Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 8 - Témoignages du 5 octobre 2010
OTTAWA, le mardi 5 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 8 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite tous la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Français]
J'ai l'honneur de souhaiter la bienvenue aux témoins à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité.
Aujourd'hui, honorables sénateurs, nous accueillons des témoins de quatre groupes différents. Au nom du Sénat, je remercie encore une fois nos témoins d'avoir accepté notre invitation. Vous jouez un rôle important au Canada.
Nous accueillons des témoins des Producteurs de grains du Canada, M. Richard Phillips, directeur exécutif, et M. Jim Gowland, président, Conseil canadien du soya.
[Français]
De la Fédération canadienne de l'agriculture, nous avons le plaisir d'accueillir M. Ron Bonnett, qui en est le président.
[Traduction]
De la Canadian Cattlemen's Association, nous accueillons M. Dennis Laycraft, vice-président exécutif, et John Masswohl, directeur des relations gouvernementales et internationales. Soyez les bienvenus.
[Français]
Nous recevons de l'Union des producteurs agricoles du Québec, le président de la Fédération des producteurs de lait du Québec, M. Marcel Groleau et M. Idriss Ettabaa, coordonnateur à la Direction de la recherche et politiques agricoles.
[Traduction]
Comme vous pouvez le deviner, honorables sénateurs, d'après nos témoins ici aujourd'hui, le comité se penchera sur les questions et les défis de l'agriculture.
Étant donné que le comité étudie le secteur forestier depuis un certain temps, il a été décidé de prendre au moins une réunion afin de se mettre à jour sur les différentes questions touchant le secteur de l'agriculture au Canada.
Avant que les témoins ne fassent leurs présentations, j'aimerais d'abord demander aux sénateurs de se présenter :
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je suis Fernand Robichaud, sénateur du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Je suis Frank Mahovlich de l'Ontario.
Le sénateur Fairbairn : Je suis Joyce Fairbairn de Lethbridge, en Alberta.
Le sénateur Plett : Je suis Don Plett de la capitale du Canada.
Le sénateur Ogilvie : Je suis Kelvin Ogilvie de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Eaton : Je suis Nicole Eaton de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Rivard : Michel Rivard de la province de Québec.
[Traduction]
Le président : La greffière m'informe que les exposés se donneront dans l'ordre suivant : M. Marcel Groleau, suivi de MM. Ron Bonnett, Dennis Laycraft, Richard Phillips et Jim Gowland.
Monsieur Groleau, veuillez commencer.
[Français]
Marcel Groleau, président de la Fédération des producteurs de lait du Québec, Union des producteurs agricoles : J'aimerais tout d'abord remercier les sénateurs de nous accueillir et de nous permettre d'exposer notre point de vue sur des questions qui, pour nous, sont très importantes : l'agriculture et les négociations qui se déroulent actuellement à l'OMC et entre le Canada et l'Europe. Je ferai ma présentation en français.
Je suis ici à titre de représentant de l'Union des producteurs agricoles du Québec. L'UPA regroupe 16 fédérations régionales et 25 groupes spécialisés dans les secteurs laitier, de la volaille, de la viande, de l'acériculture, de l'apiculture et autres. À titre d'administratrice, elle compte sur l'engagement direct de plus de 3 000 producteurs et productrices. Son action s'étend jusqu'en Europe, dans ses interventions auprès de l'OMC, et en Afrique, pour le développement de la mise en marché collective par le biais de la corporation UPA Développement international. Nous sommes également membre de la Fédération canadienne de l'agriculture.
L'union compte 49 929 agriculteurs et agricultrices québécois. Au Québec, on retrouve 30 000 exploitations agricoles, majoritairement familiales, qui procurent de l'emploi à 59 000 personnes. Chaque année le secteur agricole québécois dépense près de six milliards de dollars pour assurer le fonctionnement de ses entreprises. Ce secteur économique est donc très important.
Avec l'UPA, les agriculteurs et agricultrices, de même que les travailleurs forestiers, se sont donné un outil qui leur permet de maîtriser leur destin. Ils sont fiers de travailler collectivement à la noble tâche de cultiver et nourrir le Québec, tout en contribuant significativement à son développement durable.
Mon intervention mettra l'accent sur la gestion de l'offre, car il est important de savoir en quoi elle consiste au Canada, et les négociations multilatérales et bilatérales. L'Union des producteurs agricoles est consciente de l'opportunité que ces négociations représentent pour le Canada. L'UPA demeure néanmoins préoccupée face à ces négociations et à leur incidence sur les productions sous gestion de l'offre, qui ont pour principale fonction de combler les besoins du marché canadien, sans aucun soutien financier de l'État. D'ailleurs, les ministres de l'Agriculture des différentes provinces canadiennes ont toujours suivi de très près les négociations et se sont même déplacés à Genève à maintes reprises pour défendre la gestion de l'offre.
La gestion de l'offre est assurément l'une des grandes caractéristiques de l'agriculture canadienne. Pratiquée au Canada depuis près de 40 ans, dans les productions laitières et agricoles, elle favorise une production d'aliments de qualité, à bon prix, et permet à des fermes familiales de vivre du marché sans soutien financier de l'État. Au Canada, la gestion de l'offre représente plus de 19 000 fermes laitières, de volaille et d'œufs et des recettes agricoles de six milliards de dollars par année, soit 20 p. 100 des recettes canadiennes et une activité économique de plus de 42 milliards de dollars. Au pays, la production et la transformation des secteurs sous gestion de l'offre représente 250 000 emplois directs.
En novembre 2005, les parlementaires canadiens ont appuyé de façon très concrète la gestion de l'offre en adoptant, à l'unanimité, à la Chambre des communes, une motion qui n'accepte aucune réduction tarifaire ni augmentation de l'accès aux marchés des produits sous gestion de l'offre, dans le cadre d'un nouvel accord sur le commerce agricole à l'Organisation mondiale du commerce.
La gestion de l'offre repose sur trois piliers essentiels. Le premier pilier est la planification de la production, qui fait que chaque producteur reçoit une part du marché canadien qu'il s'engage à fournir et à respecter. Le contrôle des importations, une responsabilité de l'État, limite l'entrée des produits importés de sorte que les besoins du marché canadien sont comblés principalement par la production canadienne, ce qui nous permet de bien gérer ce qui est importé. Plus de 7 p. 100 des fromages consommés au Canada sont importés. Il ne s'agit donc pas d'absence d'importation. Il s'agit de contrôler efficacement ces importations sur le marché canadien. Une politique de prix garantit aux producteurs un revenu décent sans subvention de l'État.
Grâce à cette approche règlementaire pertinente et originale, on limite la surproduction et on évite les pénuries, deux fléaux majeurs qui affligeaient les producteurs canadiens avant son adoption il y a plus de 40 ans. De plus, la gestion de l'offre n'entraîne aucune distorsion sur les marchés internationaux puisqu'on ne pratique aucun dumping. Autre fait important, elle protège tous les maillons de la chaîne alimentaire, de l'agriculteur jusqu'au consommateur, contre la volatilité de prix sur les marchés internationaux.
À titre d'exemple, la crise que traversent présentement les producteurs laitiers américains et européens dans le contexte d'une forte déréglementation n'a pas affecté les producteurs canadiens l'an dernier. D'importantes quantités de lait avaient été jetées en Europe lors de manifestations. M. Vilsack, lors d'une visite au Canada, récemment, rapportait au ministre Ritz que, bien que la gestion de l'offre est critiquée à l'échelle internationale, force est d'admettre qu'elle coûte beaucoup moins cher que la politique en vigueur aux États-Unis pour maintenir la production laitière.
Plusieurs études ont démontré que, dans certaines juridictions où il y a eu déréglementation du marché des produits laitiers, la baisse de prix aux producteurs n'a jamais été transmise aux consommateurs. Il s'agit en fait d'une des spécificités de l'agriculture : les prix aux producteurs et les prix payés par les consommateurs ne sont pas toujours liés. La gestion de l'offre telle que privilégiée par le gouvernement canadien depuis quatre décennies illustre à merveille la capacité d'un État à choisir et à déterminer ses propres politiques agricoles.
Parlons maintenant de la négociation multilatérale sur le commerce agricole à l'OMC. En 2001, tous les pays membres de l'OMC adoptaient le programme de Doha pour le développement. Ils reconnaissent que la vulnérabilité des pays en développement et l'attachement des membres au développement durable, tel qu'inscrit dans le protocole précédent de Marrakech devaient être pris en considération. Ces négociations du cycle de Doha sur le commerce agricole, qui se sont échelonnées de 2001 à aujourd'hui, n'ont toutefois pas fait l'objet d'une entente, et ce, pour toutes sortes de raisons.
Les derniers textes concernant les modalités agricoles à l'OMC prévoient, si rien ne change, une augmentation substantielle allant jusqu'à 6 p. 100 de l'accès aux marchés canadiens. Les parlementaires avaient adopté une position « zéro accès supplémentaire aux marchés canadiens ». Or, actuellement on prévoit accorder 6 p. 100 de plus du marché canadien pour les produits sous gestion de l'offre et une réduction importante des tarifs douaniers, de l'ordre de 23.3 p. 100, ce qui entraînerait davantage de dumping sur le marché canadien dans les productions visées. Enfin, on prévoit d'importantes baisses de soutien interne, ce qui aurait des conséquences pour les autres productions.
Les producteurs canadiens sous gestion de l'offre ne sont pas les seuls à avoir dénoncé ce projet. Il l'a été par les dirigeants d'organisations agricoles des quatre continents dans une déclaration collective faite le 22 juillet 2008. La crise alimentaire ne peut être résolue par l'accord de l'OMC. Ces organisations agricoles actives aux quatre coins de la planète, aussi bien dans les pays en développement, ceux en émergence et les pays développés, ont exprimé leur crainte devant l'absence de prises en considération de la spécificité de l'agriculture, à savoir que ces propositions de l'OMC mineront la capacité de nombreux pays dans le monde à offrir à leurs citoyens la sécurité et stabilité alimentaire si cruellement indispensable.
J'aimerais vous parler brièvement du forum public de l'OMC de 2010, qui s'est déroulé au mois de septembre.
Lors du forum public de l'OMC, sous le thème principal « Les forces qui déterminent le commerce mondial », l'enjeu de la sécurité alimentaire sur fond de crise alimentaire de 2008, de l'augmentation de la demande alimentaire mondiale, de l'accroissement de la volatilité de prix et des changements climatiques a été le leitmotiv de toutes les sessions qui ont abordé la question agricole.
Pour faire face à l'insécurité alimentaire, les intervenants allaient tous dans le même sens, soit la nécessité d'une plus grande cohérence entre ce qui se passe à l'OMC et les buts et objectifs poursuivis dans d'autres forums internationaux, notamment la FAO, l'ONU et sur toutes les questions environnementales.
De manière plus spécifique, ce forum a été l'occasion de mettre en évidence les problèmes de cohérence entre les accords commerciaux et les droits humains fondamentaux. M. Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de l'alimentation en a fait la démonstration de façon éloquente. Les gouvernements et les organisations internationales n'hésitent plus à parler de la nécessité de revoir la gouvernance du système alimentaire par l'adoption de politiques agricoles qui favoriseront une agriculture durable qui permette aux agriculteurs de tous les pays d'en vivre décemment.
Le délégué permanent de la France à l'OMC, au même titre que d'autres représentants permanents à l'OMC parlent de la nécessité de mettre en place un forum mondial de la stabilité agricole et du besoin de régulation des marchés agricoles. Ce point sera probablement traité au prochain G20 qui sera tenu en France en mars prochain et qui portera spécifiquement sur l'agriculture.
Les représentants d'organisations agricoles et paysannes en provenance de quatre continents ont aussi eu l'occasion de s'exprimer sur ce sujet. Lors de leur intervention, plusieurs ont souligné qu'il serait important que les pays puissent être en mesure de pratiquer leur souveraineté sur les politiques agricoles et alimentaires pour être en mesure de nourrir leurs populations. Parmi les pistes de solutions proposées pour contrer la volatilité des prix, — c'est le problème principal — ils ont notamment proposé une plus grande régulation des marchés internationaux et nationaux. Et certains ont même réclamé une exception agricole à l'OMC à cause de la spécificité de l'agriculture et des aliments.
L'UPA et ses partenaires ont saisi l'occasion qu'offrait le forum public à l'OMC à Genève pour accentuer le travail de mobilisation des organisations agricoles sur le manque de cohérence des accords commerciaux multilatéraux par rapport aux autres droits et obligations des États. Un appel à la cohérence serait même lancé au moment opportun par les organisations agricoles pour redonner leur place au sein des règles du commerce international, aux droits humains, aux objectifs de sécurité alimentaire et aux pouvoirs des États d'élaborer et de maintenir des politiques agricoles qui leurs sont propres.
La crise alimentaire mondiale de 2008 a fait comprendre à un grand nombre d'observateurs et de leaders internationaux à quel point les politiques d'ouverture de marché et de déréglementation extrêmes imposées par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce ont détruit l'agriculture vivrière des pays les plus pauvres.
De plus en plus de voix se font entendre pour que l'on reconnaisse l'exception agricole et la nécessité d'une intervention de l'État pour réglementer le secteur agricole. La crise laitière qui a affecté les producteurs pratiquement partout dans le monde en 2009 illustre parfaitement le problème de l'exception agricole. Il n'y aura pas de solutions durables à ces problématiques sans reconnaissance du droit des États d'adopter leurs propres politiques agricoles et d'assurer leur souveraineté dans leurs politiques alimentaires.
Sur le dernier point, plus spécifiquement sur la négociation Canada-Europe, l'UPA a procédé récemment à une consultation des fédérations spécialisées au sujet du projet d'accord économique et commercial global Canada-Union européenne. Il est ressorti plusieurs préoccupations et attentes au sujet du soutien interne, de l'accès au marché, des barrières non tarifaires, des subventions à l'exportation, des règles d'origine et des monopoles d'État et indications géographiques. Je n'irai pas dans le détail de chacune, mais c'est pour vous spécifier que tous ces points concernent plus ou moins les différentes fédérations concernées.
D'entrée de jeu, l'UPA considère inconcevable que le soutien interne, pour le secteur agricole, ne soit pas mis sur la table des négociations. Il faut rappeler que pendant que le Canada réduisait son soutien interne suite à l'accord sur l'agriculture, l'Europe augmentait son soutien découplé vert. Ici — je le spécifie — ce soutien découplé n'est pas considéré comme ayant des effets de distorsion sur le commerce puisqu'il est dans la catégorie des soutiens verts et il continue de subventionner leur exportation.
L'UPA propose donc que les négociations concernant les tarifs soient uniquement traitées à l'OMC, comme le prévoit les autres traités de libre-échange négociés par le Canada. On ne voudrait donc pas négocier à la pièce des baisses de tarifs avec l'Europe et se voir imposer d'autres baisses de tarifs supplémentaires lorsque se poursuivront les négociations à l'OMC.
Parallèlement, l'UPA demande à ce que l'Union européenne respecte les décisions de l'OMC au sujet de la prohibition par la communauté européenne de la mise en marché et de l'importation des viandes et des produits carnés, traités avec certaines hormones.
Par ailleurs, l'UPA considère que l'Europe devrait d'abord et avant tout éliminer ses barrières non tarifaires très nombreuses et qui sont le véritable frein à l'accès au marché européen pour plusieurs productions canadiennes. Quelques exemples; dans le secteur des grandes cultures, les enjeux concernent principalement les produits OGM qui affectent tous les pays qui font le commerce du soja ou des dérivés du soja avec l'Europe. Il s'agit du processus d'approbation des produits génétiquement modifiés et de la réglementation sur la traçabilité et l'étiquetage.
Un point sur les indications géographiques; plusieurs industries agricoles et alimentaires affirment que l'extension de la protection des indications géographiques dans le cadre du projet de l'accord Canada-Europe aura d'importantes implications potentiellement négatives sur le secteur.
De plus, ce serait contraire à la position de négociation du Canada lors des pourparlers multilatéraux à l'OMC. À cet effet, l'UPA s'oppose à l'extension de la protection des indications géographiques telles que demandées par l'Europe.
En conclusion, la récente crise financière a mis en lumière l'importance et les avantages d'une solide réglementation dans ce marché. Le système bancaire canadien a traversé la crise financière beaucoup mieux que dans la plupart des pays où ce marché est déréglementé.
Tout comme la crise laitière mondiale de la dernière année, le secteur canadien a traversé cette crise sans qu'il n'ait à recourir aux subventions de l'État, ce qui confirme les avantages de notre modèle.
Pour l'UPA, il est clair que le Canada doit assumer son leadership, le leadership nécessaire pour que les producteurs sur gestion de l'offre puissent continuer à retirer la totalité de leurs revenus du marché sur la base de leurs coûts de production, ce qui inclut une rémunération équitable pour leur travail et le capital qu'ils ont investi dans leur entreprise.
Je tiens à rappeler le cycle de Doha pour le développement. Il a débuté en 2001, dans un contexte complètement différent de celui aujourd'hui. Depuis, plusieurs crises se sont succédé : énergétique, alimentaire, financière et économique. Cela fait en sorte que les bases sur lesquelles ont été amorcées les négociations ne sont plus valables. C'est pourquoi, lors du forum public de l'OMC, plusieurs considèrent qu'il serait préférable de faire table rase et de repartir les négociations sur de nouvelles bases qui tiendraient compte des enjeux actuels en misant, notamment, sur l'agriculture de proximité.
En terminant, je vais citer l'ancien président américain Bill Clinton qui disait, dans un discours prononcé lors des cérémonies de la Journée mondiale de l'alimentation le 23 octobre 2008, ce qui suit :
Nous devons admettre que, depuis 30 ans, nous avons fait fausse route. Tous les gouvernements, incluant le mien quand j'étais président, nous avons fait fausse route. Nous avions tort de considérer les aliments comme n'importe quel autre produit du commerce international. Il restera toujours un marché global pour le blé, le riz et probablement le maïs et d'autres productions. Mais à long terme, nous devons retourner à une politique d'autosuffisance agricole maximale.
Ce sont les propos de M. Bill Clinton.
Au nom de l'UPA et de tous les producteurs agricoles du Québec, je vous remercie et demeure à votre disposition pour des questions.
[Traduction]
Ron Bonnett, président, Fédération canadienne de l'agriculture : Merci de l'occasion de faire un exposé. Il est encourageant de voir que le comité sénatorial examine l'agriculture pour voir quelle sera sa position au fur et à mesure que l'agriculture progresse.
Aujourd'hui, je parle au nom de la Fédération canadienne de l'agriculture, dont je suis le président actuel, mais je suis également un agriculteur dont la ferme se situe dans le Nord de l'Ontario. La Fédération canadienne de l'agriculture représente environ 200 000 agriculteurs venant de partout au pays. Il s'agit de tout un mélange, comportant différents produits autour de la table. Nous représentons également des personnes provenant de différentes zones géographiques du pays. Une des forces de l'organisme, c'est d'essayer de regrouper ces régions géographies et ces différents produits pour élaborer certaines positions communes pour l'avenir afin de décider comment positionner l'agriculture.
Mes observations d'aujourd'hui seront centrées principalement sur l'avenir de l'agriculture et le positionnement de l'agriculture pour aller là où nous voulons aller. Je vais vous laisser un document qui parle de cette question.
La Fédération canadienne de l'agriculture a commencé à travailler sur le concept de stratégie alimentaire canadienne, en examinant notre situation actuelle et en regardant là où se trouvent certaines des occasions pour essayer de découvrir le mécanisme permettant de saisir ces occasions.
Le fond du problème pour les producteurs, c'est comment accroître la rentabilité. Nous devons incorporer la rentabilité dans nos activités, de manière qu'elles soient durables du point de vue économique et qu'elles puissent répondre aux besoins de l'avenir.
Si vous regardez certaines des conditions et des tendances qui pointent à l'horizon, les projections indiquent maintenant que la population mondiale passera de 6,8 à 9 milliards d'habitants d'ici 2050. Cela aura pour effet d'augmenter la demande sur la capacité d'approvisionnement. Les changements climatiques influeront sur les systèmes de production. Les réserves de combustibles fossiles sont en voie d'épuisement et le prix des combustibles fossiles est à la hausse.
D'autres pays, mais pas le Canada, doivent faire face à des défis économiques actuels alors que les gouvernements tentent d'équilibrer les budgets. Nous devons voir comment nous allons nous positionner. L'idée consistant à examiner l'agriculture d'un point de vue stratégique est très différente de ce que nous avons fait dans le passé. Nous avons eu des politiques et des programmes. Les documents relatifs à Cultivons l'avenir sont principalement des documents de nature budgétaire qui essaient d'apparier les ressources à certains des besoins. En prenant du recul et en examinant une stratégie à long terme, nous allons regarder quelles seront les demandes à l'échelle nationale et ce qu'il faudra pour les combler et quelles seront les demandes du côté de l'exportation et ce que nous devons faire pour saisir certaines de ces occasions.
On commence par examiner des choses comme le cadre réglementaire, les programmes de soutien, le système de commercialisation — que ce soit la gestion de l'offre ou non — et essayer de déterminer la meilleure façon de profiter des occasions canadiennes à la fois à l'échelle nationale et au niveau de l'exportation.
Je lisais un document en venant ici aujourd'hui au sujet de la modification des habitudes alimentaires. Cela deviendra une question de plus en plus importante, alors que les gens vont commencer à chercher à régler leurs problèmes de santé en faisant des choix alimentaires. Comment pouvons-nous positionner le produit canadien pour qu'il devienne le choix des Canadiens lorsqu'ils décident quel produit ils vont acheter?
Nous avons travaillé en assez étroite collaboration avec un certain nombre d'autres groupes. L'Institut canadien de recherches stratégiques en agriculture est en train de faire du travail sur l'intégration de la santé et de l'agroalimentaire et examine comment combiner ces deux éléments. Nous devons avoir une vue plus étendue des choses de sorte que, plutôt que de penser aux aliments seulement, nous pensions à ces derniers comme faisant partie d'un budget global. À l'heure actuelle, nous voyons une augmentation de la part du budget consacrée aux soins de santé. Nous croyons que si les bons choix sont faits en matière d'agriculture et d'alimentation, par le biais du régime alimentaire, nous pouvons compenser certaines de ces dépenses.
Nous avons tenu nos premières consultations à Toronto en juin. Un certain nombre de groupes autour de cette table y ont participé. Il semble y avoir un appui généralisé au concept consistant à prendre du recul pour examiner où nous voulons aller. Et parfois, cela déborde la simple question des aliments. J'ai dit plus tôt que l'une des tendances est le changement du prix et de la disponibilité des combustibles fossiles. Il y a une possibilité dans l'avenir que les agriculteurs puissent combler une certaine partie des besoins énergétiques. Les agriculteurs pourraient également fournir certains des produits industriels qui sont actuellement fournis par l'industrie pétrolière.
La pierre angulaire d'une stratégie alimentaire nationale doit être la durabilité. Lorsque nous parlons de durabilité, nous parlons de la durabilité du point de vue économique, du point de vue social et du point de vue environnemental.
Ceci dit, en nous mettant dans une position pour examiner ce que la stratégie devrait être pour l'avenir et en travaillant avec tous les secteurs de l'industrie, y compris les transformateurs et les détaillants, nous devons également prendre certaines mesures pour nous assurer que nous aurons des agriculteurs pour approvisionner ce marché. Je ne pense pas que ce soit un secret pour personne qu'il y a eu un certain nombre de problèmes l'année dernière. Dans l'Ouest du Canada, devant les aléas du climat dans cette région, certains programmes n'ont pas semblé répondre comme ils auraient dû le faire. Nous devons nous assurer d'apporter des correctifs provisoires à certains des programmes de soutien avec le temps et nous assurer qu'ils sont mis à jour.
Nous réclamons certains changements à la série actuelle de programmes de gestion du risque. Je sais que certains des autres organismes donnent leur appui à l'idée d'ajuster le critère de viabilité appliqué aux marges négatives et d'apporter certaines modifications aux 15 p. 100 supérieurs de la marge de couverture de référence utilisée ou de la participation dans Agri-investissement, visant à utiliser la moyenne olympique. Cela veut dire éliminer certaines des valeurs élevées et faibles pour obtenir une meilleure moyenne.
Une autre chose que nous devrions examiner, c'est la question du Fonds Agri-flexibilité. Nous demandons cela depuis un certain temps déjà, reconnaissant qu'il y a des différences entre les provinces concernant le type de programmes en place. Le gouvernement est effectivement allé de l'avant et a offert un certain financement flexible. Toutefois, il n'a pas permis qu'il soit utilisé par des provinces individuelles pour leurs programmes de gestion du risque d'entreprise, et nous estimons que cette utilisation devrait être autorisée.
L'autre question qui touche principalement les producteurs de l'Ouest est le coût du transport des grains par rail. On travaille actuellement à examiner le service des transporteurs ferroviaires, pour voir ce qui est offert par les compagnies de chemin de fer actuellement par rapport à ce qui était offert dans le passé. Parallèlement à cela, nous devons examiner la question des coûts et voir si des frais de transport réalistes sont imposés aux producteurs.
Il y a quelques autres questions que j'aimerais aborder et qui devraient être envisagées lorsque l'on examine l'agriculture. Une de ces questions est celle de la recherche scientifique. L'aspect innovation aidera l'industrie canadienne à se positionner pour profiter des occasions qui s'offriront dans l'avenir. Si vous regardez toute la question de l'initiative des aliments sains, si vous regardez toute la question des biocombustibles, si vous regardez la création de nouveaux produits à partir de la production agricole, il faut de la recherche scientifique derrière tout cela. Cela devra devenir une des considérations fondamentales lorsque nous passerons à la prochaine série de programmes.
Du côté de l'environnement, il faudrait reconnaître que l'agriculture joue un rôle important dans la question de l'air pur, de l'eau propre et de l'environnement sain. Nous fournissons un habitat pour un certain nombre d'espèces en péril différentes. Il doit y avoir un mécanisme pour récompenser les producteurs qui offrent ces avantages. Si la société en retire des avantages, un mécanisme doit être élaboré pour permettre aux agriculteurs d'être récompensés. L'Europe a pris beaucoup d'avance sur le Canada à ce chapitre et c'est une question que nous devrions examiner.
Mes dernières observations portent sur le commerce, à la fois dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, OMC, et des accords bilatéraux. Il a été question de l'OMC. La principale notion, de notre point de vue, c'est de ne pas échanger un produit ou un secteur pour un autre. Tout pays qui entreprend des négociations, que ce soit à l'OMC ou dans des accords bilatéraux, essaie d'améliorer son exportation, mais il ne veut pas renoncer à ce qui fonctionne chez lui. Il a été question de la gestion de l'offre. Il s'agit d'un outil qui a très bien fonctionné au Canada. Toutefois, il ne faudrait pas que nous soyons pris en otage pour d'autres produits d'exportation pour lesquels il existe d'excellentes occasions de commercialisation. Je suis allé en Europe récemment et j'ai regardé le prix de certains produits agricoles là-bas. Il y a une énorme occasion qui s'offre pour nos produits d'exportation. Lorsque nous nous engageons dans ces relations, nous devons agir comme des négociateurs coriaces et reconnaître que nous n'allons pas céder ce qui est bon pour nous et ce qui a fonctionné pour nous. En même temps, nous devrions aller là-bas de la même manière que tout le monde et essayer de saisir la plus grande part de marché possible.
L'autre chose qui a été mentionnée plus tôt, c'est que vous devez être particulièrement conscients lorsque vous vous engagez dans des accords bilatéraux. Ce n'est pas uniquement une question de réduction des tarifs. Dans certains pays, il existe des subventions et des programmes d'aide qui confèrent aux producteurs locaux un avantage concurrentiel déloyal. Si nous ne reconnaissons pas ces questions dans l'avenir, nous placerons nos producteurs dans une situation nettement désavantageuse.
J'aimerais terminer mon exposé en vous laissant de la documentation sur la stratégie alimentaire nationale. Nous croyons fermement que nous devons faire un examen stratégique de la façon dont nous voulons positionner l'agriculture pour l'avenir, sinon nous ne serons pas en mesure de saisir les occasions qui s'offrent. Il est raisonnable de dire que de nombreux producteurs estiment maintenant qu'il existe des occasions, mais si nous n'avons pas les bons outils et si nous n'avons pas la bonne stratégie, ce n'est pas le Canada qui en profitera.
Le président : Merci, monsieur Bonnett. Monsieur Laycraft, vous avez la parole.
Dennis Laycraft, vice-président exécutif, Canadian Cattlemen's Association : Premièrement, je vous remercie encore une fois de l'invitation à comparaître devant le comité. Au cours des dernières années, nous avons un certain nombre d'occasions de vous faire rapport sur la situation de l'industrie canadienne de l'élevage bovin. Le sénateur Fairbairn et moi nous retrouvons à bord du même avion plus souvent que je l'aurais cru il y a quelques années. Nous vous sommes reconnaissants de l'attention soutenue que vous portez à notre industrie.
Nous avons connu un certain nombre d'années difficiles au cours de la dernière décennie. Il semble que nous ayons réussi à faire face à tous les grands défis qui peuvent accabler une industrie. Aujourd'hui, je suis heureux de vous dire que nous voyons enfin la lumière au bout du tunnel. Au moment où la demande commence à se stabiliser après une des pires récessions, nous commençons déjà à voir un changement en Amérique du Nord pour ce qui est de la popularité des coupes de plus grande valeur dans les menus de restaurants. Le cheptel de bovins est à la baisse et pas seulement en Amérique du Nord. Aux États-Unis, le cheptel est à son plus bas niveau en 50 ans; nous sommes à notre plus bas niveau en 20 ans. Je reviens tout juste d'Argentine où le cheptel a été réduit de plus de 20 p. 100. Tout cela représente une réduction de plus de 10 millions de têtes au cours des dernières années, et la réduction se poursuit. Tout cela a permis de créer une situation dans le monde où, au fur et à mesure que l'approvisionnement se resserre, la demande commence à s'améliorer. Cette année, nous commençons enfin à voir une certaine amélioration sur le marché et nous attendons de voir ce qu'il adviendra du prix des grains. Il s'agit d'un facteur important dans l'établissement de nouveaux prix, mais il semblerait que 2010 sera la première année, depuis de nombreuses années, où il y aura un certain degré de rentabilité dans de nombreux segments de notre industrie, y compris le secteur des éleveurs-naisseurs.
Nous sommes différents de ce que vous avez entendu dire plus tôt. Nous sommes au troisième rang des exportateurs de bovins sur pied et de boeuf dans le monde. Le commerce mondial est d'une importance vitale pour notre industrie. Être une industrie nationale ou une industrie d'exportation n'a plus d'importance maintenant. Si vous êtes dans l'industrie de l'élevage bovin, vous êtes soit une industrie de plus grande taille soit une industrie de plus petite taille. Pour obtenir la pleine valeur d'un animal, vous devez être en mesure de vendre tous les produits, qui s'élèvent à plus de 200, que l'on peut tirer de chaque animal. Lorsque vous essayez de trouver un marché de choix pour le foie, les lèvres de boeuf, les langues et les pattes de boeuf raccourcies, ce marché ne se trouve généralement pas au Canada. Pour obtenir la pleine valeur de chaque animal que nous produisons, nous devons probablement vendre dans 15 pays différents et nous en avons plus que cela qui font des offres pour ces produits, afin d'obtenir la valeur qui créera la durabilité dont nous avons besoin dans notre industrie.
Nous avons dû faire face au défi posé par notre devise. Si vous regardez la situation qui existait au cours de la première partie de la présente décennie, notre dollar se situait aux environs de 70 cents. Maintenant que nous faisons concurrence avec un dollar qui est presque à parité, cela commence à révéler certaines de vos faiblesses concurrentielles. Il est d'une importance capitale pour notre industrie d'avoir le meilleur environnement commercial concurrentiel possible au Canada si nous voulons pouvoir continuer à livrer concurrence avec succès.
Comme on l'indiquait, un élément majeur de notre compétitivité est un accès au marché commercialement viable. Initialement, l'ESB — encéphalopathie spongiforme bovine — nous a fait exclure de la plupart des marchés dans le monde. Nous avons lentement mais sûrement repris la plupart de ces marchés, et dans presque tous les marchés où nous jouissons d'un plein accès, nos ventes après l'épisode d'ESB ont dépassé nos ventes d'avant cette période. Nous savons qu'il existe une demande pour la qualité de boeuf que nous produisons. Nous sommes l'un des deux principaux producteurs de bovins de haute qualité dans le monde. C'est une production de bovins de céréales, et nous faisons concurrence aux États-Unis, qui sont également notre plus gros client. Tout ce qui est fait pour s'assurer qu'il n'y a pas de resserrement à la frontière ou de mesures à la frontière avec les États-Unis est d'une importance vitale. Je reviendrai sur cette question.
Nous croyons que le gouvernement est sur la bonne voie. Le ministre Ritz voyage toujours en notre nom et ses efforts, de pair avec ceux du ministre Van Loan et du premier ministre, ont mené à un accès élargi crucial. Au cours de la dernière année, nous avons réussi à regagner un accès complet à la Russie, et la réintégration de la Chine ainsi que la normalisation du commerce avec Hong Kong ont commencé. En jetant un coup d'œil à la croissance des économies autour du monde, on voit que ces marchés compteront un jour parmi les plus importants. Nous continuons à tenter d'améliorer l'accès au Japon, à la Corée, au Mexique et à l'Europe, et nous croyons être sur le point d'atteindre notre objectif; je reviendrai là-dessus. Nous avons aussi entrepris un plus long processus par rapport à la Chine et Taiwan.
Au cours des derniers mois, nous avons travaillé avec le gouvernement au différend de l'OMC qui concerne la loi américaine visant l'étiquetage du pays d'origine. Je tiens d'abord à féliciter le gouvernement pour le travail d'équipe qu'il a fait, ainsi que pour ce qu'il a accompli à Genève, il y a deux semaines. Nous continuons à collaborer étroitement avec lui. Si nous finissons par gagner le débat, nous devrons déployer des efforts de sensibilisation énergiques pour veiller à ce que les changements nécessaires soient apportés pour qu'on se conforme à la décision.
Des difficultés liées à l'ESB continuent à avoir des conséquences non seulement sur l'accès aux marchés, mais aussi sur notre compétitivité. L'interdiction frappant les aliments du bétail est plus stricte ici qu'ailleurs. Nous enlevons les tissus qui contiennent du matériel potentiellement infectieux ou des matières à risque spécifiées. Cependant, notre liste est beaucoup plus longue que celle des États-Unis, ce qui a pour conséquence qu'il est plus coûteux de transformer le bétail au Canada. Tous les jours, des offrants canadiens et américains tentent d'acheter les mêmes bêtes. Nous recommandons d'adopter une approche multidimensionnelle pour régler la question de manière adéquate.
Au cours de la dernière année — et nous recommanderions certainement que cela se poursuive —, les frais d'élimination ont été compensés par un certain soutien prévu dans le budget précédent afin de permettre aux entreprises de transformation canadiennes de concurrencer à armes plus égales avec celles des États-Unis. Si nous avons appris une chose en 2003, c'est qu'il ne faut pas devenir excessivement dépendant de la transformation à l'extérieur de son pays. Il est important pour nous de recevoir des offres pour notre bétail, mais nous voulons également veiller à maintenir une industrie de transformation forte et durable au Canada.
Nous savons que divers efforts sont déployés pour réduire les frais à cet égard, mais il faut des années pour les mettre en œuvre. Nous cherchons donc un soutien continu qui permettrait de compenser les coûts pour nos entreprises de transformation. À long terme, notre objectif final est d'harmoniser notre réglementation avec celle des États-Unis, mais nous croyons qu'il faudra de nombreuses années pour y arriver.
Je maintiens ce que nous avons dit, à savoir que l'année 2010 a été favorable pour les éleveurs de bétail comparativement à la plupart des autres années, mais on n'est sans doute pas conscient de ce fait dans certaines régions du pays. Nous avons été frappés par certaines des conditions météorologiques les plus extrêmes qu'on puisse imaginer. Qui aurait cru qu'il y aurait des inondations tellement dévastatrices en Saskatchewan? En fait, nous nous sommes réunis en mars pour discuter de la sévérité de ce qui semblait être des conditions de sécheresse record dans cette même région. D'autres endroits subissent aussi des inondations, tandis que le Nord-Est de l'Alberta a connu un peu de sécheresse.
Compte tenu de cette instabilité, comme M. Bonnett l'a dit, certains des divers outils qui aident à gérer les risques demeurent importants. Je suis d'accord avec lui en ce qui concerne les domaines dans lesquels on doit apporter des améliorations.
Nous recommandons également l'adoption d'une autre mesure. La province de l'Alberta a instauré un programme d'assurance fondée sur le prix et la base, qui permet de choisir le niveau de couverture et d'assurer le prix; le risque est couvert par les primes que les producteurs paient. D'autres outils sont employés pour tenter de gérer le risque, mais le programme fournit aux producteurs un moyen additionnel de rendre leur entreprise sûre. Nous aimerions qu'une mesure semblable soit mise en œuvre partout au Canada. À mon avis, cet outil serait utile.
Pour répéter encore une fois les propos de M. Bonnett, notre capacité de mettre au point et d'employer de nouvelles technologies aura une incidence sur notre compétitivité à long terme. Nous mettons actuellement en œuvre le nouveau Beef InfoXchange System. Nous espérons que vous apprendrez à mieux connaître cette technologie dans les années à venir.
Ainsi, nous travaillons actuellement à la mise en œuvre du programme de classement du bœuf le plus moderne au monde, grâce auquel nous aurons accès à des renseignements considérables que nous pourrons enfin communiquer même aux éleveurs-naisseurs, qu'on a largement laissés dans l'ignorance jusqu'à maintenant. Nous croyons que ce programme nous permettra non seulement d'augmenter la qualité de nos produits, mais aussi d'accroître notre efficacité. Toutes ces mesures contribuent à l'amélioration de la durabilité de l'industrie. Moi qui ai examiné des programmes partout dans le monde, je peux déclarer que nous deviendrons des chefs de file grâce à cette technologie de pointe.
Il demeure crucial de continuer à financer la R-D. Nous sommes l'un des premiers secteurs de l'industrie à contribuer à la grappe scientifique du secteur du bœuf.
Je dois aussi aborder brièvement la question de l'Union européenne et des négociations qui s'y déroulent. Nous accordons beaucoup d'importance à l'OMC et à l'amélioration de l'accès, mais l'Europe nous intéresse particulièrement.
Lorsque j'ai commencé, l'Europe était le troisième marché pour la production canadienne. Des obstacles techniques non justifiés ont été dressés pour de nombreuses raisons. À l'heure actuelle, l'Europe produit une quantité insuffisante de bœuf. Quand nous avons commencé, un million de tonnes étaient entreposées dans des chambres de produits congelés d'Europe. Maintenant, elle importe plus de 500 000 tonnes et jusqu'à 600 000 tonnes, ce qui représente la moitié de notre production annuelle.
Si nous arrivions à obtenir un accès considérable à ce marché, sans tarifs, nous serions l'un des seuls pays du monde à pouvoir accomplir une telle chose. Cette situation serait extrêmement avantageuse pour tous les producteurs canadiens, en particulier compte tenu des défis que l'Est du Canada affronte et des tentatives de maintenir la viabilité de l'usine située à l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agirait du marché le plus près, et il nous permettrait de produire. À notre sens, cet élément pourrait grandement contribuer à la future prospérité et durabilité de notre industrie.
Sur ce, j'aimerais vous remercier encore une fois de m'avoir permis de me présenter devant vous.
Richard Phillips, directeur exécutif, Producteurs de grains du Canada : Merci beaucoup de nous permettre d'être ici aujourd'hui. Je suis accompagné ce soir de Jim Gowland, un agriculteur de l'Ontario et le président du Conseil canadien du soya; il partagera notre temps de parole.
Je suis associé aux Producteurs de grains du Canada depuis quatre ans. Nous représentons plus de 80 000 producteurs prospères de blé, d'orge, de canola, de maïs, de légumineuses, de seigle et de triticale. Pour ma part, ma ferme est située à Tisdale, en Saskatchewan, où, malheureusement, il est tombé cette année des pluies record; pour cette raison, nous avons pu ensemencer seulement un tiers de nos terres. Nous n'avons pas encore terminé la moisson du canola que nous avons réussi à faire pousser, mais la récolte sera maigre.
Nous avons reçu des fonds du programme Agri-Relance — 30 $ par acre que nous n'avons pas pu ensemencer —, ce qui nous aidera à payer certaines factures. Nous aimerions reconnaître le travail des gouvernements du Canada et de la Saskatchewan, qui ont remanié le programme si rapidement et ont distribué les fonds.
Aujourd'hui, j'aimerais parler de trois domaines clés que les agriculteurs canadiens jugent importants. Le premier est la recherche. Le secteur privé investit des sommes énormes dans la recherche et l'innovation au Canada, et il a accompli d'immenses progrès par rapport à trois cultures : le maïs, le soya et le canola. Toutefois, par comparaison, peu de fonds du secteur privé sont versés dans les céréales, les cultures spéciales, le fourrage et les légumineuses.
Dans le passé, tout le travail accompli relativement à ces cultures était financé par les prélèvements sur les ventes de grains des agriculteurs et par le secteur public; or, depuis 1994, les investissements dans la recherche publique au Canada ont diminué de 40 p. 100. Le secteur public est important pour nous, car il investit souvent dans des domaines de recherche et de risque auxquels le secteur privé ne travaille pas.
Par exemple, ce serait presque exclusivement des fonds issus du secteur public ainsi que des prélèvements versés par les agriculteurs qui financeraient la recherche portant sur des céréales telles que le blé, l'avoine et l'orge, ainsi que sur les cultures de légumineuses comme les pois, les pois chiches et les lentilles. Le secteur public travaille souvent à des questions liées à l'agronomie et aux maladies, questions qui ne généreront peut-être pas de revenus. Or, sans ces revenus, rien n'incite le secteur privé à investir.
Une augmentation du financement versé dans la recherche est l'un des rares secteurs de dépenses sur lequel tous les agriculteurs de partout au pays peuvent s'entendre. Nous demandons une augmentation de 26 millions de dollars par année pendant 10 ans, ce qui rétablira les niveaux de financement de 1994, ainsi qu'un crédit d'impôt pour semence certifiée, ce qui encouragera les agriculteurs à utiliser de nouvelles semences.
Le deuxième domaine que les agriculteurs jugent important, c'est le transport ferroviaire. Le service s'est peut-être amélioré récemment en raison du ralentissement économique, qui a eu pour résultat de dégager du personnel et des locomotives à l'avantage de l'industrie céréalière, mais nous savons que lorsque la conjoncture sera plus favorable, le service chutera. Or, quand le service est mauvais et la disponibilité des wagons est sporadique, ce sont les agriculteurs qui paient. Par exemple, le marché international offre souvent des prix élevés pour les cultures de légumineuses; toutefois, deux choses peuvent se produire : soit le transformateur de légumineuses ne présente pas d'offre parce qu'il ne sait pas s'il pourra faire parvenir la récolte au port à temps, soit il baisse les prix qu'il accorde aux agriculteurs afin de compenser les pénalités pour livraison tardive. D'une façon ou d'une autre, l'agriculteur ne bénéficie aucunement des prix élevés offerts sur le marché international.
Après un long combat mené au Parlement il y a deux ou trois ans, le gouvernement fédéral a finalement nommé un comité chargé de se pencher sur les problèmes de service. Ce comité doit publier ses constatations vendredi, et nous espérons qu'il recommandera d'apporter les changements importants qui, selon les Producteurs de grains du Canada et d'autres organismes, sont nécessaires pour équilibrer les pouvoirs de négociation entre les expéditeurs et les chemins de fer.
Le troisième domaine que les agriculteurs jugent important, c'est le commerce. Bien que nous penchions fortement du côté de l'adoption d'une solution musclée dans le cadre des pourparlers sur le commerce mondial, nous reconnaissons que d'ici à ce que les États-Unis et d'autres grands joueurs s'engagent, les progrès demeureront au point mort. Nous devons donc absolument continuer à négocier des ententes bilatérales et de petits accords multilatéraux afin que les agriculteurs canadiens aient un accès concurrentiel aux marchés.
Toutefois, il est inutile de conclure un accord commercial si l'on est incapable de le faire respecter. Pour cette raison, dans toute négociation, il faut absolument veiller, premièrement, à ce que des mécanismes de règlement des différends soient mis en place, et, deuxièmement, à ce que des marges de manœuvre raisonnables soient établies afin d'éviter de reproduire des difficultés comme celles que nous connaissons par rapport au canola et à la Chine, ou au lin et à l'Europe.
Nous aimerions reconnaître le travail que le gouvernement a fait par rapport aux nombreux accords commerciaux qu'il a entrepris — avec l'Union européenne, la Turquie, l'Inde et le Panama —, ainsi que les accomplissements des libéraux comme des conservateurs en ce qui touche l'accord conclu avec la Colombie; les deux partis ont travaillé ensemble dans la Chambre des communes pour mener ce projet à terme.
Je vais mettre mes notes de côté un instant. M. Groleau a parlé d'autres pays et d'agriculteurs. Je pense qu'un accord commercial comme celui que nous avons conclu avec la Colombie peut être favorable, parce que les produits que les agriculteurs colombiens veulent exporter, qu'il s'agisse de café ou de fruits tropicaux, ne sont pas cultivés au Canada; tandis qu'eux ne produisent pas assez de ce que nous voulons exporter. Lorsque les accords commerciaux sont structurés de cette façon, les deux pays gagnent, et les agriculteurs des deux régions du monde aussi.
Les Producteurs de grains du Canada ne croient pas qu'il revient au gouvernement d'assurer la subsistance des agriculteurs. Toutefois, il leur doit bel et bien une politique qui leur permette de gagner leur vie. Investissez avec nous dans la recherche publique afin que nous demeurions concurrentiels, travaillez avec nous au dossier du transport afin que nous puissions expédier les grains et encouragez le commerce afin que nous ayons accès aux marchés. Le succès est à notre portée, et nous l'obtiendrons.
Avant de céder la parole à M. Gowland, j'aimerais mentionner qu'en tant qu'agriculteurs, nous rencontrons souvent les députés, mais nous travaillons aussi de près avec les fonctionnaires, le personnel. Je viens de remarquer que certaines des personnes avec qui j'ai travaillé au fil des années sont assises dans la section des observateurs. À titre d'agriculteurs, nous sommes très reconnaissants de tout ce que le personnel d'Agriculture et Agroalimentaire Canada fait pour nous chaque jour.
Jim Gowland, agriculteur, Producteurs de grains du Canada : Au nom du Conseil canadien du soya, je tiens à remercier le comité sénatorial de nous avoir invités à participer à la discussion au sujet de l'état actuel et des perspectives d'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire au Canada.
Je suis président du Conseil canadien du soya depuis cinq ans. Notre organisation est très jeune. On pourrait dire que c'est moi qui l'ai fondée, qui ai rassemblé certaines provinces pour parler d'enjeux nationaux pendant que la culture de la matière première s'étendait dans notre grand pays.
Le Conseil canadien du soya représente maintenant 30 000 producteurs de soya du Manitoba, de l'Ontario et du Québec. Pour ma part, je suis un producteur de cultures commerciales basé dans le comté de Bruce, près de Walkerton, en Ontario. Je cultive 2 300 acres de soya, de blé, de maïs et de haricots comestibles avec mon épouse, Judy. Les moissonneuses-batteuses travaillent dans les champs au moment même où je vous parle.
Nous sommes très chanceux, contrairement à certains de nos homologues de l'Ouest. J'ai deux filles qui habitent là- bas, et elles voient de leurs propres yeux la dévastation subie au cours de la dernière année. En Ontario et dans l'Est du Canada, nous avons beaucoup de chance, car les saisons de croissance ont été bonnes. Jusqu'à maintenant, toutes nos récoltes dépassent la production normale.
On cultive le soya au Canada depuis plus de 60 ans. On le fait pousser surtout au Manitoba, en Ontario et au Québec, mais récemment, grâce à des progrès dans le domaine de l'amélioration des plantes, on a commencé à le produire aussi dans les Maritimes et en Saskatchewan. Il y a 60 ans, on a commencé à faire pousser le soya en Ontario. Pendant de nombreuses années, il s'agissait essentiellement d'une culture de l'Ontario, mais au cours des 10 ou 15 dernières années, l'amélioration pratiquée par les secteurs public et privé du Canada a rendu possible une expansion rapide de la culture dans tout le pays et des débouchés à valeur ajoutée.
Au cours de la dernière année, environ 3,5 millions d'acres de soya ont été ensemencés au Canada, faisant ainsi du soya la sixième culture du pays sur le plan de la production globale. En 2009, le soya occupait le quatrième rang des sources de recettes pour les fermes de cultures; sa valeur totale était d'approximativement 1,2 milliard de dollars. Actuellement, 65 p. 100 du soya canadien est génétiquement modifié. Le reste — 35 p. 100 — est destiné principalement aux marchés extérieurs.
Au cours des 13 dernières années, les membres de notre industrie ont démontré qu'ils ont les compétences et l'expérience nécessaires pour établir des protocoles permettant de séparer le soya spécialisé des grains manutentionnés en vrac. L'investissement de temps et d'infrastructures était essentiel à la coexistence du soya génétiquement modifié et du soya non génétiquement modifié, coexistence qui permet de répondre aux besoins des segments de marché principaux de l'industrie. De plus, notre méthode nous a permis de différencier notre produit sur le marché international, tout en créant des débouchés à valeur ajoutée extraordinaires, ainsi que des primes qui dépassent les prix des marchandises offerts aux producteurs.
La science et l'innovation ont joué un rôle très important dans le succès de notre industrie. En effet, grâce aux investissements des secteurs public et privé dans l'amélioration des plantes, le Canada a pu saisir des possibilités en employant à la fois des techniques de modification génétique et d'autres techniques. Ces possibilités aident les producteurs canadiens de soya à ajouter de la valeur à leur exploitation agricole dans les marchés intérieur et international. Toutefois, les secteurs public et privé doivent continuer à investir, ce qui mènera certainement à la création de nouvelles variétés qui seront non seulement avantageuses pour les producteurs, mais aussi pour les consommateurs.
L'industrie canadienne du soya continuera à affronter des défis pour maintenir ses marchés actuels et pour accéder à de nouveaux marchés. De nombreux pays, y compris le Canada, ne tolèrent aucunement les variétés non approuvées créées au moyen de la biotechnologie. Or, il est impossible pour notre industrie de garantir qu'aucun trait génétiquement modifié des grains n'a été contaminé.
En approuvant de nouvelles caractéristiques génétiquement modifiées, nos principaux marchés d'importation ont établi de nouveaux seuils que notre industrie peut respecter grâce à nos systèmes d'assurance de la qualité, tels que le Système canadien de reconnaissance de la ségrégation, ou le SCRS, qui est administré par la Commission canadienne des grains. Nos clients pratiquent une politique de tolérance zéro. Alors, si une caractéristique génétiquement modifiée non approuvée est décelée dans un envoi canadien, cela pourrait entraîner la fermeture de cette frontière et avoir une incidence directe sur la compétitivité de notre industrie, car le Canada exporte près de 50 p. 100 de ses récoltes de soya par année. Nous expédions environ 2 millions de tonnes métriques annuellement.
Pour assurer la compétitivité des producteurs canadiens de soya, il est primordial de conclure avec nos principaux marchés d'exportation des ententes concernant la présence en faible quantité d'organismes génétiquement modifiés et de travailler à l'harmonisation des processus de gestion des caractéristiques génétiquement modifiées qui sont approuvés à l'échelle internationale.
En résumé, les sommes d'argent que les producteurs, l'industrie et le gouvernement investiront dans la science et l'innovation, les initiatives qui seront entreprises pour faciliter l'accès aux marchés et le développement des marchés nationaux et internationaux contribueront à l'élaboration de stratégies qui aideront le Canada à demeurer concurrentiel dans un marché mondial en constante évolution. Sur ce, j'aimerais remercier de nouveau le comité sénatorial de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui au nom du Conseil canadien du soya.
Le sénateur Plett : Mon préambule sera bref, car j'ai quelques questions à poser. Je vous remercie, messieurs, d'avoir pris le temps de nous rendre visite aujourd'hui et de nous avoir donné des exposés. Je vais poser des questions à trois d'entre vous. Je vais m'efforcer d'être bref et, en me répondant brièvement, vous permettrez aux autres sénateurs de poser également des questions.
Je vais commencer par M. Groleau. J'ai quelques questions à vous poser qui concernent surtout la gestion de l'offre. Je n'aime pas nécessairement cette pratique. Je crois que la gestion de l'offre permet à des gens inefficaces de faire des profits, et je n'approuve pas nécessairement cela. Cependant, je vous poserai deux questions.
Je pense que vous avez dit qu'au Québec, 7 p. 100 du fromage était importé et que son importation était assujettie à certaines restrictions. Compte tenu de ce que vous pensez de l'importation, partagez-vous le même avis à propos de l'exportation?
J'ai goûté à de nombreux fromages du Québec, et ils sont délicieux. Personnellement, je crois que le fromage fabriqué à New Bothwell, au Manitoba, est le meilleur du monde, mais il est probable que je manque un peu d'objectivité à ce sujet. J'aimerais certainement être en mesure d'acheter le fromage qui me semble le meilleur, peu importe d'où il vient. Pourriez-vous nous expliquer brièvement ce qui motive vos sentiments à l'égard de l'importation, comparativement à l'exportation?
J'aimerais également vous demander si, à votre avis, nous devrions gérer l'offre de tous les types d'animaux d'élevage, et pas seulement ceux pour lesquels nous le faisons en ce moment.
[Français]
M. Groleau : C'est l'import versus l'export, comme l'a mentionné M. Bonnett. La plupart des pays qui négocient des ententes commerciales ont des intérêts défensifs et offensifs, surtout dans le secteur agricole. L'Europe, par exemple, et même les États-Unis, dans l'actuelle ronde de négociations à l'OMC, vont sans doute qualifier les produits laitiers dans la catégorie des produits sensibles, même si l'Europe et les États-Unis ont des politiques offensives pour exporter leur surplus de production laitière.
En production laitière, il y a une spécificité. Du lait, il s'en produit partout sur la terre, dans tous les pays. Ce n'est pas une production, comme l'expliquait M. Phillips, où on peut dire qu'on importe du lait ou qu'on en exporte. Tout le monde produit du lait. Les exportations de produits laitiers dans le monde se font donc à partir principalement de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, où les coûts de production sont les plus bas. Il ne s'agit pas de qualité, il s'agit vraiment de bas prix. Pour que l'Europe et les États-Unis arrivent à exporter les produits laitiers, ils doivent soutenir les producteurs et le prix du lait aux producteurs pour être capables de rivaliser dans ce marché, ce que le Canada a choisi de ne pas faire. Ils ont décidé de produire pour le marché canadien plutôt que d'aller se battre sur ces marchés.
On commence à exporter quelques fromages à partir du Québec vers les États-Unis dans des marchés de niche. Naturellement, il s'agit de petits volumes, et on le fait actuellement sans subvention à l'exportation. C'est ce que je privilégie, qu'on puisse continuer d'exporter sans subvention à l'exportation.
Je ne prétends pas que toutes les productions pourraient être opérées selon un système de gestion de l'offre. Je ne crois pas que ce soit une solution pour les producteurs de bœuf ou de viande au Canada, ni pour les producteurs de céréales. Par contre, pour les productions opérant actuellement sous ce régime, je crois que ce système a fait la preuve de son efficacité.
Je suis producteur de lait. J'opère la ferme qui a été achetée par mon père en 1946. Je ne me considère pas comme un producteur inefficace, mais comme un producteur qui n'a pas de subvention directe ni de soutien à l'exportation — ce que mes collègues des autres pays obtiennent de leur gouvernement. C'est pourquoi je n'exporte pas.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Merci.
Monsieur Laycraft, quelle bouffée d'air frais vous avez apportée — nous avons entendu aujourd'hui un agriculteur qui ne nous a rien demandé.
Les choses semblent bien aller dans le secteur de l'élevage bovin. Je ne comprends pas pourquoi vous avez tant de mal à trouver un marché pour les langues de bœuf. À mon avis, c'est l'une des meilleures parties du bœuf. Par conséquent, elles devraient être plutôt faciles à vendre.
Le sénateur Robichaud : Ce n'est pas aussi bon que la langue de morue.
Le sénateur Plett : Cela est vrai.
J'ai deux questions à vous poser, monsieur. Je veux que vous me disiez ce que vous pensez de la gestion de l'offre et si, à votre avis, l'application de cette pratique à l'industrie bovine avantagerait votre exploitation agricole. Mon autre question a trait au monopole qui existe dans l'Ouest canadien, mais non dans l'Est du pays. On l'appelle la Commission canadienne du blé. Étant donné que vous venez de l'Ouest canadien, tirez-vous parti de la Commission canadienne du blé, en tant qu'éleveur de bovins, ou vous serait-il plus profitable que les agriculteurs puissent vous vendre leur blé ou leurs céréales directement?
M. Laycraft : Je vous remercie, sénateur, de m'avoir posé des questions faciles.
Depuis de nombreuses années, les membres de notre industrie sont certains qu'ils préfèrent concurrencer dans un marché libre et ouvert. En essayant d'instaurer un système de gestion de l'offre au sein de l'industrie bovine, on rencontrerait un certain nombre de problèmes, dont le premier serait la taille de celle-ci.
Pour élever nos troupeaux de vaches, nous utilisons surtout les terres qui ne se prêtent pas à la culture ou qui ne devraient pas être cultivées, comme les terres marginales qui sont très vulnérables à l'érosion et aux problèmes de salinité.
En raison de notre capacité à soutenir la concurrence, nous exportons presque la moitié de notre production. Si notre offre était gérée, nous ne pourrions pas continuer à exporter la même quantité de produits. Par conséquent, il faudrait que notre industrie se resserre.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, toutes les parties des bovins, des peaux aux produits comestibles, en passant par les produits non comestibles, ajoutent énormément de valeur à chaque animal que nous produisons. Nous avons vécu des moments difficiles au cours des dernières années et, lorsque je dis que les choses s'améliorent, j'entends par là ce que j'ai déjà déclaré, à savoir que, lorsqu'on est au plus bas, on ne peut que remonter.
Les perspectives semblent essentiellement meilleures au fur et à mesure que nous avançons. Nous remarquons que les conditions de l'offre et de la demande s'améliorent. À notre avis, si le contexte politique était propice, les prochaines années offriraient un bon potentiel de croissance à l'industrie bovine du Canada.
Notre opinion au sujet de la Commission canadienne du blé a toujours été que les agriculteurs devraient avoir les mêmes choix que ceux dont bénéficient les éleveurs de bétail. Nous sommes en mesure de nous procurer des céréales fourragères. Celles-ci ne relevant plus de la commission, nous jouissons d'un certain choix maintenant. Les producteurs de l'Ontario et de l'Est canadien préfèrent clairement avoir plus de choix que leurs homologues de l'Ouest canadien.
J'ai participé à suffisamment d'audiences sur la perception des droits compensateurs pour savoir qu'il ne faut pas mentionner l'incidence qu'à notre avis, la Commission canadienne du blé a sur les prix. Toutefois, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour appuyer les producteurs de céréales et leur désir d'améliorer les variétés qu'ils peuvent produire et les choix à leur disposition. Nous remarquons qu'aux États-Unis, la culture du maïs connaît une amélioration spectaculaire qui donne certainement aux Américains un avantage lorsqu'il s'agit de nourrir les bovins et les porcs. Cette culture croît à un rythme que nous ne sommes pas en mesure d'égaler, compte tenu des céréales fourragères que nous cultivons dans l'Ouest canadien.
Pour réduire cet écart, les producteurs de céréales doivent être en mesure d'optimiser les choix qu'ils font et le type de produits qu'ils sèment et cultivent. En même temps, nous convenons qu'il est nécessaire d'investir d'importantes sommes d'argent dans la recherche liée à ce domaine.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup. Je suis heureux d'apprendre que le pire est passé. J'ai parlé aujourd'hui à l'un des plus grands producteurs de porcs du Manitoba, et il m'a dit qu'en ce moment, il touchait 20 $ par porc dans la province. Par conséquent, la situation s'améliore là-bas aussi. Personne ici n'a parlé des porcs, alors je reporterai ces questions à un autre jour.
Monsieur Phillips, poursuivons un peu la discussion au sujet de la Commission canadienne du blé, étant donné que vous êtes membre des producteurs de grains. J'ai lu aujourd'hui que, lorsque des élections avaient lieu à la Commission canadienne du blé, il fallait lui vendre 40 tonnes de blé pour obtenir un carnet de livraison. Je pense que c'est ainsi que c'est formulé. Je connaissais certains de ces détails, mais j'ignorais les chiffres exacts.
On me dit que 40 tonnes correspondent à environ 40 acres de terres. C'est ce qu'on doit cultiver pour les obtenir. Mon ami, ici présent, cultive 2 500 acres de terres. Au Manitoba, le producteur de céréales moyen cultive probablement près de 2 500 acres, et certains en cultivent beaucoup plus.
Quelqu'un qui cultive 40 acres de terres a droit à un vote, tout comme quelqu'un qui cultive 10 000 acres. J'aimerais connaître votre opinion sur le système électoral et sur le monopole de la Commission canadienne du blé.
M. Phillips : Tout d'abord, le critère d'admissibilité de 40 tonnes est une proposition; cette disposition, prévue dans le projet de loi C-27, viendrait le changer. Remontons un peu dans l'histoire, à l'époque où un groupe d'experts avait été établi pour examiner les processus de vote à la Commission canadienne du blé et pour formuler des recommandations à ce sujet. Parmi les membres, on comptait un représentant de l'Alberta Grain Commission, de l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan et de Keystone Agricultural Producers. Le groupe d'experts s'était penché sur la même question épineuse, soit celle de savoir comment établir un équilibre entre un agriculteur qui cultive un quart de section et un autre qui en cultive une centaine.
Le défi était le suivant : soit qu'on augmente le nombre de voix selon la superficie des terres cultivées, soit qu'on exclut les gens qui n'ont pas une exploitation agricole viable et qui sont souvent des agriculteurs amateurs.
À l'époque, on a décidé et recommandé d'exclure les agriculteurs au bas de l'échelle, au lieu d'accorder plus de voix à un agriculteur qu'à un autre. Et c'est ce que vise le projet de loi. Un nombre important d'électeurs sont donc exclus de la liste.
Nous serions probablement en faveur de cette option. Sur le plan politique, dans l'Ouest canadien, nous procédons ainsi depuis longtemps, si vous vous souvenez de votre coopérative locale à Landmark, au Manitoba. Quiconque fait affaire par l'entremise de la coopérative a un droit de vote là-bas ou dans sa coopérative de crédit locale. C'est quelque chose qui se fait depuis longtemps.
Dans le monde des affaires, bien entendu, plus vous avez d'actions, plus vous avez de votes. Toutefois, je crois que nous ne verrions pas d'inconvénient à ce qu'il y ait un tonnage minimal pour tout simplement exclure les agriculteurs amateurs. Honnêtement, si vous n'avez pas produit 40 tonnes de grain durant l'une des trois dernières années, vous n'êtes pas tellement un agriculteur. Soyons clairs là-dessus.
Bref, nous appuierions le projet de loi.
Pour ce qui est du monopole, je me fie aux résultats de sondage de la Commission canadienne du blé. Le gouvernement et d'autres intervenants ont également effectué des sondages, mais je m'appuie sur les résultats de la Commission canadienne du blé parce qu'elle fait ses propres sondages. Elle mène un sondage auprès de ses propres détenteurs de carnets de livraison, c'est-à-dire les agriculteurs qui lui livrent des produits, et ce sondage montre très clairement que les agriculteurs veulent avoir la liberté de choix en matière de commercialisation, surtout en ce qui concerne l'orge. C'est très clair.
La Commission canadienne du blé ne se rend pas service lorsqu'elle dit représenter les agriculteurs, mais, au lieu de prendre des mesures proactives pour répondre aux besoins des agriculteurs, elle attend qu'une loi soit adoptée. Ainsi, faute d'une approche proactive de la part de la commission, l'efficacité du système sera nettement réduite.
J'encouragerais la Commission canadienne du blé à accepter les résultats de son propre sondage, mené par ses propres enquêteurs, et à commencer à apporter les changements que souhaitent les agriculteurs.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup, monsieur. À mon avis, une personne qui ne cultive que 40 acres est un agriculteur amateur.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Groleau, si on abolissait la gestion de l'offre, il resterait combien de producteurs laitiers au Québec?
M. Groleau : Selon nous, si on réduisait les tarifs de 23 p. 100 et qu'on augmentait l'accès au marché de 6 p. 100, pour l'industrie laitière à la ferme, cela engendrerait des pertes d'un milliard de dollars par année sur des ventes de 5 milliards et quelques. C'est donc 20 p. 100 de moins de revenus à la ferme. Combien de producteurs pourraient supporter cela? Peu. Il resterait quand même une certaine production, mais cela aurait des impacts sérieux, principalement sur les plus petits producteurs, ceux des régions plus éloignées des centres de consommation.
Cela aurait pour effet de concentrer la production sur les terres les plus fertiles. Un peu à l'instar des producteurs bovins, les producteurs laitiers sont répartis sur l'ensemble du territoire parce que ce sont des terres qui sont souvent peu propices à la production de céréales et qui servent à la production de fourrage.
Actuellement, il y a 6 000 producteurs de lait au Québec. Selon moi, sans gestion de l'offre, je pense qu'il en resterait le tiers, peut-être moins.
C'est sans compter l'aide que devrait verser le gouvernement. En 2009, lors de la crise laitière en Europe, on a octroyé des subventions supplémentaires d'un milliard d'euros, sans compter les versements faits par certains autres pays, afin de supporter le prix du lait pendant la crise et ce, en une année seulement. C'est sans compter les versements directs que les producteurs reçoivent déjà année après année.
Il est impossible de faire du commerce international dans le secteur laitier sans des subventions extrêmement importantes pour les producteurs. Nous sommes dans un pays nordique, avec les effets que vous connaissez. C'est donc la situation actuelle.
Le sénateur Robichaud : En d'autres mots, ce serait désastreux?
M. Groleau : Oui.
Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé des quatre continents et du droit des États d'élaborer et de maintenir des contrôles agricoles afin de favoriser une production régionale. Cependant, on ne réussit pas à s'entendre?
M. Groleau : Ce ne sont pas les pays qui ont ces positions, ce sont des organisations agricoles. Par exemple, l'organisation qui représente les producteurs agricoles de l'Europe, Copa-Cogeca, qui est une des plus grosses organisations de producteurs agricoles au monde, est très inquiète des propositions qui sont sur la table à l'OMC. Certains secteurs vont peut-être en bénéficier, mais d'autres vont en subir les conséquences.
L'Europe a déjà modifié ses systèmes de subventions à l'exportation pour du soutien interne dans la boîte verte dite « n'ayant pas de distorsion sur le commerce » et malgré cela, les producteurs européens, depuis ce moment, sont en continuelle crise. Il y en a encore quatre d'entre eux qui font la grève de la faim parce qu'ils n'arrivent pas à couvrir leurs coûts de production ni à faire vivre leur famille. Quand des producteurs sont rendus à poser de tels gestes, en plus de tout le lait que vous avez vu se déverser dans les champs — les gens ne font pas ça simplement pour manifester —, c'est qu'il y a quelque chose de très sérieux qui se passe.
C'est donc toute l'agriculture familiale qui est actuellement remise en question en Europe. C'est une portion extrêmement importante du tissu social. Il y a des conséquences sur le tissu social qui peuvent être différentes d'un pays à l'autre. Lorsque nous nous sommes déplacés vers Genève, plusieurs ministres de l'Agriculture des provinces maritimes y étaient parce qu'ils étaient très inquiets de ce qui risquait de se passer.
Le sénateur Robichaud : Il faudrait le dire, ce ne sont pas seulement les producteurs laitiers du Québec qui seraient affectés, mais les gens dans les Maritimes aussi.
[Traduction]
D'autres témoins ont parlé de la recherche et de l'innovation. Il n'y a pas assez de fonds destinés à ce domaine, et vous aimeriez qu'il y en ait plus.
La collectivité agricole fait-elle sa part de financement pour que le gouvernement puisse lui emboîter le pas et, ainsi, s'engager dans la voie que la collectivité veut qu'il suive?
M. Phillips : Dans l'industrie des grains, il y a un défi qui concerne une fois de plus la Commission canadienne du blé : les prélèvements pour le blé et l'orge proviennent, à l'heure actuelle, seulement des paiements finaux. Par conséquent, à moins que le blé ou l'orge soit livré à la Commission du blé, il n'y a pas de prélèvement. Beaucoup de grains vont actuellement aux usines d'éthanol et directement aux parcs d'engraissement. En tant que producteurs, nous devons assumer nos responsabilités et accroître la portée et peut-être la quantité des prélèvements. Nous sommes prêts à le faire, et nous sommes disposés à entretenir des conversations, aussi difficiles soient-elles, pour convaincre d'autres producteurs de le faire. Nous aimerions que le gouvernement manifeste son appui à cet égard.
Le sénateur Robichaud : Par « prélèvements », voulez-vous dire qu'on prélève un montant?
M. Phillips : C'est exact. On enlève un certain montant sur les ventes finales du canola, des légumineuses, du blé ou de l'orge.
Le sénateur Robichaud : Cet argent est destiné à la recherche?
M. Phillips : Oui.
M. Laycraft : Nous étions les premiers à avoir un prélèvement national pour financer la promotion de la recherche et le développement du marché. Nous recueillons des fonds, ce qui constitue un élément important. Nous utilisons cet argent pour faire pendant au financement du gouvernement.
L'autre partie du financement privé provient des entreprises du secteur privé. Nous avons mené une analyse pour comprendre pourquoi le Canada accuse du retard, et il y a toute une gamme de raisons. Nous avons examiné l'approbation de certaines nouvelles variétés de grains. Nous avons observé que les procédures d'approbation au Canada étaient si difficiles que des recherches prometteuses, exécutées au Canada, étaient envoyées aux États-Unis et finissaient par être disponibles là-bas bien des années avant qu'elles ne le soient ici.
Des efforts ont été déployés pour améliorer la situation. Ainsi, dans le cadre des tables rondes sur la chaîne de valeur, on s'est efforcé de travailler avec l'industrie et le gouvernement pour améliorer ces procédures, mais parallèlement à nos efforts pour amener le secteur privé à investir là-dedans, nous devons assurer une meilleure harmonisation avec les États-Unis. Quand on commercialise un produit, on peut trouver 10 fois plus de clients chez notre voisin du Sud, alors on doit décider où on va dépenser de l'argent pour obtenir la licence et les brevets. Beaucoup de personnes préfèreraient le faire au Canada si elles pouvaient avoir accès aux marchés canadien, américain ainsi qu'à d'autres marchés dans le monde.
M. Bonnett : Pour revenir à l'idée d'adopter une approche très stratégique dans la façon dont nous examinons les choses, nous devons cerner certains des domaines de recherche clé, qu'il s'agisse de la génétique ou du développement de cultures résistantes à la sécheresse. L'essentiel, c'est de donner aux organisations la capacité de faire des prélèvements pour qu'elles puissent recueillir assez de fonds et contribuer au financement.
Cela revient à ce que disait M. Phillips. Le sénateur Plett a fait allusion aux soi-disant producteurs inefficaces en matière de gestion de l'offre, mais ces derniers investissent massivement dans la recherche.
J'ai une perspective intéressante parce que j'ai travaillé dans le domaine de la gestion de l'offre pendant plusieurs années et je suis maintenant éleveur de bovins de boucherie. Il faut reconnaître que ces organisations font un excellent travail pour représenter leurs producteurs, mais nous devons veiller à ce qu'elles disposent des outils appropriés pour faire les prélèvements et dégager les priorités, puis nous assurer qu'elles ont les ressources nécessaires pour établir des partenariats de recherche.
M. Gowland : Dans l'industrie du soja, en règle générale, 25 à 30 p. 100 des prélèvements et des frais de licences provinciaux des membres sont consacrés à la recherche. La croissance de l'industrie est attribuable aux activités de recherche qui se sont étendues sur 15 ans; ainsi, la superficie de production est passée d'environ 1 million d'acres à près de 3,5 millions d'acres. Le côté économique s'est avéré très important. L'industrie du soja met l'accent sur le marché dans son ensemble et la recherche que nous pouvons mener sur différents types de produits et initiatives, notamment les biodiesels, les produits industriels, les nouveaux produits alimentaires et les produits fractionnés. Des investissements massifs se font sur le plan économique, mais il y a un investissement tout aussi important sur le plan de l'utilisation pour s'assurer que les utilisateurs en profitent au bout du compte. Les producteurs investissent beaucoup d'argent dans la promotion de la R-D.
Le sénateur Robichaud : Vous représentez l'industrie et vous semblez assez convaincu que c'est la voie à suivre. Comment vos membres réagissent-ils envers les prélèvements et la façon dont vous aimeriez procéder?
M. Phillips : Comme je l'ai dit tout à l'heure, les Producteurs de grains du Canada sont aux prises avec cette question. Même sur l'échiquier politique, nous trouvons certains groupes d'extrême droite, certains groupes modérés et certains groupes de gauche. Le financement de la recherche et de l'innovation, par exemple pour obtenir de meilleures variétés d'aliments servis aux bovins de boucherie, aux porcs ou aux vaches laitières, mobilise tous les agriculteurs — des Prairies jusqu'en Ontario et au Québec et jusqu'aux provinces de l'Atlantique. C'est la seule question sur laquelle on s'attend tous, et il est crucial d'aller de l'avant.
M. Bonnett : Grâce à la recherche, les agriculteurs voient un rendement immédiat. Quand j'ai commencé à travailler dans la gestion de l'offre, j'avais une production d'environ 20 livres. Vers la fin, c'était de 45 à 50 livres par vache à cause d'une combinaison de recherches qui portaient sur la génétique ainsi que sur l'efficacité des aliments pour animaux, les techniques pour nourrir le bétail et la façon d'équilibrer les rations.
Les agriculteurs voient-ils la valeur de la recherche? Ils la voient dans leurs portefeuilles. M. Gowland a parlé du soja génétiquement modifié et du soja non génétiquement modifié, que tant d'agriculteurs cultivent parce qu'ils voient la valeur de cet investissement dans la recherche, valeur qui se traduit par une amélioration de leurs bénéfices.
Le sénateur Robichaud : Avec l'indulgence de la présidence et des autres sénateurs et témoins, j'aimerais ajouter que nous étions à Williams Lake, en Colombie-Britannique, dans le cadre de notre étude sur l'industrie forestière. Certains éleveurs de bétail se sont présentés et nous ont dit que nous devrions étudier l'industrie bovine par rapport à cela parce qu'on peut faire paître le bétail n'importe où. Les éleveurs ont assisté à la réunion que nous avions organisée par la suite et nous ont dit que nous étions en train de négliger une des questions. J'aimerais donc connaître leur avis avant que nous rédigions notre rapport sur la foresterie. Monsieur Laycraft, vous pourriez peut-être dire quelques mots à ce sujet.
M. Laycraft : J'ai parlé de toutes les choses possibles partout au pays. La Colombie-Britannique a été aux prises avec d'énormes problèmes à cause des incendies de forêt et du dendroctone du pin, qui ont décimé les forêts. L'industrie bovine constitue habituellement un élément essentiel de l'utilisation multiple des terres, comme la foresterie et l'habitat faunique. On peut examiner toute une gamme de questions liées à la durabilité, notamment la valeur des pâturages naturels et les nombreuses espèces. Souvent, il y a une relation intégrée entre les deux. L'observation tient debout.
Il est intéressant de noter que, dans d'autres parties du monde, on a augmenté la durabilité parce que les éleveurs et les agriculteurs ont le droit de tirer plus de valeur grâce à la gestion de ressources qui abritent des animaux sauvages, qui présentent des possibilités d'activités récréatives, et cetera. Je serais donc en faveur de son observation.
M. Bonnett : Cela s'inscrit dans la lignée des avantages environnementaux que l'agriculture offre au secteur de l'élevage, entre autres les travaux pour clôturer les milieux humides. Il ne faut pas oublier qu'il existe des différences selon l'emplacement. En Ontario, je dois parquer mon bétail alors que dans l'Ouest, on peut les laisser paître en liberté.
Le sénateur Eaton : Messieurs, je trouve la discussion fascinante. Je vais revenir à la question du sénateur Robichaud sur la technologie et l'innovation. J'ai passé quelque temps à l'Université de Guelph. Le savoir, à petites doses, est toujours dangereux, mais j'ai discuté de la diversification des cultures avec les agriculteurs. Dans quelle mesure les Canadiens sont-ils frileux à l'idée d'essayer de nouvelles cultures et de diversifier leurs produits? Y a-t-il toujours d'immenses fermes consacrées à la monoculture, ou faisons-nous des progrès pour ce qui est de diversifier notre panier d'aliments? Vous avez parlé des goûts alimentaires des Canadiens. Essayons-nous de nouvelles choses?
M. Bonnett : Je crois que si vous regardez l'innovation qui a eu lieu jusqu'à présent, vous verrez que nous faisons des choses formidables, mais je ne pense pas que nous réussissions à les mettre en valeur.
Je vais utiliser l'exemple de la Saskatchewan durant la noirceur des années 1930, époque à laquelle les agriculteurs avaient recours à la mise en jachère d'été, à des techniques de labour ordinaires et à très peu d'herbicides. Quand la sécheresse a frappé, toutes ces terres se sont effritées. Pourtant, il y a quelques années, on a enregistré des records de précipitations qui étaient inférieurs au niveau de précipitations durant la Grande Dépression, mais grâce à la technologie sans labour et à la bonne utilisation d'herbicides, on a non seulement sauvé les terres, mais on a également obtenu un certain rendement. C'est un exemple d'innovation. Par contre, je trouve que nous ne parvenons pas à sensibiliser les gens à la rotation des cultures et de la lutte antiparasitaire intégrée.
Le sénateur Eaton : Sommes-nous allés de l'avant avec les bio-cultures?
M. Bonnett : Oui, certains travaux ont commencé dans ce domaine aussi.
M. Phillips : Les agriculteurs canadiens s'adaptent rapidement. S'il y a moyen de cultiver une nouvelle culture, on trouve toujours quelqu'un dans chaque collectivité qui prend l'initiative de la mettre à l'essai. On ne peut cultiver que ce que le marché est prêt à accepter, et au Canada, nous avons la chance d'avoir beaucoup de terres. Les gens dans les Prairies cultivent de nombreuses épices, et il y a de nombreux petits marchés de créneau que les gens occupent rapidement. On ne peut cultiver qu'une quantité limitée avant d'inonder le marché et de faire baisser les prix.
Le sénateur Eaton : Est-ce parce que nous devons consacrer plus de temps aux nouveaux marchés? Je sais que le ministre Ritz travaille à ouvrir de nouveaux marchés. Prévoyez-vous des obstacles à cet égard? Faisons-nous face à d'énormes difficultés dans nos efforts visant à ouvrir de nouveaux marchés, ou cela se fera-t-il sans heurt? Je ne pense pas à l'Union européenne et aux États-Unis parce que je connais la façon dont ils subventionnent leurs agriculteurs. Je pense davantage à la Chine, à l'Amérique du Sud et à l'Inde.
M. Bonnett : Une partie de l'équation, c'est l'ouverture de marchés pour les produits existants, et l'autre partie, c'est l'ouverture de marchés pour des produits nouveaux et innovateurs. Je me souviens de la première fois qu'on a commencé à attribuer une licence pour la production de chanvre destiné à l'extraction des fibres. Le plus gros défi, c'était d'obtenir une masse critique pour qu'on établisse les installations de transformation à cette fin. L'industrie de l'automobile a manifesté de l'intérêt pour l'utilisation des fibres. Quant aux nouveaux produits, on doit tenir compte de toute la chaîne. Il faut de l'innovation au niveau des fermes pour faire pousser des récoltes, et les exigences de transformation doivent être satisfaites. On doit s'assurer que le capital de risque est en place pour intégrer ces produits dans la masse critique et faire en sorte qu'il y ait assez de récoltes pour que les agriculteurs puissent les cultiver. Cela revient à l'approche stratégique qui consiste à déterminer le marché où vendre le produit et les éléments à mettre en place pour pouvoir y accéder. Comme vous le dites, il faudra viser, en partie, certains des marchés d'exportation et des marchés commerciaux. C'est bon pour les produits existants, mais aussi pour les nouveaux produits; nous devons créer cette capacité d'un bout à l'autre de la chaîne.
Le sénateur Eaton : Finalement, j'ai une dernière question sur les marchés internationaux.
Le président : Je crois que M. Laycraft aimerait dire quelques mots sur la même question.
M. Laycraft : Sénateur Eaton, vous avez posé une question très importante. Comme nous examinons l'adoption de nouvelles technologies et que nous visons différents marchés, nous nous sommes rendu compte que les barrières non tarifaires sont devenues de nouveaux moyens d'intervention dans le commerce. Autrefois, on avait des tarifs et des restrictions volontaires ou des mesures de quotas, mais maintenant il y a d'autres outils. Nous avons travaillé fort pour créer un nouveau Secrétariat d'accès aux marchés qui se consacre aux questions techniques liées à l'accès aux marchés, et je sais qu'il travaille efficacement pour de nombreux secteurs. Il est très important de régler ces obstacles techniques.
Afin de répondre à certaines de ces nouvelles demandes, chaque fois que nous envisageons la possibilité de vendre un produit génétiquement modifié au Canada, nous devons déterminer s'il y a un pays dans le monde qui pourrait refuser d'acheter de la viande provenant de ces animaux, même s'il n'y a aucune raison scientifique de le faire.
Le sénateur Eaton : Y a-t-il une campagne pour lutter contre cette ignorance des OGM?
M. Laycraft : Nous revenons d'une conférence de cinq nations, ou peut-être de six nations, dans le cadre de laquelle nous avons parlé de la façon dont nous travaillons pour communiquer ce message. On évoque l'argument de la grande empreinte de l'industrie bovine. Or, cet argument est fondé sur la pire recherche possible qui a été menée dans la région la moins efficace de l'Afrique. Ce n'était même pas basé sur ce que nous ferions normalement dans le cadre d'une agriculture commerciale très efficace. Au terme de la conférence, nous sommes arrivés à la conclusion que nous devons travailler ensemble, en tant que producteurs dans divers pays, pour mieux informer les gens au sujet des avantages de la technologie et, en même temps, pour régler certaines des autres questions qui persistent et qui contribuent indirectement à ces attitudes négatives.
Le sénateur Mercer : Une chose sur laquelle on s'entend tous, c'est qu'il faut plus de R-D, et la façon de la financer est un sujet de discussion. Je crois fermement que nous devons faire intervenir le gouvernement dans ce domaine, depuis la Ferme expérimentale centrale ici, à Ottawa, à nos stations agricoles partout au pays.
Je pense que les agriculteurs ont probablement été les plus novateurs au pays. Nous avons dû opérer de grands changements. Tout a changé. Même le Sénat a dû jouer un rôle de premier plan dans l'étude sur l'utilisation du sol que le sénateur Sparrow a mené il y a plusieurs années déjà, étude qui a changé énormément notre façon de pratiquer l'agriculture, pas seulement ici, mais partout dans le monde. C'est important.
Monsieur Phillips, vous avez mentionné que du côté du transport, les choses étaient un peu plus faciles maintenant en raison du ralentissement économique. Je vais parler en ma qualité de membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, où nous avons effectué une importante étude sur la conteneurisation. Au cours de nos discussions avec des producteurs de légumineuses à grain de l'Ouest canadien et avec des exportateurs de ces produits, la plainte qui revenait le plus souvent concernait le peu de conteneurs disponibles, que ce soit sur la voie ferrée en Saskatchewan ou au port de Vancouver. Est-ce une partie du problème? Le cas échéant, pensez-vous que c'est temporaire?
M. Phillips : Parlons du taux d'utilisation de ces conteneurs; à un moment donné, quand les producteurs de légumineuses à grain faisaient la demande, leurs carnets de commandes n'étaient remplis qu'à 20 p. 100. Maintenant, ils le sont à 90 p. 100. Les gens de Pulse Canada, avec qui j'en discutais aujourd'hui, en sont très heureux. Ceux d'entre nous qui sont ici depuis longtemps savent bien que l'économie connaît des hauts et des bas. Puisque les entreprises ferroviaires veulent maximiser leurs profits, s'il y a une grande quantité de grains à transporter et que les autres secteurs fonctionnent au ralenti, elles mettent des ouvriers et des wagons à notre disposition. Ce qui nous inquiète, c'est que lorsque l'économie reprendra et que la demande de conteneurs pour transporter d'autres biens augmentera, nous resterons pris avec les miettes.
Le sénateur Mercer : Il faut savoir que nous expédions la plus grande partie de nos exportations vers l'ouest en passant par le port de Vancouver et maintenant par Prince Rupert également. Nous traitons environ un million d'équivalents vingt pieds (EVP) à partir de Prince Rupert, ce qui représente certainement un gros volume d'exportations. Nous avons la capacité de les traiter. Est-ce que cette initiative a favorisé le transport des produits de légumineuses à grain vers l'ouest?
En ce qui concerne le port de Vancouver, le problème vient bien sûr des interruptions de travail, qui se produisent constamment. Les débardeurs n'en sont pas toujours responsables; parfois, ce sont les camionneurs, les contrôleurs ou d'autres travailleurs. Qu'on le veuille ou non, il y a une grève ou une interruption de travail tous les deux mois environ.
M. Phillips : Les installations de Port Rupert aident en effet à traiter une partie du trop-plein. Cependant, le travail effectué par l'entremise de l'Initiative de la Porte du Pacifique afin d'améliorer le transport par Vancouver pour parvenir à ces ports va probablement nous être plus bénéfique à long terme. Les sociétés de chemins de fer ont testé quelques solutions; par exemple, dans le Lower Mainland, dans le canyon du Fraser, la circulation ferroviaire est directionnelle, ce qui fait que tous les trains qui arrivent empruntent les voies du CN et repartent sur celles du CP. De cette façon, les trains n'ont pas à toujours se ranger sur le côté pour laisser passer les autres trains sur chaque voie. On constate donc une certaine amélioration de ce côté.
Nous avons fait des exposés devant le comité d'examen des services ferroviaires et nous avons expliqué qu'en tant qu'expéditeurs — et cela s'applique à n'importe quel propriétaire d'élévateur à grains des Prairies —, si un train se présente, nous devons charger les 100 wagons en huit heures, sinon il y a des pénalités. Cependant, si le train ne se présente tout simplement pas et que les agriculteurs et leurs employés sont prêts à charger, la société ferroviaire n'est pas pénalisée. Il devrait exister des mesures législatives pour équilibrer les choses. Nous sommes conscients que les sociétés de chemins de fer ont besoin de tirer un bon revenu de leurs activités, et nous pensons que chaque intervenant dans la chaîne de valeur devrait en avoir pour son argent, mais quelque chose doit être fait pour que les expéditeurs puissent aussi y trouver leur compte.
Le sénateur Mercer : Je pense qu'il s'agit ici d'un sujet complètement différent, mais je suis d'accord avec vous. D'ailleurs, nous devrions en parler dans l'avenir.
Monsieur Laycraft, vos propos sur la situation dans le secteur de l'élevage bovin m'ont captivé. Mes premiers pas à titre de membre du comité ont coïncidé avec le début de la crise de l'ESB, il y a de cela quelques années. Jamais notre comité n'aurait pensé recevoir des demandes d'aide de la part des producteurs bovins venant d'endroits magnifiques de l'ouest du pays, particulièrement de l'Alberta. Ce groupe est réputé pour son indépendance. Pourtant, il a littéralement supplié le comité de lui venir en aide. Je suis ravi de vous entendre dire que sa situation s'est nettement améliorée.
Peut-on parler d'une amélioration passagère ou durable?
M. Laycraft : À Paris, une entreprise surveille l'évolution du marché international. Nous remarquons notamment une diminution marquée de la population bovine en Russie. Tout juste avant le début de la récession, la Russie et les États-Unis sont devenus les principaux pays importateurs de viande de bœuf. En Europe, la production bovine continue d'être en baisse, ce qui est le cas pour l'ensemble des pays. La production de viande de porc reprend de la vigueur et, comme nous l'avons indiqué, elle est redevenue rentable. L'amélioration de la situation économique des pays et, plus particulièrement, des régions s'accompagnent d'une hausse de la demande pour des produits contenant des protéines de qualité. Cette hausse ne sera probablement pas aussi marquée en Inde, dont une partie importante de la population est musulmane. D'après nous, la Chine et l'Indonésie offriront plusieurs débouchés. Notre production bovine s'adaptera à la hausse de la demande pour les produits de bœuf dans ces pays.
Nous estimons qu'ils seront disposés à payer plus cher nos produits parce que nous sommes l'un des principaux pays producteurs de bovins nourris aux grains. On observe donc une restriction de l'offre parallèle à une amélioration de la situation économique dans certaines régions du monde, amélioration qui se poursuivra. Nous observons une reprise ailleurs dans le monde. Tous ces facteurs devraient être profitables à notre secteur d'activité.
Lorsque la croissance du marché de l'élevage bovin atteint un certain niveau, nous conservons plus longtemps notre cheptel reproducteur, ce qui restreint davantage l'offre dans la chaîne d'approvisionnement. Nous sommes presque rendus à ce stade. Si la conjoncture économique continue de s'améliorer, nous commencerons à reconstituer notre cheptel, ce qui contribuera à resserrer davantage l'offre mondiale.
Pour notre secteur d'activité, c'est de bon augure.
Le sénateur Mercer : Ce sont de très bonnes nouvelles. J'aurais souhaité que la situation que vous avez décrite à propos des produits de porc soit celle qui règne dans l'ensemble du pays. Ce n'est certes pas le cas pour le Canada atlantique, d'où les sénateurs Robichaud, Mockler, Ogilvie et moi sommes originaires.
Ma dernière question — probablement la plus importante — portera sur la situation de l'agriculture dans son ensemble. Monsieur Bonnett, vous avez parlé d'une stratégie alimentaire nationale. Ceux d'entre nous qui sont membres du comité depuis un certain temps en ont entendu parler. Notre comité s'est rendu aux États-Unis à plusieurs reprises pour y rencontrer les différents intervenants du secteur agricole, qui font affaire des deux côtés de la frontière. Ceux-ci évoquent sans cesse la loi agricole américaine. Songez-vous à une loi agricole canadienne lorsque vous parlez d'une stratégie alimentaire nationale? Je sais que le sénateur Gustafson, qui est lui-même un agriculteur de la Saskatchewan et qui siège à notre comité depuis de nombreuses années, a fait valoir la nécessité de l'adoption d'une telle loi.
M. Bonnett : Une telle loi serait vraisemblablement un élément de cette stratégie. Néanmoins, la loi agricole américaine est essentiellement une loi budgétaire qui comprend les programmes de soutien, notamment le programme de prêts sur récolte. Même la politique d'aide alimentaire de nos voisins du Sud est intégrée à leur loi agricole. Nous pourrions tenir compte de cet aspect dans le cadre de notre stratégie éventuelle. Si nous prenons le recul nécessaire pour essayer de déterminer la stratégie que nous devons adopter afin de pénétrer les marchés les plus florissants au pays et à l'étranger, nous devrons nous attaquer à plusieurs problèmes.
Il y a d'abord le cadre réglementaire. M. Laycraft a indiqué que la réglementation régissant la transformation des produits de l'élevage entraîne des coûts qui sont supérieurs à ceux observés dans les autres pays. Pour être concurrentiels, vous devez vous doter d'un cadre réglementaire qui l'est également.
Nos recherches doivent être axées sur les produits pour lesquels nous voulons occuper l'avant-scène mondiale. Nous conviendrions vraisemblablement tous que nous ne voulons pas être le pays producteur qui a les plus faibles coûts et qui vend aux pays qui paient le moins cher. Nous devons prendre des mesures pour améliorer notre situation.
Une loi agricole en serait une, mais il faudrait davantage adopter une stratégie pour trouver les marchés, déterminer comment les pénétrer et mettre à contribution tous les intervenants de la chaîne d'approvisionnement — non pas uniquement le producteur primaire, mais également le transformateur, l'exportateur et le vendeur sur le marché intérieur. Il faut que tous soient au courant de l'objectif ultime et que tout soit mis en œuvre à cette fin.
Le sénateur Mercer : Sans vous prêter des propos, je crois que vous avez signalé que, si nous adoptions une stratégie agricole qui engloberait un plan d'activités à long terme, des débouchés formidables s'offriraient à de nombreux producteurs, notamment aux producteurs de légumineuses à grains, de pommes de terre et de pommes de la Nouvelle- Écosse.
Le sénateur Ogilvie : Je tiens à remercier nos témoins. Les échanges que nous avons eus aujourd'hui sur le secteur agricole et la compétitivité de ses producteurs sont les plus constructifs dont j'ai été témoin depuis fort longtemps. Sauf pour quelques exceptions dignes de mention, vous ne proposez pas de mettre l'accent sur les subventions directes et les mesures analogues, mais plutôt sur les moyens qui permettraient à votre secteur de livrer une farouche concurrence.
Il a été particulièrement agréable de vous entendre accorder une importance prépondérante à la R-D. Je suis conscient que nous avons donné l'exemple au reste du monde : nous avons joué un rôle de premier plan dans le domaine de la production bovine. L'Ouest canadien était un chef de file mondial dans la fabrication et l'exportation d'embryons génétiquement supérieurs. La biotechnologie a joué un rôle primordial à cet égard, et de nombreux secteurs de production y ont eu recours.
J'aimerais pouvoir emboîter le pas au sénateur Eaton qui vous a interrogé sur ces aspects des plus essentiels. J'aborderai plutôt la question plus générale de la recherche, du soutien de la R-D.
Rétrospectivement, les installations de recherches agricoles fédérales ont sans doute été les plus efficaces et les plus concurrentielles au monde. Pendant une période de dix ans à partir de 1994, le précédent gouvernement libéral a réduit volontairement les crédits accordés aux laboratoires fédéraux en général, et le secteur agricole en a subi directement le contrecoup.
Vous avez indiqué que les choses ont évolué depuis 1994 et que le secteur agricole est aux prises avec un déficit de 260 millions de dollars. Je faisais partie d'un groupe d'experts qui s'est penché sur la situation de tous les laboratoires de recherches fédéraux, y compris ceux dans le domaine agricole. Depuis, et les laboratoires de recherches agricoles fédéraux et les universités ont axé leurs recherches sur plusieurs secteurs, et les entreprises privées leur ont emboîté le pas.
Pour nous aider à vous offrir le soutien que vous avez évoqué dans vos propos aujourd'hui, pouvez-vous me dire si vous estimez qu'il est possible de mettre en œuvre un nouveau modèle pour que les recherches spécialisées effectuées par le secteur privé s'harmonisent avec celles des laboratoires fédéraux et des universités, un modèle qui soit différent de ce que nous avons toujours connu et en vertu duquel chacun agissait indépendamment? Existe-t-il un nouveau modèle susceptible de déboucher plus rapidement sur des résultats concrets dans des domaines de recherche qui n'ont pas été abordés par les laboratoires fédéraux au cours de la dernière décennie, et de permettre d'atteindre les objectifs que vous avez énumérés?
M. Phillips : Oui. La Table ronde de l'innovation dans le secteur des céréales n'a pas ménagé ses efforts au cours de l'année écoulée. Elle s'est penchée sur des questions importantes, notamment sur le financement de la recherche. Elle a examiné les mesures prises par l'Australie. Ce pays a des années-lumière d'avance sur le Canada. Il a commencé, il y a quelques années, à prélever des montants supérieurs, à affecter davantage de crédits à la recherche et à encourager le partenariat public-privé. Le Canada est en retard, Agriculture et Agroalimentaire Canada de même que le secteur privé cherchant peut-être trop à travailler en vase clos. Pour favoriser le partenariat public-privé, les deux secteurs doivent collaborer, l'un demandant à l'autre quel objectif il poursuit. Parfois, le secteur public met au point des variétés jusqu'à l'étape de la commercialisation et de la vente. Et le secteur privé fait de même. Les deux sont à couteaux tirés depuis trop longtemps. Dans le nouveau modèle que j'envisagerais, Agriculture Canada se chargerait de la recherche agronomique fondamentale, puis mettrait à contribution le secteur privé aux étapes ultérieures. On pourrait négocier quelle proportion des recettes de la vente d'une semence reviendrait respectivement au secteur public qui a mené à terme la recherche fondamentale et au secteur privé qui est intervenu ultérieurement dans le processus.
Je vous cite une réussite spectaculaire dans l'Ouest canadien : les laboratoires d'Agriculture Canada qui ont mené la recherche fondamentale sur les semences de canola que vendent Monsanto et les autres sociétés. Des personnes formidables se consacrent à la recherche dans les établissements publics. Il suffit simplement de mieux conjuguer les efforts des deux secteurs. Je suis d'avis que nous pouvons le faire et que nous le ferons.
M. Bonnett : Pour répondre à votre question, je vous dirai qu'il est essentiel notamment d'établir les priorités. Nous devons examiner les moyens d'y parvenir en mettant à contribution tous les intervenants : les organismes agricoles, les universités et les chercheurs. Je reviens à votre idée d'un nouveau partenariat. La recherche doit être axée sur les résultats. Les nouveaux partenariats susceptibles de voir le jour mettraient en commun des compétences et des installations différentes. Il faudrait établir les priorités correctement et cerner les résultats possibles avant de créer ces partenariats.
M. Laycraft : J'ai quelques observations à formuler. J'ai collaboré avec l'administration fédérale pendant plusieurs dizaines d'années. Je ne dirais pas qu'elle est déficiente, mais plutôt qu'elle manque de ressources.
À leur retraite, d'éminents scientifiques des centres de recherche comme celui de Lacombe n'ont pas été remplacés. Ils accomplissaient un travail remarquable, examinant des questions comme la qualité de la viande et la production fourragère-élevage de bovins de boucherie. Leurs recherches pouvaient difficilement entraîner des débouchés commerciaux, mais faisaient évoluer les choses sur le plan qualitatif pour l'ensemble du secteur. Il faudrait s'assurer qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada de même que l'Agence canadienne d'inspection des aliments comptent encore sur de tels collaborateurs pour mener à bien la recherche fondamentale.
Nous collaborons avec la nouvelle grappe de recherche sur les bovins de boucherie. À mon avis, il est beaucoup trop tôt pour crier victoire, mais l'objectif consiste à mettre en commun ce que font respectivement les universités, les provinces et le secteur privé pour établir les priorités et utiliser à bon escient les crédits dont nous disposons.
Nous pouvons vous signaler que l'organisme national responsable des prélèvements vient de terminer une analyse des avantages de son système, analyse qui a mis l'accent sur la recherche, la promotion et le développement des marchés, qui se révèlent très rentables.
Le sénateur Mahovlich : Avez-vous examiné quels pays n'ont pas de problèmes en matière de transport ferroviaire? Y en a-t-il? Je suis convaincu que l'Australie et la Chine en éprouvent.
M. Phillips : Le modèle australien est différent à certains égards. Les ports sont tellement à proximité qu'on peut virtuellement tout y transporter par camion. Toutes proportions gardées, les pays qui se comparent le plus au Canada sur le plan de l'éloignement des ports sont le Brésil et, peut-être, l'Argentine. Il y a de nombreux problèmes aux États- Unis, notamment la Staggers Rail Act qui, virtuellement, protège les compagnies de chemin de fer contre les lois antitrust. J'ignore s'il existe ailleurs d'autres modèles qui ont fait leurs preuves.
Les compagnies de chemin de fer peuvent toujours améliorer leurs services, mais elles doivent rendre des comptes à leurs actionnaires, qui exigent que le PDG maximise les profits sans toujours lui demander qu'il améliore le service à la clientèle. Il faudrait légiférer pour parvenir à des compromis propices à la négociation. Si le convoi arrive en retard à cause d'un glissement de terrain ou d'une tempête de neige notamment, il n'y a rien à dire et aucune pénalité ne devrait être imposée. Cependant, devrait être passible d'une amende la société ferroviaire qui a promis d'affecter, à des intervalles réguliers, des wagons au transport, mais qui omet de le faire.
Le sénateur Mahovlich : Il fut un temps où le Canada était un chef de file du transport ferroviaire. Le chemin de fer a uni notre pays. Il n'y a plus de rotonde à Timmins. Les problèmes ne manqueront pas de se manifester.
M. Phillips : Nous avons proposé simplement qu'on installe sur les wagons un système de positionnement global, un GPS, de sorte que l'expéditeur puisse savoir en ligne où se trouve le convoi. Si Postes Canada peut repérer un article, le CN devrait certes pouvoir localiser un convoi. Nous devrions pouvoir le savoir en consultant son site Internet. Si l'on vous dit que le train est à Calgary et qu'il arrivera dans huit heures dans le Nord-Est de la Saskatchewan où vous êtes, vous saurez alors qu'il sera en retard. Les agriculteurs doivent attendre avant de pouvoir charger leurs grains. La cour des silos est nettoyée et déneigée. Charger les grains dans les wagons implique de nombreuses tâches, dont le coût est assumé entièrement par les agriculteurs. Toutes les fois qu'il y a un pépin et qu'il faut recourir à du personnel supplémentaire, le coût est payé sur les frais de levage acquittés par les agriculteurs. Il faut donc légiférer, sinon nous n'y parviendrons pas.
Le sénateur Mahovlich : Il y a environ 50 ans, je pouvais me rendre dans un restaurant de Toronto et y commander un steak d'un animal nourri au maïs, qui provenait cependant de Chicago. Nous achetions un produit américain. Nous pensions qu'il donnait un steak supérieur.
Au Canada élève-t-on du bœuf nourri au maïs? Avons-nous effectué suffisamment de travaux de recherche pour déterminer si le maïs est une nourriture animale pertinente?
M. Laycraft : Certains préfèrent le maïs, d'autres l'orge. C'est le consommateur qui décide.
Depuis plusieurs années, l'Ontario a mis en œuvre le programme du bœuf nourri au maïs, qui est un excellent programme. Parallèlement, la production bovine s'est déplacée de Chicago vers le Kansas, le Nebraska et les États voisins. Nous venons de franchir certaines étapes aux États-Unis en ce qui concerne l'étiquetage du pays d'origine. Nous avons présenté le produit canadien dans différents endroits des États-Unis. Presque sans exception, notre produit a été trouvé égal ou légèrement supérieur. Il faut montrer aux détaillants et aux restaurateurs que nous voulons du bœuf canadien. Nous sommes très fiers de la grande amélioration de notre produit. Vous trouverez qu'il est aussi bon que ceux de n'importe quel autre pays. Nous prétendons qu'il est meilleur.
M. Phillips : Le bœuf nourri au maïs vous fait-il patiner plus rapidement?
Le sénateur Mahovlich : Oui.
Le sénateur Robichaud : On contrôle de la rondelle.
[Français]
Le sénateur Rivard : Ma question s'adresse à M. Groleau. Il est dommage que le sénateur Plett ait quitté. Je vous aurais mis au défi de lui présenter un Riopelle de l'Île-aux-Grues et de le comparer au meilleur fromage manitobain. Toutefois, je lui transmettrai le message.
Pouvez-vous nous dire où se situe le revenu moyen d'un agriculteur québécois par rapport à celui d'une province comparable en termes de population et de production? Est-ce qu'il se situe au même niveau ou y a-t-il un écart?
M. Groleau : Le salaire varie d'une année à l'autre. On a connu des années difficiles. Cette année, les récoltes furent meilleures, notamment pour le Québec et l'Ontario, tel qu'indiqué par M. Gowland. Par conséquent, le revenu moyen sera sans doute bonifié.
Votre question me prend un peu au dépourvu car je ne dispose pas de cette information en ce moment. Je sais qu'au cours des dernières années, le revenu net moyen des agriculteurs était à la baisse au Canada. Par contre, dans les provinces comme l'Ontario et le Québec, où on avait une production plus importante sous gestion de l'offre, les producteurs s'en tiraient en moyenne relativement mieux, pour les raisons que j'ai expliquées.
Le sénateur Rivard : Il ne s'agit pas de l'aide gouvernementale.
M. Groleau : Non.
Le sénateur Rivard : C'est surtout à cause de la quantité de récoltes. La température d'une province à l'autre fait en sorte que les revenus sont en faveur de celui qui produit le plus. Le coût des matières premières et des semences sont comparables.
M. Groleau : La température est l'élément déterminant en agriculture et fait la différence entre des revenus et des pertes. Ce facteur importe peut-être moins dans le secteur de l'élevage, étant donné que l'approvisionnement peut être compensé. Pour les cultures, la température souvent détermine les résultats. C'est un autre facteur que l'on partage.
Le sénateur Rivard : Et vous partagez sûrement mon avis pour le Riopelle?
M. Groleau : Absolument. On pourrait ajouter le Tomme de Grosse-Île, de la même fromagerie, et le Mi-Carême. D'ailleurs, on commence à exporter ces produits dans des niches, sur le marché américain, à Boston, à New York et ailleurs. Ces fromages sont achetés et on les préfère souvent aux fromages français.
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn : Merci beaucoup. Cela a été fort intéressant. Je suis certaine que vous souhaitez tous partir d'ici assez rapidement, puisque cela a été une longue discussion. Néanmoins, monsieur Laycraft, je ne saurais vous laisser partir sans vous poser une question. Comme il nous l'a dit, M. Laycraft est très au fait des conditions météorologiques et de toutes ces diverses répercussions qu'elles peuvent avoir dans la région de l'Ouest canadien où nous vivons.
Vous parliez du bétail, et je me souviens de ces jours sombres, il y a quelques années, où tout allait mal en raison de la vache folle et ainsi de suite. Vous avez fait tout un travail à cet égard.
L'hiver dernier, j'ai entendu dire, et j'ai également senti, que dans cette région du Sud de l'Alberta où le bétail s'étend à perte de vue, ce fut l'un des hivers les plus rudes que nous ayons eus depuis bien longtemps dans les montagnes. Je sais qu'on ne pouvait même pas faire atterrir un avion à Lethbridge. Vers la fin, alors que les choses s'amélioraient quelque peu, il y a soudainement eu une période où grande quantité de jeune bétail se faisait tuer. Je n'ai jamais très bien compris. Le bétail a vraisemblablement été tué par des créatures qui n'avaient pas pu trouver de quoi se nourrir durant l'hiver, et qui, affamées, se sont précipitées sur les troupeaux de bovins. Cette situation a eu lieu dans le Sud-Ouest de l'Alberta. Ce fut une attaque très vigoureuse, ouverte et effrayante.
Pouvez-vous nous décrire cette situation et nous dire dans quelle mesure les changements climatiques dans les montagnes y ont contribué? Comme vous le savez, nos universités travaillent nuit et jour sur cette question. Cela a également donné du fil à retordre à l'autre dimension de l'agriculture, celle des premiers stades de la croissance des animaux, avant même que l'élevage proprement dit ne commence. Pourriez-vous nous dire s'il s'agissait d'un événement isolé, ou si cela se reproduira constamment dans la région de ces magnifiques montagnes?
M. Laycraft : Je doute que quiconque connaisse vraiment la réponse à cette question. Je me souviens qu'à l'époque où j'étais écolier, nous avions eu trois pieds de neige à la fin du mois d'avril; cela avait créé des conditions très semblables, et l'on avait enregistré des pertes records. C'était en 1967. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Nous avons eu toute une série de blizzards, et parmi les exploitations touchées, certaines ont connu de lourdes pertes.
Tout à l'heure, j'ai glissé mot de certains des outils de gestion du risque d'entreprise qui sont disponibles. Étant donné l'instabilité du climat à laquelle nous assistons, il est assurément important de disposer de ces outils. Lorsqu'on passe des conditions de grande sécheresse du mois de mars aux inondations importantes du mois d'août dans la même région, cela donne une idée de ce que pourrait être la situation à long terme. Il y a tout un débat là-dessus.
Il est certain que cela crée des difficultés encore plus importantes pour l'ensemble du secteur agricole, comme on vous l'a dit aujourd'hui. La capacité de gérer ces risques a fait l'objet de recommandations par tous les groupes ici présents. Nous voudrions qu'on prête attention à cet aspect également.
Le président : Avant que nous n'ajournions la séance, je voudrais vous laisser savoir, chers témoins, que vos témoignages ont été très instructifs.
J'ai deux questions à vous poser, mais vous n'êtes pas tenus d'y répondre maintenant. Nous assurerons un suivi en envoyant une lettre à chacun de vous. Dans le domaine de l'agriculture, quel que soit le type de production, les départs à la retraite des agriculteurs représentent tout un défi. J'aimerais connaître vos vues là-dessus.
Ensuite, le cadre stratégique global pour l'agriculture Cultivons l'avenir doit arriver à échéance en 2012. Nous aimerions demander à chacun des témoins quels seraient les points à améliorer dans la prochaine politique agricole canadienne.
Avant de conclure, nous allons demander au sénateur Robichaud de poser une toute petite question.
Le sénateur Robichaud : Je tiens à vous remercier d'être venus aujourd'hui pour nous dresser un portrait d'ensemble. Notre travail n'est pas terminé. Auriez-vous des propositions de sujets sur lesquels nous devrions nous concentrer lorsque nous aurons fini notre étude sur le secteur forestier, voire en même temps que nous l'effectuons? Vous n'êtes pas obligés de répondre immédiatement. Si vous pouviez envoyer au président des suggestions de moyens qui nous permettraient de venir en aide au monde agricole, nous vous en serions reconnaissants.
M. Bonnett : Je vous recommanderais de ne pas arriver avec des idées préconçues à l'égard de tout ce qui va de la gestion de l'offre à ce que seront les marchés, en passant par les structures de commercialisation, et d'avoir un dialogue constructif pour examiner ce qui marche, ce qui ne marche pas et ce qui peut être arrangé. Parfois, nous entrons dans des discussions sans vraiment évaluer ce qui fonctionne parmi les éléments en place, et nous commettons l'erreur de foncer tête baissée sans vraiment savoir où nous allons. Voilà un conseil que je donnerais pour l'avenir.
M. Phillips : L'une des choses dont vous avez entendu parler aujourd'hui était l'innovation en matière de recherche, que cela concerne les producteurs laitiers qui augmentent le rendement de leurs troupeaux laitiers, ou leur indice de consommation, ou toutes les cultures. Vous voudrez peut-être songer à parler au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes pour déterminer qui devrait se charger d'étudier la question du financement de la recherche. Combien les agriculteurs investissent-ils sur ce plan? Pourraient-ils y consacrer davantage de fonds? Quels sont les modèles de financement? Quels sont les rôles des secteurs public et privé? Y a-t-il un transfert qui s'opère? Je vous inviterais à discuter avec le comité de la Chambre des communes pour établir quel comité devrait assumer la responsabilité de cette étude.
[Français]
M. Groleau : Je n'aime pas entendre dire que la gestion de l'offre et des autres productions sont en opposition. Il s'agit de complémentarité. Chaque système a été développé selon les circonstances de marché de l'époque et les choix qui ont été faits par les producteurs et les gouvernements. Je suis un acheteur de céréales. Je vends des veaux à des éleveurs. Donc, nous sommes tous intégrés en quelque part dans une politique agricole canadienne qui fait le succès qu'on connaît ou qui, à l'occasion, a les misères qu'on lui connaît également.
Nous sommes des collègues. Je suis prêt à aider mes collègues des autres productions à découvrir des marchés parce que, éventuellement, je peux en bénéficier, mais pas au détriment de subir des contrecoups dans ma propre production. Je pense qu'on peut tous trouver des façons pour tous travailler ensemble et améliorer la situation des producteurs agricoles au Canada. Ce n'est pas une question d'être en opposition. Nous sommes intégrés dans plusieurs cas. Au Québec, on a toutes ces productions et elles ont toutes des associations canadiennes dans lesquelles elles travaillent et contribuent. Je souhaiterais qu'on travaille davantage à se comprendre et à se compléter plutôt que quelquefois se frotter et donner l'impression qu'il y a deux solitudes.
Le président : Merci beaucoup. Monsieur Groleau, en terminant, merci de votre excellent exposé sur l'offre et la demande. Sans doute qu'on aurait pu toucher aussi aux œufs, aux poulets et aux dindons.
[Traduction]
Chers témoins, merci beaucoup. Nous vous savons gré des informations dont vous nous avez fait part, et il est certain que nous constatons le leadership dont vous faites preuve. Ensemble, nous ferons équipe pour poursuivre nos efforts. Cela dit, je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)