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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 11 - Témoignages du 23 novembre 2010


OTTAWA, le mardi 23 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 10 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte.

[Français]

Je vous souhaite tous la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue à nos témoins et aux honorables sénateurs. Je commencerai par me présenter. Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. J'aimerais maintenant demander à mes collègues, en commençant à ma gauche, de se présenter.

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, Ontario.

Le sénateur Marshall : Beth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Carignan : Claude Carignan, Québec.

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, Ontario.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Québec.

Le président : Merci. Le comité poursuit son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada. Aujourd'hui, nous examinons la question des travailleurs de l'industrie forestière.

[Français]

L'objet de la réunion d'aujourd'hui est d'examiner les questions relatives aux travailleurs du secteur forestier.

[Traduction]

Aujourd'hui, honorables collègues, nous accueillons trois témoins de trois organisations différentes. Du Conseil sectoriel des produits forestiers, nous entendrons M. Keith Lancastle, directeur exécutif. Merci, monsieur Lancastle, d'avoir accepté notre invitation.

Du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, nous accueillons M. Dave Coles, président.

De la Northern Development Initiative Trust, nous entendrons Mme Janine North. Madame North, merci de l'accueil que vous avez réservé au comité lorsque nous avons visité Williams Lake, en Colombie-Britannique.

Nous vous remercions tous d'avoir accepté notre invitation. Avant de vous prier de nous présenter vos déclarations, j'aimerais demander le consensus des honorables sénateurs. Nos témoins, aujourd'hui, ont remis au greffier des copies de leurs exposés dans une seule langue officielle.

[Français]

Permettez-vous que la présentation soit distribuée après que la traduction sera complétée et vous sera envoyée?

Le sénateur Robichaud : Avant que la traduction soit envoyée.

Le président : Oui, merci sénateur Robichaud.

[Traduction]

Est-ce que nous acceptons que les exposés soient distribués maintenant et que la traduction soit transmise par la suite aux honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. J'invite maintenant les témoins à nous présenter leurs déclarations, puis les membres du comité leur poseront des questions.

Keith Lancastle, directeur exécutif, Conseil sectoriel des produits forestiers : Merci de m'avoir invité aujourd'hui à discuter des besoins en main-d'œuvre du secteur des produits forestiers, à l'heure actuelle et pour la prochaine décennie.

Nous avons préparé une présentation PowerPoint qui intègre certains graphiques que nous aimerions utiliser pour exposer certaines des constatations clés de l'étude que nous menons actuellement.

Pendant la période que vous m'accordez cet après-midi, j'aimerais traiter d'un certain nombre de points. J'aimerais d'abord présenter brièvement notre organisation, le Conseil sectoriel des produits forestiers, et décrire un peu le contexte et l'avenir prometteur du secteur des produits forestiers dans l'ensemble du pays. Je consacrerai l'essentiel de mon propos à nos prévisions et points de vue relativement aux futurs besoins en main-d'œuvre ainsi qu'à divers scénarios que nous envisageons pour la prochaine décennie, puis je terminerai par quelques réflexions.

Le Conseil sectoriel des produits forestiers a été créé en juin 2008. C'est un organisme indépendant et sans but lucratif. Nous recevons un soutien financier, par projet, du Programme des conseils sectoriels du gouvernement du Canada, par l'entremise de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, RHDCC. Notre conseil est dirigé par un conseil d'administration de 15 personnes qui regroupe sept représentants de grandes sociétés de produits forestiers du pays; cinq représentants des principaux syndicats du pays, et notamment le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier; et de trois directeurs à titre général. C'est un conseil de 15 membres avec lequel nous travaillons dans l'intérêt de l'ensemble du secteur des produits forestiers.

Notre travail porte sur toute la chaîne de valeur dans le secteur des produits forestiers primaires, de la sylviculture à la gestion des forêts et du bois de construction de dimensions courantes aux panneaux et aux papiers fins. C'est un secteur habituellement très actif dans tout le pays, avec des concentrations en Ontario, au Québec, en Colombie- Britannique, en Alberta et au Nouveau-Brunswick.

L'industrie a bien sûr traversé des périodes très difficiles, et je sais que les membres du comité sont bien conscients de certains des défis que le secteur a dû relever au cours des cinq dernières années, mais l'on s'entend de plus en plus pour dire que nous avons probablement touché le fond et qu'un rétablissement s'amorce. Nous constatons que la demande de nombreux produits traditionnels du secteur commence à augmenter, en particulier celle du bois de construction à l'heure actuelle. Nous constatons une croissance dans de nouveaux marchés, non seulement pour nos produits traditionnels, mais aussi pour certains des produits et processus nouveaux et émergents de notre secteur, et nous assistons à un raffermissement des efforts de promotion du bois canadien dans un large éventail d'applications au pays.

Notre organisation est certainement d'avis que les nouveaux produits et processus, par exemple la biomasse, la bioénergie et les bois d'ingénierie, combinés aux opérations traditionnelles et aux produits traditionnels, offrent de belles perspectives de croissance et de prospérité pour le secteur.

Nous prévoyons que les besoins en main-d'œuvre évolueront au cours de la prochaine décennie. Nous savons que lorsque la demande de produits reprendra, il nous faudra recruter un nombre considérable de nouveaux travailleurs. Dans nos exposés à l'industrie, nous disons que le ralentissement n'a aucunement freiné la tendance au vieillissement. Dans notre secteur, où la main-d'œuvre est plus âgée, l'attrition et les départs à la retraite nous présenteront d'importants défis.

Les processus et les produits continueront d'évoluer, et les compétences et les connaissances des travailleurs devront suivre cette évolution. Il nous faudra certainement mettre à jour les compétences et les connaissances, en insistant sur la littératie et les compétences en informatique, au cours de la prochaine décennie.

L'un des documents fondamentaux de notre organisation est une étude sectorielle. Je vous communique aujourd'hui les conclusions de cette étude. Essentiellement, cette étude établit une projection des futurs besoins en main-d'œuvre pour l'ensemble du secteur, y compris le nombre de travailleurs par région et par sous-secteur dans le secteur des produits forestiers, donne un aperçu des connaissances, des compétences et des besoins en formation des travailleurs et certaines idées sur les métiers qui seront essentiels à la prospérité future du secteur.

Cette étude examinera les effets de l'évolution technologique et la nécessité d'une évolution en termes de métiers, en fonction de la restructuration de l'industrie, du changement technologique et des scénarios économiques. Plus important encore, nous formulerons un ensemble de recommandations et nous déterminerons la voie à suivre pour que le secteur puisse satisfaire ses futurs besoins en main-d'œuvre.

Je veux partager avec vous certaines des conclusions clés que notre étude a produites jusqu'à maintenant. Elles sous- tendent quelques défis et occasions qui se présenteront à nous d'ici une dizaine d'années. Notre main-d'œuvre actuelle est essentiellement masculine : 85 p. 100 des travailleurs du secteur sont des hommes. Nous avons certains problèmes de formation et d'éducation : 17 p. 100 de nos travailleurs n'ont pas terminé leurs études secondaires, contre 12 p. 100 pour l'ensemble des industries. Cela contredit le fait que 39 p. 100 de nos travailleurs ont fait des études postsecondaires, y compris les formations d'apprenti et l'accréditation professionnelle, contre 35 p. 100 pour l'ensemble des industries. C'est un peu un paradoxe. Cela est lié à la question de l'âge de notre main-d'œuvre. Nos travailleurs sont plus âgés que la moyenne, et nous estimons que jusqu'au tiers partiront d'ici 2020, contre 20 p. 100 pour l'ensemble de la main-d'œuvre. Là encore, l'importance des compétences augmente avec l'adoption de technologie et de nouveaux processus.

Le graphique montre la composition du secteur. L'effectif des produits forestiers est en bleu. Ici, il y a des disparités notables, en particulier, dans le groupe des 45 à 54 ans et celui des 15 à 24 ans, où nous avons respectivement une concentration très supérieure et une concentration très inférieure. Cela montre clairement les problèmes que nous cause le vieillissement de la main-d'œuvre.

Je suis heureux de pouvoir partager aujourd'hui avec les honorables sénateurs certains résultats de notre exercice de création de scénarios. Nous avons demandé à quelques économistes du marché du travail d'examiner la demande de main-d'œuvre en fonction de l'impact de divers facteurs. Nous avons étudié l'incidence de divers niveaux de mises en chantier aux États-Unis et au Canada et nous avons examiné les tendances du PIB dans les deux pays. Nous avons étudié les taux de change. Notre secteur est tributaire des exportations, ce qui a évidemment une forte incidence sur notre capacité de progression. Nous avons étudié l'expansion des marchés non seulement pour nos produits traditionnels, mais aussi pour les produits nouveaux et émergents, et les questions relatives aux progrès technologiques. Nous avons élaboré un ensemble de quatre scénarios qui donnent une évolution très différente en ce qui concerne la future demande de main-d'œuvre.

Si nous prenons le total des emplois, toujours pour l'ensemble du secteur des produits forestiers primaires, nous avons quatre différents scénarios : un vert, un bleu, un brun et un rouge. Le scénario vert, le plus optimiste, repose sur un certain nombre de facteurs distincts : une solide reprise du bâtiment aux États-Unis, un marché et des conditions commerciales favorables qui nous permettent de continuer à percer sur de nouveaux marchés avec nos produits existants et émergents, des conditions favorables en termes d'échanges, et cetera. Les scénarios bleu et brun sont sans doute les plus probables, et le rouge est le scénario du pire qui tient compte d'éventualités comme une récession à double creux aux États-Unis et la possibilité d'une récession américaine vers la fin de la décennie.

Il nous semble important de mentionner que dans trois des quatre scénarios, nous envisageons une croissance quand même relativement robuste de l'effectif du secteur, et comme je l'ai indiqué à un groupe de l'industrie en Colombie- Britannique il y a deux ou trois semaines, même dans le pire des cas nous allons réussir à nous en tirer pendant la prochaine décennie. Toutefois, j'ai rappelé à ce groupe qu'un tiers de ses travailleurs prendraient leur retraite d'ici 10 ans. Il sera donc nécessaire de recruter 50 000 personnes dans le secteur d'ici 10 ans, et nous aurons certainement besoin de sang neuf — mais les chiffres pourraient énormément varier.

Pour vous donner une idée plus précise, examinons quelques sous-secteurs de l'industrie. Voici les chiffres des scénarios pour la foresterie et l'exploitation forestière. Là encore, dans le scénario vert, le plus optimiste, la croissance serait très importante vers le milieu de la décennie et se stabiliserait dans la dernière partie de la décennie. La croissance est un peu moins soutenue dans les scénarios bleu et brun et elle se stabilise également de 2015 à 2020.

Dans les scieries, la croissance est plus marquée pendant toute la période, même dans le scénario rouge, ce qui révèle l'importance du bois d'œuvre pour la reprise du secteur et son avenir.

Dans tous les scénarios, les placages, le contreplaqué et les bois d'ingénierie connaîtront une croissance, avec une hausse très importante et constante dans le scénario vert et un rendement moins favorable en début de décennie dans le scénario rouge, suivi d'une augmentation vers la fin de la période et jusqu'en 2020.

Les scénarios pour les pâtes, les papiers et les cartons sont moins optimistes ou positifs dans presque tous les cas. Le scénario vert nous permet plus ou moins de nous maintenir, avec une légère augmentation vers la fin de 2020. Les scénarios bleu, brun et rouge indiquent tous une diminution pour les pâtes, les papiers et les cartons jusqu'en 2020. Là encore, ces chiffres englobent non seulement les pâtes, mais aussi toutes les qualités traditionnelles de papier que nous produisons. De l'avis général, il semble que les pâtes soient un produit plus prometteur, certainement jusqu'au milieu de la décennie.

Finalement, nous avons l'aide à la foresterie — nous parlons ici de forestiers, de spécialistes des sciences forestières, de techniciens et de technologues qui vont tous appuyer le programme d'innovation —, et les quatre scénarios prévoient une croissance qui est évidemment plus marquée dans le scénario vert.

Bref, pour ce qui est de l'avenir du marché du travail, les scénarios indiquent tous une certaine mesure de rétablissement de la main-d'œuvre pour la prochaine décennie, même dans le pire des cas. Il importe de signaler que les niveaux de pointe de l'emploi que nous avons connus vers 2003 ne reviendront probablement pas. Nos résultats et nos scénarios les plus optimistes sont évidemment basés sur une croissance continue du marché de nos produits traditionnels et des produits nouveaux et émergents, sur le rétablissement de certains de nos marchés traditionnels, notamment les États-Unis, et sur la capacité même de l'industrie de se transformer et d'intégrer certaines des technologies nouvelles et émergentes aux activités traditionnelles.

Pour conclure, je dirais que l'avenir est incertain pour l'industrie, à court terme, et que ce sera certainement une réalité locale à court ou à moyen terme, mais tout indique que notre pays est bien placé pour profiter de la demande future de produits forestiers dans l'ensemble du continent et du monde. Il est toutefois évident que si nous voulons optimiser les occasions futures, le secteur doit continuer à attirer des travailleurs hautement spécialisés et instruits, en mettant l'accent en particulier sur les métiers et les disciplines techniques, la littératie et la numératie.

Le président : Merci, monsieur Lancastle de cet exposé. Madame North, nous vous écoutons.

Janine North, chef de la direction, Northern Development Initiative Trust : Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de m'avoir permis d'échapper à la froidure de la Colombie-Britannique pour venir jouir du temps doux à Ottawa.

Mon exposé portera sur la façon de distribuer très efficacement le financement dans le secteur et sur certains éléments qui nous semblent nécessaires d'un point de vue fédéral. Je parlerai de la Colombie-Britannique, mais ces stratégies pourraient certainement s'appliquer à tout le Canada.

J'ai une expérience très concrète de ce secteur. J'y ai travaillé pendant 30 ans dans la gestion de très vastes districts forestiers en Colombie-Britannique ou de grandes sociétés d'exploitation forestière qui généraient des revenus de 25 millions de dollars de la récolte et, aujourd'hui, dans le domaine du financement. C'est un des 10 secteurs que la Northern Development Initiative Trust soutient.

Que diriez-vous si je vous affirmais que vous pouvez prendre un organisme du secteur des services gouvernementaux et de la prestation de financement, disons Diversification de l'économie de l'Ouest Canada par exemple, lui donner un mandat législatif, un capital de base de 185 millions de dollars et un fonds de fonctionnement de 25 millions de dollars, et lui dire de s'administrer avec le revenu provenant de ce fonds et que vous vous attendez à ce que le capital de base, ces 185 millions de dollars, soit intact dans 5, 10 et 25 ans? Et que vous pouvez aussi obtenir un rendement de 40 p. 100 sur les fonds du gouvernement grâce aux revenus des collectivités et de l'industrie, que vous pouvez créer 8 000 nouveaux emplois, avec 0 p. 100 de fonds inutilisés dans vos projets, des fonds non dépensés, et que vous avez le soutien de 98 p. 100 de la population et des clients et un fort taux d'approbation?

Ce serait une excellente affaire pour les contribuables et pour l'industrie. Dans la réalité, c'est ce que nous avons réussi à faire avec la Northern Development Initiative Trust. La Colombie-Britannique a adopté une loi en 2005, nous avons reçu 185 millions de dollars, et actuellement notre capital de base est supérieur à cela, et nous avons distribué 75 millions de dollars à près de 700 projets, dans tous les secteurs. Nous travaillons avec moins de 1 p. 100 de coûts indirects, et quand nous avons distribué 30 millions de dollars de fonds de stimulation fédéraux pour le compte du Fonds d'adaptation des collectivités, nous avons exécuté ce contrat avec des coûts indirects de 1 p. 100 et sans aucune ressource inutilisée. L'argent qui a été prêté rentre déjà dans les coffres du fédéral.

C'est le genre d'entente de financement réussie que l'on peut créer au Canada. Comment y parvient-on? Avec une approche d'entreprise et un excellent logiciel de gestion de projet. Il faut travailler à proximité des collectivités et des industries que vous voulez appuyer. Nous avons huit employés basés à Prince George, et nous offrons un financement selon 10 secteurs de l'industrie dans 70 p. 100 de la Colombie-Britannique, dans 40 collectivités et à 88 Premières nations de la région.

Nous avons injecté un peu moins de 25 millions de dollars dans le secteur de la bioénergie et pour aider des usines à démarrer à Mackenzie, à Chetwynd et à Fort St. James, de très petites collectivités qui ont été durement touchées par le ralentissement dans le secteur forestier. Ils utilisent la biomasse du bois, maintenant, pour réduire les coûts de production et les coûts d'exploitation des séchoirs et pour répondre en grande partie aux besoins d'énergie de l'usine grâce à la biomasse ligneuse. C'est en permettant aux petites et moyennes entreprises de se diversifier dans la production de granulés de bois ou dans la fourniture de biomasse à des entreprises de granulés ou à des entreprises qui utilisent le bois à brûler, par exemple la Capital Power à Williams Lake, la principale centrale à biomasse en Amérique du Nord.

Nous voudrions que cette grappe très diversifiée occupe un site industriel ou une collectivité unique qui réunirait toutes sortes d'industries : la construction de maisons en bois rond, les scieries de bois de dimensions courantes ou traditionnelles, la production de granulés, les stratifiés croisés, les centrales au bois ou à la biomasse, pour que tout l'éventail de la biomasse forestière soit utilisé dans une collectivité.

Qu'est-ce qui empêche de créer ainsi un secteur forestier très diversifié et très rentable?

Je vous explique la situation. Notre région est la plus tributaire de l'industrie forestière au Canada. Le taux d'emploi est d'environ 15,5 p. 100, contre des taux aussi faibles que 2,2 p. 100 ailleurs. La foresterie est la première ou la deuxième source de revenus de base — 62 p. 100 dans les régions rurales de la Colombie-Britannique — et elle fait vivre plus de collectivités à l'extérieur de la région de Vancouver que tous les autres secteurs d'activité réunis. Plus de 270 000 personnes, soit 14 p. 100 de notre main-d'œuvre totale, travaillent dans l'industrie forestière, et nous avons perdu 14 000 emplois pendant la dernière récession.

Une des grandes difficultés est l'accès aux capitaux, l'accès aux fonds. Nous administrons 10 programmes à l'intérieur de la fiducie et nous aidons d'autres organisations en distribuant des fonds. Nous n'avons pas suffisamment accès au capital. Un de nos programmes peut accorder jusqu'à 25 p. 100 en garantie de prêt pour la Banque de développement du Canada, la BDC, pour qu'elle puisse accepter plus de risques. Nous avons alloué 15 millions de dollars pour cela, mais cet argent n'est pas utilisé autant que nous le voudrions.

Au fond, les bilans des entreprises forestières, ces dernières années, ne leur permettent pas de financer leur dette auprès des grandes banques du Canada ou d'une BDC avec un profil de risque plus élevé, même avec notre garantie de prêt de 25 p. 100.

Donc, un grand nombre de petites et moyennes entreprises combinent le recours à des sources de financement plus coûteuses et le financement de la dette. Elles sont souvent très reconnaissantes envers le Fonds d'adaptation des collectivités, qui permet d'obtenir des prêts pour cinq ans à 0 p. 100. Cela nous semble être l'un des principaux besoins pour assurer la croissance d'un secteur forestier diversifié et robuste.

Jeudi, nous rencontrons 30 investisseurs du Nord de la Colombie-Britannique — des personnes qui offrent du financement providentiel et qui investissent dans de petites compagnies et de jeunes entreprises —, puis 50 entrepreneurs qui cherchent ce type de financement. Nous parlerons d'un mécanisme que nous pouvons utiliser dans le Nord de la Colombie-Britannique, où il n'y a pas de regroupement d'investisseurs providentiels comme à Vancouver.

Nous avons de la difficulté à trouver du capital. Faut-il que la Northern Development Initiative sélectionne des plans d'entreprise pour ensuite trouver des moyens de rejoindre les investisseurs? Est-ce qu'il nous faut un fonds d'innovation pour notre région? Notre conseil appuie certainement les partenariats avec les investisseurs. Nous examinons cette possibilité.

Dans le document que j'ai distribué, à la page 4, vous verrez diverses idées pour établir cette grappe diversifiée d'entreprises forestières dans nos petites collectivités. L'une porte sur la disponibilité du capital, et j'ai parlé des défis que présentent les bilans du secteur.

Deuxièmement, en Colombie-Britannique, nous devons conclure des traités pour créer de la certitude pour l'utilisation des forêts et pour les coentreprises avec des sociétés forestières qui s'appuient sur des accords de traité provisoires. Nous croyons que lorsque nous concluons des accords de traité provisoires, nous pouvons les utiliser comme garanties de financement et prendre des dispositions qui non seulement sont rentables, fournissent des emplois aux Premières nations et relèvent le niveau de vie, mais aussi créent le partenariat dont le secteur a besoin dans le domaine de la main-d'œuvre.

Nous constatons également la nécessité d'un fonds d'action pour les coentreprises entre Autochtones et entreprises du secteur primaire. Notre conseil est disposé à appuyer cela et il cherche des partenariats. Nous sommes un catalyseur du financement. Même dans une région comme la nôtre, nous ne pouvons pas tout faire.

Pour ce qui est du financement qui facilite la commercialisation de nouveaux produits et technologies de la forêt, nous devons être très souples, qu'il s'agisse de contributions remboursables ou non remboursables qui visent à commercialiser de nouvelles technologies. Ressources naturelles Canada offre quelques excellents programmes, mais nous constatons que nombre des programmes établis par le gouvernement fédéral sont des programmes qui remboursent l'argent qui a été dépensé plutôt que d'examiner les plans d'entreprise et d'injecter des fonds dans la commercialisation. L'entrepreneur ou la petite entreprise essaimée d'une université a besoin d'argent pour les immobilisations et l'expansion.

Le point suivant se rapporte aux initiatives Le bois d'abord et aux modifications de la réglementation dans les codes du bâtiment au Canada afin de promouvoir l'utilisation du bois dans les bâtiments financés par le gouvernement fédéral et dans le secteur résidentiel pour les bâtiments pouvant atteindre six étages. Les bâtiments de six étages suscitent beaucoup d'intérêt en Asie à l'heure actuelle, et 52 p. 100 des exportations de la Colombie-Britannique sont destinées au Japon et à la Chine. Le Canada a délogé la Russie au deuxième rang des partenaires commerciaux de la Chine pour le bois.

La création d'un centre d'innovation et de conception du bois a été proposée dans les trois derniers discours du Trône du gouvernement de la Colombie-Britannique. Nous croyons que ce serait un facteur clé pour la compétitivité canadienne en matière d'innovation et de concept d'architecture utilisant le bois. Le gouvernement de la Colombie- Britannique a fait des démarches auprès du gouvernement fédéral au sujet d'une éventuelle contribution financière pour ce centre.

En ce qui a trait à l'amortissement accéléré des immobilisations et de la machinerie industrielle, quand j'en parle à des présidents de petites et moyennes entreprises du secteur forestier manufacturier, c'est un programme clé pour eux. Il leur faut environ un an de préavis pour commander la machinerie, et ce programme se termine en décembre suivant. S'ils pouvaient demander quelque chose, ce serait que ce programme soit prolongé jusqu'en 2014, pour leur permettre de continuer à investir dans les immobilisations et à accroître leur compétitivité pour sortir de la récession. C'est un immense avantage.

Mes deux derniers points portent principalement sur le dynamisme que manifestent actuellement nos marchés d'Asie. Les programmes d'exportations exécutés en partenariat avec la Colombie-Britannique et nombre d'autres provinces ainsi que le savoir-faire disséminé par Exportation et développement Canada et la BDC sont essentiels pour continuer sur la voie du succès. J'ai mentionné que 52 p. 100 des exportations de la Colombie-Britannique étaient destinés à l'Asie cette année. L'an dernier, c'était 25 p. 100. C'est une croissance fabuleuse en un an. Quelques graphiques illustrent les exportations de bois d'œuvre de la Colombie-Britannique vers la Chine et leur très forte augmentation entre 2000 et 2010, ainsi que les produits forestiers généraux dans tous les secteurs et l'augmentation de la valeur des exportations à destination de la Chine.

Il importe de continuer à travailler avec le secteur dans le domaine de la commercialisation, et je vous donne divers exemples de succès que nous avons connus en Chine grâce au financement fédéral et, certainement, aux partenariats de la Colombie-Britannique et de l'industrie sur ce marché.

Le dernier atout qui stimulerait l'industrie forestière dans l'Ouest canadien — et pas seulement en Colombie- Britannique —, c'est le port pour expédier les produits forestiers du Nord vers l'Asie. À l'heure actuelle, le port de Vancouver est congestionné; il est surutilisé pour les produits forestiers.

Nous avons un port non encombré, un service ferroviaire non encombré assuré par le Canadien National, qui dessert la région de Prince Rupert, mais nous n'avons pas d'installations pour l'expédition par voie maritime de marchandises diverses destinées à l'Asie. Nous ne pouvons pas charger le bois. Nous ne pouvons pas charger les pâtes. Nous ne pouvons pas charger les granulés, sauf à l'île Ridley. L'île Ridley, qui abrite un important port charbonnier, atteindra l'an prochain sa pleine capacité pour le charbon. Le chargement de granulés est un processus beaucoup plus lent et moins profitable. Ce port sera entièrement utilisé pour répondre à la demande du secteur du charbon, et nous laisserons derrière les produits forestiers de l'Ouest du Canada et de la Colombie-Britannique, nous ne pourrons pas les expédier. C'est une des grandes préoccupations que les PDG chinois ont exprimées aux fonctionnaires en Colombie- Britannique, à l'occasion de missions commerciales.

Si l'Ouest canadien et la Colombie-Britannique peuvent expédier les produits forestiers à l'étranger, cela profite au reste du Canada qui peut alors expédier ses produits forestiers vers les marchés de l'Est du Canada et des États-Unis.

Nous créerions une synergie si nous utilisions des installations de transport maritime sur la côte nord, dans l'Ouest du pays, et nous aimerions que le gouvernement fédéral participe à ce projet. Merci.

Le président : Merci, madame North.

Dave Coles, président, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier : C'est moi le politicien, dans cette salle. Premièrement, et je le dis surtout à l'intention des sénateurs conservateurs, le premier ministre et moi nous nous disputons au sujet de l'industrie forestière, jusque dans son bureau, mais j'ai un message à livrer par votre entremise : je veux féliciter le gouvernement d'avoir eu le courage de financer le Conseil sectoriel des produits forestiers. Nous en sommes des membres actifs, aux côtés d'importantes sociétés de l'industrie forestière. Le conseil fait de l'excellent travail, et le gouvernement mérite des félicitations pour avoir financé ce groupe qui est, je crois, essentiel à nos progrès.

Vous avez devant vous un document préparé par le Conseil sectoriel des produits forestiers. Je ne vais pas le commenter, mais j'aimerais que vous l'utilisiez comme outil pédagogique pour les questions entourant la transition des travailleurs de l'industrie, qui poursuit sa restructuration.

Le but véritable de mon exposé aujourd'hui est de vous demander votre aide pour que les politiciens, le Parlement et les gouvernements provinciaux comprennent qu'ils ont tort de dire que l'industrie forestière est une industrie en déclin. C'est faux. C'est tout à fait faux. En réalité, c'est une industrie en plein essor.

Je crois que M. Lancastle pourra confirmer qu'il n'y a pas un seul bureau de PDG au Canada ou ailleurs dans le monde que je n'ai pas visité au cours des 24 derniers mois. Il faut les secouer parce qu'ils n'ont pas su se préparer à la catastrophe qui a frappé le Canada. Nous avons perdu 100 000 emplois en foresterie, c'est prouvé, et 40 000 de ces travailleurs sont encore en chômage.

C'est maintenant, et hier. Nous croyons, et nous ne sommes pas le seul syndicat au Canada à le croire, que le secteur forestier, bien géré, est un modèle d'économie verte. Vous savez, ces arbres, ils continuent de croître, ils grandissent, et quand des bestioles les tuent, il y en a de nouveaux qui poussent. Toutefois, c'est notre responsabilité en tant que société — et je crois qu'il nous faut l'orientation du gouvernement à cet égard —, de faire en sorte que nous reprenions notre place au sein de l'économie mondiale dans le domaine de la foresterie. Je suis chanceux ou malchanceux, selon le point de vue. Nous représentons aussi un nombre considérable de travailleurs du secteur des sables bitumineux.

Le sénateur Eaton : Les sables pétrolifères.

M. Coles : Non. C'est du pétrole seulement après le traitement, et l'on construit actuellement un pipeline pour amener le bitume vers les raffineries des États-Unis.

Je dois vous le dire, nous ne pouvons bâtir une économie uniquement sur l'Alberta et la Saskatchewan. Il nous faut une économie diversifiée. Tous les économistes vous diront qu'il nous faut divers points de vue sur l'économie, et le secteur fait partie intégrante de cette économie.

Nous aimerions que vous défendiez quelques propositions : il faut tenir un sommet national sur l'industrie forestière pour élaborer une stratégie industrielle. Mme North et M. Lancastle participent à quelques discussions très intellectuelles au pays au sujet de l'avenir de l'industrie forestière, mais il faut passer aux actes et nous avons besoin du soutien de tous les grands PDG du pays pour tenir un sommet. Nous n'avons pas réussi à convaincre les politiciens d'en tenir un.

Oui, il reste des problèmes à régler. Sur quoi pouvons-nous être en désaccord? Il y a des obstacles. Je ne suis pas naïf. Je suis dans l'industrie depuis longtemps. Je suis un travailleur forestier de cinquième génération. Nous représentons des travailleurs dans chaque province du pays, et chaque PDG à qui j'ai parlé, ces 24 derniers mois, convient que le Canada a besoin d'une stratégie industrielle pour le secteur forestier.

Aujourd'hui, AbitibiBowater annonce dans un communiqué de presse qu'elle se place sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers. C'était un de nos principaux employeurs et le voilà en faillite, mais ce n'est pas le seul. De nombreux autres s'apprêtent à fermer. Il y a des solutions à ce problème, mais elles ne peuvent pas s'appliquer isolément. Les idées utilisées dans le Nord de la Colombie-Britannique sont valables au Canada et au Québec comme partout ailleurs, mais elles doivent être fusionnées et intégrées à une stratégie économique industrielle.

Je suis un rêveur, mais je ne rêve pas ici. Nous pouvons reprendre notre position dans le monde comme important moteur économique du secteur forestier. J'ai voyagé dans toute l'Europe et l'Amérique du Sud; j'ai vu les gros matériels. Toutefois, nous avons bien des avantages ici, les niveaux de compétence et les gouvernements démocratiques, l'accès à la fibre, l'eau, l'infrastructure et l'éducation. Nous avons bien des atouts en main, chez nous.

Je vois bien les graphiques, je vois que le déclin de la production papetière et de la production de pâtes augure mal de l'avenir. Toutefois, je peux vous dire que ces derniers mois deux vieilles installations qui étaient fermées — une au Québec et l'autre sur le Mackenzie, en Colombie-Britannique — ont redémarré, et j'ai bon espoir d'assister à des miracles économiques. Elles réussiront.

Je peux vous dire que lorsque je me suis lancé en politique dans ce syndicat, nous regardions mourir les usines de pâtes chimiques. Il en restait quatre, cinq ou six dans le monde. Quinze ans plus tard, nombre de ces usines de pâtes fermées ont été converties pour la production de pâtes pour transformation chimique. Pourquoi? Le coton est en baisse, la rayonne en hausse. Il y a aussi des usines au Québec et en Saskatchewan, et avec un peu de chance, d'ici quelques semaines, il y aura des annonces concernant ces usines qui se lanceront dans la production de pâtes chimiques à transformer en rayonne.

Il y a de l'espoir. Le pessimisme n'est pas bon pour l'investissement. Vous ne pouvez pas attirer les jeunes hommes et les jeunes femmes dans les programmes de technique forestière s'ils croient que le secteur est mourant et qu'ils n'auront jamais d'emploi. Les grands employeurs ont un problème : ils perdent des mécaniciens d'appareils à vapeur, des soudeurs et des tuyauteurs au profit du secteur pétrolier, parce que même si ces travailleurs aiment l'endroit où ils vivent, ils n'y voient pas d'avenir.

Je vous demanderais d'envisager dans vos délibérations de recommander l'adoption d'une stratégie nationale, la tenue d'un sommet pour élaborer des buts économiques à long terme. Il n'est pas bon que l'industrie forestière fonctionne de trimestre en trimestre. Cela ne donne rien. L'industrie forestière doit avoir un horizon lointain. Que se passera-t-il au cours des 20 prochains trimestres? Où sera l'industrie dans 25 ou 30 ans?

Je veux terminer sur ce que Mme North disait au sujet de l'accès aux capitaux. L'un des grands obstacles de l'industrie est l'accès à des capitaux au juste prix du marché — pas bon marché, pas gratuits, pas subventionnés. Peu importe que vous parliez à AbitibiBowater, à Joe Kruger ou à Jim Irving, et je leur ai tous parlé au cours des 72 dernières heures. Ils vous diront la même chose : nous avons besoin de capitaux au juste prix du marché.

Nous pourrions offrir des garanties de prêt à l'industrie. De fait, l'industrie ploie sous des taux usuraires — c'est moi qui le dis — de 14, 16 et 18 p. 100, pour refinancer leurs fonds d'exploitation et leur dette. Vous ne pouvez pas fonctionner comme cela. C'est la mort. C'est une partie du problème dans le Nord, quand on ne peut pas obtenir de financement providentiel. Il faudrait plutôt parler de financement miséricordieux.

Il y a des mesures qui peuvent être prises dans le pays pour faire du secteur forestier un secteur écologique. C'est faisable. Il pourrait être un segment très propre et très diversifié de notre société. Honnêtement, nous ne cesserons pas de le répéter tant que la population et les politiciens du pays n'auront pas reconnu que l'industrie forestière et un bon secteur dans lequel travailler. C'est très bien de vivre à Corner Brook, à Terre-Neuve, et de travailler dans la forêt. C'est très bien de vivre à Mackenzie et d'y envoyer vos enfants à l'école. Ce n'est pas nécessaire de tous habiter dans le triangle d'or, à Montréal, à Toronto ou à Vancouver. Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père et moi- même, nous avons tous grandi dans une collectivité forestière rurale. C'est un bon endroit où élever une famille. Mes enfants ne travailleront jamais dans l'industrie forestière. Dans ma ville d'origine, les scieries sont fermées et les usines de pâtes sont fermées, mais cela ne veut pas dire que c'est pour toujours. Comme je l'ai dit précédemment, la fibre est encore là; il suffit de comprendre comment la gérer.

Le sénateur Mercer : Merci de vos exposés. C'était fort intéressant.

Monsieur Coles, je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous sur tous les points, mais je crois que votre idée de sommet du secteur forestier est intéressante. Il nous faut réunir tous les intervenants pour en parler. Les gouvernements, l'industrie, les syndicats, les municipalités, il faut tous s'asseoir et parler de cela en général. Un rapport pourrait servir de catalyseur pour lancer ce processus.

Monsieur Lancastle, vous avez dit que nous avions touché le fond et que nous nous rétablissions; vous constatez des changements à cet égard. Toutefois, 40 personnes à la scierie du Groupe Savoie, la principale scierie de la Nouvelle- Écosse, ont appris hier qu'elles seraient licenciées en décembre. Je pense que nous n'avons pas encore touché le fond.

Vos parlez beaucoup des futurs besoins en main-d'œuvre, et c'est le côté optimiste. Comme M. Coles et d'autres l'ont dit, l'industrie n'est pas en déclin; elle est en plein essor. Les choses iront bien si nous la gérons adéquatement.

Est-ce qu'il y a un plan quelque part qui indique qui il faut former? La formation peut être une responsabilité fédérale ou provinciale, selon l'angle que vous adoptez. Est-ce que nous préparons le programme afin d'être prêts quand l'industrie prendra le virage? Aurons-nous les travailleurs qu'il nous faut?

Quant aux statistiques mentionnées qui indiquent que le tiers du secteur partira à la retraite sous peu, c'est une énorme tâche que de remplacer ces gens. Nous ne parlons pas de les remplacer par des travailleurs non qualifiés, mais bien par des travailleurs qualifiés. M. Coles a dit qu'il était difficile pour les jeunes de s'orienter vers une industrie où ils ne croient pas trouver de travail.

M. Lancastle : Pour ce qui est de toucher le fond, certes nous reconnaissons que certaines collectivités, certaines situations, sont encore éprouvées et font face à des fermetures et à des difficultés. C'est la réalité à court ou moyen terme. Si vous êtes dans une collectivité qui a souffert, l'effet est très sensible. Je ne voulais pas minimiser l'effet sur ces collectivités.

Pour ce qui est de l'avenir, l'analyse des compétences et des connaissances requises et des besoins de formation connexes, en fait, cela constitue la prochaine étape de l'étude qui nous terminerons d'ici quelques mois. Nous avons l'intention de publier notre rapport final, qui comprendra une analyse des futurs besoins de formation et de compétences ainsi que des carences liées avec ces futurs besoins, en mai 2011. Nous avons hâte de publier ce type d'information dans quelques mois.

Le sénateur Mercer : Merci. J'ai l'avantage et le privilège d'être membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, alors quand vous parlez des difficultés au port de Vancouver et que vous dites qu'il n'y a pas d'installations de transbordement à Prince Rupert, je connais bien ces problèmes. L'encombrement à Vancouver n'a pas été réglé par Prince Rupert. Le problème a été réglé seulement pour le volet des conteneurs, mais la dernière fois que je suis passé à Vancouver, il y avait encore six ou huit navires en attente. Cela ne règle pas le problème.

Il y a des installations de transbordement à Vancouver. Certaines sont réservées aux céréales et certaines à la potasse. Il n'y en a pas qui puissent être adaptées au bois d'œuvre?

Mme North : Il est plus économique pour la majorité des scieries et pour l'industrie forestière qui se trouve au nord de Williams Lake à peu près, au centre de la Colombie-Britannique, d'expédier de Prince Rupert, à condition qu'il y ait des installations de chargement et de transbordement. Même s'il peut être difficile d'organiser les wagons du CN et les niveaux de service, il y a plus de capacité sur la ligne du CN là-bas que ce qu'offrent le CN et le CP à Vancouver. Nous constatons que la majorité des sociétés aimeraient bien utiliser un port septentrional. Par ailleurs, le trajet jusqu'à la Chine et au Japon est d'environ un jour et demi ou deux jours plus court qu'à partir de Prince Rupert. Nous aimerions coordonner l'augmentation des expéditions de Prince Rupert avec l'intensification des activités d'exportation vers l'Asie.

Le sénateur Mercer : Savez-vous combien de conteneurs vides sont expédiés de Prince Rupert?

Mme North : Un grand nombre de conteneurs quittent Prince Rupert vides.

Il y a deux installations de transbordement, l'une à Prince George et l'autre à Prince Rupert, sur l'île Ridley, qui conditionnent et conteneurisent le bois. Le défi, ce sont les produits en vrac, et maintenant, avec la fermeture d'Eurocan à Kitimat, on ne peut plus utiliser ce quai pour l'expédition. Il est en vente, mais n'a pas été transféré à des intérêts qui l'ouvriraient pour d'autres activités forestières.

Le sénateur Mercer : Contrairement à d'autres régions du pays, la disponibilité de conteneurs vides n'est pas un problème. À l'est de la Colombie-Britannique, il est très difficile d'avoir des conteneurs vides au bon endroit et au bon moment pour les remplir de ce que nous exportons.

Je connais mal le port de Prince Rupert, alors j'ignore la réponse à ma question. Est-ce qu'il n'y a pas, à Prince Rupert, une partie du port qui pourrait être adaptée pour le transbordement avec un minimum d'efforts?

Mme North : Le secteur qui pourrait être adapté au transbordement sans trop d'effort serait l'installation de pâtes fermée sur l'île Watson, voisine de Prince Rupert. Le secteur s'appelle Port Edward. On peut y expédier des produits forestiers divers, comme à l'île Ridley, mais il faudrait investir dans le chemin de fer, les routes et les installations de chargement à l'un ou l'autre de ces emplacements. Tout le port de Prince Rupert, qui se trouve dans les limites de Prince Rupert pour l'instant, a été adapté au conteneur.

Le sénateur Mercer : Nous avons beaucoup parlé d'utiliser le chemin de fer. Est-ce qu'il y a suffisamment de lignes secondaires qui recoupent la ligne de Prince Rupert pour que, s'il y avait des sites de reconditionnement, il soit possible de relier les collectivités? Qu'est-ce qu'il y a entre Williams Lake, Prince George, et cetera? Est-ce qu'il y a trois lignes qui recoupent la ligne du CN qui mène à Prince Rupert?

Mme North : La plupart des collectivités sont situées sur la ligne principale du CN. Le défi consiste à moderniser les voies pour pouvoir expédier de Kitimat ou des installations de l'île Watson, dans le secteur de Prince Rupert. Pour expédier plus de produits forestiers, il faut moderniser les voies vers l'une ou l'autre de ces installations, améliorer les routes et les installations de chargement ainsi que les soutes à granulés.

Le sénateur Eaton : Merci beaucoup. Vous venez témoigner à la fin d'une étude qui dure depuis toute une année. Monsieur Coles, j'aimerais appuyer le sénateur Mercer. Cette industrie nous paraît en plein essor. Nous en sommes tous très heureux. Nous avons accueilli des gens qui nous ont parlé de cellulose nanocristalline, de produits du bois à valeur ajoutée, de bâtiments de six étages, de ponts à Oslo fabriqués en bois et capables de supporter le poids d'un char d'assaut, alors nous ne sommes pas pessimistes. Nous sommes tous très optimistes. Nous avons aussi entendu le Conseil canadien du bois et FPInnovations. Ils font des choses intéressantes partout au pays, dans les laboratoires des universités et des entreprises.

Monsieur Lancastle, vous nous avez montré un graphique qui illustre les tendances de la main-d'œuvre dans divers secteurs de l'industrie forestière. Sommes-nous compétitifs, en termes de main-d'œuvre, avec les États-Unis ou le Brésil? Ce sont nos principaux concurrents, n'est-ce pas, dans le monde? Notre main-d'œuvre sera très importante pour notre compétitivité, n'est-ce pas?

M. Lancastle : Le Canada a certains avantages concurrentiels sur la scène internationale. Nous avons la fibre de la meilleure qualité qui soit et les meilleures pratiques d'exploitation durable au monde. Cela augure certainement bien pour nous à l'international. Nombre de nos usines n'ont rien à envier aux meilleures du monde en termes de productivité. Nous avons certaines installations au pays qui ne sont pas aussi productives que d'autres, mais les scieries, en particulier, attirent actuellement les investissements. Un certain nombre d'annonces ont été faites ces derniers mois, et nous constatons un accroissement de la productivité des usines, alors la productivité s'améliore. Nos scénarios sont basés sur le maintien de cette tendance et l'estimation que nous continuerons d'améliorer la productivité.

Cela ne couvre pas tout, j'en ai peur. Il y a des situations où nous ne sommes pas aussi concurrentiels, mais évidemment, parce que notre secteur est tributaire des exportations, c'est un domaine où nous continuons de travailler pour obtenir ce genre de résultats.

Le sénateur Eaton : Si vous pouviez formuler une recommandation dans notre rapport, qu'est-ce que ce serait?

M. Lancastle : Je ferai écho aux commentaires de M. Coles sur l'importance de reconnaître les possibilités qu'offre le secteur et de bien faire valoir l'excellence dans ce secteur et les perspectives qu'offre la transformation intégrée dans des installations existantes, cela est vraiment essentiel à la réussite du secteur.

Le sénateur Eaton : Nombre de gens d'affaires sont venus nous dire que les Canadiens n'étaient pas assez ambitieux sur le plan commercial. Cela se rapporte un peu aux entrepreneurs, et vous parliez des entrepreneurs.

Que diriez-vous, en termes de productivité absolue? Nous semblons avoir d'excellentes études dans les universités, des choses très intéressantes; cela se poursuit. Que nous faut-il pour commercialiser tout cela? Qu'est-ce qui nous rendra plus concurrentiels, plus productifs?

M. Lancastle : Nous avons déjà de nombreux exemples de commercialisation et de transformation en place. Je crois que l'usine de pâtes à Thurso a fait un énorme virage; c'était une usine de pâtes kraft traditionnelles qui est devenue une usine de pâte pour transformation chimique, pour la production de rayonne. Est-ce qu'il y a déjà des exemples de ce type de transformation? Oui, et il nous en faut plus. Il nous faut plus de ces exemples pour progresser.

Le sénateur Eaton : Qu'est-ce qui encouragera l'innovation?

M. Lancastle : Il n'y a pas de solution unique, pas de formule magique. Il faut que les conditions du marché nous permettent de lancer de nouveaux produits. Nous devons avoir accès à la fibre dont nous avons besoin à des conditions qui nous conviennent. Il nous faut des taux de change favorables à ce genre d'investissement.

Le sénateur Eaton : Nous ne sommes pas toujours maîtres de nos taux de change.

M. Lancastle : Certaines choses échappent à notre volonté, mais si nous pensons à l'accès aux fibres, à la main- d'œuvre, et cetera, c'est le genre de facteurs qui nous aideront à réussir à l'avenir.

Le sénateur Eaton : Ma question comporte peut-être deux volets. Madame North, vous avez dit que si nous pouvions conclure quelques traités, et j'imagine que cela relève de la province, les bandes auraient plus d'argent. Est-ce que vous auriez alors un meilleur accès à la main-d'œuvre autochtone?

Mme North : Oui. C'est un important élément de l'équation en Colombie-Britannique. Même si nous n'avons pas de versions définitives des traités, si nous avons un accord provisoire, cela peut nous donner accès aux capitaux, à la main- d'œuvre et à des partenariats mixtes. C'est un élément très important de l'équation pour maintenir la compétitivité du secteur forestier en Colombie-Britannique. S'il y a deux choses qui freinent le progrès du secteur forestier, ce sont l'accès aux capitaux et le maintien d'une stratégie fiscale compétitive en termes de taxe de fabrication et de radiation.

Quant à la main-d'œuvre, d'après ce que j'ai vu, deux choses font une différence pour le recrutement. La première est l'équipement de simulation et les nouvelles technologies dans ce domaine, et nous les financerons et nous établirons des partenariats avec des collèges, parce que nous voulons que les jeunes suivent une formation sur simulateur avant de prendre les commandes d'une machine de 250 000 ou 300 000 $.

L'autre, c'est la planification et la formation en matière de santé et sécurité et de supervision. Nous avons un programme qui accordera une remise de 50 p. 100 à toute entreprise du domaine de la fabrication et du traitement des ressources pour qu'elle puisse travailler à s'améliorer, recruter des ressources consultatives, et si cela signifie un plan de santé et sécurité et une formation en supervision pour le mentorat des jeunes travailleurs, nous le ferons.

Le sénateur Eaton : Avez-vous un groupe de pression? Vous aurez peut-être des élections bientôt en Colombie- Britannique.

Mme North : Oui.

Le sénateur Eaton : Avez-vous un groupe de pression du secteur forestier qui s'adressera au prochain gouvernement pour régler les questions entourant les traités?

Mme North : John Allan et le Council of Forest Industries sont très désireux de régler ce dossier, et les Premières nations sont organisées selon diverses structures et elles sont elles aussi intéressées.

Quant aux capitaux nécessaires aux traités, les terres viendront de la Colombie-Britannique et les capitaux, du gouvernement fédéral, mais il faut un engagement de la part des deux parties.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse à M. Lancastle. J'ai écouté votre présentation et j'ai lu votre documentation. Le conseil que vous représentez semble porter son attention sur les secteurs traditionnels de la foresterie et de l'industrie du bois.

Vous dites au début de votre présentation que le Conseil se concentre sur les opérations primaires des produits de foresterie. Lorsqu'on examine les tableaux de croissance potentielle d'emplois, on semble viser aussi des secteurs assez traditionnels.

D'après la présentation de Mme North, et les questions posées par les membres du comité, il semble y avoir un avenir prometteur, entre autres avec les nouvelles technologies comme la biomasse et les secteurs plus technologiques. Dans votre évolution d'emploi, avez-vous tenu compte des nouvelles technologies et des nouveaux produits de la foresterie ou vous vous en êtes tenu aux secteurs traditionnels?

Il faudrait penser à ajouter à ce manque d'emploi les futurs développements de marché du domaine de la foresterie.

M. Lancastle : Je vous remercie de votre question et je vais y répondre en anglais si vous le permettez.

[Traduction]

Nos prévisions s'appuient sur l'hypothèse que les technologies nouvelles ou émergentes seront intégrées aux produits traditionnels; je pense par exemple à l'insertion d'installations de production de granulés dans une scierie. Le leadership au sein l'industrie, du moins comme le conçoit l'Association des produits forestiers du Canada dans son Projet de la voie biotechnologique, s'intéresse à l'intégration de technologies nouvelles et émergentes dans les activités existantes comme approche optimale non seulement pour favoriser l'emploi, mais aussi pour utiliser efficacement la fibre. Nous voyons quelques utilisations qui obtiennent des résultats exceptionnels, une utilisation de la fibre à 95 ou 97 p. 100. Nous croyons que l'avenir du secteur se trouve là — en optimisant l'utilisation de chaque once et de chaque mètre cube de fibre récoltée, que ce soit pour fabriquer de la pâte ou du papier ou pour alimenter une scierie.

Nos prévisions reposent sur l'hypothèse que ces technologies nouvelles et émergentes seront intégrées aux opérations existantes et que les emplois seront multipliés par l'expansion de ces installations grâce aux technologies nouvelles et émergentes. Je dirais en outre qu'il s'agit de progrès sur le point de se concrétiser, pratiquement prêts pour la commercialisation. Nous commençons à peine à entrevoir certaines des évolutions qui se préparent.

La réponse à votre question, c'est que nous envisageons les progrès comme des ajouts aux activités traditionnelles, tout en maintenant les opérations traditionnelles comme base de l'avenir du secteur.

Le sénateur Plett : Merci d'être venus. J'ai deux ou trois questions très élémentaires, et peut-être quelques commentaires à formuler.

Monsieur Lancastle, vous avez dit que dans votre industrie 17 p. 100 de la main-d'œuvre n'avait pas de diplôme d'études secondaires, contre une moyenne de 12 p. 100. Je ne veux pas dénigrer l'industrie forestière, mais est-ce que c'est un problème pour vous? Est-ce qu'il n'y a pas de nombreux emplois dans l'industrie forestière où vous pouvez utiliser une main-d'œuvre non qualifiée? Certaines personnes sans diplôme d'études secondaires peuvent apprendre à conduire un camion, décrocher des certificats et utiliser l'équipement. Est-ce que cela vous semble un problème dans votre industrie?

M. Lancastle : La réalité actuelle est que nous avons une main-d'œuvre plus âgée que la moyenne. Nous avons eu l'occasion de parler à des travailleurs d'usine dans tout le pays, et ils travaillent dans la même usine parfois depuis 30 ou 35 ans. Je me souviens d'une personne, à Thunder Bay qui m'a dit « À la fin de ma 11e année, je suis sorti de l'école avec mes bottes sur l'épaule et je ne suis jamais revenu. » Ce sont des personnes qui ont passé toute leur vie, toute leur carrière, dans le secteur.

Le sénateur Plett : C'était probablement un des meilleurs employés.

M. Lancastle : Probablement. Mais pour l'avenir, toutefois, si nous pensons à l'informatique et à la nécessité d'utiliser de l'équipement plus perfectionné sur le plan technologique, les questions de littératie et de numératie prennent de l'importance. Mais quand on a l'occasion de visiter certaines usines encore dotées d'équipement ancien, si je peux dire, on constate qu'à l'avant des machines il y a du matériel qui utilise une technologie informatique très avancée pour le contrôle de la qualité et la surveillance des opérations. Cela nécessite des compétences distinctes.

Quant à la récolte, l'un des membres du conseil de l'industrie a mentionné qu'il avait peut-être enfin trouvé une utilité aux jeux vidéo parce que la récolte se fait avec un manche à balai. Ce sont des compétences très différentes de celles qu'il fallait par le passé.

Est-ce que c'est un problème pour nous? Peut-être. Le secondaire n'est pas nécessairement la réponse. Il s'agit surtout de compétences essentielles dans des domaines comme la littératie et la numératie, il faut que les gens aient le niveau de connaissances de base voulues pour acquérir les compétences dont ils ont besoin pour entrer dans un secteur prometteur.

Le sénateur Plett : Merci. Je suis d'accord avec vous. Nous avons visité certaines usines de pâte et vu l'équipement, et je me suis assis dans une de ces grosses machines qui coupent tous les arbres. Vous avez raison; je ne suis généralement pas très habile en informatique et j'aimerais beaucoup essayer de faire marcher ces machines, mais il me faudrait du temps pour m'y faire.

M. Lancastle : Les simulateurs sont peut-être une meilleure option.

Le sénateur Plett : C'est bien vrai. Madame North, vous avez dit, je crois, que nous venions au deuxième rang dans le monde, à l'heure actuelle, pour la vente de bois d'œuvre à la Chine. C'est exact?

Mme North : Oui.

Le sénateur Plett : Nous venons derrière les États-Unis?

Le sénateur Mahovlich : Derrière la Russie.

Mme North : Je crois que mes chiffres indiquent que oui, nous venons derrière la Russie. Nous nous rapprochons de la Russie, et la Russie impose actuellement de nouvelles taxes à l'exportation, mais il nous faudra une plus grande capacité d'exportation et des alliances commerciales plus solides avec la Chine pour y parvenir.

Le sénateur Plett : Vous avez dit que le principal obstacle était l'expédition des produits. Est-ce que l'expédition du produit est plus un obstacle pour nous que pour la Russie? Plus pour nous que pour les États-Unis?

Mme North : Oui. Nous avons deux ports sur la côte Ouest, dont l'un peut transborder des produits en vrac. Il faut se rendre dans une zone très encombrée à Vancouver pour expédier des marchandises diverses, alors c'est un problème. En Russie, le produit est transporté par voie terrestre, et un certain nombre de ports permettent d'expédier des marchandises le long de la côte jusqu'en Chine. Notre accès aux ports de la côte Ouest nous pose des difficultés.

Le sénateur Plett : Merci. Monsieur Coles, je veux faire écho à deux de mes collègues concernant votre commentaire sur les gens qui pensent que votre industrie est en déclin. Je crois que ce que nous avons réalisé au cours de la dernière année devrait bien montrer que certains politiciens ne croient pas que votre industrie soit en déclin. Je ne sais pas pourquoi vous pensez que tout le monde est d'avis que cette industrie est en perte de vitesse. Je n'aurais pas consacré une précieuse année à étudier l'industrie, encore moins à préparer un rapport.

Vous mentionnez aussi que quelqu'un aurait dû faire une prédiction. Je me demande si c'est la récession qu'il aurait fallu prédire, ou ce qu'il fallait faire pour empêcher l'industrie d'être durement touchée. J'aurais aimé que quelqu'un prédise le 11 septembre. Personne ne l'a fait. Le Canada a été le dernier pays à entrer en récession et le premier à en sortir. Avez-vous souffert plus que les autres, dans l'industrie forestière, et si oui, pourquoi?

M. Coles : Premièrement, mon commentaire sur l'industrie en déclin ne visait absolument pas le comité. C'est la deuxième ou la troisième fois que j'ai le plaisir de témoigner devant vous. C'est une cause très noble que le Sénat a adoptée. Je ne parlais pas des politiciens ici présents. Ce n'était pas du tout mon intention.

Toutefois, je crois que tous les PDG du pays vous diraient la même chose — pour toutes sortes de raisons, l'industrie forestière est considérée comme en déclin plutôt qu'en expansion.

Pour répondre à votre autre question, je dirai que l'industrie forestière a commencé à battre de l'aile bien avant septembre ou octobre 2008. Nous — et par là j'entends les travailleurs et l'industrie — avons connu d'importantes pertes d'emploi et des fermetures plusieurs années avant 2008. Ce qui complique les choses, c'est que nous parlons de l'industrie forestière comme si elle était facile à définir, mais il y a des secteurs de l'industrie forestière qui réussissent très bien actuellement et qui n'ont jamais souffert — les produits sanitaires. Le papier hygiénique, les produits d'hygiène féminine, tout cela se tient très bien.

C'est l'industrie primaire qui souffre. Le papier journal, par exemple, recule annuellement de 12 à 15 p. 100 en Amérique du Nord et en Europe occidentale depuis près de 10 ans. Quand 2008 est arrivé, il a chuté d'encore 20 p. 100 et c'est ce qui a sonné le glas, avec les coûts de financement, et cela a fait tomber Abitibi et toutes ces entreprises. Elles ne pouvaient pas financer leur dette. Et pendant ce temps, la demande diminuait.

Ce n'est pas pour me vanter, mais honnêtement, il y a 15 ans, notre syndicat harcelait l'industrie pour qu'elle mette de l'ordre dans ses affaires et devienne plus productive. C'est une situation très étrange, monsieur, quand un syndicat s'adresse à l'employeur pour réclamer des améliorations de la productivité. C'est ce que nous avons fait pendant longtemps, et ma carrière politique en a parfois souffert, mais les documents révèlent que pendant 10, 12 ou 15 ans, nous avons présenté des demandes à l'employeur pour que les installations soient plus compétitives. En effet, nous entretenons des relations internationales avec nombre des meilleures organisations au monde. Les Scandinaves et les Finlandais ont passé beaucoup de temps en Amérique du Sud, où ils peuvent amener la pâte de résineux au quai pour environ 240 $ la tonne, alors que pour la plupart de nos installations ce coût est d'environ 450 $ la tonne. Mes données datent de 18 mois, peut-être de 24, mais je ne crois pas être loin du compte. Il s'agit d'usines modernes, très écologiques.

Il y a bien des choses que l'industrie aurait dû ou pu faire et dans lesquelles elle n'a pas investi. Nous avons de l'équipement désuet au Canada. Notre équipement est vraiment très ancien, sauf dans les scieries. Je ne crois pas qu'il y ait au monde de meilleures scieries que les nôtres. Prenez nos extracteurs d'arbre, tout ce matériel — cela tient de la science fiction. Très peu de travailleurs qui se baladent avec une scie à chaîne dans la forêt aujourd'hui. On n'en voit plus. On emmène une abatteuse-empileuse, et le tour est joué.

Il aurait fallu examiner diverses options. C'est ce que nous croyons. Les économistes qui travaillent pour nous sont d'avis que les PDG et certains de leurs directeurs étaient plus intéressés par leurs profits à la bourse, et c'était artificiel, que par l'administration de leurs entreprises de façon à obtenir une croissance régulière et des profits solides et à long terme.

Nous sommes dans un beau pétrin, et c'est pourquoi je continue à demander que nous essayions de réunir nos meilleurs cerveaux. Nous pouvons encore être les plus productifs, malgré la désuétude du matériel.

Le sénateur Plett : J'accepte cette dernière affirmation. Toutefois, c'est vous qui, aujourd'hui, avez déploré le du pessimisme et dit que nous ne devrions pas entretenir la morosité. Vous avez parlé du glas de l'industrie, et pourtant vous avez fait un commentaire très positif au sujet des usines de pâtes qui rouvrent et font la transition du coton à la rayonne. Je crois que c'est ce que vous avez dit.

Avant vous, un témoin qui était assis à votre place nous a parlé des nombreuses usines de pâtes qu'il achetait au pays, et c'est précisément ce qu'il faisait, les rouvrir et encaisser les profits. Nous avons visité dans tout le pays des usines de pâtes qui s'en tirent très bien, des entreprises qui font de l'argent.

Les gens vont en Alberta et en Saskatchewan parce qu'ils peuvent gagner plus, là-bas. C'est la loi de l'offre et de la demande. Je ne crois pas que l'industrie forestière puisse offrir les mêmes salaires que l'industrie pétrolière à Fort McMurray. Je ne crois pas que cela soit raisonnable, et je ne pense pas qu'on s'y attende. Ils offrent des salaires très élevés, parce qu'il y a une offre, et bravo à ces jeunes qui peuvent aller là-bas faire un peu d'argent. Je ne pense pas que ce soit parce qu'ils ne veulent pas quitter leur coin de pays.

En fait, Terre-Neuve exploite maintenant ses ressources pétrolières et de nombreux jeunes retournent à Terre-Neuve et travaillent là-bas. Je suis originaire du Manitoba, et nous ne pensons pas que le pétrole commence nécessairement à la frontière de la Saskatchewan, pas plus que la potasse. J'espère que nous développerons quelque chose et que peut-être nous ramènerons quelques Manitobains, mais il faut essayer de trouver quelque chose de compétitif. Je ne suis pas certain que cela soit possible.

Je peux toutefois vous assurer, monsieur — et j'espère que vous partagez cet avis —, que notre groupe de politiciens a foi en cette industrie. Nous ne sommes pas toujours d'accord quant à la façon de faire progresser les choses. Je crois aussi, et ce n'est pas un commentaire partisan, que notre gouvernement veut lui aussi promouvoir l'industrie forestière au Canada.

M. Coles : Je vous crois sur parole. Ne vous méprenez pas; je n'ai jamais laissé entendre que les travailleurs de l'industrie forestière devraient faire les mêmes salaires que ceux de l'industrie pétrolière. Je pensais à des collectivités en état de siège. Les gens vont rester et travailler pour beaucoup moins d'argent dans une petite collectivité agréable ou l'on a un emploi à long terme, et cela englobe les jeunes travailleurs spécialisés. Mais si l'usine, la scierie, l'installation où l'on travaille est menacée, alors on peut prendre une décision économique et quitter le coin.

Le sénateur Plett : Il faut toutefois que l'usine soit rentable. Nous pouvons peut-être la diversifier; vous avez déjà laissé entendre que certaines usines de pâtes le font. Nous ne pouvons pas tout simplement jeter l'argent par les fenêtres. Si l'exploitation n'est pas rentable, nous devons faire quelque chose d'autre que de la garder en vie artificiellement.

M. Coles : C'est vrai.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse à M. Coles. Vous avez parlé de la responsabilité des industriels et des revendications que vous avez faites auprès des entreprises pour qu'elles changent leurs usines, qu'elles modernisent les techniques.

J'ai déjà entendu des industriels dire qu'avoir su, ils ne seraient pas cotés en Bourse parce qu'ils doivent gérer avec des fins de trimestre qui arrivent rapidement plutôt que d'avoir une vision à long terme.

Avec le recul, en regardant la situation de 20 ans en arrière jusqu'à aujourd'hui, est-ce que vous considérez avoir aussi une part de responsabilité dans la crise qui a eu lieu? Si oui, quelle est-elle? Que feriez-vous de différent pour éviter que dans le futur la relance ne soit affectée par des erreurs du passé qui se répéteraient?

[Traduction]

M. Coles : Je crois que chacun a une part de responsabilité. Dans le mouvement syndical, nous n'étions pas nombreux dans le secteur à parler de productivité pour sauver l'industrie. Nous aurions dû rejeter plus énergiquement l'idée que c'était une poule aux œufs d'or qui allait continuer à offrir des emplois sans être productive. Nous vivions dans une société où le dollar valait 65 cents dans l'industrie forestière. C'est ainsi que nous survivions. Nous avons tenté de soulever la question, mais nous n'y sommes pas vraiment parvenus.

Par exemple, quand Abitibi et Bowater se sont fusionnées, nous avons protesté un peu, mais nous n'avons pas fait ce que nous aurions sans doute dû faire. Tous voyaient bien qu'il était impossible d'absorber une telle dette. C'était insensé. Nous avons fait quelques remarques, puis nous avons attendu.

Il n'a pas été facile de rompre avec la tradition et de faire comprendre aux travailleurs que sans productivité et sans efficacité il n'y a pas de travail. Cela a été le point faible de l'employeur et du syndicat dans le secteur forestier pendant 50 ans. Nous ne pouvions simplement pas faire comprendre ce message. Nous en avons payé le prix, nous l'avons payé cher.

Le sénateur Mahovlich : Merci. Vous avez répondu à bien des questions. Je ne sais pas si j'en ai de nouvelles.

Je comprends mal. Avec les progrès technologiques, est-ce qu'il nous faut autant de travailleurs qu'auparavant?

M. Lancastle : Certainement pas, si vous pensez aux des usines particulières. Le progrès technologique réduit le nombre de travailleurs nécessaire pour faire fonctionner une machine, une machine à papier ou une machine dans une usine de pâtes. Cela dit, la croissance et la demande de produits forestiers canadiens n'ont pas cessé d'augmenter, et les prévisions sont à la hausse. La technologie réduit le nombre de travailleurs nécessaires, mais elle accroît la production. C'est un échange, en quelque sorte.

Le sénateur Mahovlich : Avec la technologie pour couper les arbres, vous ne voyez plus de scies à chaîne.

M. Lancastle : Nous réalisons d'importantes économies à l'étape de la récolte. Comme M. Coles l'a indiqué, nous avons des scieries de calibre mondial au Canada, certaines des meilleurs au monde, elles font beaucoup appel à l'automatisation et produisent des quantités considérables de pieds-planche avec beaucoup moins de travailleurs que par le passé.

Le sénateur Mahovlich : Si nous tenons un sommet national, nous devons être prêts. Qui sont nos principaux concurrents outre la Russie? Est-ce que les États-Unis exportent en Chine? Est-ce qu'ils exportent en Inde? Est-ce que la demande de produits du bois est aussi forte en Inde qu'en Chine?

M. Lancastle : Je ne suis pas en mesure de vous répondre avec autant de précision, peut-être, que mes collègues.

M. Coles : J'ai quelques connaissances, mais je n'ai pas de documents ici. Les États-Unis sont concurrentiels pour le papier journal à l'étranger.

Ils essaient aussi de percer sur les nouveaux marchés de l'ancien monde. Pour la pâte kraft de feuillus, le Brésil, en Amérique du Sud, est un important producteur. Les Scandinaves sont aussi très efficaces. La concurrence est répartie.

Notre principal partenaire commercial, les États-Unis, est dans le marasme. Il faut environ 1,2 million de mises en chantier par année pour assurer la stabilité aux États-Unis, et selon les sources, il y en a environ 600 000. Le surplus ne diminue pas. Nos économistes nous disent qu'il faudra attendre quatre ou cinq ans et espérer des ouragans, des tornades ou des tremblements de terre pour évacuer ce surplus. La situation va se rétablir aux États-Unis. Les mises en chantier augmenteront et l'on aura besoin de bois d'œuvre. Le problème le plus épineux, c'est le secteur des pâtes et papier.

Le sénateur Mahovlich : Dans 20 ans, il y aura 500 millions d'Indiens de plus en Inde; la population augmente et les gens auront besoin de logements. Est-ce que la demande de bois ne devrait pas augmenter en Inde, pour un pays comme le Canada? Est-ce que c'est l'un des éléments que nous pourrions discuter dans le cadre d'un sommet?

Mme North : Notre concurrent n'est pas les États-Unis. En fait, nous devrions collaborer avec les États-Unis pour développer le marché. L'efficacité de nos usines nous procurera certainement un avantage concurrentiel.

En outre, pour ce qui est de la structure de prix au Canada, et en particulier là où nous avons des forêts domaniales, nos concurrents sont l'Amérique du Sud et la Russie, mais leur technologie est dépassée. Ils sont compétitifs en termes de volume et de proximité. Notre autre concurrent est la Scandinavie.

Le sénateur Mahovlich : Qu'en est-il des expéditions d'Amérique du Sud? Le Brésil est un grand pays. Est-ce que le Brésil a de meilleures installations ferroviaires que nous?

Mme North : Ils ont de bien meilleurs ports, en Amérique du Sud.

Le sénateur Mahovlich : Ils en ont plus?

Mme North : Ils en ont plus que ce que nous avons sur la côte Ouest du Canada. De fait, une fois le bois embarqué est sur le navire, il est très économique de l'envoyer en Asie.

M. Coles : M. Kruger vient de recevoir une grosse commande de papier journal du Brésil à l'usine de Corner Brook, et l'on utilise de grands navires de haute mer et des expéditions à fort volume pour profiter de l'accès à ces grands ports. L'Amérique du Sud a d'immenses ports. Si vous pouvez envoyer de grands navires, le transport coûte moins cher l'unité. Ce n'est pas faute d'essayer.

Le sénateur Mahovlich : Il doit être beaucoup plus difficile d'exporter vers l'Inde à partir du Canada qu'à partir de l'Amérique du Sud, n'est-ce pas?

M. Coles : C'est selon. Si vous êtes à The Pas, au Manitoba, vous pourriez peut-être passer par le nord. Nous avons des ports sur cette côte. Mme North a le pire problème sur la côte Ouest, avec ce problème d'accès aux ports.

Le sénateur Mahovlich : L'accès aux ports, c'est un problème important.

Le président : Merci. Nous avons une question supplémentaire du sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : C'est une correction plutôt qu'une question. Il ne faut pas oublier que nous avons une capacité excédentaire dans les installations portuaires de la côte Est, et que les ports de la côte Est sont beaucoup plus près de l'Inde, de certaines régions de la Chine, de l'Indonésie et du Pakistan que tous les ports de la côte Ouest, parce qu'il faut alors passer par le canal de Suez. Nous pouvons utiliser des navires postpanamax. La taille des navires ne nous inquiète pas à Halifax. Le port de Halifax est ouvert et fait des affaires tous les jours.

Le sénateur Robichaud : Ma première question s'adresse au seul politicien dans la pièce, M. Coles. Vous avez parlé d'un sommet. Je crois que c'est une bonne idée. Qui inviteriez-vous?

M. Coles : Je crois que l'on s'entend pour dire que l'on inviterait les gouvernements provinciaux, puis on doit se demander pourquoi le gouvernement fédéral devrait y participer. Le gouvernement fédéral doit intervenir quand il s'agit d'exportations, de toute la réglementation du commerce, de ce genre de choses. Je crois que la manifestation devrait être présidée ou facilitée par le gouvernement fédéral.

Il vaudrait mieux adopter une vaste perspective. Vous voulez une bonne représentation de tous les intervenants, de l'industrie elle-même, des travailleurs, des collectivités, des Premières nations. Je crois que le mouvement environnemental doit venir aussi. Greenpeace a lancé il y a quelques jours une initiative concernant les emplois du secteur forestier en Ontario.

Après toutes ces années dans le secteur forestier, j'ai le sentiment que nous avons une industrie durable sur le plan environnemental. Nous pouvons faire valoir cela. C'est un puits de carbone. C'est tout cela, et je pense que vous pouvez rendre le secteur attrayant. Je suis meneur de claques pour l'industrie, je le confesse, et je pense qu'il est maintenant évident que les produits à base de fibre sont viables et écologiques.

Le sénateur Robichaud : Inviteriez-vous les banquiers?

M. Coles : Je ne sais pas. Je ne l'ai pas demandé aux dirigeants de l'industrie. Ils soulèveront des questions de capitaux, c'est certain. J'aimerais bien que le ministre des Finances y soit.

Le sénateur Robichaud : Vous parlez de réunir bien des gens.

M. Coles : Ce n'est pas facile, et c'est en partie pour cela que les gens hésitent. Toutefois, d'autres secteurs l'ont fait. Vous pouvez accélérer les choses et trouver des moyens. Je veux bien renoncer à n'importe quoi, pourvu que nous passions à l'action et que nous lancions un dialogue et un débat au sujet de ce qu'il faut faire pour remettre l'industrie sur pied, pas seulement pour survivre, mais pour devenir un moteur de l'économie.

Le sénateur Plett : Je ne veux pas lancer de débat ici, au comité, mais j'aimerais demander à Mme North ce qu'elle pense de l'idée d'un sommet.

Mme North : Je ne pense pas que nous ayons besoin d'un sommet. Je ne crois pas qu'il faille encore discuter. Je pense qu'il faut régler quelques problèmes qui touchent la prise de risque et ce qui nous semble être des bilans peu reluisants, depuis quelque temps, et accélérer l'amortissement des immobilisations.

Pour ce qui est de la formation, les provinces s'en occupent; c'est le cas dans ma région. Si nous avons besoin d'un programme dans un collège local, nous y veillons avec la province.

Ce n'est plus le temps de parler. Il faut agir.

Le sénateur Robichaud : Comment pouvez-vous discuter si vous ne les réunissez pas?

Mme North : Je crois que l'industrie sait ce qu'il faut faire. Elle comprend qu'il faut se diversifier, et nous avons des entreprises qui le font déjà, à condition d'avoir les capitaux. En 10 ans, une seule entreprise de produits forestiers s'est inscrite en bourse. C'était Conifex Timber, en juin dernier. Elle a émis des actions lorsque les prix du bois d'œuvre étaient élevés, et elle a très bien réussi. En fait, elle a accès à plus de capitaux qu'il ne lui en faut pour son programme d'acquisitions, pour agrandir une usine qu'elle a achetée à la suite d'une faillite, et elle a en acheté une autre d'Abitibi.

Les intervenants de l'industrie savent ce qu'il faut faire. Si nos garanties de prêt à 25 p. 100 — et même dans un cas à 50 p. 100 — ne sont pas utilisées parce que les banques refusent de prêter même avec de solides garanties, nous avons un sérieux problème.

Le sénateur Robichaud : Notre problème, ce sont les banquiers, n'est-ce pas?

Mme North : Oui.

Le sénateur Robichaud : Madame North, savez-vous s'il y a d'autres collectivités au Canada qui utilisent le même type d'approche intégrée que Williams Lake dans l'industrie forestière? Nous y sommes allés, nous avons visité l'usine. Elle est très perfectionnée, d'après ce que j'ai vu. Nous avons vu les grumes passer dans les machines. C'était d'une rapidité incroyable, et l'ordinateur prenait chaque grume et en faisait ce que vous vouliez. On ne pouvait même pas estimer la longueur de la grume. Il y a aussi des installations de production de granulés, de panneaux de lamelles orientées, et une centrale.

Mme North : L'industrie forestière est tout aussi intégrée à Prince George, à Quesnel et à Mackenzie. Il manque certains éléments dans chaque collectivité. Le Fonds d'écologisation a été extrêmement utile pour rajeunir le secteur des pâtes à Prince George et à Quesnel.

Les défis viendront de la vente de bioénergie. Je suis membre du conseil de BC Hydro, et actuellement nous étudions une demande de biomasse pour la production d'énergie, l'exportation d'une partie de cette énergie et certains obstacles réglementaires de la Californie pour l'exportation d'énergie propre vers la Californie.

Nous avons des grappes, et nous avons des grappes industrielles en développement, par exemple à Burns Lake et à Mackenzie ainsi qu'à Smithers, dans une certaine mesure. Là-bas, on a le bois de construction de dimensions courantes, mais aussi une usine de panneaux. Il n'y a pas d'usine de granulés, et tous les éléments permettant d'utiliser les fibres résiduelles ne sont donc pas réunis. Ils ont le resciage final. Dans les collectivités du centre et du Nord de la Colombie-Britannique, vous voyez des grappes et quelques-unes des scieries les plus efficaces au monde.

M. Lancastle : Je veux souligner que nous voyons des exemples sur le terrain. J'ai pu visiter à l'extérieur de Thunder Bay une scierie qui avait recours au même type d'optimisation informatique que ce que vous décrivez : les copeaux descendaient dans un conduit vers une usine de pâtes de l'autre côté de la rivière, la sciure servait à alimenter le séchoir, la biomasse et le bois d'œuvre étaient classés par ordinateur. C'est le genre de rendement de calibre mondial que nous voyons de plus en plus dans les collectivités du pays. Pour le bois d'œuvre, notamment, plusieurs entreprises ont annoncé des réinvestissements. Le programme d'écologisation des pâtes et papiers a permis à plusieurs entreprises de moderniser leurs installations de biomasse et de bioénergie et d'augmenter la taille des turbines. Il y a de nombreux cas où la situation commence à s'améliorer.

Quant à la position du Canada dans le monde, nos pratiques d'exploitation soutenable nous procurent un avantage concurrentiel. Nombre de nos concurrents internationaux, en particulier en Asie du Sud, n'ont pas de pratiques de foresterie durables. Il y a des problèmes d'exploitation illégale. Plus les consommateurs exigeront de produits faits avec des ressources exploitées de façon durable, et plus le Canada renforcera sa position pour l'avenir.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que nous faisons assez pour faire valoir notre avantage relativement aux endroits où la foresterie n'est pas une industrie écologique?

Mme North : Non. Il n'y a pas de prime du marché actuellement pour cela, c'est un élément du problème. Il y a une prime au volume pour les produits certifiés par le Forest Stewardship Council, mais cela ne donne pas d'avantage au niveau des prix.

Le sénateur Eaton : J'aimerais revenir sur ce que M. Coles a dit au sujet des forêts qui sont écologiques et vertes. J'ai posé la question à Greenpeace, quand ils sont venus. Pourquoi ne pas faire la promotion du bois? Vous êtes très puissants, comme syndicat et comme organisation. Ce serait merveilleux si vous releviez le défi et que vous alliez dans les écoles et les entreprises pour demander aux gens pourquoi ils utilisent des sacs en plastique plutôt qu'en papier. Est- ce que c'est quelque chose qui vous intéresse?

M. Coles : Si vous nous demandez si l'on en fait assez, la réponse est non, évidemment. Depuis 48 mois, j'essaie d'empêcher la faillite et le démantèlement d'une demi-douzaine d'entreprises, et c'est encore un travail quotidien.

Nous ne faisons pas assez pour promouvoir le bois, mais nous sommes membres de coalitions qui s'y efforcent. Il nous faut faire plus. N'oubliez pas qu'il y a eu une guerre dans la forêt, et il a fallu beaucoup de temps pour convaincre bien des gens d'adopter nos pratiques de récolte durables.

Mme North l'a très bien expliqué. Notre problème, c'est que ce n'est pas bon marché.

Le sénateur Eaton : Les enfants croient qu'il ne faut pas couper les arbres. Pourquoi ne pas aller dans les écoles pour leur expliquer que c'est bien de couper un arbre, et encore mieux d'en planter un autre?

M. Coles : Nous le faisons, mais pas assez.

Le sénateur Eaton : Il y a une génération de Canadiens qui n'apprécient pas le caractère écologique du bois.

M. Coles : C'est vrai, et c'est un problème pour nous.

Ils considèrent un téléphone cellulaire, par exemple, comme une solution plutôt que comme un objet fait avec des fibres. Toutes sortes de pressions sociales s'exercent sur les jeunes. Ils sont certainement conscients des mauvaises pratiques de récolte. L'industrie et nous-mêmes n'avons pas fait tout ce que nous aurions dû faire.

Le sénateur Eaton : Nous pourrions tous boycotter les sacs de plastique dans les magasins et demander des sacs en papier. Comment fait-on pour obtenir des résultats? Comment avons-nous réussi à convaincre les gens de cesser de fumer? Si les gens sont suffisamment mobilisés, ils agissent.

Mme North : Les Canadiens des régions rurales dont les économies sont tributaires de la forêt, même les jeunes enfants, apprécient l'industrie forestière. J'ai constaté un décalage dans les centres urbains et les régions qui ne sont pas exposées à l'économie forestière. Nous amenons des enfants du primaire visiter nos installations forestières. Pour le secondaire, nous avons l'opération Heavy Duty, où les élèves peuvent monter sur le matériel pendant deux ou trois jours.

J'ai amené des groupes de jeunes de clubs Rotary de tout le Canada qui sont venus passer deux jours à Prince George pour se familiariser avec l'ensemble du secteur forestier. Ils rentrent chez eux avec des opinions bien différentes. Toutefois, nous devons faire encore plus.

[Français]

Le sénateur Carignan : Il y a un outil dont les écoliers se servent tous les jours et qui pourrait les sensibiliser au bois, il s'agit du crayon. C'est peut-être quelque chose qui pourrait les sensibiliser, mais ce n'est pas le sens de ma question.

Ma question s'adresse à Mme North. Vous dites que vous avez négocié avec Hydro BC pour vendre l'énergie produite par la biomasse et l'exporter en Californie. Puis-je savoir le prix que paie BC Hydro le kilowatt/heure pour de l'énergie produite avec la biomasse?

[Traduction]

Mme North : Je crois que les marchés de biomasse valaient entre 80 et 120 $ environ pour le dernier appel, et il y a encore un appel pour la bioénergie en cours. Je transmettrai les chiffres exacts de la bioénergie à votre greffière.

Le sénateur Carignan : Merci.

Le président : Avant de lever la séance, j'aimerais informer nos témoins et les sénateurs que vendredi, 19 novembre, j'ai participé au premier sommet forestier du Nouveau-Brunswick, organisé par le nouveau gouvernement de la province. C'était la première manifestation de ce genre jamais organisée au Canada. Le résumé est publié en ligne, vous trouverez la liste des participants. Il y avait des bûcherons, des pêcheurs, des chasseurs, des environnementalistes, des dirigeants d'industrie, des travailleurs, des organisations non gouvernementales et d'autres.

À la fin de la séance d'une journée, le coordonnateur de la rencontre a déclaré que la formule avait permis à tous les intervenants de participer aux discussions. Nous étions très satisfaits. Nous avons eu l'occasion d'examiner une démarche d'équipe pour trouver des solutions viables pour les forêts et avantageuses pour le climat.

Je remercie nos témoins de leur participation. Nous avons beaucoup appris.

(La séance est levée.)


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