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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 12 - Témoignages du 7 décembre 2010


OTTAWA, le mardi 7 décembre 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 18 h 19 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vois que nous avons le quorum.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je tiens à remercier M. Roberts d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui. J'ajouterai, monsieur Roberts, que vous êtes notre dernier témoin. Je suis convaincu, compte tenu de votre CV et de l'influence que vous exercez non seulement en Amérique du Nord, mais dans le monde, que votre exposé nous aidera à rédiger notre rapport final sur l'état actuel, le passé et l'avenir du secteur forestier.

Je m'appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité. Avant de vous demander de faire votre déclaration préliminaire, je vais prier tous les sénateurs de se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Sénateur Frank Mahovlich, Ontario.

Le sénateur Ataullahjan : Sénateur Salma Ataullahjan, Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, Ontario.

[Français]

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, du Québec.

[Traduction]

Le président : Monsieur Roberts, le comité poursuit son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui M. Don Roberts, vice-président et directeur général de Marchés mondiaux CIBC.

Pour le compte rendu, j'aimerais lire une partie de la biographie de M. Roberts. M. Don G. Roberts est titulaire d'un baccalauréat en économie agricole de l'Université de la Colombie-Britannique, d'une maîtrise en économie forestière de l'Université de la Californie à Berkeley, et d'un MBA de l'Université de Chicago, où il a également fait des études doctorales en finances internationales et en économie. Il a en outre dirigé l'analyse industrielle et commerciale au ministère canadien des forêts. Jusqu'en 2009, M. Roberts était directeur général de Marchés mondiaux CIBC inc. M. Roberts a délaissé ses fonctions régulières en recherche sur les capitaux pour élaborer à l'intention de la CIBC un plan d'affaires qui examine les occasions qui s'offrent dans le domaine émergent des technologies propres et des énergies renouvelables. La CIBC a nommé M. Roberts vice-président de sa nouvelle équipe des services bancaires de gros pour les marchés de l'énergie verte et des technologies propres.

M. Roberts est spécialiste des marchés internationaux des produits de base. Dans les enquêtes auprès des investisseurs institutionnels, il est régulièrement désigné comme l'un des meilleurs analystes du marché pour l'industrie mondiale du papier et des produits forestiers.

Monsieur Roberts, je vous remercie encore d'avoir accepté votre invitation.

[Français]

Avant que le témoin fasse sa présentation, j'aimerais demander aux honorables sénateurs s'ils me permettent de distribuer la présentation maintenant et que la traduction leur soit envoyée lorsqu'elle sera disponible.

Des voix : Oui.

Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, c'est que la présentation n'est pas arrivée à temps pour en faire la traduction n'est-ce pas?

Le président : Exact. Merci, sénateur Robichaud.

[Traduction]

Monsieur Roberts, nous vous écoutons.

Don G. Roberts, vice-président et directeur général, Marchés mondiaux CIBC : Je suis très heureux d'être ici. Je pense que nous allons aujourd'hui entamer une conversation. J'aimerais vous présenter quelques remarques que j'ai préparées d'un contexte bien précis, celui d'une vaste étude nationale que j'ai eu l'honneur de diriger en 2009, appelée le Projet de la voie biotechnologique. Je commenterai cette étude ainsi que nos résultats et conclusions dans un instant.

Avant même d'entrer, en 2008, dans la pire récession mondiale depuis 70 ans, le secteur forestier subissait, en termes de marchés et de politiques, certains des changements les plus fondamentaux que nous ayons connus depuis la fin de l'époque coloniale. C'est une affirmation plutôt tranchée. Du côté des marchés, ces changements venaient de l'explosion du déficit de la fibre de bois asiatique, d'un déclin structurel spectaculaire de la demande de papier et de l'émergence du secteur de la bioénergie. Du côté des politiques, nous avons assisté à une réforme radicale de la tenure dans certains des pays forestiers les plus importants au monde, dont la Russie, la Chine et l'Inde. Cela a eu des effets avant même que n'éclate cette crise majeure de l'économie, en 2008.

Nous traversions une période de turbulence, et cette turbulence se manifestait par des rendements financiers insuffisants. Comme vous le voyez sur la diapositive 2, l'un des critères que nous utilisons, en particulier pour examiner la capacité d'attirer des capitaux, est le rendement du capital. Sur 10 ans — pas sur un an, sur deux ni sur cinq —, il a été en moyenne de 3 p. 100 au Canada, dans l'industrie forestière canadienne. Comme le coût du capital est d'environ 11 p. 100, c'est plutôt troublant.

Je dirai que, peut-être, quand on se compare on se console, parce qu'aucune région du monde, pas même le Brésil, n'a réussi à couvrir ses coûts de capitaux pendant ces 10 années. Cela indique que quelque chose ne va pas. Je crois que nous avons, du moins pour ce qui est du modèle de l'industrie forestière traditionnelle, un modèle qui n'est plus adéquat. Il nous faut changer quelque chose. C'est parfois la réglementation, et c'est parfois le type de produits que nous offrons.

En réaction à cela, une question fondamentale s'est posée. Comment devons-nous nous y prendre pour transformer le secteur?

En 2009, j'ai pris une année de congé, et l'Association des produits forestiers du Canada, l'APFC, m'a demandé de diriger un projet appelé le Projet de la voie biotechnologique, dont vous avez déjà entendu parler lors de témoignages précédents. Ce projet a été lancé par l'APFC, mais ce qui importait, quand on m'a demandé de le concevoir, c'était d'adopter une approche très coopérative. Immédiatement, nous avons fait appel à FPInnovations, qui nous a beaucoup aidés à trouver une solution innovatrice au problème, mais aussi à RNCan et aux sous-ministres de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et du Québec ainsi qu'à un certain nombre d'entreprises. Il était important que le projet réunisse non seulement ces sociétés forestières, mais aussi des entreprises de bioénergie nouvelles et émergentes, à l'extérieur du secteur. La réalité, c'est peut-être que le problème vient en partie du manque de capacité d'innovation dans le secteur. Comment pouvons-nous nous ouvrir sur l'extérieur?

C'était une vaste démarche, qui a fait intervenir bien des gens. Elle se poursuit. D'entrée de jeu, je veux dire que l'un des grands problèmes que nous avons cernés, et là encore dans l'industrie forestière non seulement au Canada, mais dans le monde, c'est la pénurie de capacités analytiques pour examiner le secteur en termes de mise au point d'innovations et de capacité d'accueil pour les adopter, ainsi que le manque de capacités de la part des gouvernements — en particulier, selon moi, les gouvernements provinciaux, mais aussi le fédéral — pour élaborer les bonnes politiques.

Le secteur est intéressant, car on y fait une utilisation privée d'une ressource publique. Cela pose des défis particuliers. Le gouvernement y intervient plus que dans nombre d'autres secteurs. C'est simplement la réalité.

Il faut déterminer des stratégies de transformation adéquates. Je veux vous exposer quelques résultats, puis nous verrons certaines des implications. Je commence par des chiffres du Québec. Nous avons réalisé cette étude au Québec, en Colombie-Britannique et en Ontario.

Premièrement, il faut signaler que, dans ce secteur, l'endroit est important. Il y a bien sûr des situations particulières pour ce qui est du coût de la fibre — et c'est important — et du type de produits que vous pouvez offrir, mais il y a aussi, en termes de secteur forestier émergent, le fait que vous voulez cibler les marchés de l'énergie. C'est une variable dont nous devrons tenir compte à l'avenir. La réalité est que ces marchés énergétiques sont souvent contrôlés par les provinces. Les prix auxquels vous pouvez vendre l'énergie sur le marché sont un facteur clé. L'endroit est donc important.

Nous avons adopté une démarche concrète, très pratique, et nous nous sommes demandé si, finalement, les gens étaient disposés à consacrer des fonds au secteur. Nous avons examiné les chiffres d'assez près. Nous avons examiné le rendement du capital. Sur la diapositive 5, nous vous donnons l'exemple de l'industrie traditionnelle. Ne vous souciez pas des détails. C'est une situation particulière. Nous avons examiné tous les produits traditionnels. Vous voyez que le coût du capital est indiqué : 11 p. 100. Remarquez aussi que nombre des produits traditionnels ne sont pas rentables. Bon nombre des pâtes ne le sont pas; les papiers ne le sont pas non plus, c'est certain. Le bois massif y arrive, alors nous avons encore des bases sur lesquelles nous appuyer pour l'avenir. Le message était le suivant : faut-il changer? Oui, nous devons changer. L'activité traditionnelle ne suffit plus.

Nous avons ensuite examiné tout un éventail de produits émergents. Il était important que ce soient des produits qui n'étaient pas encore commercialisés. Nous avons essayé d'examiner tout le parcours des innovations et des technologies qui s'annoncent.

Il faut formuler quelques hypothèses, mais aussi se livrer à une analyse détaillée. Comme vous le voyez sur la diapositive 6, nous avons trouvé un certain nombre de produits, certains sont des produits traditionnels mais beaucoup plus fréquemment ce sont des produits émergents, qui devraient permettre d'absorber le coût du capital. C'est prometteur et cela signifie que la situation n'est pas désespérée. L'industrie n'est pas nécessairement en déclin. Toutefois, nous devrons changer en raison du nombre de nouveaux produits qui s'annoncent.

Nous avons examiné quelques facteurs clés. Nous avons repéré certains de ces nouveaux produits et nous pouvons vous présenter des études de cas.

Comment devons-nous nous y prendre? Faut-il le faire de façon autonome, comme nouveaux produits de bioénergie, ou l'intégrer à l'industrie traditionnelle? Il nous est clairement apparu qu'il vaut toujours mieux intégrer l'industrie traditionnelle et les nouveaux éléments. Cela est important, parce qu'actuellement, dans nombre de provinces, certains nouveaux arrivants déclarent : « Donnez-moi votre bois et je vais régler vos problèmes. » L'inconvénient, c'est qu'ils connaissent souvent mal le côté récolte, en particulier avec des méthodes durables. En outre, ils dédoublent bien des utilisations du capital. En réalité, il vaudrait mieux que les intervenants traditionnels adoptent une partie de cela. L'un des buts de cet exercice était de les sensibiliser.

Revenons à mes premières affirmations. Notre problème a trait à la capacité analytique. Nos sociétés ont beaucoup souffert, année après année. Leur capacité analytique interne a été décimée dans bien des cas; et cela vaut aussi pour les gouvernements provinciaux. C'était un effort conjoint, dans l'ensemble de l'industrie, pour essayer de comprendre la situation collectivement.

Nous concluons que la clé du succès est un meilleur rendement du capital et une meilleure base d'emplois. Un certain nombre de nouveaux produits émergents, en particulier les produits énergétiques, peuvent me procurer un meilleur rendement économique. Pour quelqu'un comme moi, qui viens des milieux financiers, cela est passionnant, mais cela n'aide pas la population en général, parce que cela ne crée pas d'emplois. Nombre de ces nouveaux produits ne sont pas vraiment créateurs d'emplois, ni directs ni indirects. C'est la triste vérité. Il faut faire des concessions, ici. Pour obtenir les deux, selon nous, il faut combiner certaines des usines traditionnelles et certains des nouveaux produits traditionnels. De cette façon, vous ne créerez peut-être pas de nouveaux emplois, mais vous aurez de bien meilleures chances de préserver les emplois existants et les collectivités où ils se trouvent.

Il y a de nouveaux produits, mais on ne peut pas les intégrer n'importe comment. On ne peut pas le faire simplement en réaffectant le bois dans l'espoir qu'un nouvel intervenant créera une solution miracle, cela n'arrivera pas.

Nous avons examiné plus de 36 technologies distinctes. Parmi les 10 qui étaient le plus intéressantes, cinq relevaient clairement du secteur de la bioénergie. L'une de nos conclusions était que même si vous pouvez aller dans différentes directions avec les nouveaux produits composites, d'autres produits de bois massif ou de nouveaux types de papier, l'énergie est un thème commun.

Trois technologies précises semblaient particulièrement prometteuses. Parfois, nous devons entrer dans le détail dans ce secteur parce que nous nous plaignons toujours de la surcapacité — trop de papier journal et trop de pâte. En vérité, nous avons une surcapacité en termes de charlatans. Nous avons tellement de gens qui ont tellement d'idées, la plupart d'entre eux ont des doctorats et ils peuvent parler sans fin et impressionner, mais en réalité on ne peut pas s'y fier. Vous devez être prudents et faire vos devoirs, et c'est ce que nous avons essayé de faire avec cette initiative. Nous avons précisé où nous serions prêts à investir. Trois secteurs semblaient plus prometteurs que les autres, dont celui de la pyrolyse. Essentiellement, on peut transformer le bois en liquide en quelques secondes. Avec ce produit, on peut faire de l'électricité. Dans deux ans, nous pensons que vous pourrez aussi produire du carburant pour les transports. Qu'est- ce que cela signifie? Les moteurs ne font pas la différence entre le bois, la biomasse agricole et les carburants fossiles. C'est très prometteur. Il n'y a pas que les sociétés canadiennes qui s'intéressent à cela; certaines des plus grandes sociétés au monde s'y intéressent aussi. En l'occurrence, il s'agit de Honeywell. C'est un produit que nous avons identifié.

Le deuxième domaine est celui des petites installations de gazéification. Une entreprise de la Colombie-Britannique est un chef de file mondial dans ce domaine. Souvent, ce qui compte dans le secteur, c'est la taille, mais dans ce cas particulier, c'est l'inverse qui est vrai. Il vaut mieux être petit, et ce, pour deux ou trois raisons. Premièrement, il ne faut pas beaucoup d'argent. Plutôt que 300 millions de dollars, il peut suffire d'en avoir 30 millions. La deuxième raison, c'est que sur le plan énergétique dans ce secteur il est important d'avoir des puits de chaleur, non seulement de produire de l'énergie, mais aussi d'utiliser la chaleur. Il n'y a pas beaucoup d'endroit où l'on peut utiliser toute la chaleur dégagée par une grosse centrale, mais les petites installations peuvent utiliser leur chaleur. La troisième raison pour laquelle vous voulez limiter la taille dans ce secteur, c'est que si vous construisez une énorme usine à biomasse, vous perturbez totalement le marché local de la fibre. C'est un problème parce qu'alors les coûts montent et l'équilibre économique est perturbé.

Je dirige un groupe d'analyse des énergies renouvelables. La bioénergie, c'est Cendrillon en quelque sorte — la petite sœur qu'on oublie. Pourquoi? En raison du risque lié au prix de la matière première. Je ne paie pas le vent ni le soleil, mais je paie la biomasse, et les prix fluctuent énormément. C'est un grand problème pour les investisseurs. La bonne nouvelle, c'est que nous avons réalisé des progrès technologiques qui nous permettent d'être plus efficaces en termes de taille. C'est très prometteur, parce que la taille est importante. Cela s'inscrit aussi dans un vaste thème — tout le secteur énergétique mondial doit s'orienter vers une meilleure distribution de l'énergie, réduire la nécessité des énormes centrales nucléaires ou au charbon et multiplier les usines locales, pour utiliser non seulement la biomasse, mais aussi le vent, le soleil et l'hydroélectricité.

Le troisième secteur de technologie est celui de la torréfaction. Nous ne prenons pas les granulés de bois réguliers. Nous ne les aimons pas parce que leur utilisation ne crée pas beaucoup d'emplois, qu'elle n'ajoute pas beaucoup de valeur et qu'elle est régie principalement par une réglementation européenne. Essentiellement, nous cherchons des produits que nous pouvons améliorer et nous avons examiné des technologies précises.

Les gens observent le secteur de l'énergie renouvelable et font des commentaires généraux qui sont habituellement exacts, à quelques exceptions près. Il est certainement vrai qu'en ce qui a trait aux technologies traditionnelles comme celles qui sont liées à certains gaz d'enfouissement et à certains vents côtiers, toutes les formes d'énergie renouvelable doivent être subventionnées à l'heure actuelle. Aucune n'est concurrentielle. Elles évoluent, et le prix des panneaux solaires a diminué de 40 p. 100 au cours des 12 derniers mois et celui du processus à turbines éoliennes a diminué de 15 p. 100. Cela est excitant, mais c'est encore trop cher. Pour la bioénergie, quelques nouvelles technologies commencent à devenir rentables sans subvention.

Je vous donne un exemple à la page 9 du document. Nous avons examiné la pyrolyse rapide, un processus qui produit de l'huile pyrolytique en moins de deux secondes. Les utilisations de cette huile sont intéressantes. Même quand la biomasse est très chère, à 70 $ la tonne sèche, si vous voulez produire de l'électricité avec cela vous pouvez la substituer au pétrole jusqu'à 61 $ le baril. La majorité des gens ne croient pas que le pétrole descendra à 61 $ le baril, mais nous avons maintenant cette technologie qui nous permet de produire de l'huile pour générer de l'électricité à ce prix, malgré le prix de la biomasse. Il y a encore des risques technologiques; comprenez-moi bien. Nous en sommes maintenant à l'étape des usines pilotes. Honeywell, une des plus grandes sociétés technologiques du monde, a mis sur pied une coentreprise avec un partenaire canadien. Ils accordent des garanties de fabricant sur le produit. Pensez aux collectivités du Nord dont le pétrole est la principale source d'énergie. Ce produit ne peut pas encore faire concurrence au gaz, et le gaz est le principal obstacle au développement des énergies renouvelables en raison des prix si faibles. Dans certaines collectivités, cela semble intéressant.

Il est également intéressant que le chef de file mondial de la pyrolyse rapide se trouve à Ottawa. C'est la société Ensyn. Pour qu'Ensyn puisse mettre au point et déployer cette technologie, elle doit aller à l'étranger. Elle le fait en Malaisie, parce qu'en raison de nos règlements, ce produit de biomasse n'est pas considéré comme un combustible renouvelable. Il est produit avec la biomasse, mais nous avons des définitions précises dans notre portefeuille d'énergies renouvelables. Je vous donne des détails dans un instant. Nous ne pouvons pas nous permettre de maintenir des règlements inadaptés; et nous en avons quelques-uns.

Le sénateur Robichaud : Vous les nommerez?

M. Roberts : Je vais vous donner des détails, parce que je crois que nous devons parler de détails ici pour débloquer les capitaux.

Prenez la situation d'Ensyn, qui doit aller en Malaisie. Elle exploite une coentreprise, elle commence avec l'électricité. Qu'est-ce qu'elle utilise? Pas le bois; elle utilise la biomasse de l'huile de palme. Une fois l'huile de palme extraite, elle utilise les résidus des régimes. Elle envisage une production d'environ 32 millions de tonnes. Avec cette quantité, vous pouvez obtenir un rendement équivalent à environ 41 millions de barils de pétrole. Aux prix actuels, c'est un revenu annuel d'environ 3 milliards de dollars. Elle le fait là-bas, parce les Malais considèrent qu'il s'agit d'une source d'énergie renouvelable.

Nous avons des obstacles qui découlent de la réglementation. Je donne des détails à la page 12, mais c'est l'idée générale. Il n'y a pas que les questions de réglementation qui entravent le développement des bioénergies. Il y a quatre grands obstacles qui touchent la bioénergie en général.

Le premier est le faible prix du gaz naturel. Cela présente des avantages et des inconvénients. D'un côté, vous vous dites « Je ne peux pas faire autant d'énergie éolienne, solaire et biologique. » Par contre, c'est bien mieux que le charbon. C'est le premier élément qui échappe à notre volonté; vous ne pouvez rien faire à ce sujet parce que c'est déterminé par la technologie et le marché.

Le deuxième obstacle est lié à l'absence d'un prix pour le carbone. Il y en a dans d'autres compétences, directement ou indirectement, dans les portefeuilles d'énergies renouvelables.

Le troisième problème tient au faible prix de la bioénergie vendue aux services publics. Ce prix est très faible, ici. L'Ontario l'a relevé, c'est vrai, mais la situation est différente ailleurs au pays, et le prix est très faible. L'Ontario donne 14 ¢ du kilowattheure. Le Nouveau-Brunswick offre 7 ou 8 ¢, selon le prix du charbon. Ça ne peut pas être rentable là- bas. Certaines régions du pays adoptent des mesures, d'autres pas. Pour produire rentablement de l'électricité à partir de la bioénergie, pour la vendre au réseau, il faut probablement aller chercher au moins 11 ou 12 ¢ du kilowattheure. Le Québec est à la limite, la Colombie-Britannique et l'Ontario, au-dessus.

La quatrième variable qui limite l'adoption de cette technologie est la tiédeur du soutien gouvernemental, si on le compare à celui d'autres compétences. Nous avons adopté quelques mesures. Le capital n'a pas d'état d'âme; il va là où il y a de l'argent à faire. Si je regarde d'autres compétences, je constate que les États-Unis, l'Union européenne et la Chine sont tous des pays plus attrayants pour la bioénergie; c'est ce que donnent mes calculs.

La bonne nouvelle, c'est que le gouvernement peut agir sur trois des quatre obstacles que j'ai mentionnés. Vous avez des leviers : ce sont le prix du carbone, le prix relativement faible de l'énergie vendue aux services publics et l'appui gouvernemental.

Prenons les exemples de la diapositive 12. Selon moi, ce sont des exemples de politiques ou de programmes fédéraux excessivement étroits. Le premier est la norme qui définit les carburants renouvelables. Il existe une définition précise pour les carburants renouvelables. Un carburant n'est pas considéré comme renouvelable si à une étape quelconque de sa fabrication il passe dans des installations qui peuvent aussi produire des carburants non renouvelables.

Soyons clairs : vous pouvez faire de l'huile pyrolytique dans une usine voisine d'une scierie. En fait, certains le font déjà en Alberta. Ils enlèvent l'écorce et ils font de l'huile pyrolytique. Pour l'obtenir, ils chauffent l'huile en l'absence d'oxygène.

Comment pouvons-nous tirer de la chaleur de la biomasse? Nous la brûlons; c'est comme un feu de camp. Nous mettons du bois, nous soufflons un peu et nous faisons du feu. C'est la combustion de l'oxygène excédentaire. La deuxième méthode la plus courante pour obtenir de l'électricité de la biomasse est la gazéification. Nous la chauffons, nous la pressurisons et nous enlevons tout l'air. Cela permet à la biomasse de se gazéifier, et nous pouvons faire bien des choses avec ce gaz. La troisième méthode consiste à la chauffer sans aucun air. La principale différence tient à la quantité d'air que nous injectons.

La pyrolyse est essentiellement un procédé de chauffage sous pression, mais sans air, qui modifie la composition chimique. Cela nous permet de transformer la biomasse en un liquide qui ressemble à du cappuccino. C'est une soupe chimique qui a diverses utilisations.

Il y a une usine à Renfrew, en Ontario. À l'heure actuelle, elle ne s'inquiète pas trop. Vous pouvez déjà produire de l'électricité avec l'huile pyrolytique. Elle envisage toutefois de produire des carburants pour le transport. Nous pouvons même en faire du carburéacteur. Nous pouvons l'utiliser dans les voitures. Toutefois, la dernière étape du raffinage doit se faire dans une raffinerie de pétrole d'un type existant, et cette exigence signifie que l'huile ne satisfait plus à la définition de carburant renouvelable.

C'est vrai, la biomasse est utilisée, mais le problème découle du mode de traitement. En règle générale, il est de bonne politique de mesurer le résultat plutôt que la méthode. Laissez le marché trouver la méthode.

C'est un exemple précis de mauvais règlement et une des raisons pour lesquelles on songe à se tourner vers la Malaisie.

Un produit n'est pas non plus considéré comme renouvelable si vous l'utilisez pour le chauffage. La définition est telle que toutes les sortes de combustible à chauffage, qu'il s'agisse de biomasse ou de combustibles fossiles, doivent pouvoir se mélanger à un combustible fossile. En l'occurrence, vous ne le mélangeriez pas.

Nous nous embourbons dans les définitions techniques et nous manquons le bateau. Qu'est-ce que nous voulons? Nous voulons de l'énergie renouvelable. Nous voulons réduire notre empreinte carbone. Nous voulons utiliser la biomasse parce que c'est plus économique pour notre industrie.

Dans cet exemple, une norme d'énergie renouvelable et deux définitions étroites freinent le développement.

Deuxièmement, je veux parler du mauvais usage que nous faisons de Technologie du développement durable du Canada. TDDC a un Fonds de 500 millions de dollars, le fonds ProGen, pour les biocarburants. Il doit appuyer les carburants de prochaine génération. Il n'est pas destiné aux carburants de première génération comme l'éthanol de maïs, par exemple, mais plutôt à l'éthanol cellulosique et à d'autres produits. Notre dilemme, c'est que ce fonds existe depuis quelque temps et qu'il n'a pas été utilisé. On n'arrive pas à trouver assez de projets intéressants.

Donc, nous avons 500 millions de dollars qui sont inutilisés. On peut se demander pourquoi nous nous limitons au carburant pour le transport. Pourquoi ne pas dire simplement qu'il faut que ce soit un produit de bioénergie ou biochimique? Élargissez la définition, parce que nous avons des occasions et des nouvelles technologies qui pourraient s'appliquer dans différents secteurs.

En l'occurrence, nous avons défini trop strictement l'emploi du fonds. Je vous donne un exemple. C'est quelque chose qui ne coûterait rien — il suffit de réorienter le fonds.

Cela dit, je dois ajouter que TDDC devrait être appuyé ici, au Canada. Comparé à d'autres compétences, TDDC y arrive très bien.

Je vais m'arrêter ici. J'ai parlé plus longtemps que je le prévoyais. Toutefois, j'ai voulu élargir le débat, au cas où vous auriez des questions ou des commentaires. Nous pouvons parler de tout ce que vous voudrez.

Le président : Excellente présentation, monsieur Roberts, et nous aurons des questions à vous poser.

Le sénateur Eaton : Merci, monsieur Roberts. J'aimerais vous interroger sur autre chose que les biocarburants. Ils ne m'intéressent pas autant que d'autres produits de l'industrie du bois. Premièrement, dans tout ce que vous avez dit d'intéressant — et vous parliez de recherche, il semble y avoir un problème commun. Personne n'a pu le cerner, mais tous en conviennent : il y a un problème. Ce problème, c'est la façon dont des produits très prometteurs, par exemple la nanocellulose cristalline pour les pièces de voiture, peuvent passer des milieux de la recherche ou des essais à la commercialisation.

M. Roberts : Ce dont nous avons besoin pour commercialiser un produit, c'est souvent de capital, parce que les usines pour fabriquer ces produits coûtent cher à construire. Il faut faire ses preuves — avec une première usine commerciale.

Je dirige une équipe qui étudie le financement de projets. De quoi a-t-elle besoin? Elle a besoin de preuves quant au coût unitaire et à l'existence d'un marché. Souvent, elle ne peut pas les trouver, parce qu'il est trop tôt.

Nous avons souvent suffisamment d'argent aux premières étapes, lorsque le risque et le rendement sont élevés. Nous avons beaucoup d'argent lorsque le risque et le rendement sont faibles. Les gens qui se trouvent au milieu, qui se dirigent vers la commercialisation, ont les plus grands défis.

Il existe une mesure de stimulation très utile et qui ne coûte rien au Trésor, ce qui est important dans le contexte où nous sommes. Je veux parler des mandats d'approvisionnement, en particulier dans le secteur automobile où X p. 100 de la valeur doivent provenir de sources renouvelables. Nous demandons ensuite au marché de trouver une façon d'y parvenir. C'est un élément essentiel.

Les gens déplorent souvent le fait que notre culture d'entreprise est frileuse face au risque. Je crois qu'il y a du vrai dans cela.

Le sénateur Eaton : On nous a dit que nos entrepreneurs manquaient d'ambition.

M. Roberts : Parfaitement. Je dirais qu'à quelques exceptions près, à l'heure actuelle dans le secteur forestier, il y a du capital. Cela peut vous étonner, mais regardez en Colombie-Britannique, les grandes entreprises de coupe; elles ont un taux d'endettement net moyen de 6 p. 100. Pour un cycle type, on devrait être à 30 ou 35 p. 100. Elles choisissent d'investir ailleurs. Il est évident qu'Abitibi a un problème.

Le sénateur Eaton : Merci. Cette idée de demander des engagements est intéressante. Sur nos marchés d'exportation, vous semblez croire que nous ne sommes pas concurrentiels dans le Nouveau Monde, mais certainement dans des pays comme la Chine et l'Inde, par exemple, si nous commençons à construire des logements qu'on peut assembler, si nous commençons à utiliser le stratifié croisé, est-ce qu'il n'y aurait pas d'énormes marchés qui pourraient s'ouvrir à nous?

M. Roberts : Il y en a, oui. J'ai une diapositive sur le lamellé-croisé, la diapositive 14, parce que c'est fort prometteur. Dans notre étude, c'était l'un des produits les plus prometteurs. Je ne pense pas qu'il soit même nécessaire d'aller jusqu'en Chine pour cela. Nous pouvons trouver des applications plus près d'ici.

Le sénateur Eaton : En Californie?

M. Roberts : En Californie, au Canada. En réalité, on le fait déjà en Europe, et nous n'y participons pas. Le gouvernement pourrait simplement faire une démonstration. Vous voulez une nouvelle patinoire; nous la construirons ici. Nous la construirons en lamellé-croisé. La démonstration est une chose utile. Les banquiers sont ouverts. Nous sommes très conservateurs et nous voulons des preuves. C'est le rôle du gouvernement.

Le sénateur Eaton : Il y a les banquiers et il y a les codes du bâtiment.

M. Roberts : Il y a aussi les politiciens, à l'occasion.

Cette attitude est bien canadienne. Comment est-ce que nous pouvons nous en sortir? Par des démonstrations, dans bien des cas. Le marché est vraiment passionnant. Ce que j'aime du lamellé-croisé, c'est qu'il ne sert pas uniquement dans le secteur de l'unifamilial, qui a ses hauts et ses bas et qui ne se rétablira pas avant trois ou quatre ans. C'est le secteur du non-résidentiel qui nous intéresse vraiment.

J'ai de grands espoirs dans ce domaine. Nous avons des entreprises qui cherchent des options. Ce qui m'étonne, pour les démonstrations, c'est que nous croyons qu'il faut aller en Californie ou en Chine. Nous avons suffisamment d'envergure au Canada pour le faire. Il ne me faut pas beaucoup de données; mais il m'en faut un peu.

Le sénateur Eaton : On utilise le lamellé-croisé pour l'aréna, au Québec.

M. Roberts : Oui, mais c'est un produit importé.

Le sénateur Eaton : On l'a utilisé pour l'ovale, à Richmond.

M. Roberts : Si vous voulez que j'investisse dans votre usine, vous devez me présenter des arguments économiques. Je veux savoir comment le produit sera fabriqué. C'est ce que nous voulons faire. Nous voulons produire cela, alors il nous faut des exemples tirés de situations réelles. Nous les obtiendrons. Nous commençons à voir des entreprises s'engager sur cette voie.

Le travail du code du bâtiment a été essentiel pour jeter quelques bases. Cela est important. Ce qui donnerait vraiment un coup de pouce, ce serait de fixer un prix pour le carbone. Pourquoi? Regardez ce qui se passe dans le domaine du béton et de l'acier. C'est là qu'on commence vraiment à passer au non-résidentiel.

Le sénateur Eaton : Pourquoi des pays comme la Suède semblent-ils plus aventureux que nous? Les Suédois ont été plus audacieux que nous et ils ont construit des bâtiments non commerciaux de six ou sept étages et des ponts en bois. Qu'est-ce qui les incite à se montrer plus aventureux?

M. Roberts : L'élément clé est le prix du carbone. Si vous examinez les solutions de rechange, ils n'ont pas vraiment le choix, les gens du secteur du bâtiment.

C'est aussi un prix plus élevé pour le bois. Alors comment puis-je en tirer plus de valeur? Nous sommes un pays producteur des bois d'œuvre à faible coût. Nous sommes les meilleurs au monde pour les planches de deux sur quatre. Le problème, c'est que nous avons bien gagné notre vie de cette façon pendant un certain temps. C'était trop facile. Ce serait vraiment terrible, selon moi, si les prix du bois devaient se redresser maintenant. Il n'y aurait plus de pression, et nous recommencerions comme avant. C'est un peu ce qui s'est passé pour les pâtes. Les prix des pâtes sont bien supérieurs à ce qu'elles seront à long terme, alors il y a moins de pression. Parfois, il faut être au pied du mur pour bien se concentrer. Les Suédois sont toujours au pied du mur. Ils ont fait cela, mais ils n'ont pas fait beaucoup d'argent. Nous surveillons la situation. Est-ce que nous pourrions faire la même chose du côté technologique, avec notre base de coûts inférieurs? Oui, je crois que nous le pourrions.

Le sénateur Mahovlich : Un bâtiment en lamellé est plus coûteux qu'un bâtiment en acier. Le coût est très élevé à l'heure actuelle. Les usines ne sont pas habituées à cela. Nous ne sommes pas encore en production.

M. Roberts : Non, nous ne sommes pas en production. Pas encore.

Le sénateur Ogilvie : Pendant votre exposé, vous avez couvert de nombreux aspects des industries des produits forestiers, un vaste éventail d'occasions ou d'échecs. Vous vous êtes attardé en particulier, il me semble, à la production de carburant par pyrolyse.

Vous semblez croire que cette technologie est presque au point et qu'on peut l'exploiter, qu'on le fait dans certains pays — vous avez cité plusieurs exemples —, mais que si nous n'avions pas encore réussi ici c'était en raison de deux ou trois facteurs. Vous avez dit qu'on ne pouvait classer ce produit parmi les biocarburants en raison de la méthode utilisée pour la distillation finale, dans une raffinerie classique, ou parce qu'il est ou non possible de le mélanger aux hydrocarbures, et cetera. Vous avez donné des exemples, vous avez dit qu'au Canada — j'imagine que c'est ce que vous vouliez dire avec vos chiffres —, ce produit peut faire concurrence au pétrole, par exemple, à 61 $ le baril.

Je me demandais, en vous écoutant faire ces commentaires avec une certaine confiance et avec enthousiasme, pourquoi un terme suffirait-il à l'empêcher de réussir si, de fait, vous dites qu'il peut aussi faire concurrence aux carburants traditionnels? Je soupçonne entre autres que vous laissez entendre que si on ne peut pas le classer comme un certain quelque chose, le produit n'a pas droit aux subventions gouvernementales, quelle qu'en soit la forme, un crédit d'impôt à l'investissement parce que c'est un nouveau produit, ou une lourde taxe sur le carbone pour assurer sa compétitivité. Les choses me semblent pourtant simples : si je suis concurrentiel à 70 $ le baril et que les hydrocarbures réguliers se vendent 100 $ le baril, et s'il y a un marché pour les volumes que vous avez mentionnés, je devrais pouvoir être concurrentiel sans subvention gouvernementale.

Pouvez-vous m'aider à comprendre?

M. Roberts : Vous soulevez un point très intéressant. Premièrement, cela va être adopté de toute façon. Cela se fera à plus petite échelle, en partie en raison de la crainte du risque et en partie par manque d'information. La société Tolko, par exemple, construit actuellement une usine à High Level, en Alberta, exactement à cette fin et, de fait, elle va même plus loin. Elle utilise 85 p. 100 de son huile pour produire de l'électricité, de la chaleur et de l'énergie, qu'elle utilise aux dernières étapes du processus de la scierie. Elle utilise cette énergie pour le séchage et elle vend au réseau ce dont elle n'a pas besoin. Savez-vous ce qu'elle fait des 15 p. 100 d'huile restants? Elle en extrait les composés phénoliques qui seront transformés en résines phénoliques qu'elle utilisera dans toutes ses usines d'OSB.

Le capital commence à manifester de l'intérêt maintenant. Il reste à savoir à quelle échelle et avec quelle rapidité. Ce qu'il y a d'intéressant — et c'est une préoccupation pour moi —, c'est qu'Ensyn utilise aussi cette technologie mais c'est important, elle peut la commercialiser parce qu'elle a Honeywell comme partenaire. Honeywell apporte une grande crédibilité, particulièrement ses garanties de fabricant.

Je crains toutefois que cela ne soit d'abord déployé à l'extérieur du pays. Nos concurrents en profiteront avant nous. Trois Brésiliens viendront au Canada au cours des prochains mois pour étudier les possibilités. Ils peuvent déployer cette technologie à l'échelle. Elle sera déployée ici progressivement. Ici aussi, je pense à une petite entreprise et aux délais de gestion à prévoir. Il faut trouver des partenaires, construire une ou deux usines au Canada et 15 usines ailleurs. Moi, j'irais là où je peux construire 15 usines.

Le sénateur Ogilvie : Vous nous avez cité l'exemple de la société Ensyn, une entreprise d'Ottawa, qui doit aller jusqu'en Malaisie. Nous parlons de pyrolyse de la biomasse, ici. Notre comité s'intéresse aux forêts. Vous nous présentez comme exemple une situation où les rebuts de biomasse sont produits annuellement sans destruction de la source principale. Vous parlez d'utiliser les régimes de noix et la fibre, et ainsi de suite. C'est une production annuelle continue, dans la même région. Si vous utilisez ce processus en forêt et qu'il vous faut un certain volume — si vous utilisez simplement la biomasse ligneuse pour produire un carburant pyrolytique —, vos coûts augmenteront rapidement lorsque vous aurez utilisé toute la biomasse qui se trouve dans le voisinage immédiat.

Dans l'industrie forestière canadienne, nous constatons que ces processus qui donnent des sous-produits dérivés sont utiles tant qu'il y a un approvisionnement de rebuts à proximité. En outre, il faut aussi tenir compte de la période pendant laquelle ces rebuts sont disponibles, et elle est très brève dans la plupart des cas.

M. Roberts : C'est fonction de la façon dont vous vous y prenez. Je vous donne l'exemple de la société Tolko. Essentiellement, elle utilise l'écorce provenant d'une scierie. Supposons qu'elle produit du bois d'œuvre pendant un certain temps, elle pourra utiliser cette matière de façon continue. Plutôt que d'utiliser l'écorce, elle pourrait s'agrandir et utiliser aussi ses copeaux et sa sciure. C'est une option.

Je veux préciser une chose : si les entreprises vont à l'étranger, c'est notamment en raison du faible coût de la biomasse.

Le sénateur Ogilvie : C'est ce que je disais.

M. Roberts : Il est plus faible en Malaisie qu'ici. C'est pour cette raison que j'ai parlé dans mon exemple de 70 $ la tonne alors que nous pouvons le faire à 61 $ le baril.

Le sénateur Ogilvie : Je parle du coût de la biomasse, du coût à payer pour se procurer de la biomasse. Au Canada et en Amérique du Nord, la biomasse est souvent gratuite parce que c'est un rebut qui n'est pas utilisé. Une partie de cette biomasse est brûlée dans des secteurs où il n'y a pas beaucoup de valeur ajoutée.

Dans l'exemple précis que vous nous donnez, la source de biomasse est renouvelable. Vous ne coupez pas les forêts, vous n'avez pas besoin de vous éloigner de plus en plus de l'usine, parce que vous utilisez les rebuts de régimes qui sont produits, c'est du moins ainsi dans l'exemple que vous nous donnez.

M. Roberts : Ils pourraient encore y arriver. Il y a toujours un coût à la biomasse. Dans bien des cas, je pourrais la vendre ou, du moins, la traiter, ce qui entraîne des coûts. Dans l'exemple que je vous ai donné, au haut de la diapositive, le coût varie selon le prix de la biomasse. À gauche, c'est zéro. Je ne crois pas que nous avons de la biomasse à coût zéro où que ce soit, mais s'il y en avait, le baril d'huile reviendrait à 28 $. Tant que je gère durablement mes forêts, je peux utiliser des arbres entiers. J'ai une production continue, à condition de gérer de façon durable. Les facteurs économiques sont tout simplement plus intéressants en Malaisie.

Le sénateur Ogilvie : Je ne vais pas poursuivre cette discussion parce que je crois qu'il y a un vice caché. Dans cet exemple, on parle de 32 millions de tonnes de biomasses annuellement.

M. Roberts : C'est exact.

Le sénateur Ogilvie : Les arbres ne bougent pas, ils ne sont pas coupés, ils ne sont pas transformés en bois d'œuvre. On utilise uniquement les rebuts. Ce résidu vient des régimes, et cetera. Quand vous parlez de couper des arbres, par contre, vous modifiez continuellement l'environnement. À l'heure actuelle, dans certains secteurs vous pourriez vous procurer des rebuts de biomasse pratiquement pour rien, mais cela ne durera pas, surtout si l'on commence à les utiliser sous certaines formes.

Vous devez prendre un modèle à long terme pour le coût de la biomasse. Diverses personnes qui s'y intéressent et qui sont venues témoigner devant le comité nous ont dit que de nombreux facteurs entraient en jeu. C'est bien joli de ramasser les rebuts laissés au bord du chemin pendant la récolte, de les emporter et de les utiliser; mais on ne pourra le faire qu'une seule fois.

M. Roberts : Je comprends, mais je ne pense pas que nos opinions soient totalement opposées. Un de vos arguments s'applique à la Colombie-Britannique, en particulier, où une bonne partie du bois utilisé s'est accumulée le long des routes. On ne pourra le ramasser qu'une seule fois.

Le sénateur Ogilvie : C'est un exemple que je vous donne.

M. Roberts : C'est évident, la biomasse a un coût, mais nous pouvons encore trouver de la matière de façon durable, à la scierie, en utilisant les copeaux et l'écorce, et nous pouvons même, dans les cas extrêmes, recourir à des récoltes délibérées. C'est certain qu'il y a un coût. Nous avons fait nos calculs avec un coût de 70 $. C'est un coût très supérieur à ce que nous voyons dans les faits. En moyenne, au Québec, pour Abitibi, il est de 35 ou 40 $. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons défini cette fourchette. À quel endroit du monde est-ce que je voudrais d'abord m'installer? Je ne construirais sans doute pas à l'échelle au Canada, j'irais où le coût est le plus faible. Il est intéressant que dans le cas de la Malaisie cela figure dans les normes d'énergie renouvelable. Il n'est pas nécessaire de s'en tenir à l'huile, je peux aussi utiliser le gaz. Le gaz naturel est imbattable, parce que son coût est très faible.

Le sénateur Robichaud : Vous dites que vous avez des chiffres pour la bioénergie et la pyrolyse et que cela est faisable.

M. Roberts : Honeywell a donné des garanties. Est-ce qu'elle en a produit commercialement? Elle l'a fait à 100 tonnes par jour, mais pas à 400 tonnes par jour, ce qui est considéré comme une production commerciale. Ce n'est pas un énorme effet d'échelle, mais quand même, et nous voulons surveiller les chiffres. Il y a bien sûr des incertitudes quant aux estimations de coût. Les investisseurs auxquels nous avons parlé sont prêts à investir avec les estimations dont nous parlons. Ils sont disposés à investir dans ce projet au niveau de confiance actuelle. Nous avons des gens qui sont disposés à financer cela.

Le sénateur Robichaud : Ici, au Canada?

M. Roberts : Oui. Ce sont des Canadiens et des Américains. Tolko investit à l'heure actuelle.

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit qu'il y avait une usine non loin d'ici?

M. Roberts : Oui, il y a une petite usine à Renfrew, en Ontario, où l'on fait cela depuis quelque temps déjà. Le produit principal n'est pas l'énergie, mais plutôt les produits chimiques alimentaires. De fait, vous avez sans doute consommé de ces produits. Cette technologie produit la majorité de la fumée liquide qui sert à assaisonner les hambourgeois, entre autres. L'entreprise a vendu cette technologie. La technologie n'est pas très récente et elle a été testée dans certains contextes égards. L'entreprise a vendu à Ivanhoe Energy Inc., en Alberta, une application qui améliore les huiles lourdes. Elle en a obtenu 100 millions de dollars. Cette technologie a fait l'objet de certaines vérifications, déjà. Il s'agit maintenant de trouver des moyens de l'utiliser dans un autre contexte.

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé de lamellé-croisé. Est-ce que le glulam fait partie de cette catégorie?

M. Roberts : Oui, c'est une forme grossière, déjà ancienne. Nous avons amélioré nos résines et nos technologies, nous faisons maintenant mieux que le simple glulam.

Le sénateur Robichaud : Hier, nous avons visité une usine de Cascades, à Lachute. Ils ont agrandi un peu l'usine et ils ont utilisé des poutres de lamellé-collé provenant de Chibougamau. Cela leur coûte un peu plus cher, mais parce qu'ils sont dans le recyclage ils veulent que tout soit neutre en carbone et ils ont choisi cette option.

M. Roberts : C'est une option. Nous sommes un peu plus positifs au sujet du lamellé-croisé, parce que c'est plus résistant et qu'on en produit déjà en Europe.

Le sénateur Mahovlich a mentionné quelque chose. Actuellement, nombre de ces petites usines pilotes ne sont pas rentables, en raison de leur échelle. Cela montre l'importance des économies d'échelle. Je vous rappelle l'exemple que j'ai mentionné un peu plus tôt. Un autre produit simple est le panneau solaire photovoltaïque. Les prix ont littéralement chuté de 48 p. 100 en 12 mois. C'est l'effet d'échelle. De fait, les Chinois ont multiplié l'échelle et abaissé le coût unitaire.

Lorsque nous utilisons les économies d'échelle pour le bois d'œuvre, le résultat est spectaculaire. Il y a d'énormes différences entre les coûts unitaires d'une usine de 500 millions de pieds-planche et ceux d'une usine de 100 millions de pieds-planche. C'est ce qui nous intéresse.

Cascades a une approche de marketing intéressante. Vous l'avez bien dit : elle exploite le volet recyclage, et la fibre recyclée en fait partie. Sa nouvelle image est plus verte. Il n'est pas nécessaire pour cela d'utiliser des matières recyclées.

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé de l'importance de l'emplacement. Est-ce que vous voulez dire qu'il faut être près de la matière première, près du marché, ou les deux?

M. Roberts : Les deux. Cela dépend de ce que vous produisez. En règle générale, le bois, et en particulier les grumes, est difficile à déplacer. Si vous transformez les grumes en bois d'œuvre, vous réduisez vos coûts de transport pratiquement de moitié. Vous ne transformez pas 50 p. 100 des grumes en bois d'œuvre. Plus la valeur ajoutée est faible, et plus vous devriez vous installer dans la forêt.

Les gens parlent beaucoup d'énergie, mais le vrai défi pour l'énergie provenant du bois est que c'est un produit de faible densité; il n'y a pas beaucoup d'énergie par mètre cube. Il faut donc « densifier » le produit avant de le déplacer. Songez aux usines de granulés de nouvelle génération ou à la pyrolyse. Vous voulez vous installer dans la forêt pour cela.

Pour certains produits de bois massif qui ont une plus grande valeur, vous devriez commencer à vous rapprocher du client. Lorsque nous construirons des résidences et des composantes, en particulier, nous voulons faire du sur mesure. Nous voulons des coûts faibles et la possibilité d'adapter le produit. Pour l'adaptation, il faut être plus près du client.

Je crois que nous allons de plus en plus tenir compte de toute la chaîne de valeur du bois massif, et la partie à assembler comme des briques Lego se fera plus près du client. Cela sera souvent aux États-Unis, je crois. J'espère que les entreprises canadiennes procéderont ainsi et que nous créerons encore de la valeur pour les Canadiens dans ce contexte. Toutefois, une partie des produits de grande valeur pourrait très bien être fabriqués aux États-Unis.

Dans le cas du lamellé-croisé, toutefois, le produit peut être fabriqué ici, puis être expédié.

Le sénateur Mahovlich : Nombre de chantiers forestiers sont maintenant associés à une plantation. Nous avons vu une plantation de peupliers. Elle est située non loin de l'usine. Pensez-vous que c'est la voie de l'avenir? Il faut quelques années à un arbre pour pousser.

M. Roberts : Oui. Regardez ce que font nos concurrents. Leur stratégie est de traiter la forêt comme une culture agricole. Vous la plantez près de l'usine. Nous pouvons récolter nos peupliers dans 12 ou 15 ans. Pour les cultures énergétiques au Brésil, il faut compter trois ans.

Nous sommes allés à mi-chemin pour ce qui est de traiter la forêt comme une culture intensive. Nous avons examiné la question et nous nous sommes attaché une main dans le dos. Nous avons fait un choix social. La main que nous avons liée derrière le dos est notre réticence à recourir au génie génétique.

Le sénateur Eaton : Ce n'est pas nous, c'est la réluctance d'autres personnes. Elles s'y refusent absolument.

M. Roberts : Cela n'est pas toujours le cas. On utilise du bétail cloné, par exemple. Les Européens le font. Nous n'avons pas besoin de créer des arbres mutants comme le font les Chinois, et ils font des choses que nous ne voulons pas faire, mais nous pourrions être beaucoup plus progressifs en termes de culture sélective.

Je ne dis pas qu'il faille se lancer dans la monoculture, parce que cela crée de sérieux problèmes. Nous voulons des forêts résistantes, surtout compte tenu de l'incertitude liée au changement climatique. Ce n'est pas parce que nous utilisons des stocks génétiques perfectionnés que nous devons mettre tous nos œufs dans le même panier.

Quelque chose m'inquiète. Nous constatons que d'autres pays s'intéressent aux types d'arbre qui supportent mieux la sécheresse et le réchauffement. Nous ne nous sommes pas engagés dans cette voie. Ça ne relève pas tant du fédéral que des provinces. Nous ne parlons pas, ici, de culture de denrées génétiquement modifiées pour exploiter le génome au maximum.

Nous faisons de l'élevage sélectif en agriculture depuis des centaines d'années mais nous ne sommes pas aussi dynamiques à cet égard. Nous n'utilisons pas les mêmes techniques qu'en agriculture.

Le sénateur Mahovlich : Je crois que nous avons vu quelques arbres génétiquement modifiés chez Cascades, qui essayait de modifier un peuplier japonais.

Le sénateur Eaton : Quelqu'un nous en a parlé la semaine dernière. C'est tout ce qu'ils font.

Le sénateur Mahovlich : Ils essaient de trouver ce qui convient à notre climat.

M. Roberts : Cela va se faire surtout sur les terres privées. Nous avons une des entreprises les plus avancées au monde pour la recherche sur le pin : la CellFor, en Colombie-Britannique. Elle vend moins de 5 p. 100 de son produit au Canada, mais elle mène certains de ses travaux de recherche les plus intéressants là-bas. Dans son cas, c'est assujetti à la réglementation du ministère des Forêts de la Colombie Britannique, et c'était en partie en réponse à des préoccupations publiques. C'était trop modifié, selon eux, mais nous faisons la même chose en agriculture.

[Français]

Le sénateur Rivard : Étant donné votre grande expérience, je vais vous demander de jouer au visionnaire. D'après vous, où en sera rendue l'industrie canadienne du bois dans cinq et dix ans?

[Traduction]

M. Roberts : Je crois qu'elle sera réduite et que le volet bois massif sera plus important que le secteur des pâtes et papiers. Le papier journal se meurt. Le papier de pâte maigre que produit Domtar est en perte de vitesse. Les composantes de l'industrie des pâtes et papiers qui s'en tireront le mieux sont les papiers d'emballage et hygiéniques. Nous avons une occasion, ici.

Je crois que le bois massif sera la pierre angulaire de notre industrie, surtout le bois d'œuvre et un peu le bois d'ingénierie. Toutefois, il y aura aussi un volet énergie. Nous utiliserons les résidus des produits de bois massif. L'énergie n'est pas la principale utilisation, mais elle est essentielle.

Notre industrie forestière devrait s'inspirer de notre industrie pétrolière. Quand nous prenons un baril de brut, nous en tirons toute une gamme de produits. Nous ne nous contentons pas de produire de l'essence, comme nous fabriquons des deux sur quatre. Nous devons élargir nos horizons. Il nous faut un plus large éventail de produits et des productions conjointes. Je crois que c'est ce vers quoi nous nous dirigeons.

La distribution régionale évoluera. Je crois que le dendroctone du pin ponderosa aura sur les collectivités de l'intérieur de la Colombie-Britannique un effet beaucoup plus marqué que ce que nous prévoyons. Y a-t-il un côté positif à cette situation? Cela signifie que le prix du bois d'œuvre sera plus élevé que certains le pensent. C'est positif si vous êtes à l'est des Rocheuses. Cela constituera un défi dans certains secteurs.

Nous verrons quelques nouveaux joueurs établir des partenariats avec les joueurs existants.

J'ai un dernier commentaire à faire. Souvent, j'entends les entreprises forestières dire qu'elles sont presque fières de venir après les autres, en deuxième place. Elles ne veulent pas prendre le risque lié à l'innovation initiale. C'est un problème. Lorsque nous regardons certains de ces nouveaux produits, l'énergie ou les produits chimiques ou même les nouveaux produits de bois massif, quand il faut collaborer avec des partenaires et qu'il n'y a qu'un nombre limité de bons partenaires, vous voulez être le premier à attirer ce partenaire. Cela me préoccupe. Je crains que ceux que nous voulons vraiment ne soient déjà pris et qu'ils aient signé des ententes exclusives.

Qui sont les chefs de file dans le secteur de la biochimie? Ce ne sont pas les grandes entreprises européennes mais bien les entreprises européennes de taille moyenne qui sont les chefs de file mondiaux dans ce domaine. Nous devrions entamer un dialogue avec elles.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que les banquiers sont trop timides face à l'industrie forestière?

M. Roberts : Oui, ils le sont. Je dirais que c'est le cas des financiers en général, pas seulement des banquiers. Il faut des connaissances pour prendre des risques. Un des problèmes, surtout pour une industrie en crise et avec les nouvelles technologies, c'est qu'il faut faire ses devoirs pour bien comprendre le risque technologique. J'ai pris une année de congé simplement pour étudier la question. Nous voulons faire de l'argent avec cela, et c'est pour cette raison que nous voulons être mieux informés que les autres. Je crois que les investisseurs sont frileux, c'est vrai.

Regardez d'où viennent les fonds pour l'innovation initiale, ils ne viennent pas des banquiers, et c'est très bien ainsi. Il ne faut pas financer cela avec des dettes. C'est le domaine des sociétés de capital-risque. Est-ce que le Canada manque de capital-risque? Oui. Inversement, toutefois, je dirais qu'il n'y a qu'un seul endroit au monde qui s'y connaît vraiment en capital-risque : les États-Unis. L'Europe n'a pas de capital-risque. Les Asiatiques n'en ont pas. C'est un point fort propre aux Américains. La bonne nouvelle, c'est que les liaisons aériennes entre le Canada et Boston et San Francisco sont nombreuses. Nous pouvons les inviter si nous avons de belles perspectives. Je ne suis plus aussi pessimiste qu'avant. Est-ce que les banquiers peuvent faire plus? Certainement.

Le président : Monsieur Roberts, vous avez dit que le rapport entre les dettes et les capitaux propres en Colombie- Britannique était d'environ 6 p. 100.

M. Roberts : Pour certaines compagnies clés, c'est exact. Je ne donnerai pas de noms, mais la moyenne dans le secteur du bois d'œuvre en Colombie-Britannique se situe entre 5 et 10 p. 100.

Le président : Pouvez-vous nous dire ce qu'elle est pour le Canada?

M. Roberts : Dans l'Est, ce n'est pas toujours très élevé, c'est de l'ordre de 15 ou 20 p. 100. Vous en avez qui sont à l'autre extrémité. Abitibi émerge à peine de la protection du chapitre 11. Certaines atteignent les 70 p. 100, et cela est inacceptable.

Le président : Quelle est la moyenne au Canada?

M. Roberts : Je dirais probablement entre 40 et 45 p. 100. Au cours d'un cycle, vous devriez viser 40 p. 100.

Le président : Des témoins nous ont dit que le secteur forestier du Canada appliquait pour ainsi dire une approche en quatre volets. Qu'est-ce que vous en pensez? L'un est l'amélioration de la productivité et de la compétitivité, l'autre, l'expansion et la diversification des marchés, le troisième, l'utilisation du rendement environnemental pour vendre nos produits et optimiser la valeur de la fibre. Êtes-vous d'accord, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?

M. Roberts : Ce sont des buts louables, logiques, que nous pouvons atteindre. Là où les choses se corsent, c'est au niveau des détails. Comment y parvenir? Pour ce qui est de l'image environnementale, je pense que le projet de Boyle est un modèle mondial, honnêtement.

Le président : Le 19 novembre dernier, j'ai assisté au sommet sur la foresterie à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Est-ce que nous devrions tenir un sommet forestier national?

M. Roberts : Je crois que oui, si nous sommes prêts ensuite à passer à l'action. Nous avons déjà tenu des sommets. Nous parlons trop et nous n'agissons pas assez.

Le président : C'est ce que nous faisons ici?

M. Roberts : Non, mais il existe une véritable industrie des sommets. Il faut ensuite poser des gestes. Ne vous en tenez pas au secteur public et aux entreprises. Cherchez des intervenants non conventionnels, de nouveaux joueurs, recueillez leurs opinions. Si possible, essayez d'attirer des financiers : nous nous sentons seuls.

Le président : Avez-vous d'autres commentaires, honorables sénateurs?

Au nom du comité, monsieur Roberts, je vous remercie infiniment d'être venu et de nous avoir exposé vos points de vue. Nous sommes heureux que vous soyez Canadien.

(La séance est levée.)


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