Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 11 - Témoignages du 25 novembre 2010
OTTAWA, le jeudi 25 novembre 2010
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 5 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue aux témoins qui sont venus à la séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler et je suis du Nouveau-Brunswick. Je préside le comité. La séance se déroulera en deux temps. Nous écouterons nos témoins pendant la première heure, puis nous aurons une période de questions-réponses pendant la deuxième heure.
J'aimerais d'abord que les sénateurs se présentent. Je commence à ma gauche.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn : Je suis Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.
Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de l'Ontario.
Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Kochhar : Vim Kochhar, de Toronto, en Ontario.
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.
Le président : Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation.
[Français]
Ce matin, nous accueillons M. Daniel Arbour, président national du Réseau canadien des forêts modèles. Merci d'avoir accepté notre invitation.
[Traduction]
Nous accueillerons également Mme Jennifer Gunter, directrice exécutive de la British Columbia Community Forest Association. Merci d'avoir accepté notre invitation.
Le comité poursuit son étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada. Nous nous intéressons aujourd'hui en particulier aux forêts communautaires et à certains utilisateurs de la forêt, notamment les chasseurs, les pêcheurs et les parties directement concernées. On nous a signalé que vous représentiez un groupe dont nous voulions entendre le témoignage.
La greffière m'a fait savoir que nous débuterions avec M. Arbour, puis que nous poursuivrions avec Mme Gunter. Vous avez la parole, monsieur.
Daniel Arbour, président national, Réseau canadien de forêts modèles : Je remercie le Sénat et le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de m'accueillir ce matin. Il s'agit d'un exposé à la préparation duquel les personnes avec lesquelles je travaille ont mis beaucoup de cœur; j'espère donc rendre justice à nos nombreux membres.
Je ferai mon exposé en très grande partie en anglais. On m'a accordé une quinzaine de minutes, mais je signale que je n'utiliserai pas la demi-heure complète si vous espériez nous entendre parler pendant une heure.
Je représente le Réseau canadien de forêts modèles qui est une organisation nationale regroupant 15 forêts membres. Le Réseau a été établi en 1992. Nous représentons 300 collectivités, donc 55 sont des collectivités des Premières nations et avons 1 000 partenaires à travers le pays. Nous faisons également partie d'un réseau international dans la création duquel le Canada a joué un rôle de chef de file. Il y a environ 55 membres dans le monde qui collaborent avec nous et avec lesquels nous avons des interactions.
Pour donner un bref aperçu historique, le concept de forêt modèle a été élaboré après la Conférence de Rio, à l'instigation du Canada et d'autres pays participants. Pendant plusieurs années, le Service canadien des forêts, qui fait maintenant partie de Ressources naturelles Canada, a été le champion et l'hôte du réseau. Il y a trois ans, le réseau national est devenu un organisme sans but lucratif. Nous travaillons avec les 15 forêts membres et assurons le leadership en ce qui concerne des enjeux communs à l'échelle nationale, tous liés au secteur forestier.
Pour décrire le concept de façon plus précise, je signale que ces forêts constituent essentiellement des partenariats. Le concept a toujours été lié aux possibilités de réunir divers intervenants pour examiner les questions ardues alors que le secteur forestier évolue.
Autrefois, il arrivait rarement que des groupes environnementaux, des entreprises forestières, des Premières nations et les maires de certaines villes se réunissent et examinent ces questions ensemble. Ce n'est plus aussi rare, mais avec les forêts modèles, nous avons des tables très dynamiques à travers le Canada. À de nombreux endroits, vous verrez les maires assis avec des chefs des Premières nations et des représentants d'entreprises forestières. Ce sont toujours ces personnes-là qui assurent le leadership et tentent de trouver des fonds pour aider leurs collectivités affiliées à proposer des solutions durables.
Un autre de nos principes clés est celui de la gestion durable des forêts et des terres. Un grand nombre de nos tables sont extérieures au secteur forestier, car je ne pense pas que l'on puisse travailler avec des œillères. Nous collaborons souvent avec d'autres secteurs de ressources et participons souvent à de la gestion intégrée des terres, pour essayer de déterminer quels sont les meilleurs usages pour la forêt.
Une grande partie de notre travail est également liée à la communication du savoir. Visiblement, le fait d'avoir une présence dans chacune des provinces et à l'échelle internationale offre des possibilités de communication inouïes. On ne fait parfois qu'effleurer en quelque sorte cet aspect, mais puisque vous venez des différentes provinces, je suis certain que vous êtes conscients des leçons apprises qui peuvent être transmises et qui donnent matière à réflexion.
C'est la clé, surtout dans le contexte de ce qui se passe au niveau politique. Lorsqu'on apporte certaines innovations dans une province, il arrive que nous nous réunissions pour réfléchir au fait que ce serait peut-être une bonne idée qui mériterait d'être importée ou une leçon apprise venant de l'extérieur. C'est vrai à l'échelle mondiale. Nous avons des représentants qui vont en Amérique du Sud ou en Suède; il existe actuellement un réseau régional en Asie du Sud-Est. De nombreux échanges importants se déroulent à l'intérieur de notre réseau.
C'est là, dans les grandes lignes, en quoi consiste notre organisation. Je répondrai bien volontiers aux questions concernant l'historique.
Actuellement, une grande partie de notre financement vient du Programme des collectivités forestières, qui a été établi en 2007 par Ressources naturelles Canada. C'est un financement de base de cinq ans qui permet à tout le réseau de fonctionner. Le Service canadien des forêts, qui fait partie de Ressources naturelles Canada, a été un excellent partenaire.
Je suis certain que vous connaissez mieux la Colline que moi, mais le renouvellement est dû en mars 2012. Nous y pensons fort, en espérant que le gouvernement fédéral restera un partenaire vigoureux.
En ce qui concerne ce qui a été accompli grâce au Programme des collectivités forestières, au cours des trois dernières années, à l'échelle nationale, nous avons reçu avec les différentes forêts modèles, un total de 13 millions de dollars. Nous avons multiplié ces fonds grâce à d'autres fonds et porté le montant total à 52 millions de dollars. Je pense que ce fait témoigne de la puissance du partenariat; il démontre en outre que nous ne restons pas passifs et que nous ne nous contentons pas de recevoir des fonds, mais que nous avons un impact dans le monde et que nous amenons des partenaires à la table.
Je voulais seulement donner un aperçu général de la nature de notre organisation. Je pense que votre comité s'intéresse surtout à certaines de nos opinions sur ce qui se passe et sur ce que nous voyons se passer sur le terrain, dans le secteur forestier.
J'ai lu avec intérêt votre rapport de mi-parcours. J'ai également examiné le document que vous avez produit sur la pauvreté rurale. J'ai été très impressionné par le travail accompli. J'ai également examiné la réponse du gouvernement et découvert plusieurs programmes dont j'ignorais l'existence.
Il ne fait aucun doute que le secteur forestier traverse encore une crise profonde. Dans nos 300 collectivités, nous connaissons de nombreuses personnes qui aspirent à des jours meilleurs. Ma tante est la mairesse de New Richmond, en Gaspésie. Cette localité a perdu son usine et 300 emplois. Ma tante a dû présenter une nouvelle politique, rien que pour retenir les gens dans la localité.
Sa première politique a été que la municipalité s'est mise à payer les couches et le lait. Ce n'était qu'une action symbolique visant à donner le message suivant aux jeunes familles : « Restez avec nous, restez dans notre collectivité et nous trouverons une solution ». À partir de cela, la municipalité s'est appliquée à élaborer quelques programmes et à imaginer de nouvelles approches pour continuer à aller de l'avant.
Il y a des situations semblables en Ontario, en ce qui concerne Northeast Superior. Certaines des villes sont en difficulté. Certaines ont perdu leur assiette fiscale et ont par conséquent beaucoup de difficulté à fonctionner. En Colombie-Britannique, c'est un cas semblable dont vous entretiendra certainement ma collègue plus tard.
Plusieurs témoins ont mentionné les causes du déclin dans le secteur forestier — baisse fondamentale de la demande de papier journal, concurrence des pays en développement avec toutes les incidences économiques que cela implique, taux de change, difficulté d'accès au crédit et changements dans l'approvisionnement forestier. Je pense que la structure de l'industrie en est la cause essentielle.
En matière d'économie forestière, on pense souvent à des cycles plus courts. C'est parce que les êtres humains sont soumis à des cycles à plus court terme. À Ottawa, on établit un cycle de deux ans ou de quatre ans — le cycle du gouvernement. Où je suis, la situation est la même en ce qui concerne les municipalités et les sources de financement sans but lucratif.
Mon opinion, et celle de nombreux membres, est que nous arrivons peut-être au terme d'un cycle de 100 ans; au cours des 100 dernières années, nous avons adopté une certaine approche à l'égard de l'utilisation de la ressource forestière. Cette approche était basée sur des terres qui étaient vides, puis nous avons adopté en quelque sorte une mentalité axée sur le volume et sur les exportations.
J'essaie d'imaginer à quoi ressembleront les 100 prochaines années. C'est alors que je constate que ce n'est pas tout le monde qui réfléchit à des politiques ou à une vision pour les 100 prochaines années — comme à un monde nouveau, dans lequel le Canada est maintenant complet et où l'approvisionnement forestier et la donne économique changent. Ce sera peut-être un monde dans lequel l'eau, la biodiversité, le carbone et toutes les autres valeurs liées à la forêt commenceront à prendre de l'importance par rapport au seul critère de la valeur de la fibre.
Cette situation devrait modifier notre vision de la structure de l'industrie et de la façon dont les collectivités tirent des richesses des forêts qui les entourent. On a de la difficulté à le concevoir, car les politiques nécessaires ne sont pas en place. Des marchés ne sont pas encore établis pour certains produits dont nous discutons.
Nous savons tous qu'en ce qui concerne les biens et services écologiques, à l'échelle mondiale, on perçoit une forte tendance à essayer d'aller de l'avant, liée au changement climatique. Nous sommes actuellement dans une période intermédiaire, au cours de laquelle tout notre capital social et financier est bloqué dans le modèle des 100 dernières années et commence à diminuer. Nous piétinons certains de ces actifs.
Nous comprenons que la valeur n'est plus là et que nous devons créer une nouvelle valeur. Vous avez entendu les commentaires des représentants de l'Association des produits forestiers du Canada sur l'aspect technologique de la question. Des innovations étonnantes se font dans la fabrication de produits à valeur ajoutée. L'autre élément auquel les collectivités aspirent est une approche intégrée en matière de gestion des forêts et de recherche des possibilités d'en retirer d'autres bienfaits.
J'ai remarqué dans vos documents que le comité essaie également de déterminer comment le gouvernement fédéral pourrait participer à des solutions. J'aimerais en apprendre davantage à ce sujet et je poserai des questions, peut-être pas aujourd'hui, mais à d'autres occasions. Dans votre document, vous avez fait mention à plusieurs endroits de la création d'un ministère des Affaires rurales et de la nécessité d'une collaboration entre différents ministères pour intervenir dans les collectivités rurales du Canada, dans le secteur forestier et dans d'autres secteurs. C'est très intéressant. Je signale que la plupart des collectivités n'ont jamais uniquement affaire au secteur forestier; on va peut- être à une réunion sur le secteur forestier un jour puis à une autre sur la pêche le lendemain. Des défis se posent dans tous les secteurs des ressources naturelles et une approche intégrée est profitable.
Je pourrais avancer que l'on a déjà, en quelque sorte, un petit ministère des Affaires rurales, avec le Réseau canadien de forêts modèles, où sont réunis différents types de financement pour élaborer des solutions créatives. Nous nous enthousiasmons lorsqu'on parle de rompre avec les structures traditionnelles et d'apporter de nouvelles approches aux collectivités. C'est alors que les collectivités réagissent, car elles veulent participer.
Je m'arrêterai là. Je voulais vous donner un bon aperçu de la nature de notre organisation. J'apprécie beaucoup l'occasion que j'ai d'être ici aujourd'hui.
Le président : Merci, monsieur Arbour.
Jennifer Gunter, directrice exécutive, British Columbia Community Forest Association : Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie pour cette invitation à comparaître ce matin.
Les collectivités forestières du Canada sont confrontées à des changements remarquables dus, comme vous en êtes conscients, à une série de facteurs écologiques et économiques. Les multiples crises qui touchent le secteur forestier canadien ont été bien documentées dans le rapport intérimaire du comité. J'ai beaucoup apprécié l'exposé de M. Arbour. J'ai aimé l'idée de réfléchir aux 100 prochaines années et de discuter de notre vision pour cette période. Les collectivités rurales et les Premières nations cherchent des solutions de rechange à ce qui s'est passé au cours des 100 dernières années. Elles cherchent des façons de stabiliser leurs économies locales pour offrir des possibilités d'emplois à long terme. En Colombie-Britannique, un nombre croissant de ces collectivités considèrent la foresterie communautaire comme un moyen de relever les nombreux défis qui se posent à elles.
J'ai préparé quelques diapositives destinées à servir de point de référence pour mes commentaires. Pour vous donner une idée de la nature de mon exposé, je commencerai par définir « foresterie communautaire ». Je me concentrerai sur le nouveau régime foncier instauré en Colombie-Britannique appelé le « community forest agreement » (entente sur les forêts communautaires). Je ferai quelques commentaires sur son état d'avancement. Je mentionnerai certains des avantages de la foresterie communautaire et citerai quelques exemples. Je donnerai quelques brèves informations sur la British Columbia Community Forest Association et terminerai mon allocution par quelques recommandations.
Comment définir la foresterie communautaire? Elle existe dans pratiquement tous les pays renfermant des forêts, sous une forme ou sous une autre. Les définitions sont par conséquent variées, mais, en substance, la foresterie communautaire désigne le contrôle des populations locales sur les ressources forestières, au profit des collectivités locales. Un de mes amis, qui est forestier professionnel, propose la définition suivante. D'après lui, « La foresterie communautaire, ce sont les décisions prises par les personnes qui doivent en supporter les conséquences; il s'agit de trouver des solutions locales aux questions litigieuses, de conserver les avantages dans la communauté; c'est une très bonne idée et c'est une des choses les plus difficiles que j'ai jamais faites ». En Colombie-Britannique, les racines de la foresterie communautaire remontent aux années 1940. Le concept a pris racine seulement depuis une dizaine d'années, sous la forme d'ententes sur les forêts communautaires, prises en vertu du Forest Act de la Colombie-Britannique.
Le programme des ententes sur les forêts communautaires a été instauré en 1998; c'est une des plus récentes formes de régime de propriété forestière de la Colombie-Britannique. Les ententes sur les forêts communautaires sont de nature locale et accordent aux collectivités les droits exclusifs de récolte du bois dans leur région en leur donnant également la capacité de gérer d'autres ressources forestières comme les produits botaniques forestiers. Les forêts communautaires sont établies pour une durée de 25 ans et sont remplaçables tous les 10 ans. En théorie, des permis d'exploitation à perpétuité sont accordés aux collectivités.
Chaque forêt communautaire est unique. Des ententes peuvent être détenues par une municipalité, une société communautaire, une coopérative, une société, un conseil de bande d'une Première nation ou un partenariat de n'importe laquelle de ces entités. Les forêts communautaires sont assujetties à tous les règlements qui régissent la gestion des forêts en Colombie-Britannique, comme le Forest and Range Practices Act et elles paient des redevances à la Couronne fondées sur une structure tarifaire tabulaire spéciale. En date du mois de novembre, 54 collectivités en étaient à une étape ou l'autre de la planification d'une forêt communautaire ou en exploitaient une. Ensemble, les forêts communautaires ne représentent qu'environ 1,5 p. 100 de la récolte provinciale annuelle; il s'agit par conséquent d'un programme de relativement petite taille.
Quels sont quelques-uns des avantages? Les avantages de la foresterie communautaire sont différents d'une collectivité à l'autre parce que toutes les collectivités sont différentes et qu'elles ont des valeurs et des priorités différentes en matière de gestion forestière. Les collectivités gèrent une zone déterminée pour le long terme. Des incitatifs sont créés pour axer la gestion sur un éventail aussi large que possible de produits forestiers. Cette façon de faire soutient les moyens de subsistance locaux et crée une assise pour le développement et la diversification économiques.
Des études en provenance de différents pays indiquent que les collectivités capables de jouer un rôle significatif dans la gestion ont trouvé des moyens d'éviter la surexploitation des ressources locales. C'est à ce niveau-là qu'intervient l'avantage de la gérance. En foresterie communautaire, les décisions de gestion sont prises par ceux qui doivent en supporter les conséquences et la rétroaction peut être immédiate. Avec des régimes fonciers régionaux efficaces, les collectivités deviennent les intendantes de leurs forêts locales.
Les forêts communautaires développent également la participation et peuvent aider à résoudre des conflits locaux. Elles encouragent la communication et renforcent les relations entre les collectivités et les populations autochtones et non autochtones. Elles offrent en outre des possibilités d'éducation, de formation et de perfectionnement professionnel. Elles explorent des possibilités d'aider leurs collectivités à réduire leurs empreintes carbone. Elles créent un lien entre les gens et la terre et contribuent à une meilleure sensibilisation du public à la gestion forestière et à l'écologie.
J'aimerais vous emmener dans la forêt pour illustrer ces remarques et donner des exemples de forêts communautaires en activité en Colombie-Britannique.
La première diapositive montre le conseil d'administration de la Forêt communautaire de Likely-Xat'sull (Soda Creek). Il s'agit d'un partenariat à parts égales entre la très petite collectivité de Likely et la bande indienne de Soda Creek. Le gestionnaire a dit ceci : « Nous ne travaillons pas à la foresterie communautaire; nous la vivons ». La plupart des personnes actives en foresterie communautaire sont passionnées par leur travail.
Cette forêt communautaire maximise les profits en vendant des grumes de valeur supérieure à une scierie locale faisant des produits spécialisés. Avec les bénéfices, les membres de la collectivité s'appliquent à diversifier leur économie. Pour ce faire, ils font la promotion du tourisme et des loisirs dans leur collectivité. Ils font également des contributions importantes aux services de santé et aux services communautaires locaux, comme l'achat d'une ambulance, pour desservir leur collectivité très éloignée.
Voyons maintenant la Forêt communautaire de Harrop-Procter. Elle est située dans la région du Kootenay, où je vis. La protection de bassins hydrographiques servant à la consommation ou de l'eau potable est sa principale mission. En 1994, les membres de la collectivité manifestaient en fait contre l'exploitation forestière industrielle; des barrages routiers avaient été érigés et des arrestations avaient été faites. Aujourd'hui, grâce à l'établissement d'une forêt communautaire utilisant un plan de gestion fondé sur l'écosystème, la collectivité a pu élaborer des plans de récolte et faire de l'abattage dans ses bassins hydrographiques, selon des méthodes qui sont respectueuses des valeurs environnementales locales et qui protègent les services écologiques.
Je partagerai volontiers avec vous d'autres histoires intéressantes plus tard, si d'autres exemples vous intéressent.
En 2009, la Table ronde des forêts, de la Colombie-Britannique, a atteint un consensus sur 29 recommandations ayant pour objet d'assurer la prospérité de l'industrie forestière; l'une de ses principales recommandations était d'élargir le Community Forest Agreement Tenure Program.
Outre les avantages pour les collectivités que j'ai déjà mentionnés, quelle est la raison de vouloir élargir le programme des forêts communautaires? Une des raisons les plus impératives est le développement à valeur ajoutée. Comme vous le savez, la difficulté d'accès à la fibre a été un facteur limitatif dans la création d'un secteur manufacturier du bois dynamique et varié, surtout en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises. Les petites entreprises manufacturières ont besoin d'une source fiable et stable de matière première, ce que peuvent assurer les régimes fonciers communautaires à long terme. Les forêts communautaires ont la capacité de livrer des produits à tous les groupes d'utilisateurs afin qu'ils puissent vendre leurs grumes aux grosses scieries spécialisées dans la fabrication des 2 x 4 mais aussi aux plus petits artisans, comme le luthier de guitares.
Les forêts communautaires espèrent attirer d'autres fabricants de produits en bois dans leurs collectivités et les inciter à travailler directement avec les gestionnaires de ces forêts. Avec un approvisionnement en bois assuré, à long terme, les entreprises à valeur ajoutée peuvent concentrer leurs efforts sur la fabrication et la commercialisation de leurs produits. Ces photographies représentent une entreprise appelée West Coast Log Homes, qui profite d'un approvisionnement en bois assuré venant de la Forêt communautaire de Sunshine Coast.
Alors que le programme des ententes sur les forêts communautaires a beaucoup de potentiel, il n'en est qu'à ses débuts en Colombie-Britannique, et cela pose de nombreux défis. Ces ententes sont en fait une cheville carrée dans un trou rond pour le monde des entreprises forestières traditionnelles.
La British Columbia Community Forest Association a été créée en 2002 et nous travaillons au nom des forêts communautaires en vue d'améliorer leurs conditions de fonctionnement. Nous sommes une société sans but lucratif regroupant plus de 50 organisations qui gèrent des forêts communautaires ou s'appliquent à en établir. Notre travail actuel inclut la collaboration avec l'État pour élargir le programme et améliorer les politiques régissant les forêts communautaires. Nous aidons à établir des liens entre les forêts communautaires et des entreprises manufacturières à valeur ajoutée, par le biais de nouveaux programmes et nous nous appliquons à créer la marque de commerce des forêts communautaires en racontant nos histoires et en rehaussant notre profil.
J'ai apporté des DVD que nous avons créés il y a environ un an et qui racontent l'histoire de six forêts communautaires; vous y trouverez également une introduction. Je vous invite à les regarder et à en discuter avec vos collègues. Nous avons aussi établi un partenariat avec la faculté de foresterie de l'Université de la Colombie- Britannique pour effectuer de la recherche et élaborer du matériel didactique ainsi que des pratiques exemplaires sur la gouvernance et la gestion des forêts communautaires. En fait, l'UCB vient de lancer cet automne une nouvelle spécialisation en foresterie communautaire et autochtone.
Pour en revenir à la création d'une marque de commerce et à notre DVD, le premier résultat de notre travail dans ce domaine a été la participation des forêts communautaires au projet des podiums des Jeux olympiques de 2010 de Vancouver. Vous n'en avez peut-être pas entendu parler, mais 14 des 23 podiums étaient faits de bois donné par les forêts communautaires et ce programme a été facilité par le ministère des Forêts, des Mines et des Terres de la Colombie-Britannique et par le VANOC, le Comité organisateur de Vancouver pour les Jeux olympiques de 2010 et les Jeux paralympiques d'hiver. C'était une occasion excitante pour nous. Cette diapositive montre un des podiums.
Les forêts communautaires sont un nouveau modèle très intéressant de gestion forestière et nous estimons que l'aide fédérale est utile dans plusieurs domaines. Avec l'appui des fonds fédéraux par le biais des programmes du ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest et du Programme Développement des collectivités d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, la British Columbia Community Forest Association a apporté et continue d'apporter un soutien essentiel aux collectivités et aux Premières nations. Nous sommes très reconnaissants pour cette aide et voyons d'autres occasions très intéressantes de participation fédérale. Par exemple, les programmes pourraient appuyer le développement d'un secteur manufacturier du bois à valeur ajoutée vigoureux et diversifié et tout programme qui peut contribuer à la croissance de nouvelles entreprises et à la création d'emplois, de concert avec des régimes fonciers à caractère communautaire, sera profitable.
Un soutien constant est également nécessaire pour que les programmes réduisent le risque de feux de forêt catastrophiques et pour se remettre de l'invasion du dendroctone du pin ponderosa. Il est en outre nécessaire de financer le transfert des connaissances sur la foresterie communautaire entre les provinces. Ce concept obtient de plus en plus d'appui et suscite pas mal d'intérêt dans d'autres provinces du Canada et de l'intérêt pour les initiatives que nous prenons en Colombie-Britannique, mais on manque de ressources pour partager l'expérience et le savoir.
En outre, les récents programmes fédéraux ont joué un rôle très important pour plusieurs forêts communautaires. L'emploi est l'objectif prioritaire dans de nombreux cas et les programmes fédéraux ont eu un impact important en aidant les gens à retrouver du travail.
Comme l'a mentionné M. Arbour, et j'ai pris note de ses commentaires sur la pauvreté rurale, ce sont des temps très difficiles pour la plupart des collectivités rurales, mais 10 ans après l'instauration de ce projet pilote sur le régime des forêts communautaires, celles-ci démontrent leur capacité de créer des emplois locaux et de gérer les ressources locales de façon à répondre aux besoins, aux valeurs et aux priorités de la collectivité. Elles sont positionnées pour répondre aux besoins du secteur à valeur ajoutée qui a une importance capitale pour l'avenir de l'industrie forestière. Les marchés locaux et internationaux cherchent des produits faits de façon écologiquement et socialement responsable; je pense que les forêts communautaires peuvent fournir ces produits.
Au cœur des défis actuels qui se posent à l'industrie forestière et aux collectivités dépendantes de la forêt, les forêts communautaires sont un outil unique en leur genre pour créer et maintenir des collectivités plus résilientes et plus autonomes. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup pour un travail bien fait, comme on dit dans ma région.
Avant d'entamer la période des questions, je rappelle aux honorables sénateurs que nous avons également un deuxième groupe de témoins; il nous reste donc une trentaine de minutes à passer avec ces témoins-ci.
Le sénateur Eaton : Monsieur Arbour, nous avons appris au cours des délibérations de ce comité qu'il existe une énorme différence d'appréciation des forêts entre les habitants des régions rurales et ceux des régions urbaines; ceux des régions urbaines n'ont peut-être pas été éduqués. Ils pensent peut-être que l'abattage d'un arbre est une chose terrible au lieu de le percevoir comme une occasion. Votre association fait-elle ce type d'éducation?
M. Arbour : Oui. C'est très important. Je citerai deux exemples. Le groupe des forêts modèles de Terre-Neuve et Labrador a travaillé avec le ministère de l'Éducation à l'élaboration d'un programme de cours pour les jeunes, visant à les sensibiliser aux valeurs et aux possibilités liées à la forêt, et ce programme a été très bien accueilli. On a même créé des sacs à dos pour permettre aux jeunes de sortir de leur village pour aller se promener dans les bois. Le sac à dos contient toutes les fournitures nécessaires. C'est pour les petits.
À Ottawa, j'ai un collègue de la Forêt modèle de l'Est de l'Ontario qui a une interface très vigoureuse entre la foresterie urbaine et la foresterie rurale. Le concept de la forêt urbaine est une bonne façon de sensibiliser le public au fait que la plupart des villes sont situées dans la forêt. Nous sommes entourés d'arbres et on ne devrait pas les gérer au niveau des quartiers, car nous sommes dans la forêt. Il y a un écosystème dans les environs immédiats d'Ottawa.
Nous faisons la promotion de certains programmes éducatifs. Je n'essaierai pas de prétendre que c'est la principale mission de l'association, mais c'est une de nos activités.
Le sénateur Eaton : Merci.
Madame Gunter, pourriez-vous donner quelques informations sur les produits forestiers botaniques? Nous avons entendu parler des bleuets et des champignons. Est-ce de cela que vous parlez?
Mme Gunter : Ce sont assurément les types de choses dont nous parlons. L'entente sur les forêts communautaires a été le premier régime forestier en Colombie-Britannique à conférer les droits de gestion au titulaire d'un permis afin de gérer les produits forestiers ou les ressources forestières non ligneuses, comme on les appelle.
On note actuellement l'absence de réglementation dans ce domaine; par conséquent, de nombreuses forêts communautaires hésitent à lancer de telles initiatives, mais elles ont, en théorie, le droit de les gérer. Certaines d'entre elles établissent de petits projets. Par exemple, la Forêt communautaire de Likely-Xat'sull (Soda Creek) que j'ai mentionnée plus tôt a mis sur pied cette année une entreprise de fabrication de couronnes. On a fait venir un monsieur du Nouveau-Brunswick, qui est également la province dont je suis originaire, pour donner des ateliers et aider la population locale à lancer une entreprise qui récolte des arbres de très petite taille ayant peu de valeur, qui sont expédiés pour un usage précis, et dont on prélève les branches maîtresses pour faire des couronnes de Noël. On constate que la fabrication des couronnes de Noël est plus rentable que le bois.
Ces initiatives n'en sont qu'à un stade initial.
Le sénateur Eaton : Nous avons entendu parler des traités avec les Premières nations. Serait-il utile pour la British Columbia Community Forest Association que l'on signe davantage de traités? Avez-vous ce problème avec les Premières nations?
Mme Gunter : Je pense que tout le monde aimerait que le processus des traités progresse, et c'est certainement un problème majeur en Colombie-Britannique. Cela dit, quelques Premières nations détiennent des ententes sur les forêts communautaires et les considèrent comme un moyen pour leur collectivité d'être reliée et d'avoir un certain contrôle sur le territoire forestier dans leur région. Par ailleurs, d'autres collectivités non autochtones doivent consulter les Premières nations pour faire approuver tous leurs plans d'exploitation, mais ce processus peut être bloqué à cause de traités non réglés. La réponse à votre question serait donc oui.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie pour vos exposés. C'était intéressant. Vous avez donné de nouvelles informations que nous n'avions pas encore ou, du moins, c'était présenté sous un nouvel angle.
Madame Gunter, je prévois la réponse à cette question, mais est-ce que toutes vos forêts communautaires sont certifiées?
Mme Gunter : De quelle façon?
Le sénateur Mercer : Il existe maintenant un processus de certification pour les forêts, de telle sorte que le bois qu'elles produisent a une marque de commerce et est certifié durable.
Mme Gunter : Bien. Elles ne le sont pas. Certaines d'entre elles le sont. La Forêt communautaire de Harrop-Procter que j'ai décrite dans mon exposé est certifiée par le Conseil de gérance des forêts, le CGF. C'est actuellement la seule qui a cette certification.
D'autres manifestent un vif intérêt pour la certification. Pour le moment, elles constatent toutefois que les coûts sont très élevés, ce qui constitue un obstacle pour elles. Nous nous mettons à examiner les possibilités de réduire les coûts de certification pour ces exploitations relativement petites.
Le sénateur Mercer : Je prévoyais que ça poserait un problème. Nous avons déjà entendu dire que le coût de certification constituait un obstacle, mais nous arrivons dans un marché où, finalement, tous nos produits devront être certifiés pour l'exportation. Étant donné que vous avez plusieurs forêts communautaires, y a-t-il possibilité de les faire certifier dans le cadre d'un plan de gestion collectif plutôt qu'individuel?
Mme Gunter : Je pense que oui. Ça nous intéresse d'examiner cette possibilité.
Le sénateur Mercer : Y a-t-il des forêts communautaires à l'extérieur de la Colombie-Britannique?
Mme Gunter : Oui. M. Arbour pourrait peut-être donner des informations plus précises à ce sujet. Il y a quelques exemples au Nouveau-Brunswick. Je ne pense pas qu'une autre province ait le même type de régime forestier s'appliquant aux terres de la Couronne que la Colombie-Britannique. Notre programme est assurément le plus vaste, mais différents modèles sont examinés dans d'autres provinces.
Je sais que le Québec et l'Ontario s'y intéressent beaucoup. Je pense que le Yukon a un nouveau régime de forêts communautaires, mais je ne suis pas sûre qu'il soit opérationnel pour le moment.
Le sénateur Mercer : Merci. Nous devrions peut-être prendre en note qu'à une date ultérieure — pas nécessairement pendant que nous faisons cette étude —, lorsque nous irons en Colombie-Britannique pour une mission ou l'autre, nous devrions penser à visiter des forêts communautaires, même si notre étude porte alors sur l'agriculture. Nous devrions nous arrêter et en visiter une lorsque nous serons dans le voisinage.
Le président : La greffière en prendra note.
Monsieur Arbour, avez-vous des commentaires à faire sur cette question?
M. Arbour : Comme l'a mentionné Mme Gunter, pour enrichir la base de connaissances, les forêts communautaires commencent à faire école à travers le pays. Je pense que c'est définitivement en Colombie-Britannique que cela a commencé en force. Notre président de la Forêt modèle de Terre-Neuve a visité la Forêt communautaire de Whistler et est retourné à Terre-Neuve pour se mettre à travailler avec ses collaborateurs. Je voudrais pouvoir vous donner l'information exacte, mais on a commencé à y créer une forêt communautaire ou on est sur le point de le faire.
Je voudrais également faire des commentaires sur la certification. C'est une question très importante au Canada. Alors que nous tentons de concevoir le nouveau modèle pour les 100 prochaines années, je pense que vous avez raison de présumer qu'on aura systématiquement besoin de certification. Les certifications ne sont pas toutes égales. J'ai été heureux d'entendre des commentaires sur certains systèmes de certification actuels. Il y a également dans le pays deux excellents programmes pour les forêts modèles, l'un en Ontario et l'autre en Colombie-Britannique, qui permettent aux petites entreprises de se faire certifier.
La solution pour réduire les coûts est de réunir toutes ces petites entreprises sous une seule bannière. Notre organisation gère un programme dans le cadre duquel 30 entreprises sont certifiées sous une seule et même bannière; 23 d'entre elles constituent une chaîne de possession et je pense qu'une est une forêt communautaire, puis il y a également quelques propriétaires de boisés. Dans l'Est de l'Ontario, plusieurs propriétaires de terres privées partagent également un programme de certification du Conseil de gérance des forêts. C'est la voie de l'avenir.
Le président : Monsieur Arbour, si vous voulez donner des informations supplémentaires, par exemple les dernières informations ou des informations précises sur la question posée par le sénateur Mercer, sentez-vous libre de le faire.
Le sénateur Plett : Comme on l'a déjà signalé, nous avons entendu plusieurs exposés différents au cours des neuf ou dix derniers mois, et ils étaient tous intéressants. J'ai trouvé les vôtres très intéressants. Merci beaucoup d'être venus donner de l'information.
J'ai quelques questions à poser. Monsieur Arbour, en ce qui concerne la forêt modèle, vous avez parlé d'un millier de partenaires et de 55 forêts. Nos notes indiquent qu'il y a plusieurs organisations affiliées, notamment la Forêt modèle du Manitoba. Où est située cette forêt modèle? Il faut que j'aille la visiter.
M. Arbour : Lorsque j'y suis allé, il y a deux ans, il faisait très froid.
Le sénateur Plett : Il y fait très froid actuellement.
M. Arbour : Nous avons atterri à Winnipeg et nous avons fait un voyage extraordinaire. Le point zéro pour cette forêt modèle se trouve dans la région de Pine Falls et, à partir de là, elle s'étend vers le nord. Elle couvre un territoire assez important et la forêt modèle envisage une expansion dans d'autres régions de la province. Il y a une demande pour le concept de la forêt modèle. Si vous voulez vous y rendre, vous seriez obligé d'atterrir à Winnipeg, où il fait froid, puis de vous diriger vers le nord.
Le sénateur Plett : Je vis à Winnipeg et, par conséquent, je n'aurais qu'à faire environ une heure et demie de route. Je connais bien la région. En fait, j'ai de la famille juste à l'extérieur de Pine Falls. Je ne pense pas qu'il fasse plus froid à Pine Falls que dans le reste du Manitoba.
M. Arbour : Je suis sûr que nous pourrions y organiser une visite guidée également.
Le sénateur Plett : J'aimerais ça. Nous pourrions peut-être en discuter en dehors de la séance du comité. J'aimerais avoir plus d'information à ce sujet.
Madame Gunter, j'ai particulièrement aimé un des commentaires accompagnant vos diapositives, à savoir que les décisions étaient prises par les personnes qui doivent en subir les conséquences. Je pense que c'est un excellent commentaire. On prend trop souvent des décisions dont d'autres personnes doivent finalement subir les conséquences.
J'ai une question pour vous deux. Nous avons entendu parler d'un très grand nombre de programmes différents et il semble qu'il y ait beaucoup de concurrence entre de formidables organisations qui ont à peu près les mêmes activités. Dans vos exposés, j'ai trouvé de nombreuses ressemblances entre une forêt modèle et une forêt communautaire; j'aimerais par conséquent que vous m'expliquiez la différence. À mes yeux, la plupart des éléments sont les mêmes. Pourquoi a-t-on besoin d'une organisation appelée forêt modèle et d'une autre appelée forêt communautaire? Êtes- vous en concurrence pour les mêmes fonds? Quelle différence y a-t-il?
Veuillez prendre une minute ou deux pour m'expliquer la différence, puis je voudrais que vous me disiez brièvement de quoi le podium était fait. Était-il fait d'une seule pièce de bois ou était-ce du bois lamellé?
M. Arbour : Notre rôle est d'établir des partenariats et, par conséquent, nous ne sommes jamais en concurrence. Nous formons toujours des partenariats. En bref, les exigences pour le concept de forêt modèle ne sont pas nécessairement liées à une gestion active des terres. Les forêts communautaires, elles, sont en fait des entités juridiques qui gèrent des parcelles de terre; elles ont par conséquent des droits de propriété sur ces terres.
Une forêt modèle est généralement une vaste zone régionale qui englobe des terres de la Couronne, des terres privées, des forêts communautaires et des terres appartenant à une Première nation. Il s'agit souvent d'un partenariat entre des parties ayant des intérêts très différents sur les terres alors que la forêt communautaire est une parcelle de terre précise qui est gérée activement par le groupe qui en est responsable. C'est la principale distinction.
Je voudrais faire des commentaires sur la concurrence pour le financement, ce qui est en fait plus important. J'assistais hier soir au gala de remise du Prix Boréal, où j'ai fait des rencontres. Il y a également le système de biosphère au Canada. C'est intéressant, car nous finissons avec des programmes très différents qui sont financés par les provinces et par le gouvernement fédéral. De part et d'autre, c'est-à-dire au gouvernement et dans le secteur sans but lucratif ou le secteur financé, nous nous tournons tous vers l'avenir et nous nous demandons où sont les synergies. Ceux qui ne le font pas s'abusent, car les ressources se font plus rares et il faut être très au courant des types de synergies que l'on crée sur ce territoire; on en revient encore à l'approche intégrée et à l'intervention de différents ministères. C'est difficile à réaliser à Ottawa actuellement en raison des exigences du Conseil du Trésor. Si l'on veut que plusieurs ministères collaborent, un préavis de deux ans est nécessaire pour concevoir un nouveau programme. Des organisations comme les nôtres peuvent parfois aider à réunir ces sources de financement.
Mme Gunter : M. Arbour a très bien répondu. La principale différence, c'est que les forêts communautaires sont liées aux droits de gestion qui sont accordés à une collectivité ou à une entité communautaire. La collectivité gère la forêt comme une entreprise, récolte le bois, réalise des bénéfices et les réinvestit dans la collectivité. Le concept de l'interpénétration est une bonne idée. Une forêt communautaire pourrait faire partie d'une grappe régionale plus vaste d'institutions et d'entreprises qui travaillent ensemble.
Après avoir écouté l'exposé de M. Arbour, j'entrevois davantage de possibilités d'échange d'information et de collaboration. En travaillant dans nos petites collectivités rurales, on peut avoir une vision tubulaire et ne penser qu'à ce qu'on essaie de faire sur le plan local. C'est une excellente idée d'apprendre davantage sur des programmes comme le Réseau canadien de forêts modèles et d'essayer de profiter de leurs expériences et de leurs ressources. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, il n'y a pas suffisamment de ressources pour nous permettre d'apprendre et d'échanger des connaissances ou de l'information à l'échelle provinciale, mais en particulier à l'échelle nationale.
Le sénateur Plett : Pourriez-vous brièvement donner de l'information sur le podium?
Mme Gunter : Le podium était un projet très intéressant. Aux Jeux olympiques de Vancouver, quelle que puisse être votre opinion, les organisateurs ont essayé d'apporter tout ce qu'ils pouvaient, toutes les différentes innovations, et ils l'ont bien fait.
Le sénateur Kochhar : Pourriez-vous montrer à nouveau cette diapositive?
Mme Gunter : Oui. Le Centre for Advanced Wood Processing de l'Université de la Colombie-Britannique a participé au projet et a confectionné les podiums à la machine. Ils ont été assemblés par un atelier de fabrication de Vancouver qui avait recruté de jeunes défavorisés désireux d'apprendre la charpenterie. Ils ont été amenés pour assembler les podiums. Le bois était sélectionné parmi les arbres de forêts communautaires et d'autres groupes de la province; pour chaque podium, on a utilisé une essence différente. Le podium représenté sur cette photo a été fait avec du bois donné par la Forêt communautaire de Revelstoke. Des tranches ont été coupées au laser, si je ne me trompe, puis assemblées, c'est-à-dire collées ensemble. C'est du débitage de précision. On a créé un modèle, puis les pièces de bois ont été débitées pour s'ajuster d'une façon précise.
Le sénateur Plett : C'est un programme sensationnel.
Mme Gunter : Je peux vous donner des renseignements plus précis à ce sujet.
Le sénateur Plett : Je ne sais pas si c'est nécessaire. C'est en tout cas intéressant à voir et il semblerait que ce soit un projet formidable. Merci.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Arbour, est-ce que la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent fait partie de votre réseau? Je traverse la péninsule gaspésienne d'Edmundston à Rivière-du-Loup et je vois des enseignes qui disent « la forêt modèle ». Maintenant, je ne sais pas si c'est la forêt modèle du Bas St-Laurent ou du Témiscouata. Fait-elle partie de votre réseau?
M. Arbour : Oui. Merci pour la question. Chaque réseau à ses succès et ses leçons. Malheureusement, la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent a cessé d'opérer. C'est quelque chose que tous les partenariats vivent, ils rencontrent des difficultés. Comme je vous le dis, garder une table d'industries, de groupes environnementaux de gens régionaux, les acteurs et les priorités peuvent changer. Il n'y a pas beaucoup de forêts modèles qui sont tombées. Il y a encore des champions dans la région qui travaillent sur des projets, mais en tant que groupe, malheureusement, on a perdu la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent. Il y en a deux au Québec, au Lac-Saint-Jean et dans les Laurentides, à Mont-Laurier.
Le sénateur Robichaud : J'ignorais complètement qu'elle n'existait plus comme forêt modèle. Madame Gunter, vous avez de la compétition lorsque vous voulez établir une forêt communautaire, n'est-ce pas? Les gros entrepreneurs, les grosses compagnies qui veulent de la fibre résistent-ils au mouvement que vous dirigez?
[Traduction]
Mme Gunter : Il y a bien sûr de la compétition. Dans certaines régions se manifeste de la résistance parce que c'est un nouveau modèle. La plupart des forêts communautaires vendent des grumes. Elles vendent souvent leurs grumes à de grosses scieries tout en essayant d'attirer de plus petites entreprises manufacturières. Elles établissent également des relations pour la fibre, avec de grosses entreprises. Elles peuvent faire partie d'une mosaïque intégrée dans une région.
C'est lorsqu'on envisage d'élargir le programme des forêts communautaires que les difficultés commencent. Vous n'êtes certainement pas sans savoir qu'il faut rendre compte de chaque arbre. Le grand défi qui se pose au gouvernement provincial, c'est de trouver un moyen d'élargir le programme des forêts communautaires. On examine la possibilité de donner davantage de concessions forestières aux Premières nations, ainsi que pour les boisés. Il y a concurrence pour les terres. Nous pensons que les forêts communautaires ont un rôle important à jouer et c'est de cela que notre association fait la promotion.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Nous parlons de forêts modèles. Encouragez-vous les gens de la région à découvrir tous les produits naturels qui peuvent provenir des arbres comme, par exemple, l'eau de bouleau. Une entreprise au Québec essaie d'extraire l'eau de bouleau. Il y a un marché pour cela et, semble-t-il, qu'on l'importe de la Suisse. Il y a également l'if; ce qu'on appelle chez nous le sapin rampeur, d'où on extrait des substances bénéfiques pour la santé.
Encouragez-vous les gens à explorer cette avenue et à marchander ces produits?
M. Arbour : Non seulement nous encourageons les gens, mais nous avons apporté de l'aide pour la création de petites entreprises. Je suis content que vous ayez parlé de l'eau de bouleau. J'aurais bien aimé arriver ici ce matin avec un de nos produits de la forêt modèle du Lac-Saint-Jean : une bière de bouleau.
Le sénateur Robichaud : Sommes-nous invités à visiter cette forêt modèle?
M. Arbour : Oui, n'importe quand. Nous sommes allés au Lac-Saint-Jean; on était là, il y a un an, et toutes les forêts modèles du Canada ont réussi à obtenir de la bière de bouleau.
Au-delà de cela, ce qui est intéressant sur ce site c'est l'intégration de l'agriculture et de la foresterie. Il y a une région de bleuets et ils commencé à intégrer forêt et bleuets. Ils appellent cela la forêt-bleuet. Le modèle a obtenu tant de succès que la forêt modèle de l'Ontario a importé l'idée et des aires ont été créées.
Pour tous les produits autres que la fibre, nous essayons d'investir avec les gens des régions pour développer ces entreprises. Comme Mme Gunter le disait, ce n'est pas facile. Les économies d'échelle ne sont pas toujours présentes, mais il y a beaucoup d'innovations dans ce domaine.
Le sénateur Robichaud : Il y a beaucoup de potentiel également, d'après les différents témoignages que nous avons entendus. Je vois une personne dans l'auditoire, là-bas, qui fait de grands signes de tête et qui semble appuyer ce que vous dites.
Madame Gunter, est-ce la même chose en Colombie-Britannique?
[Traduction]
Mme Gunter : On y manifeste un certain intérêt. Comme l'a fait remarquer M. Arbour, on a de la difficulté à faire démarrer ces nouvelles entreprises en raison de l'absence d'économies d'échelle.
La dernière diapositive que j'avais était celle de la plante appelée « bois piquant ». Je pense qu'elle a plusieurs propriétés médicinales. Elle abonde dans la Forêt communautaire de McBride. On l'appelle ainsi parce qu'elle a des épines. C'est ce qu'on examine parce qu'on y voit un potentiel commercial.
Un des facteurs clés, c'est l'intérêt que portent les Premières nations à ces plantes et leurs connaissances ancestrales des propriétés médicinales. Ça peut devenir un sujet délicat. Surtout pour les forêts communautaires non autochtones, il est important d'élaborer de bons partenariats et des partenariats avec les Premières nations.
Le président : Merci, madame Gunter. Je vous ai entendue dire quelques mots en français. Vous avez un bon accent français. Je suis certain que vous êtes un produit de l'immersion française.
[Français]
C'est le résultat de l'immersion linguistique au Nouveau-Brunswick. Je vous félicite.
Mme Gunter : C'est vrai, mais cela fait très longtemps.
[Traduction]
Le sénateur Kochhar : Merci. Vous avez fait des exposés instructifs et bien informés. Vous avez parlé l'un et l'autre d'un modèle pour 100 ans. Certains d'entre nous ont de la difficulté à s'imaginer ce que ça représente. J'aurais aimé que vous nous fassiez part de vos projets pour les deux, les quatre ou les cinq prochaines années.
Vous avez parlé de forêts modèles et de forêts communautaires. Une forêt modèle peut être appelée forêt communautaire et une forêt communautaire peut être appelée forêt modèle. Pourquoi ces deux appellations? Pourquoi ne se contente-t-on pas d'une formule simple, de trouver quelque chose et de l'appliquer à l'échelle du pays?
La troisième question que vous avez posée concerne l'intervention du gouvernement fédéral. Votre type de projet est un projet local que vous pourrez ensuite élargir à la région et à la province. Dès l'instant où le gouvernement fédéral intervient, il y a davantage de règlements à respecter et plus d'obstacles sur le chemin du progrès. Je ne sais pas pourquoi vous voudriez que le gouvernement fédéral intervienne dans des projets communautaires. Vous pouvez répondre tous les deux.
M. Arbour : Je pense qu'il est exact que les principes sur lesquels reposent les approches communautaires que nous avons présentées aujourd'hui ont de nombreuses similitudes. Si vous vouliez diriger les efforts pour répandre ce modèle à travers le Canada, nous offririons volontiers notre aide. Comme l'a fait remarquer Mme Gunter, ce dont nous discutons aujourd'hui, ce n'est pas de la structure du paysage canadien.
Je suis convaincu que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer en offrant son leadership. Je pense que quelqu'un a fait mention du Conseil canadien des ministres des forêts. Certains programmes ont absolument besoin de la participation fédérale pour un transfert adéquat du savoir, pour des partenariats adéquats et pour une participation internationale. Nous travaillons sur un projet circumboréal qui commence au niveau communautaire et a des ramifications régionales, nationales et internationales. Il y a maintenant huit sites dans la forêt boréale. Il y a des sites en Suède et en Russie qui permettent d'avoir une vue d'ensemble de la forêt boréale et d'adopter simultanément une approche internationale et locale. C'est extrêmement intéressant et c'est, en majeure partie, le Canada qui en est l'instigateur. Oui, les projets sont locaux, mais je pense que le gouvernement fédéral a un rôle très intéressant à jouer au niveau des politiques et des échanges. Je ferai la même suggestion en ce qui concerne les forêts communautaires, car on essaie d'introduire ces modèles dans d'autres régions.
Vos questions sont bonnes. Pour ce qui est des différences entre les forêts communautaires et les forêts modèles, ce que nous considérons comme des différences n'en sont peut-être pas pour le grand public. Cependant, si nous pouvons exposer nos principes, et vous comprenez de quoi nous parlons en principe, vous pouvez alors nous considérer comme faisant partie de la même équipe.
Le sénateur Kochhar : Vous avez posé une question concernant l'aide fédérale. Demandez-vous de l'aide financière? Dès l'instant où le gouvernement fédéral accorde des fonds, il doit placer un bureaucrate ici, au siège administratif, et ça coûte autant que ce que vous donne le gouvernement. Il faudrait établir un mécanisme qui permettrait de procéder d'une façon différente plutôt que de s'adresser constamment au gouvernement fédéral pour obtenir des fonds.
Mme Gunter : Je peux répondre à cette question. Certains des programmes émanant du gouvernement fédéral dont nous avons profité étaient axés sur le développement et la diversification économiques des collectivités; ils visaient surtout les collectivités qui traversent effectivement une crise ou une période de transition. Comme je l'ai déjà fait remarquer, nous avons encore besoin de cet appui. L'objectif est toutefois de créer des collectivités plus autonomes. Nous espérons que ce ne soit pas de la dépendance, comme vous l'avez décrite, mais de l'appui pour une période de transition.
Pour en revenir à votre question concernant les perspectives pour les deux à quatre prochaines années, les marchés sont extrêmement défavorables pour les forêts communautaires de la Colombie-Britannique. La période actuelle est une période difficile pour exploiter une entreprise forestière. C'est en partie la raison pour laquelle notre association s'applique à attirer davantage de petites entreprises à valeur ajoutée dans nos collectivités et à donner une image de marque aux forêts communautaires. Cela fait partie d'un programme éducatif visant à faire mieux connaître nos activités, les avantages de la foresterie communautaire et les produits que nous pouvons fournir. Nous essayons actuellement de renforcer notre assise sur une petite échelle et d'améliorer ainsi la situation des entreprises en diversifiant cette activité économique à l'échelle locale et régionale.
J'aimerais pouvoir aujourd'hui me mettre immédiatement à créer des visions pour les 100 prochaines années, mais les forêts communautaires s'appliquent actuellement à fonctionner comme des entreprises et à trouver le moyen de payer leurs employés et de réussir.
Le président : Avant de donner la parole au sénateur Fairbairn, pour la gouverne du comité et pour m'assurer que c'est consigné au compte rendu, je rappelle que le premier ministre du Canada a annoncé le Programme de forêts modèles à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, à Rio de Janeiro, en 1992.
Le sénateur Fairbairn : Je suis très heureuse de vous voir. Je suis de l'Alberta et je me demande si vous pourriez communiquer quelques réflexions et quelques idées sur ce dont vous avez discuté dans le sud de la province, à proximité des montagnes, car c'est la région d'où je viens. Les arbres y abondent et la forêt boréale se trouve au Nord d'Edmonton.
Vous avez exposé le travail qui se fait et expliqué vos activités. Savez-vous si, dans ma province, une bonne partie de vos activités vont dans cette direction également?
M. Arbour : C'est une période très passionnante pour nous, en Alberta. Le plus récent membre de notre réseau est la Forêt communautaire de Webberville, qui est le champion pour le projet régional. Elle fait un partenariat avec le secteur forestier et le secteur agricole.
Le sénateur Fairbairn : Ce serait dans le sud.
M. Arbour : Oui. Cette forêt modèle est active. Jusqu'à présent, elle n'a pas reçu beaucoup de fonds. De nombreuses forêts modèles dans le monde sont formées par un regroupement de plusieurs collectivités et par la mise en commun des ressources. C'est essentiellement le point de départ pour les habitants de Webberville. Cette forêt modèle attire déjà des partenaires qui apportent des ressources, parfois des liquidités, mais cette initiative en est à ses débuts. Ce serait formidable si vous pouviez leur rendre une visite.
Dans le nord, il y a, dans les alentours de Hinton, une de nos forêts modèles qui a le mieux réussi à réunir des partenaires de l'industrie et la province. Elle a une table très dynamique et un budget important — si bien qu'actuellement, elle ne reçoit pas de fonds fédéraux. La forêt modèle a mûri suffisamment pour atteindre son objectif et pour arriver à se tenir debout, mais des fonds sont parfois nécessaires pour les périodes de transition, comme l'a souligné Mme Gunter. En Alberta, les forêts modèles ont bénéficié d'un partenariat avec le secteur des ressources et de l'approche en matière de gestion intégrée des terres.
On y a également tenu le forum mondial il y a deux ans; des visiteurs de toutes les régions du monde sont venus à Hinton et ont discuté de gestion forestière à travers le monde. C'était une discussion très intéressante et c'était très bien organisé.
Je vous laisserai faire des commentaires sur les forêts communautaires en Alberta. Je ne connais que celle de Webberville.
Mme Gunter : Vous en savez plus que moi sur la foresterie communautaire en Alberta.
Le sénateur Fairbairn : C'est formidable. Est-ce que cela entraîne une participation vigoureuse des Autochtones?
M. Arbour : Oui, absolument. Comme je l'ai déjà signalé, ces partenariats sont essentiels, dans tout le pays. Au niveau national, certains partenariats s'appliquent à travailler avec des groupes comme l'Assemblée des Premières Nations. Je pense qu'à tous les niveaux, l'avenir des régions rurales du Canada dépend de la nouvelle relation entre la société canadienne et les Premières nations. Je suis en Colombie-Britannique également, et nous le savons très bien là- bas. Ce sont sans contredit des partenaires essentiels. Certains de nos présidents sont des membres des Premières nations. Les régions rurales du Canada comptent de nombreuses collectivités dont une grande partie sont des collectivités des Premières nations.
Le sénateur Fairbairn : C'est bon à entendre. Merci.
Le sénateur Mahovlich : Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation. Je suis né dans le Nord de l'Ontario, dans une région de bleuets, en périphérie de Timmins. Les bleuets ont besoin d'un sol acide et d'une forêt. C'est très difficile d'avoir une forêt. Vous avez dit que vous élaboriez des produits basés sur la forêt dans la région du Lac-Saint- Jean. Y a-t-il maintenant davantage de bleuets au lac Saint-Jean?
M. Arbour : Oui.
Le sénateur Mahovlich : Sont-ils cultivés?
M. Arbour : C'est une combinaison. Il y a l'agriculture avec les champs de bleuets, puis, il y en a dans les forêts, où l'on fait une gestion de l'écosystème; on s'est mis à faire des coupes à rétention variable. On a pris conscience du fait qu'à certains endroits, le bleuet offrait davantage de perspectives de profits que la fibre. On a instauré des programmes expérimentaux pour vérifier si c'est bien le cas.
Ce n'est pas seulement une initiative à caractère économique. Il y a des chercheurs qui étudient l'impact sur la forêt, la biodiversité, et cetera.; cependant, d'un point de vue économique, c'est une approche très intelligente et très intéressante pour essayer d'en tirer davantage profit.
J'ai mentionné que la Northeast Superior Forest Community examinait cette approche et qu'elle avait destiné une série de terres à cette fin précisément. Ce n'est pas encore à grande échelle, mais ça marche.
Le sénateur Mahovlich : Le gouvernement serait intéressé d'investir dans quelque chose comme ça. C'est à ce niveau- là que le gouvernement interviendrait. Est-il possible de visiter ces endroits au Lac-Saint-Jean?
Mme Gunter : Oui.
Le sénateur Mahovlich : Y a-t-il des bleuets en Colombie-Britannique?
Mme Gunter : Absolument.
Le sénateur Mahovlich : Quelle est la baie favorite en Colombie-Britannique?
Mme Gunter : Je pense que ce sont les gueules noires, dans ma région du moins.
Le sénateur Mahovlich : Chaque province a une baie préférée. Sur la côte est, il y a du pain de perdrix. Si vous voulez une tarte au pain de perdrix, il faut aller sur la côte est.
Mme Gunter : Les baies me font penser à la Forêt communautaire de Likely-Xat'sull (Soda Creek). Au tout début, les responsables ont préparé leur plan de gestion sur une table de cuisine. Ils ont commencé humblement. Les forestiers et les techniciens sylvicoles qui allaient dans la forêt aimaient ramasser des baies et leurs épouses faisaient de la confiture; les responsables ont donc décidé de lancer une entreprise de confection de confitures. On a fait de la confiture aux gueules noires, un peu de confiture aux bleuets, de la confiture aux canneberges et, je pense, de la confiture au mahonia à feuilles de houx. Ils ont constaté qu'on pouvait gagner davantage au début, à vendre de la confiture qu'à vendre des grumes. Ils en vendent encore. On s'y intéresse.
Comme l'a fait remarquer M. Arbour, il est aussi nécessaire de faire de la recherche sur la récolte durable.
Le sénateur Mahovlich : En hiver, j'achète des bleuets en provenance de l'Argentine et du Brésil. Ce sont des bleuets cultivés et ils n'ont pas autant de goût.
Le sénateur Kochhar : Bien sûr que non — ce ne sont pas des bleuets canadiens.
Le président : C'est terminé pour notre premier groupe.
[Français]
Monsieur Arbour, merci d'avoir accepté notre invitation. Vous nous avez fourni beaucoup d'informations et je vous en remercie.
[Traduction]
Madame Gunter, je vous remercie d'être venue. J'espère qu'il n'y a pas ce que j'appelle une embâcle de billes de bois sur nos rivières.
Mme Gunter : Merci de m'avoir donné cette occasion.
Le président : Au nom du comité, j'accueille maintenant Dominic Dugré, président de la Fédération canadienne des associations de pourvoiries. Monsieur Dugré, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation.
[Français]
Dominic Dugré, président, Fédération canadienne des associations de pourvoiries : Merci, monsieur le président. Je suis président depuis 2008 de la Fédération canadienne des associations de pourvoiries. Je suis secrétaire général, depuis 2000, de la Fédération des pourvoiries du Québec, l'association provinciale au Québec. Pour dire quelques mots sur la Fédération canadienne des pourvoiries, l'historique date de 2003. Vous vous rappellerez peut-être la crise de la vache folle en 2003, à ce moment-là, les États-Unis avaient fermé leurs frontières à l'exportation de viande de ruminants ce qui incluait non seulement le bœuf, mais la viande de caribou, d'orignal et de chevreuil. Donc, indirectement, on a été fortement affecté par cette crise. On a essayé de s'en sortir parce que beaucoup de nos entrepreneurs broyaient du noir. On a initié des discussions d'une province à l'autre, d'une association de pourvoiries à l'autre et, au fil des ans, on a vu qu'on avait vraiment un intérêt à se réunir ensemble pour discuter de sujets d'intérêts nationaux. En 2007, la Fédération canadienne des associations de pourvoiries a été créée officiellement.
Actuellement, nous comptons dix membres dans cette fédération. Il y a les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon, la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et Terre- Neuve-et-Labrador. La Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard ne sont pas membres, je crois que ce n'est pas très structuré ou qu'il n'y a pas beaucoup de pourvoiries qui se sont réunies pour avoir l'occasion de se joindre à notre groupe.
Les dix provinces représentent un minimum de 2 000 entreprises de pourvoiries dispersées à travers le Canada essentiellement en régions isolées, donc en régions éloignées du Canada. Deux mille entreprises qui sont spécialisées essentiellement dans l'offre d'activités de chasse et de pêche, mais aussi, de plus en plus, d'offres d'activités de plein air de toute sorte.
Cette industrie procure un minimum de 20 000 emplois annuellement à des Canadiens et génère des retombées économiques.
Les chiffres que je vous donne sont très conservateurs. Nous sommes une organisation jeune. Nous n'avons pas encore d'études sur l'économie générée par les pourvoiries, mais on peut sans crainte affirmer que c'est bien au-delà d'un milliard de dollars pour les régions du Canada.
Les pourvoiries constituent une industrie touristique de premier plan. Le Canada, à l'international, est vu comme étant un grand pays et reconnu pour ses grands espaces, pour l'abondance de sa faune. À ce titre, l'industrie de la pourvoirie, présente dans les forêts du Canada, dans les grands espaces, on est au premier plan pour l'accueil de cette clientèle internationale. On est une vitrine de premier plan.
D'ailleurs, cela commence à être reconnu et, hier, j'avais une réunion avec une commission du tourisme, qui désire promouvoir le Canada comme étant une destination de première classe pour la pêche à l'international.
Cette reconnaissance, nous en avons une preuve aussi ce matin, je veux vous remercier de nous avoir invités, je pense que pour une jeune organisation comme la nôtre, c'est un honneur d'être invité à partager notre point de vue sur le sujet de la foresterie au Canada.
La pourvoirie en milieu forestier, c'est très important, particulièrement depuis quelques années en tant que crise forestière. Plusieurs communautés sont gravement touchées par les fermetures d'usines. Dans certaines régions, c'est notre secteur qui a pris le haut du pavé dans l'offre d'emplois, des emplois très importants pour les communautés de quelques centaines de personnes.
J'entendais tantôt le sénateur Eaton qui disait avoir déjà pêché en Gaspésie. Vous n'êtes pas sans avoir que des communautés, comme Saint-Jude, dépendent en grande partie de la pêche au saumon. Cela est vrai dans plusieurs régions du Canada.
Ce produit, chasse, pêche et plein air, repose essentiellement sur une chose, oui, l'abondance de la faune mais aussi la qualité de l'environnement. Les gens vont en forêt pour se ressourcer, pour chasser, pour pêcher, mais sans forêt, ce n'est pas la même chose. La qualité de l'environnement du territoire d'opération des pourvoiries est au cœur même de cette entreprise.
À notre avis, dans le contexte où nous sommes invités aujourd'hui, la clé du succès de l'interface entre l'industrie forestière et l'industrie de la pourvoirie se situe dans la planification.
Je veux mentionner que l'industrie de la pourvoirie, peu importe la province, n'est pas contre les coupes forestières. C'est important pour certaines communautés, à certains égards, cela peut être bon pour la faune. L'idée est de voir comment les deux peuvent travailler ensemble pour un meilleur avenir pour les deux industries.
Traditionnellement, notre industrie considère ne pas avoir reçu toute la considération qu'elle mérite. Je n'étalerai pas d'histoires d'horreur. Des coupes à blanc, des territoires de pourvoirie coupés complètement, qui ont occasionné la fermeture de pourvoiries, cela s'est vu régulièrement. Cela se voit de moins en moins depuis une quinzaine d'années. Plusieurs de nos membres ont encore en tête l'époque où, sans avertissement, les débusqueuses arrivaient sur le terrain, en pleine saison de chasse, les chasseurs devaient quitter et, une semaine après, le territoire de chasse était rasé.
Les entrepreneurs de pourvoirie investissent sur des terrains qui ne leur appartiennent pas, les terres publiques. Cela prend de la foi pour investir 500 000 $ ou 750 000 $ sur des terres qui ne nous appartiennent pas. Cela génère des revenus récurrents, année après année, contrairement à l'industrie forestière qui va exploiter un secteur donné et qui va revenir 30 ans après, la pourvoirie est là, année après année, et génère une économique récurrente pour la région.
Une peur que nous avons, c'est qu'en temps de crises ou de volonté de sortir l'industrie forestière de la crise, c'est qu'on mette un accent trop prononcé sur une réduction des coûts d'approvisionnement. Si elle est faite tous azimuts, cela peut vouloir signifier que les contraintes aux coupes, on va les laisser tomber.
Nous avons toujours demandé, pas toujours avec succès, il faut le dire, d'avoir des modalités de coupe particulière sur nos territoires, d'avoir une autre voie d'accès que celle qui avait été planifiée, pour ne pas briser ce que nous avions mis en place comme produit de plein air. Le chemin peut être déplacé cinq kilomètres à l'ouest. Cela peut occasionner des coûts à l'industrie forestière. Mais cela nous permet de continuer de mettre à profit le plan d'affaire mis de l'avant et avoir du succès avec nos entreprises. On a toujours été vus comme une contrainte.
La cohabitation entre les deux industries n'est pas seulement nécessaire mais elle peut aussi être bénéfique. Je vais vous citer une étude drôlement intéressante dans le contexte où on dit que les analyses réalisées actuellement démontrent un gain économique important lorsque les deux activités, foresterie et pourvoirie, sont prises en compte dans l'ensemble des niveaux de planification. Ainsi, à la lumière des premiers résultats d'analyse, il est possible d'affirmer que, de façon générale, l'activité économique de la pourvoirie est de l'ordre de 40 p. 100 de celui de la foresterie et que les coûts supplémentaires d'aménagement représentent environ quatre p. 100 du coût d'opérations, mais seulement sur une faible partie du volume exploitable. La prise en compte de la synergie possible entre les éléments de protection environnementale nécessaire et la réponse aux besoins des entreprises touristiques, en termes de protection du milieu, diminue encore plus le coût réel et permet, dans la plupart des cas, d'avoir un impact nul sur la possibilité forestière. On aura donc un bénéfice plus grand pour l'ensemble des deux industries.
En conclusion, la clé réside dans la planification et la prise en compte des besoins des entreprises touristiques en termes de protection des paysages. Personne ne va vouloir louer un chalet dans une pourvoirie si elle est dévastée, s'il n'y a pas de bois sur la rive en face. Vous avez aussi la protection des habitats fauniques, des corridors migratoires, la plupart des animaux vont migrer, dans une certaine mesure, chacun selon leurs besoins. Il y a aussi la question de la gestion des voies d'accès qui peut varier d'une pourvoirie à l'autre, d'une province à l'autre. Certaines entreprises vont vouloir, si des chemins forestiers sont construits, fermer les chemins immédiatement après les coupes pour pouvoir préserver un produit uniquement accessible par avion pour préserver la qualité de la pêche ou de la chasse. D'autres, vont vouloir que les chemins demeurent pour pouvoir diminuer les coûts, à la fois d'opérations du pourvoyeur et aussi d'accès de la clientèle. Les besoins varient d'un endroit à l'autre.
La planification doit impérativement tenir compte des deux parties quant aux terrains et dans les relations gouvernementales. Trop souvent, dans les provinces, les ministères responsables de la forêt et de la faune ne se parlent pas assez. Souvent c'est l'industrie forestière qui remporte le haut du pavé.
Le sénateur Rivard : Je suis très impressionné. Je ne pensais pas que 20 000 emplis étaient générés par votre industrie et que les retombées économiques étaient de plus d'un milliard de dollars. À l'exception de nos concitoyens canadiens des autres provinces, la clientèle étrangère vient d'où?
M. Dugré : La majorité de la clientèle vient des États-Unis. Dans certaines provinces, pour la chasse, si on parle de Terre-Neuve, Alberta, Yukon, Colombie-Britannique, plus de 95 p. 100 de la clientèle des pourvoiries vient principalement des États-Unis.
Pour ce qui est du Québec, nous avons une bonne portion de clientèle américaine, notamment pour la chasse au caribou, mais de plus en plus la clientèle européenne fréquente le Québec pour des activités de chasse et pêche.
Le sénateur Rivard : En ce qui concerne la pêche au saumon, est-ce que les règlements sont les mêmes que ceux des provinces comme le « catch and release » si le saumon n'atteint pas un poids X, on doit le rejeter ou est-ce que c'est typique au Canada?
M. Dugré : Dans une large mesure, c'est typique au Canada et typique au Québec aussi. Je ne suis pas spécialiste en saumon, ce que je sais, c'est que le Québec a une gestion particulièrement serrée de ses rivières à saumon. Quand on est rendu où on peut dire que dans une rivière il est monté 437 grands saumons et 675 petits saumons, c'est une gestion très fine et à peu près unique dans le monde, ce qui permet d'autoriser la garde de certains saumons, parce que nous avons des seuils de conservation très bien documentés. Nous avons des rivières témoins.
Dans le Maine, par exemple, cette pratique n'est pas aussi poussée. Nous sommes à l'avant-garde au Québec dans la gestion du saumon. Il y a des mesures permanentes et il y a des mesures, je dirai, ad hoc, selon la montaison des saumons.
Le sénateur Rivard : On sait que les pourvoyeurs sont sûrement à l'aise. Est-ce que vous avez des revendications des employés des pourvoiries? Si on compare avec les pêcheurs de homard, de crabe, et cetera, dans certaines régions, ils trouvent les saisons trop courtes, ils demandent des prolongations de programmes d'assurance-emploi. Est-ce qu'on peut dire que les employés de pourvoiries publiques sont moins touchés en raison de leur salaire supérieur? Est-ce comparable, selon vous?
M. Dugré : Les salaires ne sont pas du tout comparables, si on parle avec l'industrie de la pêche en haute mer. Nos employés sont saisonniers, les salaires sont moindres, c'est l'industrie touristique. Il n'y a pas de revendications des employés. Pour les entrepreneurs, on peut avoir des demandes financières. La grande demande, c'est un allègement règlementaire. On en est rendu que cela tue la passion de plusieurs de ces entrepreneurs. Cette passion est nécessaire pour investir un demi-million de dollars, trouver le financement, une institution qui voudra nous prêter pour bâtir une auberge sur une terre, qui ne nous appartient pas. Il faut mettre notre maison en garantie. Cette passion nécessaire est bafouée par trop de réglementation, pas seulement au provincial, au gouvernement fédéral aussi, non seulement face à l'industrie forestière mais aussi face à une panoplie de ministères, c'est compréhensible dans une certaine mesure, mais nous ne sommes pas considérés.
Transports Canada a modifié récemment la Loi sur la marine marchande. On a des règlements qui s'appliquent aux embarcations de plaisance. Du moment qu'il y a un guide à bord d'une embarcation de plaisance, ce n'est plus une embarcation de plaisance, même si c'est la même chaloupe de 16 pieds. Cela devient une embarcation commerciale. C'est une règlementation totalement différente. Si vous venez dans une entreprise de pourvoirie et vous louez une embarcation, vous pouvez naviguer avec votre carte de conducteur de bateau. Je vais limiter mes commentaires sur cette carte. Vous pouvez naviguer sur un plan d'eau de plus de deux milles avec cette carte. Les poissons n'ont pas mordu. Vous voulez un guide. On installe un employé à bord de la même embarcation. Cet employé, qui a une connaissance intime du milieu, a besoin d'une formation d'une semaine pour vous conduire. Vous, vous avez besoin de votre carte. Lui, il a besoin d'une formation d'une semaine. Cette formation se donne à Grande-Rivière au Québec. Vous avez environ 600 entreprises au Québec dont plusieurs qui opèrent dans le grand Nord. Nous avons des employés saisonniers, un fort roulement de personnel. Comment voulez-vous que nos entrepreneurs parviennent à former tous ces gens? Imaginez les millions que cela peut coûter à la grandeur du Canada. C'est le type de règlementation qui fait en sorte que les gens ne peuvent pas physiquement, financièrement se conformer. Il y en a dans plusieurs secteurs, au-delà des exigences financières pour l'entretien des chemins, cet aspect est vraiment dramatique pour notre industrie.
Le sénateur Robichaud : La chasse au chevreuil vient de se terminer au Nouveau-Brunswick. J'ai parlé avec plusieurs chasseurs qui n'étaient pas contents parce qu'ils n'avaient pas pu récolter le trophée qu'ils cherchaient, un chevreuil avec 15 ou 18 pointes. On me dit, je parle du Nouveau-Brunswick et j'affirme gratuitement parce que des chasseurs me l'ont dit, que la faune a beaucoup moins d'espace, d'une part, pour s'abriter, d'autre part, pour se nourrir et qu'on a peut-être relâché les normes du passé. Est-ce que vous pouvez commenter là-dessus?
M. Dugré : Les situations peuvent différer grandement d'une province à l'autre, je ne connais pas la géographie exacte du Nouveau-Brunswick. Si je reporte cette question pour le Québec, par exemple, oui, c'est un élément qui a été soulevé dans le sud du Saint-Laurent où il y a essentiellement des terres privées. Il y a de moins en moins de boisés. Dans les dernières années, de nombreux boisés ont été coupés pour pouvoir planter du blé d'inde et étendre du purin, et cetera.
Pour les terres publiques, d'une manière générale, je vous dirais que ce n'est pas nécessairement un gros problème au Québec. Oui, il y a des coupes de bois mais cela va déplacer les animaux. Cela va nous affecter parce qu'on ne peut pas se déplacer.
Sur la question du chevreuil, les dernières années ont été difficiles. Les conditions hivernales ont été excessivement difficiles pour le cheptel. Des baisses importantes ont été constatées partout. Cependant, je vous dirais que notre modèle de réglementation en matière de chasse a prouvé son efficacité depuis plusieurs années. Quand il le faut, on réduit le nombre de permis. Je pense que pour la gestion des troupeaux, des espèces, je pense que le travail qui est fait est quand même assez bon.
Est-ce qu'il pourrait y avoir plus d'espace des terres privées? Assurément.
Le sénateur Robichaud : Lorsque les autorités octroient de grands espaces pour des coupes intensives, est-ce qu'il y a une consultation à savoir si, à l'intérieur de cette zone, il y a des endroits sensibles qui devraient être protégés et que l'on va vers vous pour s'assurer que l'on va aller chercher de la fibre, mais qu'on ne détruise pas le territoire où vous menez vos affaires.
M. Dugré : Je vais parler pour le Québec. Je ne suis pas familier avec la réglementation des autres provinces. Je sais que cette situation se produit dans les autres provinces. Oui, nous sommes consultés. Depuis 2002, 2003, il y a une profonde réflexion faite au niveau de la gestion des forêts au Québec. Des consultations sont maintenant obligatoires. Les territoires de coupe sont divisés en différentes zones. Les territoires de pourvoirie peuvent varier entre 10 et 300 kms2. Les consultations sont maintenant menées parce que dans un élan de régionalisation au Québec, ce sont ces instances régionales qui vont aider à la planification des coupes forestières.
On a des pourvoiries dans la situation où elles sont à cheval sur deux ou trois régions forestières. Dans chacune, il peut y avoir deux ou trois compagnies qui opèrent la coupe de bois. On est déjà arrivé à 12 personnes que nous devons consulter et à qui on doit présenter nos projets. Il y a une obligation de respecter la planification, mais aucune sanction n'entre en jeu lorsque ce n'est pas respecté.
On a un cas particulièrement choquant actuellement dans l'ouest du Québec, en Abitibi, où les gens ont participé à la consultation, il y a eu des différends, le ministre est intervenu en médiation.
Il a ordonné quelque chose que la compagnie n'a pas respectée. Le ministère a émis un permis malgré l'avis du ministre, par erreur probablement. Toujours est-il que les coupes se font présentement sur un territoire protégé, car ce territoire est accessible seulement par hydravion. On vient de construire une auberge de 1,25 millions de dollars au milieu de nulle part pour attirer des gens qui veulent ce produit et on est en train de tout détruire et personne ne fait rien.
Oui, il y a de la consultation et de la planification. Quand la planification se fait en plein milieu de l'été, les pourvoiries sont en opération, nous ne pouvons pas assister à toutes ces consultations. Il y en a tellement de consultations pour les forêts, la règlementation faunique. Les régions organisent des consultations. On aurait besoin de personnel à temps plein pour chacune des pourvoiries.
Actuellement, on est 12 employés à la Fédération des pourvoiries. On a deux ingénieurs forestiers. Ils essaient de couvrir le plus possible, mais nos gens sont des entrepreneurs, la plupart sont sur le terrain, accueillent la clientèle. Laisser l'opération en haute saison pour faire une consultation, on va le faire mais le faire dix fois dans la saison, ce n'est pas possible.
Le sénateur Robichaud : Il ne faudrait pas recommander d'avoir plus de consultations.
M. Dugré : Au Québec, on a eu des consultations sur les modes de consultation.
[Traduction]
Le sénateur Plett : J'aimerais expliquer brièvement les partenariats qui englobent la plupart des provinces. Je pense que vous avez signalé que deux provinces, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, ne sont pas membres de votre organisation.
M. Dugré : Oui.
Le sénateur Plett : Est-ce que votre financement vient entièrement des provinces? Est-ce que les pourvoyeurs paient une cotisation pour maintenir l'organisation en activité? Comment financez-vous votre organisation?
[Français]
M. Dugré : Notre organisation ne reçoit aucune aide de quelque gouvernement que ce soit. Oui il y a un « membership » payé par chacune des associations provinciales.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Ce sont des partenaires.
M. Dugré : Non, les gouvernements provinciaux ne sont pas des partenaires. Nous sommes totalement indépendants.
Le sénateur Plett : J'avais compris autre chose.
[Français]
M. Dugré : Chacune des associations de chacune des provinces paie un « membership » à notre fédération et on essaie de se trouver des voies de financement. On n'a rien demandé au gouvernement, la seule chose qu'on a demandé au ministère de l'Industrie fédéral, c'est une aide financière pour mener une étude sur les retombées économiques pancanadiennes de l'industrie de la pourvoirie. C'est une chose qui n'existe pas actuellement.
Sinon, nos membres offrent des séjours à des encans et c'est comme cela qu'on réussit à avancer du financement.
[Traduction]
Le sénateur Plett : J'encourage toujours les organisations qui ne demandent pas de fonds au gouvernement à continuer à faire du bon travail comme elles le font. Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Eaton : Pour élever votre profil un peu dans la population urbaine, en Europe, je peux acheter dans une épicerie les viandes sauvages. Pourquoi pas au Canada?
M. Dugré : C'est une bonne question. Je pense que cela ne peut pas se faire, ouvrir la vente de gibier sauvage, personnellement, je pense que cela peut mener à des actes contraires à l'éthique de la chasse.
Le sénateur Eaton : En Europe, à ce temps de l'année, dans une épicerie, il y a du faisan, de la perdrix, et cetera. Cela s'achète comme du bœuf ou de l'agneau.
M. Dugré : Est-ce que c'est du gibier d'élevage?
Le sénateur Eaton : Non, c'est le fruit de la chasse. En Allemagne, on tire sur un orignal.
[Traduction]
Parfaitement, on l'envoie sur le marché pour qu'il y soit vendu.
J'ai chassé le cerf en Allemagne. Chez Harrods, à Londres, on peut acheter de la gélinotte sauvage, du faisan sauvage et de la perdrix sauvage. À Londres, on peut aller au restaurant et manger de la gélinotte sauvage. La gélinotte d'élevage, ça n'existe pas.
[Français]
M. Dugré : Ici, à ma connaissance, la seule espèce sauvage qui était commercialisée, et je pense que l'entreprise a suspendu ses activités, c'était le caribou. Je pense que la compagnie s'appelait Artic food. Elle était possédée par les Inuits. Ils ont suspendu leur opération. Il s'en vend quand même de manière illégale.
Le sénateur Robichaud : Il ne faut pas le dire.
M. Dugré : Non. J'ai un peu de misère avec cela. Il y a des espèces fragiles. Cela se fait pour le saumon. Cela se pêche au filet, peu importe par qui.
Le sénateur Eaton : La gestion est très stricte pour le saumon. Vous savez avec le ZEC.
M. Dugré : Ce n'est pas toutes les rivières qui sont en ZEC, vous savez. Il y a eu des histoires sur la Matapédia. Il y a des saumons qui sont revendus. Il y en a sur la Côte-Nord. Même si la situation est bien gérée, elle est dans un état précaire. Il faut tout faire pour s'assurer qu'il n'y ait pas de commerce de ces espèces. Je ne dis pas que cela ne pourrait pas se faire pour certaines espèces, le caribou est en déclin actuellement. Comme dans toutes les régions du monde, on constate un fort déclin du troupeau. Ce n'est pas le temps de parler de commerce du caribou. Il y a beaucoup d'orignaux. Est-ce qu'on pourrait y penser?
Dans des organismes comme le nôtre, dans des soirées bénéfice pour les industries fauniques ou les agents de la protection de la faune, ils aimeraient bien attirer les gens qui veulent bien contribuer en disant qu'ils organisent un repas de gibier. Ils ne peuvent pas le faire car cela équivaut à de la vente. Pourrait-il y avoir des exceptions?
Le sénateur Eaton : Allez à Londres ou en Allemagne l'automne prochain, vous allez bien manger.
M. Dugré : Je vous dis que je mange assez bien chez nous, j'ai été chanceux cette année.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Je crois que la dernière fois que j'ai fait un repas où j'ai mangé de l'orignal, c'était dans un restaurant de San Francisco, en Californie. Je dînais en fait avec Henri Richard.
M. Dugré : Était-ce son orignal?
Le sénateur Mahovlich : Non, ce n'était pas son orignal, mais il pouvait se mesurer à un orignal, je vous l'assure.
Vous avez fait mention du caribou. Actuellement, le chevreuil abonde. Ma voiture a été complètement abîmée quand j'ai frappé un chevreuil en 2008. J'ai dû m'acheter une nouvelle voiture, car l'autre était une perte totale. Ma femme était heureuse, mais ce n'était pas une expérience agréable. Un chevreuil mâle a surgi devant moi et, à quelques pouces près, j'aurais été blessé.
Le gouvernement fait-il suffisamment de promotion pour nos activités fauniques comme la chasse à l'orignal et la chasse au chevreuil? Je pense qu'il y a trop de chevreuils dans les régions de chalets.
M. Dugré : C'est une bonne question.
Le sénateur Mahovlich : Je ne peux pas me faire de jardin, car les chevreuils mangent tout ce que je plante. Certaines personnes me conseillent de poser une clôture, mais une clôture, ce n'est pas très beau autour d'un chalet situé en pleine nature.
M. Dugré : Je vous conseille de laisser votre voiture à l'extérieur du garage pour qu'ils attaquent la voiture et n'aillent pas dans le jardin.
Le sénateur Mahovlich : Nous avons du chevreuil en abondance, mais ce n'est peut-être pas le cas pour le caribou.
[Français]
M. Dugré : Il peut y avoir des règlements qui sont plus stricts. On a autorisé dans certaines régions du Québec où il y a une multiplication d'accident avec les chevreuils, on est en train de réduire le ratio, le nombre de chevreuils au km2 pour pouvoir répondre à des problématiques comme celle-là. Dans d'autres secteurs moins habités, on favorisera une hausse mais dans les secteurs urbains, on favorise une baisse. Maintenant, la réglementation fonctionne bien à ce sujet.
Votre autre question au sujet de la promotion de la chasse, non, on n'en fait pas assez la promotion. Je pense que chaque province fait un bon travail mais au gouvernement fédéral, je dois dire qu'il y a un manque énorme. Je ne veux blâmer personne.
Je vous parlais tantôt de la Commission canadienne du tourisme. Allez voir sur leur site Internet. Il n'est pas fait mention du tout de chasse. Il y a la seule exception où on invite les touristes à aller voir les Inuits faire la chasse aux phoques, ce qui est correct. Le Canada comme destination de chasse, c'est unique au monde. On n'en parle pas du tout, c'est difficile de parler de chasse dans le contexte d'aujourd'hui. C'est difficilement compréhensible mais non, il n'y a pas assez de promotion.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Vous estimez que le gouvernement devrait faire davantage la promotion de la chasse au gibier au Canada. On n'en fait pas assez.
M. Dugré : Ça fait partie de notre héritage, comme le hockey.
Le sénateur Mahovlich : Merci.
Le président : Monsieur Dugré, c'est un bon message pour le sénateur Mahovlich.
Le sénateur Kochhar : Vous avez fait remarquer que le gouvernement ne faisait pas assez de promotion de la chasse au Canada. Avez-vous fait quoi que ce soit à ce sujet-là? Avez-vous rédigé des mémoires ou demandé au gouvernement de l'inscrire sur le site Web ou de changer d'attitude dans ce domaine? Je voudrais savoir si vous avez fait quelque chose à ce sujet.
Vous avez également mentionné qu'il y a trop de règlements provinciaux et fédéraux qui s'appliquent en cas d'intervention. C'est doux à mon oreille, car je n'aime pas que le gouvernement intervienne, sauf si c'est absolument nécessaire. Pouvez-vous faire des commentaires un peu plus précis sur les règlements qui, selon vous, ne sont pas nécessaires, les provinciaux et les fédéraux?
[Français]
M. Dugré : Pour ce qui est de la première question, oui, nous avons rencontré des gens de la Commission canadienne du tourisme ainsi que des gens du ministère de l'Industrie du Secrétariat d'État au tourisme pour leur mentionner notre intérêt à ce que la chasse soit promue de façon plus importante.
Pour l'instant, je ne pense pas que cela aille de l'avant. La pêche n'était pas beaucoup mise de l'avant. Nous allons commencer par la pêche, c'est plus facile. Nous allons commencer à travailler avec les autorités compétentes au niveau de la pêche, c'est un pas dans la bonne direction d'avoir un partenariat avec eux, une bonne collaboration et, dans un deuxième temps, nous verrons ce qui peut être fait au niveau de la chasse.
Je déplore qu'il n'y ait pas plus de promotion de la chasse, mais nous allons travailler avec eux pour essayer de se faire comprendre un peu mieux. On ne rue pas dans les brancards, nous ne sortons pas les armes, nous allons commencer par la collaboration.
[Traduction]
Le sénateur Kochhar : Pourquoi ne pas recommander au comité d'aller faire la promotion de ce type d'activité auprès du gouvernement fédéral? Vous avez un accès direct par le biais du comité. Vous avez beaucoup d'autres possibilités à votre portée.
[Français]
M. Dugré : Je prends votre invitation au vol et j'aimerais recommander au comité que, effectivement, y ait plus de promotions au niveau de chasse qui soient reconnues.
Je vous ai mentionné plus tôt un règlement de Transports Canada. Il y a trop de règlements, mais peut-être qu'il y a une grande part de cela qui n'est plus appropriée. On ne demande pas à ce qu'il y ait plus de règlementations dans notre secteur. On demande de tenir compte de nos besoins et de nos réalités. Nos réalités ne sont pas la mêmes que la marine marchande. Nous n'avons pas de pilotes dans les Grands Lacs ou de la région du Pacifique ou de l'Atlantique. Nous opérons sur les petits lacs. Des questions devraient être étudiées plus profondément avant de faire des règlementations dans ce secteur.
Il y a Transports Canada; au niveau des provinces, il y a l'environnement. Il n'y a personne qui est contre la protection de l'environnement. Mais quand on nous a demandés au niveau provincial, en 2002, maintenant, l'eau que vous allez servir dans vos chalets doit être potable, donc traitée par ozone, vous devez creuser des puits. On est dans le Bouclier canadien, ce n'est pas toujours possible. On nous a refusés pendant deux ans la possibilité d'afficher ``eau non potable'' et de fournir de l'eau en bouteilles. On ne peut pas. On a de l'eau dans le robinet et tout le monde se rappelle de Walkerton. On ne veut pas que cela se répète. Cela a pris deux ans pour convaincre les gens que l'objectif de sécurité était rencontré mais parce que la réglementation était écrite, cela a été très difficile de revenir après pour défaire ce qui avait été fait.
Le président : Merci, monsieur Dugré de votre exposé. Si vous voulez faire parvenir d'autres informations au comité, veuillez le faire par écrit.
[Traduction]
J'invite M. Dugré et les témoins précédents à aller sur Internet et à chercher « New Brunswick Forest Summit ». C'était le tout premier sommet au Canada et il a eu lieu vendredi dernier. Les intervenants de l'industrie forestière étaient présents pour examiner les meilleures façons de gérer et d'utiliser notre foresterie.
Là-dessus, je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)