Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 8 - Témoignages du 7 octobre 2010
OTTAWA, le jeudi 7 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 1 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
L'honorable Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum, je déclare donc la séance ouverte.
[Traduction]
J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler et je viens du Nouveau-Brunswick.
Nous allons aujourd'hui entendre des témoins qui viennent de quatre organisations différentes.
[Français]
Du Réseau canadien de pâtes et papiers pour l'innovation en éducation et en recherche, M. Patrice Mangin, président.
[Traduction]
Nous accueillons M. Lorne Morrow, chef de la direction du Centre de recherche et d'innovation en bioéconomie (CRIBE).
[Français]
Du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, M. André Isabelle, directeur, Environnement et ressources naturelles, Partenariats de recherche.
[Traduction]
Nous entendrons également le témoignage de M. Jean Hamel, vice-président de la Division des pâtes et papiers, et de M. Tom Browne, gestionnaire de programme du Développement durable pour FPInnovations.
Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada. Nous mettons particulièrement l'accent sur les efforts de recherche et de développement en matière d'innovation.
Avant de demander aux témoins de faire leur exposé, j'aimerais demander d'abord aux honorables sénateurs de se présenter.
Le sénateur Mercer : Je m'appelle Terry Mercer. Je viens de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Mahovlich : Je suis Frank Mahovlich, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.
Le président : Merci, chers collègues. Nos témoins ont donné à la greffière des exemplaires de leurs exposés dans une des deux langues officielles. Est-ce que vous me permettez de distribuer les exposés? La traduction nous sera envoyée ultérieurement.
Des voix : D'accord.
Le président : Chers témoins, merci d'avoir accepté notre invitation. Je vous invite maintenant à faire votre exposé. On m'a avisé que nous allons commencer avec la présentation de M. Hamel, et nous entendrons ensuite les autres témoins.
[Français]
Jean Hamel, vice-président, Division de pâtes et papiers, FPInnovations : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous donner cette opportunité unique de nous permettre de partager avec vous notre compréhension et notre vision par rapport à l'innovation et à la transformation de l'industrie des produits forestiers au Canada.
Notre présentation se fera à deux niveaux. Je vais d'abord parler du système d'innovation et, par la suite, mon collègue, M. Tom Brown, parlera de façon plus détaillée de la bioraffinerie.
Dans les trois ou quatre prochaines minutes, je soulèverai quelques points de ce qui est, à notre avis, important à comprendre au niveau de l'innovation. Si vous regardez à la page 2 du document, la diapositive no 4, on peut se demander s'il y a une différence entre la recherche et développement et l'innovation. La réponse est oui.
C'est dans la présentation qui s'intitule The Forest Biorefinery : A Strategic Overview et qu'on vous distribue présentement. C'est donc à la page 4, qui est : « Why Isn't the R&D Always Converted into Innovation? »
Donc, la première question qu'on doit se poser c'est de savoir en quoi l'innovation diffère de la recherche et développement. En fait, c'est une continuité; la recherche doit être considérée comme une partie intégrale du processus d'innovation. Si on veut résumer par une phrase-clé, on peut dire que la recherche et développement est une façon de transformer les fonds investis en idées et en technologies alors que le processus d'innovation, lui, sert à compléter ce développement d'idées et de technologies et de les transformer en profits ou en produits sur le marché, donc en dollars immédiats.
Une des raisons pour laquelle l'innovation n'est pas toujours un succès à partir de la recherche, c'est qu'il y a souvent une mauvaise compréhension des marchés et des clients potentiels pour ces technologies. Donc au processus d'innovation, on doit toujours avoir en tête en premier quels sont les marchés et quels sont les clients potentiels.
Pour démontrer que ce processus d'évaluation est efficace, on peut vous donner un exemple qui est présentement en cours. La page 5 vous montre ici une photo d'une usine de démonstration, qui est présentement en pleine construction dans la ville de Windsor, près de Sherbrooke, en Estrie, au Québec. Cette usine fabriquera un produit provenant de la biomasse forestière qu'on appelle la cellulose nanocristalline. Il y a à peine trois ans, ce produit était une curiosité scientifique de laboratoire et en adoptant un processus de gestion d'innovation, c'est-à-dire en tenant compte des contraintes d'ingénierie, des contraintes du marché, des rétroactions que nous recevons des clients potentiels de cette technologie, on a été en mesure d'optimiser le coût de fabrication et le coût de construction de cette usine pour la rendre viable.
Donc rapidement, en l'espace de trois ans, on a réussi à amener l'idée de laboratoire au niveau précommercial et de démonstration. Et cette unité de démonstration — c'est un des points importants que j'aimerais souligner — est une collaboration entre Domtar, FPInnovations, le gouvernement fédéral au travers de Ressources naturelles Canada, ainsi qu'une participation du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec pour un projet d'un total de 40 millions de dollars.
Encore une fois, ce qui nous a permis de nous rendre à ce stade, c'est la gestion non seulement de la recherche et développement, mais de la recherche au niveau de la gestion de l'innovation.
J'aimerais maintenant attirer votre attention à la page 7. Un autre élément de l'innovation est de prendre en compte les marchés et la viabilité d'une technologie. Il faut développer de nouvelles méthodes. Une des méthodes qu'on a développées, en collaboration, encore une fois — et vous remarquerez que le mot « collaboration » revient souvent —, entre Ressources naturelles Canada, FPInnovations et l'Association canadienne des produits forestiers. On a développé une pathologie qu'on appelle le biopathway.
On a pris une vingtaine de technologies existantes, une vingtaine de technologies émergentes et on a comparé la viabilité des technologies dans différentes situations, dans différents endroits géographiques, comme par exemple, le Saguenay-Lac Saint-Jean, l'intérieur de la Colombie-Britannique et le nord-ouest de l'Ontario, et on a comparé les technologies si on les mettait dans des petites et des grandes usines en tenant compte des contextes économiques.
Le biopathway nous a révélé que la façon dont on implante les technologies, l'endroit où on les implante et la façon dont on les intègre au système de drain, il y aura des rentabilités qui seront différentes selon la combinaison d'une situation donnée. On a fait cette évaluation non seulement au point de vue financier, du retour sur le capital investi, mais aussi sur l'impact économique de la région au Canada, sur l'impact social, c'est-à-dire le nombre d'emplois générés et les impacts environnementaux.
On ne peut pas prendre une technologie et dire qu'elle sera viable sans tenir compte des points d'implantation, c'est- à-dire de l'endroit, du pays ou autres où l'usine sera installée. Il faut tenir compte du climat et d'autres facteurs qui entourent les sites d'implantation de ces usines.
J'aimerais souligner un dernier point. Vous retrouverez, à la page 11 du document, un tableau qui montre les projections d'utilisation mondiale du plastique dans les dix prochaines années. On voit présentement que la consommation mondiale de plastique est d'environ 300 millions de tonnes par année, qui est une quantité assez considérable. Toutefois, à cause d'une augmentation des populations et aussi des niveaux de vie dans les régions en développement, il y aura une demande croissante et considérable pour les plastiques. Il est question de doubler, d'ici une dizaine d'années, la consommation ou les besoins en plastique. Nous croyons, chez FPInnovations que les produits forestiers pourraient avantageusement s'intégrer à ces produits et fournir des produits qui sont à la fois biodégradables et renouvelables, et donc conférer un aspect plus vert aux produits de plastique.
Non seulement ils peuvent amener cet aspect plus vert, mais avec la nanocrystalline cellulose, découverte récemment, on s'aperçoit qu'ils peuvent avoir des propriétés supérieures aux produits existants. Il y a donc ici un potentiel vraiment intéressant pour les produits forestiers.
On parle de pâte, de papier et de bois, mais maintenant, on parle d'amener la forêt dans tous ses aspects dans des produits de consommation. On amène la forêt dans votre voiture, dans votre assiette, dans vos biens de consommation.
Pour résumer, avant de céder la parole à mon collègue, à la page 13, si on parle d'innovation et de transformer l'industrie canadienne, il faut aussi transformer la façon dont on voit l'innovation et ne pas seulement voir l'innovation comme étant de la recherche ou de l'investissement dans la recherche, mais comprendre que c'est tout un écosystème qu'on doit établir, qui tient compte des concepts suivants, c'est-à-dire les besoins des clients, car on a besoin de clients déjà au départ. Il faut, dans toutes nos collaborations, travailler avec des partenaires qui seront prêts à acheter des produits qui seront développés et produits par ces usines.
Il faut aussi des mécanismes pour évaluer les différentes technologies et les mettre en perspective avec des processus comme le « biopathway ». Il faut aussi se diriger vers les produits de haute valeur et viser à les intégrer au plastique ou à remplacer le plastique ou dans des biomatériaux ou des matériaux composite.
Encore une fois, et j'insiste sur ce point, il faut comprendre que la gestion du processus d'innovation, ce n'est pas un processus de gestion de recherche, mais c'est un processus qui est différent et qui fait appel à des habiletés différentes, mais qui doit intégrer de façon entière le processus de recherche. Donc la recherche et le développement sont une partie intégrante du processus d'innovation, mais le processus d'innovation est un processus plus grand, plus global qui doit tenir comte d'autres facteurs.
Finalement, vous voyez ici à la table qu'on parle de partenariat. Nous faisons affaire avec tous les représentants, avec M. Morrow, M. Isabelle et M. Mangin. On a beaucoup de collaboration et cette collaboration est essentielle pour transformer l'industrie des produits forestiers au Canada. Je cède la parole à M. Browne.
[Traduction]
Tom Browne, gestionnaire de programme, Développement durable, FPInnovations : Merci de nous avoir invités à comparaître devant le comité. Puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, je ne passerai en revue qu'une petite partie des diapositives. Je commencerai par la page 17.
À la page 17, vous pouvez voir que les produits forestiers suivent une tendance que l'on retrouve dans les industries de ressources. Nous extrayons d'abord les produits avec la valeur la plus importante. Dans ce cas-ci, 45 p. 100 du matériel brut récolté au Canada devient du bois franc. Cela génère 57 p. 100 des profits qui vont à l'industrie.
Les résidus qui proviennent de cette étape de production — dans ce cas-ci, les copeaux de bois — sont utilisés pour créer des produits de pâtes et papiers. Ainsi, un autre 21 p. 100 de matériel brut contribue à un autre 37 p. 100 de la valeur. Puis, les matériaux qui restent — la sciure de bois, l'écorce, la liqueur résiduaire et d'autres résidus à faible valeur — sont brûlés afin de générer de la chaleur et de l'énergie. Cela utilise les 34 p. 100 du matériel brut qui restait, mais ne génère que 6 p. 100 des profits, si l'on tient compte de ce que l'on économise en combustible fossile et en énergie que l'on aurait dû acheter si on ne le générait pas à l'interne.
La diapositive 18 nous expose le cas du pétrole. Je ne vais vous parler que d'une partie de cette diapositive. On peut voir que, bien qu'on n'utilise que 4 p. 100 du matériel brut pour le convertir en produit chimique, en caoutchouc et en plastique, cela génère 42 p. 100 de la valeur. Ce chiffre est extraordinaire par rapport à ceux de la foresterie. Cela devrait servir de leçon pour l'industrie forestière afin de voir comment on devrait travailler afin de générer plus de valeur à partir de nos ressources.
Il existe une gamme de produits à valeur ajoutée qui peuvent être créés à partir du bois. Vous avez notamment entendu parler de la cellulose nanocristalline et d'autres produits. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais, aux diapositives 39 à 43, nous proposons un modèle qui convertit une usine de papier kraft en usine qui produirait toute une gamme de produits chimiques, de produits énergétiques et de produits traditionnels de pâte.
Dans un mémoire que nous avons présenté plus tôt au comité ainsi que dans certains des documents que nous vous avons donnés aujourd'hui, nous décrivons les solutions pour la construction de la nouvelle génération. Nous parlons notamment de la cellulose nanocristalline, que mon collègue vous a décrite ainsi que d'une gamme d'autres produits chimiques et énergétiques. J'aimerais souligner que les étapes décrites dans les diapositives 39 à 43 ainsi que dans d'autres diapositives sont maintenant utilisées dans des usines partout au pays. À la diapositive 45, vous verrez une liste des projets en cours au Canada.
Tolko Industries Ltée exploite un gazogène à sa scierie à Heffley Creek, en Colombie-Britannique, depuis plusieurs années. Les dirigeants ont également annoncé qu'ils entameraient un partenariat avec Ensyn afin de construire une usine de pyrolyse. Ces deux usines ont été conçues afin de remplacer l'utilisation du gaz naturel sur les sites. L'usine de pyrolyse a également été conçue afin de créer non seulement des produits énergétiques, mais également de nouveaux produits.
Kruger Products a également installé et mis en service un gazogène à son usine de production de mouchoirs à New Westminster, en Colombie-Britannique, encore une fois dans le but de remplacer le gaz naturel.
Mon collègue, Jean Hamel, a parlé de la collaboration entre Domtar et FPInnovations afin de créer une usine de cellulose nanocristalline à Windsor, au Québec.
Passons maintenant à la diapositive 46. J'aimerais vous parler du groupe AV au Nouveau-Brunswick. Il a transformé une usine en une fabrique de pâte de rayonne à valeur élevée et il élabore de nouveaux produits à partir de l'hémicellulose de cette usine, le tout de concert avec FPInnovations. Ils envisagent également d'extraire et de vendre le méthanol de leur usine à Atholville, au Nouveau-Brunswick.
Dans la même veine, Fortress Paper Ltée a annoncé la conversion de son usine en usine de pâte de rayonne. Ce sera à son usine à Thurso, au Québec, en aval de la rivière d'ici.
À la diapositive 47, on peut voir qu'AbitibiBowater de Thunder Bay, en Ontario, a une usine qui travaille avec FPInnovations et CRIBE pour créer des usines d'extraction pour la lignine et le méthanol. Je pense que ma collègue, Mme Lorne Morrow, vous en parlera. Mercer International est en train de construire une usine d'extraction de méthanol à son usine de pâtes de Castlegar, en Colombie-Britannique.
Cette liste n'est pas exhaustive. Il y a d'autres projets en cours ou en train d'être créés au pays.
À mon avis, cette liste nous apprend deux choses. Tout d'abord, nous avons appris que le secteur forestier est capable de changer et de faire preuve d'une pensée innovatrice. Ensuite, comme on peut le voir à la diapositive 48, aucun de ces projets n'aurait vu le jour sans avoir de solides partenariats, un bon appui gouvernemental et un certain partage des risques. Tous ces facteurs sont essentiels lors de l'introduction de nouvelles technologies et, surtout, de nouveaux produits. Il faut se rappeler que nous ne créons pas seulement de nouvelles technologies, nous créons également de nouveaux produits.
La diapositive 49 dégage certains des facteurs de risque auxquels il faudra répondre, notamment par l'établissement de partenariats entre l'industrie et le gouvernement, si l'on veut que ces projets soient couronnés de succès. Le premier facteur est celui du risque technique lié au processus visant à faire passer une nouvelle technologie du laboratoire au site de démonstration. Parfois, les choses ne fonctionnent pas aussi bien à grande échelle que lorsqu'on les fait dans une maquette au laboratoire. Il y aura toujours des surprises. Le deuxième facteur est celui du risque financier lié aux usines de démonstration. Celles-ci sont plus petites que les usines commerciales et n'ont pas l'avantage des économies d'échelle. Le coût par tonne de production sera plus élevé et, même si vous pouvez vendre le produit, vous n'allez peut- être pas recouvrir les coûts d'investissement pour une petite usine. En revanche, il faut créer cette petite usine afin de pouvoir construire une usine commerciale plus tard. Le troisième facteur est celui du risque financier pour les produits énergétiques. Quand l'on fait concurrence au gaz naturel, au charbon ou au pétrole sur une base purement économique, il est difficile de générer de la chaleur, de l'énergie ou encore des combustibles de transport qui peuvent être vendus sur le marché sans avoir une certaine aide financière du gouvernement.
Pour conclure, comme on peut le voir à la diapositive 50, le secteur forestier est prêt à changer, mais il ne peut pas y arriver tout seul. Nous avons absolument besoin d'un appui continu du gouvernement afin de créer des usines de démonstration et faire passer les nouvelles technologies et les nouveaux produits des universités et des laboratoires industriels à la réalité commerciale.
Au Canada, nous jouissons d'une occasion unique de créer une nouvelle génération de produits à forte valeur provenant d'une ressource renouvelable et durable. Nous serions ravis d'en discuter davantage avec vous.
Le président : Merci, monsieur Browne. Monsieur Morrow, allez-y.
Lorne Morrow, chef de la direction, Centre de recherche et d'innovation en bioéconomie (CRIBE) : C'est bien que vous ayez vu la portée nationale de FPInnovations avant d'entendre le témoignage du CRIBE, qui en fait partie. Je vais brièvement vous expliquer comment et pourquoi le CRIBE a été créé et vous parler ensuite plus précisément de la relation que nous entretenons avec FPInnovations.
Vous avez reçu notre mémoire. Le CRIBE a été créé en 2008, lorsque toutes les usines, de Sault Ste. Marie à Thunder Bay, avaient été fermées et que le gouvernement de l'Ontario ressentait le besoin criant de changer les choses et d'ajouter de la valeur à l'industrie traditionnelle des pâtes et papiers. Par conséquent, le gouvernement de l'Ontario a investi 25 millions de dollars dans ce projet, comme vous pouvez le voir à la diapositive 2.
À l'époque, le CRIBE était une très petite société composée d'une seule personne — moi, en l'occurrence. Par conséquent, elle devait collaborer avec des groupes tels que FPInnovations. C'est ce que nous avons fait. Nous sommes dotés d'un conseil formé de membres chevronnés, ce qui nous permet d'avancer rapidement et efficacement. C'est ce que nous continuons à faire. Nous avons reçu 25 millions de dollars de la province ainsi que 10 millions de dollars de Ressources naturelles Canada, par l'entremise de FPInnovations.
Les projets éventuels que nous envisageons sont fort similaires à ceux dont vous ont parlé mes collègues, M. Hamel et M. Browne. Nous croyons qu'il y a un besoin criant pour des projets d'usine pilote de démonstration. En ce qui concerne le Nord de l'Ontario, nous aimerions appuyer une usine pilote qui serait à la fois une centrale électrique et une usine thermale. Bon nombre des Premières nations utilisent le diesel, qui doit être transporté en avion. Hydro One achemine 11 millions de litres de diesel par avion pour aider ces petites collectivités des Premières nations. Nous aimerions leur proposer cette technologie ainsi que leur offrir des nouveaux produits et biomatériaux.
À la diapositive 6, vous pouvez voir nos partenariats. Comme je l'ai déjà mentionné, nous sommes une petite société. J'ai un partenariat direct avec FPInnovations ainsi qu'avec trois autres petits groupes : le Conseil BioAuto de l'Ontario, à Guelph; la Sustainable Chemistry Alliance, à Sarnia, et la Biorefining Research Initiative, à l'Université Lakehead. Il n'est pas étonnant de voir que bon nombre de nos pistes nous proviennent en aval de l'industrie automobile. Une grande partie de nos pistes nous proviennent des fabricants de pièces automobiles qui songent à trouver des manières de changer les choses.
J'aimerais maintenant vous parler de la relation entre le CRIBE et FPInnovations. Nous avons conclu une entente de quatre ans. Nous fournissons huit millions de dollars pour les frais de roulement. Notre objectif principal était d'augmenter la capacité de recherche de FPInnovations dans le Nord de l'Ontario. C'est ce que nous faisons. Nous octroyons un autre 10 millions de dollars que nous utiliserons pour les projets de démonstration. Nous avons du personnel qui travaille à l'usine d'AbitibiBowater à Thunder Bay, et plus précisément aux projets de biomasse forestière.
Avant d'entamer des projets avec eux, nous avons demandé aux responsables de FPInnovations de nous fournir des idées à partir de leur perspective nationale. Nous avons mis l'accent sur le méthanol en provenance des gaz distillateurs à vapeur. Notre projet principal porte sur la lignine. Je vais vous en parler plus tard. Nous tentons de voir comment nous pouvons utiliser toutes ces possibilités qui découlent du bois.
La diapositive 9 vous explique le bois de façon générale. Traditionnellement, on coupait la forêt, on fabriquait des billes pour faire du bois d'oeuvre. Sinon, on pouvait couper les arbres, faire des copeaux et ensuite de la pâte. Les usines de pâtes divisent cela en trois parties : la cellulose, la lignine et l'hémicellulose.
M. Tom Browne vous a parlé de plusieurs pistes possibles. On les voit à la diapositive 10. Nous ne pouvons pas nous permettre financièrement d'examiner la gazéification, les produits biochimiques et la fermentation, ainsi que d'autres pistes, alors nous avons décidé de nous concentrer sur une usine importante en Ontario afin de miser sur l'extraction de la lignine.
À la diapositive 11, vous pouvez voir cette même usine que nous exploitons sur une base opérationnelle. Vous avez déjà entendu parler de la mise à niveau qui devra s'ensuivre. Cela fait environ neuf mois que nous extrayons le méthanol grâce aux gaz distillateurs à vapeur. Ces usines achètent du méthanol. Ainsi, en extrayant leurs gaz résiduels, ils peuvent à la fois utiliser le méthanol et le vendre en même temps. Au fil de cette période de neuf mois, nous avons pu faire chuter les coûts au point où l'usine peut aller de l'avant avec ce projet.
Le projet principal sur lequel nous travaillons concerne la lignine. Lorsque l'on produit du papier, il faut cuire les copeaux et la liqueur pour produire le sous-produit, la pulpe. La liqueur noire ainsi formée est surtout constituée de lignine. Notre projet actuel consiste à extraire la lignine de la liqueur noire et à envisager de meilleures utilisations, comme des additifs, des colles phénolées et de la fibre de carbone. Nous débutons de zéro au laboratoire de FPInnovations à Pointe-Claire, au Québec, pour produire de petites quantités. Nous avons commandité un projet cette année qui mènera à la production d'un volume équivalent à un fût de 45 gallons. Si un client veut tester la lignine, nous pouvons lui en faire parvenir la quantité nécessaire. Nous examinons un projet de lignine qui produirait 50 tonnes par jour à cette usine.
Extraire la lignine de la liqueur noire diminue la charge sur la chaudière de récupération, ce qui permet à l'usine d'accélérer la cadence. L'usine en bénéficie donc de deux façons. Elle peut produire plus de pulpe, ainsi que des produits de plus haute valeur à partir de la lignine. Voilà le projet principal pour l'usine de Thunder Bay.
Je parlerai maintenant des options stratégiques. C'est à la diapositive 16. Mon collègue, Tom Browne, explique très simplement en disant que la biomasse est volumineuse, humide et répartie en différents endroits, alors que le pétrole est dense, ne coûte pas cher et arrive par un tuyau. Nous ne pouvons pas faire concurrence à une telle situation, alors il faut trouver les 4 p. 100 de produits dont a parlé M. Browne; des produits nouveaux qui peuvent faire concurrence sur le plan du prix et du rendement.
Nous allons également examiner les produits chimiques. Nous avons différents projets qui se penchent sur des produits comme l'acide lévulinique qui peut être utilisé pour des pièces d'autos. C'est un produit à base duquel on peut ensuite faire des surfactants, des lubrifiants, de la mousse polyuréthane et d'autres produits de ce genre. Il y a plusieurs groupes qui réfléchissent à ce type de projet.
J'ai parlé un peu de la cogénération de chaleur et d'électricité à la diapositive 17.
En ce qui concerne les cours à bois commerciales, je reviens de Suède et de Finlande. J'ai été très impressionné par ce qui se passe dans les cours à bois avant que le bois arrive à la scierie. L'exploitation forestière se fait de façon très différente qu'ici. Nous aimerions appuyer un projet de démonstration de ce type. Là-bas, ils classent les billots par pouce. Il y a des billots de 9 pouces, 10 pouces et 12 pouces. Une journée, la scierie traite des billots de 12 pouces, et le lendemain, des billots de 13 pouces. Songer aux améliorations en matière d'efficacité si les têtes d'abattage à chaîne n'ont pas à être changées. Nous aimerions appuyer un projet de ce type. Il y a aussi beaucoup d'intérêt concernant les gaz synthétiques, les carburants et le bois torréfié.
En conclusion, une étude de l'Association de produits forestiers du Canada, l'APFC, démontre que si vous pouvez faire ce genre de travail, vous devriez le greffer à une scierie existante et cela vous permettra de quintupler le nombre d'emplois. Vous pouvez voir que le CRIBE ne dispose pas de fonds très importants. Nous essayons de collaborer particulièrement avec des scieries existantes.
Il faut faire des choix stratégiques pour en arriver à ces 4 p. 100. Chaque scierie est différente, et il faut l'examiner dans une perspective différente. C'est le rôle du CRIBE et de FPInnovations de réduire les risques du projet. Les usines de démonstration coûtent cher, de 20 à 30 millions de dollars, et le rendement est très faible. Nous devons appuyer l'industrie au cours de cette phase.
J'ai rencontré un haut dirigeant d'une entreprise cet été qui m'a dit qu'il n'avait pas de problème à ajouter une nouvelle machine pour produire du papier, parce qu'il connaît ce domaine. Mais tout ceci est différent; les dirigeants en ont peur. Cependant, ils essaient de changer et de s'adapter.
Pour terminer, le partenariat CRIBE-FPInnovations est essentiel pour le Nord de l'Ontario. Ces organismes apportent un point de vue national au projet. Nous nous occupons de la lignine en Ontario et de la cellulose nanocristalline au Québec. Nous essayons d'éviter les chevauchements dans l'ensemble du pays. Nous acquérons des capacités en Ontario, que nous n'avions pas, et nous créons des liens avec l'Université Lakehead et le collège Confédération. Nous sommes en train d'établir une grappe. La collaboration est excellente. Je fais affaire directement avec le conseil BioAuto chaque semaine.
Il y a actuellement un excès de bois en Ontario qui n'est pas abattu. Nous coupons environ 30 à 40 p. 100 du bois. Voilà l'effet de la situation actuelle. J'ai été l'une des victimes et j'ai dû fermer ma scierie, alors je trouve très enrichissant d'établir un partenariat avec FPInnovations pour redresser l'industrie.
André Isabelle, directeur, Environnement et ressources naturelles, Partenariats de recherche, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada : Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
[Français]
Je suis honoré d'avoir la possibilité de vous parler du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et de son rôle dans le secteur forestier.
[Traduction]
Pour débuter, je vous ai fourni une fiche de renseignements ce matin.
[Français]
C'est disponible en français aussi bien qu'en anglais.
[Traduction]
Elle ne suit pas l'exposé en tant que tel. Elle ne fait que l'appuyer.
Ce matin, je vais couvrir trois éléments. Premièrement, je fournirai un aperçu du conseil et de nos activités. Deuxièmement, je parlerai de certains de nos efforts dans le domaine de l'innovation, et troisièmement, pour en arriver au sujet d'aujourd'hui, je décrirai notre rôle dans le secteur forestier, certaines de nos expériences et des projets auxquels nous avons participé.
Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le CRSNG, investit plus d'un milliard de dollars chaque année en subventions et en bourses qui appuient la recherche et la formation avancée dans les institutions postsecondaires canadiennes. Nous avons trois priorités. Premièrement, le CRSNG investit dans les gens en appuyant 28 000 boursiers de premier, deuxième et troisième cycles et de niveau postdoctoral chaque année. Ces personnes hautement compétentes forment le capital humain nécessaire pour assurer la compétitivité et la croissance économique du Canada. Le taux de chômage des diplômés en sciences naturelles et en génie sont parmi les plus bas au Canada.
Deuxièmement, le CRSNG favorise la découverte en appuyant des programmes de recherche de 12 000 professeurs dans les universités canadiennes.
Troisièmement, le CRSNG favorise l'innovation en encourageant plus de 1 500 entreprises canadiennes à investir dans la recherche et la formation dans les collèges et universités au Canada.
L'an dernier, ces entreprises ont investi plus de 100 millions de dollars dans des partenariats de recherche public- privé appuyés par le CRSNG. En fait, le CRSNG est une des sources les plus importantes, sinon la plus importante, de subventions pour les partenariats en recherche et développement public-privé.
Ces trois priorités — les gens, la découverte et l'innovation — sont directement liées aux trois avantages de la stratégie fédérale en sciences et en technologie, c'est-à-dire les gens, le savoir et l'entrepreneuriat.
Étant donné l'intérêt précis du comité, je vais maintenant me concentrer sur des initiatives récentes en innovation du CRSNG de même que sur l'appui particulier à la R-D fondée sur les produits dans le secteur forestier.
Nous savons d'expérience que des partenariats entre les universités et l'industrie constituent une façon très efficace de transférer le savoir au marché. Tous les participants y gagnent. L'industrie a accès à des ressources et à de l'expertise qu'elle ne peut développer par elle-même. Les chercheurs ont accès à des situations réelles d'essai pour leurs idées et leurs découvertes, et les étudiants profitent d'une expérience de formation plus dynamique et d'un plus grand choix de carrière.
Bien qu'encourager ces partenariats ait toujours été une priorité principale du CRSNG, nous avons accru de façon substantielle nos efforts l'an passé. Nous avons constaté la possibilité d'élargir notre portée avec l'industrie grâce à un appui financier conçu pour les petites et moyennes entreprises.
En novembre dernier, le CRSNG a lancé sa stratégie pour les partenariats et l'innovation, une aventure complète et ambitieuse dont les buts comprennent le doublement du nombre d'entreprises qui collaborent avec des chercheurs financés par le CRSNG. Ce plan est basé sur des initiatives existantes et présente de nouveaux programmes gouvernementaux qui visent à rassembler des entreprises canadiennes et des chercheurs universitaires pour accélérer leur R-D.
Nos efforts ont été appuyés par un financement supplémentaire prévu au budget de 2010, y compris cinq millions de dollars pour cette stratégie. Nous en voyons déjà les bénéfices. Nous avons lancé des initiatives qui connaissent un franc succès et qui sont conçues précisément pour établir de nouvelles relations entre les chercheurs universitaires et les entreprises. En particulier, le Programme de subventions d'engagement partenarial offre aux chercheurs jusqu'à 25 000 $ pour entreprendre un projet de six mois à court terme visant à résoudre le problème précis d'une entreprise. Certains de mes collègues nomment ce programme celui de la « première rencontre ».
Les chercheurs ont répondu avec enthousiasme à cet outil qui leur permet d'établir de nouveaux liens. Le CRSNG a approuvé plus de 299 subventions d'engagement partenarial totalisant plus de sept millions de dollars et attirant environ 4,8 millions de dollars en contributions en espèces et en nature des partenaires de l'industrie.
Au lancement de cette stratégie, le CRSNG comptait 1 500 partenaires et voulait doubler ce nombre d'ici 2014. L'initiative réussit à accélérer l'accroissement du nombre de partenariats que nous favorisons, et les deux tiers des entreprises partenaires qui ont profité du Programme de subventions d'engagement partenarial n'avaient pas auparavant travaillé avec des chercheurs financés par le CRSNG. La grande majorité de ces entreprises sont des PME qui, généralement, ne font pas d'efforts importants en R-D.
Pour aider le CRSNG à offrir ses programmes de partenariat, le personnel dans les cinq bureaux régionaux du CRSNG joue un rôle important pour aider les chercheurs et les entreprises à se connaître et à collaborer par l'entremise de nouveaux partenariats en recherche. L'adoption d'une nouvelle politique sur la propriété intellectuelle du CRSNG l'an dernier a également été utile. Elle permet un accès plus souple à la propriété intellectuelle et elle a reçu des louanges de nos partenaires de l'industrie.
Dans le budget de 2008, le gouvernement nous a demandé d'aider à résoudre des problèmes immédiats dans les secteurs manufacturier, forestier, de l'automobile et des pêches. Avec l'élaboration de l'initiative en R-D du secteur forestier, nous avons pu capitaliser sur notre relation à très haute synergie avec FPInnovations et Ressources naturelles Canada, et nous les avons bien sûr invités à codiriger l'initiative. Nous étions d'accord pour dire que l'harmonisation avec le programme d'innovation phare de FPInnovations constituait le meilleur mécanisme pour qu'il y ait une plus grande collaboration en recherche dans le secteur de l'innovation forestière.
Une exigence principale pour tout projet financé par le CRSNG est la collaboration avec le personnel de FPInnovations et des partenaires de l'industrie pour qu'il y ait une synergie optimale et que l'on se concentre sur l'une des cinq priorités ciblées. Une autre qualité importante est l'accent sur la mise sur pied de réseaux de collaboration qui couvrent le pays et de nombreuses institutions. Quatre nouveaux réseaux importants ont été créés et sont décrits dans la fiche de renseignement que je vous ai distribuée aujourd'hui. Ils ont été conçus pour compléter les deux réseaux stratégiques du CRSNG et celui dirigé par le secteur des affaires et constitué des centres d'excellence du secteur forestier.
Je vais décrire brièvement le Réseau stratégique du CRSNG sur les produits du bois et les systèmes de construction novateurs. Le but de ce réseau est d'augmenter l'utilisation des produits du bois pour des immeubles résidentiels et non résidentiels de hauteur moyenne. Il nous permet de rassembler des chercheurs dans des disciplines aussi diverses que le génie structurel et de protection contre les incendies, la science du bois, l'architecture et la science des bâtiments pour atteindre ce but. Un des résultats attendus sera l'élaboration de nouveaux outils utilisés par les ingénieurs d'études, les chercheurs et les manufacturiers pour aider à prévoir le rendement des systèmes et des produits immobiliers.
Le Code du bâtiment est normalement révisé tous les cinq ans, et on s'attend à ce que les renseignements générés par ce réseau aient une conséquence importante sur les révisions au Code et permettront peut-être une plus grande utilisation du bois et des produits du bois dans la construction d'immeubles.
Le réseau est supervisé par un conseil composé de toute une gamme d'intervenants des secteurs des produits forestiers, de la construction, de l'industrie du génie-conseil, de l'Institut de recherche en construction du CRNC, du Conseil canadien du bois et, bien sûr, de FPInnovations. Avec cette supervision, nous sommes certains qu'il est bien géré et qu'il continue à se concentrer sur des problèmes et des possibilités émergentes, et à y répondre facilement.
Avant de conclure, j'aimerais faire deux remarques sur des façons possibles de revitaliser cette industrie importante à partir des résultats des partenariats de recherche financés par le CRSNG dans le secteur forestier.
Premièrement, notre expérience avec l'élaboration de nanomatériaux forestiers nous démontre que l'industrie doit trouver de nouvelles applications à plus forte valeur ajoutée pour le bois dans les marchés nouveaux. C'est pourquoi ArboraNano, dont mes collègues ont parlé, qui est le réseau des centres d'excellence dirigé par le secteur des affaires qui s'occupe de la commercialisation de ce nanomatériel, est si intéressant. Ils créent des ponts entre le secteur forestier et les nouveaux consommateurs de l'industrie, allant de l'aérospatiale aux sciences médicales.
Le deuxième point concerne le fait qu'il faut diversifier les marchés d'exportation ou cesser de dépendre de nos clients au sud de la frontière. Un de nos partenaires de l'industrie nous a récemment informés qu'un chercheur universitaire avec qui il collaborait les a aidés à rejoindre de nouveaux consommateurs en Chine. Ce qui les a aidés, c'est que le chercheur était d'origine chinoise et qu'il était à l'aise de traiter avec les clients chinois de l'entreprise. Les envois de cette entreprise vers la Chine ont triplé, pour s'élever à plus de 300 millions par année, depuis le début de ce partenariat de recherche il y a plus de 10 ans.
En conclusion, j'ai trois messages à relayer. D'abord, nos efforts sont complètement harmonisés avec la stratégie des sciences et de la technologie du gouvernement. Ensuite, nous sommes ravis d'être perçus comme un acteur important pour ce qui est de répondre aux besoins du Canada en matière de recherche et d'innovation dans le secteur de la foresterie. Enfin, nous collaborons avec nos collègues de FPInnovations et de Ressources naturelles du Canada, notamment, pour optimiser l'investissement du gouvernement dans la recherche et le développement du secteur forestier.
Il nous tarde de voir le rapport du comité sur ce sujet important.
[Français]
Patrice Mangin, président, Réseau canadien de pâtes et papiers pour l'innovation en éducation et en recherche (PAPIER) : Honorables sénateurs, chers collègues, mesdames et messieurs, avant de commencer, j'aimerais vous signaler que mon texte vous est disponible, du moins les grandes lignes, en français et en anglais. Je vous prierai d'excusez l'anglais de la version anglaise, qui n'est peut-être pas parfait, n'étant moi-même pas parfaitement bilingue. Vous y trouverez également une petite biographie, qui vous permettra de comprendre d'où viennent ma position et mon message.
J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité comme témoin pour contribuer à votre étude, ce qui me permet de participer à la vision du développement de l'industrie forestière et, plus spécifiquement, des produits forestiers.
Avant de traiter du sujet principal, j'aimerais présenter rapidement le réseau PAPIER, dont j'ai l'honneur d'être l'actuel président, et ce, jusqu'à la fin de l'année. C'est un réseau de centres de recherche et d'éducation universitaires qui œuvrent dans le domaine des pâtes et papiers. Nous projetons, vous comprendrez pourquoi, de l'élargir sous peu aux réseaux stratégiques canadiens financés par le CRSNG et, éventuellement, aussi à d'autres universités qui touchent des secteurs complémentaires des produits forestiers, un peu à l'instar de FPInnovations, qui est le laboratoire national impliqué dans PAPIER.
Aujourd'hui, sauf exception, notamment dans le domaine de la fabrication des pâtes et indépendamment des considérations provinciales ou régionales, l'industrie canadienne des produits forestiers reste peu compétitive en raison de plusieurs facteurs. On les connaît tous : les coûts de production, l'approvisionnement, l'énergie, la main-d'œuvre, le transport lié à l'éloignement des marchés — pas seulement le marché américain, il faut chercher d'autres marchés —, la valeur du dollar canadien, et cetera. Indépendamment de la combinaison d'une crise conjecturelle, financière et structurelle, force est de constater que le modèle d'affaires de l'industrie dans son ensemble est complètement à revoir.
En fonction des connaissances du marché, de la globalisation de l'économie, des tendances vers le développement durable, de la conscientisation environnementale de notre société, de l'ubiquité des médias électroniques avec la réduction des papiers de publication, qui nous a fortement frappés d'ailleurs, en fonction des nouveaux développements technologiques issus des universités, des centres de recherche de l'industrie (FPInnovations), quelle vision pouvons-nous proposer de l'industrie des produits forestiers dans un futur de dix à quinze 15 ans — quelque chose de très proche en ce qui nous concerne?
La vision et l'objectif qu'il est possible de développer nous font entrevoir une industrie forestière dynamique, économiquement performante, innovante, attrayante, citoyenne, responsable et créatrice d'emplois — ce n'est pas moi qui le dis, cela provient d'une étude du Conseil de l'industrie forestière du Québec. Pour survivre et maintenir un positionnement compétitif global, elle devra être indubitablement diversifiée, mais en restant sur la base des créneaux traditionnels — le papier, le bois d'œuvre; on a entendu parler techniquement un peu de cette diversification.
Pour répondre aux demandes de la société, elle sera — et elle l'est déjà puisqu'on commence à y travailler — pionnière dans le domaine, un modèle au niveau des pratiques de développement durable; ce n'est pas du tout l'image actuelle. De fait, l'industrie forestière a un impact positif, on le sait, sur les changements climatiques, sur la séquestration du carbone, sur les bassins aquifères et sur le bilan d'eau d'une manière générale.
Contrairement à ce qu'on a vécu récemment, notre industrie va redevenir créatrice d'emplois stables, bien rémunérés, faisant une place croissante à une main-d'œuvre de plus en plus qualifiée, bien entendu, en fonction des nouvelles technologies employées. Il est évident que l'industrie forestière reste et continuera d'être un élément prépondérant dans l'écologisation de l'économie canadienne, principalement par le développement d'une nouvelle industrie basée sur les bioproduits, les bioénergies et les bionanotechnologies. Je ne vais pas faire un discours technologique, mes collègues s'en sont chargés.
Au niveau recherche et développement, mais surtout en innovation, elle est et demeurera positionnée et reconnue comme un chef de file mondial, et ce, sur la base de réseaux de recherches de chercheurs compétents, reconnus, valorisés, auxquels s'ajoutent progressivement des compétences d'autres secteurs industriels, grâce entre autres au CSRNG, mais aussi de disciplines autres que les disciplines traditionnelles qui étaient pour nous la chimie, le génie chimique, la foresterie, et cetera. À cause de la structure même et de la taille économique du Canada, la R-D et l'innovation se doivent, et c'est un premier message, d'être basées sur un modèle de réseaux interprovinciaux et de coopération internationale.
Donc, ayant exposé la vision développée par les différents groupes, on peut se poser la question de savoir quels sont les facteurs de réussite pour aboutir à ce nouveau modèle industriel. Sur la base de séances de travail au sein du Conseil de l'industrie forestière du Québec, de diverses tables rondes dans l'Ouest, de discussions dans le cadre du réseau PAPIER avec mes collègues, de son équivalent américain — il y a aussi un réseau d'universités aux États-Unis — de travaux avec nos collègues américains également au sein de l'Agenda 2020 — la Technology Alliance, à Washington, qui fait le même travail que nous —, également du TAPPI Research Management, qui implique des gens du monde entier, j'ai choisi de vous transmettre une vision simplifiée mais aussi compréhensible que possible, de 12 de ces facteurs clés. On pourrait en prendre moins ou plus, c'est un choix que j'ai fait. Je me suis aussi volontairement éloigné d'une présentation classique des sujets technologiques — je ne pourrais de toute façon pas faire de vous des experts en dix minutes — et ce, pour deux raisons.
Je veux éviter la duplication des messages et le fait que des programmes technologiques et scientifiques développés y sont remarquablement similaires lorsqu'on les analyse internationalement. Ce qu'on fait ici se fait aussi ailleurs dans le monde, donc nos distinctions doivent être autres.
Premier point : le Conseil de l'innovation forestière Canada, CFIC, qui avait été créé par FPAC en 2005, a créé une feuille de route qui a servi, entre autres, à la création de FPInnovations, le Programme des technologies transformatives, et des réseaux stratégiques comme ce qu'on voit au CRSNG. Cette feuille de route n'a pas été mise à jour.
De plus, elle ne tenait à l'époque que peu en compte — et pour cause — les spécificités régionales et provinciales du Canada. En fonction de la crise et de la sortie de crise — je devrais plutôt dire la tempête du siècle que l'industrie a subie —, il est significatif aujourd'hui de voir des tentatives provinciales-régionales fleurir.
Par exemple, en mai 2010, il y a eu une table ronde sur les besoins de recherche dans l'Ouest canadien, et plus récemment, un document de recherche du Conseil de l'industrie forestière du Québec, qui sera rendu public sous peu. Il existe donc des initiatives provinciales, mais on peine de voir un véritable agenda canadien. J'exclus bien entendu le programme développé par FPInnovations, qui est d'accès restreint, généralement pas accessible et ouvert, entre autres, aux universités et aux partenaires des universités.
Parallèlement, nos voisins américains ont mis à jour leur feuille de route de l'agenda 2020. La version d'avril 2010 remplace maintenant la version de 2006. L'Union européenne est au cœur de son septième programme cadre, qu'elle renouvelle tous les six ans avec un recouvrement des programmes.
Le besoin est critique. La feuille de route de l'innovation canadienne mérite donc une mise à jour avec une implication des universités et centres de recherche fédéraux, provinciaux, incluant des centres de transfert technologie, des industriels et aussi le milieu économique. Bien entendu, cette fois-ci l'agenda canadien devrait être un peu plus précis pour tenir compte des spécificités provinciales et régionales.
Deuxième facteur : aujourd'hui le Canada bénéficie d'un centre de recherche nationale central, FPInnovations, dont l'avenir est quand même un peu incertain. En effet, la situation de l'industrie des pâtes et papiers a fait en sorte que le financement industriel de FPInnovations s'est progressivement amoindri jusqu'à devenir aujourd'hui critique. Les gouvernements ont pris la relève — on les en remercie — mais seulement temporairement.
Aujourd'hui, une grande partie du financement de FPInnovations provient de fonds publics fédéraux, provinciaux ou provenant d'organismes de subvention. Il n'y a pas de garantie de financement public à long terme. L'industrie n'ayant pas encore retrouvé ses moyens financiers, le danger reste pour moi très présent dans cette période critique actuelle.
On peut l'imaginer, une disparition de FPInnovations aurait un impact très négatif sur l'économie. Le fondamental est développé au niveau des universités qui émargent d'ailleurs de plus en plus dans le domaine de l'appliqué, mais la mise au point et le transfert technologique ne sont pas assurés par les universités. Nous sommes ici dans le domaine de l'innovation et il faut le rendre dans la société.
Au Québec, par exemple, il existe des réseaux de centres de transfert technologie, dont le réseau Transtech, qui sont très performants mais en général ils ont des moyens limités. La faillite de FPInnovations amènerait des pertes de compétences correspondantes graves.
Si on regarde à l'international en comparaison, le centre finlandais, l'équivalent de FPInnovations, qui était financé par l'industrie papetière, a été dissout mais complètement intégré au niveau des effectifs et des compétences au VTT, l'équivalent du CNRC, avec un financement gouvernemental. Le modèle américain, quant à lui, est un peu plus près du nôtre. Il existe cependant un important laboratoire, qui est à 100 p. 100 financé par le gouvernement. L'Institute for Paper Science and Technology a un financement mixte adossé à l'Université Georgia Tech, un peu comme nous au CIPP.
En France, le Centre technique du papier bénéficie d'un financement public d'environ 40 p. 100 garanti sur une période de dix ans. Ils n'en ont que la vision, même si c'est légèrement en décroissance. Le Centre de recherche suédois est un modèle d'entreprise avec actionnaires qui bénéficie cependant d'apports des programmes de l'Union européenne et des fondations suédoises.
Il faut donc urgemment se poser la question du devenir de FPInnovations et de la possibilité qu'il devienne ou non un centre du CNRC ou, alors, qu'il y ait poursuite des activités avec peut-être une réduction des effectifs et des compétences dans un centre, qui n'aurait plus de centre de recherche industrielle que le nom. C'est une mise en garde que je tenais à faire.
Troisième point : au niveau des universités et le fait de maintenir l'indépendance innovatrice, les universités doivent être la source de nouvelles idées, c'est une nécessité. D'ailleurs, les professeurs parlent volontiers de leur liberté académique. En ce sens, le Canada bénéficie d'un réseau d'universités performantes; les principales universités sont d'ailleurs impliquées dans l'industrie du papier. Il faut cependant livrer un message concernant le positionnement approprié des universités dans la chaîne de création de valeurs et dans l'innovation.
La coordination voulue par la feuille de route du CFIC, en 2005, a été positive et bénéfique sur le court et le moyen terme, par la capacité à limiter les coûts, à coordonner, en optimisant l'utilisation rationnelle des ressources. Cependant, la coordination à outrance équivaut à une centralisation qui pourrait et qui peut générer ce que j'appelle « le mythe de la pensée unique » qui, à moyen ou long terme, risque d'avoir un impact très négatif sur le processus d'innovation. Il faut une base d'idée pour pouvoir créer.
Je suis donc convaincu qu'il faut maintenir un financement accompagné d'une définition et d'une vision élargie de ce que c'est que la recherche fondamentale dans notre domaine pour avoir la diversification que l'on veut.
Quatrième facteur : les universitaires pensent et disent que la recherche n'est pas complétée tant qu'elle n'est pas publiée. Moi je dis qu'elle n'est pas terminée tant qu'elle n'est pas utilisée dans la société ou par l'industrie. L'innovation nécessite donc une démonstration de faisabilité et c'est aujourd'hui que le bât blesse car les infrastructures nécessaires aux nouvelles technologies, qui sont développées par les chercheurs, nécessitent des investissements conséquents, voire prohibitifs.
Il nous faut donc garantir un financement approprié des projets de démonstration et des infrastructures. C'est là où on en est aujourd'hui. On commence à voir des exemples, mais il y a des manques. En effet, ces projets de démonstration sont éminemment nécessaires aux validations technico-économiques des nouvelles technologies qu'on appelle transformatives.
Le concept proposé est en partie mis en place par Ressources naturelles Canada et est relié au partage des risques entre le gouvernement et l'industrie. Le rôle des gouvernements fédéral et provinciaux est clé dans le monde transitoire dans lequel nous sommes en sortie de crise, et les financements actuels d'aujourd'hui sont nettement insuffisants.
Cinquième facteur clé de succès : en fonction de l'intensité de l'investissement capital, les entreprises de produits forestiers sont essentiellement conservatrices. Elles sont, à toutes fins pratiques, allergiques à la prise de risques. De plus, les entreprises en sortie de crise n'ont plus les ressources financières ni les liquidités nécessaires, alors que les banques, elles, restent frileuses à prêter à cette industrie forestière. Il en résulte une augmentation du coût de la valeur du capital investi. Cela coûte plus pour emprunter.
Par contre, ces nouvelles technologies demandent, après la démonstration, de nouveaux investissements parfois conséquents. Si on pense à la gazéification, pour une usine on parle d'un investissement de 300 millions de dollars. L'industrie fait donc face à une question de gestion de crise, de prise de risques, à laquelle elle ne peut et ne veut répondre seule, même si le développement économique passe par cette gestion du risque.
Les entreprises ne peuvent donc seules assumer ces risques et c'est là que les gouvernements se doivent d'intervenir. Au-delà de l'utilisation innovante des installations existantes, dans un contexte de décroissance des papiers de publication — c'est le terme générique utilisé pour le journal et les livres —, certaines provinces n'ont d'autre choix que de demander des aides complémentaires au gouvernement fédéral car elles sont nécessaires au renouveau de l'industrie.
Sixième point : comment faire ce genre de chose? En fonction de ces considérations, il nous faut un peu d'innovation et d'imagination pour trouver des solutions qui soient adaptées aux capacités de financement réduites, tant au niveau des gouvernements que de l'industrie. Une solution serait d'établir des passerelles au niveau des programmes de recherche entre les secteurs agricole, forestier ou autre, notamment au niveau de la conversion de la biomasse, en énergie et en bioproduits.
Cette coordination accrue entre les différents secteurs devrait et pourrait contribuer à optimiser l'utilisation des fonds publics et faire un meilleur usage des compétences complémentaires et transversales. En pratique, ces différents secteurs utilisent souvent des technologies similaires mais les développent parallèlement, avec cependant des flux intrants qui sont différents, comme par exemple les traitements thermochimiques, la pyrolyse, la gazéification, le traitement des procédés de séparation, les réacteurs chimiques et biologiques, le traitement des eaux. Ce sont des procédés dans lesquels on peut faire des gains.
La question reste quand même de savoir qui assurera la coordination et, surtout, comment l'opérer. En passant, c'est un discours que j'avais déjà tenu il y a plus d'un an.
Septième point : il existe une autre option, un peu plus délicate car elle implique les champs de compétence fédérale- provinciale, qui est de viser à augmenter la coopération des provinces et des régions. Je parle aussi en termes de régions canadiennes. Cela est cependant possible par le développement de réseaux universitaires jumelé à une contribution financière conjointe des provinces et du fédéral.
Ces réseaux existent déjà. Toutefois, ils pourraient être optimisés et étendus, par exemple, en se basant sur le modèle européen. Vous aurez remarqué, par mon accent, que je suis d'origine européenne, même si je suis Canadien depuis longtemps. Ce que 25 pays peuvent faire, nous pouvons le faire au niveau de nos provinces. Une solution intermédiaire consiste donc à développer des programmes.
Le président : Je m'excuse de vous interrompre, mais j'aimerais vous rappeler que notre temps est limité. Dans l'ordre habituel des choses, une période de questions de la part des sénateurs suivra votre présentation.
M. Mangin : Je croyais disposer de dix minutes. Est-ce que mon temps est écoulé?
Le président : Je vous demanderais de conclure rapidement afin de permettre aux sénateurs de vous poser des questions. Nos recherchistes examineront de près les documents que vous avez déposés pour les intégrer à notre rapport final.
M. Mangin : Dans ce cas, je résumerai chacun des points.
Le facteur suivant concerne la coopération internationale. Cet aspect est important, surtout en ce qui a trait aux projets de démonstration. En ce sens, nos voisins du sud peuvent nous aider. Les technologies sont les mêmes au niveau international. Pour illustrer ce point, j'ai cité quelques exemples.
Le dernier point est ce que j'appelle « la vitesse de mise en marché ». À ce niveau, le financement est un facteur important. En d'autres mots, si on attend trop longtemps, nous manquerons de temps. Ce point vient s'ajouter à celui de mon collègue Jean Hamel.
Il faut également que plus de jeunes s'intègrent à notre industrie. Pour ce faire, nous devons redresser l'image globale de l'industrie forestière.
Le Canada dispose d'énormes ressources en biomasse. La compétition existe dans le secteur des terres agricoles et notre position est enviable. La compétition ne touche pas encore les terres du Nord. Je parle souvent de 40/40/40, en sachant que les États-Unis, l'Europe et la Chine, à des moments différents, cherchent à tirer 40 p. 100 de leur énergie de sources renouvelables. Par conséquent, on peut s'attendre à ce que certaines personnes s'intéressent à nos ressources naturelles.
Finalement, il faudrait trouver une façon, soit par voie législative ou par des investissements en capitaux, que ces ressources naturelles soient transformées chez nous. En ce faisant, elles seraient créatrices de valeur chez nous et non à l'étranger. Ce point plutôt politique est entre les mains des gouvernements.
Notre industrie des produits forestiers peut et doit être une source de prospérité collective pour le Canada. Nous sommes à un point tournant et il ne faut pas rater les occasions. L'heure est vraiment à la prise de décisions.
Le président : Nous allons maintenant passer à la période des questions, en commençant par le sénateur Ogilvie.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Merci. J'ai une remarque à formuler et une question à poser aux représentants de FPInnovations et à M. Morrow. Ce doit être bien d'être le seul employé d'une exploitation générant 25 millions de dollars. Vous avez capté notre attention et nous vous envions.
Je m'intéresse à cette question depuis la naissance des nouvelles biotechnologies prometteuses élaborées par PAPRICAN, l'Institut canadien de recherches sur les pâtes et papiers, et l'Institut de recherches sur les pâtes et papiers de l'Université McGill.
Ce qui est différent aujourd'hui, c'est que certains autres témoins et vous, plutôt que de nous parler d'espoir, de légers investissements de la part de l'entreprise et de beaucoup d'investissements et de recherche fondamentale de la part du gouvernement, vous nous avez parlé d'une relation directe et de fermes engagements de la part de l'industrie. Nous avons été témoins de beaucoup de changements organisationnels avant la configuration actuelle de FPInnovations. Comme je l'ai dit, je m'intéresse vraiment à ce dossier et j'observe les choses de loin.
Des représentants de Fortress Paper nous ont présenté un exposé, et j'ai constaté que même si l'industrie éprouve des difficultés, une entreprise a vu le prix de ses actions multiplié par 10 en 12 mois. Je sais que les choses ne sont pas aussi simples que cela, mais manifestement, l'innovation dans ce secteur peut avoir des répercussions réelles. Vous nous avez fourni des exemples éloquents de projets en cours sur le terrain et non pas seulement dans les laboratoires.
Pensez-vous que nous sommes arrivés à un point où il existe un engagement réel et une synergie entre notre compréhension de la chimie du bois et les marchés finaux que vous avez évoqués? Croyez-vous que nous dépassons les phases initiales et que Fortress Paper connaîtra davantage de succès à l'avenir?
M. Morrow : Voilà pourquoi je vous ai parlé du fût de 45 gallons. Nous devons aller plus loin. Je pense que quand vous fournissez autant de matières brutes à un client éventuel, celui-ci ne veut pas se faire dire : « Je pourrai vous approvisionner dans trois ou quatre ans. » C'est le rôle critique que nous pourrions jouer. Cela s'en vient.
Je travaille du côté de l'industrie et je peux dire que le rendement sur les investissements au Canada est toujours prévu pour dans deux, trois ou quatre ans. En Europe, on parle de rendement sur 20 ans. Je pense qu'il nous reste un bout de chemin à parcourir. Je pense que les choses changent, et considérablement.
Maintenant, je peux pénétrer dans l'usine de Thunder Bay et les gens me font des signes de la main lorsque j'entre, ce qui est une transition au plan humain. Ils me considèrent comme un partenaire. Dans ce sens, l'avenir est très prometteur.
M. Hamel : Je travaille dans le secteur depuis 25 ans et j'ai constaté que l'industrie avait vraiment changé d'optique. Il y a deux ans, un cadre de chez Domtar nous a dit que deux ans auparavant, Domtar estimait que le Programme des technologies transformatrices à l'origine des travaux sur la cellulose nanocristalline était « intéressant ». Il y a deux ans, on jugeait que c'était un élément clé de la transformation de l'industrie. Aujourd'hui, on s'intéresse aux nouveaux produits et aux nouvelles façons de faire. On s'intéresse aux nouvelles perspectives offertes par les fibres, qui ne sont pas seulement des pâtes et papiers utilisés pour confectionner des produits.
Aujourd'hui, l'industrie ne voit plus les choses de la même façon. Traditionnellement, notre industrie était axée sur les produits de base. Pour faire passer une industrie axée sur les produits de base à un secteur de produits sophistiqués ou à un marché spécialisé, vous devez changer bien des choses. En ce qui concerne la collaboration, les différentes parties prenantes au processus d'innovation, telles que des organisations comme le CRIBE, peuvent investir dans des pièces, et le processus joue un rôle clé.
Le Programme des technologies transformatrices a été lancé en 2007. Nous avons non seulement transformé le programme de recherche de FPInnovations, mais nous avons aussi modifié notre façon de gérer nos activités. Je fais part à M. Mangin chaque jour, si ce n'est chaque soir, de mon inquiétude au sujet de la pérennité de FPInnovations. Nous savons que FPInnovations a un avenir; nous ne voulons tout simplement pas disparaître au cours de la transition. C'est le risque.
FPInnovations s'en est très bien tiré. Nous avons encaissé les changements. Nous avons survécu à une fusion des trois divisions — Paprican, Feric et Forintek — et nous profitons donc maintenant d'un programme unifié. Comme je l'ai dit, nous changeons aussi notre perspective de l'innovation. J'ai parlé des points clés. Tout est intégré. Nous ne sommes plus un institut de recherche; notre organisation gère maintenant l'innovation.
La continuité joue un rôle clé. Nous avons reçu un financement considérable pour nous aider à faire face au risque; la continuité dans les programmes joue un rôle clé à ce titre. Nous n'allons pas transformer l'industrie des produits forestiers en deux ou trois ans; cela prendra plus de temps. L'infrastructure et les marchés sont déjà en place, ce qui revêt une importance primordiale.
L'autre élément important, c'est que nous devons apporter les changements. Nous n'avons pas le choix. Le monde change. La semaine dernière, j'étais en Finlande et en Suède en même temps que M. Mangin. Nous avons parlé de la cellulose nanocristalline, des nanofibrilles et des nouveaux produits générant chaleur et électricité. Le monde a déjà embrassé ce changement. D'importants efforts sont déployés et nous ne sommes pas les seuls. Toutefois, nous avons une bonne longueur d'avance dans certains domaines, comme celui de la cellulose nanocristalline, domaine dans lequel le Canada est un chef de file mondial. Les yeux sont braqués sur nous parce que nous serons les seuls capables de produire une tonne de cellulose nanocristalline par jour en 12 à 15 mois. Nous en sommes là en raison du processus d'innovation, d'investissements importants et de notre programme de recherche ciblée.
Tabler sur les marchés, pas nécessairement sur les technologies en général, est ce que j'appelle la « pyramide inversée ». C'est tout comme étudier l'industrie biopharmaceutique de façon générale. M. Morrow vous a fournit un exemple. Le CRIBE en Ontario se concentre sur la lignine parce que les analyses effectuées montrent que la lignine joue un rôle clé. À l'heure actuelle, nous sommes en train d'élaborer un programme de recherche pour tenter de commercialiser ce produit.
Le sénateur Mercer : Merci à nos témoins d'être venus ici ce matin et de nous avoir présenté d'excellents exposés. Vous ne pouvez pas faire de nous des experts en si peu de temps, mais ces derniers mois, nous en apprenons toujours plus.
Monsieur Hamel, à la page 4 de votre exposé, vous abordez la question de l'entrée tardive sur le marché et des raisons qui font que R-D n'est pas toujours convertie en innovation. Dites-nous pourquoi vous estimez qu'il s'agit d'un problème.
Monsieur Morrow, dans votre exposé, je n'ai pas entendu le mot « FedNor », organisme responsable du développement dans le Nord de l'Ontario, où se trouve la plupart de vos activités. J'ai malgré tout été fasciné par celle- ci. FedNor n'a-t-elle pas de rôle à jouer? L'organisation a-t-elle abdiqué son rôle dans ce domaine au profit de FPInnovations? Vers quoi nous dirigeons-nous?
Monsieur Isabelle, vous avez fait allusion aux recherches dans le domaine des pêches. Ce comité ne traite pas des pêches, mais je viens de la Nouvelle-Écosse et il y a beaucoup de Néo-Brunswickois autour de cette table, alors on s'en voudrait si on ne vous demandait pas de dire si, à votre avis, on devrait accorder davantage d'attention à ce sujet.
Pour terminer, j'aimerais connaître votre avis sur l'emploi, car voilà ce qui est important, à mon avis : employer les Canadiens et les Canadiennes. Parlons-nous de nouveaux emplois ou tentons-nous de sauver ceux qui existent déjà? Parlons-nous d'emplois dans le secteur de la recherche ou de postes d'exécution?
Il nous serait utile d'avoir des chiffres. Est-ce que la situation s'améliore ou empire? Le taux de chômage dépasse les 8 p. 100, ce qui signifie que la situation est grave dans certains endroits, surtout dans les régions rurales du Canada.
M. Hamel : Sénateur Mercer, merci de votre question. Il est important de répondre à votre question sur l'entrée tardive sur le marché. Je l'ai incluse dans l'exposé parce que c'est souvent la première chose que je dis aux gens de l'industrie traditionnelle. Au cours des 25 dernières années, chaque fois que nous avons tenté d'introduire une nouvelle technologie dans une usine, la première question qu'on nous a posée était la suivante : « Où a-t-on installé cette technologie et fonctionne-t-elle? On nous demande s'il y a un risque. Il faut comprendre qu'ici, il n'y a pas de second choix. Si vous voulez innover, vous devez être le premier à le faire; la célérité joue un rôle clé. Vous devez être le pionnier et assumer le risque. Prenons le iPad d'Apple. Pouvez-vous imaginer un autre dispositif identique lancé après coup? Connaîtrait-il le même succès? Non, le iPad a été lancé en premier et tout le monde l'imite.
M. Morrow : La plupart des projets soumis au CRIBE, surtout les projets de démonstration dans les usines, dépassent la portée du CRIBE. La construction d'une usine-pilote de 40 millions de dollars nécessite plus que la participation du CRIBE. Celui-ci fait pratiquement office de conduit dans le Nord de l'Ontario. Nous transigeons avec FedNor et la Société de gestion du Fonds du patrimoine du Nord de l'Ontario. Nombre d'intervenants participent à la construction de ces usines de démonstration.
Au chapitre de l'emploi, c'est une combinaison des trois. Par exemple, l'effectif de l'usine de Thunder Bay a chuté et est passé de 1 300 à 430. Donc oui, il s'agit dans une certaine mesure de conserver les emplois, mais la construction d'une usine supplémentaire permettra de créer 40 ou 50 emplois dans certains cas. Toutefois, il s'agit d'une combinaison des deux.
M. Isabelle : En ce qui concerne les pêches, nous avons lancé un processus de consultation semblable et nous travaillons aussi en étroite collaboration avec l'industrie pour déterminer quels sont les besoins dans ce cas-ci. Nous n'avons pas été aussi privilégiés que l'industrie forestière, qui profite du fait que FPInnovations et RNCan collaborent avec l'industrie pour mettre en place et faire progresser les initiatives de financement.
Toutefois, grâce aux consultations, nous avons réduit le nombre d'initiatives majeures et nous en avons financées deux. L'une porte sur le captage et l'enjeu clé ici, c'est la viabilité, soit faire en sorte que les stocks futurs soient viables pour que l'on puisse les exploiter, et cetera. L'autre initiative est semblable. Elle porte sur l'aquaculture multi- trophique, ce qui signifie que l'on cultive les poissons et les algues plutôt qu'une seule espèce de poisson. Les algues sont aussi utilisées et récoltées en plus des moules, par exemple. On utilise l'ensemble du système et on tente d'éviter de produire les déchets qui découlent de l'aquaculture traditionnelle. De plus, on essaie d'optimiser le système et d'en tirer une synergie.
Voilà ce que nous avons fait dans le secteur des pêches. Il y a aussi un certain nombre de projets à plus petite échelle.
Il est difficile de répondre à la question sur les emplois. Je peux vous donner les faits tels qu'ils sont. À l'heure actuelle, il s'agit bien sûr de conserver les emplois. Dans le secteur de la foresterie, de l'exploitation forestière et du soutien, en cinq ans, le nombre d'emplois a chuté et est passé de 61 000 environ à 39 000, selon Statistique Canada. Dans l'industrie papetière, nous sommes passés de 88 000 à 66 000 emplois. La chute n'est peut-être pas aussi marquée, mais il s'agit tout de même d'une réduction. Quant au secteur des produits du bois, le nombre d'emplois est passé de 135 000 à 89 000 en cinq ans. À l'heure actuelle, il s'agit de préserver les emplois, mais à l'avenir, il faudrait faire plus que cela.
Dans le domaine de la diversification des produits, il faudra au bout du compte décider où l'industrie forestière commence et où elle finit, et où les autres marchés commencent et finissent. Ces facteurs ont une incidence l'un sur l'autre. Nous espérons qu'on créera des emplois de qualité, mais seront-ils considérés comme des emplois en foresterie? Ils pourraient relever d'autres secteurs, en d'autres mots.
Dans nombre de projets, plusieurs nouvelles petites et moyennes entreprises assument un rôle de plus en plus important. Voilà pourquoi j'ai attiré l'attention sur cet aspect dans notre exposé général sur l'innovation. Nous tentons d'établir des liens avec ces entreprises parce qu'il y a beaucoup de possibilités de croissance dans ce domaine. On verra peut-être la naissance de nouvelles compagnies. Certaines des entreprises forestières actuelles et non traditionnelles assumeront peut-être un nouveau rôle dans des secteurs qui deviendront intéressants. Et, bien sûr, les compagnies forestières traditionnelles changeront aussi, exerceront des activités dans des nouveaux domaines et élargiront leur portée.
Comme je n'ai pas de boule de cristal, je ne peux pas vous le dire, mais il y a énormément de possibilités, et la R-D est essentielle. D'après les statistiques sur la R-D, le pourcentage investi est très faible pour tout le secteur des ressources, pas seulement pour l'industrie forestière, mais également pour l'industrie minière, pétrolière, gazière et ainsi de suite. Nous savons tous pourquoi c'est le cas. Les facteurs économiques qui influent sur le secteur des ressources sont tout à fait différents de ceux qui touchent une société de technologies de l'information et des communications. Nous comprenons qu'il y ait un grand écart sur le plan des investissements et de la R-D. Toutefois, il y a très peu d'investissements dans ce secteur, compte tenu tout particulièrement du climat actuel, et il faut que cela change.
Le sénateur Mercer : Monsieur le président, M. Isabelle nous a indiqué qu'il serait peut-être bon de calculer le nombre d'emplois futurs dans cette industrie quand nous aurons l'autorisation de présenter notre rapport. La production de cellulose qui entre dans la fabrication du tableau de bord d'une voiture n'est pas prise en compte lorsqu'on calcule le nombre d'emplois dans le secteur de l'automobile. Nous devrions peut-être nous pencher sur cet aspect parce qu'il faut pouvoir mesurer fidèlement ce qui se passe dans l'industrie forestière.
M. Hamel : La diapositive 9 de notre document décrit les résultats du cheminement des biomatériaux. Nous analysons les technologies non seulement en fonction du rendement économique éventuel, mais aussi en fonction des répercussions sur l'emploi et sur la société.
Dans l'exemple présenté dans la diapositive 9, il y a deux courbes. Les colonnes représentent les emplois générés par ces technologies et la ligne rouge représente le rendement sur le capital. Comme vous le voyez, nous devons analyser ces technologies afin de prévoir leurs répercussions maximales sur l'emploi. Voilà ce que ce genre d'analyses nous permet de faire.
M. Browne travaille lui aussi sur le cheminement des biomatériaux afin d'étendre ces études aux biomatériaux. Au cours des prochains mois, nous travaillerons sur certains aspects comme celui que vous avez mentionné relativement à l'utilisation de la cellulose dans la fabrication des tableaux de bord.
Nous répondrons à ces questions grâce à une véritable analyse approfondie de chaque technologie.
M. Mangin : M. Isabelle et le sénateur Mercer ont parfaitement raison. Ce qui importe en ce moment, c'est de préserver les emplois. Il suffit de songer à l'effondrement du marché du papier journal, par exemple; si on veut bien mettre en place les installations, on peut utiliser toute cette pâte mécanique.
Vous avez tout à fait raison de signaler que ces emplois ne sont pas créés directement dans le secteur forestier, mais bien dans des industries connexes. L'invention du polyester a entraîné la création d'une nouvelle industrie et la même chose pourrait arriver dans le cas de la cellulose nanocristalline.
La production de cellulose nanocristalline engendrera très peu d'emplois — comme en témoigne le tableau cité par M. Hamel —, mais l'industrie, elle, prendra de l'essor. Le nombre d'emplois créés sera multiplié, mais c'est un processus qui comporte des étapes.
Pendant la première étape, un petit nombre d'emplois seront créés après la perte d'emplois dans l'industrie forestière et les usines de papier journal. Ces emplois seront consacrés à la fabrication des nouveaux produits et, j'espère, au renforcement de la recherche. Comme je l'ai déjà dit, le cheminement est capital et aboutira à la création d'une nouvelle industrie, comme on l'a vu dans le cas du polyester. Il faut songer à différents moments de l'évolution : après 3 ans, 5 ans, puis 10 ans. C'est bel et bien l'avenir.
Le sénateur Plett : Permettez-moi d'énoncer quelques commentaires avant de poser une ou deux questions. Je vais poser toutes mes questions en rafale, comme l'a fait le sénateur Mercer, et vous pourrez ensuite répondre. La Bibliothèque du Parlement fait d'excellentes recherches et j'aimerais vous lire un extrait de son document portant sur la R-D :
Entre 2000 et 2005, les dépenses en R-D dans l'industrie manufacturière canadienne en termes de pourcentage par rapport au PIB du secteur ont fluctué autour de 4,5 p. 100.
Dans l'industrie des pâtes et papiers, le pourcentage a fluctué autour d'une moyenne de 3,3 p. 100 au cours de la même période. Dans le secteur des produits du bois et des articles en bois, ce pourcentage se situe autour de 0,47 p. 100.
On peut donc constater que, de façon générale, l'industrie forestière canadienne ne semble pas déployer les mêmes efforts en R-D que le secteur manufacturier.
La même étude de la Bibliothèque du Parlement énonce également ce qui suit :
Au Canada, pour 2009, les investissements en capital de risque et en capitaux propres privés (pour tous les secteurs de l'économie) exprimés en pourcentage du PIB étaient de 0,3 p. 100.
M. Isabelle a indiqué que le CRSNG optimise la valeur des investissements du gouvernement du Canada dans la recherche par la promotion de l'innovation fondée sur la recherche, des partenariats universités-industrie et — c'est l'aspect capital — la formation de gens ayant les connaissances scientifiques et les compétences en affaires nécessaires pour créer de la richesse à partir des découvertes en sciences et en génie.
Voici mes questions. Premièrement, comment peut-on faciliter l'accès au capital de risque et au marché des souscriptions privées dans le secteur forestier au lieu de demander des fonds au gouvernement? On nous a dit que les entreprises privées sont réticentes à prendre des risques. Or, de nombreuses entreprises prennent beaucoup de risques; les agriculteurs, par exemple, dépensent tout leur argent au début de la saison dans l'espoir qu'à la fin de l'année, ils pourront récolter les profits.
Les entreprise d'aménagement des terres — et j'ai moi-même oeuvré un peu dans ce domaine — consacrent tous leurs fonds à mettre en valeur des terrains, dans l'espoir que les taux d'intérêt ne les acculeront pas à la faillite avant qu'ils puissent vendre certains des terrains qu'ils ont acquis. En fait, dans bien des secteurs, des entreprises privées prennent beaucoup de risques.
Que faudra-il faire pour accroître l'injection de capital de risque et de souscriptions privées dans l'industrie forestière?
Par ailleurs, le CRSNG reçoit un milliard de dollars par année du gouvernement du Canada, et c'est à mon avis de l'argent bien dépensé. Toutefois, on nous demande encore plus de fonds pour subventionner la R-D et la formation des jeunes.
Comment pourrait-on accroître les investissements privés et combien d'argent faudrait-il?
M. Mangin : Je veux parler des risques, parce que nous les avons analysés très rapidement et mon collègue a abordé le sujet.
Ce qui distingue l'industrie forestière des autres industries, c'est qu'il s'agit d'un secteur à forte intensité de capital. Voilà le premier facteur. Dans le cas des nouvelles technologies, prenons la mise sur pied d'une nouvelle usine de démonstration qui produirait une tonne de cellulose nanocristalline par jour; l'usine coûterait 40 millions de dollars. En ce moment, en raison de la crise économique que nous traversons, l'industrie est en période de transition et elle ne peut pas se permettre de prendre ce risque.
Les entreprises ne demandent pas de l'argent au gouvernement; elles veulent seulement des garanties qui leur permettraient de contracter des emprunts auprès des banques. Voilà le principal facteur. Je pense que M. Lazar, de l'Association des produits forestiers du Canada, a fait valoir le même point. Étant donné la période que nous traversons en ce moment, on a besoin d'un peu d'aide pour partager le risque. Voilà le premier facteur.
Vous avez donné des statistiques sur les pâtes et papiers; j'aimerais bien que la proportion soit de 3,3 p. 100, mais ce n'est pas le cas. Les statistiques que vous avez mentionnées englobent ce qui se fait dans les usines, ce qui n'est pas vraiment de la recherche. La véritable valeur des sommes consacrées aux recherches est bien moins que 3,3 p. 100; elle est même inférieure à 1 p. 100, et se situe à 0,55 p. 100. La situation est dramatique.
Voilà pourquoi la période de transition pourrait s'étendre sur cinq ans. C'est aussi pour cette raison que j'ai fait la mise en garde relativement à FPInnovations. Je ne suis pas du tout inquiet quant à l'avenir de FPInnovations, mais si pendant cette période de transition on perd des compétences parce qu'il faut réduire ses activités, cela fait partie du risque dont on parle.
Dans la dernière partie de votre question, vous vouliez savoir comment obtenir les investissements nécessaires pour passer de projets pilotes à des usines opérationnelles. Il ne s'agit pas d'acheter 300 millions ou un milliard d'usines, mais bien de s'assurer qu'elles sont construites au Canada pour éviter que les ressources soient exportées vers les États- Unis et transformées là-bas. Ensuite, nous pourrons créer les emplois et la valeur.
Cela fait partie d'une loi sur la façon dont nous obligeons, plus ou moins, que la conversion de la biomasse se fasse au Canada. C'est un élément clé. Par la suite, l'investissement provient du Sud et d'autres éléments peuvent provenir du Brésil afin d'être convertis en biomasse.
M. Isabelle : Pour ce qui est de la question de savoir combien d'argent suffira, je ne pense pas qu'il y ait de réponse facile.
Il faut examiner les avantages : vous avez 12 000 professeurs et vous voulez les occuper à bon escient. Il y a 28 000 étudiants.
Il y a environ cinq ans, nous nous sommes posé la question suivante : qu'est-ce qui serait considéré comme étant suffisant? Nous avons examiné la question d'un point de vue différent, et nous avons déterminé que nous devrions profiter de cette capacité dans les universités. Est-elle sous-utilisée? Si nous tentions de faire une estimation de la capacité d'absorber davantage de financement et de dépenser ces fonds à bon escient, quels seraient les chiffres? Nous avons déterminé que nous pourrions doubler le budget.
Je ne veux pas mettre l'accent là-dessus aujourd'hui. Vous avez tout à fait raison au sujet de l'investissement de l'entreprise en matière de R-D. Lorsqu'on compare le Canada à l'échelle mondiale, les investissements dans les établissements postsecondaires, en éducation supérieure et en R-D se situent à un bon niveau; en fait, le Canada se compare assez bien au reste du monde. C'est du point de vue des affaires que nous ne faisons pas aussi bonne figure.
Je pense que la priorité absolue à l'heure actuelle consiste à déterminer comment on peut accroître ce pourcentage et comment en maximiser les avantages. Honnêtement, il s'agit d'une question de transfert de connaissances. Nous disposons d'établissements de renommée mondiale qui génèrent toutes sortes d'idées. Par contre, nous ne disposons pas nécessairement d'une synergie aussi dynamique qu'elle devrait l'être dans l'ensemble du système pour faire en sorte que ces avantages soient réalisés du point de vue des affaires. Voilà la faiblesse du système canadien.
M. Hamel : Cela comprend deux volets : les ressources humaines et les investissements. M. Browne vous a donné de nombreux exemples de nouveaux investissements considérables. AV Nackawic a investi plus de 100 millions de dollars pour transformer l'usine afin de produire de la pâte pour transformation chimique et de produire de la rayonne, qui est très utile pour la fabrication de chemises et qui est une fibre très appréciée en Asie. Fortress Paper investira des centaines de millions de dollars dans ce produit.
Toutefois, les éléments clés sont les produits et les clients. Vous investissez des centaines de millions de dollars dans une usine comme celle de Thurso, par exemple, parce que vous savez que vous pourrez vendre ces produits. Fortress Paper a annoncé cette semaine qu'elle a signé un contrat d'envergure avec des clients prêts à acheter ses produits.
Domtar a investi dans une usine de démonstration; il ne s'agit même pas d'un plan d'affaires. C'est pour la production d'une tonne de cellulose nanocristalline par jour en 18 mois. La société investit 20 millions de dollars de ses propres poches sur les 40 millions de dollars. C'est un risque élevé qu'assume une entreprise comme celle-là pour la mise sur pied d'une usine de démonstration.
Mais cette entreprise le fait parce qu'elle a de nouveaux produits. Nous avons recensé les clients. En raison du processus innovateur que nous avons adopté, dès le début dans les travaux de recherche, nous avons mis en avant-plan la rétroaction des ingénieurs et des clients afin de réduire le coût et d'adapter le produit à ces besoins.
En français, on appelle cela du « capital de risque ». Cette expression contient le mot « risque ». Lorsqu'on discute avec les investisseurs, on se rend compte que le risque est probablement l'élément auquel ils sont le plus réfractaires. Ils investissent d'importantes sommes d'argent uniquement parce qu'ils sont des hommes d'affaires; ils investiront de l'argent dans des secteurs qu'ils croient être vraiment solides et où il existe un besoin de la part des clients auquel il faut répondre. Leur approche est tout à fait logique. Il y aura de véritables avantages au bout du compte et ils sont en meilleure position que la concurrence.
Voilà les facteurs dont il faut tenir compte dans le cadre des recherches. Nous avons recours à l'analyse de type « Projet de la voie biotechnologique » pour cibler ces technologies. Nous devons cerner les idées des chercheurs et faire un tri. Croyez-moi, les chercheurs ont de nombreuses idées. Je vois que M. Isabelle sourit. Il existe toutes sortes d'idées. Il est bien d'avoir des idées, mais il faut être en mesure de les orienter.
C'est pourquoi nous devons avoir cette perspective différente afin d'être en mesure de cibler les meilleures technologies pour le Canada. Nous devons bâtir la clientèle et les marchés en plus de faire les recherches nécessaires pour accéder à ces marchés. À ce moment-là, lorsqu'il s'agit d'investir — c'est-à-dire lorsque vous avez des propositions bien fondées et valides —, les investisseurs mettront l'argent sur la table.
[Français]
Le sénateur Eaton : Merci, messieurs. Tout cela est très intéressant et j'ai beaucoup de questions.
[Traduction]
Des témoins de l'industrie de l'acier et du béton sont venus nous parler du type de recherche qu'ils effectuent tous les ans. Ils vont dans les universités et enseignent aux étudiants en architecture de nouvelles façons d'utiliser le béton et l'acier.
L'industrie forestière n'a jamais entrepris de telles initiatives. Estimez-vous, qu'après le terrible ralentissement du secteur forestier, qu'ils ont appris leur leçon et qu'ils entreprendront des recherches continues, ou bien pensez-vous que vous allez les aider maintenant et qu'ils vont reprendre leurs bonnes vieilles habitudes? Estimez-vous qu'il y a un véritable changement d'attitude dans le secteur forestier relativement à la recherche?
[Français]
M. Mangin : J'ai 37 ans d'expérience dans l'industrie papetière essentiellement, forestière et de l'impression, et jusqu'à présent, je dirais que l'industrie a été très mauvaise à faire ce genre de choses, si on compare à d'autres industries. Pourquoi elles vont le faire aujourd'hui? Simplement parce qu'elles n'ont plus le choix. Elles sont forcées actuellement de le faire. Donc, on voit ce changement. On a eu quelques exemples, mais on est encore loin, je dirais, de la coupe aux lèvres et je suis l'optimiste de service, d'une manière générale, mais aussi très réaliste.
J'ai parlé de changer complètement le modèle d'affaires de l'industrie. Ce ne sera plus la même industrie. Si cela reste la même industrie, j'aurais tendance à être plutôt négatif en disant que je ne pense pas qu'il y aura de grands changements. Par contre, à cause des nouvelles technologies, il y aura de nouvelles personnes dans l'industrie, des gens qui vont forcer ce genre de choses.
Actuellement, au niveau recherche, au niveau doctorant et post-doctorant, c'est bizarrement à ces niveaux qu'on reçoit le plus de demandes des jeunes. Par contre, évidemment, il devient très difficile d'entrer comme technicien parce qu'on a une image terrible de ce qu'est l'industrie forestière. C'est donc sur cela que je base ma réponse, d'abord sur le fait que de plus en plus de gens, au niveau du doctorat, y viennent, et le fait qu'il y aura énormément de PME qui vont s'associer à cette transformation de la biomasse. Ces gens n'ont donc pas d'autres choix que d'avoir ce dynamisme d'une entreprise qui doit aussi augmenter ses marges.
Il faut aussi se rappeler que le dollar canadien étant plus faible que le dollar américain, on ne peut donc pas baser une industrie simplement sur un phénomène d'échange. Cela aussi est en train de changer.
Donc oui, l'industrie va le faire, mais je ne pense pas qu'elle le fasse dans les trois prochaines années. Il faut attendre les nouveaux joueurs.
[Traduction]
M. Morrow : Il faut reconnaître que la poussière est en train de se poser. Ma propre usine a affiché un chiffre d'affaires négatif de 100 millions de dollars en 10 mois; mes ventes brutes sont passées de 250 à 150 millions de dollars. Les choses commencent à se tasser.
Je pense que grâce à FPInnovations, il y a eu et il y a toujours d'énormes efforts de recherche dans l'industrie.
Le sénateur Eaton : Je ne parle pas des gens de FPInnovations. Ils sont merveilleux et brillants.
M. Morrow : Et ils sont soutenus par l'industrie.
Le sénateur Eaton : Oui. Toutefois, j'essaie de savoir si vous estimez que les propriétaires de terres à bois et d'usines de pâtes continueront de s'intéresser à la recherche ou bien s'ils délaisseront la recherche après avoir commencé à fabriquer quelque chose de nouveau pour ensuite revenir à leurs vieilles habitudes?
M. Mangin a dit qu'il ferait peut-être un effort supplémentaire, parce qu'il y aura un nouveau type de personne dans les usines — les gens seront peut-être davantage axés sur les sciences ou l'ingénierie.
M. Morrow : Vous avez raison. Je pense que c'est ce qu'on peut constater dans les écoles de foresterie à l'heure actuelle. Les programmes d'études de premier cycle dans les écoles de foresterie éprouvent des difficultés, mais les programmes de doctorat et postdoctoraux sont effervescents. Il y a un changement subtil qui se produit à l'heure actuelle.
Le sénateur Eaton : Est-ce en raison de l'intérêt à l'égard des nouveaux produits?
M. Morrow : Je pense que c'est parce que les postes opérationnels chez Domtar ou Bowater n'existent plus et qu'ils reconnaissent que les emplois dans le secteur forestier se font rares. Les fonctions d'exécution, comme le poste que j'occupais, sont en voie de disparition. Il y a plutôt des postes — et c'est vers ces postes que se dirigent les jeunes — pour les détenteurs de maîtrise et de doctorat. Et c'est ainsi pour presque toutes les écoles de foresterie de nos jours.
M. Hamel : Il y a deux aspects à la situation. Nous avons été une industrie de type comité. Le volet des produits de base était assez mûr relativement aux réductions de coûts. Prenez par exemple Paprican, la division de FPInnovations qui fabriquait de la pâte et du papier. Même au sein de l'organisation, nous étions subdivisés dans divers types de processus de recherche. Nous réduisions et nous essayions de réduire les coûts. À la blague, je dis que lorsque l'on creuse pour réduire les coûts à zéro, à ce moment-là, on commence à creuser sa propre tombe et c'est la fin. Il y a une limite à la réduction des coûts.
Par ailleurs, le marché a disparu. Le besoin en matière de recherche n'est pas aussi urgent que lorsque le marché est en effervescence et qu'il est facile de faire des affaires. Il faut effectuer beaucoup de recherche relativement à ces nouvelles fibres et à ces nouveaux produits pour établir de nouveaux marchés si l'on veut être les premiers à avoir le pied dans la porte.
Domtar vient tout juste d'investir 1,5 million de dollars supplémentaires en recherche chez FPInnovations relativement à certains marchés pour la cellulose nanocristalline. Il s'agit d'un véritable transfert d'argent et non pas d'un transfert en nature. On s'entend pour dire qu'il faut faire ce genre de recherches. Les gens ont une aversion à investir dans la recherche, mais ils sont plus enclins à investir dans le processus d'innovation.
Il faut faire de la sensibilisation dans le domaine des matériaux de construction. Actuellement, si vous voulez construire un nouveau bâtiment comme celui de Vancouver pour les Olympiques, il manque une partie de la chaîne d'approvisionnement des matériaux de construction. C'est la question de la poule et de l'oeuf. Il nous faut les architectes, les ingénieurs civils, les ébénistes et les charpentiers pour construire ce genre de structure haute technologie.
Le sénateur Eaton : Je voudrais justement vous parler de ce scénario, ainsi que de la formation de grappes et des marchés étrangers.
Monsieur Isabelle, vous avez parlé du code du bâtiment. Or, des représentants du code du bâtiment ont comparu devant le comité. Ils nous ont dit qu'ils ne font pas de recherche par anticipation. Ils attendent que des gens aient élaboré de nouveaux produits et leur demandent la permission de construire un immeuble d'appartements de huit étages. Le fait que le code du bâtiment ne soit pas à jour nuit à l'innovation.
Pensez-vous qu'il s'agit là d'une bonne description de la situation, ou pensez-vous que les gens du code du bâtiment vont commencer à être plus novateurs, tout comme ceux chez FPIInnovations, qui font de la recherche et la propose au marché eux-mêmes?
M. Isabelle : Sans être expert en code du bâtiment, je peux vous dire que mes contacts me disent la même chose. Justement, l'autre jour, un représentant de Tolko Industries se plaignait du fait qu'il y avait un manque d'ingénieurs des structures diplômés des programmes de génie civil des universités canadiennes. Il y a un manque d'ingénieurs des structures qui puissent approuver les structures de bois.
Vous avez peut-être raison; les secteurs du béton et de l'acier ont beaucoup plus d'influence sur les universités et ils ont réussi à mettre les programmes d'études en ingénierie de leur côté. En fait, ils tirent la couverture de leur côté et maintenant, il faut essayer de la tirer un peu plus vers l'autre côté. Vous avez raison, mes contacts connaissent ce genre de problème.
On reconnaît maintenant que les choses doivent changer. Le code du bâtiment doit être beaucoup plus novateur et la création d'un réseau comme celui-ci pourra aider. Les professeurs et les étudiants qui collaborent avec les secteurs industriels vont donner un élan qui va susciter le changement. Bien entendu, il est dommage que cela ne se soit pas produit avant.
Le sénateur Eaton : En effet. Des universitaires de la Colombie-Britannique, de Toronto, d'Edmonton et de Laval nous disent la même chose. Il y a peu de cours offerts aux ingénieurs et aux architectes sur l'utilisation du bois, ce qui nous ramène une fois de plus au syndrome de la poule et de l'oeuf, n'est-ce pas?
M. Isabelle : Il y a également l'aspect international. Nous savons que d'autres pays sont plus avancés que nous dans cette technologie. Franchement, il faudrait aligner nos efforts au lieu de réinventer la roue dans chaque pays; nous devrions apprendre des expériences des autres et adapter les codes du bâtiment en fonction de l'information recueillie. Nous devons nous appuyer les uns les autres pour faire progresser le code du bâtiment.
Je crois comprendre que c'est justement ce qu'on essaie de faire à l'heure actuelle, mais j'imagine que le Canada est en ce moment en mode rattrapage et non pas en mode leadership.
[Français]
Le sénateur Rivard : Je voudrais revenir sur la présentation de M. Isabelle où il parle de production de biocarburants à partir de bois ravagé par des insectes. Dans l'Ouest, il y a eu le problème du dendroctone du pin pondérosa. On évalue la superficie des ravages à 13 millions d'hectares de pins, soit l'équivalent du Danemark et du Portugal. Cela donne une idée à quel point l'atteinte est immense. Cette valorisation est-elle rentable ou doit-elle être subventionnée, parce qu'il y aurait un avantage pour le Canada de s'en débarrasser avec une aide pour l'envoyer sur le marché étranger? Ma question est la suivante : est-ce que c'est rentable ou cela devrait-il être subventionné?
M. Isabelle : Je ne suis pas expert en économie. Peut-être que mes collègues de FPInnovations seraient en mesure de répondre plus précisément. Ce qui a déjà été présenté, si on regarde seulement le produit simple de l'éthanol, par exemple, c'est un problème, mais si on regarde la panoplie de produits potentiels, là, c'est peut-être rentable. C'est vraiment là où il faut travailler fort afin d'exploiter toutes les possibilités.
Évidemment, au plan de la recherche, les gens doivent se concentrer sur leur petit coin en particulier afin d'être capables de faire les percées nécessaires pour avancer comme, dans le cas ici, du développement de l'éthanol. En même temps, il faut travailler les autres aspects des autres produits pour optimiser la rentabilité.
M. Browne : Si vous retournez à la diapositive 18, vous voyez que 70 p. 100 du pétrole est transformé en combustible, en carburant, et cela ne génère que 43 p. 100 de bénéfices. Comme le disait M. Isabelle, ce n'est pas assez d'avoir le carburant, il faut avoir d'autres produits, le 4 p. 100, pour générer des valeurs additionnelles.
Le sénateur Rivard : Ce sera le même raisonnement pour le problème qu'on a vécu dans l'Ouest. L'Est, le Québec, le nord de l'Ontario et une partie du Nouveau-Brunswick sont touchés périodiquement par la tordeuse de l'épinette, mais pas constamment comme dans l'Ouest. Ce serait le même raisonnement?
M. Browne : Effectivement, le bois est distribué et le pétrole vient d'un puits. Le coût de la récolte est une composante énorme dans le coût de production d'un litre d'éthanol ou de diesel synthétique.
Le sénateur Rivard : Au cours des derniers mois, plusieurs témoins sont venus nous parler de la valorisation de la biomasse forestière, spécifiquement par la transformation en granule de bois pour fins de chauffage industriel ou urbain. Je ne vous cacherai pas qu'au début ce sont les promoteurs qui venaient nous voir, et ils étaient très enthousiastes. Au fur et à mesure qu'on recevait d'autres personnes, on nous démontrait d'autres aspects moins positifs. Je pense, entre autres, à la présentation de quelqu'un de Green Peace, qui a manqué de faire un infarctus au point d'avoir à déchirer sa chemise. Alors quel chemin prendre? Croyez-vous que la valorisation de la biomasse en faisant des granules de bois pour le chauffage soit une bonne chose pour l'économie et l'environnement ou s'il serait préférable de laisser le sol se régénérer?
M. Mangin : Récemment, j'ai fait une étude sur la question des granules pour la région d'Ottawa. Il y a deux aspects à considérer : fait-on des granules directement à partir de bois rond ou à partir de résidu forestier? Si on le fait à partir de bois rond, on peut se poser des questions dont où a lieu la récolte ou autres et déterminer si cela vaut la peine de le faire ou non. Pour ce qui est des résidus forestiers, on sait que dans nos régions, on peut prendre une partie des résidus — et là encore, où se trouveront-ils, sur le bord du chemin ou directement dans le bois? Donc les coûts après de la récolte s'équilibreront-ils ou pas. Green Peace n'a pas d'attaque cardiaque à faire avec ce genre de choses. Les sols se maintiennent si on n'exploite pas l'ensemble.
Dernier point relié au marché : pour l'instant, les gens qui ont démarré dans les granules font des affaires, il n'y a pas de doutes. Il y a beaucoup d'exportations vers l'Europe. On peut prendre deux pays comme exemple, la Suède et l'Allemagne. Cela reste rentable pour l'instant à cause des crédits de carbone qu'ils ont là-bas.
C'est un peu comme la parité entre le dollar américain et le dollar canadien. C'est assez délicat d'un point de vue économique, encore aujourd'hui. C'est une question de prudence plus qu'autre chose. Par contre, cela peut être des solutions pour accompagner des scieries. Le rapport de Biopathway CIBC envisageait aussi ce genre de choses pour être complémentaire, mais il faut les marchés.
Il y a un exemple en Mauricie aussi où quelqu'un s'est lancé dans cette aventure sans avoir regardé les marchés avant et se retrouve avec pas grand-chose. Alors qu'on a 630 000 tonnes annuelles disponibles de résidus forestiers et non pas de bois.
M. Browne : Pour ajouter aux commentaires de M. Mangin; on en revient aux côtés économiques. Les granules font compétition à l'huile de chauffage ou au charbon. Sans support, il est très difficile de voir une proposition économique au Canada de vendre des granules pour les particuliers ou l'industrie. C'est rentable de les vendre en Europe à cause des prix du carbone pour l'électricité faite à partir de charbon, qui rajoute une prime énorme. Cela revient au côté économique. Ce n'est pas vraiment très rentable en ce moment au Canada.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Je remercie les témoins d'avoir comparu. C'était très intéressant.
Pour qu'une entreprise puisse prospérer, encore faut-il qu'il y ait une demande pour ses produits. Où se situera la demande dans les 20 à 30 prochaines années? En Inde? L'Inde aura-elle besoin de nouvelles maisons? Seront-elles construites en bois? Et qu'en est-il de la Chine? L'Inde a une population de 1,1 milliard d'habitants. En 2020, il y aura 300 millions de personnes de plus. Cela fait beaucoup de gens.
La famille Gates aux États-Unis donne un milliard de dollars par année aux pauvres en Inde. Sommes-nous prêts à transformer notre bois en maisons qui pourraient être envoyées à ces pauvres? Est-ce là notre vision de l'avenir? La Chine reconnaît maintenant que les maisons construites en bois sont beaucoup plus sûres lorsque la catastrophe les frappe. Prenez par exemple les tremblements de terre. Les maisons en bois sont beaucoup plus stables et ne s'effondrent pas, contrairement aux maisons faites en argile.
Étudions-nous la demande pour le bois pour les 20 à 30 prochaines années?
M. Browne : Je ne peux pas parler au sujet des matériaux de construction, mais les deux usines d'AV Group au Nouveau-Brunswick vendent leurs produits sur le marché de la rayonne. Les responsables m'ont expliqué qu'il y a un milliard d'Indiens et deux milliards de Chinois. Il y a cinq ans, ils pouvaient se permettre une chemise chacun, et maintenant, ils peuvent s'en payer deux. Dans quelques années, ils pourront s'en payer trois. Il s'agit d'un énorme marché de la rayonne faite à partir de produits ligneux, et ces marchés sont en Inde et en Chine.
Le sénateur Mahovlich : Ces personnes peuvent-elles se payer une maison?
M. Browne : Je pense que si on peut se permettre davantage de chemises, on peut également se permettre une maison améliorée.
[Français]
M. Mangin : Nous avions hier une discussion, dans un autre cadre, avec M. Jean Hamel au sujet du niveau de vie moyen en Inde. Les gens de classe moyenne qui sont capables aujourd'hui de se payer une maison, une voiture et un repas au restaurant par semaine représentent la population de l'Europe; donc on parle de 350 millions de personnes. Cela va aller en augmentant.
La réponse est oui, ils vont progressivement pouvoir se le permettre et c'est probablement un marché très intéressant à regarder et à développer pour le Canada.
Le sénateur Fernand Robichaud (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Merci, monsieur Mangin. Il nous reste encore quelques minutes et j'aurais une question. On a parlé de l'entreprise. J'ai entendu dire que la recherche et l'innovation semblent être dirigées ou être utilisées par les grandes compagnies.
Comment les petites et moyennes entreprises peuvent-elles embarquer dans cette nouvelle direction dans la foresterie?
[Traduction]
M. Morrow : J'ai une observation à faire. C'est exactement ce que le CRIBE a conclu dans son court mandat d'un an. Les propriétaires de petites et moyennes entreprises ne nous demandent pas de financement. Nous sommes en train de recentrer nos efforts afin de nous réorienter sur les PME. Ce n'est qu'une observation. C'est ce que nous constatons à Thunder Bay. Les petits entrepreneurs ne se présentent pas chez nous.
Le vice-président : Vous dites que vous devez réorienter vos efforts. Comment allez-vous vous y prendre?
M. Morrow : C'est ce sur quoi je travaille actuellement : à faire davantage de rayonnement et de visites sur le terrain. Je donne suite à chaque débouché. La crise a tout simplement décimé les petits entrepreneurs. Nous devons les aider à les remettre sur pied.
[Français]
M. Mangin : Les grandes compagnies, les papetières, les forestières actuelles vont créer des produits intermédiaires qui vont donner la possibilité aux PME de démarrer. Pour reprendre l'exemple de la nanocellulose cristalline et faire le parallèle avec le polyester, si on a l'accessibilité de la nanocellulose cristalline, on peut faire des produits avec. Prenons le cas des panneaux dans l'industrie automobile ou d'autres parties. Nous avons des clients au CIPP, qui sont des PME, qui travaillent dans ce sens. Je pense qu'on en verra de plus en plus, mais il faut d'abord l'étape de créer ces produits, que j'appelle produits intermédiaires pour que les PME arrivent.
M. Isabelle : Effectivement, c'est un très bon commentaire. Qu'est-ce qu'on fait avec les petites et moyennes entreprises? Le CSRNG a ciblé ses efforts récents précisément sur ce groupe dans le but d'augmenter les collaborations universitaires. Notre mandat est d'appuyer les universités et les collèges en particulier avec un nouveau programme pour essayer de démarrer la première collaboration. Il y a beaucoup de succès avec les petites compagnies, mais ce n'est qu'un début. Il faut vraiment continuer. Après ces petites collaborations, il faut essayer de continuer avec des projets à plus long terme et de plus grande envergure. En particulier, on a des programmes qui aideront les petites compagnies à engager du personnel de niveau du doctorat qui paient une partie du salaire de cette nouvelle personne au sein de la compagnie. Cela permet d'aller davantage vers le futur avec la recherche et le développement. Effectivement, c'est très important d'essayer de les faire venir en même temps dans ces questions.
Le vice-président : Un dernier commentaire.
M. Browne : Je connais plusieurs petites compagnies, qui ont été cherchées du capital de risque pour les aider à grandir et en 2009, le capital de risque a disparu et plusieurs de ces petites compagnies sont maintenant en attente pour obtenir du capital de risque.
Le vice-président : Je vous remercie de nous avoir fait don de votre temps et d'être venus nous parler. Quelqu'un a dit que vous n'avez pas fait de nous des experts dans le court temps que vous aviez pour transmettre vos présentations, mais nous allons certainement tenir compte de toute l'information que vous nous avez communiquée lorsque nous allons rédiger notre rapport. Messieurs, je vous remercie.
(La séance est levée.)