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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 10 - Témoignages du 4 novembre 2010


OTTAWA, le jeudi 4 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, madame et messieurs les témoins, bonjour. Nous avons le quorum; je déclare la séance ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Madame et messieurs les témoins, nous vous souhaitons la bienvenue, ce matin, au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité.

Chers collègues, nous recevons aujourd'hui des témoins de différentes organisations. Maia Becker est vice- présidente du Forest Stewardship Council of Canada et Peter Johnson est consultant, il représente la Sustainable Forestry Initiative.

[Français]

Du Bureau de promotion des produits du bois du Québec, M. Jacques Gauvin, directeur, Programme de traçabilité des produits du bois.

[Traduction]

Le comité poursuit l'étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada. Nous nous intéressons en particulier à l'écocertification et à la traçabilité.

Avant de demander aux témoins de faire les exposés, j'invite les sénateurs à se présenter.

Le sénateur Mercer : Je m'appelle Terry Mercer et je viens de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je suis le sénateur Fernand Robichaud du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Plett : Don Plett, du centre du Canada, au Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Kevin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Meighen : Michael Meighen, de l'Ontario.

Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je remercie de nouveau les témoins d'avoir accepté l'invitation. Grâce à vous, nous pourrons trouver des solutions et faire des recommandations au gouvernement concernant les problèmes liés aux forêts et la crise actuelle.

Cela dit, la greffière m'informe que nous commencerons les présentations par Mme Becker, suivie de M. Johnson, puis de M. Gauvin.

Madame Becker, nous poserons des questions aux témoins lorsque les exposés seront terminés.

Maia Becker, vice-présidente, Forest Stewardship Council of Canada : Avant tout, je vous présente mes excuses, car les diapositives ne sont pas dans les deux langues officielles. Je vous remercie tout de même d'avoir invité le Forest Stewardship Council of Canada, le FSC, à comparaître aujourd'hui.

J'aimerais discuter des avantages que présentent le FSC et la certification forestière pour les forêts, les communautés, les Autochtones et l'industrie. Le FSC est un système international de certification et d'étiquetage pour les forêts et les produits forestiers mis sur pied au Canada, en 1993, par des aménagistes forestiers, des producteurs, des groupes de défense de l'environnement, des travailleurs, des Autochtones et des représentants des collectivités. L'organisation garantit aux consommateurs ou aux acheteurs que le bois et les produits de papier viennent de forêts en santé et de communautés fortes.

La meilleure compréhension de la valeur de nos forêts a entraîné une demande accrue pour les produits certifiés FSC. Le FSC est le système de certification forestière qui connaît la croissance la plus rapide au monde, avec 135 millions d'hectares de forêts et 18 000 fabricants certifiés et un marché mondial de plus de 5 milliards de dollars américains.

Comme bien d'autres systèmes dans le genre, la certification forestière est un mécanisme fondé sur le marché du fait que ce sont les consommateurs qui amènent les entreprises à se plier aux normes FSC parce qu'ils exigent des produits certifiés. Les forêts certifiées FSC sont évaluées de manière indépendante, à l'aide de normes environnementales et éthiques sévères, et la provenance de la fibre issue de ces forêts est garantie tout au long de la chaîne de traçabilité, jusqu'au consommateur. Cela signifie que le papier certifié FSC provient non seulement d'une forêt ayant la même certification, mais aussi d'usines, d'un marchand et d'un imprimeur certifiés FSC. La même chose s'applique aux enveloppes, aux livres ou à tous les autres produits dotés de la certification FSC.

L'objectif de la certification FSC, c'est que la gestion des forêts soit appropriée pour l'environnement, tout en étant profitable à la société et viable sur le plan économique. Depuis la création de l'organisation, il y a 17 ans au Canada, 39 millions d'hectares de forêt ont été certifiés, ce qui représente environ 25 p. 100 des forêts aménagées au pays.

À l'heure actuelle, nous procédons à la certification de 7,6 millions d'hectares de forêt supplémentaires. Le Canada est le chef de file mondial, car 30 p. 100 des forêts certifiées FSC dans le monde se trouvent ici.

La certification FSC n'est profitable aux communautés et aux entreprises que si les consommateurs peuvent reconnaître les produits certifiés et avoir le choix de les acheter. C'est pourquoi la traçabilité et l'étiquetage importent beaucoup.

Ces cinq dernières années, le nombre de fabricants et de producteurs certifiés FSC a connu une augmentation de 800 p. 100, au Canada. La croissance la plus importante s'est effectuée dans les secteurs des pâtes et papiers et de l'imprimerie. Également, la croissance dans le secteur du bois a été très forte et constante.

Il y a plus de produits certifiés FSC ces cinq dernières années, malgré les problèmes que connaît l'industrie. Dans bien des cas, les entreprises cherchent à donner une valeur ajoutée à leurs produits et à les diversifier, de même qu'à s'assurer la loyauté des consommateurs et à accéder aux marchés émergents. L'augmentation de la demande de produits certifiés FSC s'explique non seulement par les achats de grandes sociétés multinationales, nationales et locales, dont bon nombre sont canadiennes, mais aussi par la mise en œuvre de politiques d'achat exigeant des produits certifiés FSC.

La diapositive vous montre des entreprises qui achètent des produits dotés de la certification FSC. Par exemple, en 2008, la chaîne québécoise de magasins Rona a établi une politique d'achat qui privilégiait le bois certifié FSC. Depuis ce temps, Rona a fait certifier FSC 13 de ses magasins au Canada pour satisfaire les besoins des consommateurs en produits FSC.

En outre, la Banque Scotia a appliqué une politique en 2008 pour que 50 p. 100 du papier utilisé soit certifié FSC ou fait à partir de fibres recyclées.

En 2009, Indigo et Chapters, le plus grand détaillant de livres au Canada, a mis en œuvre une politique pour privilégier le papier FSC et indique maintenant aux consommateurs les livres et les produits certifiés FSC.

Les politiques d'acquisition et les décisions d'achat des gouvernements influent aussi sur la demande de produits canadiens certifiés FSC. Les gouvernements fédéral et provinciaux et les organismes achètent de tels produits. Par exemple, en 2008, l'Ontario a adopté une politique obligeant les ministères à acheter 30 p. 100 de papier certifié FSC et exigeant que tous les imprimeurs qui fournissent le gouvernement obtiennent la certification FSC, d'ici 2012.

En avril 2010, dans son plan sur l'électricité renouvelable, le ministère de l'Énergie de la Nouvelle-Écosse a exigé que les fournisseurs de biomasse forestière soient certifiés FSC.

Je parlerai des avantages de la certification FSC pour l'industrie, mais tout d'abord, il importe d'expliquer pourquoi les entreprises, les organisations et les personnes choisissent les produits certifiés FSC, notamment ceux faits au Canada.

La certification FSC est fiable et reconnue partout dans le monde. Elle permet de protéger les cours d'eau et les habitats fauniques dans les forêts. La certification réduit au minimum l'impact de la coupe et elle favorise la biodiversité et le respect des droits des Autochtones et des travailleurs. Le Forest Stewardship Council a un système de traçabilité et d'étiquetage sévère pour garantir aux consommateurs la provenance des produits. C'est également le seul système de certification forestière appuyé par d'importants groupes de défense de l'environnement, des collectivités et des Autochtones, comme le Fonds mondial pour la nature, la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, la Fondation David Suzuki, le Sierra Club du Canada et bien d'autres.

Le FSC est également appuyé par des groupes autochtones. C'est très important au Canada, car les Autochtones ont un grand rôle à jouer concernant les forêts. Je crois que, comme l'a dit au comité M. Bombay en mai 2009, l'Association nationale de foresterie autochtone appuie le FSC parce qu'il est le seul système de certification forestière dont les principes et les critères tiennent compte des droits des Autochtones, un aspect essentiel du mandat du FSC.

Je vais maintenant parler des avantages de la certification FSC pour le secteur. Le FSC offre aux entreprises certifiées l'avantage de bénéficier de clients fidèles et d'un accès au marché mondial de produits certifiés FSC, qui connaît une expansion rapide, tandis que décroît la demande de produits conventionnels. De plus, la certification de la chaîne d'approvisionnement permet de diversifier les produits et de leur donner une valeur ajoutée. Cela s'applique en particulier aux petites et moyennes entreprises, partout au Canada.

La certification FSC encourage entre autres l'essor du secteur du bâtiment écologique, grâce au Conseil du bâtiment durable du Canada et au programme LEED, qui permet de classer les bâtiments selon leur impact environnemental. L'utilisation de bois certifié FSC est essentielle à ce secteur, qui gagne de l'importance.

Par ailleurs, la certification FSC pourrait servir à vérifier les projets de réduction des émissions de carbone, les projets d'utilisation de la biomasse et autres.

Je n'ai pas le temps de vous détailler tous les avantages, mais je veux le faire pour trois d'entre eux.

Tout d'abord, le FSC offre un avantage concurrentiel aux entreprises. Par exemple, l'entreprise canadienne Tembec, une société intégrée qui a un chiffre d'affaires de 2 milliards de dollars, qui compte 6 000 employés et possède plus de 30 usines, attribue son succès et sa survie malgré la crise à la fidélité de ses clients et à la certification FSC. À ce sujet, je vais citer James Lopez, PDG de Tembec :

Certains des meilleurs clients de Tembec ne jurent que par les produits certifiés FSC [...]

La seule raison pour laquelle nous sommes le fournisseur principal de Home Depot, le plus grand acheteur de bois en Amérique du Nord, c'est parce que nous avons obtenu la certification FSC [...]

D'autres grands acheteurs de pâte à papier, que je ne peux nommer, ont commencé et ont continué à passer des commandes à Tembec, parce que ses produits sont certifiés FSC.

Il y a aussi l'entreprise canadienne Domtar, une société intégrée qui a un chiffre d'affaires de plus de 5 milliards de dollars, qui emploie 10 000 personnes et qui exploite 37 usines. Selon Domtar, le succès de sa gamme de 27 papiers EarthChoice est attribuable à la certification FSC. Afin de vous donner une idée des avantages de la certification pour cette gamme de produits, je vais lire une citation brève de Lewis Fix, vice-président de l'image de marque et du développement durable.

Il a dit que le FSC donnait de la crédibilité à l'initiative EarthChoice, que les gens étaient très réceptifs et que le projet, d'abord secondaire, était désormais stratégique pour toute l'entreprise.

Donc, le FSC offre un avantage concurrentiel indéniable à toutes les entreprises canadiennes du secteur forestier.

Ensuite, la certification de la chaîne d'approvisionnement donne aux petites et moyennes entreprises accès au marché FSC. Cela ne permet pas seulement de favoriser les communautés du Canada, mais aussi de diversifier les produits et de leur donner une valeur ajoutée.

Dans les provinces, on emboîte le pas pour quelques initiatives. Notamment, la Nova Scotia Landowners and Forest Fibre Producers Association a investi 850 000 $ dans le fonds de développement communautaire pour aider les propriétaires de terres à bois à certifier leurs produits et assurer l'approvisionnement des producteurs, dans la province.

Il faut également mentionner le Bureau de promotion des produits forestiers du Québec, un organisme qui s'occupe de la traçabilité du bois et dont Jacques Gauvin vous parlera, tout à l'heure. Je n'irai pas dans les détails, mais je tiens à féliciter M. Gauvin de la gestion hautement efficiente du bureau et de la grande qualité de ses rapports.

En un mot, le programme de traçabilité du Bureau de promotion des produits forestiers du Québec pour le bois offre un appui financier aux fournisseurs pour qu'ils soient reconnus par le système de certification forestière de leur choix. Dans le dernier rapport de l'organisation, en date du 29 octobre, on peut constater que 111 entreprises ont obtenu une certification. Toutes ces entreprises ont été certifiées par le FSC et 92 d'entre elles ont estimé que la certification FSC serait suffisante pour leur offrir le meilleur accès possible au marché.

Enfin, j'aimerais parler de l'avantage que la certification FSC offre aux entreprises canadiennes qui veulent accéder au marché mondial. Les diapositives montrent la croissance du nombre de certificats FSC délivrés par région pour des forêts, des producteurs et des fabricants. Vous constaterez que le Canada est sans conteste un chef de file mondial dans la certification FSC de forêts, mais qu'il accuse du retard par rapport à l'Europe, à l'Asie et aux États-Unis pour ce qui est des ventes de produits FSC dans le monde. Voilà l'occasion à saisir. Les entreprises canadiennes peuvent approvisionner le marché mondial en produits FSC, mais nous devons encourager la certification de la chaîne d'approvisionnement. Nous devons aider l'industrie à accéder à ce marché, et les acquisitions et les politiques des gouvernements doivent appuyer l'initiative de certification de l'industrie. Il faut avantager les produits certifiés.

Je vais m'arrêter là. Je vous encourage à poser des questions ou à faire des commentaires.

Peter Johnson, consultant, Sustainable Forestry Initiative : Bonjour. À titre de forestier et de représentant de la Sustainable Forestry Initiative, la SFI, je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler, ce matin, de la certification forestière et, en particulier, de la SFI.

La SFI est le plus important programme de certification forestière au monde. Ses responsables travaillent de façon continue à améliorer la gestion des forêts au Canada, grâce à des normes approuvées par des organismes de certification indépendants et reconnus. Présentement, 50 millions d'hectares de forêt sont certifiés SFI, au Canada; de ce fait, la SFI est l'organisation qui certifie la plus grande proportion de territoires forestiers dans tout le pays.

La SFI cherche également à renforcer le commerce du bois par la certification de la chaîne de traçabilité, soit la provenance des produits et la gestion responsable de la fibre ligneuse. Jusqu'à présent, la SFI a certifié plus de 875 chaînes de traçabilité, dans plus de 2 100 usines.

La SFI a établi sa première norme nationale en 1994, et les premières vérifications indépendantes ont été effectuées en 1998. J'ai dirigé certaines des premières vérifications de la SFI, au Canada. La SFI est une organisation indépendante, sans but lucratif, chargée de coordonner, d'administrer et d'améliorer le programme de gestion durable des forêts et de traçabilité, reconnue partout dans le monde. Le conseil d'administration compte 18 membres qui cherchent tout autant à protéger l'environnement qu'à représenter les intérêts sociaux et économiques. Ces dirigeants s'occupent de tous les aspects de l'initiative de gestion durable des forêts.

Il faut non seulement certifier les grandes forêts aménagées de l'Ouest et du Centre du Canada, mais aussi les terres à bois privées et familiales de l'Est, une part importante de l'économie. Il est également question de la traçabilité, de la forêt au magasin, en passant par la transformation et le transport.

Une des meilleures façons d'appuyer ce que je viens de dire est de vous donner un exemple. Le soir de l'Halloween, en préparant les bonbons à distribuer, j'ai aperçu une boîte Nestlé, que j'ai apportée avec moi ici. Vous avez probablement tous la même boîte, ou quelque chose de semblable, chez vous. Regardez, on peut y voir le logo SFI, qui montre au consommateur que la fibre utilisée pour emballer le produit provient d'une forêt certifiée et que l'origine de la fibre peut être retracée depuis le Shoppers Drug Mart, où j'ai acheté le produit, jusqu'à la forêt même.

Voilà qui montre comment la chaîne de traçabilité fonctionne pour un produit et comment elle permet de remonter jusqu'à la forêt d'origine, où le produit a été créé.

Les concepts et les principes sur lesquels repose la certification forestière sont sensiblement les mêmes partout au Canada, et j'aimerais que nous profitions de ce qui est probablement l'un des meilleurs atouts que possède actuellement le secteur canadien de la forêt. Ce secteur traverse une période sombre depuis un certain temps et on s'inquiète de son avenir, mais l'un des facteurs les plus prometteurs pour l'industrie et les communautés qui en vivent tient au fait que le Canada est le pays qui compte la plus grande proportion de forêts vérifiées et certifiées au moyen de normes appliquées par un organisme indépendant. Le Canada est donc en très bonne position pour fournir, sur le marché mondial, des produits forestiers certifiés servant à une gamme d'usages.

Un fait demeure : les forêts seront toujours là. Le secteur forestier évoluera et occupera d'autres niches sur le marché — il y aura d'autres produits, de nouveaux usages et de nouvelles technologies, mais il faudra, à la base, une ressource durable qui, preuve à l'appui, pourra appuyer les écosystèmes naturels, les nations qui les utilisent et les communautés qui en vivent; cette ressource devra être gérée et utilisée pour nous de façon durable. C'est ce que peut permettre la certification des forêts, effectuée au moyen des processus indépendants et des systèmes de certification en place au Canada. Voilà donc une très bonne nouvelle.

L'une des meilleures initiatives que le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux peuvent prendre pour aider est de faire la promotion de la certification forestière et des produits forestiers certifiés au Canada, en faisant valoir qu'ils constituent le meilleur choix pour les consommateurs et que la certification est une très bonne chose au Canada. Nos forêts sont certifiées par un organisme indépendant fiable et les Canadiens peuvent être confiants de faire un choix éclairé lorsqu'ils achètent des produits forestiers provenant de forêts canadiennes certifiées.

Nous devons nous porter à la défense de nos ressources forestières. Nous devons être en mesure de prendre des décisions dans nos collectivités locales qui ont une incidence réelle. Nos décisions ne doivent pas être dictées par des campagnes, des facteurs ou des forces de l'extérieur, comme les médias. Elles doivent reposer sur les bonnes questions posées par les bonnes personnes, réunies pour trouver les bonnes réponses.

Il nous faut également nous interroger sur la façon dont nous pouvons amener les entreprises canadiennes et étrangères à adhérer à cet enjeu, à l'intégrer à leurs projets et à faire montre d'un sens des responsabilités. Mme Becker a parlé plus tôt des politiques d'achat et d'acquisition, qui sont des outils importants et convaincants. Demander aux entreprises de préciser qu'elles recherchent des produits provenant de forêts canadiennes certifiées aidera à motiver ces entreprises et, par voie de conséquence, à stimuler la demande de produits certifiés, favorisant ainsi l'industrie canadienne et les communautés qui en vivent.

Une excellente occasion de progresser se présente donc à nous si nous amenons les entreprises canadiennes et étrangères à adopter un comportement responsable à l'endroit de l'exploitation durable de la forêt.

Le secteur forestier doit être une priorité pour les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Si j'entends encore une seule personne dire que l'industrie est à l'agonie, je vais l'étrangler. L'industrie n'agonise pas. Elle traverse une période de transition, une période de changement. Dieu merci, nous avons des gens comme vous qui prennent le temps d'écouter, de comprendre et de réfléchir à des moyens d'aller de l'avant. Nous espérons que vous ferez connaître les avantages que procure la certification des forêts et des produits forestiers.

[Français]

Le président : Je demanderai maintenant à M. Jacques Gauvin, du Bureau de promotion des produits du bois du Québec, de faire sa présentation.

Jacques Gauvin, directeur, Programme de traçabilité des produits du bois, Bureau de promotion des produits du bois du Québec : Monsieur le président, j'aimerais à mon tour remercier le comité de m'accueillir ce matin pour venir parler d'un programme dont j'ai la responsabilité depuis bientôt un an, dans le cadre des travaux du Bureau de promotion des produits du bois du Québec.

Les gouvernements ont cherché à venir en aide à l'industrie forestière québécoise et canadienne, compte tenu de la situation difficile qu'elle traverse depuis maintenant plusieurs années, et ce ne fut pas toujours facile. D'une part, il y a les échanges avec nos voisins du sud, et intervenir auprès de l'industrie forestière n'est pas chose facile. Toutefois, la recherche a permis de trouver une solution, du moins pour une partie du problème. Le Programme de traçabilité des produits du bois est supporté financièrement, à parts égales, par le gouvernement du Canada et par le gouvernement du Québec. Il vise à supporter les industriels afin que ceux-ci puissent acquérir un certain avantage concurrentiel sur les marchés en étant en mesure d'étiqueter et démontrer les caractéristiques environnementales de leurs produits par le biais d'une ou l'autre des certifications dont il a été question plus tôt, soit FSC, SFI ou CSA, PEFC. L'objectif du programme était d'aider les entreprises. Le programme comporte d'autres volets, que je vous présenterai pour ensuite revenir à la chaîne de traçabilité et vous en expliquer le fonctionnement plus en détail.

Un certain nombre d'entreprises posséderaient déjà des chaînes de traçabilité. On n'a pas voulu laisser de côté ces entreprises proactives en offrant le programme qu'aux entreprises qui voulaient devenir proactives. Un volet de ce programme permet donc de supporter financièrement l'audit annuel obligatoire lorsqu'on dispose d'une chaine de traçabilité.

Les normes phytosanitaires ont également été abordées dans le cadre de ce programme, tel que demandé par l'industrie.

Vous le savez sans doute, on ne peut pas exporter des produits du bois à l'extérieur du Canada sans respecter certaines normes pour éviter de transporter hors frontière des insectes, qui seraient toujours présents dans le bois. Les produits du bois doivent être traités à la chaleur et cela ne se fait pas n'importe comment. Il faut respecter les règles qui sont édictées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Dans le cas des entreprises qui voulaient découvrir des opportunités d'exportation, le programme pouvait les aider à acquérir et à développer le manuel de procédures pour pouvoir être en mesure de traiter leurs produits du bois de façon adéquate et de pouvoir les exporter s'ils ne le faisaient pas auparavant.

De la même façon, pour les entreprises qui possédaient déjà ce qu'on appelle le Manuel de normes phytosanitaires, il y avait une mise à jour importante, qui s'en venait, dans le cadre du Programme canadien de certification des produits de bois traités à la chaleur. Nous avons intégré cela dans le Programme de traçabilité des produits du bois et les entreprises, qui voulaient faire une mise à jour de leur programme, sont supportées par le Programme de traçabilité des produits du bois.

Bien que le volet le plus important soit l'implantation, on a accroché à cela des éléments qui pouvaient être intéressants pour les industriels qui sont principalement des industriels exportateurs. L'objectif fondamental : aider l'industrie sans être sujet à des chicanes supplémentaires avec nos amis les Américains.

L'implantation est le volet le plus important du programme. Comment cela fonctionne? C'est bien simple. Au départ, le comité de gestion ne voulait pas que ce soit compliqué, mais plutôt accessible et transparent. Il fallait que l'encadrement soit rigoureux puisqu'on parle de fonds publics.

Une entreprise qui veut implanter une chaîne de traçabilité, peu importe laquelle, s'inscrit au programme en ligne. C'est un tout petit formulaire qui tient sur une page et quart. Immédiatement en ligne, il y a une réponse qui lui revient. Ensuite, la personne doit choisir un consultant accrédité. Pourquoi? Parce qu'on ne verse directement d'argent à l'entreprise en lui disant : « Organise-toi pour avoir une chaîne de traçabilité. » Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.

On a accrédité un certain nombre de personnes pour aider les gens à implanter des chaînes de traçabilité. Elles sont dans une banque de consultants qui se trouve également sur le site web du QWEB. L'entreprise choisit elle-même son consultant, ce n'est pas nous qui lui imposons, comme d'ailleurs le choix de la chaîne de traçabilité qu'elle veut obtenir ou les trois comme je le disais plus tôt.

Une fois que cela est fait, nous signons une entente contractuelle qui définit les obligations mutuelles. L'obligation la plus importante du côté de l'entreprise, c'est évidemment de faire enregistrer sa chaîne de traçabilité une fois le processus réalisé au complet. L'objectif poursuivi est véritablement d'avoir fait en sorte que le plus grand nombre possible d'entreprises puissent se retrouver sur le marché et mettre sur le marché des produits avec une étiquette reconnaissant leur valeur environnementale.

Évidemment, tout cela se fait avec des engagements de confidentialité de la part des consultants accréditées et des gens du QWEB, qui ont accès à de l'information sur l'entreprise. Cette information n'est diffusée à qui que ce soit.

La première étape est de faire un diagnostic dans l'entreprise. Évidemment, vous comprendrez qu'on ne peut pas laisser au consultant accrédité la responsabilité de déterminer la quantité de travail à réaliser pour aider l'entreprise puisqu'à ce moment-là, le consultant est juge et partie. On ne peut pas se permettre cela. On a donc engagé une firme spécialisée dans le domaine, reconnue dans son milieu, et on a signé une entente à long terme avec cette firme, qui, elle, ne fait aucune implantation mais qui va réaliser les diagnostics. Elle est donc indépendante.

Elle va aller dans l'entreprise faire le diagnostic et dire, par exemple : « Pour l'implantation de la chaîne de traçabilité dans cette entreprise, cela va prendre dix jours de travail. » Une fois cette évaluation indépendante faite, l'entreprise en est évidemment informée et cela va de soi que j'en suis informé. Je me tourne du côté du consultant accrédité reconnu, je signe une entente avec lui pour cette durée de dix jours et ce, en fonction des paramètres économiques du programme. Et c'est dans le contexte de cette entente qu'il prend l'engagement de faire le travail jusqu'à la fin et c'est moi qui le paie directement, l'entreprise n'a pas à débourser.

Vers la fin des travaux du consultant accrédité, nous allons faire un contrôle de qualité. Notre objectif n'est pas qu'une entreprise ait passé à travers le processus et ait trouvé cela plaisant. Notre objectif, c'est qu'il y ait effectivement un succès, un audit d'enregistrement à la fin, une nouvelle chaîne de traçabilité des produits du bois. On veut s'assurer que le travail est bien fait.

Vers la fin du travail du consultant accrédité, j'envoie la firme indépendante dont je vous parlais tout à l'heure. Cette firme fait une pré-vérification et l'entreprise n'a pas à payer pour cela. Elle s'assure qu'elle est prête pour aller en audit d'enregistrement en temps opportun. On a un travail de contrôle de la qualité qui se fait de cette façon.

L'étape suivante est l'étape la plus importante, c'est la prise de rendez-vous avec le registraire pour la norme dont il est question et, évidemment, pour l'audit d'enregistrement. Jusqu'à présent, peu d'entreprises sont passées à travers le processus complet. Plusieurs sont dans le processus, mais jusqu'à présent, toutes les entreprises, qui ont suivi les étapes dont je viens de vous parler, ont obtenu avec succès leur audit d'enregistrement.

Je termine en vous donnant quelques chiffres. Le programme a débuté en novembre 2009 et se terminera en 2013. L'objectif, pour presque trois ans de programme, était d'aider 350 entreprises environ parce qu'il fallait établir un objectif de départ pour voir si on était performants. C'est toujours intéressant d'avoir des objectifs. Et comme on le mentionnait tout à l'heure, on en est aujourd'hui à 221 entreprises ou usines, qui sont déjà inscrites dans le cadre du programme. Ce n'est quand même pas si mal.

De ces 221 entreprises ou usines, il y en a 111 qui ont entrepris le processus d'implantation de chaîne de traçabilité. Et parce que la situation de l'industrie forestière est loin d'être rose et qu'elle se redresse extrêmement lentement, on a pensé que le processus serait beaucoup plus lent que cela. On est donc très satisfaits du nombre d'entreprises et on est très confiants qu'en 2013 on aura atteint notre objectif de 350 entreprises de plus, parce qu'il y en avait déjà.

Le fait que 350 entreprises de plus au Québec pourront aller sur les marchés vendre leurs produits avec une garantie pour le consommateur, que ces produits ont des valeurs environnementales reconnues par le biais de logos dont vous avez entendu parler il y a quelques instants. Voilà, c'était en bref le Programme de traçabilité des produits du bois.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Gauvin.

[Traduction]

Nous passons maintenant aux questions des sénateurs, en commençant par le sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Merci pour vos exposés intéressants. Je regarde le graphique des certifications et j'en aperçois plusieurs. Je comprends bien ce qu'est la CSA, l'Association canadienne de normalisation, présente dans de nombreuses autres industries. Les certifications FSC et SFI sont-elles obligatoires ou facultatives? Où le processus commence-t-il? Il commence dans la forêt et se poursuit tout au long de la chaîne de production et jusqu'au magasin, je présume.

Mme Becker : La certification FSC est tout à fait facultative. Les aménagistes forestiers et les entreprises présentes dans la chaîne d'approvisionnement choisissent de façon tout à fait volontaire de demander une certification pour répondre aux besoins ou aux exigences de leurs clients. À l'heure actuelle, la certification n'est pas une exigence d'un gouvernement ou d'un autre organisme.

M. Johnson : La certification forestière est entièrement facultative, qu'il s'agisse de la certification CSA, SFI ou FSC.

Le sénateur Plett : C'est bien ce que je croyais. Monsieur Johnson, vous aviez la boîte de carton Nestlé. Si j'ai bien compris, vous n'avez pas acheté le produit Nestlé parce qu'il était certifié, n'est-ce pas?

M. Johnson : Cela m'a assurément influencé.

Le sénateur Plett : Vous avez vu que le produit était certifié avant de l'acheter?

M. Johnson : C'est bien cela.

Le sénateur Plett : Je n'ai jamais rien demandé de tel lorsque j'ai acheté quelque chose, un produit Nestlé ou quoi que ce soit d'autre. Je n'aurais pas pensé à demander si c'était certifié SFI ou FSC, combien de gens le feraient?

Qu'est-ce qui amènerait Rona à demander une certification? Qu'est-ce qui amènerait n'importe quel autre magasin à se dire qu'il doit demander une certification parce que quelqu'un pourrait vouloir acheter un article de papeterie — bien que je ne sois pas sûr que ce produit soit certifié? Qu'est-ce qui m'amènerait, moi, à demander un produit certifié? Quel avantage aurait Home Depot ou n'importe quel autre commerce à obtenir une certification?

Mme Becker : L'avantage tient à ce que les consommateurs recherchent de plus en plus des produits écologiques. Le même phénomène se produit en agriculture, où la culture biologique est en croissance; la demande de produits équitables croît également.

L'environnement devient de plus en plus important pour les consommateurs. Les gens veulent qu'on leur garantisse la provenance des produits qu'ils achètent, qu'il s'agisse d'un produit particulier doté de la certification FSC ou SFI. Ce ne sont pas tous les consommateurs, mais une proportion importante des consommateurs — et des entreprises acheteuses — qui estiment important d'assurer la durabilité des produits.

Le sénateur Plett : N'y aurait-il pas lieu pour cela de travailler simplement avec l'industrie forestière? C'est de là que provient le produit écologique, n'est-ce pas? Cela permettrait de faire un usage durable de la forêt.

Si nous collaborions avec les Irving de ce monde et d'autres gens du secteur de la forêt — bien que je ne sois pas le plus fervent défenseur des mesures obligatoires — si nous devions rendre la certification obligatoire à ce niveau et avions la même couleur partout... Or, nous avons différentes couleurs dans ce graphique et je ne suis pas sûr des raisons pour lesquelles on n'appliquerait pas la même norme partout — cela ne permettrait-il pas de réaliser ce que vous cherchez à réaliser et cela, à l'échelle de tout le pays?

M. Johnson : J'aimerais répondre en me servant de deux analogies. Le Canada est le pays le plus réglementé au monde pour la gestion de la forêt. Les provinces ont des exigences légales très strictes pour la planification de la gestion de la forêt et pour les activités forestières. Toutefois, aux dires d'universitaires et d'autres personnes, ces exigences ne sont pas assez sévères.

Il suffit de se reporter aux années 1980 et de songer à des événements comme ceux survenus à Clayoquot Sound, où les gens ont fait savoir clairement que les règlements n'étaient pas suffisants. C'est à ce moment-là que la certification forestière a vu le jour, pour aller plus loin que les exigences légales.

Lorsque vous entrez dans un magasin pour y acheter un article électronique — une ampoule électrique, un grille-pain, des lumières de Noël —, vous vous attendez à ce que l'article fonctionne, qu'il ne surchauffe pas, qu'il ne prenne pas feu et ne réduise pas votre maison en cendres. Les produits de la forêt font aussi l'objet d'attentes croissantes; on ne veut pas que les produits achetés présentent une menace pour l'environnement et on s'attend à ce qu'ils proviennent de sources gérées de façon durable.

Il se peut que les gens ne cherchent pas vraiment un logo sur les produits forestiers qu'ils achètent, mais, dans la société d'aujourd'hui, une société avancée, ils s'attendent de plus en plus à ce qu'on puisse leur garantir que les produits qu'ils achètent proviennent de sources gérées de façon durable.

Le logo donne la chaîne de traçabilité, comme le fait l'estampille des Laboratoires des assureurs du Canada ou de l'Association canadienne de normalisation apposée sur un grille-pain ou une ampoule électrique.

Mme Becker : De plus, le logo et la capacité pour les entreprises forestières de faire certifier leurs produits donnent à ces entreprises accès à de nouveaux marchés ailleurs dans le monde. Le Canada exporte la plupart de ses produits et les entreprises canadiennes doivent être capables de concurrencer les autres sur le marché international. Voilà donc pourquoi un logo reconnu sur le marché international est si important pour la viabilité de l'industrie.

Le sénateur Plett : Le FSC et la SFI se font-ils concurrence? Vous voulez tous les deux fournir des certifications.

Mme Becker : Les systèmes de certification sont facultatifs, ce sont les entreprises elles-mêmes qui retiennent celui qui intéresse leurs clients. Les certifications SFI et FSC sont dictées par le marché. Les clients choisissent le produit qui leur fournit l'assurance qu'ils recherchent.

Certaines entreprises ont les deux certifications, FSC et SFI. Beaucoup n'ont que la certification FSC, parce qu'elles estiment que ce logo sera avantageux pour elles sur le marché.

Le sénateur Plett : Je ne veux pas m'acharner sur le sujet indûment, monsieur le président, mais j'estime qu'il vaudrait mieux que les deux organismes de certification unissent leurs forces. Il y a trop de règlements dans notre pays et nous continuons toujours d'en ajouter. Je suis favorable aux initiatives écologiques et je veux bien que nous prenions des mesures pour conserver une industrie forestière.

Nous nous sommes rendus en forêt quelques fois au cours des deux ou trois dernières années pour constater la situation, et je vois maintenant les choses différemment. Nous sommes allés dans des forêts exploitées par les Irving, et sans vouloir vanter ces gens, je dois dire qu'à mon sens, ils font de l'excellent travail pour protéger les ressources de l'avenir.

Nous sommes étranglés par les règlements. Ne vaudrait-il pas mieux réunir vos deux organisations? Les Canadiens n'auraient-ils pas une influence plus grande si une seule certification avait cours? Je n'aurais pas ainsi à vérifier si le produit est certifié CSA, SFI ou FSC, ou encore s'il a les trois certifications, ni à me demander s'il faut que je recherche ce produit en particulier?

Je vais regarder le prix du produit. Voilà ce que je vais probablement faire, tout comme la plupart des Canadiens.

Mme Becker : Vous avez parfaitement raison de dire que les gens aimeraient qu'une seule certification soit en vigueur. Je dois vous expliquer comment les normes sont établies. Ce ne sont pas les gens du FSC qui fixent les normes dans leurs bureaux; ce sont les intervenants locaux qui les fixent. Ce sont les gens de l'industrie forestière, les défenseurs de l'environnement, les Autochtones et des membres des collectivités locales qui rédigent les normes que nous appliquons.

Si la FSI désire aligner ses normes sur celles du FSC, nous en serons très heureux. Jusqu'à maintenant, nos intervenants n'ont pas l'impression que c'est le cas.

Le sénateur Plett : Permettez-moi de vous poser une question, puisque vous êtes côte à côte. Votre norme est-elle meilleure que la sienne?

Mme Becker : À mon avis, oui.

Le sénateur Plett : Permettez-moi de conclure en disant que je suis vraiment heureux, monsieur Johnson, que l'industrie forestière ne soit pas en déclin. Je vous remercie de ce commentaire.

Le sénateur Mercer : Sénateur Plett, ne vous lancez pas dans des négociations de travail.

Je remercie beaucoup les témoins. Le sujet du jour m'intéresse beaucoup et me laisse aussi un peu perplexe, comme le sénateur Plett l'a si habilement expliqué, ou a tenté de le faire.

Étant donné que toutes les considérations politiques sont locales, j'aimerais revenir sur les propos de Mme Becker ayant trait aux 850 000 $ accordés à des propriétaires privés de lots boisés en Nouvelle-Écosse pour leur certification. De toute évidence, les forêts de la Nouvelle-Écosse font partie de mes principales préoccupations.

D'où provient cet argent, comment est-il distribué et comment un propriétaire peut-il en faire la demande?

Mme Becker : Si j'ai bien compris, le fonds du Community Development Trust provient des instances fédérales et provinciales. Je ne peux pas vous expliquer en détail comment l'argent est distribué ni comment les entreprises peuvent en faire la demande, mais si vous le voulez, je trouverai l'information pour vous.

Le sénateur Mercer : Il y a quelques jours, des propriétaires privés de lots boisés ont comparu. Ils nous ont expliqué que le coût de la certification fait partie de leurs difficultés.

Si je me souviens bien, ils ont dit que le coût varie entre 1 000 et 1 500 $. Il ne s'agit que du montant initial à verser pour obtenir de l'aide à l'élaboration d'un plan durable qui garantira la bonne gestion locale des forêts. Aux yeux de bien des gens de l'industrie, le secteur n'est certainement pas en déclin, mais il ne s'agit pas non plus d'une nouvelle industrie; il connaît plutôt une période de transition. Nous commençons à envisager de nouvelles réglementations et normes auxquelles nous n'avions jamais pensé auparavant, ce qui compte parmi les principaux changements. Avant, il suffisait d'aller au parc à bois pour acheter le deux par quatre le moins cher qui répondait à ses besoins, alors qu'aujourd'hui, il faut rechercher un logo pour s'assurer qu'il s'agit d'un produit durable. C'est déroutant.

Sommes-nous sur le point d'apposer une étiquette « indésirable » sur les produits de la forêt non certifiés? Prenons l'exemple, peut-être extrême, de l'industrie du diamant. Dans ce secteur, on distingue les diamants extraits de façon humaine et ceux pour lesquels ce n'est pas le cas, dont l'argent récolté sert à promouvoir la guerre, les enfants soldats, et cetera. Finirons-nous par avoir un « bois propre » et un « bois sale »? Aboutirons-nous à cela?

Mme Becker : De façon générale, nous sommes bien sûr engagés dans cette voie. Bien des pratiques forestières à l'extérieur du Canada, notamment en Asie et dans les tropiques, sont une source de préoccupations, car les gens sont de plus en plus sensibles aux répercussions des changements climatiques, que les forêts peuvent contribuer à atténuer. Nous contribuons à la lutte aux changements climatiques en préservant les ressources en carbone par la gestion durable de nos forêts.

De plus en plus, les gens prendront conscience de la présence, sur le marché, de bon bois et d'autres produits du bois dont l'origine est douteuse. Ce n'est pas nécessairement du mauvais bois, mais nous l'ignorons. Avec le temps, les gens voudront plus d'assurance.

Vous avez établi une analogie avec les diamants. Au Canada, la certification Polar Bear Diamond est un gage de confiance pour les diamants. C'est le genre de confiance qui est recherchée sur le marché.

Prenons l'exemple des nombreux jouets pour enfants fabriqués en Chine qui ont été retirés des tablettes parce qu'on s'inquiétait de la présence de plomb dans leur peinture; encore ici, les gens veulent être assurés de pouvoir faire confiance aux produits qu'ils achètent. Je crois fermement qu'il en ira de même pour les produits de la forêt.

M. Johnson : On sait déjà que la certification forestière a pour objectif de promouvoir le bon bois et non le bois sale. On trouve déjà ce type de bois sur le marché : le bois coupé illégalement et celui qui a été récolté de façon inacceptable ou dans des régions inacceptables en sont des exemples. À l'échelle planétaire, la certification forestière a beaucoup de chemin à faire. Il n'y a que 10 p. 100 des forêts de la planète qui sont certifiées. Même si nous faisons du bon travail à cet égard en Amérique du Nord, la certification forestière a encore beaucoup de chemin à faire à l'échelle mondiale, surtout dans les pays en développement. Nous sommes déjà en voie de séparer le « bon bois » certifié de celui qui ne l'est pas.

M. Gauvin : Vous connaissez peut-être la Lacey Act, aux États-Unis — en 2008, la loi en vigueur a été modifiée pour inclure tous les produits de la forêt, dont le bois. Il faut que l'approvisionnement soit légal. À l'heure actuelle, ce n'est pas une exigence, mais une simple déclaration. Toutefois, tout le monde s'attend à ce que la loi aille plus loin et oblige les entreprises à adopter un système de traçabilité. Celui-ci ne serait pas nécessairement lié à une certification forestière existante, mais il permettrait de laisser une trace documentaire qui prouverait que le bois a été coupé légalement.

L'Europe se penche sur la question. Vous savez probablement que l'Union européenne est en train, ou est sur le point d'adopter une réglementation qui surpassera la Lacey Act. Nous prévoyons que le Japon lui emboîtera le pas l'année prochaine. La question est soulevée partout dans le monde, notamment dans le cadre des discussions sur les changements climatiques liés à la déforestation. Étant donné la sensibilisation grandissante à ce problème, les coupes illégales de bois en Indonésie et ailleurs devront cesser.

Au Canada, au Québec et dans les autres provinces, les coupes illégales de bois ne constituent pas un gros problème. Toutefois, certaines entreprises, par exemple dans le secteur du meuble, vendent des articles faits à partir du bois d'autres pays. Un vendeur de meubles qui veut que ses produits traversent la frontière américaine devra s'assurer d'avoir une déclaration prouvant que les meubles ne contiennent aucun bois illégal. Il doit s'assurer de détenir tous les renseignements à propos des fournisseurs, car on ignore si le bois qui provient de certains endroits est légal.

Le marché est aux prises avec ce problème, et vous avez raison de poser la question. Il existe du bois illégal, et il en existera toujours.

Le sénateur Mercer : Monsieur Gauvin, je vous rappelle que les membres du comité connaissent bien la question de la traçabilité. Dans le cadre de notre travail sur le bœuf pendant la crise de la vache folle, nous avons discuté de la traçabilité à partir de la conception jusqu'à la consommation, ou « jusqu'au barbecue », comme nous avions dit. Faut- il maintenant faire cela avec les produits du bois, afin de pouvoir dire que le bois de mon crayon a été récolté de façon durable dans une forêt donnée et à un moment donné?

M. Gauvin : Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais je sais que c'est plus difficile dans le cas de produits complexes, comme les meubles dont j'ai parlé, les articles en papier, les panneaux de bois et ainsi de suite. Je sais que c'est un défi pour certaines entreprises, mais c'est faisable. Je connais au moins une entreprise qui a décidé d'agir plus rapidement que les autres après avoir examiné la Lacey Act. L'entreprise a investi de l'argent pour réussir à obtenir toute l'information, la trace documentaire, les renseignements sur les fournisseurs et ainsi de suite. Bien sûr, un coût y est associé, mais l'entreprise est maintenant dotée d'un système prouvant la provenance du bois. J'imagine que c'est ce qu'il faudra faire un jour.

Le sénateur Mercer : Monsieur Johnson, vous maintenez que les forêts canadiennes sont les plus réglementées du monde. Par contre, vous avez dit que nous ne pouvons pas répondre aux critiques. De qui proviennent ces critiques, et que visent-elles?

M. Johnson : Ce sont des groupes d'intérêts qui formulent les critiques. Ces groupes du Canada ou d'ailleurs défendent des intérêts particuliers. Il s'agit de fondations ou de groupes d'intérêts spéciaux qui agissent pour une raison, une cause ou un motif en particulier, et qui veulent exprimer leurs points de vue et opinions relativement à une pratique ou un secteur précis.

Nous en avons vu des exemples dans le cas des sables bitumineux en Alberta, où des groupes locaux, nationaux et internationaux ont exercé des pressions. C'est aussi ce qui se passe dans le secteur forestier du Canada. Toute une gamme de critiques sont formulées. Certaines sont justifiées, mais d'autres sont peut-être douteuses et leurs fondements scientifiques, discutables.

Le sénateur Mercer : Serait-il juste de dire que certaines de ces critiques ne sont pas dans l'intérêt des gens du secteur forestier, et que nous ne pourrons probablement jamais répondre aux attentes sans cesse croissantes des groupes qui les formulent?

M. Johnson : C'est tout à fait vrai. Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Eaton : À la suite de la question du sénateur Mercer, j'aimerais préciser que je dirige une enquête sénatoriale sur les avantages économiques des sables bitumineux. J'ai vraiment l'impression que les critiques injustes dont nous sommes la cible n'ont aucun fondement scientifique, et que ceux qui les formulent auraient avantage à regarder dans leur cour, comme les États-Unis et les pays asiatiques. Il en va de même pour le reste du monde à l'égard de nos forêts.

Nous sommes le pays le plus boisé du monde. Nous sommes un puits de carbone, ou notre bilan carbone est neutre, dans certains cas. Or, nous ne défendons pas nos propres intérêts. Nous nous critiquons constamment, et nous laissons la planète le faire sans rétablir les faits. Cela me met en colère.

Les vieilles forêts, les coupes à blanc et les semences génétiquement modifiées dont vous parlez contribuent-elles à rendre une forêt « non verte »? Par exemple, pouvez-vous certifier une forêt comportant des arbres génétiquement modifiés?

M. Johnson : Au Canada, et même en Amérique du Nord, aucun arbre génétiquement modifié n'est utilisé hors des laboratoires.

Le sénateur Eaton : Lorsque ces arbres quitteront le laboratoire pour aller dans les forêts, pourrez-vous les certifier?

M. Johnson : Si les arbres génétiquement modifiés finissent un jour par sortir des laboratoires, l'ensemble du conseil d'administration de la SFI devra évaluer la situation, et tous les intervenants à l'échelle mondiale devront conclure un accord général sur la façon de faire.

De plus, il existe différents types d'organismes génétiquement modifiés, ou OGM. Il y en a toute une gamme, dont des modifications génétiques et de simples essais de modifications. La catégorie des OGM est très vaste.

Lorsque les arbres génétiquement modifiés sortiront des laboratoires, la SFI devra se pencher expressément sur la question.

Le sénateur Eaton : Des témoins nous ont expliqué que les arbres sont un puits de carbone, mais qu'ils commencent à en émettre à la fin de leur cycle de croissance. Qu'en est-il des coupes à blanc et des vieilles forêts? Esthétiquement, les vieilles forêts sont superbes alors que les coupes à blanc sont laides; ces aspects entrent-ils en ligne de compte lorsque vous déterminez qu'une forêt n'est pas durable ou ne peut pas être certifiée?

M. Johnson : Voir une coupe à blanc ou une vieille forêt... Il faut tenir compte de la définition d'une vieille forêt, car dans certains cas, les arbres sont très petits.

Le sénateur Eaton : J'habite la baie Georgienne, et je sais combien ils peuvent être petits.

M. Johnson : Parfait. Il existe une disposition à cet effet. La norme FSI prévoit la taille maximale des arbres pouvant être récoltés, qu'il ne faut pas excéder lors d'une coupe à blanc. Je laisserai à la FSC le soin de répondre à propos des coupes à blanc. Toutefois, la taille maximale permise lors d'une coupe à blanc est régie par la norme SFI.

Le sénateur Eaton : Pourquoi? Est-ce pour des raisons esthétiques ou pour préserver l'habitat faunique?

M. Johnson : D'une part, c'est une question esthétique, car la planification de la gestion forestière suit des principes esthétiques précis. D'autre part, il faut respecter des exigences particulières relatives à l'habitat forestier et à la planification de l'habitat faunique. Cela peut devenir assez compliqué, étant donné que certaines espèces aiment une très grande clairière, d'autres une clairière très étroite, alors que certains préfèrent une clairière parsemée d'arbres. Il est impossible de dire catégoriquement si les coupes à blanc devraient être permises ou non. La réponse dépend aussi des espèces qui s'y trouvent.

Le sénateur Eaton : Même si la forêt sera reboisée?

M. Johnson : C'est exact. Je vous rappelle que la régénération suit obligatoirement la récolte et la coupe en vertu de la norme.

Une forêt qui a déjà été coupée peut être certifiée. La taille des arbres coupés ne doit pas dépasser ce que prévoit la norme. Il faut aussi tenir compte des dispositions portant sur la planification de l'habitat faunique, la régénération et les aspects visuels de la forêt.

Le sénateur Eaton : Les nappes phréatiques, et cetera?

M. Johnson : Pour être certifié, le plan d'aménagement forestier doit tenir compte de la nappe phréatique et de tous les attributs de ce genre.

Mme Becker : La norme boréale nationale du FSC autorise effectivement la coupe à blanc, et cela se situe vraiment dans le contexte canadien. Elle ne fait problème que dans les autres régions forestières du Canada où la coupe à blanc est inacceptable en vertu des normes régionales d'aménagement forestier. Les joueurs du secteur ont trouvé qu'elle était acceptable dans la forêt boréale à cause du processus de régénération de cette forêt.

C'est un écosystème qui a besoin d'être perturbé par les incendies qui ravagent de vastes étendues déboisées selon les méthodes traditionnelles, et les arbres sont adaptés à la croissance dans de vastes trouées. La norme boréale ne fixe aucune limite rigide à la taille maximale ou moyenne de la coupe à blanc, parce qu'on avait l'impression que cette limite serait arbitraire. Est-elle de 10 000 ou de 5 hectares? Où se situe-t-elle? Les joueurs du secteur estimaient également qu'il était beaucoup plus important de s'attacher aux répercussions de la récolte à l'échelle du paysage.

Dans le Nord de l'Ontario, par exemple, la très vaste forêt Gordon Cosens couvre plus de deux millions d'hectares. Les joueurs locaux ont décidé que le meilleur aménagement de cette région ne serait pas d'y disperser les coupes de petite superficie, ce qui nuirait aux populations de caribous, dont on a prouvé la très grande sensibilité à toute perturbation. Ce genre de coupe amène l'animal à délaisser le territoire. C'est pourquoi on a décidé de concentrer la coupe dans une partie de la forêt et de laisser le reste intact.

Le FSC, compte tenu de ces répercussions à l'échelle du paysage et des joueurs locaux, les compagnies forestières, décide, avec le concours de scientifiques et d'universitaires ce qui convient le mieux à cette région précise.

Le sénateur Eaton : Merci. Est-ce que, tous les trois, vous avez l'impression qu'une partie de votre travail consiste à sensibiliser le public canadien à ce qu'on pourrait appeler la bonne science et la mauvaise science? Autrement dit, à défendre les pratiques canadiennes pour que les clients des magasins RONA ou Home Depot ne choisissent pas les armoires de cuisine faites en Chine, mais, plutôt, qu'ils « achèteront canadien »? Est-ce en partie ce que vous faites?

Mme Becker : Absolument.

M. Gauvin : J'adorerais le faire, parce que, dans des emplois antérieurs, j'ai travaillé avec l'association forestière du Québec. Son principal mandat était d'informer la population sur les forêts et tous les phénomènes forestiers. Cela ne fait plus partie de ma tâche.

Le sénateur Eaton : Avez-vous l'impression que les Canadiens sont désavantagés? Nous avons entendu des témoins du Québec qui fabriquent des armoires de cuisine. Nos forêts sont certifiées, comme vous deux vous me l'avez expliqué, mais, quand nous importons des armoires de Chine, exigeons-nous qu'elles soient en bois certifié?

M. Gauvin : Non, pas à ce que je sache.

Le sénateur Eaton : Ce n'est pas du commerce équitable.

M. Johnson : Vous avez raison. Voilà un élément sur lequel nous continuons de travailler. Nous voulons que, dans les commerces de détail, la préférence aille aux produits certifiés, que les personnes qui les spécifient — le détaillant, le constructeur, l'entrepreneur, l'architecte ou le concepteur, peu importe, la personne compétente — spécifient des produits forestiers canadiens et des produits forestiers certifiés. Nous consacrons beaucoup de notre temps à demander cela.

Le sénateur Eaton : Les gens exigent de nous certaines normes, mais le gouvernement canadien n'exige-t-il pas de nouveau encore les mêmes normes?

M. Johnson : C'est exact.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'aimerais tout d'abord indiquer que les présentations liminaires furent très intéressantes.

Est-il difficile pour une petite ou moyenne entreprise d'atteindre les niveaux de certification? Madame Becker, vous avez mentionné un groupe, en Nouvelle-Écosse, qui avait reçu 850 000 $, et que cette somme ne leur permettrait que d'entamer le processus.

[Traduction]

Mme Becker : Je suppose que vous parlez des coûts de certification des forêts, par opposition à la certification de la chaîne de traçabilité. Les coûts de certification dépendent de quelques facteurs : l'étendue de la forêt à certifier, les pratiques forestières en usage dans la forêt, le coût effectif de l'audit de certification. Cet audit, qui doit se faire sur place, comporte une évaluation initiale et, espérons-le, l'admission de la forêt à la certification. Il y a aussi un audit annuel de surveillance, qui se fait également sur place, en forêt.

Quatre forêts sont plus petites. En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, où les petits terrains boisés privés sont nombreux, le FSC a procédé par certification collective. Il peut l'accorder à une association telle qu'une coopérative, formée par les propriétaires de petites forêts et de petits terrains boisés — comme la Nova Scotia Landowners and Forest Fibre Producers Association. Cette certification s'étend aux nombreux membres de l'association, ce qui réduit le coût de l'opération par personne.

Cependant, cela exige toujours, pour le groupe, une évaluation de ses membres, des propriétaires des divers terrains boisés, de leurs pratiques forestières actuelles, s'ils font la récolte du bois, de leurs plans d'aménagement forestier, de l'écart entre leurs pratiques et les exigences du FSC, enfin, des niveaux de paysage. Le véritable objet de notre examen est le paysage forestier et la manière dont ces propriétaires y correspondent. C'est là également qu'interviennent les coûts.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Au Nouveau-Brunswick, il y a une association de propriétaires de boisés privés. Des témoins qui ont comparu mardi dernier, nous ont indiqué que la taille des boisés était en moyenne de 100 acres.

Votre organisme regroupe beaucoup de gens. Cette proposition devient plutôt coûteuse, n'est-ce pas?

[Traduction]

Mme Becker : Ce peut l'être en effet. Au Canada, actuellement, parmi les certifications collectives de forêts, il y en a une en Colombie-Britannique, pour les propriétaires de petits terrains boisés privés le long de la côte et dans l'intérieur de la province, puis dans les Maritimes et dans le Sud de l'Ontario, où on trouve également beaucoup de propriétaires de terrains boisés. C'est difficile non seulement pour les propriétaires de petits terrains boisés, mais, également, pour les PME fabriquant des produits du bois. Que la forêt soit grande ou petite, le coût de la certification, fixe, frappe plus durement la petite entreprise. La parade que nous favorisons donc est la certification collective. Par exemple, dans le domaine de l'imprimé, je suis sûre qu'une grande partie du courrier que vous recevez porte le label ou le logo du FSC. Les secteurs des pâtes et papiers et de l'imprimerie exercent une forte demande sur le FSC. Pour le petit atelier d'imprimerie, l'atelier familial du quartier, le coût peut être prohibitif. En Ontario, par exemple, l'Ontario Printing and Imaging Association profite d'un seul certificat collectif de la chaîne de traçabilité, qui permet la certification de tous ses membres à moindre coût. Ce genre de stratégie facilite la certification des PME ou des petites et moyennes forêts, mais il nous en faut davantage, car il n'y en a pas assez, actuellement.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je crains que les petits opérateurs soient laissés pour compte dans toute cette opération.

[Traduction]

Mme Becker : Voilà pourquoi nous devons nous assurer qu'ils ne le seront pas. Au Canada, nous possédons beaucoup de coopératives de titulaires de permis et d'autres joueurs, qui bénéficient d'un appui, mais nous devons sans conteste faire davantage pour elles afin de les aider à accéder aux marchés. Le programme si innovant qu'emploie M. Gauvin est important parce qu'il s'adresse aux compagnies qui, en raison de leur taille, peut-être, n'auraient pas les ressources en propre nécessaires.

M. Johnson : L'un des points forts du système du SFI est l'adaptabilité de la norme et de son application à diverses échelles. On peut l'appliquer avec force et rigueur à un petit terrain boisé comme à une zone d'aménagement forestier à grande échelle de l'Ouest du Canada. La norme SFI est utilisée aux États-Unis où l'immense majorité des forêts est constituée de petits terrains boisés qui sont de propriété familiale. La norme s'applique aux États-Unis tout comme au Canada. Il y a eu un fort mouvement d'adoption de la norme SFI dans le Canada atlantique, notamment par les associations de propriétaires de terrains boisés du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ainsi qu'au Québec. Un phénomène parallèle a été observé aux États-Unis, dans le réseau de propriétés forestières de production, également reconnu par le programme SFI.

Les normes sont extrapolables, et je ne pense pas qu'il y ait des craintes au sujet de leur applicabilité. L'accessibilité financière est, sans contredit, un problème différent, mais important. Les normes fonctionneront dans le contexte des divers moyens de financement disponible que l'on crée et que l'on continuera de créer également.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur Gauvin, aimeriez-vous ajouter à cette réponse?

M. Gauvin : Évidemment, cet aspect nous touche indirectement. La certification forestière, dont il est question, constitue le point de départ pour un propriétaire forestier. Comme il a été souligné, le programme dont je suis responsable concerne la chaîne de traçabilité. Une fois qu'on a obtenu la certification forestière, vient la chaine de traçabilité pour tous ceux qui oeuvrent dans les étapes qui suivent, depuis la transformation du bois jusqu'au marché. On n'intervient pas au niveau du propriétaire comme tel.

Le sénateur Robichaud : En quoi votre certification touche-t-elle les fibres recyclables?

[Traduction]

Mme Becker : La certification du FSC est une vérification non seulement des fibres forestières vierges, mais, également, des fibres recyclées. Pour la certification de la chaîne de traçabilité du FSC, on fait des audits sur place des usines de recyclage et des usines de pâtes recyclées qui, en fait, est de la pâte recyclée postconsommation. Il est possible d'avoir un produit 100 p. 100 recyclé, certifié par le FSC, et cela existe. Le FSC vérifie les teneurs alléguées en fibres recyclées.

Le FSC s'est lancé dans ce projet, en se rendant compte que la bande de Möbius, les trois flèches que nous reconnaissons tous comme le symbole du recyclage, appartient, de fait, au domaine public, de sorte que personne n'en est propriétaire. N'importe qui peut l'apposer sur un produit. La plupart des consommateurs supposent, sans vérifier, qu'il signifie que le produit est recyclé. C'est pourquoi le FSC a pensé qu'il était important de vérifier, outre l'origine des fibres forestières vierges, celle des fibres forestières recyclées. Par exemple, au Québec, Cascades produit un papier recyclé 100 p. 100 postconsommation qui est également certifié par le FSC.

M. Johnson : L'audit et la vérification du taux de fibres recyclées procèdent d'une démarche similaire. Le taux de recyclage du papier dans les produits forestiers va continuer de croître. Il y a assurément une demande croissante pour un taux de plus en plus élevé de fibres recyclées. Il existe également d'excellentes occasions d'utiliser davantage de fibres. Si les camions qui livrent de pleines charges de produits dans l'Est des États-Unis peuvent revenir avec une partie du papier résiduaire et alimenter nos usines de recyclage au Canada, cela ajoutera de la valeur à toute la chaîne d'approvisionnement en fibres. Nous assisterons également à une demande constante de produits renfermant des fibres recyclées, ce qui, encore une fois, est très semblable à ce que fait le FSC. C'est pourquoi nous faisons cette déclaration et prouvons la teneur en fibres recyclées au moyen d'un audit.

Le sénateur Meighen : Je serai très bref, de sorte que, peut-être, le sénateur Robichaud pourra s'approprier le temps que je n'aurai pas pris. Le sénateur Eaton a posé la question que je voulais poser au sujet de la coupe à blanc. De la même manière, peut-être, je pourrais vous questionner sur la coupe à proximité des cours d'eau, laquelle pourrait, si elle n'est pas illégale, être incorrecte. Cette coupe influe-t-elle, s'il y a lieu, sur le processus de certification? Supposons que la coupe en elle-même est conforme aux pratiques certifiables, mais qu'elle a lieu dans un endroit qui n'est ni approprié ni autorisé par la loi. Qu'arrive-t-il alors à la certification? Peut-on certifier du bois dont la coupe a été illégale?

Mme Becker : Pour le FSC, la réponse est non. Le FSC ne fait pas qu'examiner les arbres que l'on abat ni la façon dont on les abat. Il tient compte de tout le paysage d'où on tire les arbres. Dans toutes les normes régionales du FSC, on exige de respecter une distance de coupe à partir des cours d'eau.

Le sénateur Meighen : Est-ce que ce sont vos normes ou des normes provinciales?

Mme Becker : Ce sont les normes du FSC. Ces normes prescrivent également des méthodes de construction pour les routes — qui, bien sûr, influent aussi sur les cours d'eau — sur les tracés choisis et leur devenir, ultérieurement, si on est autorisé à s'approvisionner sur le marché provincial pour les fermer et pour quitter les régions. Les normes du FSC tiennent compte des répercussions de la récolte sur le sol et son érosion, sur les cours d'eau, sur l'habitat faunique et aussi, bien sûr, sur les collectivités locales et les peuples autochtones qui travaillent dans les forêts et à proximité. C'est vraiment la prise en compte globale de l'aménagement forestier et non seulement des méthodes de coupe et de débardage des arbres abattus.

M. Johnson : Vous ne pouvez pas obtenir votre certification si vous ne respectez pas les obligations juridiques ou les normes relatives à l'aménagement forestier qui précisent à quelle distance d'un plan d'eau vous devez vous trouver.

Le sénateur Meighen : Ce n'est pas toujours respecté, n'est-ce pas?

M. Johnson : Non, pas toujours. Mais cela doit être déterminé dans le cadre du processus de vérification. Il y a parfois des erreurs de bonne foi. J'ai déjà vérifié les activités d'exploitants forestiers dont les machines fonctionnent jour et nuit. Parfois, les opérateurs de ces machines sont convaincus que le ruban de démarcation est devant eux, mais ils sont environ 15 pieds à côté. Ils ne s'en rendent pas compte, car il fait très noir et tout ce qu'ils ont comme éclairage, ce sont les phares sur leurs machines. Ils sont conscients qu'ils ont commis une erreur et qu'ils ont dévié de la ligne de démarcation. Ça arrive, mais il faut aussi apporter des mesures correctives. Si vous faites de l'exploitation forestière illégale, vous ne pouvez pas obtenir votre certification.

[Français]

Le sénateur Meighen : J'aimerais avoir une précision de la part de M. Gauvin. Vous avez parlé de l'objectif qui est de cibler 350 industries d'ici 2013. Avec les industries faisant déjà partie du programme, quel pourcentage de la totalité cela représente-t-il au Québec?

M. Gauvin : En termes de chiffre d'affaire, cela aurait été intéressant de vous donner un tel chiffre, mais on n'a pas fait le calcul. Avant même mon arrivée au programme, une évaluation du nombre de nouvelles chaînes de traçabilité a été faite. On ne peut pas lancer un programme en espérant simplement qu'il fonctionne. Il faut établir des objectifs et rechercher un résultat réel et avec 350 entreprises, on peut parler d'un effet réel.

Je vais vous donner une estimation; c'est la mienne et elle vaut ce qu'elle vaut. Si je considère l'ensemble des entreprises qui possédaient déjà des chaînes de traçabilité dans l'industrie forestière au Québec, incluant même les industries de pâtes et papiers, j'additionne et je suis rendu en mars 2013. J'ai l'impression qu'on en sera à 75 p. 100 et plus de l'industrie des produits du bois qui met en marché des produits sur les marchés de l'exportation, et qui sera en mesure d'avoir une chaîne de traçabilité rattachée à ces produits. Ce sera donc significatif.

Oublions notre chiffre de 75 p. 100, mais disons plutôt que ce sera significatif. Je crois qu'on va se démarquer et c'était l'objectif poursuivi. Nous espérons nous démarquer sur les marchés grâce à cela.

Le sénateur Meighen : Quelles sont les raisons principales pour lesquelles une industrie quelconque décide de ne pas faire partie du programme?

M. Gauvin : Je vais vous répondre à l'inverse. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que plusieurs entreprises m'ont contacté dans la dernière année pour s'informer au sujet du programme. Ne le prenez pas au pied de la lettre, mais la première chose que je réalise, c'est qu'ils ne sont pas intéressés à la certification, cela ne leur dit rien. Ils ne veulent pas payer pour cela, mais les clients le demandent.

[Traduction]

Le sénateur Meighen : Le client a toujours raison.

[Français]

M. Gauvin : Quelle est votre réaction lorsque vous êtes en affaires et que votre client vous demande quelles normes il devrait adopter? Quand cela arrive, je ne parle pas, je l'enligne pour faire en sorte que le programme fasse progresser son entreprise. C'est ma façon de fonctionner et je crois qu'avec le temps, de moins en moins d'entreprises ne font pas partie du programme.

Il y en a qui me téléphonent et qui me disent qu'elles ne sont pas prêtes à payer les frais annuel. Il faut se souvenir que même si le coût annuel d'une chaîne de traçabilité est peut-être moins important que tout le processus de certification forestière dont on parlait tantôt, pour de petites entreprises cela représente tout de même 4 000 $ annuellement, alors que la situation dans le secteur forestier n'est pas redressée.

Les gens me demandent si je serai encore là en 2011. Je leur réponds que je l'espère. Ils me demandent si j'y serai encore en 2012? Je leur réponds : Oui, absolutement.

Ma prévision, c'est qu'éventuellement ils feront tous partie du programme.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : Madame Becker, au début de votre intervention, lorsque vous décriviez comment tout cela fonctionne, vous avez parlé des Autochtones, et je crois qu'il s'agit là d'une partie importante de votre travail. Deux d'entre vous ont parlé de l'organisation de M. Suzuki, et je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il n'y a personne de plus compétent et que son opinion compte.

Je suis originaire de l'Alberta. La province compte un grand nombre de forêts et d'Autochtones. Pouvez-vous me donner une idée du rôle des Autochtones dans ce contexte?

Je crois que ce que vous faites est très important pour les gens du milieu, mais aussi pour les citoyens ordinaires qui s'intéressent beaucoup à vos activités. Pouvez-vous me donner une idée du rôle des Autochtones dans tout cela? C'est un sujet qui nous intéresse beaucoup en Alberta. Pouvez-vous me donner plus détails?

Mme Becker : Je vais vous donner une réponse à plusieurs volets. D'abord, je vais vous expliquer le rôle des Autochtones dans l'adoption des normes du FSC. Comme je l'ai déjà dit, selon les directives du FSC, les normes sont établies par nos intervenants. Nous avons quatre groupes d'intervenants, soit les Autochtones ainsi que les groupes à intérêts économiques, environnementaux et sociaux, qui se réunissent pour établir de façon consensuelle nos normes. Ils doivent être d'accord sur ce qui constitue, dans leur région, une forêt gérée de manière responsable.

Comme vous pouvez l'imaginer, ce n'est pas toujours un processus facile ou rapide. Toutefois, la norme adoptée est rigoureuse et acceptée par tous les groupes d'intervenants, parce qu'il s'agit, selon eux, du choix optimal pour leurs collectivités et leurs forêts. C'est ainsi que les normes sont établies.

Chaque norme de la FSC relative à la gestion forestière s'appuie sur dix principes qui eux reposent sur certains critères. Un de ces principes porte tout particulièrement sur les droits des peuples autochtones. Avant qu'une forêt soit certifiée par le FSC, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde, les exploitants doivent non seulement consulter les peuples autochtones sur des points bien précis, mais ils doivent également faire participer ces derniers activement au processus. Les exploitants doivent se rendre dans les collectivités, discuter avec les citoyens, leur présenter le plan de gestion forestière et les aider à définir les régions qui renferment pour eux une valeur culturelle ou traditionnelle. Par exemple, est-ce qu'il y a un territoire de chasse ou un endroit où ils cueillent des baies?

Ensuite, l'exploitant et les citoyens doivent collaborer afin de trouver une façon de respecter ces exigences, comme ne pas exploiter ces régions. Ces négociations se font individuellement avec chaque entreprise, mais tiennent compte des accords et des partenariats conclus avec les collectivités. Par exemple, dans les forêts certifiées par le FSC qu'elle exploite au Québec, l'entreprise Tembec fait appel à un grand nombre de jeunes Autochtones. Elle dispose d'un programme de formation et les gens qu'elle forme travaillent ensuite dans les forêts ou dans ses usines de fabrication et ses unités de production.

Nous savons tous que les jeunes Autochtones sont de plus en plus nombreux, mais le gros problème, c'est de trouver une façon de les former et de les inciter à s'impliquer dans leur communauté. C'est ce que beaucoup d'entreprises essaient de faire. Il y a des exemples du genre un peu partout au pays.

Il y a aussi de nombreuses forêts certifiées par le FSC qui sont gérées par les peuples autochtones. Dans la région de la baie Clayoquot, sur l'île de Vancouver, l'Association canadienne des études environnementales, une association certifiée par le FSC, administre et exploite une section de la forêt selon les principes et les normes du FSC.

Les Autochtones participent non seulement à la gouvernance du FSC, mais aussi à l'élaboration de nos normes. Aussi, ils participent beaucoup aux prises de décision concernant l'exploitation forestière sur leurs terres ou sur les terres avoisinantes.

Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Fairbairn : Oui. J'imagine que la procédure est différente dans le Sud-Ouest de l'Alberta où nous sommes très près des montagnes et des peuples autochtones.

Mme Becker : Tembec exploite également des forêts certifiées par le FSC dans le Sud de l'Alberta et elle entretient de très bonnes relations avec les Premières nations.

Le sénateur Fairbairn : Je suis heureuse de l'apprendre.

Mme Becker : Ma famille aussi est originaire de l'Alberta. Vous serez probablement fière d'apprendre que la plus grande forêt certifiée par le FSC au monde se trouve en Alberta. Il s'agit d'une forêt de 5,5 millions d'hectares exploitée par l'Alberta-Pacific Forest Industries, et l'entreprise travaille en étroite collaboration avec les communautés autochtones de la région.

Le sénateur Fairbairn : C'est dans le Sud-Ouest de la province?

Mme Becker : Non, dans le Centre-Nord.

Le sénateur Fairbairn : C'est très près d'où j'habite.

Mme Becker : On peut organiser une visite de l'entreprise et de la forêt si cela vous intéresse.

Le sénateur Fairbairn : Oui, ça m'intéresse.

M. Johnson : Tous les programmes de certification doivent d'abord faire l'objet de consultations avec les Premières nations et satisfaire aux exigences de ces dernières.

Il y a trois façons de procéder en ce qui concerne les Premières nations. Chaque province responsable de la gestion forestière établit le cadre légal régissant la consultation des Premières nations. Habituellement, cette consultation se fait à l'étape de la planification de la gestion forestière. L'exploitant consulte individuellement les Premières nations, normalement dans la langue de leur choix, afin de discuter de leurs intérêts, de leurs attentes et de leur participation.

Il s'agit d'un cadre légal établi par les gouvernements provinciaux.

Le sénateur Fairbairn : La Tribu des Blood-Kanai a-t-elle déjà participé à un tel processus? Elle est située dans les contreforts de Rocheuses.

M. Johnson : Il faudrait que je vérifie. J'imagine qu'elle en aurait l'occasion et qu'elle y serait invitée. Donc, en plus du cadre légal, il y a également les programmes de certification qui ont leurs propres exigences en matière de consultation et de participation des Premières nations. Ensuite, il y a les entreprises qui vont au-delà des obligations juridiques inscrites dans les programmes de certification soit en retenant les services d'un coordonnateur pour la consultation avec des Premières nations, soit en embauchant des Autochtones ou en offrant des programmes de formation. C'est un processus dynamique.

Le sénateur Fairbairn : Merci pour ces précisions.

Le sénateur Mahovlich : L'Anneau olympique de Vancouver a été construit avec du bois endommagé par le dendroctone du pin ponderosa provenant du Nord de l'Alberta, si je ne m'abuse, et de la Colombie-Britannique. Avez- vous certifié ce bois?

Mme Becker : Je ne crois pas, mais du bois endommagé par le dendroctone du pin ponderosa peut être certifié s'il est extrait d'une forêt certifiée par le FSC. En Colombie-Britannique et en Alberta, d'où provient la majorité de ce bois, il y a des exigences quant à la quantité de bois qui peut être coupé des forêts certifiées par le FSC et exploitées selon les normes de l'organisme. Dans les forêts où de nombreux arbres meurent à cause du dendroctone du pin ponderosa, les exploitants voudraient extraire un plus grand volume de bois. Cependant, le FSC interdit à ces exploitants de couper un volume de bois supérieur à ce qui a été jugé approprié sur le plan écologique et scientifique dans le cadre du plan de gestion forestière. Les arbres d'une forêt certifiée par le FSC détruits par cet insecte peuvent être extraits et certifiés, mais selon les normes du FSC. L'exploitant ne peut pas augmenter son volume simplement parce qu'il s'agit d'arbres endommagés par le dendroctone du pin ponderosa.

Le sénateur Mahovlich : Ce bois peut-il être utilisé pour autre chose?

Mme Becker : Certainement. S'il est coupé à temps, le bois peut servir à la fabrication de meubles. J'ai vu du revêtement de sol en bois dur fait à partir de ce bois et c'est très joli. Il peut être utilisé pour la construction. Le bois est solide s'il est coupé avant que l'arbre meure, mais il a une teinte bleue violacée.

M. Johnson : Si je comprends bien, on a un an pour abattre l'arbre, sinon la quantité de bois utilisable est assez limitée.

Le sénateur Mahovlich : De nombreuses entreprises ont fermé leurs usines et leurs scieries au pays, notamment dans le Nord de l'Ontario. Lorsque cela se produit, est-ce que ce sont les provinces qui assurent la gestion des forêts de ces entreprises?

Mme Becker : Vous voulez dire lorsque les scieries cessent leurs activités?

Le sénateur Mahovlich : C'est cela.

M. Johnson : Les ressources forestières ont toujours appartenu aux provinces. Une scierie obtient un permis d'exploitation pour un certain volume de bois, selon les lignes directrices émises par la province, à condition d'avoir rempli tous les critères du gouvernement. La scierie est locataire, et elle loue le bois. Si elle cesse ses activités, le gouvernement demeure propriétaire de la forêt et en assure le contrôle jusqu'à ce qu'elle reprenne ses activités ou qu'une scierie ailleurs soit en mesure d'ouvrir une nouvelle installation ou d'élargir ses activités pour exploiter la forêt en question. Lorsqu'une scierie ferme ses portes, les arbres sont toujours là, prêts à être utilisés et commercialisés, mais ils sont en quelque sorte dans les limbes jusqu'à ce qu'une autre entreprise se présente. Entre-temps, c'est le propriétaire de la forêt, soit le gouvernement provincial, qui s'en occupe.

Le président : Nous savons que la culture de consommation a changé, et je crois que les consommateurs âgés de 40 ans et moins se préoccupent de l'impact des produits sur l'environnement. Ai-je raison?

Mme Becker : Je crois que c'est une tendance croissante. Ce ne sont pas tous les jeunes, mais leur nombre grandit rapidement. Plus les gouvernements prendront des mesures nécessaires pour lutter contre les changements climatiques, plus les citoyens se préoccuperont de cet impact. Les jeunes sont de plus en plus informés sur les changements climatiques. Ils découvrent l'impact qu'a eu l'âge industriel sur la Terre. Contrairement aux jeunes de mon époque, ceux d'aujourd'hui sont beaucoup plus conscients de cet impact et en savent beaucoup plus sur le sujet. Cette tendance se poursuivra lorsque les étudiants d'aujourd'hui joindront la population active et lorsqu'ils auront les moyens de se procurer des produits de consommation.

M. Johnson : Je dirais qu'ils sont très conscients de leur propre impact sur l'environnement, et c'est de plus en plus évident. Si j'oublie de mettre quelque chose dans le bac à recyclage, mes enfants me le font savoir sans ménagement. Par contre, notre société et nos jeunes jettent plus de choses. Par exemple, ils se débarrassent rapidement de leurs produits au lieu de les faire réparer. Lorsque le magnétoscope à cassettes ou le lecteur DVD brise, on le remplace. On doit pouvoir démontrer l'impact environnemental du cycle de vie d'un produit, de sa fabrication à son élimination, et ce, selon moi, pour tous les produits de consommation. Les jeunes de demain devront se préoccuper de ce cycle de vie.

[Français]

M. Gauvin : Vous avez raison de penser que les nouvelles générations auront des préoccupations environnementales plus grandes qu'à une certaine époque où on avait l'impression que la planète nous fournirait des ressources pour l'éternité. Toutefois, un danger particulier existe dans le secteur forestier. Que l'on parle de certification forestière ou de recyclage, pour un grand nombre de jeunes, le fait de couper un arbre est une chose négative. Les jeunes ne font pas la nuance entre une forêt coupée, mais non certifiée et du bois certifié, ou encore l'aménagement forestier durable et l'aménagement tout court. Je suis allé dans des écoles primaires, j'ai parlé avec des professeurs et d'autres gens, et telle est la perception. Dans certaines publicités, produites par des entreprises forestières que je ne nommerai pas, on fait même passer le message qu'il faut sauver nos arbres. On dit que les arbres ont besoin d'être sauvés. Or, ce message est mobilisateur pour les jeunes. Les jeunes ont exprimé une certaine réserve, et je peux comprendre. Les jeunes font même du recyclage.

Dans un pays comme le Canada, l'éducation devrait se préoccuper de la question forestière et de l'aménagement des forêts. Vous en avez parlé plus tôt et vous avez tout à fait raison. Il est devenu presque inacceptable de couper des arbres. Nous devrions nous préoccuper de cette perception.

[Traduction]

Le président : En ce qui concerne le mandat de notre comité, soit une plus grande utilisation du bois, d'autres témoins ont émis leur opinion sur la construction non domiciliaire. Un des membres du comité a demandé plus tôt si les deux organisations devraient fusionner.

Vous connaissez, je n'en doute pas, la norme LEED, pour Leadership in Energy and Environmental Design. Avez- vous des commentaires à faire?

Personnellement, je suis en faveur de la certification. Nous voyons des produits certifiés chez Rona, Home Depot, et Lowe's bientôt, puisque cette chaîne fait son entrée au Canada. Elle a de solides assises aux États-Unis. Je me suis arrêté chez Lowe's samedi dernier, pour voir leurs produits du bois. Une bonne partie de leur stock vient du Canada. Quand j'ai interrogé le gérant sur la traçabilité de son bois, et aussi sa certification, puisque je veux acheter du bois certifié, j'ai constaté qu'il avait des trousses d'information, qui sont précises et fiables.

Pour revenir à la norme LEED, nous envisageons un mandat qui aiderait l'industrie à augmenter la consommation de bois. Qu'en dites-vous? Avec vos organisations, la norme LEED pourrait-elle être un catalyseur de l'emploi accru de bois dans le monde entier et sur les marchés mondiaux?

Mme Becker : Le système d'évaluation des bâtiments durables LEED est une initiative fantastique de sensibilisation au bâtiment écologique et aux éléments, technologies et matériaux qui font qu'un immeuble consomme moins d'énergie et d'eau, qu'il s'y trouve moins de COV, ou composés organiques volatiles, que la qualité de l'air y est meilleure et qu'il est plus durable. Les initiatives qui favorisent le bâtiment durable, comme LEED, ou BREEAM au Royaume-Uni, contribuent énormément à la sensibilisation aux technologies et matériaux de pointes, ainsi qu'au développement de marchés. Elles créent des marchés pour des produits pour lesquels il n'existait peut-être pas de marché solide auparavant.

Le système d'évaluation des bâtiments écologiques LEED attribue un de ses crédits ou points à l'usage de bois certifié FSC dans le bâtiment. Ce n'est toutefois qu'un point sur un total possible de 70 points. Les critères de pondération du système d'évaluation n'attribuent pas une plus grande valeur à l'emploi du bois dans le bâtiment. J'aimerais bien que tous les systèmes d'évaluation accordent plus de valeur aux produits du bois, et aussi qu'ils étendent l'accès aux compagnies forestières du Canada en reconnaissant les produits du bois certifiés FSC, parce que le Canada est un chef de file mondial dans ce domaine de la certification. Tous ces systèmes de bâtiments écologiques, la reconnaissance accrue du bois, et du bois certifié, stimulent aussi notre industrie.

Le président : Je tiens aussi à souligner que vous êtes une professionnelle accréditée LEED.

Mme Becker : Oui, c'est exact.

M. Johnson : À propos de bâtiment écologique, je pense, moi aussi, que l'orientation donnée aux programmes de certification, que ce soit LEED, BREEAM ou autres, et le soutien accordé aux produits du bois certifié sont très favorables à l'industrie forestière canadienne. Par contre depuis plusieurs années, les responsables du programme LEED reçoivent des demandes et des propositions et subissent des pressions en faveur de l'élargissement de la portée de leur régime d'accréditation du bois. Actuellement, ils n'acceptent que les produits FSC et n'ont pu fournir aucun argument valable et solide pour justifier leur entêtement à n'accepter que les produits FSC. Ils ont subi des pressions de la part de l'industrie, de politiciens, de gouverneurs américains, de bien d'autres encore, et la liste est très longue, mais le programme LEED, le U.S. Green Building Council, ne changera rien à ce crédit LEED ni à l'acceptation du FSC. Nous restons convaincus que le programme LEED devrait s'ouvrir à d'autres que le FSC et s'intéresser à d'autres programmes de certification.

[Français]

M. Gauvin : On pense que construction écologique égale bois, malheureusement, ce n'est pas le cas. On a parlé de la norme LEED, qui est la plus connue. En 2010, le FII en Colombie-Britannique, qui est le « forest investment innovation » a fait une étude sur les 18 plus importantes normes de certification environnementale des bâtiments dans le monde. L'étude a confirmé que le bois est soit très peu considéré ou pas considéré du tout. Green building dans l'esprit des gens, c'est l'économie d'énergie. Il y a trop peu d'accent mis sur le choix des matériaux. Le bois pourrait jouer un rôle majeur. L'industrie a du travail à faire là-dessus.

Le sénateur Robichaud : Lorsque vous considérez la certification, est-ce que vous tenez compte de la biomasse qui n'est pas utilisée dans certains processus de fabrication? Est-ce que cela entre en jeu?

[Traduction]

Mme Becker : Actuellement, pour des motifs d'ordre écologique, certaines des normes de gestion forestière du FSC portent sur ce que l'on laisse sur le sol des forêts, comme les débris ligneux qui servent à régénérer la forêt et à en améliorer la santé. De la biomasse est extraite de forêts certifiées FSC, et elle constitue un mécanisme à cette fin. Les normes n'imposent rien de précis en ce qui concerne la biomasse, mais le FSC s'intéresse à la question. Toutes nos normes régionales de gestion des forêts doivent être révisées tous les cinq ans en fonction des nouveaux sujets, initiatives et préoccupations, et quand nous entamerons la révision de nos normes, l'année prochaine, nous comptons nous pencher notamment sur la question de la biomasse.

Le sénateur Robichaud : Vous dites que ce sera fait, donc ça ne l'est pas encore?

Mme Becker : En ce moment, la biomasse, c'est de la fibre qui provient d'une forêt. Elle peut être certifiée FSC comme un produit employé dans les usines pour produire de l'énergie, mais il n'y a rien, dans la norme de gestion des forêts du FSC qui dise précisément ce qui doit être fait quand la forêt est exploitée spécifiquement pour la biomasse. La norme FSC s'appliquerait quand même, mais au moment de réviser nos normes de gestion des forêts, il est probable que nous chargerons un comité technique de déterminer s'il faut modifier le moindrement les normes de gestion des forêts pour mieux tenir compte de cet aspect.

M. Johnston : Les restants non commerciaux des produits forestiers récoltés, des bouts de bois, sont laissés dans les forêts pour qu'elles puissent préserver leurs nutriments. Cela en fait partie. Tandis que nous pénétrons de nouveaux marchés et qu'apparaissent de nouveaux débouchés pour les produits forestiers, bien des produits sont mis en granules et utilisés pour la production d'énergie, de biodiésel et de bioénergie. La SFI s'intéresse actuellement à ce genre d'activités, à la production de granules certifiées, ou à l'emploi de matières premières certifiées dans les activités du genre de celles que mènent les raffineries de biodiésel. C'est à l'étude, c'est d'actualité, et ce sera très important à l'avenir.

Le sénateur Robichaud : Le pourcentage de résidus qui doivent être laissés sur le sol pour assurer la pérennité des forêts entrera-t-il en jeu?

Mme Becker : La FSC en tiendra compte, absolument.

M. Johnston : La capacité de préserver les nutriments doit être respectée.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Est-ce que vous avez un commentaire, monsieur Gauvin?

M. Gauvin : Pas sur ce sujet.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que les industries canadiennes peuvent être désavantagées? Est-ce qu'on contrôle tous les produits qui entrent au Canada, à savoir s'ils ont une certification? Puis s'ils n'en ont pas, qui les arrête et où, alors que nous demandons à nos producteurs d'aller vers la certification. Est-ce qu'il y a un problème là?

M. Gauvin : En fait, quand vous dites nous, ce sont les clients qui demandent la certification forestière. Ce sont les clients qui subissent des pressions sur les marchés par leurs propres clients à eux, les consommateurs ultimes de leurs produits. Ce sont eux qui font cette pression. Ce ne sont pas les gouvernements qui interviennent là-dessus.

Si le gouvernement du Canada fait certains contrôles, cela va être davantage sur des aspects comme les normes phytosanitaires, et ainsi de suite, qui sont mises en place pour des produits qui entrent au Canada, mais pas sur le point de vue de certification forestière. On l'a dit en introduction tout à l'heure, jusqu'à preuve du contraire, la certification forestière, les certifications de chaîne de traçabilité, c'est du domaine privé. Ce sont des initiatives d'entreprise en lien avec ce qui se passe sur les marchés.

Le sénateur Robichaud : Merci.

[Traduction]

M. Johnston : C'est un marché volontaire. Il n'y a pas d'obligation réglementaire.

Mme Becker : Je le confirme, et j'ajoute que c'est un avantage pour les compagnies canadiennes. La sévérité des règlements provinciaux en matière de gestion des forêts a facilité pour l'industrie forestière canadienne l'obtention de la certification FSC, alors que dans certaines régions tropicales dont les normes forestières sont moins rigoureuses, les compagnies qui veulent obtenir la certification FSC ont beaucoup plus à faire pour combler l'écart. L'industrie canadienne a déjà une longueur d'avance et cela a été un avantage pour elle, et c'est l'un des facteurs qui fait de nous un chef de file mondial.

Le sénateur Eaton : Pour revenir à ce que disait le sénateur Robichaud, ne voyez-vous pas une grande lacune dans la sensibilisation?

[Français]

Monsieur Gauvin, vous parliez des enfants qui ne veulent pas couper des arbres.

[Traduction]

Nous avons adopté les sacs en plastique. Vous avez tous connu le temps où au supermarché, nos achats étaient emballés dans des sacs de papier, mais alors on a commencé à s'interroger sur l'emploi du papier. Nous coupons des arbres, quelle horreur! Il faut les remplacer par des sacs en plastique.

Ne trouvez-vous pas qu'avec la certification, l'une des meilleures choses que l'on puisse faire — et je me souviens avoir posé la même question aux représentants de Greenpeace quand ils sont venus — c'est de sensibiliser les consommateurs canadiens au fait qu'il est bon d'acheter les produits du bois canadiens? Vous avez vos trois différentes marques de produits du bois. Ne pensez-vous pas que nous devrions tenter d'aller dans les écoles, de sensibiliser les jeunes au fait que le bois est une bonne chose, qu'il faut chercher le sceau que vous nous avez montré sur la boîte?

Je reviens à la question que vous a posée le sénateur Plett, monsieur Johnson. Je ne savais pas. Je suis une grande défenseur des produits du bois, et je ne savais pas ce que signifiait cet insigne sur l'emballage. Oui, nous sommes habitués à celui du papier recyclé, nous le connaissons, mais après avoir entendu des représentants de toutes les facettes de l'industrie forestière, depuis neuf mois, je décèle un manque de sensibilisation des Canadiens. Trop longtemps, c'était trop facile, il suffisait de couper, vendre, couper, vendre, construire, mais je pense qu'il nous faut devenir aussi intelligents que le sont devenues les industries du béton et de l'acier au fil des années, en matière de vente. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais, personnellement, je trouve que vous ne devriez pas penser qu'à certifier les forêts, mais aussi à sensibiliser les consommateurs de l'avenir.

M. Johnson : Il faut éduquer les consommateurs de l'avenir, mais aussi les gestionnaires des ressources de l'avenir, parce qu'il faudra transmettre de vastes connaissances aux consommateurs pour qu'ils puissent faire ces choix. La coupe d'une forêt qui est régénérée ne pose pas de problème. Nous le faisons depuis des centaines d'années. L'industrie forestière a construit nos hôpitaux, nos autoroutes et l'infrastructure du pays, et nous lui tournons le dos. Nous sommes presque honteux de notre passé forestier.

Quand on dit à des gens du Sud de l'Ontario qu'on est forestier, ils sont choqués. Qu'adviendra-t-il des gestionnaires forestiers de l'avenir, quel que soit l'avenir du secteur forestier? Les inscriptions en foresterie dans nos collèges et universités sont en chute libre, parce que les gens sont tout simplement terrifiés d'entrer dans ce genre de secteur, de profession.

Le sénateur Eaton : Pensez-vous que votre certification aurait plus de valeur si plus de gens en connaissaient la signification? Voyez les sables bitumineux, actuellement. Ils sont l'objet de messages publicitaires de 30 secondes. Pourquoi n'en faites-vous pas autant, pour montrer une forêt bien entretenue et la façon de faire d'autres pays, et dire qu'il faut acheter nos produits et chercher notre sceau?

M. Johnson : Nous essayons. Vous connaissez sûrement le réseau piétonnier qui passe sous les gratte-ciels de Toronto. Nous y avons des affiches qui illustrent la foresterie durable et montrent nos logos aux dizaines de milliers de passants. Ce type de publicité se fait, il y en a, mais les perceptions que nous voulons changer et faire basculer sont malheureusement très répandues à cause de l'influence qu'exercent certains mouvements puissants au moyen de campagnes chocs. C'est une énorme montagne à soulever, parce que des forces externes ont infligé de graves dommages à l'industrie forestière du Canada.

Mme Becker : Je suis tout à fait d'accord avec vous et j'ajoute que l'une des grandes tâches que nous devrons absolument accomplir, c'est celle de sensibiliser la population à l'importance de nos forêts et à tout ce que représente l'industrie forestière du Canada pour tout le pays. L'un des problèmes qui se posent, pour nous, en tant qu'organisation nationale du SFC, dans le pays qui a le plus vaste régime de certification FSC du monde, c'est que nous avons un budget annuel de moins de 400 000 $ par année. C'est un organisme sans but lucratif. Nous n'avons pas les ressources qui nous permettraient de nous lancer dans pareille initiative.

J'aborderais la question sous un autre angle. À mon avis, il nous faut tourner le regard vers notre système d'éducation, les matières enseignées dans les écoles primaires et secondaires, et demander ce qui a poussé l'Ontario, par exemple, à supprimer le volet environnemental dans les années 1990. Alors que grandissaient les préoccupations pour l'environnement et que leurs effets prenaient de l'ampleur, nous avons porté ailleurs notre attention. Nous devons nous pencher sur le matériel pédagogique, sur les programmes, et nous demander où le sujet des forêts peut être intégré dans l'histoire du Canada et des guerres? Pourquoi ne pas parler aussi de nos industries? Les organismes de certification doivent s'y mettre, sans aucun doute, mais ces questions doivent être intégrées dans les matières qui enseignent aux Canadiens ce qu'est le Canada.

Le sénateur Plett : Je veux d'abord me faire l'écho des propos du sénateur Eaton. Pour moi, l'éducation doit viser le consommateur — il faut éduquer le consommateur. C'est ce qu'ont fait les industries du béton et de l'acier, parce que ce sont les consommateurs qui mènent la barque.

Le sénateur Fairbairn a parlé de David Suzuki. On peut penser ce qu'on veut de David Suzuki, mais il a fait ou est capable de faire au moins une chose : bien des gens qui rouspètent écoutent David Suzuki. Il devrait aller dire à la population qu'on peut couper des arbres.

Je vois que vous avez l'appui, notamment, du WWF. Qu'est-ce que c'est?

Mme Becker : Le Fonds mondial pour la nature du Canada.

Le sénateur Plett : Nous avons parlé de coupe près des cours d'eau. Vous avez dit que, pour obtenir la certification, il faut respecter des règlements visant, notamment, la construction de routes dans les forêts. Les routes relèvent de la compétence des provinces. Avez-vous des conflits avec les provinces? Leur arrive-t-il de construire des routes de telle manière qu'il vous est impossible de certifier les forêts; est-ce que cela peut arriver?

Mme Becker : Il est arrivé au Québec, je crois, qu'une compagnie construise une route pour aller récolter à l'intérieur des terres. Selon les règles de la province, dès qu'une route est construite, il faut l'entretenir et la garder ouverte. Par contre, dans le but de faciliter la régénération du secteur et pour des motifs d'ordre écologique, la FSC exige que toute route construite pour la récolte soit fermée et que le secteur soit laissé en paix, afin qu'il puisse se régénérer. Alors oui, il y a eu ce genre de conflits.

Le sénateur Plett : Si la province ne ferme pas la route ou n'exige pas qu'elle soit fermée, vous ne pouvez pas certifier la forêt?

Mme Becker : Quand survient un conflit entre les normes du FSC et les règlements du gouvernement, ou un obstacle sur lequel la compagnie candidate à la certification n'a aucun contrôle, nous procédons au cas par cas. Dans la situation dont je parle, il a été décidé que c'était hors du contrôle de la compagnie. Elle ne pouvait pas fermer ses routes parce que le propriétaire de ces forêts l'en empêchait légalement et a pu, en fin de compte, obtenir la certification.

L'un des grands principes du FSC est aussi qu'il faut respecter les lois du pays ou de la province où l'on travaille.

Le sénateur Plett : Est-ce qu'il en serait de même de la SFI?

M. Johnson : Ce serait semblable. Il y a quinze ans, quand les normes sont entrées en vigueur, il y avait quelques différences aux chapitres des traversées de cours d'eau, de la construction de routes et des aspects visuels, mais avec le temps, ces différences se sont estompées de telle sorte que les exigences provinciales et fédérales sont maintenant plus homogènes, de même que les exigences des normes. Nous ne voyons plus aussi souvent cet écart ou ce décalage.

Le sénateur Plett : Pour terminer, Mme Becker a parlé des problèmes que lui pose le financement. Le FSC est un organisme sans but lucratif. Je tiens à réitérer l'un des commentaires que j'ai faits plus tôt. En unissant nos forces pour devenir un groupe unique de certification, nous pourrions avoir des fonds suffisants pour assurer l'éducation nécessaire.

Nous vous remercions pour vos exposés.

Le président : Pour terminer, chers témoins, merci beaucoup de nous avoir fait bénéficier de votre savoir et ce, avec professionnalisme. Le comité vous en est très reconnaissant. Là-dessus, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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