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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 9 - Témoignages du 26 octobre 2010


OTTAWA, le mardi 26 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 heures pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte et souhaite aux sénateurs et aux témoins la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Percy Mockler, président du comité.

[Français]

Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui les représentants de Ressources naturelles Canada, M. Jim Farrell, sous-ministre adjoint, Service canadien des forêts.

[Traduction]

Nous souhaitons également la bienvenue à M. Tom Rosser, directeur général, Direction de la politique, de l'économie et de l'industrie, Service canadien des forêts, Ressources naturelles Canada.

Le comité poursuit son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir du secteur forestier du Canada. Nous examinons plus particulièrement le rendement d'anciens programmes relatifs au secteur forestier et la forêt canadienne comme puits ou source de carbone.

Avant de demander aux témoins de présenter leur exposé, je voudrais inviter les sénateurs à se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je suis Fernand Robichaud, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Je suis Frank Mahovlich, de l'Ontario.

Le sénateur Fairbairn : Je suis Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Ogilvie : Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Eaton : Je suis Nicole Eaton, de l'Ontario.

Le sénateur Martin : Je suis Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le président : Je vous remercie. Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation. Notre greffière m'a dit que M. Farrell présentera le premier exposé. Les exposés seront suivis par une période de questions et réponses.

Jim Farrell, sous-ministre adjoint, Service canadien des forêts, Ressources naturelles Canada : Nous souhaitons vous présenter un aperçu des réponses données par le ministère aux demandes générales qui lui ont été adressées en laissant bien sûr le plus de temps possible aux membres du comité pour qu'ils puissent poser des questions.

Je voudrais commencer par remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Sur la diapositive 2, nous essayons de présenter un aperçu du secteur. Je crois que j'étais ici il y a moins d'un an, et je trouve moi-même remarquable à quel point la situation a changé depuis.

En contexte, nous tenterons de vous indiquer où en sont les choses sur le plan économique. Nous parlerons des divers programmes, dont la plupart demeurent en vigueur cette année. Comme on a également soulevé la question des stratégies forestières nationales du Canada, je vais aussi en parler. Ensuite, mon collègue, M. Rosser, abordera la question du carbone de la forêt.

Je vais commencer par un aperçu du secteur. Comme vous le savez sans doute, les quelques dernières années ont été difficiles pour le secteur forestier. À bien des égards, nous avons été témoins des premiers indices dès 2002. Par exemple, depuis 2002, la valeur du dollar canadien augmenté de plus de 50 p. 100. C'est un facteur pertinent parce que cette hausse est calculée par rapport au dollar américain et qu'en grande majorité, nos ventes — surtout en papier journal et en bois d'oeuvre résineux — sont destinées au marché américain. La hausse du dollar fait que notre bois est plus coûteux par rapport à ce que les États-Unis peuvent obtenir autrement pour leur argent.

Pendant à peu près la même période, nous avons assisté à une réduction de 50 p. 100 de la demande de papier journal. Cette baisse représente environ 6 millions de tonnes de papier journal, soit l'équivalent de la production d'une quinzaine de grandes usines. Comme vous l'avez sûrement constaté, il y a eu des réductions en Ontario, au Québec et dans le Canada atlantique, surtout dans le domaine du papier journal. D'une façon générale, l'Est du Canada dépend plus que les autres régions du papier journal, ce qui a eu des conséquences pour les travailleurs et les collectivités, à part les effets sur le secteur lui-même. D'après nos statistiques, sept entreprises de produits forestiers ayant une capacité de production au Canada ont invoqué la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour éviter de déclarer faillite. Certaines ont réussi à se tirer de ce mauvais pas, mais d'autres, comprenant surtout des producteurs de papier journal, demeurent assujetties à la loi.

De tout temps, les mises en chantier ont constitué le principal indicateur de la santé de tout le secteur canadien du bois de sciage. Nous avons assisté, au cours des deux dernières années, à une baisse de plus des deux tiers des mises en chantier aux États-Unis. Elles sont en effet passées d'un maximum de 1,7 million à quelque 600 000.

En même temps, nous avons été témoins, plus récemment, d'une hausse d'environ 33 p. 100 des prix du bois de sciage. Le prix de la pâte a aussi augmenté légèrement dans les deux dernières années. Nous avons eu en outre davantage d'investissements dans les établissements de pâtes et papiers, surtout au Canada et principalement à cause des fonds publics de relance.

Il y a une lueur d'espoir qui grossit de plus en plus pour le secteur des produits forestiers. Il s'agit de la Chine. En 2009, les exportations canadiennes de produits forestiers à la Chine s'élevaient à 1,6 milliard de dollars. En valeur, par exemple, les exportations de pâte se classaient en première position parmi les produits que nous vendons à la Chine. Le bois de sciage était cinquième. La croissance de nos exportations de bois de sciage a été quasi exponentielle, et toutes les prévisions indiquent que la croissance se maintiendra en 2011.

Du côté des investissements, des engagements ont été pris dans les budgets fédéraux de 2009 et de 2010 en vue de la diversification des marchés canadiens, sans compter les investissements dans l'amélioration de la capacité d'innovation du secteur. Nous avons par exemple le Programme sur les technologies transformatrices, qui prévoit essentiellement des investissements à faire de concert avec des partenaires de recherche tels que FPInnovations pour passer à l'étape suivante, c'est-à-dire faire la transition entre les produits de base et les nouveaux produits. Cela devrait nous ouvrir de nouveaux débouchés.

Dans la diapositive suivante, nous parlons plus précisément du Programme d'écologisation des pâtes et papiers. Il s'agit d'un investissement d'un milliard de dollars annoncé en 2009, que nous sommes en train de faire actuellement.

Il y a enfin les Investissements dans la transformation du secteur forestier ou ITSF.

À bien des égards, ces trois programmes s'imbriquent les uns dans les autres. Le premier vise à créer de nouvelles options en matière de produits, dont beaucoup se trouvent au stade des essais ou du projet pilote. Le Programme d'écologisation des pâtes et papiers a pour but de reconstituer l'infrastructure et l'actif du secteur canadien des pâtes. Enfin, l'ITSF doit faire passer les projets pilotes au stade de la production commerciale pour toute une série de produits, tant dans le secteur des pâtes et papiers que dans celui du bois massif.

La seconde série de programmes vise la diversification de nos débouchés pour que nous n'ayons plus à compter autant sur le marché américain. L'initiative dite du Bois nord-américain d'abord a pour but d'élargir le marché. Au Canada, le secteur du bois de sciage dépendait presque exclusivement de la construction domiciliaire. Dans le cadre de cette initiative, on cherchera des applications du bois dans la construction non résidentielle, qu'il s'agisse de bâtiments abritant des établissements ou de construction au détail, tant au Canada qu'aux États-Unis. Certains progrès ont été réalisés, notamment chez nos voisins du Sud, grâce à des entreprises telles que McDonald's et Ultramar, qui ont cherché à inclure davantage de bois dans la conception et la construction de leurs bâtiments partout aux États-Unis.

Nous avons participé depuis 2001-2002 au Programme canadien d'exportation des produits de bois, qui vise principalement les marchés d'outre-mer. Nous avons commencé par établir quelques centres, dont un en Europe et un autre en Asie du Sud-Est. Les investissements en Asie du Sud-Est, surtout en Chine et, dans une certaine mesure, en Corée, ont donné des résultats vraiment remarquables. Ce sont surtout des entreprises de l'Ouest qui s'occupent de ces marchés, à cause des contraintes de transport. Toutefois, le marché nord-américain est assez grand pour que toute exportation à destination d'un autre marché crée des débouchés pour d'autres producteurs canadiens. Cela est d'autant plus vrai que le marché nord-américain est actuellement en baisse.

Valeur au bois est un programme de transfert de recherche-développement qui permet de placer des experts surtout dans des petites et moyennes entreprises afin de renforcer leur compétitivité dans les produits à valeur ajoutée. Il s'agit de PME qui s'occupent tant de bois dur que de bois résineux. C'est dans une grande mesure un marché intérieur, mais aussi un marché en croissance aux États-Unis.

Le Programme d'écologisation des pâtes et papiers est fondé sur des modèles américains. Il est conçu pour renforcer la compétitivité environnementale du secteur de la pâte de papier et se base sur l'hypothèse que, pour aller au-delà de la production de pâte brute, l'un des premiers défis à surmonter est d'améliorer les rendements énergétiques.

La production de papier journal et de pâte dépend énormément de l'apport d'énergie. Les sources traditionnelles d'énergie peuvent être remplacées par l'énergie tirée de la biomasse. On peut imaginer, dans un avenir pas trop lointain, un secteur de pâte de papier qui serait non seulement indépendant des sources traditionnelles d'énergie, mais qui constituerait en outre un producteur net d'énergie verte. Nous voyons de plus en plus d'usines faire la transition vers de nouveaux modes de fonctionnement dans lesquels elles tirent un revenu de la production d'énergie.

L'étape suivante nous permettra d'accéder à une plus vaste gamme de bioproduits. Au cours des trois à cinq prochaines années, nous verrons, je crois, de plus en plus de sociétés du secteur traditionnel de la pâte de papier former des partenariats avec des entreprises d'énergie ou d'autres sociétés de bioproduits — par exemple, des sociétés de produits chimiques et de production de matériaux — pour créer une nouvelle gamme différente de bioproduits à base de fibre de bois.

Sur le milliard de dollars d'investissement, des projets d'une valeur approximative de 800 millions de dollars sont déjà en négociation. Nous nous attendons à ce que la totalité du milliard soit engagée dans les trois à cinq prochains mois.

Le comité est à l'origine du point suivant concernant les stratégies forestières nationales. Comme vous le savez, la gestion des forêts relève intégralement des provinces. En 1985, les ministres responsables des forêts ont créé le Conseil canadien des ministres des forêts. L'un des premiers points inscrits à l'ordre du jour du Conseil était l'élaboration d'un programme décrivant les forêts et leur gestion sur une base nationale.

Les provinces avaient en effet pris conscience du fait que la réputation environnementale du Canada à l'étranger est une réputation « canadienne » qui n'est pas rattachée à une région particulière du pays : cela revenait à dire que la totalité des provinces et des territoires se trouvaient dans le même bateau et que la force de tout le groupe était celle du chaînon le plus faible. Cela a entraîné la mise au point d'une série de stratégies en 1987, 1992, 1996 et 2003.

C'est seulement vers la fin de 2008 que les ministres ont élaboré et approuvé une stratégie parlant essentiellement de deux grands défis auxquels tout le pays est confronté : d'abord, la transformation économique et industrielle du secteur; ensuite, les effets des changements climatiques et les mesures d'adaptation. Nous pouvons constater que certains des grands effets se répercutent sur la nature, la croissance et l'étendue des forêts du Canada. Si vous avez des questions à poser au sujet de la stratégie, je serai heureux de revenir sur cette question plus tard.

Pour le moment, je vais peut-être demander à M. Rosser d'aborder la question du cycle du carbone dans le contexte des forêts du Canada.

[Français]

Tom Rosser, directeur général, Direction de la politique, de l'économie et de l'industrie, Service canadien des forêts, Ressources naturelles Canada : Monsieur le président, vous avez mentionné, en début de séance, que l'une des questions que le greffier du comité nous a demandé d'étudier, c'est le carbone dans nos forêts.

[Traduction]

Les forêts sont-elles un puits ou une source de carbone? Je commence par noter que les forêts, au Canada comme partout ailleurs dans le monde, jouent un rôle important dans le cycle du carbone et constituent un énorme bassin de stockage du carbone. Quand nous parlons d'une forêt comme puits, nous voulons dire en général que le bassin de carbone grandit d'année en année. Par ailleurs, si la forêt rétrécit, elle devient une source.

Quels sont les facteurs qui font qu'une forêt est une source plutôt qu'un puits? Ces facteurs sont nombreux. Certains d'entre eux, comme l'exploitation et la gestion forestière, dépendent des activités humaines tandis que d'autres, comme les incendies et les insectes, font partie de cycles naturels.

La recherche scientifique a défini un certain nombre de mécanismes potentiels pouvant permettre aux forêts de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la lutte contre les changements climatiques. Par exemple, le boisement, qui consiste à planter des forêts sur des terres agricoles marginales ou des terres qui ne sont pas utilisées à des fins forestières, est un moyen d'augmenter la consommation de carbone dans les forêts.

La déforestation, ou destruction permanente des forêts, contribue énormément aux émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Sa contribution est de l'ordre de 17 p. 100. C'est un phénomène presque exclusivement tropical. Tous les pays ont un certain degré de déforestation par suite de différentes activités : agriculture, aménagement urbain, et cetera. En fonction des normes mondiales, la déforestation est très faible au Canada. Il n'en reste pas moins que la réduction du taux de déforestation constitue un autre moyen de lutte contre les changements climatiques basé sur la gestion des forêts.

Par ailleurs, il y a de bonnes raisons de croire que l'utilisation de biocarburants et de bioénergie peut freiner les changements climatiques si la bioénergie ou l'énergie tirée de la biomasse forestière est substituée à des sources d'énergie à plus grand pouvoir émissif. De plus, le carbone est stocké dans les produits de la forêt que nous appelons, dans notre jargon, les produits de la récolte du bois. L'idée, c'est qu'en produisant des meubles ou du bois de sciage à utiliser dans la construction d'un bâtiment, on stocke du carbone dans les produits en cause pendant des décennies ou plus. L'accroissement du volume de ces bassins de carbone que représentent les produits du bois est encore un autre moyen d'utiliser la forêt pour combattre les changements climatiques.

Je crois que les membres du comité ont chacun un exemplaire de la présentation que nous avons distribuée. Je vais passer à la diapositive 8, qui répond d'une façon directe à la question de savoir si les forêts du Canada constituent un puits ou une source de carbone.

La diapositive montre la variation des stocks de carbone dans les forêts aménagées du Canada entre 1990 et 2008. Vous pouvez voir que, dans la plupart des années, les forêts aménagées ont constitué un puits net de carbone. Autrement dit, elles ont absorbé plus de carbone qu'elles n'en ont émis. Toutefois, il y a quelques années dans lesquelles elles ont constitué une importante source.

Ce phénomène n'est pas principalement attribuable à l'activité humaine. Il dépend plutôt des incendies et des insectes. Par exemple, 1995 a été une année particulièrement marquée par les incendies, qui ont provoqué l'émission de 170 millions de tonnes d'équivalent CO2. Je dirai, pour vous situer, que cela représente en gros un quart des émissions du pays dans cette année particulière.

Vous noterez dans le graphique les colonnes vertes de plus en plus grandes des années récentes. Elles représentent les étendues de forêts touchées par les insectes. Comme vous l'aurez sûrement deviné, ce sont les effets du dendroctrone du pin ponderosa, qui a fait des ravages en Colombie-Britannique et en Alberta et a ainsi réduit le stockage du carbone dans les forêts canadiennes.

Pour ce qui est de l'avenir, c'est un domaine qu'il est vraiment difficile de prévoir. Les cycles des incendies et des insectes sont imprévisibles. Il faut ajouter à cela l'incertitude liée aux changements climatiques. Beaucoup d'experts du domaine croient que toutes les variables qui influent sur la question de savoir si nos forêts constituent un puits ou une source de carbone — rendement forestier, perturbations attribuables aux insectes et aux incendies et autres grandes variables — pourraient bien évoluer avec le temps à cause des changements climatiques. Il est donc difficile d'amener les experts à faire des prédictions comportant un degré raisonnable de certitude au sujet de l'avenir.

Le sénateur Eaton : Je vous remercie tous les deux. Monsieur Farrell, vous parlez, sur l'une de vos diapositives, de la production de nouvelle énergie renouvelable à partir de la biomasse forestière. S'agit-il de copeaux de bois? De centrales thermiques au bois? De l'utilisation des déchets des arbres abattus pour fabriquer des produits à valeur ajoutée ou des bioproduits? Qu'entendez-vous exactement par nouvelle énergie renouvelable produite à partir de la biomasse forestière?

M. Farrell : Parlez-vous d'une diapositive particulière?

Le sénateur Eaton : Oui, c'est la diapositive 5. Le sujet est complexe.

M. Farrell : Il l'est. Je dirai, pour vous répondre, que c'est tout ce que vous avez mentionné. Dans ce programme particulier, l'objectif central est d'augmenter le volume de l'énergie renouvelable produite dans les usines de pâte de papier pour qu'elles deviennent autonomes. L'objectif secondaire est de produire un excédent d'énergie pouvant être vendu au réseau. Beaucoup des services publics d'électricité du Canada offrent des encouragements à la production d'énergie verte ou d'énergie traditionnelle pouvant alimenter le réseau. Cet excédent d'énergie commence à produire des recettes pour les usines de pâtes et papiers de nombreuses régions du Canada.

Cela étant dit, les deux paliers de gouvernement font de grands efforts pour accroître le volume, la disponibilité et l'accessibilité des énergies renouvelables. Un certain nombre de provinces, dont l'Ontario, offrent des encouragements aux producteurs d'énergie, comme ceux qui fabriquent du granulé de bois et le vendent aux compagnies d'électricité pour produire de l'énergie verte. Il y a une industrie florissante du granulé de bois en Colombie-Britannique et en Alberta, surtout à cause des ravages causés par le dendroctone du pin ponderosa. Le granulé est exporté à l'Europe à cause des montants que certains pays européens versent pour encourager la production d'énergie de source non fossile.

Le sénateur Eaton : Ce ne sont pas vraiment des produits de bois à valeur ajoutée, n'est-ce pas?

M. Farrell : Non, ce sont des résidus.

Le sénateur Eaton : Nous parlons donc de déchets. Nous ne commencerons sûrement pas à faire passer cela avant la fabrication ou le développement de bioproduits.

M. Farrell : D'après nos analyses, la création de tout un secteur fondé sur l'utilisation d'arbres à transformer en granulé pour produire de l'énergie aboutit à un produit à faible valeur ajoutée.

Le sénateur Eaton : Je vous remercie.

Monsieur Rosser, je ne sais pas si cela fait partie de votre secteur de compétence, mais il y a quelque temps, le gouvernement de la Colombie-Britannique a décidé de protéger certains secteurs de forêt ancienne. La forêt ancienne n'est-elle pas en décomposition?

M. Rosser : Au risque de m'aventurer hors de mon domaine de compétence, je vous dirais que le débat entourant le cycle de récolte, les catégories d'âge des forêts et le moment où elles cessent d'être un puits pour devenir une source de carbone est extrêmement complexe et ne se prête pas à des réponses simples.

C'est d'ailleurs une complexité qui ne cesse de se compliquer. Du point de vue du climat, l'avantage de l'utilisation de la bioénergie réside non dans l'utilisation de la bioénergie elle-même, mais dans le fait qu'elle se substitue à des sources d'énergie à plus grand pouvoir émissif, ce qui contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela dépend du moment et de la perspective qu'on a. La question de savoir s'il vaut mieux, du point de vue du climat, récolter une forêt ou la laisser intacte dépend de l'utilisation qu'on compte faire du bois.

Le sénateur Eaton : Cela dépend de l'âge de la forêt.

M. Rosser : Oui, c'est sûrement un facteur.

Le sénateur Eaton : Je suppose que je devrais poser la question à un forestier. La question est peut-être un peu théorique. La notion de « forêt ancienne » provoque une levée de boucliers parmi les écologistes qui commencent alors à prendre les arbres dans leurs bras. Je me demande si les régions de la Colombie-Britannique considérées comme « forêt ancienne » ne sont pas en décomposition et ne constituent donc pas une source plutôt qu'un puits de carbone.

M. Farrell : Il y a beaucoup de bonnes raisons pour préserver des forêts. Le cycle du carbone n'en fait probablement pas partie. Dans la vie d'une forêt, il y a une courbe traditionnelle de croissance. Au sommet, les arbres vieillissent et commencent à se détériorer avant que la nouvelle forêt ne commence à croître. Toutefois, aux premiers stades, il y a une vigoureuse croissance qui consomme beaucoup de CO2. À ces stades, la forêt constitue un puissant puits de carbone.

Le sénateur Eaton : Je parle du stade supérieur.

M. Farrell : Il peut y avoir un stock important de carbone, mais c'est le changement net d'une année sur l'autre qui compte vraiment. Comme M. Rosser l'a indiqué dans son exposé, le changement est négatif parce qu'il y a plus de décomposition que de croissance.

Le sénateur Eaton : Vous confirmez donc que ces forêts devraient être récoltées parce que les arbres abattus entraîneraient le stockage du carbone dans des produits à valeur ajoutée. De plus, le reboisement devrait causer une croissance nouvelle et vigoureuse.

M. Farrell : Comme je l'ai dit, il y a quelques très bonnes raisons différentes de préserver la forêt ancienne, mais il est vrai que l'argument fondé sur le carbone n'est pas très persuasif.

Le sénateur Eaton : Quelles autres raisons?

M. Farrell : Les gens aiment regarder les grands arbres. Ils sont uniques. Je sais que j'aime moi-même le faire. Les forêts anciennes de l'Ouest abritent en outre des habitats irremplaçables, des écosystèmes vieux de 200 ou 300 ans. Ce sont des raisons légitimes.

Toutefois, l'idée de mettre une clôture autour d'une forêt pour protéger à jamais le carbone ne tient pas sur le plan scientifique. En fin de compte, les arbres meurent et sont remplacés par de nouveaux arbres. Sur un millénaire, nous aurons une alternance de puits et de sources.

Le sénateur Eaton : J'espère simplement qu'ils voudront bien nous dire la vérité lorsqu'ils prendront les arbres dans leurs bras.

[Français]

Le sénateur Robichaud : À la quatrième page de votre présentation, vous nous entretenez du développement des marchés; nous pouvons y lire : « Le bois d'Amérique du Nord d'abord ».

Quel est le rôle de Ressources naturelles à ce niveau? Quel rôle tenez-vous dans cette promotion du bois d'abord? Si l'on veut trouver une façon de mieux exploiter nos forêts et développer des alternatives dans l'utilisation du bois, il faut d'abord en faire la promotion, n'est-ce pas? Alors, pouvez-vous nous dire ce que le ministère fait à ce sujet?

M. Farrell : Selon moi, il y a deux rôles : premièrement, la promotion; ensuite, les normes et les standards.

[Traduction]

La promotion ne se limite pas à la publicité. Avec tout le respect que je dois aux ingénieurs, architectes et rédacteurs de devis, je dirais qu'il y a une tradition d'utilisation de l'acier et du béton dans la construction non résidentielle. Et ce n'est pas seulement aux États-Unis. On trouve le même parti pris au Canada. Le secteur a été très efficace dans la production de devis préétablis répondant à toutes les normes des codes nationaux et régionaux du bâtiment. Toucher les gens qui prennent ces décisions dans le processus d'élaboration des plans de bâtiments fait partie de l'aspect promotion des efforts à déployer.

L'autre aspect concerne l'existence de problèmes très dynamique liés aux normes et aux codes. Si le secteur du bois veut faire la promotion d'un produit à utiliser en construction non résidentielle, il lui incombe dans une grande mesure de faire tous les essais et toutes les vérifications nécessaires pour prouver que les produits satisfont aux normes de rendement dans une multitude d'applications. C'est le genre de travail qu'aucune entreprise ne peut faire seule et qui profite à tout le monde.

C'est là que nous sommes intervenus en partenariat avec l'industrie et les provinces. Dans quelques cas, certains de nos collègues américains s'intéressent aussi au développement de ce marché. Par conséquent, c'est à la fois une question de promotion et d'élimination des obstacles techniques entourant les normes et les codes.

Le sénateur Robichaud : La semaine dernière, un témoin a affirmé que nous avons besoin d'une base de données sur tous les produits dérivés du bois. Nous n'avons pas une telle base de données, qui aiderait les ingénieurs et les architectes lors de l'examen du cycle de vie d'un matériau.

En réalité, personne ne s'occupe vraiment de ce dossier. Qui va pouvoir créer la base de données et la tenir à jour? Votre ministère joue-t-il un rôle à cet égard? Croyez-vous qu'il a un rôle de ce genre à jouer?

M. Farrell : Nous pouvons essayer de faciliter ce travail. Les principaux concurrents, dans les domaines de l'acier et du béton, ce sont les associations industrielles et les compétences techniques qu'elles représentent. Nous avons par exemple le Conseil canadien du bois. Ses experts comprennent vraiment les normes, les codes et les dimensions techniques de ce dossier. Ils comptent en outre sur des organisations telles que le Conseil national de recherches et FPInnovations pour faire les essais relatifs aux codes.

Dans l'idéal, nous aurions à un moment donné une association industrielle nationale ou même binationale aussi bien équipée que celles des producteurs d'acier et de béton, en ce sens qu'elle disposerait d'une masse de données techniques accessibles sous forme informatique. Il serait alors beaucoup plus facile d'utiliser du bois que ce n'est le cas aujourd'hui.

Le sénateur Robichaud : Nous avons entendu dire que personne ne s'en occupe. Selon certains, ce serait la responsabilité du Conseil canadien du bois, mais d'autres disent qu'il faudrait peut-être confier ce domaine à une agence publique parce qu'il est extrêmement dynamique. Ce n'est pas un domaine statique. On peut bien garder les données, mais elles changent constamment. Il faut suivre toute l'information qui arrive et s'en servir pour mettre régulièrement à jour la base de données.

Les témoins ont eu tendance à dire, du moins la semaine dernière, que si une agence gouvernementale s'en occupait, ce serait très utile pour le secteur. Toutefois, j'ai cru vous entendre dire que nous ne devrions peut-être pas emprunter cette voie et que c'est plutôt l'industrie qui devrait s'en occuper.

M. Farrell : Les gouvernements, aux niveaux national et provincial et même, dans une certaine mesure, au niveau municipal, s'occupent de la réglementation. Ils définissent les règles régissant les normes de sécurité. Ils ont un important rôle réglementaire à jouer.

Je crois qu'il est utile que les gouvernements fassent la promotion de l'utilisation du bois, mais ils doivent être prudents s'ils s'occupent à la fois de réglementation et de promotion. Dans les autres secteurs, les promoteurs et les défenseurs ont tendance à se trouver du côté des producteurs, qui sont représentés par leurs associations industrielles. Toutefois, dans le domaine des produits forestiers, nous cherchons bien sûr à appuyer le secteur et faisons de notre mieux pour favoriser l'élaboration de ces normes. En définitive, je crois que c'est le secteur lui-même qui devrait prendre ces questions en main.

Le sénateur Robichaud : C'est un cercle vicieux, n'est-ce pas? Si on veut définir des normes, on a besoin de données concernant les produits dont il faut faire la promotion. En l'absence de données, sur quoi peut-on se fonder pour modifier les codes?

M. Farrell : C'est justement dans ce domaine que nous investissons maintenant, afin de définir les normes et les codes relatifs aux diverses applications des modèles et des produits en bois utilisés dans la construction aussi bien résidentielle que non résidentielle. Une fois cela fait, il incombera aux associations industrielles respectives de faire la promotion de leurs produits en vue de les vendre.

Le sénateur Robichaud : Vous dites que vous faites déjà cela?

M. Farrell : Les normes et les codes? Nous consacrons à cela l'essentiel de notre financement.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur Rosser, je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Eaton parce que je crois qu'il est important pour nous de bien comprendre ce domaine. Vous nous avez présenté beaucoup de renseignements dans votre document et dans vos réponses. J'aimerais essayer de comprendre clairement.

Je voudrais commencer par le graphique de la diapositive 8. Si j'ai bien compris, la ligne horizontale marquée 0 représente le point d'équilibre d'une forêt du Canada, c'est-à-dire le point auquel le carbone absorbé est égal au carbone émis. Est-ce exact?

M. Rosser : C'est exact. C'est le régime d'équilibre où le bassin est stationnaire, c'est-à-dire ni en hausse ni en baisse.

Le sénateur Ogilvie : C'est ce que je pensais, mais je voulais en être certain.

Cela m'amène à une réponse que vous avez donnée à une question très claire du sénateur Eaton. J'aimerais revenir là-dessus. Je vais vous poser le problème de la façon suivante. Prenons une acre de forêt. Si j'ai bien compris votre réponse — intuitivement, je l'ai trouvée parfaitement compréhensible —, si on plante une nouvelle forêt, elle absorbera une importante quantité de CO2 pendant un certain nombre d'années tandis qu'elle est en croissance. Ensuite elle atteindra son régime d'équilibre, le carbone absorbé étant égal au carbone émis.

Après un certain temps, la décomposition intervient pour une raison ou une autre. En réalité, nous avons un accès de croissance pendant lequel la forêt est un puits net, après quoi nous atteignons un état d'équilibre et, en fin de compte, la forêt devient une source nette de carbone.

Il y a quelques sites web — dont je ne donnerai pas l'adresse — sur lesquels des groupes environnementaux cherchent à vendre l'idée de planter des arbres en contrepartie d'émissions de carbone. J'ai essayé d'obtenir de ces groupes des renseignements sur l'équivalent CO2 d'une acre de forêt, mais aucun n'a réagi. Aucun n'a voulu répondre à ma question. C'est vraiment dommage parce que c'est un problème. La réalité, c'est que sur le cycle de vie d'une forêt, il n'y a en général pas de stockage net. Je n'essaie pas de faire des affirmations dans l'absolu, mais je crois que c'est vrai d'une façon générale.

J'aimerais maintenant revenir à votre suggestion. Si j'ai bien compris, vous avez mentionné la possibilité de convertir des terres marginales en forêts, ce qui assurerait l'absorption du carbone au moins au cours de l'accès initial de croissance. A-t-on fait des analyses pour établir que les arbres absorbent sensiblement plus de carbone dans leur période initiale de croissance que des plantes plus petites, comme des herbes, des buissons, et cetera, de sorte qu'il y a un gain net en régime d'équilibre et à long terme?

M. Rosser : Voulez-vous répondre à cette question, monsieur Farrell?

M. Farrell : Toute la notion de boisement se fonde sur la reconnaissance du fait que les forêts consomment une quantité considérable de CO2 pendant leur période de croissance. Par conséquent, de plus grandes étendues de forêt consommeront davantage de carbone. Il y a cet avantage pendant que les arbres grandissent et séquestrent le CO2. Toutefois, comme je l'ai mentionné, quand les arbres ont fini de grandir, ils abordent une période de déclin.

Dans l'acre de forêt dont vous avez parlé, il viendra un moment, à l'avenir, où il faudra inscrire un débit parce que la forêt sera récoltée et le bois utilisé ailleurs, ou bien elle brûlera, mourra ou se décomposera.

Le sénateur Ogilvie : Vous n'avez pas répondu à ma question. Je comprends cela, mais l'acre en question a déjà des plantes qui poussent dessus. Nous savons que toutes les plantes vertes font de la photosynthèse.

M. Farrell : Il est scientifiquement établi que les arbres consomment davantage de CO2.

Le sénateur Ogilvie : Par rapport à des herbages?

M. Farrell : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Cela est établi scientifiquement, au moins pendant la période de croissance.

M. Farrell : Oui.

Le sénateur Ogilvie : J'en viens à ma dernière question. Elle concerne le bois scié de quelque taille que ce soit. On peut supposer que si on veut s'en servir comme puits pour le stockage du carbone, on le scierait de façon à avoir la plus grande section possible. On nous a dit qu'on pourrait prendre de grands arbres et y découper des poutres de 20 cm sur 20 cm de section et d'une longueur quelconque. Sous cette forme, le bois pourrait être entreposé efficacement et servir de puits de carbone.

Comme nous le savons, parmi les moyens novateurs de séquestration du carbone, il y a des gens qui proposent de pomper du CO2 dans des mines profondes, probablement en le mélangeant à une forme quelconque de calcium pour former du carbonate de calcium ou un autre composé métastable. À un moment donné, un accident ou un autre événement pourrait libérer à nouveau le CO2 dans l'atmosphère. Cela étant, il me semble que des poutres de bois pourraient constituer un moyen de stockage au moins aussi sûr que les autres moyens dont on nous a parlé.

Croyez-vous qu'il soit rationnel de pousser le concept jusqu'à la transformation d'une forêt en poutres permettant de stocker efficacement le carbone?

M. Farrell : Il y aurait une variante de cette proposition particulière. L'analyse révèle que le bois, plus que le papier, peut servir au stockage du carbone lorsqu'il est utilisé de façon traditionnelle dans la construction résidentielle ou non résidentielle. Cette façon de procéder prolonge la période de stockage en dépit de l'utilisation faite du bois. Cela s'ajoute au fait qu'au Canada, les arbres abattus sont remplacés par de nouveaux arbres. Nous sommes d'avis que c'est une option très légitime de stockage du carbone. Nos connaissances scientifiques actuelles appuient certainement cette utilisation.

Il reste encore à faire accepter cette option dans le cadre des discussions internationales, mais cela n'est pas de mon domaine. Cette question relèverait d'Environnement Canada

Le sénateur Ogilvie : Ma question dépassait légèrement le cadre de votre réponse. Je comprends ce que vous dites au sujet de l'utilisation du bois en construction pour étendre le cycle du carbone. Toutefois, ce bois finit toujours par produire du CO2 parce que la quasi-totalité des structures de bois se décomposent à un moment donné. Une partie du bois est peut-être recyclée, mais elle est en général assez petite. Le reste revient en fin de compte à l'état de dioxyde de carbone.

Supposons qu'au lieu de pomper du CO2 gazeux dans les puits de mine, on y entrepose des poutres de bois, puis on scelle la mine d'une façon quelconque pour empêcher toute décomposition due à des organismes aérobies ou anaérobies dans un avenir prévisible. Ce mode de stockage du carbone est-il envisageable?

M. Rosser : À ma connaissance, personne n'a étudié ni avancé cette idée, mais elle est probablement envisageable en principe. C'est du carbone. Si on l'entrepose de façon à empêcher qu'il ne soit libéré, ce serait semblable à toute autre forme de puits de carbone.

Le sénateur Mahovlich : Je voudrais revenir à la diapositive 8. Il me semble, en regardant le graphique, que nous avons réussi à maîtriser les incendies et l'exploitation forestière, mais que les insectes font des ravages incontrôlés. Nous ne semblons pas avoir été en mesure de les contrôler dans les huit dernières années. Pourquoi en est-il ainsi malgré toutes les connaissances scientifiques que nous possédons?

M. Farrell : Dans les huit dernières années, c'est surtout le dendroctone du pin ponderosa qui était en cause. Les pertes attribuables à d'autres insectes étaient en pratique insignifiantes par rapport aux effets de cette épidémie.

Le dendroctone est un parasite indigène. Il était présent chez nous auparavant, mais il a connu une croissance explosive sans précédent. Dans son cycle de vie, il n'y a qu'une très courte période pendant laquelle il n'est pas complètement enfoui dans l'écorce de l'arbre. Il est donc extrêmement difficile de s'attaquer à lui. Il y aurait certains produits à utiliser pour traiter individuellement les arbres, mais ils sont assez coûteux, et nous ne disposons d'aucun moyen de traiter efficacement des centaines de milliers d'hectares.

De toute façon, la recherche et les essais à faire à cet égard prennent de longues années. De bien des façons, nous sommes probablement prêts à affronter la prochaine épidémie, mais j'ai bien peur que nous ayons complètement manqué celle-ci. Cette attaque n'a pas seulement touché le Canada. Nos amis américains ont une épidémie au moins aussi importante que la nôtre et connaissent les mêmes conséquences et les mêmes pertes forestières.

Le sénateur Mahovlich : Il n'y a donc pas un oiseau assez friand du dendroctone du pin ponderosa? Le pic peut-être?

M. Farrell : Je crois que tous les oiseaux de l'Ouest ont suffisamment mangé de dendroctones pour en avoir la nausée. Ils préféreraient trouver autre chose.

Le sénateur Runciman : Je m'excuse d'avance car, comme je fais un remplacement au comité, certaines de mes questions pourraient ne pas être suffisamment liées à votre rapport, mais je m'intéresse beaucoup à certains de ces domaines, et particulièrement à l'emploi.

Quel a été en gros l'effet de tout ce qui s'est passé ces 20 dernières années sur les emplois du secteur des pâtes et papiers? Je suis au courant des effets qui se sont fait sentir dans mon coin de l'est de l'Ontario, chez Domtar par exemple, ainsi que dans la ville de Cornwall. D'après ce que j'ai lu dans les journaux, je sais que ce n'est pas seulement l'Ontario qui est touché. Plusieurs provinces ont souffert de la fermeture des usines. Quel a été le taux de perte d'emplois dans les 10 ou 15 dernières années?

M. Farrell : Je crois qu'en 2002-2003, le niveau d'emploi dans le secteur des pâtes et papiers et du bois massif ainsi que dans le secteur des services forestiers se situait aux environs de 370 000 travailleurs. Le minimum que nous ayons atteint — je crois que c'était en 2009 — était d'environ 240 000. En gros, nous avons perdu un peu plus de 100 000 emplois. Toutefois, il y a des variations saisonnières.

Le sénateur Runciman : De quelle période s'agit-il?

M. Farrell : Cela s'est produit dans les six ou sept dernières années.

Le sénateur Runciman : Que prévoyez-vous pour l'avenir? Je sais que vous avez mentionné certains programmes que vous avez lancés de concert avec les provinces. Y a-t-il une lueur au bout du tunnel? Je sais que vous faites de grands efforts, mais y a-t-il un espoir quelconque que certaines des collectivités touchées — surtout les petites localités isolées — puissent retrouver un jour ces emplois perdus?

M. Farrell : Deux choses se sont produites dans le secteur dans la dernière décennie : un phénomène de nature structurelle et un autre de nature cyclique. Malheureusement, la crise financière qui s'est ajoutée à la crise que connaissait déjà le secteur a concentré les effets sur une période de quatre ou cinq ans. Si la crise du secteur s'était manifestée toute seule, ses effets auraient été étalés sur une période plus longue, une dizaine d'années peut-être.

Le changement structurel concernait essentiellement le papier journal. La demande de papier journal a baissé de 60 p. 100 en Amérique du Nord.

Le sénateur Runciman : Il est peu probable qu'elle se rétablisse.

M. Farrell : Oui, c'est peu probable. La récession a accéléré les choses. Les annonceurs parrainent d'importantes ventes de journaux partout en Amérique du Nord.

Les pertes du secteur des pâtes et papiers sont surtout attribuables au papier journal et se sont essentiellement produites dans l'est du Canada. Il est assez difficile d'imaginer que beaucoup de ces usines de papier journal rouvriront un jour, même si quelques sociétés cherchent des moyens de reconvertir une partie de la capacité que représente cette infrastructure.

Le sénateur Runciman : Certaines usines ont été fermées provisoirement, contrairement à celle de Domtar à Cornwall, qui a déjà été démantelée.

Le prix de l'énergie cause-t-il des difficultés dans cette industrie? Vous avez dit qu'on cherche d'autres sources pour réduire les coûts. Je me souviens qu'on parlait d'hydroélectricité dans le nord de l'Ontario, mais les producteurs de cette région doivent payer le taux provincial en dépit des coûts de transmission très limités. Personne ne veut reconnaître qu'ils peuvent facilement avoir accès à cette source d'énergie. Le problème se limite-t-il au nord-ouest et au nord-est de l'Ontario?

M. Farrell : Non, le problème est plutôt attribuable au papier journal. Pour le fabriquer, on procède soit par déchiquetage soit par raffinage. On commence avec des copeaux ou des rondins qui sont déchiquetés pour obtenir de la fibre. Additionnée d'eau, celle-ci forme une pâte qu'on dépose en couche très mince sur un grillage, puis qu'on laisse sécher. C'est ainsi qu'on obtient le papier.

Dans ce procédé, rien n'est cuit, contrairement au procédé de fabrication de la pâte. S'il y a cuisson, on peut se servir de la chaleur produite pour réduire l'énergie consommée en la faisant passer par une forme quelconque de convertisseur. Beaucoup de sociétés qui fabriquent de la pâte de papier cherchent à diversifier leur gamme de produits en réduisant le coût de leurs intrants et en augmentant leurs extrants.

Les producteurs de papier journal ont cependant eu de la difficulté à trouver d'autres débouchés. Ceux d'entre eux qui recourent à des moyens différents de production de la pâte ont certaines possibilités, mais, d'une façon générale, la production du papier journal ne se prête pas tellement à la diversification. La plupart des entreprises préfèrent ne pas vendre une usine de papier journal à cause des problèmes de capacité. Plus la capacité augmente, plus les prix baissent. Beaucoup de sociétés ont en fait fermé des usines de crainte d'engorger le marché et de faire chuter des prix déjà bas.

Le sénateur Runciman : Vous avez parlé de l'établissement de quelques centres dans votre exposé. Vous avez mentionné la Corée et d'autres pays. Qu'entendez-vous par « centres »?

M. Farrell : Si j'ai parlé de centres, je n'ai peut-être pas employé le bon mot. Prenons la Chine comme exemple. En partenariat avec un certain nombre de provinces et de sociétés, nous avons établi un bureau à Shanghai. Nous y avons une vingtaine de personnes.

Le sénateur Runciman : Est-ce que le ministère ou le gouvernement du Canada a un bureau là?

M. Farrell : C'est un partenariat. À la porte, il y a des enseignes disant « Produits de bois canadien » ou « Canada Wood ». Ces mêmes désignations figurent sur les cartes d'affaires des gens. Il y a maintenant une petite société sans but lucratif que nous appuyons, de même que la Colombie-Britannique et l'industrie, et qui s'occupe principalement de promotion ainsi que de normes et de codes.

Lorsque nous nous présentons sur un nouveau marché de ce genre pour essayer de vendre du bois, c'est nous qui devons prouver qu'un bâtiment en bois ne s'écroulera pas en cas de tremblement de terre, ne brûlera pas toutes les maisons voisines en cas d'incendie et ne s'effondrera pas s'il a six étages. La responsabilité de prouver que les normes techniques sont suffisantes incombe au vendeur et non à l'acheteur. C'est là que nous avons concentré nos efforts depuis plus de 10 ans.

Le sénateur Runciman : Avez-vous des représentants dans ces pays?

M. Farrell : Oui. Certains sont canadiens, mais, en grande majorité, ce sont des experts engagés sur place.

Le sénateur Runciman : Je suppose que les pays en cause s'attendent à une présence gouvernementale à ces conférences.

M. Farrell : Vous avez parfaitement raison. Par exemple, les responsables du gouvernement chinois veulent avoir affaire à des représentants du gouvernement du Canada car, pour eux, cela donne plus de crédibilité aux contacts. Ils savent en même temps que beaucoup de choses reposent sur les normes et les codes et veulent donc être sûrs que ceux-ci ont l'appui du gouvernement.

Le sénateur Runciman : Le sénateur Mahovlich a posé une question au sujet du dendroctone du pin ponderosa. Votre graphique montre une importante baisse en 2008. Avez-vous une idée de ce qu'on peut attendre pour 2009?

M. Rosser : Les barres du graphique représentent des kilomètres carrés de forêt perturbés par les incendies, les insectes et l'exploitation forestière. Je crois savoir que la baisse indiquée par le graphique correspond à une diminution du taux de croissance du nombre d'hectares ravagés par le dendroctone du pin ponderosa. Par conséquent, oui, c'est probablement vrai. Cette tendance pourrait bien se maintenir à l'avenir. Toutefois, les effets du dendroctone et, partant, la diminution du niveau d'exploitation forestière ainsi que les incidences sur le carbone, se manifesteront encore pendant des années.

Le sénateur Runciman : Vous avez peut-être déjà répondu à cette question, mais je voudrais savoir de quelle façon vous combattez le dendroctone du pin ponderosa. Comment les provinces luttent-elles contre ce problème?

M. Farrell : En 2006, 2007 et 2008, nous avons travaillé avec la Colombie-Britannique pour essayer de traiter les arbres individuellement, de façon à précéder l'infestation. Malheureusement, ce n'est pas comme un incendie dont on peut prévoir l'évolution. Lorsque les dendroctones adultes s'envolent, leurs mouvements sont très chaotiques.

À certains égards, je crois que nos efforts auraient eu plus de succès si nous n'avions pas subi le phénomène météorologique sans précédent qui s'est produit en 2007. Des dendroctones avaient alors été entraînés par les masses d'air en mouvement jusqu'à 30 000 pieds d'altitude et avaient donc franchi des kilomètres d'un coup. Ce phénomène très inhabituel avait anéanti nos efforts destinés à ralentir la progression des insectes. Je crois que nous ne nous sommes jamais bercés de l'illusion que nous pourrions les arrêter, mais nous avions l'espoir de les ralentir.

Le sénateur Runciman : Vous vous souviendrez de l'infestation de la tordeuse des bourgeons en Ontario, il y a quelques années. On avait alors pulvérisé des produits pour réduire les dommages. Y a-t-il quelque chose de comparable dans le cas du dendroctone du pin ponderosa?

M. Farrell : Nous ne disposons jusqu'ici d'aucun produit homologué permettant de combattre le dendroctone. Ce genre d'insecte est fondamentalement différent de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. La tordeuse est plus proche du papillon et reste pendant assez longtemps à l'état de larve sur les branches. Au printemps, il y a un créneau de trois à quatre semaines pendant lequel il est possible de pulvériser un pesticide biologique très efficace. Le dendroctone n'a pas le même cycle de vie.

Le sénateur Runciman : Son habitat se limite-t-il à l'Ouest du Canada?

M. Farrell : Oui, mais il a été scientifiquement établi que le dendroctone du pin ponderosa peut survivre dans le pin gris qu'on trouve partout jusqu'à Terre-Neuve-et-Labrador. Toutefois, dans les climats relativement froids des régions continentales du pays, les arbres ne poussent pas aussi serrés que dans le centre de la Colombie-Britannique. Néanmoins, le dendroctone peut s'établir dans ces essences.

Le sénateur Mahovlich : Je crois qu'il ne peut pas survivre par -40 degrés.

M. Farrell : C'est exact, mais il a une faculté d'adaptation extraordinaire. Le dendroctone sécrète une espèce de liquide qui ressemble à de l'antigel dès la fin novembre, selon l'endroit où il se trouve. Il y a un phénomène météorologique qui a toujours considérablement réduit la population : c'est une période de 10 à 12 jours au début de novembre où la température se maintient à -35 degrés, ce qui n'est pas tout à fait inhabituel dans le nord de l'Alberta et de la Saskatchewan. Toutefois, le dendroctone s'est répandu aussi rapidement qu'il l'a fait parce que nous n'avons pas eu ce genre de temps pendant les 10 à 12 premières années de son établissement, ce qui lui a permis de continuer à s'étendre.

Le sénateur Martin : Je suis moi aussi en visite au comité, mais j'étais ici au début de l'étude, lors de l'examen de certaines innovations adoptées dans d'autres pays. Je voudrais donc poser quelques questions sur le thème de l'innovation.

Je viens aussi de la Colombie-Britannique. Je m'intéresse donc à la question du dendroctone du pin ponderosa depuis quelques années. Je vous remercie de l'information que vous nous avez présentée aujourd'hui.

On dit que la nécessité est mère de l'invention. Comme vous l'avez mentionné, l'innovation découle aussi des pressions qui s'exercent dans le monde. Nous avons des ressources naturelles en abondance au Canada et, aujourd'hui, tout s'inscrit dans l'économie mondialisée.

Vous nous avez présenté, sur la diapositive 4, un certain nombre de programmes sous le titre Innovation. J'aimerais d'abord connaître l'efficacité de ces programmes et de notre innovation par rapport à ce qui se passe ailleurs. Vous avez dit que nous sommes réputés dans le monde pour notre gérance des forêts. Comment nous comparons-nous aux autres sur le plan de l'innovation?

M. Farrell : L'un des principes fondamentaux que le ministère a acceptés au départ est que le modèle sur lequel se fonde le secteur canadien des produits forestiers — depuis qu'il a commencé à expédier du bois à l'Europe pour la construction navale, il y a plus de deux siècles — repose sur le volume et sur une matière première de très haute qualité. À de nombreux égards, ce modèle s'est maintenu. Nous sommes les plus grands exportateurs de papier journal, les plus grands exportateurs de pâte de bois résineux et l'un des plus grands exportateurs de bois d'oeuvre résineux.

Comme la nature de la forêt a changé et change encore, de même que les attentes du public, qui comprennent davantage de zones réservées et de contraintes, nous n'avons plus les avantages naturels qui avaient servi de base à l'édification du secteur forestier. Tout est en train d'évoluer. Comme nous venons de le dire, le secteur emploie moins de travailleurs qu'il ne le faisait il y a cinq ans, et cela ne changera probablement pas beaucoup.

Je crois donc que notre meilleure réaction est de considérer la forêt sous l'angle de la valeur plutôt que sous l'angle du volume. Par conséquent, nous avons besoin de moyens nouveaux et créateurs d'utiliser la fibre ligneuse. Nous n'arriverons jamais à la faire pousser aussi rapidement que l'Uruguay, le Chili ou un autre pays d'Amérique centrale ou du Sud. Toutefois, très peu de régions du monde ont la superficie, le volume et la diversité qui caractérisent les forêts du Canada.

Comment pouvons-nous utiliser cette fibre pour faire un saut de cinq ou dix ans par rapport à la concurrence? Que pouvons-nous faire de notre fibre que nos concurrents ne peuvent pas faire facilement? L'un des produits qui a suscité beaucoup d'enthousiasme est la cellulose nanocristalline, qui est extraite de la fibre ligneuse au niveau microscopique pour lui donner toute une série de caractéristiques différentes par la façon dont elle transmet la lumière et la façon dont on peut l'aligner pour obtenir des caractéristiques de résistance et de durabilité très différentes de celles de la fibre ordinaire. Les applications de cette cellulose sont quasi illimitées.

Une des premières difficultés a été de trouver un partenaire du secteur privé qui soit disposé à prendre le risque de faire la transition entre le banc d'essai et une production sur petite échelle permettant de commencer à examiner les applications dans différents produits. L'établissement est actuellement en construction dans le sud du Québec, juste à l'extérieur de Montréal, en partenariat avec Domtar, FPInnovations et la province de Québec. Nous nous attendons à atteindre une capacité d'une tonne par jour d'ici à peu près un an.

En dépit du fait que ces programmes sont financés pour deux ans, nous ne nous berçons pas de l'illusion que nous arriverons à révolutionner le secteur forestier en si peu de temps. Toutefois, nous aurons un important indice de succès si la technologie suscite plus d'intérêt dans le secteur privé. Ce n'est pas la seule innovation intéressante, mais c'est celle que je connais le mieux.

Nous envisageons aussi de produire de la lignine — c'est la colle qui tient ensemble les fibres de la cellulose — et de trouver de nouvelles applications du bois. Par exemple, en construction domiciliaire, l'approche traditionnelle au Canada se base sur une charpente à plate-forme avec des montants de 2 sur 4 ou de 2 sur 6 pouces. Il y a maintenant un nouveau produit qu'on appelle le stratifié croisé dans lequel on colle ensemble de nombreuses pièces de bois de 8 à 12 pieds de longueur et de 6 à 8 pouces d'épaisseur. Ces éléments, qui peuvent être prépercés pour les canalisations électriques et la plomberie, remplacent les dalles de béton qu'on utilise pour la construction des édifices à plusieurs étages. Il y a à Londres un bâtiment de ce genre qui a 9 ou 10 étages. Dans le cadre de l'un de nos projets pilotes, nous cherchons à créer une capacité de production de ce stratifié croisé pour commencer à l'utiliser en construction. Une fois qu'on aura prouvé que la technologie marche, j'estime que le gouvernement devra se retirer et laisser le secteur privé investir pour créer la capacité voulue et s'occuper de la commercialisation connexe.

En tenant compte du secteur du bois massif et de celui du bois composite, j'espère qu'on pourra se servir des fibres de différentes manières pour fabriquer différents produits.

Le sénateur Martin : J'imagine qu'il y a de nombreux autres exemples que vous pourriez citer. C'est très intéressant d'en entendre parler. Je suis curieuse parce que ces innovations sont mentionnées dans le cadre d'autres études. Le comité des transports a par exemple entrepris une étude sur le secteur des compagnies aériennes.

L'innovation est là. Nous avons le personnel, les connaissances et la technologie nécessaires pour avancer, mais avez- vous eu des difficultés à cause des conflits de compétence avec les provinces? Arrive-t-il qu'une province dise que tel projet est bon pour le secteur forestier tandis qu'une autre affirme que c'est la pire chose qui puisse arriver? Avez-vous ce genre de difficultés? Est-ce que cela entrave les progrès que nous devons réaliser pour faire la transition?

M. Farrell : Pour les provinces, la première priorité, c'est à juste titre leur secteur intérieur et sa capacité.

Une crise a l'avantage de concentrer l'attention des gens. À cause de l'importance des problèmes qui se sont posés, j'ai vu beaucoup d'intérêts partagés et d'efforts collectifs visant à trouver des solutions au cours des quatre ou cinq dernières années.

Le sénateur Fairbairn : Merci beaucoup. Je vais essayer de m'interdire de parler du dendroctone du pin ponderosa qui s'est manifesté d'une façon particulièrement remarquable dans mon coin.

L'Entente sur la forêt boréale canadienne a été dévoilée le 18 mai de cette année. Je ne suis pas sûre de bien la comprendre. Il semble que les gouvernements n'y soient pas associés et qu'ils ne s'en occupent pas particulièrement. Je me demande quel problème a incité le gouvernement fédéral et d'autres à s'écarter au lieu d'aider les signataires de l'entente. Pouvez-vous m'aider à comprendre cet accord et nous dire s'il y a une raison de ne pas l'accepter? Vous avez peut-être une raison de l'accepter vous-même.

M. Farrell : L'entente a été conclue entre les sociétés membres : l'Association des produits forestiers du Canada, quelques grands groupes environnementaux du Canada et un certain nombre de fondations caritatives qui avaient systématiquement financé des campagnes dans les 10 dernières années, aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Je voulais simplement situer cet accord.

Par conséquent, ces organisations seraient probablement mieux placées que moi pour parler des détails de l'entente, de son historique et des prochaines étapes auxquelles on peut s'attendre. Vous avez parfaitement raison : le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux n'ont pas participé. Je crois qu'il a fallu beaucoup de courage aux deux parties pour essayer de trouver un terrain d'entente malgré les profondes divergences qui se sont développées au fil des ans. C'est un pas dans la bonne direction. Cela étant dit, c'est dans les détails que résident les plus grandes difficultés. Les gouvernements provinciaux ont la responsabilité de suivre ce qui se passe sur le terrain.

Du double point de vue de l'industrie et de la communauté environnementale, je crois que la simple conclusion de cet accord prouve qu'il est basé sur des questions concrètes plutôt que sur une idéologie. Pendant très longtemps, on a pu se demander où se situe l'idéologie par rapport aux aspects pratiques.

Tant la communauté environnementale que les entreprises elles-mêmes vous diront que l'entente est la première étape d'un processus qui nécessitera sans doute la participation des gouvernements provinciaux aux décisions précises qu'il faudra prendre sur le terrain et à la façon dont les terres forestières sont utilisées.

Le sénateur Fairbairn : Après cela, viendra un moment où le gouvernement fédéral voudra intervenir dans l'intérêt national.

M. Farrell : À un moment donné, il y aura inévitablement des discussions concernant les exclusions permanentes telles que les parcs nationaux, et cetera.

Le sénateur Fairbairn : C'est important.

M. Rosser : Nous verrons bien comment les choses évolueront.

Le sénateur Fairbairn : Excellent. Tenez-nous au courant.

Le président : Les Premières nations ne comptaient pas parmi les signataires de l'entente. Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?

M. Rosser : Non, je n'en ai pas.

Le président : Vous n'en avez pas. Merci beaucoup.

Le sénateur Duffy : Je vous remercie tous deux de votre présence cet après-midi. C'est un sujet important. Nous vous avons déjà entendus tous deux auparavant. Comme toujours, vous nous apportez un trésor de sagesse. Nous avons de la chance d'avoir des gens de votre calibre parmi ceux qui conseillent le gouvernement.

Le sénateur Martin vous a posé une question sur l'innovation. L'autre jour, nous avons entendu des témoins du Québec qui nous ont parlé de l'extraction de la sève du bouleau pour l'utiliser à des fins médicinales. Nous avons également entendu parler de l'utilisation de fibres ligneuses dans les véhicules et de beaucoup d'autres usages novateurs du bois.

Que pensez-vous de l'utilisation médicinale ou quasi médicinale de ces produits? Quand nous avons interrogé les témoins, ils se sont montrés assez discrets. Ils n'avaient pas encore finalisé leurs ententes commerciales et avaient des craintes au sujet de leur propriété intellectuelle. Sans violer des secrets commerciaux, pouvez-vous nous parler de certains de ces domaines? D'innombrables personnes, partout dans le pays, sont touchées par le ralentissement économique. Je crois qu'elles seraient vraiment fascinées. Plus vous pouvez nous montrer de secteurs actifs, mieux cela vaudra. Cela permettra de rassurer le public et de le persuader que nous n'avons pas oublié les gens.

M. Farrell : C'est un excellent point. J'ai déjà parlé de la transition entre un monde de volume et un monde de valeur. La question de la valeur médicinale des arbres et des autres plantes indigènes a toujours été du ressort des Autochtones canadiens. Au cours des 20 dernières années, la communauté scientifique et les tribunaux ont plus ou moins pris conscience de la valeur des connaissances traditionnelles. Beaucoup d'utilisations médicinales se sont transmises oralement de génération en génération.

Au cours d'un séminaire auquel j'ai assisté il y a quelques semaines, un participant m'a demandé à quel moment les connaissances traditionnelles seront sur un pied d'égalité avec les connaissances scientifiques européennes revues par les pairs et les attentes des sociétés occidentales quant à ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Je pense que cela viendra un jour, mais ce n'est pas pour demain.

La négociation de la Convention internationale sur la diversité biologique se poursuit actuellement à Nagoya. L'une des questions qui se posent, surtout dans le cas des pays en développement et, en particulier, des peuples autochtones, c'est toute l'affaire de l'accès aux ressources génétiques et du partage des avantages qui peuvent en découler. Cela revient à la question de savoir si la plante X ou la plante Y a une valeur intrinsèque. La perte du droit de propriété associé à cette valeur est une menace pour les peuples autochtones, qui y voient une occasion d'en profiter eux-mêmes.

Même à l'échelle mondiale, on reconnaît de plus en plus la valeur que cela représente. Les pays se soucient de la protection de leur droit à ces ressources génétiques, dont l'intérêt et la valeur ne cessent de croître.

Le sénateur Duffy : Nous parlons d'une bouteille de sève de boulot qui, après traitement, aurait une valeur de 800 $. Apparemment, le produit est très prisé en Europe.

M. Farrell : C'est plus précieux qu'un whisky single malt.

Le sénateur Duffy : Et probablement meilleur pour la santé. Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Ma question visait l'eau de bouleau, ce produit naturel qu'on extrait un peu comme la sève de l'érable. La compagnie Biothec Foresterie est à la recherche de moyens pour la mise en marché de ce produit. On parlait aussi de l'if et d'un certain champignon. On parle de grandes recherches, de grands projets. Cela implique aussi la grande industrie. Ressources naturelles Canada peut-elle aider ce type de compagnie?

Il y a également des petits entrepreneurs ayant besoin d'être guidés et aidés. Pouvez-vous aider ces gens? Ils créent peut-être moins d'emplois, mais ces emplois sont dans les régions rurales. Les Autochtones feraient la cueillette et pourraient également profiter d'une mise en marché. Présentement, on importe cette eau de la Suisse; pourquoi ne pas la produire ici et la mettre en marché? Que pouvez-vous faire pour aider une telle industrie?

[Traduction]

M. Farrell : Ma réponse a deux volets. Sur le plan des programmes, nous avons le Programme des forêts modèles, qui porte depuis peu le titre de Programme des collectivités forestières et dans le cadre duquel nous avons 11 sites, dont deux au Québec, principalement axés sur les relations entre les collectivités locales et la forêt voisine, mais pas sur la production traditionnelle de bois de sciage ou de papier journal. Les gens ont établi toute une série de petites coopératives et ont recueilli des informations sur les produits forestiers non ligneux. C'est un programme modeste qui compte 11 sites reliés en réseau au Canada et branchés sur un réseau mondial de forêts modèles regroupant quelque 38 pays du monde.

L'une des forêts modèles du Canada, qui se trouve dans la région de Mont-Laurier, a un partenariat avec une forêt modèle semblable du Cameroun. Il y a des échanges d'experts et de représentants qui examinent les débouchés possibles des produits forestiers non ligneux de la forêt tropicale camerounaise et des forêts du centre sud du Québec.

Sur le plan de la recherche, nous avons des chercheurs, surtout en Ontario, qui étudient les composés biologiques de différentes essences d'arbres et espèces de plantes pour déterminer comment les extraire et en dresser le profil. Il y a un petit effort de recherche et une collaboration active avec les collectivités au sujet des produits forestiers non ligneux.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Il y a un problème de mise en marché actuellement. La ressource est là. Semble-t-il qu'il serait très facile de cueillir l'eau du bouleau ou de l'if, mais le problème, c'est d'accéder à un marché. Elle est là, l'entrave pour développer ou créer des emplois grâce à la cueillette de ce produit.

[Traduction]

M. Farrell : Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a un certain nombre de programmes de développement des exportations. Sans les connaître à fond, je crois qu'ils sont axés sur les PME. Il pourrait y avoir là des occasions d'exportation.

Vous avez parfaitement raison. Le Taxol, extrait de l'if ou Taxus, est un composé biologique utilisé dans le traitement du cancer. Avec le temps, le défi est de trouver un moyen de passer de la production artisanale à la production commerciale, afin d'obtenir un volume suffisant pour donner un taux de rendement raisonnable. Beaucoup de ces produits en sont encore à cette étape parce que la transition vers un volume commercial pose des problèmes liés à l'accès, au coût des intrants et aux frais de transport. J'admets volontiers que la commercialisation est également un important facteur.

Le sénateur Eaton : Pour faire suite à ce qu'a dit le sénateur Duffy, je signale que nous avons entendu parler la semaine dernière de la cellulose nanocristalline, produit extrêmement intéressant qui peut se substituer aux pâtes et papiers. Faites-vous quelque chose pour encourager les grandes sociétés qui ont connu des difficultés à convertir leurs installations pour s'occuper de produits de ce genre?

M. Farrell : Nous avons un partenariat avec Domtar, société de l'est du Canada. Nous avons prévu des fonds, dans le cadre des Investissements dans la transformation du secteur forestier et du Programme sur les technologies transformatrices, pour financer des projets de démonstration de la technologie en partenariat avec des sociétés ayant actuellement des activités au Canada.

Pour ce qui est des Investissements dans la transformation du secteur forestier, nous sommes encore au stade de l'examen des propositions de projets. Je m'attends à ce que le ministère puisse annoncer, dans les deux ou trois prochains mois, des partenariats avec quelques sociétés du Canada que vous connaissez peut-être, afin de les encourager à s'intéresser à une nouvelle gamme de produits autres que les produits de base.

Le sénateur Eaton : L'un de nos excellents témoins, le président du conseil d'administration du Groupe financier Banque TD, a fait un commentaire intéressant. Il a dit que les Canadiens ne sont pas ambitieux en affaires. Nous avons toutes ces merveilleuses universités. J'ai eu l'occasion de visiter l'Université de Guelph pour voir ce qu'elle faisait dans le domaine de la bioforesterie et des produits pharmaceutiques. Y a-t-il des ministères qui vont voir des gens dans ces universités pour les traîner par les cheveux, prendre ce qu'ils sont en train de faire, le confier à une société et dire : « Nous offrirons des encouragements fiscaux. Allez-y, les gars, il est temps d'agir »? Cela arrive-t-il jamais?

M. Farrell : Traîner les gens par les cheveux? Les gouvernements y ont renoncé depuis longtemps.

Le sénateur Eaton : Nous gardons toujours le silence dans ce pays.

M. Farrell : Depuis 2005, nous concentrons nos efforts sur le système national d'innovation forestière qui, en toute franchise, était hautement fragmenté et plutôt inefficace dans son utilisation des fonds publics. L'une des premières mesures prises a consisté à réunir les trois instituts de recherche qui s'occupaient de pâtes et papiers, de bois massif ainsi que de récolte et de transport pour créer FPInnovations.

Le sénateur Eaton : Cela semble merveilleux. Chaque fois que les représentants de cette organisation viennent ici, ils ont des choses intéressantes à présenter.

M. Farrell : L'écart se situait cependant en amont, dans la forêt elle-même. Il fallait relier complètement la chaîne de valeurs, depuis la croissance des arbres dans la forêt jusqu'aux différents procédés de fabrication et aux produits finis garnissant les étagères des magasins.

Dans ma propre organisation, le Service canadien des forêts, nous avons établi le Centre canadien sur la fibre de bois, qui constitue en fait un élément virtuel de FPInnovations. Sa recherche est orientée par le conseil d'administration de cet organisme, avec lequel il travaille en partenariat.

Pour la troisième partie du programme, il fallait rallier les universités et la communauté universitaire. Nous avons réussi à obtenir 10 millions de dollars par an du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Cela a commencé il y a deux ans. Nous avons maintenant huit réseaux partout dans le pays, qui sont branchés sur FPInnovations. Nous avons ainsi réalisé deux choses. Premièrement, nous avons élargi la portée du travail de FPInnovations pour y associer différents experts qui peuvent se trouver à l'École polytechnique de Montréal, à l'Université de la Colombie-Britannique ou à l'Université de Toronto. Par conséquent, il n'est plus nécessaire d'avoir les experts sur place; ils peuvent continuer leur travail dans les universités. Deuxièmement, cela nous permet d'attirer la prochaine génération de chercheurs, au niveau de la maîtrise ou du doctorat, pour les inciter à revenir travailler dans le secteur. Les effets seront plus durables que n'importe quel genre de recherche à court terme. Au cours des 10 dernières années, il était assez difficile d'attirer dans le secteur les éléments les plus brillants.

Le sénateur Eaton : Il n'a pas suivi la voie prévue. Il a continué à faire de l'argent, mais n'en a pas consacré assez à la recherche et à l'innovation.

Nous en avons pris conscience en écoutant des témoins représentant le lobby du béton et de l'acier. Ces gens allaient dans les écoles pour enseigner les nouvelles méthodes. Selon eux, le secteur forestier n'a pas fait la même chose.

Vous avez parlé de passer de la forêt à FPInnovations, puis aux étagères des magasins. Est-ce là le dernier chaînon?

M. Farrell : Dans le nouveau régime de produits, non. Mais c'est le cas pour les produits de base. Nous savons vendre des planches, de la pâte et du papier journal. Toutefois, dans le cas des produits dont vous parlez, il nous reste encore à passer du stade du projet pilote à la production commerciale. C'est seulement alors qu'il y aura quelque chose à vendre. Nous disposons d'un produit compétitif, mais seulement en fonction de ses propriétés. Nous ne pouvons rien vendre tant que nous n'en avons pas une certaine quantité.

Au cours des cinq prochaines années, nous irons au-delà du stade de la recherche pour atteindre le stade des produits compétitifs qui marchent. Nous aurons alors quelque chose à vendre.

Le sénateur Eaton : Allez-vous de l'avant pour essayer de trouver des marchés d'avance?

M. Farrell : Au niveau du gouvernement? Non. Nous l'avons fait dans le cas des produits de bois. Comme je l'ai dit au sénateur Robichaud, l'intervention gouvernementale se justifie si la sécurité du public est en jeu, par exemple lorsqu'il est question de normes et de codes de construction résidentielle et non résidentielle.

C'est un nouveau domaine et une toute nouvelle série de produits. Il reste peut-être des écarts à combler. Nous avons concentré nos efforts sur la chaîne partant des arbres et allant au moins jusqu'à...

Le sénateur Eaton : FPInnovations.

M. Farrell : ... et maintenant aux usines. Nous en avons été témoins dans les trois ou quatre dernières années, et pas seulement de la part des intervenants traditionnels. Il y a davantage d'intérêt du côté des sociétés du secteur énergétique à cause de la dimension écologique. Toutefois, il y a encore du travail à faire pendant cinq ans sur la dernière étape.

Le sénateur Eaton : Monsieur Rosser, lorsque les gens protestent contre les coupes à blanc dans la forêt, se basent-ils vraiment sur des considérations esthétiques?

M. Rosser : Du point de vue du carbone, des organismes scientifiques tels que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ont dit explicitement que, dans la plupart des cas, l'exploitation d'une forêt d'une façon durable et l'utilisation de la fibre pour répondre aux besoins de la société en énergie, en logement, et cetera, constituent le moyen le plus efficace d'utiliser les ressources forestières pour atténuer les effets des changements climatiques.

Le sénateur Eaton : Ensuite, on replante des arbres.

M. Rosser : C'est exact. Le plus important, du point de vue du carbone, est de maintenir la forêt ou d'en augmenter la taille. Il peut y avoir d'autres bonnes raisons publiques ou sociétales de protéger une forêt. Toutefois, d'une façon générale, les experts s'entendent sur la façon dont les forêts peuvent le mieux contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Eaton : Merci beaucoup.

Le président : Avant de terminer, je voudrais poser quelques questions. Monsieur Farrell, vous avez parlé du Programme d'écologisation des pâtes et papiers auquel on doit consacrer un milliard de dollars. Les fonds prévus sont- ils suffisants pour atteindre les objectifs que le gouvernement vise?

M. Farrell : Je le crois. La répartition s'est basée sur la production de liqueur noire par les sociétés pendant une certaine période. Au moment où le programme a été annoncé, la formule de répartition des fonds permettait déjà de déterminer les entreprises bénéficiaires, les montants qu'elles recevraient et la période en cause. Nous avons signé des ententes au cours de l'année écoulée en vue de consacrer les fonds à des immobilisations dans les usines partout dans le pays.

Nous croyons que cet investissement aura des effets considérables sur la rentabilité et la durabilité écologique d'un certain nombre de ces usines.

Le président : Surtout les usines de pâtes et papiers.

M. Farrell : Exclusivement les usines de pâte.

Le président : On craint encore que les États-Unis poursuivent leur programme à ce moment. Avez-vous quelque chose à dire des conséquences que cela aurait pour l'industrie, même après que nous aurons fait cet investissement d'un milliard de dollars?

M. Farrell : Le niveau des encouragements versés aux sociétés américaines est une source permanente de préoccupation pour les producteurs et le gouvernement du Canada. Nous nous inquiétons non seulement de la rentabilité à court terme, mais du changement fondamental de l'avantage comparatif si ces fonds sont investis dans les établissements des États- Unis. C'est un souci permanent pour le Canada, qui a soulevé la question auprès de Washington.

Le sénateur Robichaud : Quels que soient les programmes mis en oeuvre aux États-Unis, ils ne sont pas compensables, tandis que les nôtres le sont tous.

M. Farrell : Effectivement, les conditions de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux répartissent différemment les responsabilités de part et d'autre de la frontière.

Le président : Nous avons visité deux grands symboles canadiens : l'anneau olympique de Richmond et l'édifice à bureaux Fondaction de Québec, qui a six étages. Soit dit en passant, le bâtiment de Londres que vous avez mentionné a neuf étages. L'un des deux principaux intervenants, si je peux m'exprimer ainsi, que nous avons visité, Chantiers de Chibougamau, fabrique du stratifié croisé et des poutres de 60 et 80 pieds.

Je voudrais vous poser une question, à laquelle vous êtes libres de répondre ou non. Messieurs Rosser et Farrell, que pensez-vous du projet de loi C-429 qui est actuellement à l'étude à la Chambre des communes?

M. Farrell : Si j'ai bien compris, le projet de loi C-429 propose de modifier la législation relevant du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour lui imposer, ainsi qu'au ministère, d'envisager d'utiliser du bois dans tout bâtiment construit ou financé par l'administration fédérale.

Je crois savoir que le projet de loi en est l'étape de l'étude en comité, entre la deuxième et la troisième lecture. Le comité continuera certainement à entendre des témoins, après quoi il présentera son rapport à la Chambre aux alentours de Noël.

Étant moi-même forestier, je suis personnellement très favorable à l'utilisation du bois. Nos amis du Québec et de la Colombie-Britannique nous rappellent constamment qu'ils ont adopté des lois provinciales et nous incitent à leur emboîter le pas. Je laisse aux honorables parlementaires le soin de décider de l'avenir de ce projet de loi, mais je répète que je suis un ardent partisan du bois.

M. Rosser : Je n'ai pas grand-chose à ajouter. M. Farrell a parlé des lois et des politiques en vigueur au Québec et en Colombie-Britannique. Nous assistons à un débat sur les moyens de reconnaître ou d'encourager l'utilisation du bois. Nous avons également parlé plus tôt du programme Bois nord-américain d'abord et des efforts que nous avons déployés en partenariat avec d'autres pour toucher les architectes, les rédacteurs de devis, et cetera. Beaucoup croient que les efforts de ce genre qui ont été fait pendant des années ont encouragé ceux qui s'occupent de construction commerciale à utiliser du bois pour qu'il soit possible de l'envisager plus souvent.

M. Farrell : De plus, notre propre personnel collabore avec les Travaux publics et le Conseil national de recherches pour déterminer les obstacles techniques qui figurent dans le Code national du bâtiment. Il y a peut-être un moyen de surmonter les obstacles systémiques que les gens ont à l'esprit lorsqu'il est question d'utiliser du bois.

Le président : Monsieur Farrell, c'est une excellente occasion pour moi de vous poser cette question. La semaine dernière, un témoin nous a parlé de l'importance d'avoir un code du bâtiment vert. Certains des sénateurs ici présents, et notamment le sénateur Eaton, étaient là lorsque nous avons entendu ce témoin parler du Code national du bâtiment.

Les dernières modifications apportées au code remontent à 2005. Je voudrais dire — c'est une observation personnelle — qu'il y a peut-être un certain manque d'ouverture quand on parle de changer ces codes parce qu'ils varient tellement d'une province à l'autre.

Compte tenu de votre expérience comme forestier, croyez-vous qu'un code du bâtiment vert avantagerait le secteur forestier et permettrait à l'industrie de la construction résidentielle d'utiliser plus de bois?

M. Farrell : Revenons au Code national du bâtiment. Je crois savoir qu'il y a un cycle de révision et que le prochain est prévu pour 2015, mais le travail préparatoire doit se faire d'ici 2013 pour qu'il soit possible de passer par les différents comités et processus techniques.

Je ne suis pas tout à fait sûr du sens à attribuer à un code du bâtiment vert. Je suppose que le témoin qui a évoqué cette idée avait une définition plus précise que la mienne d'un tel code. Toutefois, il est probablement justifié de dire qu'à certains égards, le bois pourrait être plus compétitif, selon l'optique dans laquelle on voit les choses.

Par exemple, en ce qui concerne l'analyse du cycle de vie et de l'empreinte environnementale totale d'un produit de bois par rapport à un produit non renouvelable, je crois que le secteur du bois aimerait qu'on envisage tout le système de production, et pas seulement ses différents éléments. Le sénateur Runciman a mentionné que relativement peu de bois est recyclé, ce qui est probablement vrai. Par contre, on recycle un pourcentage élevé de l'acier, à cause de sa nature.

Toutefois, si on considère le processus de construction dans sa totalité en tenant compte de l'énergie consommée et des gaz à effet de serre libérés, il est évident que le bois peut soutenir la concurrence de n'importe quel autre produit, du moins sur ce plan.

Le président : J'ai un autre commentaire personnel à formuler. Je crois que chaque matériau peut être utilisé à bon escient. Cela étant dit, nous allons vous communiquer un document que nous a transmis l'Institut Athena. L'institut nous a dit qu'il a fait circuler ce document concernant un code du bâtiment vert dans les ministères et organismes fédéraux. Nous vous le transmettrons.

Avant de terminer, je voudrais vous poser une autre question. J'espère que vous avez pris le temps de lire notre premier rapport intérimaire, Le secteur forestier canadien : Passé, présent, futur. Nous parlons, à la page 33, de différentes initiatives prises, à cause de la crise du secteur forestier, pour faciliter son accès au crédit, y compris les 13 milliards de dollars de financement supplémentaire aux sociétés d'État financières et la hausse du plafond des prêts. La Banque de développement du Canada a également reçu 100 millions de dollars pour établir un programme de garantie marge de crédit d'exploitation et peut-être pour offrir du capital de risque.

Je suis sûr que vous suivez très attentivement les audiences parce que j'ai eu des entretiens avec votre ministère. Est- ce que ce programme particulier nous a permis d'atteindre nos objectifs?

M. Farrell : Je préférerais que vous posiez la question à la BDC et à Exportation et Développement Canada. Comme vous le savez, EDC est une société dont les activités ressemblent beaucoup à celle d'une banque à charte. Cela soulève des questions de protection des renseignements personnels, de secret professionnel et ainsi de suite.

Toutefois, au cours de la crise, nous avons collaboré étroitement avec EDC au sujet de l'accès intérieur au crédit et de sa principale activité, l'assurance des comptes clients pour les exportations outre-mer. Contrairement aux banques à charte, EDC a d'étroites relations avec le secteur des produits forestiers, auquel appartiennent plusieurs de ses plus gros clients.

Je préfère donc qu'EDC et la BDC répondent à la question concernant l'efficacité du programme. Je suis sûr que vous avez entendu dire qu'entre 2007 et 2009, les garanties de prêts ont suscité beaucoup d'intérêt parmi les entreprises. La BDC et EDC participaient à ces activités, essentiellement aux conditions du marché. Je leur laisse le soin de vous donner des détails sur le volume des activités et l'importance du financement accordé.

Le président : Merci. Monsieur Farrell et monsieur Rosser, je tiens à vous remercier de votre présence. Vous nous avez beaucoup appris. Notre réunion est maintenant terminée.

(La séance est levée.)


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