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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 10 - Témoignages du 2 novembre 2010


OTTAWA, le mardi 2 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 5, pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous avons le quorum. Je déclare donc la séance ouverte.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue aux témoins à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Aujourd'hui, nous accueillons trois témoins dans la première partie de la réunion. Je me présente : je suis le sénateur Percy Mockler du Nouveau-Brunswick et je préside le comité.

La réunion se déroulera en deux parties.

[Français]

Nous entendrons le premier groupe de témoins durant la première heure du comité. Par la suite, nous entendrons le deuxième groupe dans l'heure qui suivra.

[Traduction]

Dans le premier groupe, nous recevons trois représentants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

[Français]

Monsieur Tony Ritchie est directeur exécutif de la Direction de la protection des végétaux et de la biosécurité et M. Greg Stubbings, directeur de la Division de l'intégration des programmes végétaux. Nous recevons également le professeur Yves Gagnon, titulaire de la Chaire K.-C. Irving en développement durable à l'Université de Moncton.

Je remercie nos témoins d'avoir accepté notre invitation

[Traduction]

Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada, en examinant particulièrement la santé de nos forêts.

Avant de laisser nos témoins prononcer leur allocution, je vais demander aux sénateurs de se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je suis le sénateur Fernand Robichaud, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : Joyce Fairbairn de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de l'Ontario.

Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

Le sénateur Housakos : Leo Housakos, du Québec.

Le président : Merci, chers collègues.

Avant de passer aux exposés des témoins, je tiens à informer les sénateurs que la greffière a reçu un mémoire dans une seule langue officielle.

[Français]

Honorables sénateurs, permettez-vous que le document soit distribué? La traduction suivra lorsqu'elle sera disponible pour les honorables sénateurs.

Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, serait-il possible, lorsqu'on invite des représentants de ministères, de leur demander que leurs présentations soient faites dans les deux langues officielles? Pour les autres personnes, c'est peut-être plus difficile. Cela simplifierait énormément notre travail, en commençant par celui de la greffière. Le document de M. Ritchie, que j'ai en main, est dans les deux langues. Pour les autres, je n'ai pas de problème, mais on peut quand même faire la demande.

Le président : Merci, sénateur Robichaud. Je demande à la greffière de prendre note de cette proposition et de la porter à l'attention des témoins lorsqu'ils se présenteront ici au comité.

[Traduction]

La foresterie est un secteur important, et nous avons tous un rôle à jouer, peu importe les ministères ou les intervenants concernés.

[Français]

Tony Ritchie, directeur exécutif, Direction de la protection des végétaux et biosécurité, Agence canadienne d'inspection des aliments : Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. Je vais faire mes observations dans les deux langues officielles et je vais essayer de ne pas dépasser les cinq minutes pour que nous puissions avoir l'occasion de répondre à des questions à la fin.

En vertu de la Loi sur la protection des végétaux, l'Agence canadienne d'inspection des aliments gère des politiques et des programmes en vue d'atteindre deux grands objectifs. Le premier objectif est la prévention, c'est-à-dire éviter l'introduction d'organismes nuisibles ou les risques d'organismes nuisibles au Canada; le deuxième objectif, c'est de limiter la propagation de ces organismes nuisibles s'ils parviennent à entrer au Canada.

Parallèlement, l'agence maintient ou améliore la réputation du Canada à titre de pays exempt de certains insectes, pathogènes et ravageurs. Cela appuie la capacité du Canada de respecter les normes et lignes directrices internationales en matière de qualité afin d'assurer la qualité marchande des végétaux et des produits végétaux canadiens à l'échelle mondiale.

[Français]

La principale mission de l'Agence canadienne d'inspection des aliments vise l'application des lois et règlements du gouvernement fédéral qui protègent les ressources végétales du Canada.

[Traduction]

L'ACIA est également chargée de définir des politiques et des normes d'importation, de délivrer des permis d'importation, d'approuver la distribution des envois et d'inspecter les produits importés.

Nous travaillons également avec nos partenaires provinciaux de l'industrie pour limiter la propagation d'organismes nuisibles introduits au Canada.

L'agence échange de l'information avec les partenaires commerciaux du Canada lorsque surviennent de nouvelles menaces. Par l'entremise de la Convention internationale pour la protection des végétaux, nous collaborons également avec la communauté internationale à l'établissement de normes fondées sur des principes scientifiques, dans le but d'atténuer ces menaces.

En 2004, le gouvernement du Canada a présenté une Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes, qui met l'accent sur quatre objectifs stratégiques : premièrement, prévenir l'introduction, volontaire ou involontaire, d'organismes nuisibles; deuxièmement, détecter et identifier rapidement les nouveaux envahisseurs; troisièmement, intervenir rapidement face à ces nouveaux envahisseurs; et quatrièmement, lutter contre les espèces qui se sont établies et qui se propagent par des mesures d'éradication, de confinement et de contrôle, au besoin.

[Français]

Dans le cadre de la gestion des espèces envahissantes, l'agence joue auprès des partenaires fédéraux et provinciaux un rôle de chef de file dans la mise en œuvre de la stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes.

[Traduction]

Au cours des cinq dernières années, nous avons amélioré notre capacité de détecter, d'évaluer et de lutter contre de phytoravageurs envahissants. Nous pourrons continuer à le faire grâce à une allocation annuelle de 12 millions de dollars attribuée au budget de 2010 de l'ACIA.

L'ACIA a récemment présenté une ébauche de politique dans le but d'examiner les risques associés aux plantes envahissantes tout comme elle le fait pour lutter contre les phytoravageurs, notamment les insectes et les maladies, dans le secteur de l'agriculture et dans les forêts. En 2009, le gouvernement fédéral a lancé un projet pilote sur les plantes envahissantes les plus indésirables, qui a donné lieu à la production de 27 documents sur la gestion des risques associés à un groupe de plantes envahissantes qui pourraient représenter une menace sérieuse pour le Canada. En tant qu'organismes nuisibles, ces plantes pourraient faire l'objet d'une réglementation au Canada dans le cadre des consultations continues menées auprès des intervenants sur la politique sur les plantes envahissantes.

[Français]

Par le biais de divers programmes, l'agence met tout en œuvre pour protéger les agriculteurs, les producteurs et l'industrie des effets que les espèces exotiques envahissantes pourraient avoir sur l'économie.

[Traduction]

L'un de ces programmes vise à interdire le déplacement du bois de chauffage hors des zones réglementées afin de prévenir ou de ralentir la propagation d'organismes nuisibles des zones déjà infectées à des zones où ils sont encore absents.

Bien des gens ne se rendent pas compte de la multitude de voies par lesquelles les végétaux nuisibles peuvent entrer au Canada. Nous avons lancé la campagne « Pensez-y et déclarez! », qui renseigne les voyageurs à propos de ces types de risques et sur les pénalités, parfois sévères, auxquelles s'exposent ceux qui rapportent au Canada certains articles.

En ce qui concerne les activités de protection des forêts, l'ACIA poursuit sa collaboration avec d'autres organisations en vue d'identifier les espèces nuisibles et de mettre en œuvre des stratégies pour les éradiquer, les confiner et contrôler leur propagation. Elle veut ainsi limiter l'introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes au Canada. Nous travaillons en collaboration avec, entre autres, Agriculture et Agroalimentaire Canada, le Service canadien des forêts, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada et l'Agence des services frontaliers du Canada.

L'ACIA lutte contre un certain nombre d'organismes nuisibles envahissants non indigènes qui menacent les forêts canadiennes, tant urbaines que commerciales. Voilà plus de 10 ans que l'ACIA a mis en place des programmes visant l'éradication ou le ralentissement de la propagation du longicorne brun de l'épinette, de l'agrile du frêne et du longicorne asiatique.

L'ACIA a également amélioré les programmes d'importation touchant l'emballage du bois et le bois de fardage afin de réduire les risques liés à cette voie d'accès. Dans le même ordre d'idées, le Canada a travaillé étroitement avec les États-Unis pour examiner les risques liés aux bateaux et aux conteneurs, lesquels peuvent contribuer à la propagation de la spongieuse asiatique en provenance de Russie et d'Asie.

De plus, l'ACIA participe avec les États-Unis à l'élaboration d'un certain nombre d'activités qui pourraient harmoniser nos pratiques de réglementation.

[Français]

En ce qui concerne les exportations de bois d'œuvre, l'agence est responsable de l'élaboration de politiques sur la forêt et de programmes de certification en vue d'empêcher la propagation de ravageurs réglementés du Canada vers l'étranger. L'agence coordonne les programmes d'exportation, portant sur les produits forestiers canadiens, pour faire en sorte que ces derniers correspondent aux exigences d'importation des pays importateurs.

[Traduction]

Le programme canadien de certification des produits de bois traités à la chaleur est un exemple. Le traitement à la chaleur réduit la présence d'organismes nuisibles. Ce programme offre une certification officielle pour l'exportation des produits de bois vers des pays qui exigent un traitement à la chaleur pour l'importation de ces produits. L'Union européenne, la Nouvelle-Zélande et la République de Corée sont quelques-uns des pays qui exigent ce traitement. Les activités de certification des exportations sont essentielles au maintien des intérêts, de la compétitivité et de la performance économique des industries canadiennes.

Les produits de bois canadiens qui ne sont pas conformes aux exigences phytosanitaires des pays importateurs peuvent être refusés à l'entrée ou être détruits. Dans d'autres circonstances, le produit peut être traité au port d'entrée ou être retenu pendant une longue quarantaine.

[Français]

Par exemple, l'agence est en négociation avec des partenaires commerciaux étrangers. Elle cherche à les convaincre d'accepter des programmes de certification de l'industrie pour des marchandises comme le bois de chauffage, les sapins de Noël coupés et les billes afin de promouvoir le commerce de ces marchandises.

[Traduction]

L'agence prend les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les produits canadiens se déplacent sans obstacle injustifié. Par conséquent, il importe que l'intégrité du programme de certification ne soit pas entachée et que nous adhérions aux normes les plus élevées. Monsieur le président, ces programmes assurent l'accès aux marchés étrangers pour le bois d'oeuvre canadien, et ils contribuent grandement à la prospérité actuelle et future de l'industrie forestière canadienne.

Yves Gagnon, professeur et titulaire, Chaire K.C. Irving en développement durable, Université de Moncton : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. C'est un honneur et un privilège pour moi de contribuer à cette importante étude du secteur du bois au Canada. Je suis ici à titre de chercheur en développement durable et en énergie, mais après avoir parlé de ce domaine, je vous expliquerai en quoi c'est lié à la foresterie. Je vais utiliser la présentation PowerPoint dont des copies vous ont été distribuées.

Je ne suis pas ici pour vous parler de changements climatiques, mais je tiens à vous en dire quelques mots afin de mettre en contexte la recommandation que je vais vous faire cet après-midi.

La science des changements climatiques est relativement simple. Les activités humaines génèrent des gaz à effet de serre qui s'accumulent dans l'atmosphère et qui empêchent l'énergie de se dissiper, de telle sorte que la quantité d'énergie solaire retenue dans l'atmosphère est supérieure à la quantité d'énergie qui s'échappe de l'atmosphère. Il s'ensuit une augmentation des températures.

En haut de la page 2, on trouve des graphiques préparés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Ces graphiques montrent l'évolution du dioxyde de carbone, du méthane et de l'oxyde d'azote, les trois principaux gaz à effet de serre. L'échelle chronologique de ces graphiques, sur l'axe horizontal, est de 10 000 ans; cela montre donc l'évolution des gaz à effet de serre dans l'atmosphère durant cette période. Nous appelons ce type de courbe une « courbe en bâton de hockey ». Il s'agit d'une ligne assez droite qui indique une augmentation rapide.

La flèche au bas du graphique indique, comme point de repère, l'ère chrétienne, soit il y a environ 2 000 ans. Cela vous donne une idée de l'échelle.

Le premier petit graphique, en haut, montre qu'il y a eu une forte croissance de la concentration de dioxyde de carbone et de gaz à effet de serre en général dans l'atmosphère à l'époque de la révolution industrielle, quand on a commencé à brûler des combustibles fossiles en particulier, ce qui s'est accumulé dans l'atmosphère.

La courbe bleu pâle au bas de la page 2 montre la concentration de CO2 dans l'atmosphère. La courbe jaune représente la température globale. L'échelle chronologique sur ce graphique est de 200 000 ans; cela s'étend donc sur une période beaucoup grande que celle du graphique d'en haut. Sans entrer dans les détails, ce graphique montre qu'il y a une forte corrélation entre la concentration de CO2 dans l'atmosphère et la température globale de l'atmosphère. Nous pouvons repérer sur ces graphiques les périodes glaciales au cours des 200 000 dernières années.

On observe que la concentration de CO2 dans l'atmosphère augmente de façon radicale, et il y a lieu de s'attendre à un accroissement correspondant de la température globale.

En haut de la page 3, on voit diverses prévisions de la température atmosphérique en fonction de différents modèles. La courbe bleu pâle est basée sur un modèle qui tient compte seulement des effets naturels, alors que la partie en rose représente à la fois des facteurs naturels et des facteurs anthropiques, c'est-à-dire les activités humaines qui influent sur l'atmosphère. La partie sombre représente la température observée à divers endroits de la planète.

En résumé, on constate que la température globale subit des changements, et tout laisse croire que ces changements sont attribuables à notre émission de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

Au bas de la page 3, on voit les sources des gaz à effet de serre. Bon nombre d'entre eux proviennent des émissions de CO2, représentées par le rose sur le diagramme à barres et le premier diagramme circulaire. Je tiens à souligner qu'une bonne partie des gaz à effet de serre que nous émettons dans l'atmosphère est liée à notre méthode de production d'électricité. Environ le quart des gaz à effet de serre sont attribuables au secteur de l'électricité.

Étant donné que le secteur forestier traverse une période de changements profonds, y a-t-il moyen de recourir à la biomasse forestière du Canada pour nous aider à réduire nos émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de l'électricité? Voilà essentiellement la question que je me pose.

La page 4 contient des preuves empiriques, mais on peut dégager une tendance en ce qui concerne les émissions de carbone. On voit sur cette page un emballage de ce que les Écossais appellent des « crisps »; pour nous, c'est des croustilles. Bref, sur l'emballage, on voit un logo qui indique la quantité de carbone qui a été utilisée pour produire le sac de croustilles. Le graphique du haut représente le sac de croustilles en 2007. Ce qui est intéressant, si vous regardez dans la partie droite de l'image, c'est l'endos du sac de croustilles. Dans le coin supérieur droit, on voit les renseignements habituels sur la teneur en matière grasse, en graisses saturées, en sodium, et cetera. Pourquoi les fabricants fournissent-ils ces renseignements à l'industrie alimentaire? Parce que c'est devenu un indicateur pour les consommateurs. Est-ce que j'achète ce sac de croustilles ou celui-là? Nous regardons tous la teneur en matière grasse et en sodium — la plupart d'entre nous, sénateur Robichaud.

Quelle en est la conséquence? Comme c'est un indicateur, les fabricants se sont rendu compte qu'ils doivent réduire la teneur en matière grasse. C'est ainsi qu'à l'échelle mondiale, on observe une réduction de la teneur en matière grasse dans les produits.

En 2007, ce fabricant en Écosse a indiqué la quantité de CO2 émis dans l'atmosphère pour produire ce sac de croustilles — c'est dans la partie encerclée, mais comme vous ne pouvez pas le voir, vous devrez me croire sur parole. En 2007, 104 grammes de CO2 ont été émis dans l'atmosphère pour produire ce sac de croustilles.

Pourquoi l'entreprise a-t-elle mis cette information sur l'emballage? Divulguer cette information constitue un avantage concurrentiel pour l'entreprise parce que c'est un indicateur pour les consommateurs — est-ce que j'achète ce sac de croustilles ou celui-là? Le CO2 deviendra donc un indicateur de choix, et l'industrie doit s'y adapter.

Quand j'ai commencé à présenter ce graphique en 2007 dans le cadre de diverses conférences, les gens me demandaient si 104 grammes étaient considérables. Je leur répondais que ce n'est pas important; l'important, c'est qu'on divulgue l'information. Par conséquent, il faudra réduire la quantité de CO2 parce que d'autres entreprises vont essayer de le faire.

En 2010, pour produire le même sac de croustilles, 80 grammes de CO2 ont été émis dans l'atmosphère. On peut donc observer une tendance à réduire les émissions de CO2. Cette tendance existe en Europe, mais je pense que nous emboîterons le pas. Nous devons être sérieux à propos de la façon dont nous gérons nos émissions de CO2. Je le répète pour renforcer mon message : le secteur de l'électricité — la façon dont nous produisons de l'électricité — est une importance source de CO2.

À la page 5, le graphique du haut présente les vagues d'innovation. Cela ne provient pas de notre travail de recherche, mais c'est intéressant. Le graphique montre les diverses vagues d'innovation qui ont eu lieu au cours des 200 dernières années — la fine pointe technologique de chaque période. Il y a environ 200 ans, les petits génies s'intéressaient à l'énergie hydraulique, à la mécanisation et aux textiles. Puis, avec le temps, il y a eu le chemin de fer et la puissance thermique. Au début du siècle, c'était au tour de l'électricité, des produits chimiques et du moteur à combustion interne. Dans la vague suivante, les grands innovateurs se trouvaient dans l'industrie pétrochimique, l'électronique et l'aérospatiale — l'alunissage, les fusées et la NASA. Maintenant, nous sommes à l'ère des réseaux numériques, de la biotechnologie, des technologies de l'information et des logiciels.

De nombreuses personnes croient que la prochaine vague d'innovation s'articulera autour de la durabilité, c'est-à- dire l'énergie renouvelable, la chimie verte et l'écologie industrielle. Je crois que le secteur forestier devrait se mettre en position favorable en vue de faire partie de la prochaine vague d'innovation qui changera la société.

Dans un tel contexte, nous observons que les entreprises forestières, surtout dans le secteur des pâtes et papiers, s'adaptent à l'innovation. À titre d'exemple, une entreprise a converti son usine pour produire des rayonnes. Mentionnons également la production de papier à valeur ajoutée. Cascades est un chef de file dans ce type d'innovation. Elle a récemment créé un essuie-mains antibactérien grâce à un composé chloré dans le papier. Ainsi, au moment de vous essuyer les mains, quand le papier entre en contact avec l'eau, ce composé se transforme en une solution antibactérienne pour optimiser l'hygiène des mains.

[Français]

Le Groupe Savoie, au Nouveau-Brunswick, est un exemple très important.

[Traduction]

Il s'agit d'une scierie familiale de bois franc. Son innovation, c'est essentiellement l'utilisation optimale de chaque pièce de bois dans la fabrication de produits. L'innovation fait partie de la solution.

Je veux maintenant vous parler de l'énergie. En haut de la page 6, on voit une carte de l'Europe qui montre la production d'électricité distribuée. Traditionnellement, le secteur de l'énergie se compose de sites de production d'électricité à grande échelle, que ce soit des centrales au charbon, des centrales nucléaires, des centrales au mazout, des centrales hydroélectriques, et cetera. Il s'agit d'énormes sites de production situés dans diverses régions.

Par contre, la tendance est à la production d'électricité distribuée. Par là, on entend des centrales de taille beaucoup plus petite, d'habitude liées à une source renouvelable, que ce soit l'énergie éolienne, les microcentrales hydroélectriques ou les usines de biomasse. D'après ce qu'on peut voir, certains pays produisent près de 30 p. 100 de leur électricité grâce à ce type de petits systèmes — basés sur la biomasse ou l'énergie éolienne — au lieu d'opter pour des centrales à grande échelle, comme nous le faisons traditionnellement. Ces systèmes sont d'ailleurs très efficaces.

Avant de conclure, j'ai quelques exemples à vous donner. Tout d'abord, il y a le système énergétique de quartier de l'Île-du-Prince-Édouard, que l'on trouve à Charlottetown — le sénateur Duffy le connaît. À Charlottetown, juste à côté du centre-ville, il y a un site propre et efficient où l'on brûle des résidus urbains et des résidus de scierie sur l'île, et aussi un peu de pétrole, et c'est avec ces ressources que l'on produit de l'électricité et de la chaleur.

Ce système appartient à PEI Energy Corporation, qui est une société d'État; il appartient donc à la population de l'Île-du-Prince-Edward. Selon les dernières données, cette usine chauffe 84 édifices de Charlottetown. Entre autres, l'hôpital, les édifices gouvernementaux, l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard sont chauffés par cette petite usine de Charlottetown. L'électricité est vendue à Maritime Electric. Le système est très efficace, optimisé et vraiment durable.

Un autre de mes exemples vient de ma ville, Edmundston, au Nouveau-Brunswick, qui est située près de la ville du sénateur Mockler. Il s'agit d'une centrale de cogénération qui a été construite dans les années 1990. Bon nombre de gens, y compris ceux qui travaillent à l'usine, qui s'appelle maintenant Twin Rivers Paper, sont d'avis que cette usine survit grâce à la construction de la centrale de cogénération. Ils produisent de l'électricité et la vendent à la Société d'Énergie du Nouveau-Brunswick; pour leurs activités, ils produisent de la chaleur et ne brûlent donc pas de pétrole.

Mon dernier exemple, c'est un projet récent de Nova Scotia Power et de NewPage Corporation. Ils vont construire une centrale de cogénération de 60 mégawatts pour produire de l'électricité qu'ils vendront aux consommateurs de la Nouvelle-Écosse, mais ils produiront également de la chaleur pour les activités qu'ils mènent dans l'usine. Ils feront un peu de récolte de la biomasse, mais ils utiliseront aussi des résidus de biomasse pour les scieries et les usines de papier de la région. Ils utiliseront ni plus ni moins toute la biomasse disponible.

Est-ce que la biomasse forestière peut être une source durable et viable d'énergie renouvelable à grande échelle pour les régions du Canada?

Nous avons la biomasse. Pour l'industrie du bois conventionnelle, peu importe qu'il s'agisse des pâtes et papiers — et l'industrie du bois de sciage fait face à des difficultés —, devrions-nous envisager des systèmes de cogénération pour la production locale d'énergie grâce auxquels nous produirions de la chaleur et de l'électricité pour combler les besoins des industries, des municipalités, des écoles, des hôpitaux, et cetera? C'est une autre façon d'envisager le secteur de l'énergie et le secteur forestier, et elle correspond aux principes du développement durable.

Il y a certains enjeux, comme celui de l'approvisionnement. Il nous faut mieux connaître la ressource — il faut connaître la quantité d'énergie que nous pouvons produire à partir de la ressource en ayant une récolte de la biomasse durable. Il est important que l'empreinte carbone soit faible dans la récolte de la biomasse.

Il y a aussi la question de l'acceptabilité sociale. Lorsque nous parlons de coupe de bois, nous devons aussi parler de la question des coupes à blanc et des écoservices d'une forêt. Il ne s'agit pas d'une solution donnée; il y a diverses difficultés. Cependant, on devrait examiner sérieusement au Canada la question de savoir si la biomasse peut devenir une source d'énergie à grande échelle qui cadre avec le développement durable des collectivités dans les diverses régions du pays.

Le président : Je remercie les témoins.

[Français]

Je demanderais au sénateur Eaton de commencer la période des questions. Elle sera suivie du sénateur Robichaud.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Je ne sais pas par où commencer; vos deux exposés étaient tellement intéressants.

Monsieur Gagnon, nous avons entendu beaucoup de témoins au cours des neuf derniers mois. Il semble que la coupe à blanc constitue un problème d'esthétique, un problème qui se règle de lui-même à mesure que les arbres repoussent.

Ce qui me préoccupe un peu de votre exposé, c'est que vous parlez beaucoup des innovations en Europe, mais en Espagne, le mouvement écologiste et l'industrie éolienne sont un désastre. La politique énergétique de l'Espagne ne s'est pas avérée efficace.

Ce que je trouve plus intrigant, c'est l'innovation que l'industrie forestière canadienne a été capable de faire avec, entre autres, la cellulose nanocristalline, la CNC, et la production de nouveaux produits pour remplacer les matières plastiques. Je m'intéresse à l'utilisation des déchets pour produire des combustibles et de l'énergie.

J'espère que nous prenons le virage de l'innovation plutôt que de l'établissement de systèmes qui ne s'avèrent pas très efficaces, comme les éoliennes ou les panneaux solaires qui, au bout du compte, coûtent très cher et ne produisent pas tant d'énergie que cela. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Gagnon : Je suis d'accord avec vous. L'innovation est essentielle dans le secteur forestier. Il nous faudra du temps avant de pouvoir faire concurrence aux fabricants chinois ou brésiliens.

Le sénateur Eaton : Nous pouvons être concurrentiels dans le domaine de la cellulose nanocristalline. Sont-ils en avance sur nous?

M. Gagnon : Il s'agit d'innovation. Le Canada devrait suivre cette tendance. Nous devrions miser sur des produits innovateurs, une productivité accrue, des produits à valeur ajoutée, plutôt que de faire concurrence à ces pays dans le secteur du papier. Je n'ai parlé ni d'énergie éolienne, ni d'énergie solaire dans mon exposé.

Je vous ai donné trois exemples de systèmes à petite échelle que nous avons au Canada, mais il y en a bien d'autres. Beaucoup d'autres centrales à la biomasse commerciales ou locales font partie du portefeuille énergétique des différentes régions.

Le sénateur Eaton : S'agit-il des exemples que vous nous avez donnés?

M. Gagnon : Oui.

Le sénateur Eaton : Il s'agit en grande partie de déchets, n'est-ce pas?

M. Gagnon : Il s'agit de déchets pour la plupart, mais concernant le dernier que j'ai présenté, la moitié de la biomasse sera récoltée expressément pour produire de l'électricité. Ce sont deux modèles.

Le sénateur Eaton : À votre avis, avons-nous les moyens de le faire à grande échelle?

M. Gagnon : La biomasse forestière est une ressource disponible et elle est renouvelable. Comme pour toutes les ressources, il y a un manque de connaissances liées à son utilisation pour la production d'énergie au Canada. Il est à espérer que bientôt, au Nouveau-Brunswick, nous serons en mesure de quantifier la biomasse forestière qui pourrait être utilisée pour la production d'énergie. Une fois que cela sera fait, les gouvernements seront en meilleure position pour déterminer s'il s'agit d'une source viable et à long terme d'énergie.

Je recommande au comité d'envisager sérieusement l'utilisation de la biomasse forestière comme source potentielle de production d'énergie à grande échelle au Canada.

Le sénateur Eaton : Lorsque vous dites « biomasse forestière », parlez-vous de granulés de bois?

M. Gagnon : Je parle de toutes les formes de biomasse, qu'il s'agisse de déchets de la biomasse ou de la cime des arbres, ou des branches qui n'ont aucune valeur économique. Il faut équilibrer cela avec les écoservices apportés par la biomasse qu'on laisse dans la forêt. Je ne dis pas qu'il s'agit d'une solution simple, mais j'espère que nous considérerons la biomasse comme une source potentielle de production d'énergie à grande échelle, tout en respectant les éléments liés au développement durable de la biomasse elle-même. La récolte de la biomasse devrait également être prise en considération.

Le sénateur Eaton : Nous en avons entendu parler un peu en Colombie-Britannique. Ils sont en train de commencer à le faire et à vérifier si c'est économique.

Monsieur Ritchie, vous avez dit que certains pays où nous exportons du bois exigent un traitement thermique pour s'assurer que nous n'exportons pas nos bestioles avec notre bois. Exigeons-nous la même chose, nous aussi, de certains pays pour nous protéger des insectes?

M. Ritchie : Oui, nous le faisons. Grâce aux forums qui existent, nous avons collaboré avec la communauté internationale pour faire en sorte que nous exigions des autres pays tout ce qu'ils exigent du nôtre. Tous les produits qui entrent au Canada doivent être traités thermiquement, y compris ceux utilisés comme emballage d'autres produits.

Le sénateur Eaton : Avons-nous des gens sur place qui font l'inspection des produits dans les pays avant qu'ils ne nous soient expédiés, ou en faisons-nous l'inspection une fois que nous les recevons?

M. Ritchie : Je crois que c'est une combinaison des deux. Il est certain que nous faisons des inspections ici au Canada. Nos mesures sont prises à la frontière. Une fois que les produits sont arrivés, nous travaillons en collaboration avec nos collègues de l'Agence des services frontaliers du Canada pour nous assurer qu'ils sont inspectés. Nous vérifions s'il a été estampillé. Une estampille indique que le bois a été traité thermiquement.

Le sénateur Eaton : Quelle recommandation pourrait vous aider à protéger notre pays des ravageurs étrangers?

M. Ritchie : Il existe un cadre international. Il y a un processus auquel les pays peuvent avoir recours pour s'assurer qu'ils élaborent collectivement des procédures qui s'appliquent partout dans le monde. Je demanderais qu'on appuie le processus. C'est cette voie que nous devons suivre. C'est d'abord au sein du forum international qu'il faut faire preuve d'intégrité. Je demanderais à tous les pays de participer activement à ces forums et de se conformer aux exigences et aux normes qui en résulteront.

De plus, il est important que nous travaillions à l'échelle régionale avec nos principaux partenaires commerciaux. Les États-Unis sont un grand partenaire commercial pour nous dans le secteur des produits végétaux et forestiers. Plus nous harmoniserons nos pratiques avec celles des États-Unis et plus nous faciliterons les mouvements transfrontaliers, plus ce sera avantageux pour nous. Si nous pouvons utiliser ce pays comme un allié contre d'autres partenaires commerciaux internationaux, c'est avantageux.

Le sénateur Eaton : Nous avons appris que, de plus en plus, nous ferons le commerce des produits forestiers avec l'Extrême-Orient.

M. Ritchie : C'est exact.

Le sénateur Eaton : Cela posera-t-il d'autres problèmes?

M. Ritchie : Oui, cela posera des problèmes pour les stratégies de lutte contre les ravageurs qu'ils appliquent à l'intérieur de leurs frontières, et c'est à cet égard que nous devons dire à la communauté internationale qu'il existe des normes internationales sur la façon dont nous devrions traiter certains ravageurs. Il faut que tous les pays se conforment à ces normes. Ce sera difficile. Encore une fois, en collaborant avec nos alliés, nous pouvons intervenir à l'échelle internationale pour promouvoir de meilleures mesures sanitaires dans le monde.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur Gagnon, dans vos conclusions, vous avez posé toutes les questions auxquelles nous cherchons des réponses. Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Vers qui devons-nous nous tourner pour obtenir ces réponses? Je comprends que c'est vers l'industrie, d'une part. Cependant, un centre de recherche tel que le vôtre ne devrait-il pas arriver avec des réponses plutôt qu'avec des questions?

M. Gagnon : Si je me réfère à la dernière ligne de ma conclusion que j'ai peut-être énoncée un peu trop rapidement par manque de temps, comme on dit, poser la question, c'est y répondre. Si on se pose la question à savoir si la biomasse forestière peut être une source important d'énergie à grande échelle, à mon avis, poser la question, c'est y répondre.

En effet, compte tenu que le secteur de la forêt au Canada vit une période de grande transformation, le secteur de l'énergie est une avenue qui devrait être sérieusement considérée pour que la biomasse forestière soit une source d'énergie à grande échelle, viable et durable pour le Canada. Pour ce faire, il faut transformer le secteur de l'énergie qui opère de façon traditionnelle avec de grandes unités de génération centralisées avec beaucoup de lignes de transmission et aller vers un mode de génération distribuée de puissance, dont de petites unités de génération, plus près des consommateurs, des points de consommation, des industries, du résidentiel et autres.

Ainsi, on a donc besoin de moins de lignes de transmission, ce qui engendre de moindres coûts. On utilise la biomasse sur une base régionale, créant ainsi moins d'impact sur l'environnement à cause de la réduction du transport. Ultimement, on augmenterait la sécurité énergétique. Plus nous avons de points de génération d'électricité, plus nous faisons appel à une ressource indigène plutôt qu'à des ressources importées tel que le pétrole ou le charbon, plus nous augmentons notre sécurité énergétique.

De façon traditionnelle, le secteur de la forêt n'a pas vu le secteur de l'énergie comme une avenue pour l'utilisation de sa ressource. Un mouvement dans cette voie est approprié présentement compte tenu non seulement de l'évolution du climat, mais aussi de celui du secteur de la forêt ici au Canada.

Le sénateur Robichaud : Croyez-vous qu'on a manqué le bateau, puisque les éoliennes ont pris de l'avance? Au Nouveau-Brunswick, à Kent Hills, dans la région de Bathurst, à Caribou, on a déjà installé je ne sais pas combien d'éoliennes. On a fait des efforts extraordinaires pour amener cette façon de générer l'énergie, mais on n'a pas entendu parler du potentiel qui existe déjà dans nos forêts. Les gouvernements ne semblent pas y avoir montré beaucoup d'intérêt non plus jusqu'à maintenant.

M. Gagnon : Je ferai référence au rapport de Nicholas Stern, publié en 2007, ancien vice-président de la Banque mondiale. À l'époque, il était conseillé pour le gouvernement de la Grande-Bretagne. Son rapport fait figure de leadership dans le domaine. C'était le premier rapport venant d'un personnage d'une grande crédibilité dans les milieux économiques et financiers. Il démontrait que les changements climatiques allaient avoir des impacts importants sur les économies des pays industrialisés et de ceux en voie de développement, et que nous devions prendre des actions immédiatement et ce sur une multitude de fronts. Il n'y a pas de solution unique pour répondre aux changements climatiques.

Si on applique ce concept au secteur de l'énergie et qu'on le combine à des notions de sécurité énergétiques, plus on a de sources variées de génération d'électricité, plus on a de sources distribuées de génération d'électricité, plus on augmente notre sécurité au plan énergétique.

Dans ce contexte, oui, il y a de la place pour l'éolien, la marémotrice éventuellement lorsque la technologie sera au point, le solaire lorsque la technologie sera moins coûteuse, mais compte tenu du contexte canadien, de la disponibilité de la ressource et des défis du secteur forestier au plan de la valeur ajoutée de la biomasse forestière, il est approprié d'envisager sérieusement la biomasse forestière comme source d'énergie à grande échelle au Canada.

Le sénateur Robichaud : Je suis d'accord qu'on doive examiner cela de très près, mais diriez-vous que le gouvernement aurait besoin de moins subventionner la production d'énergie avec la biomasse forestière qu'elle ne l'a fait avec l'installation de production d'énergie par le vent?

M. Gagnon : Dans une première étape, il serait important d'entreprendre un bilan au plan national en commençant par des projets pilotes au palier provincial. Éventuellement, il faudrait le faire au plan national afin de faire une évaluation de la disponibilité de la ressource pour la génération d'électricité à grande échelle quant à la biomasse forestière. Cela inclus la disponibilité de la ressource dans une perspective de développement durable, donc la régénération de la ressource. Il y a aussi les impacts au plan des services écologiques de la forêt. Alors nous devons nous assurer que nous maintenons ces services écologiques, parce que nous ferons une récolte de la biomasse. Il faut faire en sorte d'avoir un minimum d'impact quant aux émissions de carbone dans la récolte de la biomasse forestière. Finalement, il faudrait voir quels sont les modèles de génération d'électricité à partir de la biomasse forestière qui ont des impacts économiques durables pour les différentes communautés où la forêt serait la pierre angulaire des économies des différentes régions.

Le sénateur Robichaud : C'est un travail énorme que nous avons à faire.

M. Gagnon : Oui, mais il faut commencer. Vous avez parlé de l'éolien. Je vous donne un exemple intéressant. Il y a 25 ans, au Danemark, les gouvernements ont financé le développement des éoliennes et appuyé l'installation des turbines éoliennes dans la perspective que cette source d'énergie serait éventuellement une source d'énergie économiquement viable. Aujourd'hui, les éoliennes que l'on retrouve partout dans le monde viennent du Danemark ou sont fabriquées sous licence du Danemark.

Il y a environ deux ans, on a étudié les modèles du Danemark. La fabrication des éoliennes généraient au-delà de 20 000 emplois, créant un impact économique extrêmement important pour ce pays.

Donc, il y a la ressource, mais aussi les systèmes de cogénération de biomasse, électricité et chaleur. Il y a possibilité que le Canada devienne un chef de file quant au développement de ces technologies et aussi du développement des pratiques d'exploitation forestière, ce qui ferait en sorte que nous continuions à développer le secteur forestier dans une perspective de développement durable, mais en ayant une nouvelle façon d'ajouter de la valeur et d'avoir des impacts économiques du secteur de la forêt pour les différentes communautés au Canada.

[Traduction]

Le sénateur Marshall : Monsieur Ritchie, dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait référence à plusieurs politiques et stratégies, comme la Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes et la politique sur les plantes envahissantes. Vous avez parlé de la campagne Pensez-y et déclarez! Dans vos notes d'information, vous avez fait référence à la campagne Ne déplacez pas de bois de chauffage. De quelle façon l'agence évalue de telles politiques? Savez-vous si elles sont efficaces?

M. Ritchie : C'est une très bonne question. Les politiques jouent un rôle sur différents plans. Certaines sensibilisent davantage la population à ces ravageurs envahissants et à ce que nous pouvons faire pour en arrêter la propagation. Par exemple, la campagne Ne déplacez pas de bois de chauffage est importante, car le déplacement de bois de chauffage peut entraîner le déplacement de ravageurs d'un endroit à un autre. Par exemple, nous pouvons élaborer une politique disant que, selon les recherches scientifiques, il faut limiter les déplacements, et que nous allons travailler avec nos collègues provinciaux pour qu'ils mettent en place de bons systèmes pour limiter le déplacement du bois de chauffage.

Nous utilisons également des permis. Si nous allons dans un endroit qui a été envahi par des ravageurs, la loi nous permet de le mettre en quarantaine et également de délivrer des permis pour les déplacements qui sont effectués de cet endroit et vers cet endroit. Nous exerçons un certain contrôle sur le déplacement des produits.

C'est un peu plus difficile dans le cas du bois de chauffage, car les gens peuvent aller dans les forêts, couper du bois de chauffage, le mettre dans leur camion et partir. Dans ces endroits, il est difficile pour nous de déterminer si cela fonctionne. Nous espérons que grâce à une plus grande sensibilisation et grâce aux provinces et aux parcs provinciaux qui affichent ce genre d'activités et qui limitent la façon dont on peut distribuer le bois de chauffage dans le parc, les gens respecteront les politiques.

Nous surveillons également le ravageur en tant que tel. Cela donne en quelque sorte un indice à savoir si nous arrivons à limiter sa propagation grâce à certains de nos programmes et de nos politiques.

Le sénateur Marshall : Vous avez parlé de sensibilisation et de la politique Ne déplacez pas de bois de chauffage. Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador, où beaucoup de gens coupent eux-mêmes leur bois et le déplacent partout. Je n'ai jamais entendu parler de cette politique. Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas de ravageurs à Terre-Neuve-et-Labrador, ou est-ce parce qu'on ne sensibilise pas les gens à cette politique?

M. Ritchie : Vous avez fait une observation pertinente, sénateur Marshall. Lorsque des organismes nuisibles entrent au pays, la campagne est plus active parce que ces ravageurs peuvent facilement se répandre par le bois de chauffage. Au Nouveau-Brunswick, nous sommes en train de combattre un organisme nuisible appelé longicorne brun de l'épinette, et nous faisons la promotion active de ce genre de politique dans la province, parce que nous sommes activement engagés dans cette lutte.

Le sénateur Marshall : Cette politique s'est-elle révélée efficace au Nouveau-Brunswick?

M. Ritchie : Cet organisme nuisible était présent en Nouvelle-Écosse, pas au Nouveau-Brunswick; je me suis trompé et mon collègue m'a corrigé.

M. Gagnon : Nous n'avons pas d'organismes nuisibles à l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Ritchie : Sauf peut-être des ravageurs de la pomme de terre. J'ai mal compris la question.

Le sénateur Marshall : Je connais bien la campagne Pensez-y et déclarez! parce qu'elle fait l'objet de beaucoup de publicité, mais il y en a plusieurs autres que je ne connais pas. Cela m'amène à m'interroger sur l'efficacité de ces politiques. Si la vérificatrice générale devait faire une vérification, elle vous demanderait comment vous déterminez l'efficacité de vos politiques.

M. Ritchie : Vous avez raison. Plusieurs autres politiques, comme la Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes, ont permis à un certain nombre de ministères soucieux de contrôler ces espèces de se regrouper, de comprendre les rôles et responsabilités de chacun et d'élaborer un plan collectivement. Certains de ces documents présentent des orientations générales qui donnent l'occasion aux ministères concernés de travailler en collaboration. C'est énorme, ne serait-ce que pour comprendre les rôles et responsabilités de chacun. Notre rôle est très différent de celui de Forêts Canada et d'Environnement Canada. C'est très important de bien distinguer les choses. C'est difficile à mesurer, mais les documents n'ont d'autre prétention que celle de permettre à ces ministères de se comprendre mutuellement.

Le sénateur Marshall : Professeur Gagnon, à la page 2 de votre présentation, vous parlez des concentrations observées dans l'atmosphère de trois produits chimiques sur une période de 10 000 ans.

Comment vous y prenez-vous pour déterminer quelles étaient les concentrations de ces produits dans l'atmosphère il y a 10 000 ans? Elles sont montées en flèche il y a quelques années. Est-il possible que la compilation des données soit meilleure?

M. Gagnon : Non. En réalité, ces données ont été produites à partir de prélèvements dans la plateforme de glace flottante de l'Antarctique. La couche de glace a une épaisseur de plusieurs kilomètres en Antarctique. Elle s'est formée par accumulation de couches successives de neige compactée. Au fond, on retrouve de la neige tombée il y a des milliers d'années. En prenant un échantillon du noyau de glace, on peut déterminer la concentration de certains produits dans l'atmosphère à cette époque-là.

M. Ogilvie sera d'accord avec moi que nous voyons des barres d'erreur sur ces graphiques, qui indiquent que les mesures sont incertaines. La troisième est plus grande que les deux premières. Ce type de données n'est pas contesté; ce sont des données crédibles.

Le sénateur Marshall : À la page 3, voulez-vous dire que 25 p. 100 des gaz à effet de serre sont attribuables à la production d'électricité?

M. Gagnon : À l'approvisionnement énergétique, oui. C'est à l'échelle mondiale. Au Canada, c'est à peu près la même chose.

Le sénateur Marshall : Est-ce que cela tient à la façon dont l'électricité est produite?

M. Gagnon : Oui, absolument.

Le sénateur Marshall : Quelle méthode aurait le moins d'effets?

M. Gagnon : Il nous faut cesser de produire de l'électricité à partir de combustible fossile, de charbon, de pétrole ou de gaz. Il existe différentes options. Comme l'a indiqué le sénateur Robichaud, la production d'énergie éolienne, qui est économiquement viable, a un grand succès à l'Île-du-Prince-Édouard et ailleurs au Canada. Plus notre portefeuille énergétique sera diversifié, mieux nous nous porterons sur le plan de la sécurité et de l'approvisionnement énergétiques. La biomasse ligneuse pourrait devenir une source d'énergie à grande échelle au Canada.

Le sénateur Marshall : Et qu'en est-il de l'hydrogène?

M. Gagnon : L'hydrogène est ce que nous appelons un « vecteur énergétique ». C'est seulement un moyen de stocker de l'énergie que nous pourrons consommer plus tard. Si nous avons des sources d'énergie intermittentes, comme l'énergie éolienne, marémotrice ou solaire, nous pouvons nous servir de l'hydrogène pour stocker cette énergie et réutiliser l'hydrogène pour produire de l'électricité quand nous en aurons besoin. L'hydrogène n'est pas une source d'énergie, c'est un moyen permettant de stocker l'énergie. À long terme, cela pourrait devenir un moyen efficace de stocker l'énergie et donc d'intégrer une source d'énergie plus intermittente qu'on pourra contrôler, comme l'énergie éolienne, marémotrice ou solaire.

Le sénateur Mercer : Pour commencer, je tiens à remercier tous les témoins pour leurs exposés.

Monsieur Gagnon, vous avez porté à notre attention l'étiquetage des croustilles en Écosse. Comment cela a-t-il commencé? Est-ce que la compagnie a dit tout simplement que c'était une bonne idée ou est-ce qu'on l'a incitée à le faire? Existe-t-il une réglementation qui force les entreprises britanniques à faire ce genre de choses? Je trouve que c'est une excellente initiative. Je suis un régime pauvre en sodium et je lis toujours les étiquettes pour voir la quantité de sodium; j'ai d'ailleurs cessé d'acheter certains produits en raison des quantités de sel qu'ils contiennent.

M. Gagnon : Nous n'avons pas fait d'étude pour savoir pourquoi cette compagnie indique la quantité d'émissions de CO2 sur les paquets de croustilles. En Écosse, il n'y a pas encore de réglementation visant à contrôler les émissions de CO2. Les Écossais adoptent une tendance qui conduira probablement à des restrictions concernant les émissions de carbone, et cela pourrait prendre diverses formes, comme des taxes ou un système de plafonnement et d'échange, ou que sais-je d'autre.

Ce qui est clair, avec cette compagnie, c'est que divulguer l'information et réduire ensuite les émissions de CO2 lui a donné un avantage concurrentiel. Cela fait partie de ses points forts consistant à dire : « Achetez mes paquets de croustilles plutôt que ceux de la concurrence ».

Le sénateur Mercer : Peut-être faudrait-il que cela figure dans un règlement et que les responsables de l'inspection des aliments relayent le message.

J'aimerais poursuivre, monsieur Gagnon, au sujet de votre description de District Energy, de l'Île-du-Prince- Édouard. Je veux parler des autres usines auxquelles vous avez fait référence, mais surtout de la centrale de Charlottetown où on brûle des déchets urbains et des résidus de scieries, entre autres. Je suis originaire de la Nouvelle- Écosse où on produit de l'électricité à partir de centrales au charbon polluantes. C'est d'ailleurs très néfaste pour l'environnement.

Quelles quantités de cendres sortent des cheminées? La plupart de nos centrales se trouvent dans des zones rurales, mais celle-ci est au centre-ville de Charlottetown.

M. Gagnon : Je ne connais pas les données par cœur, mais en règle générale, au Canada, on a beaucoup réduit les émissions de particules ces dernières décennies, grâce à des avancées technologiques comme les « épurateurs-laveurs ». Au Canada, le brûlage de combustibles fossiles produit de faibles émissions de particules.

Ce que l'on émet le plus, c'est du CO2, du dioxyde de carbone. Maintenant, nous savons que le dioxyde de carbone a un effet sur l'environnement et l'atmosphère, mais les émissions de particules sont relativement minimes.

La centrale de Charlottetown est située entre le centre-ville et l'hôpital. Elle est très propre. J'ai beaucoup de photos que j'utilise dans mes présentations. Si c'est bien fait, ce n'est pas dérangeant. L'environnement est sain.

Le sénateur Duffy : Est-ce qu'il y a des odeurs?

M. Gagnon : Non, cela ne sent pas. Les déchets urbains et la biomasse sont entreposés dans des endroits fermés. Cela peut être fait très efficacement.

Le sénateur Mercer : Monsieur Gagnon, dans votre présentation, vous parlez de beaucoup de choses sauf d'un quelconque lien direct avec la sylviculture ou la reforestation. Je sais que vous venez du Nouveau-Brunswick où se trouvent quelques-uns des meilleurs sites de sylviculture et de reboisement. Nous avons d'ailleurs visité des sites de reboisement, et plusieurs d'entre nous ont planté des arbres pour réduire leur propre empreinte carbonique. Vous n'avez rien dit sur cet aspect de l'industrie.

M. Gagnon : Comme je l'ai précisé plus tôt, nous travaillons dans le secteur des énergies durables et renouvelables, pas dans la foresterie; c'est la raison pour laquelle je n'ai pas abordé la question. Toutefois, si nous décidons d'utiliser la biomasse ligneuse comme source d'énergie viable à grande échelle, il y aura certains ajustements à faire dans le secteur de la foresterie, notamment dans la façon de récolter les arbres.

Le sénateur Mercer : Monsieur Ritchie, je chauffe ma maison de Nouvelle-Écosse au bois, en partie. Je ne possède pas de lot boisé et je dois acheter le bois de chauffage. En Nouvelle-Écosse, on n'est pas censé déplacer certaines essences d'arbre, mais j'ignore lesquelles. J'achète mon bois chez le même fournisseur, année après année. Je ne sais pas où il s'approvisionne, je ne suis donc pas sûr de la provenance du bois.

Y a-t-il un site web, un ministère, un numéro de téléphone ou je ne sais quoi d'autre nous permettant d'obtenir des informations au sujet des restrictions? Beaucoup de gens, dans ce pays, moi y compris, chauffent leur maison au bois. Je ne voudrais pas enfreindre quelque règle que ce soit.

M. Ritchie : Votre question est pertinente, sénateur Mercer. Cela fait quelque temps déjà que nous nous intéressons à ce sujet, parce que nous ne possédons pas de liste de fournisseurs de bois de chauffage agréés. C'est un domaine difficile à réglementer, et nous ne voulons pas faire peser de fardeau supplémentaire sur l'industrie. Nous essayons de sensibiliser davantage les gens à cette question. Tout dépend de l'usage qu'on fait du bois. Si c'est pour le mettre à brûler dans la cheminée, c'est bien; cela permet de détruire les insectes. Mais il nous est plus difficile de contrôler le nombre d'arrêts que fait un chargement pendant le transport et la destination finale du bois. Vous avez mis le doigt sur un problème que nous devrons nous efforcer de corriger avec nos homologues provinciaux.

Le sénateur Mercer : Vous ne devez pas perdre de vue que la plupart des fournisseurs sont de petits entrepreneurs. Dans le Canada atlantique, c'est une entreprise à valeur ajoutée pour les agriculteurs. C'est une culture commerciale. On ne peut pas faire peser un fardeau trop lourd sur cette industrie. Si les fournisseurs de bois de chauffage doivent obtenir des certifications, il faut que ce soit facile et gratuit. Je ne veux pas faire la vie dure aux fournisseurs qui, dans la plupart des cas, travaillent avec des scies à chaîne et des fendeuses. Cela leur permet de se procurer un revenu d'appoint lorsqu'ils ont besoin d'argent.

M. Ritchie : Vous avez parfaitement raison.

Le président : Notre temps est compté et notre prochain groupe de témoins attend. Nous avons aussi des questions concernant l'analyse du cycle de vie, les codes du bâtiment écologiques et la norme LEED, ou Leadership in Energy and Environmental Design. Nous vous enverrons ces questions par écrit pour que vous y répondiez.

Le sénateur Duffy : Monsieur Ritchie, nous avons entendu parler des ententes internationales censées protéger le Canada contre les organismes nuisibles. Un de nos premiers témoins a parlé de composantes d'armoires de cuisine importées qui libéraient dans l'atmosphère, au Canada, des produits chimiques utilisés dans la fabrication de ces pièces à l'étranger.

Est-ce qu'une partie de votre travail consiste à vous assurer que le bois ne présente aucun danger? Dans la négative, est-ce qu'il devrait en être autrement? Peut-être que vous voudrez réfléchir à la question et nous répondre par écrit. Je vois cela comme un autre aspect du bois et du traitement thermique.

Monsieur Gagnon, les projets dont vous avez parlé m'intéressent au plus haut point. Comme vous le savez, la centrale de Charlottetown a été agrandie. Savez-vous si ce genre de centrale est économiquement viable? Dans l'affirmative, croyez- vous que d'autres centrales verront le jour?

M. Gagnon : Nous n'avons pas accès aux détails financiers de ces installations. Toutefois, quand des compagnies comme NewPage ou Nova Scotia Power décident de construire de telles centrales, nous savons que c'est parce que c'est rentable pour elles.

Le sénateur Mahovlich : Monsieur Ritchie, il y a environ 50 ans, la région de Toronto a été frappée par la maladie hollandaise. Est-ce qu'on a reboisé les forêts en plantant des ormes? Je ne vois pas autant d'ormes qu'il y a 50 ans.

Monsieur Gagnon, quand est-ce que les températures vont recommencer à baisser sur Terre, ou est-ce que cela n'arrivera plus jamais?

M. Gagnon : Nous connaissons la durée de vie des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Le CO2, par exemple, a une durée de vie comprise entre 50 et 200 ans. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a élaboré quelques scénarios sur l'évolution de la température globale de l'atmosphère en fonction du temps et de la quantité de carbone, de CO2 et de gaz à effet de serre que nous rejetons dans l'atmosphère. C'est bien documenté.

Si nous voulons que les températures diminuent au cours des prochains siècles, nous devrons réduire radicalement nos émissions de carbone.

Au dernier sommet de Copenhague, on a fait un pas en avant en admettant, jusqu'à un certain point, que la température globale de l'atmosphère avait augmenté. Cela nous amènera au scénario 450, qui est de 450 parties par million de CO2 dans l'atmosphère. Le plus probable, c'est que cela devienne l'objectif planétaire — limiter la concentration de CO2 à 450 ppm.

Le sénateur Mahovlich : Il ne faut pas oublier que notre population s'accroît chaque année. Nous aurons besoin de plus d'énergie. Il sera par conséquent plus difficile de contrôler les émissions de CO2.

M. Gagnon : Tout à fait.

M. Ritchie : Pour ce qui est de la graphiose de l'orme, cette maladie fait toujours l'objet d'une quarantaine. Cela n'empêche toutefois pas les villes de planter des ormes. On peut planter des ormes canadiens, mais on ne peut pas en importer.

Il y a encore beaucoup de plantations qui s'effectuent pour essayer de remplacer les ormes touchés par la maladie. Des recherches sont menées en vue de créer une essence résistant à la graphiose. Certaines mesures sont prises pour que l'on puisse continuer à planter des ormes dans nos collectivités.

Le président : Nous sommes maintenant prêts à accueillir notre second groupe de témoins. Nous vous ferons parvenir nos autres questions par écrit en espérant que vous prendrez le temps d'y répondre.

Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Vos témoignages ont été très intéressants et nous ont beaucoup éclairés.

Honorables sénateurs, je vais maintenant vous présenter nos prochains témoins.

De la Fédération canadienne des propriétaires de boisés, nous accueillons M. Bob Austman, premier vice-président.

[Français]

De la Fédération des producteurs de bois du Québec, M. Daniel Roy, directeur adjoint.

[Traduction]

De la Fédération des propriétaires de boisés du Nouveau-Brunswick, nous recevons M. Andrew Clark, président. M. Rod Bealing, directeur exécutif de la Private Forest Landowners Association (BC) est également des nôtres.

Nous allons débuter avec M. Austman qui sera suivi dans l'ordre par MM. Roy, Clark et Bealing.

Bob Austman, premier vice-président, Fédération canadienne des propriétaires de boisés : C'est un honneur pour moi d'être ici ce soir. Merci pour votre invitation.

Notre fédération représente les propriétaires de boisés privés du Canada. La plupart des forêts canadiennes appartiennent à l'État qui les gère au nom des Canadiens, mais il existe également des boisés privés. Comme vous pouvez le voir dans le diagramme du document que nous vous avons remis, nous possédons 8,6 p. 100 des terres forestières du Canada. Nous représentons près de 500 000 familles. Cela donne plus de 2 millions de Canadiens qui sont propriétaires de boisés familiaux. Environ 25 p. 100 des Canadiens vivant en milieu rural ont un lien direct avec un tel boisé dans leur voisinage. Sur un total d'environ 430 millions d'hectares de forêts, nous en possédons 19 millions. Si nous formions un pays rien qu'à nous, nous nous situerions au 8e rang en matière de couverture forestière, entre la Finlande et la France. Il s'agit donc d'une portion considérable de nos ressources forestières et elle figure parmi les plus productives au Canada.

Dans le tableau présenté au bas de la première page, vous pouvez voir que la production de bois à partir des forêts privées est généralement supérieure à celle tirée des forêts d'État, tout simplement parce qu'elles sont mieux gérées par les familles qui les possèdent depuis plusieurs générations. Elles ont su surveiller la poussée des arbres et contrôler les insectes et les incendies. Elles ont nettoyé leurs forêts après les coups de vent et les perturbations semblables. De plus, ces boisés se retrouvent généralement dans la partie méridionale du Canada où le sol est plus propice au développement de saines forêts.

En plus de fournir du bois d'œuvre et de la fibre ligneuse, les propriétaires de boisés privés offrent des biens et services écologiques aux secteurs plus développés, notamment l'absorption du gaz carbonique, comme l'indiquait le professeur du groupe de témoins précédents, la production d'oxygène, un habitat pour la faune, la conservation du sol et des eaux, et l'embellissement du paysage.

Jusqu'au ralentissement que l'industrie forestière a connu il y a déjà plusieurs années, les boisés privés pouvaient fournir jusqu'à 17 p. 100 des billes à pâte et des grumes de sciage dont l'industrie avait besoin, ce qui générait des ventes d'environ 1,5 milliard de dollars. Pour les citoyens des milieux ruraux, ces rentrées de fonds constituaient un supplément au revenu principal qui pouvait leur venir de l'agriculture, de la pêche ou d'autres utilisations de la terre. Ces forêts ont été et demeurent un important actif financier pour les familles en question.

Permettez-moi de vous parler un peu de notre organisation. Nous regroupons sept associations provinciales : Colombie-Britannique, Alberta, Manitoba, Ontario, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse et Québec. Nous représentons donc un large éventail de boisés et de types de forêts, allant des Douglas de la côte Ouest jusqu'au magnifique bois d'œuvre des provinces de l'Est, sans compter tout ce qu'il y a entre les deux.

Nous avons des intérêts et des points de vue communs. La Fédération canadienne des propriétaires de boisés est représentée au sein de l'American National Standards Institute et de l'Association canadienne de normalisation. Nous faisons actuellement partie du comité technique chargé d'établir des normes et des protocoles pour mesurer les crédits d'émission de carbone de la forêt, qui pourront, après examen, être intégrés à des programmes de plafonnement et échange pour le contrôle des émissions de carbone.

La partie 3 de notre document donne un aperçu de la conjoncture économique actuelle pour les propriétaires de boisés. Les marchés traditionnels se sont effondrés dans tout le pays en raison d'une combinaison de facteurs : la baisse de la demande de papier journal; la hausse du dollar canadien, qui nuit à nos exportations et accroît la concurrence internationale des plantations situées à l'étranger; la surabondance de bois en Colombie-Britannique en raison du dendroctone du pin; et l'effondrement de l'industrie américaine de la construction domiciliaire. Il suffit de consulter les médias, pour savoir que toutes les conditions étaient réunies. Le Canada rural a été rudement touché. Dans l'Ouest du pays, le seul marché qui subsiste est celui du bois de chauffage. C'est également le seul marché valable pour le bois dans l'Est du Canada où les ventes de certains boisés privés ont chuté de 60 p. 100. La situation est encore pire dans les provinces de l'Ouest.

Par exemple, à cause du dendroctone du pin, certaines entreprises achètent maintenant le bois à 54 cents le mètre cube en Alberta. Il s'agit principalement de bois provenant des forêts d'État, car les propriétaires privés ne peuvent pas se permettre de vendre leur bois à un prix aussi dérisoire.

Au point 4, nous faisons valoir que l'aide aux propriétaires de boisés est nécessaire pour qu'ils puissent maintenir leurs pratiques de saine gestion et faire ce qu'il faut pour bien s'occuper de leurs forêts familiales et perpétuer la tradition au bénéfice des générations futures.

L'industrie forestière doit procéder à d'énormes ajustements qui résultent en des fusions, des fermetures d'usine et des réductions de personnel. Comme l'industrie prend moins de place qu'auparavant, les Canadiens vivant en milieu urbain seront encore moins nombreux à être sensibilisés aux difficultés qui touchent les collectivités rurales dépendant de la forêt. C'est le cas de près de 600 communautés canadiennes qui sont affectées au plus haut point. Les propriétaires de boisés privés verront leurs débouchés sur le marché se rétrécir, et rares seront ceux qui auront la capacité de poursuivre les pratiques de saine gestion nécessaires pour maintenir des forêts en santé et productives. Par exemple, il en coûtera plusieurs centaines de dollars par hectare pour procéder à une coupe d'éclaircie et il devient difficile de dépenser des sommes de cet ordre lorsque les revenus ne sont pas au rendez-vous.

Nous devons encourager les petites entreprises offrant une valeur ajoutée à desservir des marchés régionaux plus restreints. On pourrait ainsi créer un marché pour la fibre ligneuse en provenance des petites forêts familiales. Ce serait un peu comme la règle des 100 milles que bon nombre de Canadiens ont adoptée pour leur approvisionnement alimentaire. De nombreux Canadiens ont ainsi choisi d'acheter leurs fruits et légumes uniquement chez les petits producteurs du voisinage. Il a été démontré qu'il s'agissait d'un moyen durable de s'approvisionner en produits de première nécessité.

Nous devons également revoir notre mode de tenure forestière pour faire en sorte que des forêts d'État puissent être confiées à des intérêts plus restreints sous la supervision des collectivités ou des groupes communautaires. On pourra ainsi créer davantage d'emplois et de meilleures possibilités d'exploiter la valeur ajoutée.

Nous devons encourager le développement de petites et moyennes entreprises forestières à l'échelon local en plus des nouvelles industries axées sur la forêt, comme l'énergie et les biocarburants, les granulés de bois et les produits forestiers non ligneux comme les plantes médicinales et les denrées alimentaires (champignons, baies, sirop d'érable, et cetera.).

En notre qualité d'organisation nationale, nous avons dressé une liste de souhaits. Comme nous approchons de Noël, on peut dire que le moment est bien choisi.

Premièrement, il existe un marché émergent pour les crédits d'émission de carbone et les autres biens et services écologiques émanant des terres privées. De nombreux pays, dont l'Allemagne, le Costa Rica et les États-Unis, versent directement aux propriétaires des incitatifs financiers pour la gestion de leurs boisés privés. Il existe peut-être toutefois d'autres façons d'aider financièrement les propriétaires de forêts familiales pour qu'ils maintiennent leurs saines pratiques de gestion. La Fédération canadienne des propriétaires de boisés collabore avec la Fédération canadienne de l'agriculture et le Réseau canadien de forêts modèles pour la réalisation d'un projet pilote. Je vous ai d'ailleurs distribué la version finale de la proposition de projet pour lequel on attend le soutien financier d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous sommes prêts à lancer ce programme qui permettra d'évaluer les biens et services produits par les propriétaires de boisés privés et d'y attacher une valeur de telle sorte que ces propriétaires puissent éventuellement obtenir une forme quelconque d'indemnisation pour les services qu'ils offrent ainsi à l'ensemble de la population canadienne.

Il faut que des ministères fédéraux comme Agriculture et Agroalimentaire Canada, Environnement Canada et Forêts Canada collaborent avec nous à ce programme afin que nous puissions discuter ensuite de la manière dont les propriétaires de boisés privés peuvent être indemnisés pour leur dur labeur. Il n'est pas nécessaire que ce soit une indemnisation en espèces; elle pourrait notamment prendre la forme d'une remise d'impôt foncier.

Notre deuxième recommandation découle de la diminution des ressources pétrolières. Comme le professeur l'indiquait précédemment, on s'intéresse de plus en plus aux énergies renouvelables produites à partir du bois. Des entreprises locales d'électricité et de chauffage du Nord de l'Europe et de la Scandinavie se servent du bois sous différentes formes — granulés, copeaux, souches et même écorce provenant des boisés privés — pour combler les besoins en chauffage et en énergie. Selon nous, le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle clé dans la recherche et le développement de technologies qui mèneront à l'implantation d'usines locales rentables utilisant des biocarburants provenant de la fibre ligneuse produite sur place. Des emplois seront créés grâce au bois fourni par des forêts privées gérées dans une perspective de durabilité. C'est une ressource durable et renouvelable. Les arbres vont repousser. Cela permettrait de créer des emplois intéressants dans des régions rurales et isolées.

En troisième lieu, nous recommandons une aide à la transition. Des localités du Manitoba, ma province d'origine, comme Pine Falls ont été très heureuses de pouvoir compter sur l'aide du Fonds d'adaptation des collectivités pour composer avec le ralentissement de l'industrie forestière. Nous avons d'ailleurs perdu la seule usine de notre région de l'Est du Manitoba. Ces fonds peuvent contribuer au renforcement des capacités en favorisant la création d'entreprises et d'industries davantage axées sur la valeur ajoutée qui utilisent le bois provenant des forêts privées.

Les fonds peuvent également aider les collectivités à diversifier leur économie en misant sur l'écotourisme axé sur la forêt. Nous disposons de ressources que recherchent tous les Canadiens et tous les citoyens de la planète : des forêts propres et saines, de l'eau non contaminée et de l'air pur. Nous pourrions de cette manière diversifier nos économies en offrant des possibilités de chasse et de guidage, et en implantant des scieries et des séchoirs de petite taille afin d'offrir des produits locaux du bois pour les planchers et les parements, entre autres. Des produits forestiers non ligneux sont actuellement récoltés dans différentes régions. Citons comme exemple les plantations de bleuets de la forêt modèle du lac Saint-Jean ou la production de sirop d'érable dans la forêt modèle de l'Est ontarien. Le Fonds d'adaptation des collectivités peut aider au développement d'industries locales de ce genre.

Notre quatrième recommandation concerne l'accès au capital. Les petites et moyennes entreprises ont besoin de fonds de démarrage. Les subventions et les garanties de prêt offertes par le fédéral sont nécessaires étant donné que les banques et les institutions d'investissement considèrent que les nouvelles entreprises forestières sont très risquées.

Notre cinquième recommandation touche la certification. Les propriétaires de forêts familiales ont besoin d'aide pour atteindre les normes de certification comme celles établies par le Forest Stewardship Council (FSC), le Sustainable Forest Institute (SFI), et l'Association canadienne de normalisation. Des coûts considérables doivent être engagés pour obtenir cette certification. Dans certaines provinces, le gouvernement offre son aide pour assumer le coût associé à la certification du bois provenant des terres publiques. Il faudrait faire de même pour les forêts familiales. L'un des éléments clés du processus de certification est l'élaboration d'un plan de gestion. Il peut coûter entre 1 000 $ et 1 500 $ pour obtenir un tel plan rédigé par un expert forestier accrédité. Nous aimerions que le gouvernement fédéral offre une aide technique et financière relativement à la production de ces plans de gestion.

En terminant, comme l'ont souligné les témoins du groupe précédent, il est important de sensibiliser les Canadiens à l'importance de phénomènes comme les ravageurs des forêts. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle à cet égard en contribuant à la sensibilisation, à la formation et au renforcement des capacités des propriétaires de boisés familiaux, tout particulièrement, un peu comme le fait Agriculture Canada qui sensibilise les fermiers à différents enjeux touchant la saine gestion des ressources, notamment au moyen de plans d'utilisation du fumier dans les Prairies. Agriculture et Agroalimentaire Canada apporte son aide à ce chapitre. Au sein du Service canadien des forêts, il n'y a actuellement aucun responsable désigné pour les boisés privés, même si ceux-ci comptent pour 8,6 p. 100 des forêts canadiennes. La mise sur pied d'une équipe de recherche et de développement spécialement consacrée aux forêts familiales de petite dimension pourrait contribuer à assurer leur pérennité. On pourrait ainsi aider les propriétaires à faire le nécessaire pour le maintien de saines pratiques de gestion assurant la durabilité de ces forêts. Un budget de formation pourrait grandement bénéficier aux associations provinciales qui doivent dispenser la formation sur le terrain et assurer les transferts technologiques requis, ce qui aiderait encore une fois les propriétaires de boisés à bien gérer leurs forêts, une ressource précieuse au sein du paysage canadien.

[Français]

Daniel Roy, directeur adjoint, Fédération des producteurs de bois du Québec : Monsieur le président, j'aimerais remercier les membres du comité de nous avoir permis de participer à leurs travaux.

Ma présentation comporte trois parties : d'abord un rapide survol de notre organisation et de la forêt privée au Québec, suivie d'un rapport sur l'état de la situation suite à la crise forestière qui sévit actuellement et, finalement, quelques mesures que propose la fédération pour aider les propriétaires forestiers privés au Québec à traverser cette période difficile.

Voici donc un bref portrait de la forêt privée familiale au Québec. On retrouve environ 130 000 propriétaires forestiers à travers la province de Québec. Environ 15 p. 100 du territoire forestier privé fait partie du territoire forestier productif de l'ensemble du Québec. Bon an mal an, la contribution de ce territoire forestier représente environ 20 p. 100 de l'approvisionnement de l'industrie forestière.

Il faut comprendre qu'avec la crise qui sévit présentement, la contribution est moindre, mais en temps normal, avant la crise, c'était tout près de 20 p. 100 de l'approvisionnement qui provenait du territoire privé. Vous pouvez voir qu'avec 15 p. 100, on contribuait pour 20 p. 100.

Ce territoire productif situé à proximité des usines représente quelque chose d'intéressant pour notre industrie. Si on fait abstraction de la présente crise, en temps normal cela représentait un apport économique annuel de 300 à 400 millions de dollars, principalement au sein des communautés rurales au Québec. C'est une activité d'importance pour plusieurs communautés.

Depuis 40 ans, le Québec s'efforce d'améliorer l'état des forêts par le biais de différents programmes d'aménagement forestier. Le Québec possède actuellement un important réseau de propriétaires engagés dans l'aménagement et le développement de leur forêt. Bien sûr, toute cette forêt se traduit par des contributions économiques, mais il ne faut pas non plus perdre de vue le fait que des retombées environnementales et sociales découlent de la forêt. On mise beaucoup sur l'économie, un facteur important de la vie des familles, mais avec les problèmes reliés à la qualité de l'air et au réchauffement climatique, la dimension environnementale prend de plus en plus d'importance. Il y a aussi toute la question de la qualité de l'eau parce que la forêt joue un rôle primordial dans le maintien de la qualité de l'eau.

La Fédération des producteurs de bois du Québec regroupe 14 syndicats de producteurs dont la mission essentielle est la défense des intérêts des producteurs et des propriétaires de la forêt privée. Nos syndicats gèrent des plans conjoints de mise en marché, c'est-à-dire qu'ils sont reconnus en vertu de la Loi sur la mise en marché comme étant les organisations avec les pouvoirs pour négocier et mettre en marché le bois des producteurs de la forêt privée. Nos syndicats négocient avec près d'une centaine d'usines dans les secteurs du sciage, des pâtes et papiers et du panneau pour la vente du bois provenant de milliers de producteurs.

Au Québec, il existe un réseau de conseillers forestiers, qui accompagne les propriétaires forestiers et qui les aide à gérer et à aménager leurs forêts. Tout cela se fait à travers des plans forestiers faits par des professionnels, et qui permettent aux propriétaires de voir les différents travaux à effectuer et d'intervenir dans leurs forêts afin d'en améliorer la qualité pour l'avenir.

J'aimerais dire un mot sur les causes de la crise actuelle dans le secteur forestier. Je crois qu'à travers ses travaux, votre comité a bien établi le diagnostic de la présente crise forestière. Dans son rapport publié en décembre 2009, on relève deux facteurs bien ciblés, qui sont encore d'actualité, malheureusement. Il s'agit de l'effondrement de la construction résidentielle aux États-Unis et de la structure de la demande de papier journal.

Je peux vous dire qu'au Québec, ces facteurs sévissent encore et ont des effets importants sur la situation que vivent les producteurs de bois. Comme vous le savez, les excès engendrés par la bulle immobilière aux États-Unis ont eu pour conséquence de retarder la reprise des activités du secteur de la construction. Au Canada comme aux États-Unis, l'industrie de la construction avait l'habitude de vivre des cycles baissiers, mais actuellement, le cycle baissier se prolonge et la reprise dans le secteur tarde à venir.

Depuis 2006, les producteurs de bois subissent les effets de cette crise et on a peine à voir se pointer la reprise dans le secteur de la construction et dans l'industrie du sciage au Québec.

Selon les prévisions dont on dispose, aux États-Unis on parle de près de 600 000 unités de mise en chantier en 2010, ce qui est très loin du sommet atteint de 2 millions d'unités de mise en chantier des années 2000. En temps normal, près de 60 p. 100 du bois produit en forêt privée est dirigé vers l'industrie du sciage. Cela représente un important marché pour nos producteurs. De plus, la crise immobilière, qui affecte les activités de plusieurs scieries aux Etats-Unis, se traduit par une réduction importante de la part de marché de nos producteurs de bois.

Du côté du papier journal, on assiste à une importante baisse de la demande. Il s'agit d'un facteur qui n'est pas conjoncturel, mais bien structurel. Avec l'arrivée de Internet et des médias électroniques, on constate que le papier journal occupe une place beaucoup moins importante.

Au Québec, comme ailleurs au Canada, tout cela s'est traduit par la fermeture de plusieurs usines de pâtes et papiers, mais aussi par la conversion de machines. Certaines usines n'ont pas fermé, mais elles ont converti leurs machines pour aller vers d'autres produits. Cela s'est traduit par l'utilisation du bois sous une autre forme.

On peut parler des copeaux, plutôt que de bois rond, qui pouvait provenir de nos producteurs. Les producteurs subissent une autre perte de marché importante causée par ce facteur.

Selon les experts, cette tendance dans la fermeture d'usines de papier journal ou de machines devrait se poursuivre jusqu'en 2012. C'est le temps qu'il faudra pour en arriver à un meilleur équilibre entre les besoins réels du marché — qui sont en baisse, mais qui vont finir par se stabiliser — et l'offre qui, elle aussi, baisse forcément avec cette fermeture.

Il y a eu des marchés qui ont été perdus. Il s'agissait de marchés particulièrement précieux pour les producteurs parce que le secteur des pâtes et papiers utilise ce qu'on appelle du bois de trituration, c'est-à-dire un bois de plus faible qualité pour faire de la pâte de papier journal. Lorsqu'on fait de l'aménagement en forêt privée, on génère souvent de ces bois parce qu'on tente d'améliorer nos forêts. On sort ce qui est de moins bonne qualité pour garder ce qui a une perspective de croissance et de développement plus intéressante pour l'avenir en termes de qualité de bois. Donc la perte de ce marché pose actuellement un problème important.

Quant aux effets de la crise pour les producteurs forestiers du Québec, vous avez trois graphiques qui illustrent assez bien les impacts subis par les producteurs depuis 2005. Ce serait plus intéressant si cela s'en allait dans l'autre sens, mais on est dans une chute libre importante sur le plan des volumes vendus. Normalement, on mettait en marché près de six millions de mètres cubes de bois par année. En 2009, on a terminé l'année avec moins de trois millions de mètres cubes. C'est une baisse de plus de 50 p. 100 sur le plan des volumes mis en marché.

Forcément, avec une demande moins forte, les prix ont suivi la même tendance. Il y a eu une baisse importante des prix pour le bois, en moyenne, au Québec, et tout cela s'est traduit par une baisse de revenus. On est passé de près de 300 millions de dollars en 2005 à 120 millions de dollars en 2009. De 2006 à 2010, on estime que les pertes de revenus bruts ont dépassé 500 millions de dollars pour nos producteurs. Les producteurs qui retirent une partie importante de leur revenu familial à partir de la production de bois ont été forcés, dans bien des cas, de vendre certaines propriétés forestières qu'ils détenaient ou de vendre de l'équipement pour traverser la crise. Dans certains cas, ils ont complètement mis fin à leurs activités. Ils ont changé de secteur parce que c'était trop difficile à vivre.

Beaucoup de producteurs en forêt privée au Québec le font sur une base partielle. Dans plusieurs cas, c'est un revenu d'appoint. Cependant, ce revenu d'appoint, pour plusieurs, représentait quand même un apport important dans le revenu total familial de l'entreprise. Cela peut déstabiliser leur entreprise. Je pense à certains agriculteurs, entre autres — beaucoup de nos producteurs sont des agriculteurs — qui vont chercher une partie de leurs revenus du côté de l'agriculture, mais la forêt vient compléter leurs revenus. Ils ont été fragilisés dans leur entreprise familiale.

Le dernier point est peut-être le plus important et concerne les attentes de la Fédération des producteurs de bois du Québec.

Dans le passé, le gouvernement fédéral est intervenu pour inciter les producteurs forestiers à aménager leur forêt. Au milieu des années 1990, il y avait des ententes fédérale-provinciales, qui permettaient au gouvernement fédéral d'appuyer les propriétaires forestiers dans la réalisation de travaux sylvicoles par le biais de différents programmes. Plus récemment, le gouvernement fédéral est venu en aide aux producteurs confrontés à la présente crise forestière. Par le biais du Fonds d'adaptation des collectivités, il y a eu une injection de dix millions de dollars en 2009, à l'intérieur de programmes sylvicoles au Québec pour nos propriétaires, et de cinq millions de dollars en 2010. Normalement, cette aide financière prend fin le 31 mars. Pour l'organisation et pour nos propriétaires, c'est une aide précieuse. En cette période où les producteurs vendent moins de bois, la possibilité d'aller quand même travailler dans leur forêt, pour en améliorer la qualité par le biais de différents travaux grâce à ces budgets, leur procure un certain revenu. Un revenu qui vient remplacer la perte de revenus par la vente de bois. C'est donc un mécanisme important pour aider les communautés à traverser cette crise qui perdure actuellement.

On souhaite, en tant qu'organisation, que ce programme soit prolongé pour au moins deux ans, ce qui donnerait le temps d'évaluer d'ici là l'état de la crise. Au moment où on se parle, il y a des attentes de la part des producteurs pour qu'on les aide à traverser la présente crise.

L'autre avantage de ces programmes, en plus de fournir des emplois et de permettre à des gens de retirer un revenu, c'est que cela contribue à améliorer les forêts pour l'avenir. C'est un élément important — vous l'avez aussi souligné dans vos travaux précédemment. On doit travailler à améliorer la qualité de nos forêts et des bois en place pour mieux positionner notre industrie dans l'avenir. La forêt privée offre un potentiel très grand. Elle est proche des usines et elle est en milieu très productif en ce qui a trait à ses sols. Il y a donc un potentiel et on a tout intérêt à développer et à investir.

L'autre mesure souhaitée — elle fait appel à un peu plus d'audace — est d'avoir recours à la fiscalité pour inciter et aider les propriétaires à aménager leur forêt. On a développé, au cours des dernières années, ce qu'on a appelé un Régime d'épargne et d'investissement sylvicole. Il s'agit d'une proposition qui invite le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à mettre de l'avant un régime d'investissement où le propriétaire d'une forêt pourrait placer l'argent provenant de la vente de ses bois, protégé de l'impôt, afin de pouvoir l'utiliser ultérieurement pour aménager sa forêt. C'est un peu comme un REER forestier. Ces sommes deviendraient imposables au moment du retrait, mais l'avantage, c'est que le propriétaire serait en mesure de disposer d'une source de revenu au même moment où il effectuerait des dépenses d'aménagement. Sur le plan fiscal, ce serait plus avantageux pour le producteur que la situation actuelle où il est imposé lorsqu'il vend du bois. Il n'a pas toujours les dépenses qui arrivent au même moment où il coupe du bois. Les dépenses d'investissement et d'aménagement peuvent se faire dans trois ou quatre ans, mais là, il n'a plus de revenus pour équilibrer les dépenses et les revenus sur le plan fiscal.

Un tel régime a été détaillé dans un autre document qu'on vous a distribué et qui s'intitule Stimuler le développement des communautés rurales par la création d'un régime d'épargne et d'investissement sylvicole personnel. Le document est très détaillé, je ne vais pas revoir tout son contenu, mais je vous invite à en prendre connaissance. Cela répond à beaucoup de questions. On souhaite que le gouvernement, lors du prochain budget, le considère sérieusement.

[Traduction]

Andrew Clark, président, Fédération des propriétaires de boisés du Nouveau-Brunswick : La Fédération des propriétaires de boisés du Nouveau-Brunswick vous remercie de l'intérêt que vous portez à notre secteur. À titre de membre de la Fédération canadienne des propriétaires de boisés, nous souscrivons à ses recommandations.

J'aimerais vous dire un mot sur la perspective du Nouveau-Brunswick. Les débouchés pour le bois des boisés privés du Nouveau-Brunswick ont fondu de 60 p. 100 au cours des deux dernières années, en raison des fermetures d'usine et des arrêts de production. Une mesure visant à rétablir la demande sur le marché est en cours d'application, au Nouveau-Brunswick. Néanmoins, il nous faut trouver de nouveaux usages pour le bois. Certains de nos membres ont pris l'initiative de développer de nouveaux produits.

Le problème que nous avons en commun est celui de la rareté du capital à taux d'intérêt raisonnable. L'apport de Financement agricole Canada est utile, mais nous avons besoin d'une plus grande quantité de capital de risque à investir dans le secteur du bois pour le développer comme nous serions capables de le faire, selon moi, en trouvant de nouveaux usages.

Certains nouveaux débouchés exigent du bois certifié. De nouvelles normes sont apparues, que M. Austman a mentionnées et qui coûtent assez cher à appliquer, soit de 1 000 à 1 500 dollars par boisé.

Dans le passé, le gouvernement fédéral a financé des programmes pour aider les entrepreneurs à payer des coûts. Le gouvernement fédéral a joué un rôle, soit dans les nouveaux accords fédéraux-provinciaux, soit en se servant de crédits d'impôt remboursables. Il doit y avoir une coordination à l'échelle nationale pour veiller à ce que l'on tire le maximum des efforts consentis en Nouvelle-Écosse pour faire un essai d'application de la norme CSA Z804, essai qui est en cours. On travaille également sur ce dossier à Northumberland, au Nouveau-Brunswick, et des projets sont en cours au Québec et en Ontario, dans le cadre défini par le Forest Stewardship Council.

Je crois qu'il y a beaucoup de travail à faire pour préparer les propriétaires de boisés en vue d'obtenir une certification, qu'il s'agisse des crédits de carbone ou des produits et services écologiques. Il faudrait désigner un coordinateur national ou établir un secrétariat national de coordination pour favoriser les échanges d'information, de telle sorte que nous cessions de réinventer la roue.

J'aimerais vous parler de deux questions relatives à la politique fiscale qui touchent les propriétaires de boisés privés. Premièrement, la Fédération canadienne des propriétaires de boisés réclame la création d'un régime enregistré d'investissement sylvicole. Les propriétaires pourraient ainsi mieux surmonter le verglas, les infestations d'insectes, les tornades et les autres catastrophes du genre, dont les dégâts ne peuvent être réparés qu'avec des sommes importantes d'argent. Les propriétaires feraient des économies pouvant servir plus tard à investir dans le reboisement.

La deuxième question relative à la politique fiscale est celle des suppléments de revenu pour les personnes âgées. Actuellement, les règles entourant le versement de ces suppléments n'incitent pas les gens à gérer sainement les boisés. C'est le principe de la protection de la ressource qui devrait guider l'État avant toute chose quand vient le temps de déterminer les règles d'accès aux suppléments de revenu, et non le principe de la maximisation des recettes fiscales. Je dirais que cela exige un changement de mentalité. Lorsqu'on parle aux gens du ministère des Finances, comme j'ai eu l'occasion de le faire à quelques occasions, on s'aperçoit qu'ils veillent avant toute chose à ce que le contribuable paye. Je suis en train de vous dire de mettre plutôt l'accent sur la saine utilisation de la ressource.

Des ressources pour l'industrie et pour créer des emplois dans l'intérêt des travailleurs se perdent parfois. Au Nouveau-Brunswick, il y a quelques années, le gouvernement a changé les règles relatives aux contributions versées par les gens âgés aux foyers de soins spéciaux, car il s'est aperçu que les règles existantes nuisaient à la saine gestion de la forêt. Les gens faisaient des choix qui n'étaient pas souhaitables, dans cette optique. Après avoir analysé la situation, le gouvernement a apporté les changements nécessaires. Bref, je pense que les mesures et les politiques fiscales doivent être examinées attentivement, pas seulement sous l'angle des objectifs officiellement visés, mais aussi sous l'angle des effets involontaires, car il y a toujours un revers à la médaille.

La Fédération canadienne des propriétaires de boisés a insisté pendant de nombreuses années pour qu'on finisse par accepter le principe du report du gain en capital lors du transfert d'un boisé d'une génération à l'autre, comme dans le cas d'une exploitation agricole. C'est un exemple de dossier où l'on a accompli du bon travail. Nous devons continuer dans cette veine.

Dans son invitation à témoigner, votre comité nous demandait des idées pour favoriser la saine gestion de la forêt. Qu'entendez-vous par la saine gestion? Couper à blanc, planter et pratiquer des éclaircies sont des techniques de gestion qui visent l'obtention d'une forêt équienne. Je crois que vous avez plutôt en tête la gestion axée sur la forêt inéquienne.

Selon cette approche, il faut toujours conserver au moins une partie arbres dans la forêt. Il faut préserver les espèces vivantes qui s'y trouvent, de même que les sources d'eau, et non uniquement les cours d'eau, car il y a une différence. Il faut prévoir des mesures de protection des espèces en danger, et ainsi de suite. On pourrait définir encore longuement cette approche. Je veux simplement vous dire que, lorsqu'on souhaite adopter des politiques favorisant la saine gestion de la forêt, il faut commencer par définir ce qu'est la saine gestion de la forêt.

Au Nouveau-Brunswick, de 1978 à 1996, des accords fédéraux-provinciaux fournissaient de l'aide pour les coupes d'éclaircie et les plantations effectuées dans le cadre des programmes provinciaux, comme c'est le cas encore aujourd'hui, et accordaient également aux bénéficiaires la latitude d'affecter une partie de l'argent à la planification. Nous avons besoin de rétablir de tels accords pour renouveler nos forêts, en vue de l'avenir.

L'argent fédéral pour la relance économique reçu par le Nouveau-Brunswick, en 2009 et 2010, a permis le maintien de centaines d'emplois, et une telle aide est encore nécessaire. Dans l'industrie forestière, au Nouveau-Brunswick, la récession n'est pas terminée. Nous avons encore besoin d'aide.

Pour terminer, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous exhorte à user de votre influence pour guider le gouvernement fédéral et l'inviter à jouer son rôle de chef de file en adoptant de bonnes politiques fiscales, en proposant de bons incitatifs, en aidant encore une fois directement les propriétaires de boisés ainsi qu'en favorisant la sylviculture, les plans de gestion et la création d'une banque d'information qui aide les propriétaires de boisés à prendre de bonnes décisions. Pourquoi? Parce que l'eau et l'air circulent au-delà des frontières interprovinciales et internationales. Nous avons absolument besoin d'eau et d'air pour survivre, en tant qu'espèce, dans le monde, tout comme nous avons besoin de manger et de trouver un abri.

Les cours d'eau qui prennent leur source dans les boisés privés fournissent de l'eau potable à beaucoup de villages et de villes, petites et grandes. Ces mêmes boisés, dont un certain nombre se trouvent à proximité de la plupart des villes et villages, en purifient l'air et les débarrassent d'une partie de la pollution qu'ils produisent. Le traitement que l'on réserve aux boisés est important non seulement pour leurs propriétaires, mais aussi pour la société en général. Que les gens s'en rendent compte ou non, tout le monde a intérêt à favoriser l'adoption de saines pratiques de gestion de la forêt.

Le président : Monsieur Clark, merci beaucoup. Comme toujours, vous vous exprimez avec précision, sans dévier du sujet.

Rod Bealing, directeur exécutif, Private Forest Landowners Association (BC) : Bonjour et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. La Private Forest Landowners Association représente les propriétaires de boisés de la Colombie-Britannique. Nous souscrivons aux recommandations faites aujourd'hui par la Fédération canadienne des propriétaires de boisés. Nous partageons tous les quatre de nombreux objectifs et points de vue.

J'ai préparé un document et, plutôt que de vous en faire la lecture, je vous laisse en prendre connaissance au moment qui vous conviendra. Je me contenterai d'en faire ressortir certaines idées. Vous trouverez des statistiques dans le document.

J'aimerais vous parler un peu de votre rapport provisoire. J'ai pris le temps de le lire et je l'ai trouvé encourageant. J'ai participé à de nombreuses démarches comme celle-ci au fil des années, et celle-ci m'encourage. Voilà un comité qui a compris.

Le sénateur Eaton : Avec la flatterie, vous obtiendrez tout ce que vous voulez.

M. Bealing : C'est bien ce que j'espère, mais ce n'est qu'un volet de ma stratégie. J'ai plus d'une corde à mon arc.

À quatre occasions, j'ai remarqué que vous compreniez l'importance de stimuler la concurrence pour l'obtention des fibres. Vous savez qu'il ne s'agit pas de maintenir à un bas niveau le prix des billes de bois livrées à l'acheteur. Ce n'est pas la solution aux difficultés du Canada. C'est un peu comme une poussée d'énergie éphémère causée par le sucre. À l'Halloween, on donne des bonbons aux enfants parce que c'est facile. Ils se mettent donc à s'exciter et courent partout. Puis, dans le temps de le dire, ils sont en train de hurler par terre, et on se demande pourquoi on a fait une chose pareille.

Aux pages 6, 25, 35 et 46, le rapport indique qu'il est important d'obtenir un bon prix pour les produits de la forêt. L'investisseur mérite un bon retour après avoir pris des risques considérables et surmonté de nombreuses difficultés, et Dieu sait qu'il y en a, notamment payer les impôts fonciers, combattre les incendies, essuyer des pertes à cause des vents violents qui abattent des arbres ou éloigner les intrus qui entrent sans permission dans les boisés. Une politique qui limite la valeur marchande du bois, avec laquelle il est difficile d'obtenir un bon prix pour le bois, est difficilement compatible avec la viabilité de nos entreprises.

Ce qui m'amène à vous parler des pratiques de gestion exemplaires et de ce que le gouvernement peut faire. Nous devons envoyer un signal aux gens — le gouvernement doit envoyer un signal aux gens —, si le Canada pense que l'industrie forestière est importante et devrait être encouragée. Quel genre de signal faut-il envoyer aux propriétaires terriens? Quel genre de signal nous faut-il?

Je suis un propriétaire de boisé et, de temps à autre, lorsque je vois une occasion se présenter sur le marché, je récolte quelques arbres. À quelques reprises, j'ai discuté avec ma famille des recettes que nous tirons de la vente de quelques billes de bois. Devrions-nous replanter des arbres? Arrêtons-nous pour y penser un instant. Si nous plantons des arbres, quelle garantie avons-nous que, le temps venu, nous pourrons les récolter? Nous recevrons peut-être davantage d'aide en ne faisant rien. Nous paierons peut-être moins d'impôts fonciers. Toutes les familles qui possèdent des boisés se posent de telles questions lorsque vient le temps de décider s'il faut replanter des arbres après en avoir récolté.

Il est important qu'on nous perçoive comme une catégorie d'agriculteurs dont les récoltes mettent beaucoup de temps à pousser. Le gouvernement devrait envisager, pour nous, des mesures semblables à celles qui sont employées pour venir en aide aux agriculteurs. Inutile de chercher midi à quatorze heures. Il n'y a qu'à s'inspirer de l'aide accordée aux agriculteurs.

Sans entrer dans une montagne de détails, ni parcourir avec vous tout mon document, quoiqu'il soit divertissant et que je vous invite à le consulter, je vous adresse aujourd'hui des demandes simples. Je vous offre des suggestions qui sont comme des fruits faciles à cueillir et qui feraient de bonnes recommandations à formuler, pour votre comité.

Premièrement, il faut maintenir une certaine distinction pour les boisés privés dans le cadre des politiques qu'on élabore. J'essaie d'adopter la perspective pancanadienne plutôt que me limiter au travail que nous faisons en Colombie-Britannique. Lorsque l'État fédéral élabore de nouvelles politiques, en particulier le ministère de l'Environnement et le ministère des Pêches et des Océans, il faudrait que les acteurs du dossier ne perdent pas de vue qu'il y a une différence entre les terres publiques et les terres privées. Les propriétaires des terres privées prennent d'énormes risques. Partout au pays, il est évident qu'il faut rechercher un certain équilibre. Depuis 1997, notre association s'est employée à le démontrer dans le cadre de notre programme des pratiques de gestion exemplaires. J'ai apporté aujourd'hui seulement un exemplaire du guide à ce sujet, mais je vais vous le laisser et je vous promets que je vous en ferai parvenir d'autres, si vous le voulez.

En tant que propriétaires, nous nous sommes aperçus que le public s'intéressait à la valeur environnementale de nos terres. Nous devons prendre cette question au sérieux. Nous comprenons que nos voisins ont des besoins liés à la qualité de l'eau, à l'habitat des poissons et de la faune, et ainsi de suite. Bien que nous ne manquions pas d'enthousiasme et d'esprit d'indépendance lorsque nous songeons à nos terres, nous sommes conscients que ce que nous en faisons est d'intérêt public. Il s'agit donc de trouver le juste équilibre entre, d'une part, la protection de nos investissements et de nos droits de propriétaires et, d'autre part, les intérêts de nos voisins et de la population environnante. Nous devons tous chercher le difficile équilibre entre la protection de l'environnement, les besoins de la population et les activités commerciales, relativement aux terres boisées privées. Le personnel des ministères doit le comprendre. Pour notre part, nous le comprenons. Nous n'avons rien d'une bande de pirates au comportement anarchique, qui ne se préoccupent pas de leur pays. Nous avons beaucoup à cœur le sort de la terre et du pays.

Deuxièmement, je vous recommanderais fortement — et cela concerne exclusivement la Colombie-Britannique —, de permettre aux producteurs de cette province de vendre leurs billes de bois sur les marchés étrangers. Actuellement, le gouvernement fédéral nous empêche d'avoir accès à ces marchés. Nous sommes la seule province du Canada où le gouvernement fédéral limite l'accès aux marchés, ce qui a une incidence énorme sur nos entreprises.

Je reviens à la question de ce que le Canada peut faire pour favoriser les pratiques de gestion exemplaires et la saine gestion de la forêt. Ces limites sont un exemple de ce que le gouvernement pourrait faire. En les faisant disparaître ou même en modifiant le mode d'administration des règles, il nous soulagerait d'une partie de la pression qui nous étrangle. Si nous vendions notre bois à des clients étrangers, nous en obtiendrions un meilleur prix, mais nous sommes limités par la politique actuelle, qui n'est plus utile à personne et qui ne vaut plus rien. Vous trouverez dans mon document des détails à ce sujet. Je serais heureux de pouvoir parler plus longuement au comité de cet enjeu vital pour nous.

Troisièmement, je vous suggère de susciter la participation et l'adhésion des propriétaires, comme vous l'ont dit certains de mes collègues. L'éducation et la communication doivent se faire dans les deux sens. Je ne sais plus depuis combien de générations nous avons quitté les fermes et les forêts pour habiter en ville. Probablement cinq ou six, mais j'ai arrêté de compter. Les politiques sont élaborées dans les villes, loin des exploitants sylvicoles et agricoles, qui ont tendance à ne pas se mêler de ces décisions. Si rien n'est fait, de part et d'autre, pour combler le fossé et mieux communiquer, les politiques seront encore inefficaces et ne serviront personne. Nous sommes fermement convaincus de l'importance de maintenir les canaux de communication ouverts. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis venu témoigner aujourd'hui.

Enfin, ma quatrième recommandation est inscrite dans mon rapport. Il faut favoriser le retour vers la terre d'une bonne partie de ce qu'elle rapporte. Si nous ne respectons pas la terre et si nous ignorons la forêt, l'industrie disparaîtra. Nous ne pourrons plus attirer des usines et d'autres entreprises qui ajoutent de la valeur au bois si les gens n'ont pas les moyens de prendre soin de leurs forêts.

Le sénateur Mercer : Messieurs, je vous remercie beaucoup pour vos exposés intéressants.

Plusieurs d'entre vous ont parlé de certification. Les témoins du groupe précédent ont parlé de certification pour la coupe et la commercialisation du bois de chauffage. C'est un dossier qui pose problème. Pourquoi faut-il payer de 1 000 à 1 500 dollars par boisé pour ce faire? D'où vient ce coût? À qui est versée cette somme de 1 000 à 1 500 dollars?

M. Clark : Je suis un technicien forestier. Si vous voulez établir un bon plan, vous devez parcourir la forêt selon un quadrillage et prendre des échantillons pour déterminer le volume sur pied ainsi que l'âge et la santé de la forêt. Puis, vous devez dessiner une carte et délimiter les divers peuplements, rédiger un rapport en bonne et due forme et le remettre au propriétaire. Il faut un certain temps pour préparer un bon plan de gestion de la forêt parce qu'un tel plan comprend tout. Par exemple, on y indique le type de sol et l'hydrographie. Il faut recueillir beaucoup d'information pour constituer un bon plan.

Le sénateur Mercer : Si je voulais faire certifier mon boisé, je devrais payer de ma poche cette somme de 1 000 à 1 500 dollars. Un allègement fiscal me serait-il alors consenti? Manifestement, c'est une dépense d'entreprise, mais existe-t-il au pays des programmes offrant des incitatifs aux producteurs pour qu'ils fassent effectuer ce travail? L'incitatif pourrait prendre la forme d'une subvention directe du gouvernement provincial, par exemple. Évidemment, nous ne pouvons pas prononcer le mot « subvention », qui est banni parce que des Étasuniens pourraient être à l'écoute. Je risque de causer des difficultés à toute l'industrie. Y a-t-il actuellement un programme qui puisse venir en aide aux propriétaires de boisés?

M. Austman : La réponse est non. Pour ce qui est du plan d'aménagement forestier, les 1 500 $ ne sont que la première étape. Quant à la certification, nous voudrions qu'il y ait une certification régionale que pourraient obtenir en groupe plusieurs propriétaires de terrains boisés. Dans certains secteurs, cela représente des centaines de milliers de dollars. Et l'échelle augmente de beaucoup quand on veut obtenir une certification auprès du FSC, du SFI ou de la CSA. Pour un propriétaire de lot boisé, il serait hors de question qu'un terrain boisé appartenant à la famille soit certifié. Nous parlons de la situation au niveau régional, et tout le monde ferait sa part. La norme ferait l'objet d'une vérification de temps à autre pour s'assurer qu'on fait ce qu'il faut sur le terrain concerné. Si ce n'est pas le cas, le propriétaire perdrait la certification et l'accès au marché.

Le sénateur Mercer : Est-ce que les terres de la Couronne sont certifiées?

M. Austman : Seulement quelques-unes. Sur l'ensemble du territoire national, je pense qu'environ 30 p. 100 des terres de la Couronne relèvent du FSC, qui est l'organisme de certification numéro un au Canada.

[Français]

M. Roy : Au Québec, dans le cadre des programmes d'aménagement auxquels je faisais référence tantôt, les mesures d'aide financière pour les travaux sylvicoles, permettent de financer en partie les plans d'aménagement des propriétaires forestiers privés. On se sert aussi de ces programmes pour financer les plans d'aménagement, ce qui est la première étape dans l'aménagement d'un boisé pour ce qui est de l'aide au propriétaire. Donc, indirectement, cela aide à la certification car le plan d'aménagement est un outil au cœur de toute la démarche de certification des boisés. C'est donc une façon d'aider les propriétaires forestiers à se certifier, dans l'avenir, en ayant accès à cette aide financière.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Les sénateurs Fairbairn, Segal et moi-même avons entendu parler à de nombreuses occasions, dans le cadre d'études sur l'industrie agricole, de la nécessité d'améliorer le système de planification de la relève du patrimoine et de permettre qu'une exploitation agricole soit cédée à un membre de la famille sans que cela représente un fardeau fiscal lourd à porter pour cette personne.

Si on devait reproduire ce qui se fait actuellement pour le transfert de terres agricoles, même si ce n'est pas parfait, pour la cession de terrains boisés, est-ce que ce serait suffisant, ou bien faudrait-il faire quelque chose de plus pour favoriser la planification de la relève?

M. Clark : Comme je l'ai dit plus tôt, c'est ce qui se fait présentement dans une large mesure. Pour être admissible, vous devez avoir un plan d'aménagement afin de démontrer que le terrain que vous voulez céder sera exploité correctement. C'est ce que l'on appelle la transmission du patrimoine.

Le sénateur Mercer : Est-ce la même chose dans l'agriculture?

M. Roy : Oui, c'est pareil.

M. Clark : En ce qui concerne votre remarque sur les coûts, pour les plans d'aménagement, j'ai pensé à cela lorsque j'ai parlé des crédits d'impôt remboursables. Le propriétaire d'un terrain boisé privé qui n'aurait pas de gros revenus pourrait faire passer cela comme une dépense, mais s'il n'a pas beaucoup d'impôts à payer, ce n'est pas vraiment avantageux. Néanmoins, un crédit d'impôt remboursable pourrait lui donner un bon coup de pouce.

Le sénateur Segal : J'aimerais approfondir une question soulevée par le travail dont a fait mention le sénateur Mercer à propos de l'agriculture. Lorsque nous avons examiné la situation de nos concurrents européens, nous avons remarqué que les droits de gestion dans de nombreux pays d'Europe ont été payés par les agriculteurs dans le cadre du processus de protection de l'environnement, ce qui venait s'ajouter aux autres revenus agricoles.

Cet après-midi, j'en ai entendu plusieurs, parmi vous, dire qu'il faudrait une forme d'indemnisation, au-delà de ce qui existe actuellement, pour les propriétaires de terrains boisés privés qui conservent une part importante de notre patrimoine environnemental en raison du travail qu'ils font en nettoyant et en entretenant leurs boisés pour les protéger contre les incendies et les infestations.

Avez-vous réfléchi à la forme que pourrait prendre ce genre de droit de gestion? Est-ce que ce serait lié à la superficie possédée? L'une des propositions consiste à offrir un crédit d'impôt remboursable. Cela ferait intervenir les autorités fédérales et provinciales, par définition, dépendamment de qui contrôle les terres et les ressources naturelles dans la province visée.

Je serais intéressé d'avoir votre avis sur des recommandations particulières que pourrait faire le comité en la matière, afin de procurer un revenu de base aux propriétaires de terrains boisés pour les aider à assumer les coûts d'éclaircissement des terrains et à survivre en attendant des jours meilleurs.

M. Clark : Dans certaines provinces, on assiste à un mouvement en faveur des servitudes de conservation en vertu desquelles on verse de l'argent aux propriétaires pour qu'ils ne fassent pas de coupes à blanc dans des zones où l'eau est protégée, par exemple.

Le sénateur Segal : Un droit de passage environnemental?

M. Clark : Oui, la municipalité de Moncton travaille de cette façon avec des propriétaires de boisés environnants. La ville de New York paie cher des propriétaires de terrains boisés et d'autres propriétaires terriens pour qu'ils protègent l'approvisionnement en eau.

J'ai fait allusion à ce principe. Il est dans l'intérêt de la société que ce soit fait, mais actuellement, ce sont les propriétaires de terrains boisés qui doivent assumer l'ensemble des coûts et des responsabilités. Il faut trouver des mécanismes permettant de reconnaître cet état de fait et de donner de l'argent en échange de l'avantage que l'on en retire.

Le sénateur Segal : Est-ce qu'à certains égards, cela fonctionne mieux en Colombie-Britannique, par exemple, et à d'autres, au Québec? Existe-t-il des nuances que nous devrions connaître?

M. Bealing : C'est possible. Le problème que nous avons, en Colombie-Britannique, c'est qu'il y a peu de terres privées. Il y en encore moins quand on se dirige vers l'ouest. Même si on a tendance à se retrouver dans les arrière-cours des gens, on est dans les basses terres. On n'exploite pas les forêts de ligneux sur des terres où on pratique le camping, la chasse et la pêche, mais comme les terres de la Couronne en sont remplies, ce serait difficile de livrer concurrence.

Le gouvernement pourrait payer les biens et services, mais la propriété des ressources compte plus que n'importe quoi d'autre. Je ne peux imaginer que le comité veuille s'engager là-dedans, mais en Europe et aux États-Unis, les propriétaires ont la possibilité de vendre des permis de pêche ou de chasse. Cela procure d'énormes revenus aux propriétaires de terrains boisés. Au Canada, nous ne pouvons pas le faire; nous avons les mains liées.

M. Austman : Au Manitoba, dans le nord de Brandon, il y a un projet pilote des Alternative Land Use Services. Les propriétaires fonciers reçoivent 75 $ par acre et par année pour la gestion de l'eau, pour ne pas raser au bulldozer de petits boisés afin d'y faire de l'élevage, pour laisser les voies d'eau gazonnées qui limitent l'érosion, pour planter des arbres, et cetera. Ils se conforment à un plan d'aménagement. Personne ne va s'enrichir avec cet argent, mais c'est une mesure incitative à l'intention de ceux qui envisageraient de raser un boisé de 10 acres pour engraisser des bouvillons dans le but de les vendre.

Ces 75 $ sont un facteur déterminant pour attirer des gens dans le programme; et cela a été très populaire.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Clark, au Nouveau-Brunswick, vous avez la Fédération de propriétaires de lots boisés, n'est-ce pas?

M. Clark : Oui, et sept agences de commercialisation en sont membres.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que ces agences peuvent aider les propriétaires de lots boisés à passer au travers du processus de certification?

M. Clark : Il y a eu plusieurs tentatives à cet effet. L'ancienne industrie de Miramichi versait aux propriétaires de terrains boisés des primes pour leur bois s'ils suivaient les programmes. Ils voulaient que leurs propriétaires obtiennent la certification parce que Time Warner n'achetait que du bois certifié. C'était ce que voulait le marché. L'agence de commercialisation soutenait activement cette initiative et donnait de l'information aux propriétaires pour qu'ils se familiarisent avec le programme.

Nous avons travaillé là-dessus à plusieurs endroits et à différentes époques. Northumberland s'affaire à développer une nouvelle industrie, une machine à agglomérés, avec un partenaire néerlandais qui veut que le bois soit certifié. Le gouvernement des Pays-Bas est prêt à payer pour que le bois qu'il achète soit certifié. Il veut avoir accès à une ressource renouvelable parce qu'il envisage de passer du charbon au bois; il a donc un intérêt précis.

Il y a des connexions entre les marchés. Le prix du carbone commence à jouer sur les influences réciproques. Dernièrement, j'ai accueilli une classe d'étudiants universitaires pendant quelques heures, sur mon lot boisé, et ils m'ont interrogé au sujet de la certification. J'ai répondu qu'au bout du compte, c'est le marché qui déciderait. Cela pourrait prendre la forme de crédits de carbone, de biens et services environnementaux ou venir tout simplement de la demande des consommateurs. Une fois que le bal sera lancé, on prendra les mesures qui s'imposent pour en faire une initiative à grande échelle.

Le sénateur Robichaud : Pensez-vous que c'est imminent?

M. Clark : Oui. À la dernière réunion du conseil de la fédération, le président du conseil de North Shore m'a dit qu'il voulait vendre du bois à l'usine Shaw, qui produit de l'aggloméré. Il m'a dit qu'il lui fallait du bois certifié parce que l'usine vendait ses produits sur le marché européen. C'est une nouvelle donne avec laquelle il faut composer.

Nous commençons à voir ces influences réciproques, et la demande vient en grande partie d'Europe, où il y a un système de plafonnement et d'échange du carbone qui fonctionne. Les exploitants de services d'utilité publique ont de plus en plus intérêt à devenir neutres en carbone, s'ils le peuvent.

Le sénateur Robichaud : Le coût de la certification doit être assumé par le propriétaire du lot boisé, n'est-ce pas?

M. Clark : Oui, à moins que l'une des industries veuille lui donner un peu d'argent pour l'aider.

Le sénateur Robichaud : Quelle est la taille moyenne d'un terrain boisé, en centaines d'acres, au Nouveau- Brunswick?

M. Clark : Environ 100 acres, en moyenne. Cela peut varier entre 20 et 1 000 ou 2 000 acres. Mais la moyenne est de 100.

Un autre des avantages pour la société, avec la saine gestion et la transmission du patrimoine, c'est que le lot boisé moyen demeure la propriété de quelqu'un pendant environ 20 ans. C'est une courte période dans la vie d'une forêt.

Quand on sait que la vie d'une forêt se calcule en cycles de 80 ans, au moins au Nouveau-Brunswick, il faut penser à des politiques à long terme qui voient loin et favorisent les pratiques recommandées.

Le sénateur Robichaud : Quel que soit le bois produit dans la province ou extrait de la forêt, un certain pourcentage doit venir de propriétaires de lots boisés privés, n'est-ce pas?

M. Clark : Nous avions des règles en vertu desquelles, normalement, il fallait que les propriétaires de terrains privés achètent les permis de coupe annuelle avant que l'industrie ait accès au bois de la Couronne. Ces dernières années, le processus s'est inversé. Dans la loi de 1982, il était prévu que la Couronne serait le fournisseur de second ordre. Aujourd'hui, ce sont les propriétaires de lots boisés privés qui deviennent des fournisseurs de second ordre; ils font des coupes dans toutes les terres de la Couronne et nous nous employons avec diligence à tenter de faire corriger la situation.

Une initiative dans ce sens est en cours. L'année dernière, nous n'avons récolté que 600 000 mètres cubes des 2,5 millions de pieds cubes disponibles; cette année, nous avons une cible de 1,1 million de mètres cubes, et le gouvernement provincial donne son appui en limitant la capacité pour les terres de la Couronne. Effectivement, nous avons un problème à régler.

Le président : J'ai une courte question pour clore vos remarquables exposés. Est-ce qu'on devrait parler de « source d'approvisionnement primaire »?

M. Clark : Oui. C'était le principe qu'appuyait Bud Bird quand il a déposé le projet de loi pour la première fois. Il a écrit au directeur exécutif de l'Association des produits forestiers du Canada de l'époque pour lui dire que les propriétaires de lots boisés privés devaient entrevoir leur avenir avec optimisme. Essentiellement, il envoyait le message suivant à l'industrie : « Je sais que vous n'aimez pas ça, mais c'est ainsi et vous devrez vous accommoder de la situation ».

Le sénateur Duffy : Est-ce le même processus de certification du bois qui s'applique partout au pays?

M. Clark : Il est disponible.

M. Bealing : En fait, il y en a plusieurs qui rivalisent de plus en plus pour avoir des processus de certification des forêts similaires. Le Canada a plus de forêts certifiées que n'importe quel autre pays sur la planète. Cela augmente de manière significative. Néanmoins, plusieurs systèmes de certification sont en place. Ils sont très semblables.

Le sénateur Duffy : Entrent-ils beaucoup dans le détail? Nous avons entendu des témoins représentant l'industrie du bois d'œuvre nous dire qu'ils en sont maintenant au point où le moindre bout de bois récolté a un numéro qui lui est propre, et ils le connaissent. Est-ce qu'on s'attend maintenant au même niveau de détail de la part des petits propriétaires de lots boisés?

M. Bealing : En Colombie-Britannique, nous avons un système de marquage du bois, exigé par la loi, de sorte qu'on ne peut faire sortir de billots qui n'ont pas été marqués. Cela fonctionne bien, car on peut remonter la chaîne de traçabilité.

Il s'agit d'un processus axé sur les consommateurs. Ces derniers veulent avoir l'assurance, dans une certaine mesure, que leurs deux par quatre ou leur papier vient d'une ressource gérée de manière durable. Il faut qu'il y ait un lien avec la souche. C'est vraiment impressionnant.

[Français]

M. Roy : Au Québec, nous avons développé, au cours des dernières années, des processus de certification pour les pratiques des propriétaires forestiers. Ce travail est en cours. Le travail est plus avancé dans certaines régions de la province de Québec. Ces systèmes prévoient une traçabilité du bois ou permet de suivre le bois. Cette fonction est prévue dans le processus de certification des propriétaires. On pourra ainsi suivre le bois de la souche, de la forêt jusqu'à l'usine dans le but de rencontrer les exigences éventuelles des acheteurs. Cette capacité est intégrée dans les systèmes.

[Traduction]

Le sénateur Duffy : Quelle a été ou est l'incidence sur vos membres? On entend parler d'environ 1 500 $ par lot boisé. Est-ce qu'il y a des gens tout simplement incapables de réunir les fonds nécessaires?

M. Clark : Ce que j'ai répondu à la classe d'étudiants en foresterie, c'est que j'attends qu'on me demande du bois certifié. Tant que personne ne vient me dire : « si vous voulez continuer de me vendre du bois, il faut qu'il soit certifié », pourquoi, comme propriétaire de lot boisé, je voudrais dépenser mon argent? Je n'ai pas à changer les pratiques visant mon terrain boisé. C'est mon terrain et je sais qu'il est géré selon des normes adéquates. Je n'ai rien à changer; alors si vous voulez que je dépense mon argent ou que je me complique la vie à rédiger un plan d'aménagement, il faut que vous me donniez une bonne raison de le faire.

Le sénateur Duffy : Est-ce que des inspecteurs font des contrôles?

M. Clark : Si vous voulez vous engager dans cette voie, comme l'a indiqué M. Austman, les propriétaires privés devront se doter de plans d'aménagement. Ensuite, il faudra qu'ils se regroupent et le Forest Stewardship Council fera une vérification. Vous devrez payer cette vérification. Et cela représente beaucoup d'argent. Vous savez combien cela coûte de payer une vérification à même vos impôts? Les vérificateurs s'occupent de vastes étendues et ils coûtent très cher.

Le Forest Stewardship Council est un organisme mené par un groupe environnementaliste international qui dispose de normes très sévères, pour la plupart. Le Z804 est une norme de la CSA élaborée avec la coopération et l'aide des propriétaires de lots boisés privés au Canada, dans le but d'avoir une norme plus raisonnable, mais qui répond quand même aux exigences internationales. Nous sommes en train de la mettre à l'essai en Europe, pour voir si ça leur convient.

Nous n'avons pas encore eu la réponse. Si c'est approuvé, c'est-à-dire si les Européens acceptent la norme Z804 de la CSA parce qu'ils la jugent satisfaisante, les propriétaires de lots boisés privés auront une norme avec laquelle il leur sera plus facile de travailler.

Le sénateur Duffy : Est-ce que les Américains font face au même obstacle?

M. Austman : Oui. Ils ont l'American Tree Farm System, qui s'inspire de ce que nous avons ici. Ils lui ont juste accolé le nom américain devant. En fait, ils utilisent notre système. Mais nous l'avons repris, dépoussiéré, revu et corrigé pour en faire le cadre de la norme Z804 de la CSA.

Le sénateur Duffy : En termes de comparaison et de concurrence, ils sont dans le même bateau.

M. Clark : Oui.

Le sénateur Segal : Sauf pour l'absence de terres de la Couronne.

Le sénateur Duffy : Pour ce qui est des coûts de gestion d'un lot boisé...

[Français]

M. Roy : Pour ce qui est du coût, au Québec, en termes de certification on a favorisé une approche collective. Plutôt que de laisser les producteurs assumer le poids de la responsabilité, on a encadré le processus avec un plus grand nombre de propriétaires pour réduire les coûts, entre autres, de planification et d'administration. Cela a permis de réduire la charge pour chacun des individus. Toutefois, cette approche a ses limites, en fonction des capacités financières de l'organisation et ce, malgré le recours au financement de la part de tous les propriétaires. C'est un processus qui coûte très cher. Sans une forme d'appui de l'État pour aller plus loin dans le processus de certification, on ne pourra pas avancer rapidement.

[Traduction]

Le président : Nous avons largement dépassé le temps dont nous disposions. Il ne fait aucun doute que nous aurons d'autres questions. Nous vous les soumettrons par écrit et vous pourrez nous envoyer vos réponses.

Nous tenons à vous remercier pour la précision de vos réponses.

(La séance est levée).


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