergie de l'humanité et faire une utilisation à grande échelle de la biomasse ne relève pas du futur, mais bien de la Préhistoire. Il faut garder à l'esprit que le bois n'est pas une source d'énergie efficace. Le bois est une énergie très dense en eau et en composantes autres que le carbone recherché pour produire de l'énergie.

Au Québec et au Canada, il existe plusieurs alternatives pour produire de l'énergie et pour l'instant, celle de la biomasse n'est intéressante que pour quelques projets, entre autres pour la conversion de systèmes de chauffage des institutions qui utilisent le mazout. C'est une alternative intéressante puisque la biomasse peut compenser pour l'utilisation d'hydrocarbures.

Il faut dire oui aux systèmes de chauffage à petite échelle et aux coopératives forestières. Toutefois, selon Greenpeace, la production d'électricité à grande échelle avec la biomasse est un non-sens du point de vue climatique et écologique. Selon nous, c'est un drapeau qu'il faut lever puisque d'un point de vue environnemental, la production d'électricité avec la biomasse n'est pas une avenue prometteuse et il est important de réfléchir à la question.

Des programmes de production d'électricité nouvelle avec la biomasse ont été mis sur pied au Canada. Au Québec entre autres, on parle d'une production de 125 mégawatts d'électricité nouvelle dans un système où 97 p. 100 de l'électricité produite au Québec provient de l'hydroélectricité, énergie particulièrement propre en termes d'émissions de gaz à effet de serre.

Pourquoi se lancer dans une production qui va émettre énormément de gaz à effet de serre et qui, éventuellement, aura des répercussions majeures sur la forêt alors qu'il existe des alternatives beaucoup plus prometteuses? Suite à une analyse complète du cycle de vie de la biomasse, il faut s'interroger sur l'empreinte écologique de la biomasse en termes carbonique et son impact sur les sols, sur la biodiversité et sur le rythme de la forêt.

Je vous rappelle que cette forêt est essoufflée, qu'elle a été exploitée de façon intensive au cours des dernières décennies. Il importe donc de se demander si on veut vraiment se lancer dans une exploitation à grande échelle.

[Traduction]

Trevor Hesselink, directeur, Programmes forestiers, Société pour la nature et les parcs du Canada : Merci beaucoup. Je m'exprimerai en anglais, mais j'aurais aimé être meilleur en français au secondaire.

Je vous ai fait remettre une de mes communications d'assez haut niveau qui est en fait une critique ou un point de vue sur la conservation, mais je n'envisage pas de trop rentrer dans ce genre de détails étant donné que je risquerais de recouper les propos de mon collègue, M. Mainville. Je dépose ce document pour votre information et considération ultérieure.

Je vais maintenant vous donner un bref exposé qui se veut une réponse à votre invitation d'examiner les pour et les contre des promesses que représente la biomasse. Ces promesses comportent des limitations — et M. Mainville vous en a signalé beaucoup — que nous devons respecter. On s'entend en général sur ce point, mais je vais m'efforcer d'aborder le sujet de façon un peu plus détaillée.

Je vais m'attarder à dégager les pour et les contre de l'utilisation de la biomasse et des biocarburants, comme vous nous y avez invités. Je suis généraliste et analyste de politiques de profession. Dès qu'on pose une question touchant à des programmes techniques, on se fait systématiquement répondre « C'est compliqué » ou « Ça dépend ». Les détails abondent et le domaine est complexe.

Dans cette sorte d'engouement généralisé pour la biomasse que M. Mainville a décrit, on voit se dessiner tout un éventail de projets à l'échelle du Canada qui vont de bons à très mauvais en passant par médiocres. Certains représentent une bonne utilisation de la filière, mais pas tous. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est dangereux d'affirmer que cette situation est toute noire ou toute blanche.

Afin de déterminer ce que doit être notre investissement, il faut séparer l'ivraie du bon grain. Pour cela, nous devons examiner de plus près le bien-fondé des projets proposés, autrement dit déterminer quelles parties de ce secteur méritent d'être financées.

Je vous propose d'examiner la question suivant quatre pistes : les sources, les applications, les effets et l'objet recherché. Je vais traiter de ces critères dans l'ordre énoncé.

Après mon survol, qui sera rapide, je vous laisserai une copie de mon exposé.

S'agissant des sources, il faut se demander d'où vient la biomasse forestière. C'est là une question importante. Dans le cas des prélèvements de haute intensité, on se heurte à toute une série de problèmes dont M. Mainville vous a parlé en grande partie. En revanche, si l'on part des niveaux de prélèvement actuels et des pratiques actuelles en sylviculture, il faut se rappeler qu'en de nombreux endroits, on a affaire à une première rotation culturale. Dans certaines régions du pays, ce sont des forêts primaires; ailleurs, ce sont des forêts de deuxième, voire de troisième génération. Pour ce qui est des rotations multiples, en foresterie, nous sommes loin de l'expérience acquise en agriculture. L'animal est différent. Jusqu'ici, les actuels niveaux de prélèvement ne se sont pas avérés durables parce qu'il faut longtemps pour qu'une forêt se régénère et le temps devient dès lors une considération importante.

Pour ce qui est de l'opposition entre l'exploitation de la biomasse et l'exploitation forestière conventionnelle, d'après les premières indications — et vous avez ici une photographie prise en Nouvelle-Écosse — on voit apparaître certaines pratiques forestières axées sur la biomasse. Pour l'instant, les entrepreneurs forestiers ont beaucoup à apprendre parce qu'ils n'ont pas une très grande expérience des pratiques durables. C'est une chose sur laquelle nous devrons garder un œil. La meilleure formule est celle de l'intégration, et l'expérience est riche d'enseignements.

Dans le même ordre d'idées, il y a un problème si l'on exploite la forêt en refaisant les erreurs commises en sylviculture, c'est-à-dire en remplaçant des conifères par des feuillus de piètre qualité. On se trompe si l'on estime qu'il s'agit là d'une pratique durable. Voulons-nous perpétrer les erreurs du passé le long de la chaîne d'approvisionnement?

Soyons plus positifs et, dans ce document, le comité a indiqué qu'entre autres possibilités l'idée de s'approvisionner en biomasse constituée par des déchets de scieries, suivant le modèle de l'intégration industrielle, retient beaucoup l'attention. Or, jusqu'ici, l'intégration avec la filière conventionnelle a été plutôt rare. Ce genre d'application pose beaucoup moins de problèmes que d'autres, à l'instar de l'utilisation des copeaux et d'autres techniques du genre qui mériteraient qu'on y ait davantage recours. Il faut aussi tenir compte des critères en matière de santé et autres, mais du point de vue des sources d'approvisionnement et de la perspective écologique, les pistes que j'ai énoncées sont préférables.

Les voyants passent au rouge dans le cas : des sources d'approvisionnement qui sont éloignées des applications projetées, à cause du transport nécessaire sur de longues distances; des sources pour lesquelles il existe de meilleurs usages ou des usages de plus grande valeur; et des sources qui sont éloignées de la forêt, que ce soit à cause de la fréquence ou des volumes importants des approvisionnements. Ce sont là des aspects à surveiller. Sur le graphique, on voit qu'il n'y a pas de problèmes relativement à ce dont je vous ai parlé.

Le deuxième critère est celui des applications. Comment envisage-t-on d'exploiter la biomasse de la forêt? Qui dit « application » dit utilisation éventuelle. Par exemple, la production de chaleur est plus intéressante que la production d'énergie. L'intensité de l'activité est un autre facteur important, surtout dans le cas des forêts à faible rendement. Les grands exploitants forestiers doivent aller très loin pour mettre la main sur d'importants volumes. Le volume, la distance et l'intensité sont des facteurs importants qui déterminent la viabilité de l'exploitation.

Un autre facteur est constitué par la relation qui existe entre l'application à envisager et la qualité des intrants. Par exemple, est-il question de prélever du bois de fût ou, au contraire, d'exploiter d'autres parties de l'arbre?

Faudra-t-il beaucoup d'énergie pour transformer la matière ligneuse en source d'énergie exploitable? Par exemple, une vingtaine de pour cent du granulé de bois, soit environ un cinquième de son volume, est constituée par les opérations de compression et de séchage. Vous pourrez me citer, mais je vous donnerai ma source.

Le rendement de la forêt source est également important. Plus vous vous éloignez vers le nord, plus le rendement de la forêt diminue et plus il y a de distance à couvrir pour alimenter la même unité d'application. Ce n'est pas négligeable. Au Canada, nous n'avons pas de forêts à haut rendement. Il faut longtemps aux arbres pour pousser et les écosystèmes n'emprisonnent le carbone que lentement. Il convient de ne pas négliger cela.

Ce graphique vous donne un éventail des efficacités en regard des différentes applications. Cela va d'un maximum de 75 p. 100 dans le cas de la production thermique à 20 p. 100 dans celui d'une centrale thermoélectrique de 20 mégawatts.

Pour ce qui est donc des applications, les voyants passent au rouge dans les cas suivants : forts volumes nécessaires; opérations centralisées très distantes des sources d'approvisionnement; fibre de haute qualité exigeant la coupe d'un bois de fût; forte consommation d'énergie à l'étape du traitement et production d'électricité peu efficace. C'est évidemment la situation inverse qu'on retrouve du côté positif, l'énergie thermique étant sans doute ici la plus intéressante.

Le troisième critère est celui des effets : quels sont les effets prévisibles? Ils sont une considération importante, car c'est à partir d'eux qu'on peut mieux évaluer les applications. La clé, c'est de prévoir les effets. Il faut bien sûr toujours tenir compte des coûts d'opportunité et des conséquences inattendues, mais nous disposons par ailleurs de nombreux outils pour prévoir les effets, outre que beaucoup d'entre eux sont analysés dans la documentation. En voici d'ailleurs certains : les écoservices; la valeur; les emplois; la biodiversité et le climat. La publication que je vous ai fait remettre examine ces différents aspects et des tas d'autres.

Il est important de pouvoir analyser les impacts cumulatifs dans le cas des écosystèmes parce qu'ils sont progressifs. Il est difficile de comprendre ces effets sans passer par une modélisation systémique.

L'autre filtre, c'est bien sûr celui du temps. La foresterie ne ressemble pas à l'agriculture en ce sens que la rotation peut être longue, surtout quand il s'agit d'une forêt primaire et, dans le cas de la forêt boréale, il peut falloir 150 ou 200 ans, voire davantage, pour qu'un arbre arrive à maturité.

On utilise des outils comme l'analyse du cycle de vie pour confirmer qu'il faut s'orienter dans le sens des énergies grises et de l'utilisation des produits du bois dans le bâtiment. C'est une façon à la fois utile et nécessaire d'aborder le problème au titre de la prise de décisions.

Il convient également d'effectuer de telles analyses du cycle de vie pour étudier les projets de production d'énergie à partir de la biomasse. Il est important de ne pas s'arrêter au simple concept de la carboneutralité et d'examiner les différentes transactions intervenant au niveau du CO2. Selon un récent article paru dans la revue Science, il serait beaucoup plus facile de compter les émissions d'un côté et de travailler sur les écosystèmes de l'autre. Ce serait là une façon honnête de régler le problème de la comptabilisation engendrée par le cadre de Kyoto qui est un cadre de comptabilité de convenance qui n'a rien de technique ou de scientifique.

Le dernier critère que j'ai mentionné correspond à une question : les effets que nous obtenons répondent-ils aux intérêts ou aux objectifs de la population à long terme? Nous avons en effet un devoir de longue échéance en matière d'intérêt public. Nous devons être conscients, dès le départ, que chacune de nos actions peut avoir des conséquences indésirables, peut induire des distorsions commerciales et avoir de nombreuses retombées. Pour appréhender la chose, il faut envisager une longue échelle chronologique s'étendant, par exemple, sur sept générations de gouvernance ou sur toute autre durée utile. Une telle échelle chronologique est non seulement appropriée, mais elle est aussi plus conforme à la durée de développement des forêts.

Sur le plan de la conception des politiques, l'importance de la notion d'avantages durables dérivés de la forêt se trouve au cœur du concept de la biomasse forestière. Que les avantages soient économiques, sociaux ou socioéconomiques, ils dépendent intrinsèquement de la durabilité écologique. Ce principe est important parce qu'il existe une séquence prioritaire dans le cas des trois pattes du tabouret du développement durable.

Il sera sans doute toujours intelligent de notre part de nous appuyer sur notre capital naturel et d'investir dans les forêts que nous exploitons à ce titre.

Ce graphique établit une comparaison entre les deux manières d'appréhender ces trois mêmes sphères et le raisonnement retenu dans cet exercice peut grandement changer la donne. Le graphique oppose la recherche de l'équilibre, la dépendance et le modèle dit d'écologie profonde. En pratique — car j'ai constaté ce qu'elle donne de visu en Ontario —, la solution d'équilibre risque d'estomper la nécessité d'accorder la priorité à la santé de l'écosystème. Cela étant, la transmission du capital naturel aux générations futures pourrait s'en trouver perturbée. Voilà un cadrage non négligeable.

On ne parlera jamais assez du temps qui est une des variables critiques.

Si l'on envisage tous ces projets de production d'énergie à partir de la biomasse, c'est qu'on veut atténuer les effets du changement climatique. Il est donc important de songer au temps dont on dispose. Deux grands constats s'imposent : notre atmosphère est déjà chargée en carbone et les écosystèmes terrestres souffrent. Nous disposons d'un créneau de 10 ans pour agir, ce qui n'est pas long. Il faut des centaines d'années à une forêt pour atteindre la maturité nécessaire au piégeage du carbone, soit bien plus que la fenêtre dont nous disposons.

Dans le même ordre d'idées, si l'on consomme la même quantité de CO2 pour produire de l'énergie par combustion que pour produire des deux par quatre ou autres, il faut prendre le temps en considération ainsi que le CO2 en regard du temps pour ce qui est du carbone entreposé, comme on peut le voir sur ce tableau du comité. La production d'énergie par combustion s'accompagne d'un coût d'opportunité. Voilà les éléments importants de ces analyses du cycle de vie.

Je résumerai en disant que nous pouvons nous appuyer sur ces quatre critères pour faire la distinction entre le bon, le mauvais et le médiocre. J'espère que mon exposé vous aura été utile et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur.

Notre prochain intervenant sera le Dr Sammons.

Le docteur William Sammons, EcoLaw : Bonjour et merci de m'avoir invité. J'ai passé une grande partie de mon enfance au Canada où j'ai fait de la planche à neige et où j'ai beaucoup pêché. Le médecin que je suis admire beaucoup votre système de santé. J'aurais aimé que notre Congrès s'y intéresse davantage au cours de la dernière année.

Je vais vous parler de la combustion de la biomasse dans des centrales électriques commerciales. Il faut voir dans la catastrophe de la mine de charbon Massey et dans l'actuel déversement de pétrole dans le golfe du Mexique, dont il a été question aux nouvelles, un sérieux avertissement : si nous ne tenons pas compte de ce genre de risques dans la formulation de nos politiques, les conséquences risquent d'être très fâcheuses.

L'une des choses qui évoluent très rapidement dans le monde médical, c'est le regard jeté sur les conséquences non négligeables des particules en suspension. La combustion de la biomasse produit énormément de particules de ce type et c'est d'ailleurs sur cet aspect que je me propose de m'arrêter aujourd'hui.

Les données que nous avons examinées au cours des deux dernières années font clairement ressortir que la combustion de la biomasse est plus polluante que celle du charbon par unité d'énergie produite en ce qui concerne la production de CO2 et de particules. Je vais vous montrer quelques chiffres à cet égard. Comme on vous l'a dit, la biomasse ne présente jamais de bilan neutre en carbone et on ne peut la retenir comme une solution valable au changement climatique.

Enfin, il convient de tenir compte des répercussions éventuelles de la biomasse sur la santé, tant au Canada qu'à l'étranger, à cause des émissions supplémentaires qu'elle représente, surtout des émissions de particules parce que ces répercussions ajoutent un coût externe secondaire dont il faut tenir compte dans la formulation des politiques.

Ce n'est là qu'un exemple de ce qui a été soumis à un certain nombre de comités, au Congrès américain et lors d'une série de rencontres avec l'EPA. Pour en arriver à ce tableau, il a d'abord fallu étudier les émissions de ces centrales. Je serai heureux de vous faire parvenir un agrandissement du tableau ainsi que les documents d'appui. Les têtes de colonnes en rouge représentent les données établies pour les trois usines qu'on envisage de construire au Massachusetts. Nous avons des chiffres comparables concernant une cinquantaine d'autres centrales aux États-Unis. Nous avons comparé ces projets de centrales avec la centrale au charbon de Boardman, dans l'Oregon, et avec PVEC, qui est une centrale au gaz naturel située au Massachusetts. La colonne de CO2 montre qu'en règle générale, la production de CO2 produite par mégawatt d'énergie est d'environ un tiers supérieure à celle d'une centrale à charbon. Ce n'est donc pas une énergie propre.

De plus, et c'est ce qui me désole davantage en tant que médecin, vous constaterez dans la colonne de droite qu'il est question d'émissions de particules et qu'on atteint un niveau supérieur de 186 p. 100 à celui d'une centrale au charbon. La quantité de particules rejetées par la centrale Palmer est inférieure parce qu'on y brûle des déchets de chantiers de démolition et que les contrôles imposés sont beaucoup plus stricts au Massachusetts qu'à la centrale thermique au bois.

J'anticipe une éventuelle question en vous précisant tout de suite que ces données ont été relevées quand tous les limiteurs de rejets étaient activés. Elles sont extraites des documents de la compagnie et ne sont donc pas le produit de calculs ou de modélisations. Ces données apparaissent dans les demandes de permis pour rejets atmosphériques les concernant et c'est le mieux, façon de parler, auquel on peut s'attendre.

Il faut préciser que les promoteurs de ces centrales ont moussé leurs projets en affirmant qu'ils allaient produire de l'énergie propre. J'espère que vous constaterez de vous-mêmes, d'après les données brutes sur les produits de combustion, que cette énergie est tout sauf propre.

Cela va constituer un problème d'envergure. J'ai voulu faire quelques recherches au Canada sur le nombre de centrales de ce type que vous envisageriez de construire, mais je n'ai mis la main sur aucune donnée ferme. D'après les prévisions du département de l'Énergie des États-Unis, si nous atteignons le niveau de 20 p. 100 d'énergie renouvelable en 2020, 60 p. 100 environ de cette énergie, censée être propre, verte, proviendra de la combustion de la biomasse. Au bas mot, cela générera plus de 700 millions de tonnes de CO2 par an. Le chiffre réel est d'environ 850 millions de tonnes de CO2.

Voilà un élément d'information fondamental. Je crois que ce constat s'applique également au Canada, même s'il y aura deux semaines demain que l'EPA a pris l'engagement de modifier sa politique. Les centrales qui brûlent de la biomasse peuvent déclarer qu'elles n'émettent pas de CO2. Tout le monde prétend que les émissions de CO2 seront nulles. Les États- Unis dépenseront plus de 100 milliards de dollars pour subventionner la construction de ces centrales dans les cinq prochaines années. Cependant, ce faisant, nous allons accélérer le changement climatique et aggraver le problème occasionné par les émissions de CO2. L'impact sur l'environnement sera considérable. On se rend compte que l'augmentation des niveaux de CO2 dans l'atmosphère a un effet cumulatif et aggravant pour la santé au chapitre de l'exposition aux particules et aux niveaux de l'ozone NOx.

En avril dernier, l'EPA a annoncé qu'il faudrait 30 ans pour que la moitié des émissions actuelles de CO2 soit absorbée. Il y a deux jeudis de cela, l'EPA parlait de 45 ans. En outre, il faudra des siècles pour séquestrer 30 p. 100 de ce CO2 et des milliers d'années pour les 20 p. 100 restants. Il ne nous reste que très peu de temps pour prendre les mesures nécessaires afin de contrer ce phénomène que ce soit dans nos politiques en santé ou dans nos politiques de lutte contre le changement climatique. D'ailleurs, quand on brûle du bois à une telle échelle pour produire de l'électricité commerciale, il faut s'attendre à ce que la durée de neutralisation du carbone soit de 200 ans, comme l'a écrit M. Hamburg dans un éditorial du New York Times de la semaine dernière. C'est lui qui a rédigé la première politique du GIEC, soit le modèle de comptabilisation de la biomasse.

Même si les émissions de dioxyde de carbone produites par la combustion du bois sont plus élevées que celles produites par la combustion du charbon, pour chaque unité d'énergie, et bien que la combustion de la biomasse ne soit pas carboneutre, on continue de déclarer l'absence d'émission. Je ne sais comment vous aborderez la chose dans vos politiques au Canada. Peut-être exigerez-vous qu'on n'appelle pas cela de la biomasse et peut-être n'accorderez-vous aucune subvention fiscale si les centrales de ce type ne comptabilisent pas le CO2 ou qu'elles sont peu efficaces. La plupart d'entre elles ont un rendement de 23 ou 24 p. 100 tandis que les centrales thermiques au charbon ont généralement des rendements de 33 à 35 p. 100. Il faudrait que la définition de biomasse, pour que cette forme d'énergie donne droit à une subvention, stipule que la formule est écoénergétique.

M. Hesselink vous a cité cet article, mais j'ai ajouté d'autres références extraites du magazine Science du 23 octobre. On y dit essentiellement que nous ne pouvons plus nous permettre d'exempter les émissions de CO2.

Je vais maintenant vous parler des particules. C'est un secteur d'étude en plein essor dans le domaine de la recherche médicale. Quand j'ai commencé à m'intéresser à ce sujet, il y a environ un an, j'ai constaté que, depuis 2006, plus de 3 000 articles avaient été écrits sur la question des émissions de particules.

Les émissions de particules sont de trois types. En général, les particules que l'on mesure et comptabilise dans le cadre de la plupart des permis de rejet atmosphérique aux États-Unis, au Canada et dans le reste du monde, sont des PM 10. PM 10 veut dire 10 microns, c'est-à-dire un dixième du diamètre d'un cheveu humain. Le produit est abrasif et il n'est pas sans conséquences sur la santé quand on le respire. Il fait tousser et irrite la gorge. Les particules les plus grosses sont les PM 2.5; ce sont des particules microscopiques, nanométriques et aérosols. Elles représentent la plupart des risques pour la santé que je vous expliquerai brièvement tout à l'heure. Il ne faut pas perdre de vue que la plupart des technologies actuelles, y compris les dépoussiéreurs à sac filtrant généralement utilisés pour capter les particules émises lors de la combustion de biomasse, ne retiennent pas vraiment toutes ces particules. Elles sont donc relâchées dans l'atmosphère.

J'ai trouvé un article qui date de quelques années sur la gestion des déchets et de la qualité de l'air qui dit à peu près la même chose. Nous ne disposons pas de véritable moyen pour empêcher le rejet des particules les plus fines qui constituent un risque pour la santé. Ce tableau récapitulatif montre les effets des particules PM 2.5. Je vais vous parler des particules microscopiques et des nanoparticules parce que ce sont les plus importantes. Ce qu'il ne faut pas oublier à ce sujet, c'est que non seulement elles affectent les sujets sains, mais qu'elles sont aussi très nocives chez les adultes souffrant de maladies cardiovasculaires et leur effet est maximal chez les enfants en phase de croissance qui sont exposés à de tels niveaux pendant de longues périodes. Il a été démontré que ces particules non seulement aggravent les maladies sous-jacentes, mais aussi qu'elles sont la cause de maladies.

Quand j'étudiais en médecine, il y a 35 ans, on nous disait qu'il y avait une augmentation du nombre de symptômes respiratoires chez les asthmatiques ou les personnes atteintes de maladie pulmonaire obstructive chronique exposés à de telles émissions. La médecine est désormais en mesure de démontrer que l'incidence des nouveaux cas d'asthme est nettement supérieure chez les enfants exposés de façon prolongée à des niveaux de particules supérieurs, mais tout de même encore légalement admissibles, et que les niveaux actuels d'exposition sont morbifiques chez les enfants.

Cette diapositive explique les divers types de particules et précise que, plus elles sont fines, plus les risques pour la santé augmentent. Or, on ne mesure pas, on ne réglemente pas et on ne contrôle pas vraiment ces particules les plus petites en vertu du régime actuel de permis d'émissions.

La plupart des gens pensent que le système de permis de rejets atmosphériques aura un effet bénéfique sur la santé humaine, mais en vérité, comme on ne mesure pas ou ne contrôle pas les particules, ce régime de permis ne protégera pas la santé humaine, du moins pas d'après ce que j'ai constaté à l'analyse du système de permis canadien et certainement pas en vertu du régime américain.

Jusqu'à quel point la situation est-elle grave? Il y a trois ans, le Clean Air Act Advisory Committee a lui-même produit une déclaration dans laquelle il affirme que l'actuel soi-disant « seuil d'innocuité » ne protégera pas la santé de l'être humain. Nous continuons, toutefois, nos discussions avec l'EPA pour tenter de l'amener à réglementer ces émissions. Nous avons fait des progrès, mais ce n'est pas gagné. D'après ce que j'ai constaté à la lecture de la réglementation canadienne, personne n'a établi de seuil d'innocuité pour l'exposition aux PM 2.5, sans parler des nanoparticules ou des particules microscopiques. Lisez ce qui est en rouge sur cette diapositive :

La relation entre l'exposition aux PM 2.5 et les effets néfastes sur la santé était linéaire et n'établissait aucun seuil inférieur d'innocuité décelable.

Cette déclaration a été faite par l'American Cancer Society qui s'est penchée sur les risques de cancer à long terme chez les enfants.

En novembre dernier, l'American Heart Association a produit un exposé de synthèse dans lequel elle déclare que les effets réels des particules sont probablement beaucoup plus grands que ce que révélaient ses estimations précédentes. La documentation des années 1980 et 1990 sur laquelle ont été fondés la plupart des règlements actuels n'a examiné que les effets à court terme d'une exposition d'un jour ou deux.

À la suite d'une exposition, les effets sur le cœur et les poumons d'un adulte ou d'un enfant perdurent cinq jours environ. Deux jours après, quand on nous dit que l'air est de meilleure qualité et qu'on lève les avertissements, les effets physiologiques demeurent importants. Deux jours après, les gens commencent à sortir et à faire de l'exercice et c'est là qu'on assiste à une augmentation du nombre de crises cardiaques. Or, celles-ci n'ont pas été comptabilisées dans la documentation médicale des années 1980 et 1990 et du début des années 2000.

La documentation fait désormais état d'une augmentation considérable des effets et des risques. Encore une fois, la combustion de la biomasse est l'une des sources les plus élevées d'émissions de particules.

L'American Heart Association, l'American Lung Association et l'American Cancer Association ont toutes fait des déclarations semblables à celle-ci et affirmé qu'il faut sérieusement envisager d'exercer des contrôles plus stricts et que les normes actuelles ne protègent en rien la santé humaine. Il n'existe pas de véritable seuil en dessous duquel la concentration de particules ne pose aucun risque pour la population en général.

Je ne peux pas vous citer de chiffres établissant que, si on limite les émissions à tel niveau, il n'y aura pas de danger. Nous sommes en présence d'un domaine qui évolue très rapidement. Je ne sais pas si l'EPA parviendra à fixer un seuil dans les prochaines années, mais c'est ce que nous visons dans notre collaboration avec cette agence. Nous voulons pouvoir chiffrer ce seuil.

L'autre élément qu'il ne faut pas oublier, c'est que, pour l'instant, le seuil est fixé à 80 microgrammes par mètre cube d'air. Il est maintenant établi qu'on peut arriver à 40 microgrammes. Cependant, en cas d'inversion thermique et d'augmentation soudaine de la température où l'on passerait, par exemple, de 35 à 45 degrés, l'effet nocif serait exactement le même sur le plan de la morbidité que si l'on dépassait le seuil. Il n'y a pas que les chiffres absolus illustrant la qualité de l'air qu'on respire qui comptent, car il faut aussi veiller à ne pas créer les conditions climatiques susceptibles de provoquer une augmentation soudaine du nombre de particules en suspension.

Nous disposons maintenant de déclarations d'organisations médicales représentant plus de 70 000 médecins. Ces associations s'opposent à la construction de centrales alimentées à la biomasse dans leur collectivité ou leur État. Je serais heureux de faire parvenir des copies de cela au comité.

La combustion de la biomasse pour produire de l'énergie n'est pas une solution. C'est plutôt un risque pour le climat et assurément pour la santé. Comme je ne veux pas vous donner l'impression que je suis en train de dire non à tout, je vais vous donner un exemple. Nous sommes en train, dans l'État de Washington, de nous opposer à la construction de plusieurs de ces centrales. Si 2 millions de familles remplaçaient trois ampoules incandescentes par des lampes fluorescentes compactes de 60 watts, l'usine de 50 mégawatts serait inutile. C'est un calcul assez simple et c'est une question de choix.

Pour l'heure, ce qu'il y a de très important au sujet de la combustion de la biomasse, c'est qu'on ignore le nombre de kilowattheures de charge minimale dont nous avons réellement besoin. Aux États-Unis, la plupart des prévisions ne prévoient aucune augmentation pour les cinq à six prochaines années et il n'est donc pas nécessaire de construire de telles centrales. On insiste beaucoup pour construire ces centrales parce qu'elles sont censées produire une énergie propre, verte, mais nous savons qu'elles n'ont rien de propre et qu'elles ne sont certainement pas carboneutres.

Nous devons donc faire d'autres choix plus écoénergétiques et réduire la demande pour ne pas risquer d'être exposés à cet important danger pour la santé.

Emma Cane, biologiste, Sierra Club : Merci de m'avoir invitée, sénateurs. Je suis heureuse de vous présenter le point de vue du Sierra Club du Canada au sujet des combustibles dérivés de la biomasse.

Comme nous avons atteint la capacité limite pour la plus grande partie de nos ressources naturelles et que la population mondiale devrait dépasser les 9 milliards d'habitants d'ici 2050, il incombe au monde entier de gérer de façon prudente les ressources environnementales. Il est notamment crucial de réduire notre dépendance des ressources non renouvelables. L'augmentation régulière de la demande et des coûts des combustibles fossiles associée au fait que le public se soucie de plus en plus de l'environnement a stimulé des investissements majeurs dans le secteur des énergies renouvelables.

L'utilisation de la biomasse forestière en tant que source d'énergie est une solution viable parce qu'il s'agit d'un biocarburant de seconde génération différent du biocarburant de première génération. Il n'est pas aussi controversé que l'utilisation de ressources agricoles pouvant servir à l'alimentation humaine et dont la population humaine a directement besoin.

En forêt, le bois de houppier est considéré comme la meilleure source de biomasse pour la production de carburant, tout comme les aiguilles de pin. Voici quelques sources possibles de biomasse : éclaircissage des plantations forestières, prélèvement d'arbres sans valeur, biomasse constituée par les résidus des pâtes et papier, racines et écorces là où les systèmes radiculaires ne sont pas prohibitifs, comme dans les pessières.

On considère souvent que le carburant à base de biomasse forestière est carboneutre parce que les forêts boréales sont des écosystèmes qui réagissent aux perturbations, ce que tout le monde a signalé comme étant un problème. Tout au long du cycle régulier de la végétation de l'écosystème boréal, soit de la phase de repousse à celle du déclin et de la décomposition ou de la destruction en passant par la phase de maturité, le CO2 passe par une série d'états : inerte, entreposé, en surface, puis atmosphérique. L'un des points positifs à mettre au compte des biocarburants à base de produits forestiers, c'est que le prélèvement de la biomasse occasionne moins de gaz à effet de serre que la décomposition naturelle de la forêt qui libère du gaz méthane. Sur une période de 100 ans, la durée de vie du méthane dans l'atmosphère est 21 fois supérieure à celle du CO2. Même si la biomasse rejette du CO2 quand on l'utilise comme carburant, beaucoup d'industries considèrent qu'elle est moins dommageable pour l'atmosphère parce qu'elle permet de réduire le volume de méthane rejeté.

Sierra Club Canada reconnaît que cet argument prêche en faveur du développement d'une industrie des biocarburants, surtout à l'heure où les ressources en combustibles fossiles sont en décroissance. Cependant, étant donné le risque d'utilisation abusive et le manque d'informations à propos des matières biologiques composant la biomasse forestière, nous n'accordons qu'un appui conditionnel aux biocarburants.

Nous appuyons la production de biocarburants dans la mesure où ils proviennent des forêts jardinées, mais nous craignons un dérapage en l'absence d'évaluations préliminaires et de lignes directrices strictes.

Sierra Club Canada estime que le vrai problème face au changement climatique est notre trop grande dépendance énergétique et maintient que la production de combustible de substitution doit être durable et associée à des pratiques d'économie d'énergie.

On m'avait demandé d'énoncer les avantages et les inconvénients de la biomasse en tant que source de combustible. Je vais brièvement vous parler des avantages que j'opposerai ensuite aux inconvénients.

L'avantage du recours à la biomasse pour produire de l'énergie, c'est que la récolte de la biomasse ne peut se faire sans qu'il y ait d'abord eu des opérations forestières. Il faut d'abord faire pousser et récolter des arbres pour obtenir ce qu'on appelle des rémanents. Une fois ces opérations forestières terminées, un tiers de la masse de tous les conifères et encore plus dans le cas des arbres à feuilles caduques reste sur le parterre de coupe parce que cette ressource n'a quasiment aucune valeur sur les marchés actuels. À la faveur de l'augmentation des coûts de l'énergie, cette biomasse dont personne ne voulait jusqu'ici pourrait représenter des emplois et des revenus supplémentaires pour les entrepreneurs locaux et les collectivités forestières. Ce faisant, Sierra Club Canada appuie le concept de biocarburant dérivé de la biomasse, mais seulement à partir des tenures forestières existantes.

L'enlèvement des rémanents peut permettre de considérablement réduire le risque de feux de forêt. En général, quand ce n'est pas l'industrie des pâtes et papier qui les récolte, les rémanents sont brûlés à ciel ouvert, occasionnant des rejets de particules et exigeant la surveillance et l'aménagement des forêts. La production de biocarburant pourrait être une utilisation possible des rémanents, surtout dans les zones où il est interdit de faire des feux à ciel ouvert. Bien qu'il faille conserver une certaine épaisseur de rémanents pour maintenir le niveau d'éléments nutritifs du sol, quand il y en a trop, cela peut favoriser des infestations par des populations d'insectes. Cette situation est particulièrement préoccupante dans les zones menacées par les feux de forêt comme en Colombie-Britannique, et Sierra Club Canada appuie les initiatives dans de tels contextes.

L'utilisation de matières biologiques dérivées de la biomasse ligneuse pourrait donner lieu à des contreparties de la fixation du carbone si le combustible provenait de plantations spécifiquement destinées à la production d'énergie, d'activités sylvicoles spécialisées permettant d'améliorer le rendement des forêts, de déchets ligneux qui, s'ils restaient au sol, produiraient du méthane à la faveur de la décomposition anaérobique des déchets ou à des émissions de dioxyde de carbone lors du brûlage réglementé des résidus de récoltes forestières.

Sierra Club Canada appuie de telles contreparties de la fixation du carbone, mais maintient que ces solutions ne doivent pas être appliquées pour justifier des émissions excessives ou superflues.

Certes la construction ou la transformation de centrales électriques exigerait d'énormes investissements en capital pour rénover les chaudières et respecter des mesures plus exigeantes en matière de filtration des particules, mais les technologies de combustion sont bien maîtrisées et, selon Sierra Club Canada, le plus important facteur de risque est la garantie d'approvisionnement à long terme en matière première biologique.

Enfin, une autre chose joue en faveur de la combustion de la biomasse pour produire de l'énergie : celle-ci semble en général produire moins de gaz à effet de serre que les autres combustibles fossiles comme le lignite ou le charbon. De toute évidence, nous ne sommes pas d'accord sur ce point.

Je vais maintenant vous parler un peu du revers de la médaille, c'est-à-dire des problèmes associés à l'utilisation de la biomasse en tant que source d'énergie. Parmi les préoccupations que soulève l'approvisionnement en biomasse d'origine forestière, il a été question de la concurrence entre les différentes utilisations actuelles de la ressource ligneuse et de la mise en péril des possibilités de valorisation de cette ressource. On a estimé, dans certains cas, que la demande nominale de biomasse forestière pour répondre entièrement aux besoins d'énergie des centrales était supérieure à la quantité de biomasse forestière effectivement disponible dans certaines régions. L'alimentation des centrales en biomasse forestière pourrait provoquer une diminution de la capacité nette à cause des limitations physiques associées à la combustion de cette biomasse, car cette matière biologique présente une densité d'énergie relativement faible en comparaison avec le lignite, le charbon ou le gaz naturel.

Aux yeux du Sierra Club, il faut absolument tenir compte des limitations de la biomasse en tant que source d'énergie et restreindre l'exploitation de cette ressource au seul remplacement des énergies de haute densité qui sont très en demande. On ne peut considérer que la biomasse permettra de remplacer les combustibles fossiles, mais il faut y voir une solution adaptée pour remplacer les carburants conventionnels. Nous avons aussi commenté les applications de la biomasse au chauffage et avons vu le genre d'efficience qu'on pouvait en tirer.

La déforestation est l'une des principales causes du changement climatique. Le prélèvement de la biomasse forestière provoque le rejet du CO2 emprisonné et réduit les écoservices des éléments nutritifs du sol et des cycles hydrologiques. L'essor d'une industrie fondée sur la biomasse forestière pourrait exacerber les effets de la déforestation et peut-être même contribuer à une aggravation du rythme de la déforestation sous l'impulsion de la demande des marchés en biocarburants.

Cela étant, une industrie de production de biocarburant à partir de la ressource ligneuse nécessiterait à terme l'expansion des opérations forestières pour répondre aux besoins d'énergie. Sierra Club Canada estime qu'il ne faut envisager l'essor de cette industrie qu'à condition de se limiter aux seules tenures où se pratiquent actuellement les techniques d'aménagement forestier.

Les exploitants forestiers avancent que la couche holorganique entrave la régénération de la ressource ligneuse et qu'il faut retirer la biomasse au sol à l'aide de la machinerie qu'ils vendent pour obtenir de hauts rendements. Cependant, ces déchets ligneux sont composés des rémanents de récolte, des résidus de dépressage, d'écorces et de sciure de bois ainsi que des éléments nutritifs dont dépendent les repousses.

La régénération de la forêt prend plus de temps que ce que l'industrie juge rentable. D'après les pratiques exemplaires en vigueur dans la majorité des opérations sylvicoles, les tenures doivent maximiser les rendements dans un temps minimum. Ainsi, du point de vue du maintien des niveaux de nutriments, ces pratiques reviennent à manipuler la forêt en fonction d'une échelle de temps humain plutôt que de l'échelle naturelle qui s'étend sur des siècles voire des millénaires. Comme le retrait de la biomasse dépouille le sol des éléments nutritifs essentiels à la régénération de la forêt, il faut remplacer les nutriments perdus par des engrais industriels plutôt que de s'en remettre au cycle naturel de la décomposition.

Or, nombre de ces engrais sont faits à base de combustibles fossiles, ce qui amène Sierra Club Canada à affirmer que le gouvernement devrait se demander si le prélèvement de la biomasse en vue de produire de l'énergie nous permettra effectivement de réduire notre dépendance des combustibles fossiles, puisque cela pourrait exiger des apports en éléments nutritifs.

L'exploitation intensive de la forêt risque de provoquer un déclin du rendement net primaire de la ressource ligneuse. La putréfaction lente de la matière organique et l'apport graduel d'éléments nutritifs du sol grâce à l'action des bactéries, des champignons et des insectes rééquilibrent naturellement l'écosystème. Remplacer ce processus naturel par des produits chimiques est imparfait du point de vue scientifique, outre que la marge d'erreur est très mince.

Voilà donc les avantages et les inconvénients qu'on m'avait demandé de décrire. On m'avait aussi invitée à indiquer si le recours à la biomasse et aux biocarburants était durable.

Sierra Club Canada estime qu'il faut opter pour les biocarburants afin de remplacer les combustibles fossiles. Toutefois, il est essentiel de modérer nos habitudes énergivores et Sierra Club Canada est d'avis que les biocarburants dérivés de la forêt pourraient fort bien nous aider dans cette transition à condition que leur production n'empiète pas sur les forêts intactes de peuplements mûrs.

Je vais vous résumer quelques-unes des recommandations que nous avons formulées à l'intention du Sénat.

Premièrement, il faut songer au risque qui découlerait de la création d'une demande de biocarburants supérieure à la capacité actuelle en matière première biologique et mettre en place des mesures de contrôle pour s'assurer que la terre soit à l'abri de tout changement non durable dans le contexte d'une demande en augmentation constante.

Deuxièmement, tout comme pour n'importe quel plan d'aménagement forestier, il y a lieu d'associer les Premières nations à la formulation des projets ou des partenariats à mettre en place.

Troisièmement, il faudra se doter de mesures de contrôle pour s'assurer que l'industrie du biocarburant ne subisse pas le même sort que l'actuelle industrie forestière. Il sera notamment question : de mettre en œuvre des programmes de gestion forestière à rendement soutenu et de s'assurer que les effets ne sont pas néfastes pour l'écosystème; de confier à des organismes le soin de recueillir et d'analyser des données complètes de sorte à confirmer l'état et les limitations actuelles de la matière biologique; de réglementer étroitement l'expansion des tenures pour qu'on se limite aux seules tenures existantes et qu'on ne déborde pas sur les forêts vierges.

Le sénateur Mercer : Merci à nos témoins. Je ne sais pas vraiment par où commencer. La plus importante industrie au Canada est celle de la transformation des produits du bois, de la récolte d'arbres et de la production de pâtes et papier. Il est bien connu que cette industrie, tant en ce qui concerne le bois d'œuvre de résineux que les pâtes et papier, est en crise.

Mme Cane est la seule à avoir parlé des véritables problèmes auxquels les politiciens sont actuellement confrontés. Nous sommes tous préoccupés par l'environnement. Nous sommes préoccupés par le volume de particules rejetées dans l'atmosphère. Nous nous soucions tous de savoir si telle ou telle activité est carboneutre. Nous sommes encore plus préoccupés par le fait que des gens soient au chômage, qu'ils n'aient pas assez d'argent pour financer l'instruction de leurs enfants ou pour mettre assez à manger sur la table ce week-end. Nous devons trouver un équilibre. Nous pourrions toujours accepter les arguments voulant que la biomasse ne soit pas carboneutre. Nous pourrions en débattre, mais ça ne nous conduirait nulle part, si ce n'est à la satisfaction de certains d'avoir remporté l'argumentation. Le vrai problème est celui de la viabilité de tout un secteur industriel et pas simplement de la durabilité de l'environnement. Cette industrie est plus importante que celle de l'automobile. En fait, considérée à l'échelle de chaque collectivité, elle est la plus importante au Canada.

Comment réaliser l'équilibre entre notre préoccupation honnête et sincère pour l'environnement et l'inquiétude honnête et sincère que nous éprouvons face aux revers de fortune d'une industrie essentielle à notre économie, tant en ce qui concerne le bois d'œuvre que les pâtes et papier, qui emploie des millions de Canadiens et qui a des répercussions sur la vie de millions et de millions de Canadiens? C'est un problème simple auquel j'aimerais une réponse simple.

[Français]

M. Mainville : C'est une très bonne question qui, je crois, a été répondue, entre autres, par l'entente signée il y a deux semaines.

Vous savez, l'industrie forestière est essoufflée, les pertes d'emplois ont été majeures et je crois que l'industrie forestière et le mouvement environnemental font le constat que le statu quo n'est plus possible en forêt. Non seulement les pratiques forestières doivent changer, mais les marchés évoluent aussi. Et le message qui est envoyé mondialement est que si on veut assurer un développement à long terme de l'industrie forestière, nous devons nous assurer d'occuper des marchés qui mettent en place des produits qui respectent l'environnement. C'est ce qui est envoyé comme message et c'est ce que l'industrie a compris.

Maintenant, comment la biomasse s'insère-t-elle dans cela? Ce qui est intéressant c'est que la principale préoccupation est l'enjeu du cycle de vie complet des produits. Et dans l'entente qu'on a signée — je ne sais pas si vous me suivez lorsque je parle de l'entente entre l'Association des produits forestiers canadiens, 21 grandes entreprises, 9 grands groupes environnementaux qui ont signé cette entente, il y a deux semaines —, il y a cette préoccupation de pouvoir répondre à l'enjeu du cycle de vie complet des produits et comment on peut réduire l'empreinte climatique des produits forestiers tout en maintenant les emplois à long terme. Et le mot clé ici est « long terme ». On veut donner des solutions viables pour les communautés et créer des produits qui ne respectent pas l'environnement n'est pas une solution viable. C'est le message qui en est ressorti.

Saine gestion des affaires et environnement vont de pair. Il faut maintenant trouver ces solutions.

Lorsqu'on dit qu'il y en a des solutions avec la biomasse, je pense que le mot d'ordre est small is beautiful. Je crois que, d'un commun accord, il y a quelque chose qui ressort ici. Les grands projets d'exploitation massive de biomasse, selon nous, ce n'est pas une solution ni pour les emplois, ni pour l'image de l'industrie, ni pour l'environnement. Il faut garder cela en tête.

Je crois que l'industrie est consciente de cela. Et une solution intéressante pour nous serait d'y aller dans des projets, par exemple, de coopératives forestières à petite échelle où l'on créera des emplois à long terme, des récoltes en petites quantités pour remplacer des systèmes de chauffage, ou pour développer de nouveaux systèmes qui seront vraiment à petite échelle. Je ne crois pas que faire de la production d'électricité à grande échelle à des fins de création de nouvelles énergies soit la solution ni que cela aidera l'industrie forestière à occuper cette nouvelle place sur les marchés verts au niveau international.

[Traduction]

Dr Sammons : On peut voir tout cela de deux ou trois façons différentes. Si vous prenez le modèle de M. Hesselink — et encore une fois, je vais me concentrer sur la combustion de la biomasse — force est de constater que votre voisin dans le Sud a commis certaines erreurs graves dans ce domaine. Peut-être pourriez-vous prêcher par l'exemple plutôt que de l'imiter.

À l'heure actuelle, une centrale à combustion de biomasse de 200 millions de dollars crée environ 20 emplois permanents. Le Syndicat des Teamsters, qui représente les camionneurs aux États-Unis, a émis une déclaration de principes contre la combustion de biomasse à grande échelle. J'espère au moins que vous adopterez des orientations telles que vous n'imiterez pas les États-Unis en optant pour le même genre d'incitatifs financiers que ceux retenus pour stimuler la construction de grosses centrales qui n'ont pas vraiment créé d'emplois, qui ne sont pas très efficaces, qui représentent un danger pour la santé et qui accélèrent le changement climatique. Si vous décidez plutôt de miser sur une utilisation efficace de la ressource et sur une optimisation de l'efficience énergétique, selon le modèle de M. Hesselink, vous aurez beaucoup de débouchés commerciaux pour vos produits sans pour autant devoir favoriser financièrement la construction de centrales électriques de grande capacité parce que, peu importe la façon dont vous envisagerez la question, le résultat sera catastrophique.

Le sénateur Mercer : Ce pays est béni d'avoir les plus grandes forêts du monde. Comme nous avons énormément de ressources naturelles, nous avons pu nous permettre de faire signer une entente par le secteur forestier et par les groupes environnementaux afin de protéger une grande partie de la forêt boréale.

Supposons que nous continuions d'exploiter la forêt, que ce soit pour le bois d'œuvre et donc pour le secteur du bâtiment, pour les pâtes et papier ou pour la biomasse. J'ai été surpris d'entendre de ces témoins, depuis la toute première fois que nous tenons ces audiences, si je me souviens bien, que la séquestration du carbone pouvait faire tiquer dans le cas de la sylviculture et des autres modes de gestion de la forêt. Si nous continuons de récolter la ressource ligneuse — et il est vrai qu'il faudra peut-être 30 ans pour restocker le carbone, à part certains cas particuliers qu'on peut trouver ailleurs dans le monde, mais aussi au Canada, comme au Nouveau-Brunswick et en Colombie- Britannique —, ne vaut-il pas mieux après tout de reséquestrer le CO2, même si ça doit prendre 30 ans? Jusqu'à tout récemment, nous ne restockions rien du tout, puisque nous nous contentions d'effectuer des coupes à blanc. Vous nous avez montré une photographie de ce genre de coupe en Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas exactement où elle a été prise, mais j'ai déjà vu cela dans des centaines d'endroits dans ma province. N'est-il pas préférable de reséquestrer le carbone en appliquant de bonnes méthodes de sylviculture que de faire ce que nous avons toujours fait?

Mme Cane : C'est un progrès par rapport à la combustion des combustibles fossiles et à l'extraction du pétrole, surtout compte tenu de la crise des sables bitumineux dans les Prairies qui sont une énorme atteinte à l'environnement. La biomasse représente une partie de la solution. Je ne crois pas nécessairement que nous parviendrons à alimenter le Canada en granulés de bois. Toutefois, je pense que tout le monde comprend que la biomasse fait partie de la solution aux côtés des énergies éolienne, solaire et géothermique dans un vaste mouvement visant à exploiter une énergie véritablement verte.

Vous avez posé une question au sujet de la participation des collectivités. Eh bien, il existe toute une série d'écrits sur la création de ce qu'on a appelé les emplois verts, sur le fait que des collectivités et des marchés peuvent prospérer grâce à des entreprises commerciales durables dans les domaines de la génération d'électricité, de la production alimentaire et autres.

Est-ce mieux que rien? Oui, je le pense. Je ne crois pas qu'il faille opter pour des applications spécifiques ni créer une niche. Nous avons vu que la biomasse est viable pour produire de la chaleur, mais je ne pense pas que ce soit la seule solution.

Le sénateur Plett : Wouah! Je suis tout ébaudi que le sénateur Mercer m'ait précédé parce que, avec son calme habituel, il m'a évité d'aller à la catastrophe.

On m'a déjà dit que je n'étais pas censé tuer une vache parce que ce n'était pas bon, que je n'étais pas censé manger du steak. Je ne suis pas censé aller pêcher parce que, quand on pêche, on tue le poisson. Voilà qu'on me dit maintenant que je ne peux plus brûler du bois à mon chalet. Je me demande où l'on va.

Je suis d'accord avec Mme Cane pour dire que nous devons adopter une démarche équilibrée. La question que je lui pose est la suivante : Pourquoi le Sierra Club n'a-t-il pas signé l'entente ratifiée le 18 mai?

Docteur Sammons, je ne suis pas en mesure d'argumenter avec vous. Je suis plombier, pas médecin. Je ne suis pas sûr de pouvoir contester un quelconque de vos propos. Vous nous avez cité des chiffres. Vous semblez dire que tout le reste est vaudou. Je crois que c'était sur votre diapositive. Eh bien, certains pourront suggérer qu'une partie de ce que vous avez avancé aujourd'hui c'est du vaudou.

Les gens vivent plus longtemps aujourd'hui qu'il y a des centaines d'années. Dimanche dernier, ma femme et moi sommes arrivés en retard à la messe et avons dû nous asseoir au fond de l'église d'où nous avions un point de vue sur toute la congrégation. Mon père a 86 ans et ma mère 82. Ils sont mariés depuis 62 ans. En balayant la congrégation du regard, j'ai remarqué que 15 ou 20 p. 100 des personnes assises là avaient plus de 80 ans, même si tout ce que nous faisons est malsain. Pourquoi les gens vivent-ils plus longtemps?

On nous dit qu'il est malsain de brûler du bois, mais jamais aucun médecin ne m'a affirmé que je serais malade si je brûlais du bois.

J'ai fait ma part pour l'environnement. J'ai changé les ampoules électriques de la maison pour passer à celles que vous recommandez. Comme ça, j'économise beaucoup d'argent et je vivrai plus longtemps encore.

Monsieur Hesselink, vous êtes passé assez rapidement au travers de vos diapositives. J'ai hâte de voir la version imprimée de votre exposé parce que vous nous avez montré une diapositive où il est question de voyants ou de drapeaux rouges. Nous sommes passés dessus à 100 milles à l'heure. Cependant, j'ai remarqué que la moitié des points étaient en vert, mais je n'ai pas pu voir ce qu'il y avait de bon au juste. Il doit y avoir quelque chose de bon et j'ai hâte de savoir quoi.

Monsieur Mainville, vous parlez de « petite échelle ». Je ne sais pas au juste ce que petite échelle veut dire. Qui décide de ce qu'est une petite échelle? Il y a des grandes villes et ce n'est pas avec de petites centrales qu'on va les chauffer. Va- t-on produire de l'électricité uniquement avec l'énergie éolienne? Je suis certain que quelqu'un va nous dire que le vent est malsain. À Lethbridge, tout le monde marche plié en deux. J'ai été à Lethbridge à plusieurs reprises et j'ai constaté que tout le monde là-bas marche comme ça à cause du vent qui souffle trop fort. Ça aussi, d'une certaine façon, ça doit être malsain.

Aujourd'hui, vous nous dites que le charbon est préférable au bois. Je n'ai jamais entendu ça avant. J'ai chauffé au charbon et j'ai brûlé du charbon. Il va falloir que j'étudie pourquoi vous dites que le charbon est plus sain que le bois.

Quoi qu'il en soit, parlons de l'opposition entre petite échelle et grande échelle. J'aimerais que vous répondiez à cette question.

Des témoins du milieu forestier nous ont dit que nous avons un merveilleux programme d'aménagement des forêts au Canada. Des représentants venus de la Colombie-Britannique nous ont déclaré que, là-bas, les arbres poussent plutôt vite. Mais voilà, vous venez juste de nous dire qu'il faut une éternité à la forêt pour se régénérer.

On nous a dit qu'il ne fallait pas retirer tous les résidus des forêts parce qu'il fallait les laisser sur place. Ce sont les responsables de la gestion des forêts qui s'en occupent et ils ne peuvent retirer qu'une partie de la couche holorganique. On nous a dit que les granulés de bois sont faits à partir de ce que Mme Cane a appelé les rémanents. J'imagine qu'on brûle sur le bord des routes les écorces et les autres résidus, tout aussi malsain que ce soit. Les gens qui passent à côté en voiture risquent d'attraper le cancer à cause de cela. Pourquoi ne pas plutôt produire des granulés de bois à partir de ces résidus?

Beaucoup de témoins sont venus nous parler de gestion forestière et vous nous dites maintenant que la gestion forestière ne vaut rien. Il serait envisageable d'avoir des mini-chaudières, mais sur le plan de la quantité de rejets, je ne vois pas la différence entre une centaine de mini-chaudières et deux grosses chaudières.

Veuillez m'excuser de vous avoir secoué ainsi, mais j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi on ne retire pas tout du bois. Nous ne râtelons pas et nous ne ratissons pas le sol. L'été dernier, nous étions au Nouveau-Brunswick où nous avons vu le merveilleux travail d'Irvings en gestion des forêts. J'ai personnellement planté un arbre là-bas. J'ai hâte d'y retourner pour voir de combien mon arbre a grandi cette année et recevoir mes quatre cents et demi pour l'avoir planté. Nous faisons un excellent travail en ne coupant pas toutes ces forêts à blanc. Nous faisons un excellent travail de gestion de la ressource, ce qui n'empêche qu'on nous dit maintenant qu'il faut modifier nos pratiques.

J'aimerais que M. Mainville — et si quelqu'un d'autre veut intervenir, qu'il ne se gêne pas — nous dise ce qui le chatouille, parce que nous ne râtelons pas le sol de la forêt jusqu'au point de ne laisser aucune matière organique et d'empêcher la forêt de se reconstituer. On utilise le bois malade et les écorces plutôt que de les laisser devenir des résidus. J'aimerais qu'on m'explique qui décide de ce qu'est une petite échelle par rapport à une grande échelle. Selon vous, à quoi correspond cette différence?

De plus, j'aimerais que Mme Cane me dise pourquoi le Sierra Club a décidé de ne pas signer l'entente qu'apparemment tous les autres ont jugée valable.

Mme Cane : Je travaille au bureau de l'Ontario et je n'ai personnellement pas été mise au courant de cette entente. Je suppose qu'il en a été question, au début, avec notre chapitre de la Colombie-Britannique, mais je n'ai pas été tenue au courant de l'évolution du dossier. Je ne sais pas s'il y a eu des négociations, des problèmes ou des désaccords et je ne peux donc pas vous répondre à ce sujet.

Le sénateur Plett : J'estime que notre comité devrait obtenir une réponse. Pourriez-vous nous en faire parvenir une?

Mme Cane : Je pourrais vérifier pour vous.

M. Mainville : Je pourrai peut-être vous répondre en deux phrases.

[Français]

En ce qui concerne ce qui est à grande ou à petite échelle, premièrement, qu'est-ce qu'un niveau de récolte durable à petite échelle pour la forêt.

Je vous invite sérieusement à consulter le programme québécois de récolte de la biomasse. On ne parle pas seulement de résidus de coupe forestière. On parle d'arbres commerciaux non récoltés, des arbres entiers. On parle également d'arbres non commerciaux, d'arbres qui ont été brûlés partiellement, des zones d'épidémies d'insectes, des arbustes, tout ce qui reste à la fin d'une année et qui n'a pas été récolté, ainsi que les résidus de coupe. On parle de récoltes allant jusqu'à 70 p. 100 pour ces mêmes résidus de coupe.

Il ne s'agit pas là, à mon avis, de récolte à petite échelle, mais d'une porte ouverte pour une récolte massive avec pour objectif éventuel de prendre une grande partie de cette biomasse afin de produire de l'énergie. Cela ne veut pas dire que c'est ce qu'on fait présentement, mais mettre en place un programme comme cela sans balises claires de récolte pose, selon moi, un danger environnemental.

Il est important de hisser le drapeau rouge, car si nous voulons une récolte de biomasse durable — et l'organisation Greenpeace est convaincue que nous pouvons y arriver — nous devons imposer des limites.

Aucune coupe ne devrait être dédiée à la création d'énergie. Pouvons-nous dire, au Canada, que nous ne procéderons pas à la coupe de nos forêts pour produire de l'énergie?

Parce que c'est encore possible de le faire présentement; demain matin, on peut aller en forêt publique québécoise et raser 50 000 hectares de forêt, réduire cela en copeaux, le brûler afin de produire de l'énergie et vendre cela à Hydro- Québec. Je ne crois pas que ce soit un projet de société intéressant. Il y a moyen de poser des limites avant d'en arriver là.

D'un autre côté, concernant la production, il y a des projets extrêmement intéressants. J'attire votre attention sur la municipalité d'Amqui dans le Bas-Saint-Laurent qui a décidé de transformer tout son système de chauffage municipal en chauffage à la biomasse.

Jadis, ils utilisaient du mazout lourd, un hydrocarbure polluant et des résidus de raffinerie. Aujourd'hui, cet hydrocarbure est surtout remplacé par de la biomasse et des résidus à l'usine. Ce qui reste : les sciures, les bouts et les écorces sont tous des matières intéressantes à utiliser. C'est de la récupération pure. Au lieu de les jeter, on les utilise pour produire de l'énergie; on les brûle dans les écoles et dans les hôpitaux, à petite échelle. C'est géré en collaboration avec des coopératives forestières. Il s'agit là de développement durable pour les régions forestières parce qu'ils peuvent utiliser des produits afin d'en faire une bonne utilisation à petite échelle.

C'est là que se trouve la solution. Ce n'est pas une question de dire non à la biomasse et c'est important que ce soit clair. On n'est pas contre la biomasse, mais il y a une façon de le faire. Et malheureusement pour l'instant, les programmes provinciaux qu'on connaît ne nous encouragent pas à penser qu'on va faire un développement intelligent de cette filière.

[Traduction]

Le sénateur Plett : J'ai une remarque à faire. Je crois que ce que M. Mainville veut dire, c'est que nous faisons ce qu'il faut pour l'instant. Il nous dit : « Assurons-nous de ne pas empirer les choses par rapport à la situation actuelle. Si ça fonctionne, pourquoi changer? »

Je ne suis pas en désaccord avec lui. Nous devrions utiliser les résidus de coupe comme vous le faites. Nous ne coupons pas les arbres pour la biomasse. Il y a deux semaines, le comité s'est clairement fait dire qu'on ne fait pas ça au Canada. J'ai spécifiquement demandé aux témoins pourquoi nous ne coupions pas d'arbres, puisque nous manquons de biomasse à une centrale de la Colombie-Britannique. Ils m'ont répondu qu'il n'est pas rentable de couper des arbres pour en faire des granulés de bois. Dans la société où nous vivons, s'il n'y a pas d'argent à faire dans une activité, personne ne la pratique.

[Français]

M. Mainville : En octobre dernier, les premiers volumes de bois d'arbres entiers dédiés à la production d'énergie par la biomasse ont été accordés au Québec dans une zone de feu. Je ne me rappelle pas exactement la superficie, mais il est possible au Québec en ce moment de couper des arbres entiers pour produire de la biomasse. La seule raison pour laquelle on le fait, c'est parce qu'on subventionne fortement ce secteur pour créer un évènement autour de la biomasse.

Ce n'est pas rentable pour l'industrie, mais c'est fortement subventionné par le gouvernement et là on parle de zones de feu. Autrefois, l'industrie forestière avait besoin d'un produit de qualité pour produire de la fibre et maintenant cet incitatif n'est plus là. Un an après avoir été partiellement brûlé, un arbre perd de sa qualité parce que le longicorne, un insecte, vient y pondre ses œufs.

Une zone qui a été brûlée, dans deux ans, dans trois ans on peut toujours aller la récolter, la mettre en copeaux et la brûler. Je pense qu'il faut se fixer des balises claires parce que pour l'instant ces balises n'existent pas et on peut récolter des arbres entiers actuellement au Québec pour produire de l'énergie. Il faut en être conscient.

[Traduction]

M. Hesselink : Permettez-moi d'ajouter quelques remarques. Premièrement, ce qu'a dit M. Mainville au sujet du Québec qui n'accorde aucune valeur à la ressource est également vrai en Ontario où la politique relative à la biofibre sur 10 ans évalue la ressource à zéro. Cette politique vise un assortiment de fibres plutôt important dont font partie les arbres « non marchands »; la définition est très large. Elle prévoit l'utilisation de bois de fût à une valeur nulle selon la province.

Deuxièmement, s'il est possible de transformer les rémanents en combustible — sous forme de briquettes ou autres —, à ce que je sache, les granulés de bois sont produits à partir de bois de fût. C'est une exigence au titre du contrôle de la qualité pour produire les granules au diamètre normalisé. Je pourrai vérifier cela pour vous et je serai d'ailleurs heureux de le faire.

Troisièmement, je trouve déroutant tout le secteur de l'aménagement forestier. Je m'entretiens régulièrement avec des forestiers et j'ai passé beaucoup de temps dans le Nord de l'Ontario. Vous n'entendrez jamais un forestier vous dire qu'il fait assez d'argent grâce à la sylviculture. Il y a toujours place à l'amélioration et ils essaient toujours de se débrouiller comme ils peuvent avec des budgets limités. Il est tout de même significatif qu'en Ontario, et peut-être même ailleurs au Canada, on ferme des pépinières. L'infrastructure sylvicole provinciale est en crise au même titre que tout le mécanisme de gestion durable des forêts. L'industrie et ses composantes sont en pleine décrépitude.

Tout cela me préoccupe en tant que contribuable canadien. Depuis sept ans, j'habite dans une petite ville qui vivait de la scierie du coin jusqu'au moment où j'ai vu des amis perdre leur emploi quand la compagnie a décidé de mettre la clé sous la porte. On parle ici de pans importants pour l'avenir de l'industrie forestière. Nous devons rester vigilants pour veiller à ce que la forêt soit correctement entretenue et pérennisée. Nous devons nous garder de nous reposer sur nos lauriers en supposant que ce que nous faisons est durable et que nous sommes les meilleurs gestionnaires forestiers du monde.

Dr Sammons : Le calcul fonctionne pour les unités de petite échelle, qu'elles soient résidentielles ou qu'il s'agisse de systèmes de combustion de bois améliorés. Les grosses unités sont plus polluantes à cause des systèmes de contrôle.

Pour ce qui est de la question de la durée de vie du carbone, je ne vous ai pas parlé de la montagne de textes traitant du sujet. Si nous ne brûlons plus de bois ici depuis longtemps, d'autres ailleurs dans le monde continuent de le faire dans des demeures et de rejeter énormément de particules et de fumée dans l'air. Ce genre de pratiques cause des maladies. Si les gens vivent plus vieux dans certaines parties du monde, c'est sans doute, en partie, parce qu'ils ne se chauffent plus exclusivement au bois.

Enfin, personne ne validera de façon scientifique la période de 30 ans. Il faudra plus de 100 ans pour rééquilibrer le cycle du carbone. Chaque tonne de CO2 actuellement rejetée dans l'atmosphère a un effet biologique, pour ce qui est des seuils d'équilibre et des points de coïncidence, nettement supérieur à ce qu'on connaissait il y a 20 ans. Nous avons aggravé l'impact du CO2 parce que nous en avons rejeté de plus en plus dans l'atmosphère.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez ébranlé toutes mes convictions, car je croyais qu'on était sur la bonne voie avec la biomasse. On nous a dit qu'il fallait y aller à grande échelle et aujourd'hui on nous dit qu'à petite échelle cela fonctionne mieux. J'y vois quasiment une contradiction.

On dit également que si on se sert de la biomasse dans beaucoup d'endroits, on va libérer moins de CO2 que si on y va à grande échelle. J'ai de la difficulté à comprendre. J'oserais croire qu'à grande échelle on a de meilleurs systèmes pour éliminer les particules des émissions de gaz à effet de serre.

Le Dr Sammons affirme qu'on produit beaucoup plus de particules de CO2 avec la biomasse qu'avec le charbon parce que lorsqu'on brûle du charbon, on libère du carbone emmagasiné depuis des millions d'années tandis que lorsqu'on brûle du bois, on libère des substances emmagasinées depuis 100 ou 200 ans. Comparés à des millions d'années, 100 ou 200 ans semblent peu. Mme Cane, quant à elle, dit qu'on n'a pas tenu compte du méthane.

[Traduction]

Je suis un peu perdu au sujet de cette question de la petite échelle par rapport à la grande échelle et au résultat global que ça a.

Dr Sammons : Dans les grandes centrales, il est possible de limiter plus efficacement le rejet de particules. Les données sur le CO2 parlent et on ne peut les changer. Nous ne disposons d'aucune technologie qui permettra de réduire le volume de CO2 rejeté par unité de puissance.

Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que si le carbone et le charbon ont été séquestrés pendant des millions d'années, la grande question à laquelle nous allons devoir répondre concerne le genre de mesures qu'il faudra prendre en matière de production d'énergie. Quel combustible aura l'effet le moins dommageable dans les 20 ou 30 prochaines années?

Nous en sommes au stade où nous allons franchir un certain nombre de seuils sans retour possible. D'aucuns se plaisent à citer les pluies acides, mais cet exemple ne s'applique pas vraiment au cas du CO2 parce qu'il est possible de modifier le type de charbon qu'on utilise pour en prendre un contenant moins de soufre et qu'au moment où la loi a été modifiée, nous disposions déjà de la technologie nécessaire pour réduire les émissions de soufre causant les pluies acides. Or, nous n'avons actuellement pas la technologie nécessaire pour réduire le CO2. Nous n'avons aucune autre source en ce qui concerne la biomasse. Nous avons une source qui va produire plus de CO2 par unité de puissance. On pourrait toujours affirmer que le CO2 sera reséquestré dans 150 ou 200 ans, mais ce n'est pas différent dans le cas du carbone contenu dans le charbon. Ce carbone-là ne restera pas dans l'atmosphère pour l'éternité.

Il s'avère que la biomasse représente le choix qui, dans les 20 à 40 prochaines années, aura les répercussions les plus négatives sur la qualité de l'air, par rapport au charbon ou au gaz naturel. Si vous faites le calcul sur une échelle d'un million d'années, il est évident que le résultat sera différent en ce qui a trait au cycle de vie. Toutefois, pour l'instant, nous devons veiller à faire un choix qui présentera le moins de variation marginale négative dans les 20 à 30 prochaines années.

La combustion du bois a une incidence énorme parce qu'on coupe les arbres, qu'on se prive de la possibilité de séquestrer le carbone de façon continue, qu'on brûle le carbone déjà séquestré et qu'on en rejette encore plus dans l'atmosphère par unité de puissance que si l'on brûlait du charbon ou du gaz naturel. Il existe pourtant des sources d'énergie de substitution qui pourraient représenter une partie de la solution. Nous pouvons aussi économiser plus d'énergie et nous n'offrons d'ailleurs pas le même genre d'incitatifs financiers pour parvenir à ce genre de résultat.

Le sénateur Robichaud : Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a d'autres façons de faire.

Mme Cane : Je ne connais pas les études citées par le Dr Sammons, mais je ne pense pas que le charbon soit une source d'énergie propre et beaucoup d'organisations environnementales seront d'accord avec ce que je viens de dire.

Dr Sammons : Je ne dis pas que le charbon est propre.

Mme Cane : De plus, il est certain qu'il est beaucoup moins propre que la biomasse. Je ne sais pas si vous avez déjà vu une mine à ciel ouvert, mais c'est une horrible cicatrice dans le paysage. Je ne crois pas que le charbon soit une solution, mais nous en resterons là.

Vous avez dit qu'on produit davantage de CO2 par unité de puissance en brûlant de la biomasse. Je n'ai pas lu cette statistique, mais d'après celles que je connais, la combustion de la biomasse rejette moins de CO2 et moins de matières particulaires. Le ministère de l'Énergie de l'Ontario a commandé un rapport qui a été publié il y a deux semaines environ. Il conclut que la consommation de biomasse donne lieu à moins d'émissions.

Dr Sammons : Ce rapport reprend les calculs du GIEC et celui qui a fait ces mêmes calculs dit maintenant qu'il a commis une erreur. Il est prouvé que la biomasse n'émet pas moins de carbone. Ce rapport est fondé sur des hypothèses de calculs erronées, à en croire celui-là même qui les a formulées.

[Français]

M. Mainville : Que le carbone vienne de la biomasse, du charbon ou du gaz naturel importe peu. Lorsqu'il se retrouve dans l'atmosphère, le CO2 provoque des changements climatiques. Il faut considérer les décisions politiques et économiques à prendre dans les prochaines décennies pour éviter de passer le seuil catastrophique de changements climatiques extrêmes.

Je crois qu'on est d'accord, le charbon n'est pas une solution énergétique et il faut s'en départir. On présente la biomasse comme une solution verte. Or ce n'est pas tout à fait le cas. La biomasse a des impacts environnementaux majeurs, entre autres sur le cycle du carbone. Je vous exhorte à consulter les études qui révèlent le cycle de vie de la biomasse, l'impact sur les sols, la construction des routes, comment la forêt réagit à la récolte de biomasse, combien de temps faut-il à la forêt pour recommencer à séquestrer le carbone, combien de CO2 est émis à l'usine lorsqu'on brûle le bois. On l'entend de toute part et l'industrie nous parle de zéro carbone ou de carbone neutre. Or, ce n'est pas le cas. On doit savoir les vrais chiffres. Je vous lance donc la question.

[Traduction]

M. Hesselink : J'allais dire à peu près la même chose. Nous ne disposons actuellement pas de beaucoup de données correctes pouvant nous permettre de prendre de bonnes décisions. Ce faisant, il nous incombe d'aller chercher les bonnes données et de nous assurer que nos modèles reposent sur des hypothèses valables pour tirer une vraie conclusion.

Nous n'aurions pas tenu les mêmes propos il y a 200 ans, à l'aube de la révolution industrielle, quand l'air était pur, mais notre atmosphère est aujourd'hui polluée. Ce faisant, comme M. Mainville l'a souligné, cette atmosphère réagit beaucoup à toute nouvelle pression, peu importe la provenance du CO2. Nous pourrons tirer tout ça au clair si nous disposons des bonnes données.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous dites, peu importe d'où provient le carbone. Cependant l'atmosphère ou la planète n'ont-elles pas une capacité d'absorption limitée? Si du carbone emmagasiné pendant des millions d'années s'échappe dans l'atmosphère, ne risque-t-on pas de dépasser le seuil?

M. Mainville : Vous avez tout à fait raison. Voilà justement notre inquiétude. Est-ce en hypothéquant la productivité de la forêt, qui est un des filtres permettant de séquestrer le carbone, qu'on va améliorer la situation, ou est-ce en se débarrassant de la combustion? Il s'agit d'être plus efficace et de produire de l'énergie qui ne provienne pas de la combustion. Toute combustion libère du carbone dans l'atmosphère.

Nous vivons l'avènement de l'énergie verte. La géothermie, l'énergie éolienne, l'énergie solaire, l'efficacité énergétique et la diminution de la consommation sont les solutions réelles. Il ne s'agit pas de trouver une nouvelle substance à brûler parce qu'on a épuisé les autres stocks ou à cause de problèmes associés à ces autres stocks. Il faut changer cette mentalité que pour produire de l'énergie on doit brûler quelque chose. Il existe d'autres façons de produire de l'énergie.

Le sénateur Rivard : Le Dr Sammons et M. Mainville ont vraiment stimulé notre enthousiasme pour la biomasse.

Je retiens les propos du sénateur Mercer qui dit que notre préoccupation, en tant que politiciens, est de promouvoir l'économie de l'industrie forestière. Toutefois, il faut aussi penser au volet environnement.

Je retiens aussi l'argument que nous devons oublier l'idée de prendre du bois sain et le brûler pour produire de l'énergie. À la rigueur, la biomasse, sur une petite échelle, sera acceptable, malgré certains inconvénients.

Je reconnais le rôle de Greenpeace au fil des années. Jean de la Fontaine a peut-être vécu plus vieux qu'on ne le pense. En faisant allusion à Greenpeace, je pense à la fable de la Fontaine La mouche et le coche, que vous connaissez sûrement. Vous jouez très bien le rôle de la mouche, notamment pour enrayer la surpêche de la baleine. En ce moment, c'est le thon qui est surpêché par nos amis japonais.

Nous avons entendu d'autres témoins parler du problème. Guy Chevrette, entre autres, nous disait qu'au Québec l'opinion publique avait été, jusqu'à un certain point, biaisée par le fameux film de Richard Desjardins sur la forêt boréale. Vous partagez sans doute le point de vue de M. Desjardins sur les coupes à blanc. On nous apprenait que ce film fut tourné il y a environ sept ans. Or, si on retourne aujourd'hui sur les lieux du tournage, nous constaterons que la forêt a repris ses droits, comme elle était avant le tournage.

Mes propos sont davantage des commentaires que des questions. Les questions les plus brûlantes ont été posées et des réponses ont été fournies. Même si nous ne partageons pas votre opinion, ces réponses suffisent pour alimenter notre réflexion.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Je suis d'accord avec l'essentiel de ce que vous dites, docteur Sammons, et tout à fait d'accord avec vous au sujet des grosses centrales. J'estime que l'hydroélectricité est plus efficace.

S'agissant des granules de bois — parce que c'est bien ce qui nous préoccupe; il est question de réinventer l'industrie forestière au Canada —, l'Université de Guelph est en train d'expérimenter la culture du saule. Êtes-vous au courant, monsieur Hesselink? On me dit que le saule vit 21 ans et qu'on le coupe tous les trois ans. On le récolte comme une céréale; on laisse le bois de coupe reposer pendant six mois, puis on le transforme en granulés de bois. Trouvez-vous cette pratique écologique?

M. Hesselink : J'aimerais, personnellement et professionnellement, connaître les résultats de ces essais. Il y en a beaucoup d'autres du genre qui sont menés un peu partout. L'Université de Guelph est un centre d'intérêt pour un grand nombre de recherches sur l'agriculture ou la biomasse ligneuse à croissance rapide. Je suis intéressé par ces travaux et j'en ai suivi certains, mais pour la plupart, on n'en est qu'au stade préliminaire.

Le sénateur Eaton : En neuf mois, nous avons accueilli d'excellents témoins, mais nous constatons que vous ne décrivez généralement pas le bois comme étant une matière écologique, pas plus dans le domaine du bâtiment qu'en biopharmacie ou sous l'angle de la biomasse après sa transformation en granulés. Toutes vos organisations nous parlent d'énergies éolienne et solaire et, même si nous sommes le pays le plus boisé du monde, elles sont silencieuses au sujet du bois. Est-ce parce que vous n'estimez pas que le bois est un produit écologique que vous ne faites pas la promotion de ses différentes utilisations?

M. Hesselink : La SNAP fait la promotion des produits du bois, puisqu'elle appuie le programme d'accréditation du FSC. L'entente que nous venons tout juste de signer avec l'industrie est indicative du genre de coopération que nous entretenons avec elle depuis de nombreuses années. Personnellement, je collabore avec l'industrie à l'échelon régional en Ontario, presque uniquement au niveau de l'unité de gestion forestière, mais nous avons aussi des échanges pour ce qui est de la commercialisation.

Nous faisons notre possible pour promouvoir les produits des entreprises agréées par le FSC en notre qualité d'organisme pro-conservation, qu'il s'agisse de papier ou de matériaux de construction. Il s'agit d'un secteur vert qui a une valeur marchande et que nous appuyons. Nous n'avons pas pour vocation de faire du marketing et ce n'est pas notre activité principale, mais nous apportons une contribution à notre mesure.

Le sénateur Eaton : Vous gérez tous des listes de distribution impressionnantes et avez tous très bonne réputation. Le Sierra Club et Greenpeace jouissent d'une bonne réputation partout dans le monde et pourtant ils parlent rarement du bois. Selon moi, ce serait une belle occasion pour vos organisations de se servir de leurs listes de distribution et d'exercer leur influence pour promouvoir les bioproduits et les applications écologiques du bois, que ce soit en construction ou en conservation. Comment, dans l'avenir, pourriez-vous promouvoir le bois en tant que produit écologique afin d'aider l'industrie forestière?

[Français]

M. Mainville : Je peux attirer votre attention sur la vision économique de Greenpeace, du secteur forestier, un document publié l'an passé où l'on fait justement appel au développement de produits à valeur ajoutée.

On va faire la vente, la promotion de produits forestiers comme étant des solutions extrêmement écologiques pour remplacer le béton, l'acier dans la construction. On parle de papier intelligent, on parle de fournir un effort pour créer des produits à valeur ajoutée.

Si les médias décident que ce n'est pas assez controversé pour couvrir ce qu'on sort comme document, c'est autre chose. Il faut comprendre : il y a une controverse en forêt. Les solutions qu'on propose, c'est de sortir du carcan « première transformation » : on coupe des arbres, on fait des 2 x 4, on les envoie aux États-Unis. On va créer des produits qui ont une valeur ajoutée. Pourquoi ne pas développer une industrie du meuble faite au Canada qui fait vraiment un effort additionnel à s'impliquer dans la construction de ces produits? Pourquoi on ne va pas créer des emplois qui développent des produits qui sortent du carcan habituel du 2 x 4? Cela, on en fait la promotion.

Le secteur de la biomasse n'est pas un secteur à valeur ajoutée. Au contraire, je vous dirais que c'est plutôt un secteur de déplétion de la valeur, où l'on prend quelque chose d'extrêmement valorisable et on en fait sa plus simple utilisation qui est de le brûler.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Certes, mais je pense que les pays scandinaves ont obtenu d'excellents résultats. Comme vous l'avez dit, des écoles, des prisons et des hôpitaux ont commencé à se chauffer avec des granulés de bois.

Je suis déçue par certaines organisations parce qu'elles nous critiquent beaucoup au sujet de ce que nous faisons de mal sur le plan environnemental et qu'elles ne proposent pas de solutions. C'est toujours la même rengaine : « Arrêtez de faire ceci ou cela ou encore vous faites trop de ceci ou de cela », plutôt que de nous dire : « Pourquoi ne demanderions-nous pas aux supermarchés d'utiliser des sacs en papier ou en fibre à base de produits forestiers plutôt que des sacs de plastique? »

[Français]

Ce sont des objets à valeur ajoutée.

[Traduction]

Il serait utile que vous nous fassiez part de vos recommandations ou que vous demandiez à vos organisations respectives comment elles pourraient aider l'industrie forestière. Comment pourraient-elles promouvoir le bois en tant que produit écologique? Comment pourrait-on inciter les Canadiens à utiliser le bois dans les constructions non-résidentielles? Comment parvenir à modifier les codes du bâtiment dans ce pays afin de stimuler l'utilisation des produits du bois à valeur ajoutée?

Le président : Monsieur Mainville, nous allons demander à nos recherchistes de mettre la main sur votre étude sur les produits du bois à valeur ajoutée. Si, par manque de temps, l'un ou l'autre d'entre vous ne peut répondre à l'une de nos questions, nous apprécierions que vous le fassiez plus tard par écrit.

Mme Cane : Je vais répondre aux questions et préoccupations du sénateur Eaton. La principale raison pour laquelle il n'est question que de critiques dans la presse relativement à l'environnement, c'est que les médias s'attardent sur les aspects négatifs. On attire davantage l'attention en dénonçant un problème qu'en vantant une réalisation. C'est la nature même de cette industrie.

Sierra Club Canada défend l'emploi des produits forestiers à valeur ajoutée comme les articles d'ameublement. J'ai personnellement consacré une grande partie de mes recherches aux produits forestiers hors bois d'œuvre, comme l'utilisation des tenures forestières pour la culture du bleuet, des baies sauvages ou du champignon ou encore pour l'élevage du gibier. Il serait possible de mettre en valeur tout un marché grâce à l'élevage de gibier.

Dans bien des cas, on n'a pas vraiment tenu compte des droits des Premières nations relativement à ces produits forestiers hors bois d'œuvre. Le réseau de recherches en foresterie de l'Université Lakehead a fait un important travail de recherche dans le Nord. Je crois savoir que des représentants de ce réseau ont déjà témoigné au sujet de ces valeurs ajoutées. Il y a bien des choses intéressantes qui se produisent dans le secteur forestier.

L'une des raisons pour lesquelles nous ne faisons pas la promotion de la combustion du bois, c'est que nous supposons, a priori, que les gens savent comment brûler le bois. Ils savent que c'est un combustible et qu'il pourrait être une source industrielle.

Nous voulons promouvoir les technologies et les industries qui ne sont pas nécessairement bien connues, comme les énergies solaire et éolienne. C'est la principale raison pour laquelle nous ne faisons pas la promotion du bois, mais vous avez raison de dire qu'il faut promouvoir cette matière en tant que source écologique de produits à valeur ajoutée, de produits forestiers hors bois d'œuvre, et cetera.

Le sénateur Ogilvie : Tout cela est fascinant. Vous avez dit un certain nombre de choses que nous n'avions pas entendues jusqu'ici, du moins pas dans le même contexte.

Je suis toujours fasciné — et il faut vous accorder que vous en avez parlé en un sens — par le fait que le dioxyde de carbone soit essentiel à la vie telle que nous la connaissons. Nous ne serions pas ici si la température ambiante ne nous était pas quasiment garantie grâce à la présence d'un certain niveau de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. On parle donc de cumul des répercussions dans le temps.

À la façon dont je vois les choses, il faut admettre que l'être humain fait aussi partie de l'écosystème. Ce faisant, nous devrons finir par trouver une façon de définir notre rôle et de nous fixer des attentes raisonnables au regard de cet écosystème.

Enfin, je veux faire une remarque d'ordre général sur la question des arbres. Je suis heureux de mettre la chose en perspective; tout arbre est capteur de dioxyde de carbone. Plutôt que d'envisager de creuser des trous énormes pour pomper le dioxyde de carbone dans des cavités souterraines, pourquoi ne pas chercher à utiliser le bois sur pied pour séquestrer le CO2? C'est une option. Tant qu'ils ne se décomposent pas, qu'on ne les brûle pas ou qu'on ne les exploite pas de toute autre façon, les arbres sont de très bons puits à dioxyde de carbone. Le CO2 n'est pas éliminé, il est entreposé.

J'ai aussi cru comprendre qu'à un moment donné de leur cycle de vie, les grands arbres, même sur pied, présentent un bilan neutre entre la séquestration de CO2 et le rejet des résidus qu'ils produisent sous la forme de feuilles, d'écorces tombant au sol et autres.

À propos des particules, nous connaissons tous les Great Smoky Mountains avec leurs terpènes — merveilles du milieu naturel — qui donnent lieu à de superbes bancs de brouillard. Vous avez dit beaucoup de choses très importantes, mais plus particulièrement au sujet des particules. Ça m'étonne depuis toujours qu'on considère que nous avons affaire à un merveilleux système et pourtant il nous arrive de nous exclamer « Sens donc cette odeur de feu ». Pourquoi le feu a-t-il une odeur? Parce que ces systèmes rejettent des particules et des produits chimiques qui se retrouvent en suspension dans l'air.

Vous avez parlé d'ampoules. Moi, j'ai décidé de changer toutes mes lampes fluorescentes compactes à la maison à cause de leur concentration en matériaux lourds et du risque accru d'incendie qu'elles représentent.

Ce qu'il faut faire, et je crois que vous en avez tous parlé, c'est comprendre les systèmes et les appréhender dans un contexte plus général et plus réaliste quant aux orientations à choisir.

Pour enchaîner sur les remarques du sénateur Eaton, j'ai cru comprendre que dans certaines parties de l'Europe — de l'Écosse à la Scandinavie — on a obtenu d'excellents résultats dans des propriétés forestières de production grâce à des systèmes très bien organisés qui permettent des récoltes quasi continues selon un modèle de gestion des terres durable parce qu'on a fait attention à des aspects comme le ruissellement de surface, l'acidification et, bien sûr, qu'on a pris soin de choisir des essences nobles qui poussent dans les conditions ambiantes. Votre organisme considère-t-il que ce genre de propriété forestière de production est raisonnable du point de vue écologique?

Mme Cane : Il y a effectivement en Europe des propriétés forestières de production extensives où l'on fait pousser des espèces hybrides de grande qualité. Les Européens disposent de la technologie qui permet de produire ce genre de ressources forestières, technologie qui se présente sous la forme de scieries et d'appareils de combustion très efficients, notamment grâce à des dispositifs de filtration et de contrôle des émissions très au point.

Vous vouliez savoir si cette solution est raisonnable ou si cette vision serait appropriée pour le Canada. Eh bien, Sierra Club est un organisme pro-conservation. Le plus important est de protéger les terres non défrichées. Nous voulons conserver la faune et la flore et nous ne voulons pas que ces aires naturelles soient transformées en plantations. D'un autre côté, de grandes superficies ont déjà fait l'objet d'un aménagement extensif dans le cadre de tenures forestières. Comme ces terres sont déjà des forêts, le Sierra Club croit que ce serait une bonne idée de les exploiter en vertu d'un système de gestion durable ou d'un modèle de gestion fondé sur les écosystèmes étant entendu qu'on appliquerait le principe de précaution ainsi que les autres pratiques exemplaires caractéristiques de la gestion forestière. Il faudrait, pour toutes les tenures, insister sur la notion de conservation et tenir compte des différentes considérations environnementales.

Néanmoins, il convient de souligner que, même si c'est la formule des tenures forestières qui domine en Europe — les Européens ont beaucoup moins de friches que nous — nous ne devrions pas nécessairement faire comme eux. Nous devons tout de même un peu régler ce problème à la canadienne.

[Français]

M. Mainville : Je voudrais attirer votre attention sur une réalité frappante de la Scandinavie, à savoir la disparition des vieilles forêts; 50 p. 100 des espèces qui ont disparu en Scandinavie est dû à la disparition des vieilles forêts. Si vous regardez la liste des espèces menacées en Scandinavie, c'est extrêmement impressionnant.

On a la chance au Canada de continuer à faire de l'aménagement dans les forêts naturelles et nous pouvons maintenir une récolte sans les forêts naturelles sans les « artificialiser ». Il faut voir « l'artificialisation » comme un impact direct sur l'écosystème. On le rend plus fragile. On fait disparaître des espèces. À long terme, cela ne semble pas une solution intéressante pour le Canada, surtout à l'échelle où l'on travaille qui est vraiment différente de la Scandinavie.

[Traduction]

Le sénateur Kochhar : Je trouve toujours réconfortant de voir des experts reconnaître leur désaccord. Il a été question de bien des choses, mais je n'ai pas encore entendu de réponse aux préoccupations du sénateur Plett. Si nous avons été dans l'erreur au cours des 50 ou 70 dernières années, comment se fait-il que l'espérance de vie ait augmenté de 20 ans et que nous soyons de plus en plus en santé? Si nous n'étions pas plus en santé, nous ne vivrions pas plus longtemps. Le Dr Sammons pourra peut-être disserter sur ce thème.

Je suis dans la fabrication de meubles et, tout comme le sénateur Eaton, j'aimerais que vous fassiez la promotion des produits du bois de manière sensée pour que nous puissions pleinement exploiter les abondantes forêts canadiennes.

Dr Sammons : J'ai l'impression qu'un de nos messages revient à dire que nous promouvons les produits du bois parce que si on brûle la matière première, il n'y a plus de produits dérivés. On ne peut pas, commercialement parlant, promouvoir un produit du bois si on brûle la matière première.

Il faut faire attention parce qu'il ne suffit pas, pour rééquilibrer le cycle du carbone, de planter des arbres. Vous devriez consulter quelques-unes des études très intéressantes sur l'abondance de carbone dans la fibre ligneuse, études réalisées par Beebe dans la forêt nationale de Tongass.

On pourrait penser que l'activité de séquestration est moindre chez les arbres les plus vieux. Or, Beverley Law et d'autres chercheurs en Oregon ont démontré que c'est entre 80 et 120 ans que les arbres de la plupart des essences nord- américaines sont les plus efficaces pour séquestrer le carbone. Beebe a constaté que l'abondance de carbone dans les arbres de la forêt de Tongass double entre ceux qui ont 80 ans et ceux qui en ont 200.

Quant à l'espérance de vie, c'est beaucoup plus une affaire de santé publique — de vaccination et de bien d'autres choses — et ça n'a rien à voir avec le fait de ne plus brûler de bois. Ce que je veux dire, c'est que le rapport de cause à effet va bien au-delà de ce dont nous parlons ici. La vaccination et tout un ensemble d'aspects touchant à la santé publique — surtout pour ce qui est de la salubrité de l'eau — font une énorme différence pour l'espérance de vie. Les autres aspects ont beaucoup plus d'impact sur l'allongement de l'espérance de vie.

On brûle le bois depuis toujours. Jetez un coup d'œil sur les études de l'OMS et vous verrez que l'organisation s'inquiète du fait que, dans la plus grande partie du monde, on continue de respirer d'importantes quantités de fumée et des particules à l'intérieur des habitations. Dans ces conditions, il est évident que l'espérance de vie est considérablement raccourcie.

Le président : Nous avons apprécié vos exposés. La greffière vous fera parvenir une lettre contenant d'autres questions sur la biomasse afin de permettre au comité de terminer son rapport qu'il déposera à la fin 2010. Merci beaucoup de vous être déplacés ce matin.

(La séance est levée.)


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