Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 9 - Témoignages du 21 octobre 2010
OTTAWA, le jeudi 21 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 4 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
L'honorable Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte.
[Traduction]
Ce matin, je souhaite à nos témoins la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Mon nom est Percy Mockler. Je suis le président du comité et un sénateur du Nouveau-Brunswick.
[Français]
Ce matin, nous avons l'honneur et le plaisir d'accueillir les témoins de trois différents groupes. Premièrement, de ArboraNano Inc., M. Ron Crotogino, président et chef de la direction; deuxièmement, de Athena Sustainable Materials Institute, le président, M. Wayne Trusty.
[Traduction]
Avant de présenter officiellement les autres témoins, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier, monsieur Innes, de votre grande hospitalité à l'Université de la Colombie-Britannique. Ainsi, nous avons avec nous M. John Innes, doyen de la Faculté de foresterie de l'Université de la Colombie-Britannique.
Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada, notamment sur les efforts de recherche et de développement ainsi que d'innovation.
Avant de demander aux témoins de faire leurs exposés, j'aimerais demander aux honorables sénateurs de se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn : Joyce Fairbairn, de l'Alberta.
Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de l'Ontario.
Le sénateur Braley : David Braley, de l'Ontario.
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Runciman : Bob Runciman, de l'Ontario.
Le sénateur Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le président : Avant de demander aux témoins de faire leurs exposés, j'aimerais commencer en demandant aux sénateurs d'adopter une motion sur le fait que nos témoins ont remis au greffier des exemplaires de leurs exposés dans une des langues officielles.
Les honorables sénateurs acceptent-ils que les documents soient distribués maintenant et que la traduction soit envoyée lorsqu'elle sera disponible? Êtes-vous d'accord?
Les honorables sénateurs : Oui.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, ces documents ont-ils été reçus à l'avance ou seulement ce matin?
Le président : Non, hier soir.
Le sénateur Robichaud : On n'a pas eu le temps de faire traduire les documents, donc j'accepte.
Le président : Merci, sénateur Robichaud.
[Traduction]
Messieurs, je vous remercie encore d'avoir accepté notre invitation. Je vous invite maintenant à faire vos exposés.
Ron Crotogino, président et chef de la direction, ArboraNano Inc. : Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant ce comité. J'ai préparé un document, qui fait le tour de la table, d'après ce que je peux voir. Comme vous le verrez, il est un peu trop long pour le temps dont nous disposons. Par conséquent, dans mon exposé, je vais parcourir une partie du contenu assez rapidement.
Je représente ArboraNano, un Réseau de centres d'excellence dirigé par l'entreprise. Il s'agit d'un nouveau programme établi il y a environ deux ans. Notre mission est d'encourager la collaboration entre les industries pour promouvoir l'utilisation de nouveaux nanomatériaux forestiers dans la fabrication d'une vaste gamme de produits de grande valeur. Notre objectif est d'aider l'industrie des produits forestiers canadiens et d'autres secteurs manufacturiers à tirer une plus grande valeur des ressources forestières et, ainsi, à créer des emplois de qualité dans ces secteurs.
L'utilisation de composites polymères augmente rapidement dans divers secteurs, tout comme l'utilisation de nanomatériaux pour améliorer les propriétés de ces composites. Les composites sont définis, dans une certaine mesure, aux diapositives 9, 10 et 11.
Nous nous concentrons sur les nanomatériaux forestiers renouvelables et durables, comme la cellulose nanocristalline, la CNC, pour laquelle le Canada est un chef de file, et un autre matériau appelé nanofibrilles de cellulose. Nous souhaitons en faire la promotion comme solution de rechange aux matériaux à base de pétrole qui sont utilisés en ce moment dans la fabrication des composites polymères.
Penchons-nous maintenant sur la réalité des affaires. À l'heure actuelle, la majorité des composites polymères sont fabriqués à partir de produits pétroliers. Je pense qu'il s'agit de 99 p. 100. Afin de remplacer les matériaux à base de pétrole par des biomatériaux, ces derniers doivent être accessibles à des prix concurrentiels, en plus de présenter des caractéristiques de performance équivalentes ou supérieures. Nous croyons que c'est possible. La performance environnementale supérieure, dont nous aimons tant parler, l'aspect écologique, fera la différence, mais elle ne suffit pas en soi. Cela dit, l'importance de cet aspect augmentera plus on se rapprochera des consommateurs.
Il y a beaucoup d'applications prometteuses pour les composites biopolymères, en particulier dans le secteur du transport. Les polymères sont de plus en plus utilisés pour remplacer les composants métalliques afin de réduire le poids des véhicules. Bell Helicopter produit maintenant un hélicoptère fait à 80 p. 100 de plastique, ce qui est effrayant, mais vrai. Boeing produit le 787, qui est fait à 50 p. 100 de composites polymères. C'est en train d'arriver. C'est une réalité.
Pourquoi font-ils ça? Ils utilisent les polymères pour réduire le poids des véhicules. Réduire le poids des véhicules, des automobiles, des trains ou des avions permettra de réduire la consommation de carburant, et augmentera certainement la capacité marchande des véhicules aériens.
Nous pouvons réduire considérablement le poids de nos bâtiments en remplaçant les vitres par des polymères. La performance et la sécurité du produit sont les premières préoccupations. Chaque nouveau matériau doit être satisfaisant à ces égards. C'est particulièrement important lorsque l'avion est construit en composites polymères.
Dans le secteur de l'automobile, le coût a une influence majeure. Dans le secteur de l'aéronautique, le coût est la dernière chose prise en compte. Ils veulent que ça fonctionne et que ce soit sécuritaire. Dans le secteur de l'automobile, on veut que ce soit sécuritaire et que ça fonctionne, mais il faut aussi réduire considérablement le coût.
Il y a aussi des applications prometteuses dans les emballages, les matériaux de construction, les dispositifs médicaux, comme les prothèses, et les articles de sport. Imaginez un bâton de hockey fait entièrement de biomatériaux forestiers renouvelables et durables.
Les innovations à l'étape de la recherche sont bien soutenues dans les universités canadiennes et dans certains laboratoires industriels. Toutefois, toute bonne idée doit passer par l'étape du développement et de la démonstration, que les innovateurs appellent la « vallée de la Mort ». C'est illustré à la figure 19. C'est là qu'ArboraNano entre en jeu. Ça prend une grande vision entrepreneuriale et beaucoup d'argent pour que l'innovation franchisse cette étape. C'est là que les programmes gouvernementaux peuvent être incroyablement efficaces.
La CNC, qui est en train de franchir cette étape très rapidement, est un bon exemple. Le Programme des technologies transformatrices de Ressources naturelles Canada a contribué à sortir ce développement d'un laboratoire universitaire, dans lequel on en produisait de trois à cinq grammes par semaine. Grâce à ce programme, la CNC a franchi l'étape de l'usine pilote, et une usine de démonstration commencera, à la fin de l'an prochain, à produire une tonne de CNC par jour. De quelques grammes par semaine à une tonne par jour, en trois ou quatre ans, c'est un exploit stupéfiant, qui a été rendu possible grâce à l'appui des programmes de financement fédéraux. ArboraNano espère parvenir à des réussites similaires grâce à un développement ciblé de produits, à l'aide de ce matériau.
Le Canada a une longueur d'avance dans le développement de la production industrielle de la CNC, la cellulose nanocristalline. Cependant, nos concurrents étrangers nous suivent de près. Ils ne dorment pas. La Suède, la Finlande et le Japon travaillent à ce dossier eux aussi, mais nous avons une avance d'au moins deux ans.
Si nous voulons conserver cette avance, nous devons établir solidement notre leadership et notre développement de produits, sans quoi nous tomberons en position de production primaire de CNC et laisserons nos compétiteurs faire de l'argent avec ce matériau. Nos industries manufacturières ont la vision nécessaire et elles comprennent le marché. L'industrie des produits forestiers comprend le matériau, son potentiel et la façon de le fabriquer.
Essayons de garder nos activités de développement près de chez nous, surtout dans cette « vallée de la Mort ». C'est là que se déroule la vraie compétition. Concentrons-nous sur les installations de production canadiennes. Lorsque nous aurons terminé ça et que nous aurons le produit, nous pourrons commencer à le commercialiser à l'échelle mondiale.
Le financement gouvernemental, autrement dit le partage des risques entre le gouvernement et l'industrie, est un catalyseur essentiel pour accélérer le processus d'innovation et combler le vide entre l'invention et l'innovation. Essayons de continuer à consolider cette force, comme nous l'avons déjà fait avec des programmes qui ont prouvé leur mérite.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Wayne Trusty, président, Athena Sustainable Materials Institute : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de m'avoir invité ici aujourd'hui.
Je vais commencer en mentionnant que l'Athena Sustainable Materials Institute est basé ici, dans la région d'Ottawa. Nous sommes un très petit organisme sans but lucratif. Nous avons un institut affilié aux États-Unis qui s'appelle Athena Institute International.
Depuis 1991, environ, nous travaillons dans le domaine de l'évaluation du cycle de vie. Au cas où vous ne sauriez pas ce qu'est l'évaluation du cycle de vie, il s'agit d'une méthode régie par des normes internationales pour tracer les flux environnementaux, de la nature jusqu'à la nature, qui sont associés à la production de produits et de matériaux. Elle peut même être appliquée aux processus.
Nous avons mis l'accent, en très grande partie, sur les bâtiments. Nous avons produit beaucoup de données au pays. En fait, dans une certaine mesure, nous sommes les chefs de file mondiaux en ce qui a trait aux méthodes de collecte de données.
Nous entrons alors ces données dans un logiciel qui permet aux architectes, aux ingénieurs et aux équipes de conception de bâtiments de se concentrer sur la conception, d'entrer de l'information sur leur conception dans le logiciel et d'obtenir immédiatement un profil environnemental. Puis, dans une réunion, nous pouvons faire des hypothèses. Et si nous remplacions les colonnes et les poutres en béton par des colonnes et des poutres en bois lamellé- collé? Quelles seraient les répercussions sur l'empreinte écologique de notre bâtiment?
Nous faisons ce travail depuis un bon bout de temps. Nous avons aussi conçu un outil gratuit, qui a reçu un prix de l'American Institute of Architects et de quelques autres organisations américaines, qui permet d'adopter une approche plus simple face à cette question, mais pas à l'échelle de l'ensemble du bâtiment. L'outil est plutôt axé sur les éléments fonctionnels de la construction, un mur extérieur, par exemple, du recouvrement mural extérieur jusqu'au soutien intérieur en gypse.
Lorsque nous faisons ce type de travail, nous constatons que les produits à base de bois ont une très bonne performance comparativement aux produits concurrents, surtout si on tient compte de mesures comme l'utilisation d'énergie, notamment l'utilisation de combustible fossile, les possibilités de réchauffement de la planète, qui est l'une des mesures que nous appliquons, et d'autres mesures. Le bois obtient de très bons résultats dans ces domaines.
Je voulais commencer par souligner cet aspect, qui est directement lié à certains objectifs de votre comité.
Dans plusieurs endroits, on a tendance à promouvoir des politiques ou des règlements favorisant l'utilisation du bois d'abord dans les bâtiments. Je ne recommande pas ce genre de mécanismes. Je pense que nous devrions encourager l'utilisation d'une méthode comme l'évaluation du cycle de vie pour effectuer des évaluations environnementales des solutions de rechange. Si nous faisons ça, le bois profitera de sa juste part du marché.
Pour vous donner une idée d'où je veux en venir, dans l'International Green Construction Code des États-Unis, qui est actuellement en élaboration et qui paraîtra en 2012, l'évaluation du cycle de vie de l'ensemble du bâtiment est facultative. Une administration peut choisir d'insister sur cette évaluation dans ses codes de construction ou choisir de s'en remettre à une équipe de conception, qui pourra décider de l'utiliser et de s'éloigner de certaines approches normatives axées sur les attributs qui sont plutôt trompeuses mais qui sont, à l'heure actuelle, à la base de la prise de décisions sur les produits. Ça s'en vient dans les codes. Il n'y a aucun doute.
L'American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineers (ASHRAE) a inclus ça dans une norme de ses normes. L'évaluation du cycle de vie fait l'objet d'essais aux États-Unis dans le système d'évaluation LEED du Green Building Council. Elle figure aussi dans le système d'évaluation de Green Globe, une norme nationale aux États-Unis.
Ça s'en vient. C'est une façon pour les produits du bois de briller et de montrer ce dont ils sont capables en ce qui concerne l'ensemble des impacts sur l'environnement.
L'autre aspect que j'aimerais souligner, sans trop entrer dans les détails, est qu'il existe aujourd'hui environ 500 prétendues étiquettes écologiques dans le monde. Certaines sont très réalistes, bien conçues et certifiées par des tiers, tandis que d'autres sont simplement des autodéclarations d'industries ou de fabricants qui sont, par conséquent, très déroutantes. L'Organisation internationale de normalisation a une sorte d'étiquette de type III appelée déclaration environnementale de produits ou DEP. Les DEP sont fondées sur l'évaluation du cycle de vie. Un processus clairement défini régit la production de ces étiquettes, qui sont adoptées dans le monde entier. Malheureusement, le Canada accuse du retard à ce chapitre.
La France travaille actuellement à mettre ce programme en œuvre en 2011. Si un pays exige ce type d'étiquettes de ses producteurs nationaux, il peut faire de même pour les importations. Les étiquettes deviennent ainsi une barrière commerciale non tarifaire tout à fait légale. Pour une industrie d'exportation, c'est absolument essentiel. Dans notre pays, nous n'avons pas mis en place l'infrastructure nécessaire pour soutenir ce type de développement. Cette infrastructure est une base de données nationale, dont nous avons sérieusement besoin pour que les petites et moyennes entreprises n'aient pas à courir après des données dans l'ensemble de leur chaîne d'approvisionnement. Elles peuvent plutôt aller chercher ailleurs des données de bonne qualité examinées d'un œil critique, les intégrer, se concentrer sur leurs activités et produire ce type d'étiquettes. C'est essentiel.
En collaboration avec Manufacturiers et Exportateurs du Canada, nous avons préparé un document qui explique tout ça. À l'heure actuelle, le document circule quelque part dans l'administration fédérale, mais je ne sais pas exactement où il est en ce moment. Il explique tout ce que je viens de vous dire et recommande fortement le développement d'une base de données nationale. Je pourrais ajouter que l'institut, en coopération avec le département de l'Énergie des États-Unis, a mis sur pied la base de données américaine, qui est hébergée dans un de ses laboratoires. Nous avons mené à bien ce processus une fois aux États-Unis. C'est absolument essentiel.
Je souligne que certains pays, comme le Japon, ont dépensé des sommes énormes pour développer ces bases de données en vue de soutenir les arguments que j'avance. La Corée, Taïwan, l'Australie et presque tous les pays de l'Union européenne l'ont fait, dans tous les ordres de gouvernement.
John Innes, doyen, Faculté de foresterie, Université de la Colombie-Britannique : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler à nouveau après votre visite en Colombie-Britannique. Lorsque vous êtes venus en Colombie-Britannique, je venais d'être nommé doyen. Je ne connaissais pas vraiment ma discipline. J'ai beaucoup appris depuis. Je me suis dit que ce serait l'occasion d'approfondir certains points soulevés à cette réunion.
J'aimerais me concentrer sur le processus d'innovation en recherche et développement et souligner qu'il s'agit d'un continuum allant de la production des connaissances jusqu'à l'innovation. Les tentatives de division de ce continuum sont l'un des problèmes auxquels nous avons dû faire face. Des organisations ont essayé de cataloguer d'autres groupes et de dire, par exemple, que les universités ne s'occupaient que d'une partie en particulier, que l'industrie ne s'occupait que d'une partie en particulier, et que les provinces et les territoires, avec leurs recherches, ne s'occupaient que d'une partie en particulier. Je ne pense pas que ce soit la bonne approche. Il faut que tout le monde participe à l'ensemble du continuum pour que, par exemple, un jeune diplômé qui se lance dans une recherche ait une bonne idée du produit final dont l'industrie a besoin.
L'un des problèmes principaux que nous avons eus est la tentative de cataloguer les universités comme des organisations qui ne font qu'enseigner, ce qui est tout simplement faux, ou qui ne font qu'enseigner et faire de la recherche fondamentale. Les facultés de médecine, de sciences appliquées, comme le génie, l'architecture ou l'informatique, et les facultés de foresterie s'opposeraient fortement à ce type de catalogage.
J'aimerais présenter quelques exemples du travail que nous effectuons à l'Université de la Colombie-Britannique, qui illustrent la mesure dans laquelle nous sommes liés à l'industrie et nous essayons de stimuler l'innovation et de créer de nouveaux produits. Par exemple, nous avons travaillé au développement et à la commercialisation d'un système de séchage diélectrique du bois pour le bois d'œuvre de petite et de moyenne dimension. Nous avons établi un classement par contrainte mécanique du bois séché au séchoir pour la pruche, l'épinette, le pin et le sapin dans les régions de l'Asie- Pacifique et de l'Europe, qui a été adopté. En collaboration avec Ainsworth, nous avons récemment développé et lancé sur le marché le revêtement de sol pointSix à base de panneaux OSB. Nous travaillons avec BASF, en Allemagne, à un produit du bois modifié chimiquement à l'aide de la technologie Belmadur. Notre Centre for Advanced Wood Processing travaille, par l'entremise du partenariat axé sur l'innovation avec les entreprises, au développement, à la conception, à l'ingénierie, au prototypage et à l'essai de nouveaux produits. C'est un exemple d'endroit où peut mener l'ensemble du continuum. Ils ont travaillé à la conception et au prototypage d'une presse mécanique pour un nouveau type de bois d'ingénierie qui apparaîtra bientôt sur le marché. Ils ont également conçu des salles modulaires pour des habitations donnant sur une ruelle.
Nous travaillons avec la Première nation des Haïdas à un système de balayage et de coupe pour produire des masques et des poteaux. Ça peut maintenant être automatisé. Ils peuvent, par exemple, produire des éditions limitées de masques ou de poteaux donnés.
Il y a différentes choses auxquelles nous pouvons travailler. Entre autres exemples, mentionnons l'évaluation du cycle de vie des impacts environnementaux des fenêtres en bois, en aluminium et en fibre de verre, un projet que nous réalisons avec Loewen Windows, EuroLine Windows, Inline Fibreglass Windows et l'Athena Institute, ou encore le travail que nous effectuons en Europe avec le consortium Ecobuild, qui comprend IKEA et Exxon Mobil, en vue d'étudier les systèmes de protection du bois.
L'idée selon laquelle les universités font seulement de la recherche appliquée est complètement fausse. Nous devons mettre l'accent sur le fait que, pour innover avec succès, nous devons inclure les universités et les faire travailler tout au long de cette chaîne. Pourquoi ne le faisons-nous pas? Tout d'abord, nous manquons de fonds accessibles pour les entreprises et l'industrie. Les baisses de coûts dans l'industrie les empêchent de s'engager pleinement dans la recherche. Certaines entreprises qui pourraient bénéficier de l'innovation n'ont pas de ressources ayant le temps ou l'expertise pour interagir avec les universités. Il existe une culture conservatrice qui résiste au changement, j'imagine que vous vous en êtes rendu compte dans vos enquêtes.
Où irions-nous maintenant? Actuellement, le secteur forestier dispose de sommes assez importantes pour le développement de produits forestiers, mais de beaucoup moins d'argent pour le travail en amont, en particulier vu la fermeture des centres d'excellence nationaux, du Réseau de gestion durable des forêts.
Nous devons nous assurer que les dépenses des entreprises pour la recherche et le développement peuvent être liées aux universités. Le Canada a des systèmes très généreux, mais ils ne fonctionnent pas bien, et nous devons comprendre pourquoi. Nous devons utiliser les programmes de démarrage d'entreprise et de commercialisation plus efficacement, en les liant aux universités. Certains exemples récents, dans le sud de l'Ontario, fonctionnent assez bien, notamment le Programme d'investissement dans l'innovation des entreprises ou l'initiative Scientifiques et ingénieurs en affaires.
Nous devons nous baser sur des recommandations qui émergent d'études comme le rapport Un plan d'action pour favoriser la prospérité du Conseil canadien des chefs d'entreprise. On y recommande expressément que nous établissions et encouragions des rapports entre les entreprises et le milieu universitaire, et je suis entièrement d'accord. On y recommande aussi que nous allions à l'extérieur du Canada pour recruter des étudiants parmi les meilleurs et les plus brillants. Nous avons commencé à le faire au Canada, mais pas encore dans le secteur forestier. Une grande partie des pratiques d'innovation que nous voyons sont appliquées dans l'industrie en général, mais très peu semblent être adoptées dans le secteur forestier. J'espère donc que ce comité pourra veiller à ce que certaines techniques utilisées viennent à l'être en foresterie.
Le sénateur Eaton : Merci, messieurs, pour vos passionnants exposés. Commençons par le dernier témoin. Monsieur Innes, avez-vous approché les entreprises? Au début de votre exposé, vous avez parlé de recherches avec des entreprises. Avez-vous approché les entreprises ou sont-elles venues à vous?
M. Innes : Lorsque l'Université de la Colombie-Britannique s'est lancée dans la foresterie dans les années 1920, on avait prévu des rapports très solides avec les entreprises. L'Université de Toronto et l'Université de la Colombie-Britannique y participaient toutes deux. Les gens de l'Université de Toronto étaient les théoriciens, et les gens de l'Université de la Colombie-Britannique étaient les praticiens. Nous étions perçus comme une école de génie forestier ayant une longue tradition d'étroite collaboration avec l'industrie.
Le sénateur Eaton : Votre département faisait preuve d'entrepreneuriat?
M. Innes : Oui.
Le sénateur Eaton : Vers la fin de votre exposé, vous avez dit que le Canada était très généreux, mais que les systèmes ne semblaient pas bien fonctionner. Pouvez-vous préciser votre pensée?
M. Innes : Oui, le Canada accorde des crédits d'impôt considérables pour la recherche et le développement, mais ils ne sont pas utilisés très efficacement par l'industrie forestière, et je ne sais pas pourquoi.
Le sénateur Eaton : Ça ressemble beaucoup à ce que nous entendons depuis de nombreuses années, à savoir qu'ils n'ont pas été aussi agressifs qu'ils le pouvaient lorsque les choses allaient bien.
Est-ce que ces crédits d'impôt pourraient être modifiés? M. Crotogino et M. Innes ont dit qu'ils étaient bons pour la recherche et l'innovation, mais M. Crotogino a aussi parlé de la « vallée de la Mort ». Y a-t-il des stimulants financiers, comme des crédits d'impôt, qui permettent à une entreprise de traverser la « vallée de la Mort », ou est-ce que c'est là où vous vous trouvez dans une impasse?
M. Crotogino : Je ne suis pas certain que des crédits d'impôt en soi seraient nécessairement la bonne approche. Dans la « vallée de la Mort », il faut avoir une idée claire de ce qu'on veut à l'autre bout. Les programmes doivent combler le gouffre entre l'invention, l'innovation et la commercialisation. Les crédits d'impôt aident. J'ai travaillé pour Paprican pendant de nombreuses années, et les crédits d'impôt ont été extrêmement utiles pour encourager l'industrie à participer à la recherche, mais ce n'est pas assez.
Le sénateur Eaton : Nous avons entendu plusieurs personnes qui comprennent ça jusqu'à un certain point. Nous avons même un marché, mais il y a, comme vous dites, la « vallée de la Mort ». Que pensez-vous que ça prend? Plus de capital de risque? Les entreprises canadiennes ne sont pas assez concurrentielles? Cherchons-nous à éviter les risques? Les banques n'aident pas? De quoi pensez-vous que nous avons besoin? Comment pensez-vous que vous devriez avoir accès à du capital, et selon quelles modalités?
M. Crotogino : J'essaie d'obtenir des fonds équivalents de l'industrie pour mon réseau. C'est difficile puisque toutes les industries avec lesquelles nous faisons affaire, en particulier les plus petites entreprises, sont au pied du mur. Elles fournissent assez souvent une contribution « en nature ». Elles ne peuvent pas fournir d'argent, parce que si elles fournissent de l'argent pour soutenir quelque chose comme ça, elles doivent mettre quelqu'un à pied pour libérer les fonds.
Les programmes qui examinent le produit final d'un œil très critique quant à ce qu'ils veulent vraiment faire doivent être appuyés. Nous devons élaborer un processus dans le cadre duquel nous étudions le cycle d'innovation et de développement à partir de la fin pour décider ce que nous voulons faire, où nous voulons aller et comment nous pouvons nous y rendre. Nous devons ensuite apporter un soutien dans l'ensemble de l'organisation, en commençant par la fin, jusqu'à l'université, pour que ça se réalise. Le Programme des technologies transformatrices de Ressources naturelles Canada en est un exemple. Ils sont venus voir FPInnovations et nous ont demandé ce que nous ferions de l'argent s'ils nous le donnaient.
Le sénateur Eaton : Ils savaient exactement quoi en faire.
M. Crotogino : Ils savaient quoi en faire. Le programme examinait minutieusement la situation pour déterminer si la réussite aiderait l'industrie. La réponse était oui. Les programmes doivent prendre en compte le résultat final.
Le sénateur Eaton : Pourquoi d'autres entreprises ne pourraient-elles pas suivre le même cheminement? Pourquoi ne peuvent-elles pas aller voir FPInnovations et leur dire qu'elles ont le marché, qu'elles ont un produit et qu'elles ont un plan financier?
M. Crotogino : Elles le font. Nous bâtissons lentement ce lien entre les industries manufacturières, comme l'industrie de l'automobile. Nous travaillons avec l'Ontario BioAuto Council, Woodbridge, Magna et Canadian General-Tower. Ces organisations apportent des produits de valeur à l'industrie internationale. Elles sont constamment à la recherche de nouvelles idées, mais il existe beaucoup de nouvelles idées, et elles doivent les trier.
Ce rituel de départ, qui vise à déterminer si l'idée va se concrétiser, ressemble aux Réseaux de centres d'excellence dirigés par l'entreprise et sera très utile. Ces organisations aident assurément à établir ces liens tout de suite. C'est très difficile à faire parce que les industries de l'automobile, de l'aéronautique et des produits forestiers sont des cultures totalement différentes. Il est difficile de faire en sorte qu'elles se parlent et créent ces liens.
Le programme auquel je travaille en ce moment est, dans un certain sens, un programme pilote. Nous le faisons fonctionner. Nous essayons de trouver comment le faire fonctionner. Je n'ai pas les réponses, mais j'espère les avoir d'ici la fin du programme, dans deux ans.
Le sénateur Ogilvie : J'ai une question pour chacun des témoins. J'aimerais tout d'abord souligner que vous avez abordé des sujets très importants ce matin. Il serait intéressant de pouvoir en approfondir certains, mais je vais poser des questions auxquelles je pense que vous pourrez répondre rapidement.
Monsieur Crotogino, ma question pour vous porte sur la source de la cellulose pour le développement nanocristallin, qu'il s'agisse de cristaux ou de fibres, sans tenir compte des processus qui sont en place dans les industries du bois d'où la cellulose provient. Y a-t-il une qualité optimale de bois qui est essentielle pour servir comme source de la cellulose à être convertie sous forme microcristalline ou de microfibres, ou une espèce de bois? Y a-t-il des questions d'optimisation quant à l'espèce et à la qualité du bois? Lorsque je dis « qualité », je pense à la belle grosse bille, et non à une pile qui se dégrade sur le bord de la route depuis un certain temps.
M. Crotogino : La cellulose nanocristalline est un élément que Dame Nature a distribué de façon très démocratique. On en trouve dans toute la cellulose, et la cellulose est le polymère naturel le plus abondant. C'est en fait un composite polymère. Que ce soit un sapin, une épinette ou un autre type d'arbre, une fois que vous en êtes aux nanocristaux, ils sont tous environ de la même dimension. C'est de la cellulose pure avec quelques déterminants chimiques.
Non, la source n'est pas importante. Je n'irais pas jusqu'à dire comme vous et éliminer toute la transformation dès le départ, parce que l'industrie essaie de profiter du flux de déchets de ce processus pour le convertir en quelque chose de précieux, et le prétraitement dans l'industrie est une étape extrêmement importante puisqu'elle élimine beaucoup de travail en aval.
Le sénateur Ogilvie : Merci. Je comprends. Je voulais juste en savoir davantage d'un point de vue fondamental. Je comprends exactement pourquoi vous voulez entrer ça dans un processus existant, mais d'une perspective fondamentale, je pensais que la réponse serait celle que vous avez donnée. Merci beaucoup.
Monsieur Trusty, j'aimerais m'assurer de bien comprendre la base de données dont vous avez parlé. Il s'agirait d'une évaluation presque garantie des impacts du cycle de vie des matériaux et des processus individuels qui pourraient être utilisés dans une industrie. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Trusty : Oui, sénateur, c'est en partie ça. L'évaluation du cycle de vie est un processus très complexe, et il existe des logiciels spécialisés dont les gens se servent et ainsi de suite. Pour ce faire, il faut des modules de données, la production d'énergie sous différentes formes, le transport, la quantité d'énergie utilisée par tonne-kilomètre, et cetera.
Ensuite, il y a les produits de base, le lingot basique d'aluminium ou, effectivement, les EPS pour le bois d'œuvre, l'OSB et le contre-plaqué. Ils deviennent tous des modules, donc une personne qui fabrique ces tables peut y aller et obtenir ces modules. Je compare souvent ça à un ensemble de blocs Lego servant à l'évaluation du cycle de vie. Vous avez tous ces modules, et il est essentiel d'avoir les morceaux, sans quoi les gens qui essaient de développer ces étiquettes prendront des données où ils le peuvent, ce qui peut donner des résultats déroutants et inexacts.
Le sénateur Ogilvie : C'est ce que je pensais avoir compris, et il semble s'agir d'une base de données importante alors que nous entrons dans l'ère concurrentielle dont vous avez tous parlé. Est-ce que vous et d'autres avez parlé à Industrie Canada au sujet de l'appui du développement d'une telle base de données qui aurait des caractéristiques de certification?
M. Trusty : Oui, nous l'avons fait. Je dirai deux choses à ce sujet. Tout d'abord, le gouvernement du Québec, avec prévoyance, a déjà entrepris ce processus en prenant un ensemble de données européennes considérable et en le confiant à une organisation appelée CIRAIG, qui est associée à l'une des universités de Montréal, en vue de « québéciser » ces données, si je peux me permettre d'utiliser ce terme. Ça pourrait très bien être un premier pas vers une vaste base de données canadienne.
Ensuite, si une telle base de données est établie et tenue par un organisme fédéral, et non par une université ou une entité privée, nous ferons don de toutes les données que nous avons à cet organisme. Je pense qu'il s'agit d'une étape très critique. Il faut qu'elle soit hébergée. Il faut qu'elle profite de la crédibilité que peut lui conférer un organisme comme le Conseil national de recherches.
Le sénateur Ogilvie : Monsieur Innes, j'ai vraiment aimé tout ce que vous avez dit ce matin au sujet de la communication avec le monde universitaire. J'aimerais retourner à votre point de départ parce que, tout d'abord, je suis d'accord avec votre commentaire selon lequel la voix est rarement entendue, que la recherche ciblée est tout aussi importante, précieuse et fondamentale que toute autre approche soi-disant pure, en fait elle est pure, adoptée face aux problèmes fondamentaux et appliqués.
Toutefois, vous avez dit que votre voix était rarement entendue. J'aimerais donc envoyer la balle dans votre camp et vous poser une question. Lorsqu'on reproche au gouvernement d'envisager la possibilité qu'un organisme subventionnaire réserve une partie de ses fonds à la recherche appliquée, imposée ou spécifique, les voix à l'appui de ça se font rarement entendre, contrairement à celles des personnes qui s'opposent totalement à tout changement d'orientation.
Je ne veux pas entrer dans un débat sur ce qu'est la recherche appliquée et ce qu'est la recherche fondamentale, mais ce dont je veux discuter avec vous, c'est que je pense que la voix dont vous parlez doit être entendue. Elle existe depuis longtemps dans les disciplines dont vous avez parlé, en fait dans beaucoup des domaines soi-disant fondamentaux, y compris la chimie et la physique, où un travail considérable a été accompli en ce qui a trait au développement d'applications par la recherche fondamentale.
Ce n'est pas vraiment une question pour vous, mais plutôt un défi, puisque lorsque ces situations surviennent, nous devons entendre les voix de personnes comme vous, qui font une énorme contribution aux domaines universitaires que vous avez décrits et aux domaines qui s'y rattachent.
M. Innes : La foresterie n'a pas vraiment réussi à se faire entendre. Elle n'a pas vraiment réussi à le faire dans les réseaux universitaires. Elle n'a pas vraiment réussi à le faire dans le secteur des politiques internationales. Ce n'est que très récemment, avec le changement climatique, que la foresterie a commencé à faire un peu les manchettes.
Nous en faisons beaucoup et nous devons améliorer nos moyens de communication dans les universités. J'accepte totalement votre argument, sénateur Ogilvie. Nous sommes une faculté relativement petite dans une grande université. Notre voix ne se fait pas toujours entendre. Nous devons convaincre les représentants des universités qui siègent à des comités comme le CRSNG et le CRSH de l'importance du travail que nous faisons et de la nécessité, pour eux, de consacrer une part considérable de leurs fonds de recherche à de la recherche appliquée et dirigée.
Le sénateur Ogilvie : Je comprends parfaitement ce que vous dites, mais vous avez parlé d'un certain nombre d'autres facultés qui ont les mêmes possibilités, et j'aimerais vous mettre au défi de rassembler vos groupes et de nous fournir de l'aide dans ce domaine très important.
M. Innes : Je vais le faire, monsieur.
Le sénateur Mercer : J'aimerais revenir sur une des questions du sénateur Ogilvie. Monsieur Innes, vous avez répondu que la foresterie ne se fait pas entendre. Beaucoup de gens ne se font pas entendre. Nous avons connu beaucoup de succès dans la recherche, tout comme dans la transformation de cette recherche en entreprises rentables. Vous parlez du développement de l'insuline, de l'industrie qui est venue avec, de quelque chose d'aussi simple que le développement du Pablum au Hospital for Sick Children, à Toronto. Il est probablement nécessaire que quelqu'un catalogue ces réussites. Le public doit être conscient de ces immenses réussites au pays. Tous les Canadiens, y compris notre comité, doivent savoir que des Canadiens innovateurs et intelligents réussissent à prendre la recherche d'un laboratoire universitaire et à la transformer en une industrie couronnée de succès. Beaucoup de ces industries aident les gens et se sont maintenant répandues à l'échelle mondiale, l'insuline étant un exemple évident.
Monsieur Trusty, vous avez parlé d'un code écologique. Pouvez-vous nous donner un peu plus de contexte? Je crois que vous avez dit qu'il provenait de l'Union européenne.
De plus, vous avez parlé plusieurs fois de la base de données. Ce qui m'intéresse entre autres, c'est de connaître le coût de cette base de données. Que coûtera le développement de cette base de données à l'industrie, au gouvernement ou à qui ce soit d'autre? Ce serait bien d'avoir une idée de ce que ça pourrait coûter.
M. Trusty : Votre première question portait sur les codes. L'International Code Council est en charge de l'élaboration de l'International Building Code. Ce code est, à beaucoup d'endroits, y compris dans notre pays, le code de base, si vous voulez, qui est adapté ou utilisé tel quel. Cette organisation, l'International Code Council, a maintenant lancé un International Green Construction Code dans une optique de durabilité.
Les codes ont toujours été axés sur la santé et la sécurité. Le concept s'élargit maintenant pour inclure la durabilité environnementale, et les impacts sociaux entreront un jour en jeu, mais nous n'en sommes pas encore tout à fait là.
C'est un processus en cours. Il y a quelques semaines seulement, il y a eu des audiences à Chicago, des audiences publiques, des votes quant à ce qu'on allait garder et ce qu'on allait retirer. Une nouvelle version préliminaire paraîtra le 3 novembre. Les dernières audiences auront lieu à la fin de 2011, et le projet sera promulgué en 2012.
Toute administration, y compris au Canada, puisque la portée est internationale, peut adopter ce code. La Californie, qui a tendance à ouvrir la voie aux États-Unis, a un code de construction écologique qui est déjà appliqué et utilisé, et ça s'en vient ici. Je pense que ça donne une bonne idée. C'est assurément un pas en avant.
L'Ontario a aussi travaillé à son code de construction pour y intégrer des éléments de durabilité.
Nous le voyons, et ça s'en vient. La méthode appelée évaluation du cycle de vie est une partie très importante. J'espère que ça répond à votre question sur les codes.
Le sénateur Mercer : J'ai demandé le coût de la base de données.
M. Trusty : Le coût peut varier.
J'aimerais parler du Japon brièvement. On entend parler de deux montants différents. D'une part, le Japon aurait lancé un programme de 2 millions de dollars par année sur 10 ans. D'autre part, il aurait dépensé 60 millions de dollars américains. Je ne sais pas quel montant est exact, donc je n'entrerai pas dans le sujet, sauf pour dire que de nombreux pays dépensent beaucoup d'argent pour des bases de données, en particulier ceux qui ont des industries d'exportation.
Aux États-Unis, la base de données fonctionne en grande partie comme un partenariat public-privé. Le document que j'ai mentionné et qui circule comprend des montants. Je ne m'en souviens pas exactement, mais le gouvernement des États-Unis a dépensé un peu moins de 2 millions de dollars. L'industrie a fourni les données, et sa contribution est donc « en nature ». L'American Chemistry Council, à titre d'exemple, a fourni des données d'une valeur de 250 000 $ uniquement pour quelques résines de base, et le fabricant de ce tapis dispose donc de ces données sur les résines.
Le partenariat public-privé est l'approche à adopter. C'est certainement l'approche que je recommanderais. Je pense qu'avec un programme de 1 million de dollars par année sur cinq ans, ce que le gouvernement doit faire, c'est de bâtir une bonne base de données, de l'héberger, de faire faire des révisions critiques et de s'assurer qu'elle contient de bonnes données transparentes. C'est le travail du gouvernement et la maison de la base de données, en quelque sorte. Toutefois, les données en soi peuvent provenir de l'industrie.
Statistique Canada ne peut pas le faire en raison de son mandat, selon lequel il ne peut publier de données qu'il n'a pas lui-même recueillies directement. Les données de ce genre doivent vraiment provenir de l'industrie. Vous ne pouvez pas simplement envoyer un questionnaire.
M. Innes : Si je comprends bien, vous demandiez pourquoi nous ne pouvons pas publiciser davantage nos histoires. Certains pays le font. L'Australie a un livre disponible à grande échelle sur le secteur forestier, qui contient des études de cas de deux pages sur l'innovation en foresterie, l'application de la recherche et du développement, que ce soit par le gouvernement ou par les universités, ainsi que les résultats positifs. Je ne crois pas qu'il y ait une publication similaire au Canada. J'utilise des exemples australiens dans mes cours parce que je n'ai pas vu de tels exemples pour le Canada.
Une partie du problème, au Canada, est que certains excellents efforts d'innovation ne proviennent pas des grandes entreprises qui sont très bonnes dans ce qu'elles font, c'est-à-dire produire des marchandises destinées au marché américain, mais plutôt d'entreprises beaucoup plus petites qui sont plus dispersées et qui ne sont pas représentées par l'Association des produits forestiers du Canada ni par d'autres organisations. C'est dans ces entreprises de moins de 100 employés que nous constatons les avancées les plus excitantes. Peut-être que mes collègues peuvent le confirmer.
Si nous pouvions compiler les histoires de ces entreprises, je pense que nous aurions un portrait du secteur forestier canadien très différent de celui que nous avons aujourd'hui.
M. Crotogino : Si vous cherchez des cas de réussite, je vous suggère de vous tourner vers les prix Synergie pour l'innovation du CRSNG. Ce n'est là qu'un exemple de témoignages d'accomplissement et de la collaboration entre l'industrie et l'université. On y trouve des choses excellentes. J'ai siégé à quelques comités. Dans le même genre, j'ai aussi siégé au comité du Prix du premier ministre de l'Ontario, qui étudie précisément ces choses.
Vous avez raison quand vous dites que ces accomplissements n'ont pas été compilés. J'ai vu quelque chose de similaire en Finlande, un pays comptant cinq millions d'habitants. C'est un livre dans le domaine de l'environnement publié par leur académie du génie, qui s'intitule High Tech Finland. Nous devrions avoir un tel livre sur les réussites canadiennes dans le domaine de la haute technologie. Peut-être qu'il serait utile que l'académie des sciences ou l'Académie canadienne du génie y participe, puisqu'elles sont dans une très bonne position pour effectuer ce type de survol.
Le sénateur Raine : Monsieur Crotogino, puisque le CRSNG décerne les prix Synergie pour l'innovation, il doit étudier un grand nombre des meilleurs innovateurs. Ça pourrait être un bon point de départ pour la compilation de nos réussites. Je pense que c'est une bonne idée.
Aujourd'hui, c'est intéressant parce qu'il n'est pas nécessaire d'imprimer. L'impression n'est pas un processus coûteux puisque tout peut être fait électroniquement, et il suffit d'en imprimer un ou deux exemplaires quand on en a besoin. J'espère que ça se concrétisera. Il faudrait évidemment une collaboration entre les différents secteurs.
Monsieur Trusty, j'ai une question au sujet du Code national du bâtiment du Canada. Je pense que notre code reste pris dans le passé, surtout en ce qui concerne les produits du bois, les limites imposées aux constructions de plus de quatre étages, et cetera. Existe-t-il un groupe de travail quelconque chargé de mettre notre code du bâtiment à jour et, peut-être, d'y intégrer l'évaluation du cycle de vie?
M. Trusty : Je ne suis pas un expert des codes. J'ai travaillé à l'élaboration du code écologique mais, au Canada, je ne participe pas directement à ce genre de travaux. Je dirai simplement que je pense que la Colombie-Britannique travaille à des constructions allant jusqu'à neuf étages, pour lesquelles l'utilisation du bois est examinée. Bien sûr, des constructions de six étages sont envisageables. Je pense que le Québec effectue des travaux semblables. Je ne veux pas me prononcer davantage parce que je ne suis pas un expert, et je vois le président froncer les sourcils, donc je ne veux pas m'avancer.
FPInnovations a un peu travaillé dans ce domaine. C'est une bonne source. De plus, les gens du Conseil national de recherches, qui sont au cœur du processus d'élaboration du code, sont une excellente source d'information à ce sujet.
Le sénateur Raine : Vous avez parlé d'autres pays qui adoptent des bases de données à l'appui de ces étiquettes. Je peux voir comment ça pourrait devenir une barrière commerciale si nous n'agissons pas rapidement. Comment imaginez-vous les prochaines étapes de l'établissement d'une base de données nationale? Est-ce probable que ça arrive dans les prochaines années?
M. Trusty : Je l'espère certainement. Le document que nous avons présenté en collaboration avec Manufacturiers et Exportateurs du Canada va assurément en ce sens.
Comment y arriver? Il faut d'abord choisir un organisme responsable, comme le CNR. C'est presque arrivé il y a quelques années, mais des gens très haut placés au CNR étaient inquiets. Ils craignaient de se lancer dans l'aventure pour ensuite voir le financement se tarir. C'est une préoccupation très légitime. La base de données des États-Unis a presque été abandonnée pour cette raison. Maintenant, les mesures de stimulation, entre autres, ont mené à une résurgence.
Le nécessaire pour bâtir la base de données est disponible. Nous avons aidé les États-Unis à développer la leur. C'est possible. Ils sont heureux de la partager. Ils aimeraient voir une base de données au Canada parce que ces bases de données doivent interagir, et ça peut être fait avec une structure appropriée. Les données peuvent alors commencer à être transférées avec les produits.
À l'échelle internationale, le Programme des Nations Unies pour l'environnement comprend une initiative sur le cycle de vie qui est en vigueur depuis quelques années, et le but premier est de faire ça, de normaliser ce travail dans le monde entier, au fond, pour que les données puissent commencer à être uniformes, que les bases de données puissent partager l'information, et ainsi de suite. C'est en train de se faire.
Nous ne sommes même pas sur la ligne de départ au Canada, et c'est ce qui m'inquiète. Nous n'y sommes tout simplement pas, et nous sommes un important pays d'exportation. Nous devons disposer de ce type de données, en particulier pour nos petites et moyennes industries.
La première chose est de décider de le faire, puis de trouver l'organisme approprié pour s'en occuper, et je recommande fortement que ce soit un organisme fédéral. Ensuite, les premières étapes sont de consacrer de 500 000 $ à 1 000 000 $ à l'établissement de la base de données. C'est un site web. Il recueille l'information et l'assemble, puis il peut aller de l'avant grâce à un budget courant quelconque.
Les industries fourniront les données. Elles sont anxieuses parce qu'elles savent ce qui s'en vient. Le processus est lancé au Canada et aux États-Unis en ce qui concerne les données de base de toutes les industries. Tous les grands producteurs le font, sachant très bien que ces étiquettes s'en viennent. Ils veulent que leurs données soient publiées, parce qu'ils se rendent maintenant compte que c'est mieux d'y mettre leurs données plutôt que de risquer que quelqu'un utilise des données inexactes, désuètes ou peu importe.
Ce n'est pas un travail énorme, mais quelqu'un doit s'avancer et dire que oui, il va le faire.
J'ajouterais une dernière chose. Environnement Canada et Ressources naturelles Canada étudient la question. Industrie Canada est là. Le MAECI, je pense, a un intérêt là-dedans en raison des incidences commerciales et des ministères fédéraux qui envisagent ça. L'idée est que cette poussée, le pas décisif, si vous voulez, est nécessaire.
Le sénateur Raine : Si le Québec a déjà adopté une base de données européenne et a commencé à la québéciser, comme vous dites, serait-il possible de s'en servir comme base de données nationale?
M. Trusty : Ça peut faire partie de la solution, c'est certain. En fait, nous avons un protocole d'entente avec CIRAIG, l'organisation qui fera ça au Québec. N'oubliez pas que toute cette histoire est relativement récente. Dans son budget du printemps dernier, Québec a accordé 1,5 million de dollars pour faire avancer les choses. Le travail ne fait que commencer. Nous avons un protocole d'entente avec CIRAIG pour voir comment on peut canadianiser ça. L'idée est d'utiliser les données canadianisées pour boucher les trous temporairement d'ici à ce que de véritables données canadiennes soient produites. L'ajustement de données étrangères n'est pas un exercice trivial. Il faut s'assurer que l'énergie et le transport et toutes ces choses-là sont pris en compte. Ensuite, ces données sont écartées et les vides sont comblés par des données provenant d'industries canadiennes.
Le sénateur Robichaud : Toujours au sujet de cette base de données, vous venez de dire que nous ne sommes même pas sur la ligne de départ. Ai-je bien entendu?
M. Trusty : Oui. Nous ne sommes même pas vraiment sur la ligne de départ.
Le sénateur Robichaud : Qui en a besoin? Il doit y avoir un besoin pour ces données. Est-ce que les architectes et les ingénieurs utiliseraient ces données?
M. Trusty : Oui.
Le sénateur Robichaud : Ils les utiliseraient uniquement si une politique exige d'avoir des analyses ou des données sur le cycle de vie pour tous les types de bâtiments.
M. Trusty : En effet.
Le sénateur Robichaud : C'est comme l'œuf et la poule?
M. Trusty : D'abord, une évaluation du cycle de vie a été réalisée par ce gouvernement pour de nombreux bâtiments. Travaux publics et le ministère de la Défense le font depuis des années. Nous avons commencé à le faire avec les années. Si je ne me trompe pas, lorsque la GRC a construit un bâtiment à Halifax, elle a demandé à ce que ça soit fait. Je sais que ça a aussi été utilisé pour un agrandissement à la base navale d'Halifax.
On y a recours, mais ça a toujours été une initiative ministérielle de Travaux publics, des fonctionnaires qui y voient une valeur ajoutée. Il n'y a jamais eu de politique qui exigeait que ce soit fait pour les bâtiments fédéraux. Il est possible de mettre en œuvre ce genre de politique, qui dit qu'une évaluation du cycle de vie des bâtiments fédéraux doit être faite, pour que l'empreinte environnementale des différentes options soit connue.
Je ne sais pas comment on fait pour mettre en œuvre une telle politique. Je ne sais pas quel ministère en serait responsable. Je sais que Ressources naturelles Canada et Environnement Canada ont été des joueurs clés dans l'avancement du projet. Nous leur avons remis un autre document, dans lequel nous expliquons certaines de ces choses et la manière dont il faut s'y prendre. Je crois qu'il y aura une présentation aux SMA à un moment donné, mais je ne sais pas si la date a déjà été choisie.
Il faut que ce soit un effort concerté, qui vient de la direction. C'est important. Ensuite, on peut décider qui établira la politique. Pour l'instant, c'est décousu et incohérent.
Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question.
Le sénateur Robichaud : Je crois que nous avons franchi la ligne de départ.
M. Trusty : Nous avons franchi la ligne de départ d'une certaine manière, mais pas dans notre compréhension des étiquettes de déclaration environnementale associées aux produits. Je ne crois pas que ce soit bien compris à l'heure actuelle. Certaines personnes comprennent, mais je ne suis pas certain que ce soit bien compris dans les rangs de direction, où il faut que ce soit compris.
Il y a quelques années, une base de données appelée la Base de données canadienne sur les matières premières avait été développée grâce à du financement d'Environnement Canada. Cinq industries participaient activement au projet, y compris l'industrie forestière. Ensuite, il n'y a pas eu de financement pour continuer, donc elle est morte. C'est ainsi depuis deux ou trois ans maintenant. Elle se trouvait sur un site web à l'Université de Waterloo. Le site web n'est même plus activé maintenant, car il n'y a plus de financement. Il faut un poste dans le budget pour ça. C'est là où je veux en venir. Honnêtement, si c'est le cas, le montant équivaut à une erreur d'arrondissement. Il n'est pas énorme, mais il faut qu'il soit prévu. Ça prend un financement permanent qui permet de poursuivre le projet. Sinon, on commence des choses et on les laisse mourir.
Le sénateur Robichaud : Si nous faisons une recommandation dans notre rapport quant aux personnes qui devraient s'en charger, pourrions-nous avoir des chiffres? La première question est généralement de savoir combien ça va coûter. Si on ne peut présenter les chiffres, personne ne veut toucher au projet, car personne ne veut se faire prendre à commencer quelque chose sans pouvoir le finir.
M. Trusty : Il y a des chiffres dans le document dont j'ai parlé. Je ne vois pas d'inconvénient à le soumettre à votre comité. Je peux vous remettre ce document au greffier à votre intention aujourd'hui même. Les chiffres qu'on y trouve sont la base de données elle-même et un programme d'information pour que notre industrie commence à comprendre ce qui se passe. Ça peut être fait par Manufacturiers et Exportateurs du Canada ou par une autre organisation. Je vous fournirai ce document, et il y a des chiffres là-dedans.
Le président : Ce serait apprécié.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Crotogino, vous dites que remplacer la vitre par des composites polymères réduit le poids des véhicules. Il y a toutes sortes d'applications pour les polymères, mais où en sommes-nous? Sommes-nous aujourd'hui dans la « vallée de la Mort » par rapport à ces produits aujourd'hui?
M. Crotogino : Ça dépend à qui vous faites référence par « nous ». Si vous en avez l'occasion, visitez les installations de Bell à Mirabel.
Le sénateur Robichaud : Je passe dans ce coin-là toutes les semaines.
M. Crotogino : C'est une organisation fascinante. Ils ont tout, à partir de la première idée jusqu'à son installation sur un hélicoptère. Beaucoup de composites polymères sont utilisés. Le problème que j'y vois est qu'ils sont tous à base de pétrole. Avec notre organisation, mon but est d'ouvrir la porte aux matériaux provenant de la forêt. Il y a beaucoup d'activité. En passant, pour ce qui est des bases de données, des entreprises de cette taille-là, qui ont des activités aussi complexes et qui doivent se conformer à un processus de réglementation, possèdent ces bases de données.
Du point de vue de l'industrie des produits forestiers, le problème est qu'il y a beaucoup de petites entreprises, et aucune d'entre elles n'a les moyens d'avoir ce genre de bases de données. Une entreprise comme Bell Helicopter a une telle base de données. Ils en ont développé une. Ils n'ont pas le choix. Leur vie en dépend. Je suis d'accord avec M. Trusty quand il dit que ce serait fantastique d'avoir une base de données pour les matériaux de construction. Si nous prenons l'exemple d'une entreprise comme Bell, qui utilise des matériaux de construction d'une façon différente, et que nous voyons ce qu'elle en fait, ça pourrait être un bon point de départ pour faire de même pour l'ensemble de cette industrie.
Le sénateur Robichaud : Où en sommes-nous par rapport aux produits forestiers, aux composites polymères?
M. Crotogino : Nous entrons dans la « vallée de la Mort ». Nous avons progressé pas mal sur le plan de la production de NCC. Pour ce qui est de transformer ça en matériaux, nous en sommes au tout début. Ce n'est que depuis deux ans que la cellulose nanocristalline est disponible en quantité suffisante pour le travail de développement. Ce n'est pas possible de faire beaucoup de travail de développement avec cinq grammes par semaine. Cet effort pour produire cette matière en grande quantité a lancé le développement de composites polymères, et c'est là où nous en sommes actuellement. Le processus est lancé. Il y a beaucoup d'activité à FPInnovations. Ils ont notamment établi des partenariats ciblés. ArboraNano recherche le même genre de partenariats avec des partenaires différents. Nous travaillons en étroite collaboration. Nous entrons dans cette vallée. Le programme auquel je travaille est un pont utile pour nous aider à progresser. Je pense que c'est la bonne façon de faire.
Le sénateur Robichaud : Vous parlez d'un « pont ». Quel est l'échéancier prévu?
M. Crotogino : Ça dépend. Si vous voulez fabriquer un nouveau vernis à planchers qui serait trois fois plus résistant que ce qui existe déjà, nous pouvons réaliser ça avant la fin de mon mandat. Vers 2012 ou 2013, ce produit serait sur le marché. Si nous parlons d'un matériau qui entre dans la fabrication d'un hélicoptère, ça prendra 15 ans. Si nous parlons d'automobiles, nous pouvons sans doute produire les applications non essentielles d'ici cinq ans. C'est très différent, surtout en fonction du processus d'enregistrement et du processus de certification.
Certaines choses vont émerger de cette vallée pendant le mandat d'ArboraNano, qui prend fin le 31 mars 2013.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Innes, vous avez mentionné que nous devions recruter des cerveaux à l'étranger si c'était nécessaire. Je croyais que nous avions des cerveaux ici, mais que nous n'arrivions pas à les garder. C'est bien ça?
M. Innes : J'ai l'impression que le Canada se débrouille très bien au chapitre du recrutement des meilleurs candidats d'un peu partout dans le monde. Il va sans dire que certains viennent ici, puis repartent. Toutefois, beaucoup de gens viennent ici, et une panoplie d'initiatives fédérales réussissent à attirer des scientifiques parmi les meilleurs au monde.
Une des grandes difficultés est d'attirer de jeunes gens et de les garder, car ils voient des possibilités ailleurs. Nous devons réfléchir aux salaires que nous versons aux diplômés. Ces étudiants ont fait quatre, six, sept ans d'études supérieures, parfois davantage, et nous les payons en moyenne 12 000 $ ou 14 000 $ par année. Il y a de bonnes bourses, comme les bourses Trudeau ou Vanier. Prenons un étudiant qui vient ici, un jeune scientifique qui veut faire un doctorat et qui a peut-être une jeune famille avec lui. Il va probablement gagner 14 000 $ ou 15 000 $ pendant trois ou quatre ans. Êtes-vous surpris s'il va ensuite aux États-Unis, où on pourrait lui offrir jusqu'à 70 000 $ ou 80 000 $?
Si nous voulons réussir à attirer des étudiants de l'étranger ou à encourager nos propres étudiants à faire de la recherche, nous devons être un peu plus généreux par l'entremise des programmes du CRSNG et du CRSHC.
Le sénateur Raine : Monsieur Trusty, avez-vous dit que si tous les autres pays allaient dans la direction d'une base de données nationale et avaient la capacité de faire le genre d'évaluation du cycle de vie des produits et qu'un pays rendait l'évaluation du cycle de vie obligatoire, tout ce qu'il ferait serait exportable? En fait, si d'autres pays instaurent les évaluations de cycle de vie et que nous ne le faisons pas, ce pourrait être une barrière commerciale pour nos produits. Notre bois lamellé-collé, par exemple, ne serait pas accepté parce que l'évaluation du cycle de vie n'aurait pas été faite?
M. Trusty : C'est exact. Il y a quelques années, une entreprise de la Colombie-Britannique voulait envoyer un chargement d'essai de granules de bois à un pays européen. Ils voulaient envoyer les granules qui sont utilisées dans les poêles. Ils m'ont appelé pour me dire que leur chargement ne serait pas accepté s'ils ne faisaient pas d'évaluation du cycle de vie. Ils sont tombés des nues. C'est maintenant de plus en plus consacré dans ces déclarations environnementales de produits. C'était alors une situation non habituelle. La Suède a été l'un des chefs de file européens à cet égard. C'est maintenant consacré. Comme je l'ai mentionné plus tôt, la France va lancer un programme pilote au printemps prochain, en 2011, dans le cadre duquel certaines industries devront avoir ces déclarations environnementales associées aux produits, notamment pour les produits utilisés dans la construction. La France pourra donc refuser l'entrée à tout produit qui n'a pas cette étiquette.
Voyez ça comme une étiquette d'aliment, parce que c'est, tout compte fait, exactement la même chose, sauf que c'est trois, quatre ou cinq pages de long. Vous avez une étiquette sur le produit qui vous indique l'adresse d'un site web qui comporte tous les détails. L'étiquette présente un résumé, en quelque sorte, de cette information. C'est très semblable aux étiquettes d'aliments. Vous ne trouverez nulle part au monde des aliments, je veux dire des aliments transformés, qui n'ont pas d'étiquettes. C'est ce qui s'en vient.
Le sénateur Raine : Je ne participe pas à la rédaction du rapport, mais ça me semble évident. Pour la quantité d'argent dont il est question, face à la possibilité de barrières commerciales, ce n'est pas logique de ne pas le permettre.
M. Trusty : C'est expliqué dans le document que je vais vous remettre.
Le sénateur Eaton : Monsieur Crotogino, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que les biomatériaux devaient être rentables, mais qu'ils devaient aussi être plus productifs. Pourquoi? Y a-t-il un préjugé contre les biomatériaux parce qu'ils sont nouveaux?
M. Crotogino : Il y a toujours un préjugé contre quelque chose qui tente de pénétrer le marché. Je dis que les biomatériaux doivent performer aussi bien que les autres, ou mieux. Qu'est-ce que j'entends par « mieux »? À tout le moins, il faut que les biomatériaux exécutent les mêmes fonctions. Vous ne voulez pas aller dans un hélicoptère fait de matériaux écologiques qui vont s'effriter de partout.
Le sénateur Eaton : J'ai bien compris le bout où vous avez dit qu'ils devaient mieux performer. Je voulais savoir comment vous alliez vous y prendre.
Pouvez-vous m'expliquer comment votre organisation fonctionne?
M. Crotogino : Le Réseau des centres d'excellence dirigés par des entreprises est un programme qui a commencé il y a moins de deux ans. Nous recevons de l'argent du Réseau des centres d'excellence, qui est l'organisation responsable du financement, et nous devons obtenir des fonds équivalents de l'industrie. Nous tentons d'établir un réseau mené par l'industrie, grâce au développement de produits, puis de faire participer les organisations de recherche, y compris les services internes de recherche de ces entreprises, pour accomplir ce travail.
Notre travail est de tenter de réunir ces parties autour d'une même table, disons l'industrie de l'aérospatiale et l'industrie de l'automobile, et de cibler les secteurs où une synergie existe.
Le sénateur Eaton : Faites-vous du travail avant d'arriver à FPInnovations? Autrement dit, êtes-vous le point de rencontre?
M. Crotogino : Nous travaillons en partenariat avec FPInnovations. En fait, j'étais à l'emploi de FPInnovations pour rédiger la proposition. Lorsque nous avons obtenu le financement, je suis passé de FPInnovations à ArboraNano. FPInnovations est membre de cette organisation, comme Bell Helicopter, comme l'Ontario BioAuto Council, comme une petite entreprise appelée Nanoledge, qui formule les matériaux. C'est une organisation qui réunit tous ces gens et qui tente de trouver des objectifs de développement communs. Ensuite, nous créons des projets qui mèneront des produits à cette « vallée de la Mort ».
Le sénateur Eaton : Si vous êtes au début du ruisseau, FPInnovations serait l'embouchure de la rivière?
M. Crotogino : FPInnovations fait une partie de ce travail également. Nous fonctionnons plutôt de façon parallèle. FPInnovations utilise ArboraNano comme un des atouts de son jeu.
Le président : Avec votre accord, mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais poser quelques questions à nos témoins. Nous réalisons cette étude parce que nous faisons toujours face à une crise dans le marché traditionnel du bois d'œuvre, et dans l'industrie des pâtes et du papier. Certains témoins nous ont présenté des solutions, et j'aimerais connaître votre avis.
On nous a présenté l'idée de passer de codes de bâtiment traditionnels à ce dont vous avez parlé M. Trusty, un code du bâtiment écologique. Un projet de loi actuellement à la Chambre des communes vise à encourager le gouvernement à utiliser plus de bois dans la construction non résidentielle. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
Croyez-vous que c'est un pas dans la bonne direction que de promouvoir ce code écologique, en sachant que les Canadiens sont, par habitant, les plus grands consommateurs de produits du bois? Sommes-nous sur la bonne voie lorsque nous encouragerons l'utilisation de produits du bois dans des bâtiments industriels et commerciaux?
M. Trusty : Comme je l'ai dit dans mon exposé, je recommande ça plutôt qu'une simple politique visant à utiliser le bois d'abord. Pourquoi? Ça crée une énorme opposition dans les industries concurrentes. Ce qui semble être une bonne idée pour améliorer les perspectives d'une industrie se transforme en patate chaude sur le plan politique. Je crois comprendre que c'est ce qui est arrivé en Colombie-Britannique.
J'ai contribué à certains aspects du développement de ce code écologique pour les matériaux aux États-Unis. Je peux vous dire que les industries concurrentes s'opposent même à l'évaluation du cycle de vie, parce qu'elles savent qu'elles ne font pas aussi bonne figure. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais c'est manifestement le cas.
Je suis un ardent défenseur de l'idée d'exiger une analyse environnementale et une évaluation du cycle de vie comme méthode acceptée partout dans le monde, et de voir qui bénéficie de la situation. Le bois en profitera sans aucun doute pour certaines applications. Tous les bâtiments sont fabriqués à partir d'un mélange de matériaux différents. À l'institut, nous avons toujours été favorables à l'utilisation optimale de chaque matériau dans un bâtiment. Je ne suis pas nécessairement un défenseur du bois, je prône plutôt une analyse et une approche adéquates. C'est la clé du succès à mon avis.
La deuxième étape passe par les codes. Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Il y a de nombreuses années, je travaillais avec le Building Research Establishment. Nous avions un protocole d'entente avec eux au Royaume-Uni. Ils avaient un vieux hangar à dirigeables au nord de Londres, sur la côte. Dans ce hangar, ils ont construit un bâtiment de plusieurs étages en acier et un bâtiment de plusieurs étages en bois. Ça vous donne une idée de la taille de ce hangar. Puis, ils ont mis le feu à ces bâtiments. Le bâtiment en bois a résisté un bon moment et on pouvait y entrer de façon sécuritaire. L'acier s'est affaissé et a fait tomber les murs.
Lorsque nous étudions nos codes, il semble que le feu ait joué un rôle majeur, si je comprends bien. Je ne suis pas un expert. Toutefois, le simple fait que le bois soit combustible ne signifie pas que les bâtiments en bois s'écroulent plus vite. Dans ce pays, nous avons essayé les coffrages à béton isolants avec un moule sur les deux côtés du béton. Dans un incendie, je crois que c'était à Montréal, le béton a explosé jusqu'à 60 pieds plus loin lorsque le feu l'a atteint, parce que la mousse a fondu si rapidement que l'humidité dans le béton n'avait nulle part où aller, et ça a explosé. Notre industrie dans ce pays travaille à régler ça par l'utilisation de polymères, qui vont fondre également et ainsi créer des poches d'air.
Là où je veux en venir, c'est que nous devons aborder la question des codes du point de vue de la santé et de la sécurité. Lorsque nous faisons ça, nous avons un chemin beaucoup plus large vers un bâtiment de neuf étages avec des systèmes structuraux en bois d'œuvre, par exemple, ou un bâtiment de six étages. Il faut régler ces questions, et nous devons sortir de la mentalité qui dit qu'on fait les choses ainsi depuis trop longtemps pour les changer, à mon avis. Comme je disais, je ne suis pas un expert en codes. Je ne fais que vous donner une idée de ce que je constate et de ce que j'entends.
Le président : Voilà qui est bien dit, monsieur Trusty. Est-ce que d'autres témoins ont quelque chose à ajouter?
M. Innes : La Colombie-Britannique fait la promotion de la construction de bâtiments de six étages, en Chine, avec beaucoup de succès. Les codes existent en Chine pour faire ça, avec du bois de la Colombie-Britannique. Il y a des bâtiments de neuf étages en construction à Londres, et des bâtiments en bois de douze étages sont mêmes en construction. Les bâtiments à plusieurs étages en bois ont beaucoup d'avenir.
M. Crotogino : Je suis d'accord avec le premier commentaire sur les industries traditionnelles. Les possibilités d'innovation sont énormes dans le domaine des matériaux de construction en bois. Je vais à nouveau vanter les mérites des composites polymères. Le Parallam est un composite intéressant fait de bois et d'adhésifs de polymères. Pour les renforcer, vous pouvez ensuite amincir les colonnes. Vous pouvez créer des structures qui n'étaient pas possibles auparavant. Par la suite, une fois que vous avez créé ça, vous pouvez évidemment passer au code. L'industrie doit innover dans ce domaine et développer de nouveaux produits de construction emballants que personne d'autre ne peut faire.
Le président : Monsieur Crotogino, à la page 16, sous le thème des pièces d'automobile à cibler de nos jours pour la biotransformation, vous montrez des pièces d'automobile. Que fait l'industrie canadienne à cet égard? Que fait Magna? Où en sommes-nous quant à l'utilisation de la nanotechnologie pour fournir ces types de pièces d'automobile dans un horizon de un à cinq ans?
M. Crotogino : Il y a une forte volonté de la part des fabricants de pièces d'automobile, comme Magna Woodbridge, vers le développement de pièces à partir de composites polymères légers. L'utilisation de nanomatériaux va augmenter la résistance de ces composites, permettant ainsi de réduire le poids encore davantage. Ça ne fait que commencer. Les nanomatériaux comme des nanotubes de carbone sont chers et sont généralement à base de pétrole.
Notre objectif est d'essayer de faire entrer dans ces composites des éléments comme la cellulose nanocristalline et de remplacer la fibre de verre par des fibres ou des produits naturels. L'industrie y consacre beaucoup d'efforts, tant au Canada qu'au sud de la frontière. Il y a beaucoup d'activité aux États-Unis. Ils n'en font pas la publicité tant que ça ne sort pas dans une automobile. Je dois dire que, quand j'ai commencé à travailler dans l'industrie de l'automobile, j'ai été agréablement surpris par le degré d'innovation, notamment dans le domaine des pièces, au Canada. Ils sont très réceptifs face à notre approche. Nous avons hâte de collaborer activement avec eux, par l'entremise de l'Ontario BioAuto Council, pour arriver à ces résultats. Ça ne s'est pas fait encore.
Le sénateur Braley : Quel type de pièces?
M. Crotogino : Évidemment, l'idée est de commencer par l'intérieur de l'automobile, par des pièces qui ne sont pas essentielles à la sécurité du conducteur, les garnitures de toit ou les sièges de voiture, par exemple. À l'heure actuelle, le soya est souvent utilisé comme matière naturelle pour fabriquer la mousse. Nous voulons travailler avec eux pour renforcer cette mousse à l'aide de cellulose nanocristalline. Les planchers de coffres, quant à eux, sont faits en papier.
Le sénateur Braley : J'ai une idée. À quel point êtes-vous rentable pour ce qui est du prix des matériaux?
M. Crotogino : Ils sont concurrentiels, car ils ne peuvent les intégrer s'ils ne le sont pas.
Le sénateur Braley : Sont-ils concurrentiels actuellement? Ils n'en font qu'une tonne après tout.
M. Crotogino : Non, les composites polymères qu'ils utilisent actuellement dans les voitures sont concurrentiels sur le plan des coûts. Nous devons faire entrer nos matériaux dans ce processus.
Le sénateur Braley : Est-ce qu'on s'approche de la rentabilité?
M. Crotogino : La cellulose nanocristalline sera sans aucun doute rentable. Si vous prenez l'efficacité par rapport au coût, ce sera mieux que les nanotubes de carbone.
Le sénateur Braley : L'avez-vous utilisée dans les domaines de l'aluminium et dans les cas où vous voulez que les couches servent de matériaux de remplissage, et qu'avez-vous fait pour renforcer leur profil?
M. Crotogino : FPInnovations a fait du travail préliminaire pour tester le renforcement de polymères. Les résultats que j'ai vus dans certains domaines sont que l'utilisation de 2 p. 100 de ce matériau peut tripler la résistance.
Le sénateur Braley : Donc, la vraie question est de savoir si c'est usinable par la suite.
M. Crotogino : Oui, c'est usinable, dans la mesure où les polymères sont usinables.
Le sénateur Mahovlich : À un moment donné, on en vient au fait qu'on ne peut avoir une automobile trop légère. Elle doit faire un virage donné à un poids donné, donc elle ne peut être trop légère. Y a-t-il un code qui dit qu'une automobile ou un hélicoptère ne peut peser moins de 500 livres? Un hélicoptère doit affronter le vent, les ouragans, et pouvoir assurer la sécurité des passagers. Il doit peser un certain poids, on ne peut pas trop l'alléger.
M. Crotogino : Je ne pense pas que nous soyons rendus là du tout.
Le sénateur Mahovlich : Vous y arriverez.
M. Crotogino : Vous parliez des hélicoptères. Ils transportent des charges. Plus vous réduisez le poids de l'hélicoptère lui-même, plus la charge qu'il peut transporter est élevée.
Si vous prenez l'exemple des voitures de Formule 1, les gens dans ce domaine tentent constamment de réduire leur poids, et les voitures vont très vite. Je ne crois pas que nous ne soyons d'aucune façon près du point où le poids minimal sera un problème.
Le sénateur Mahovlich : Quand je conduis une voiture, pour une raison ou une autre je me sens plus en sécurité si elle est lourde.
Le sénateur Robichaud : Vous transportez une grosse charge.
Le sénateur Mahovlich : Je suis un gros bonhomme.
Le sénateur Raine : Le sénateur Braley a demandé si c'était usinable, et vous avez répondu que oui, dans la mesure où les polymères étaient usinables. C'est exact?
M. Crotogino : Oui.
Le sénateur Raine : Ce que je comprends, c'est que les nanoparticules sont faites de minuscules morceaux. Si, par exemple, vous fabriquez une raquette de tennis dans un nanomatériau et que vous devez en scier le bout, ça fait de la poussière. Est-ce que cette poussière devient un danger pour les gens qui travaillent sur la chaîne d'assemblage?
M. Crotogino : Le bureau devant vous est fait dans un matériau qui est composé d'au moins 40 p. 100 de cellulose nanocristalline. Nous voyons ce matériau partout. Oui, si nous ne portons pas de masque, la poussière sera nocive pour nous.
La réponse à votre question se trouve dans la manière dont nous intégrons ces matériaux à la matrice des polymères. Dame nature a fait un travail formidable en faisant ça avec le bois. C'est très difficile d'extraire ces particules. C'est pourquoi nous avons mis autant de temps à fabriquer ce matériau. Ce que nous devons faire dans le cas des produits, c'est nous assurer que c'est bien intégré de façon à ce que ces problèmes dont vous parlez ne se produisent pas. Le processus de réglementation, dans ces domaines de la santé et de la sécurité, sera respecté pour chaque produit. La cellulose nanocristalline est en cours de certification comme produit. Elle doit passer une incroyable batterie de tests environnementaux. D'ailleurs, elle réussit ces tests avec brio.
Une fois que ce matériau est intégré dans un produit, le produit doit être testé lui aussi. Il existe des processus de réglementation tout au long de l'opération. Il y a une certaine inertie à combattre dans l'introduction de nouveaux matériaux, et c'est pourquoi j'ai dit que ce doit être mieux.
Le président : Nous avons reçu le président de la banque Toronto-Dominion, M. Thompson, plutôt cette semaine. Il a dit qu'ici nous dépassions plusieurs limites lorsque nous envisageons d'adopter des innovations issues de la nanotechnologie, de modifier les codes traditionnels pour favoriser l'analyse des empreintes écologiques. Il a dit que nous faisions face à un important défi par rapport au capital de risque.
D'après votre expérience, nous aurons besoin d'investisseurs en capital de risque dans l'avenir. Avez-vous une opinion à ce sujet?
M. Crotogino : La réponse est que oui, nous en aurons besoin. Nous aurons à créer les possibilités et à leur expliquer. Il faut que nous ayons en main une proposition d'affaires intéressante. C'est pourquoi nous devons commencer par le produit, par la vision, et utiliser ça avec la recherche pour présenter une analyse convaincante et stimuler leur imagination. C'est la seule façon d'attirer du capital de risque dans ce secteur.
M. Trusty : Je ne connais pas grand-chose au capital de risque, mais si j'étais un investisseur de ce type de capital, je serais inquiet parce que c'est une industrie, l'industrie forestière je veux dire, à laquelle le public se sent en quelque sorte lié, c'est l'idée de couper des arbres. Les gens vont acheter un arbre de Noël en plastique plutôt qu'un qui a été cultivé comme du maïs pour être un arbre de Noël, tout le monde le sait. C'est une question de perception et de sensibilisation du public.
Au Canada, les forêts occupent une plus grande superficie qu'en 1900, il me semble. Est-ce que c'est une affirmation raisonnable? Est-ce que le public comprend ça? Je ne crois pas. Le public pense que c'est une industrie destructrice. Pour ce qui est du message sur le réchauffement climatique, beaucoup de données internationales et canadiennes montrent que la séquestration de carbone dans les produits de construction et d'autres produits à base de bois est un grand atout pour ralentir le processus de réchauffement climatique. Est-ce que le public comprend ça? Est-ce que les médias comprennent ça? Je ne pense pas, pas vraiment en tout cas.
Avec la perception que l'industrie est destructrice plutôt que constructive, est-ce qu'un investisseur de capital de risque va placer son argent dans cette industrie plutôt que dans un nouveau produit en plastique qui aura un vaste marché? Je suppose que non. Nous devons diffuser cette information. Il nous manque cette étape importante, c'est-à- dire de communiquer quelle est vraiment la situation.
M. Innes : Je crois que les investisseurs de capital de risque pourraient jouer un rôle crucial dans l'aide aux entreprises en démarrage, particulièrement les entreprises en démarrage qui découlent de projets de recherche émanant de diverses agences qui font de la recherche, pas uniquement les universités. Ces investisseurs pourraient jouer un rôle plus important que le gouvernement à cet égard. Il y a de l'aide pour les entreprises en démarrage. Les investisseurs pourraient, en plus de l'aide elle-même, fournir des conseils pour faire cheminer le produit en développement jusqu'au marché et pour s'assurer que le marketing du produit se fait.
Le président : Je fais un parallèle avec le panier en bois. Si nous voulons améliorer la qualité du panier en bois, il ne fait aucun doute que nous devons retourner dans les forêts pour de meilleurs semis, de meilleures pratiques de gestion des forêts, une meilleure certification, et ainsi de suite.
Monsieur Innes, pouvez-nous nous parler davantage de l'idée d'un réseau de gestion durable des forêts? Qui devraient être ou qui seraient les acteurs?
M. Innes : Je ne suis pas sûr de comprendre tout à fait votre question, mais le réseau de gestion durable des forêts, les centres d'excellence, a fonctionné pendant deux périodes consécutives. Il est maintenant fermé.
Vous avez parlé tout à l'heure de l'amélioration des arbres. Les forêts naturelles sont l'une des choses dont le Canada a toujours été fier. C'est pourquoi l'accent n'a pas vraiment été mis sur d'importantes améliorations des arbres. La Colombie-Britannique exige l'utilisation de semis améliorés dans ses projets de régénération. D'autres provinces l'exigent peut-être aussi. Je ne suis pas très au courant des règlements dans les autres provinces.
Les importants gains obtenus grâce à l'amélioration génétique des arbres visent généralement la foresterie de plantation. Il s'agit d'une pratique peu courante dans l'ouest. Cette pratique est beaucoup plus présente ici au Nouveau-Brunswick notamment, et au Québec et en Ontario aussi. C'est là que vous pourriez voir d'importants gains de productivité.
Je crois qu'un réseau de centres d'excellence pour l'intensification des activités forestières serait d'une grande valeur. Un centre visant à accroître l'utilisation des arbres améliorés dans tout le secteur forestier serait utile.
M. Trusty : Sénateur, vouliez-vous dire que nos mécanismes de certification forestière ne sont pas suffisants?
Le président : Non, je crois que c'est effectivement suffisant pour ce qui est des marchés, que ce soit dans les Loblaw ou les Home Depot en Amérique du Nord. Ils exigent que leurs fournisseurs soient certifiés. Je suis d'accord avec la certification.
M. Trusty : Excellent. Je crois que je peux affirmer que notre pays a la forêt la plus certifiée au monde grâce aux trois systèmes, à savoir FSC, SFI et CSA. Ils sont tous très présents dans notre pays.
Le président : Pour ma dernière intervention et ma dernière question, vous pouvez y répondre et ensuite nous faire parvenir vos commentaires.
Concernant ce qu'on appelle les semences génétiquement modifiées, nous devons garder à l'esprit que, en commerçant dans les marchés nord-américains, et en pénétrant les marchés européens, notre certification doit garantir notre capacité à démontrer que nous avons les meilleures forêts et les forêts les mieux gérées.
Toutefois, pour ce qui est des semis génétiquement modifiés, le Comité de l'agriculture et des forêts a remarqué que l'utilisation de semences génétiquement modifiées fait véritablement une différence sur le marché. Nous l'avons constaté avec les frites de McDonald's. Nous avons vu McCain devoir prouver ce qui se déroulait dans ses laboratoires. L'entreprise a confirmé qu'elle n'utilisait pas de semences génétiquement modifiées.
Quant au secteur forestier, ne pourrions-nous pas faire face aux mêmes défis si nous tentons de le gérer? De plus, si nous prenons l'exemple du programme de sylviculture, est-ce qu'il aurait une incidence sur notre part de marché ou sur les marchés émergents que nous voulons pénétrer?
M. Innes : Toute la question des semis et des arbres génétiquement modifiés est manifestement controversée. Il existe actuellement un moratoire sur leur utilisation dans la plupart des pays. Il est important de faire la distinction entre d'une part les arbres génétiquement modifiés, dans lesquels sont insérés des gènes d'une autre espèce, par exemple pour les rendre plus résistants aux sécheresses, aux parasites ou au gel, et d'autre part les arbres améliorés, qui eux ont simplement été sélectionnés par un processus normal, de la même manière que nous le ferions pour l'élevage de chiens, de chats ou de bétail.
Pour ce qui est des arbres génétiquement modifiés, la Chine est le seul pays, à ma connaissance, à les utiliser. Autant que je sache, ils ne sont utilisés nulle part ailleurs de façon commerciale. Certains essais ont été entrepris, mais se sont confrontés à une vive opposition.
Selon les généticiens avec lesquels je travaille, la plus grande critique concernant leur utilisation repose sur les dangers potentiels. Toutefois, ils ne sont pas autorisés à tester ces dangers. Ils se trouvent dans une impasse quant à la manière de procéder, car la simple hypothèse de leur utilisation fait l'objet d'opposition. Si les arbres génétiquement modifiés venaient à être utilisés au Canada, des préoccupations bien réelles seraient soulevées et, probablement, à de nombreuses barrières commerciales et barrières à leur utilisation s'élèveraient. Ils ne sont certainement pas reconnus par les systèmes de certification, par exemple.
Le président : Merci, monsieur Innes. Est-ce que les autres témoins souhaitent ajouter quelque chose?
M. Crotogino : Je crois que le Canada profite d'un énorme avantage grâce à sa diversité forestière. Je pense que l'industrie des produits forestiers, du point de vue de l'exploitation de cette diversité et de l'accent placé sur le recours aux meilleures solutions disponibles, est à peu près au point où notre industrie du blé était il y a environ 100 ans. En choisissant la meilleure espèce de blé pour augmenter la productivité et améliorer la qualité, nous avons fait d'incroyables progrès dans cette industrie. Je crois que des possibilités restent à être exploitées dans nos forêts si nous propageons les bons arbres et laissons de côté les moins bons. Nous n'avons pas besoin de la modification génétique pour y arriver. Selon moi, il est important de faire une bonne sélection, et FPInnovations offre un programme solide permettant de déterminer les facteurs à favoriser dans le bois et en fonction desquels nous devrions orienter la foresterie.
Le président : Au nom des honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à témoigner devant nous ce matin. Vos exposés étaient très intéressants et instructifs.
(La séance est levée.)