Délibérations du comité sénatorial spécial sur
l'Antiterrorisme
Fascicule 1 - Témoignages du 31 mai 2010
OTTAWA, le lundi 31 mai 2010
Le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme se réunit aujourd'hui, à 13 heures, pour examiner des questions relatives à l'antiterrorisme.
Le sénateur Hugh Segal (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, il est 13 heures et j'aimerais que nous commencions nos travaux sans tarder, dans l'intérêt de tous.
Je vous souhaite la bienvenue à cette seconde séance du Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme. Ce comité a été établi conformément aux ordres de renvoi du Sénat du Canada du 4 mai puis du 27 mai. Nous nous préparons à étudier deux mesures législatives : le projet de loi S-7, Loi visant à décourager le terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, et permettant aussi aux victimes d'actes terroristes d'intenter des poursuites contre les auteurs de ces actes et les États qui les appuient. Nous allons également examiner le projet de loi C-17, Loi modifiant le Code criminel (investigation et engagement assorti de conditions).
Aujourd'hui, nous allons commencer par faire le point sur les menaces terroristes actuelles, avec de hauts responsables de la police, des services de sécurité et de la lutte contre le terrorisme au Canada. Nous entendrons Charles Bisson, qui est sous-directeur des Opérations au Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS; Monik Beauregard, directrice au Centre intégré d'évaluation des menaces, ou CIEM; le commissaire adjoint Gilles Michaud, chargé des enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale à la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC; et Linda Goldthorp, directrice générale, Direction générale de production de renseignements, à la Défense nationale.
On a demandé à nos invités de se concentrer sur une série de questions bien précises, à savoir : de quelle façon la menace terroriste qui pèse sur le Canada et le reste du monde a changé au cours des cinq dernières années? En quoi cela a-t-il une incidence sur les plans d'urgence antiterroristes et d'autres initiatives du genre? Dans quelle mesure peut-on parler d'intégration de la capacité d'analyse du SCRS, de Citoyenneté et Immigration Canada, du Service canadien de renseignements criminels, du Centre de la sécurité des télécommunications Canada, de la GRC et du Centre intégré d'évaluation des menaces pour ce qui est d'analyser ces changements? Existe-t-il des obstacles, bureaucratiques ou attribuables à des problèmes de rivalités, qui entravent, d'une certaine manière, notre capacité d'adaptation et de réaction au terrorisme? Et enfin, jusqu'à quel point le lien entre le terrorisme et le crime organisé est-il réel?
Nous avons la chance de recevoir aujourd'hui de hauts responsables qui, j'en suis sûr, ont un emploi du temps quotidien très chargé. Nous allons commencer par entendre leurs témoignages. Nous allons procéder dans l'ordre suivant : M. Bisson, du SCRS, suivi de Mme Beauregard, du Centre intégré d'évaluation des menaces; puis ce sera au tour de M. Michaud, de la GRC; et nous terminerons par Mme Goldthorp, de la Défense nationale. Lorsqu'ils auront tous terminé, nous leur poserons des questions.
Charles Bisson, sous-directeur, Opérations, Service canadien du renseignement de sécurité : Merci et bonjour. Je suis heureux d'être ici avec vous. Je tiens à dire, pour commencer, au nom du SCRS, que le directeur et moi vous sommes reconnaissants de l'intérêt qu'a porté jusqu'ici le comité aux politiques et aux pratiques antiterroristes dans notre pays. Je sais que beaucoup de membres du comité ont participé à l'examen de la Loi antiterrorisme, présentée au Parlement en 2007, et je crois qu'il est louable que le comité ait été reconstitué pour continuer d'étudier ces questions importantes.
[Français]
Les menaces qui pèsent sur le Canada sont réelles et elles évoluent constamment. Pourtant, bien trop souvent, ces questions importantes sont seulement abordées en période de crise ou en réaction à un article controversé qui fait la manchette des journaux.
Le directeur du SCRS, M. Fadden, a dit maintes fois être préoccupé par ce qu'il qualifie de léger déséquilibre dans les discussions entre le terrorisme et la sécurité nationale au Canada. Il a recommandé que nous engagions à ce sujet un débat plus nuancé digne d'un pays du G8.
[Traduction]
À notre avis, la reconstitution de ce comité représente un pas dans la bonne direction. Nous nous réjouissons donc à la perspective de collaborer avec vous pour faire progresser ce débat important de façon équilibrée, afin de permettre d'étudier tant la nature des menaces qui nous guettent que les mesures prises par le gouvernement du Canada pour les contrer et les éliminer.
Le SCRS est le service de renseignement de sécurité du Canada. En vertu de l'article 12 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, qui définit nos fonctions fondamentales, nous avons le mandat de recueillir, d'analyser et de conserver des informations et des renseignements sur les activités pour lesquelles il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles sont une menace pour la sécurité de notre pays. Nous en faisons alors rapport au gouvernement du Canada et le conseillons à cet égard.
En vertu des pouvoirs qui nous sont conférés à l'article 12, nous recueillons des renseignements sur diverses menaces précises qui pèsent sur le Canada. Définies à l'article 2 de la loi, celles-ci comprennent notamment le terrorisme, l'espionnage et les activités clandestines influencées par l'étranger.
Nul ne sera surpris d'apprendre que, parmi ces menaces, notre grande priorité demeure le terrorisme. Nous nous intéressons tout particulièrement à Al-Qaïda, à ses partisans et groupes affiliés. Les personnes, au Canada, qui sont membres de tels mouvements et prônent la violence comme moyen d'atteindre leurs objectifs sont bien sûr celles qui nous préoccupent le plus.
Au cours des dernières années, les phénomènes qu'on appelle communément la radicalisation et l'extrémisme d'origine intérieure sont devenus des menaces particulièrement inquiétantes et graves pour la sécurité nationale du Canada. Bien qu'il existe certaines ressemblances entre les différentes voies vers la radicalisation, nous ne comprenons pas pleinement ce qui amène une personne à passer du fondamentalisme à l'extrémisme violent. Nous savons cependant que la menace est réelle. Récemment, la condamnation de membres du groupe des 18 de Toronto et de Momin Khawaja, ainsi que la vague d'arrestations de citoyens américains qui planifiaient des attentats aux États-Unis démontrent jusqu'où certaines personnes sont prêtes à aller pour faire du mal à leurs concitoyens.
J'encourage quiconque s'intéresse à cette question à lire les documents publics sur les procès de ces individus.
La détermination dont ils ont fait preuve, l'ardeur avec laquelle ils ont transmis leur haine pour leurs cibles et le degré de complexité de leurs plans montrent clairement que nous devons être très vigilants.
La menace de violence que constituent les extrémistes d'origine intérieure est, en soi, inquiétante, et elle l'est d'autant plus qu'elle présente différents défis qui la distinguent de la menace que fait planer le terrorisme international.
Premièrement, par définition, les extrémistes d'origine intérieure se trouvent déjà au Canada. Ils sont le plus souvent citoyens canadiens ou résidents permanents. Ils sont normalement bien intégrés, et la culture du pays — c'est-à-dire la technologie, la langue, les coutumes et les lois — ne leur est pas étrangère. Les méthodes classiques de lutte contre le terrorisme, comme les contrôles aux frontières et le filtrage des demandes de visas, ne peuvent pas toujours être utilisées pour contrer leurs activités.
Deuxièmement, l'avènement d'Internet a eu pour effet de décupler les moyens dont disposent les terroristes, car il facilite la planification, le recrutement, l'organisation et le financement, à tel point que les terroristes n'ont plus besoin d'aller s'entraîner à l'étranger. Il fut une époque où les services de sécurité avaient souvent la chance, au cours de l'étape de planification, de détecter, de déjouer ou d'entraver des attentats terroristes, mais aujourd'hui, parce que la menace est aussi d'origine intérieure, ces services ne disposent plus d'autant de temps pour agir. Autrement dit, la menace se déplace plus rapidement qu'autrefois et nous devons nous adapter pour l'éliminer.
[Français]
C'est l'une des raisons pour lesquelles le SCRS et ses partenaires travaillent de manière concertée afin d'écarter les menaces pour notre sécurité.
À cet égard, le gouvernement a fait d'énormes progrès au cours des dernières années pour s'assurer de communiquer les bonnes informations aux bonnes personnes et au bon moment.
Quant au SCRS, la loi nous permet de communiquer des informations que nous recueillons sur les activités liées à la menace aux ministères et organismes fédéraux concernés par leur mandat, notamment l'application de la loi, l'immigration, la sécurité dans les transports et ainsi de suite.
Je dois dire qu'en raison du travail acharné que nous avons accompli par nécessité et solidarité, les relations entre le SCRC et les partenaires dans le domaine de la sécurité n'ont jamais été meilleures.
[Traduction]
J'ai déjà dit que l'affaire du groupe des 18 de Toronto et celle de Momin Khawaja étaient des exemples concrets du type de menace auquel le Canada doit dorénavant faire face. Elles sont également un bon exemple des avantages que nous avons retirés récemment de notre collaboration avec nos partenaires dans le domaine de la sécurité.
Les poursuites que nous avons réussi à engager contre ces individus ont mis au jour de nouveaux problèmes auxquels nous devons être attentifs. En effet, en raison des dispositions du système de justice pénale qui prévoient la communication de la preuve, ceux qui veulent du mal aux Canadiens savent maintenant quelles méthodes et techniques les corps policiers et les services de renseignements ont utilisées contre eux. Les organismes de sécurité doivent donc constamment adapter leurs méthodes opérationnelles et chercher des angles d'enquête et des solutions innovatrices afin de conserver une longueur d'avance sur leurs cibles. Il est donc essentiel que le SCRS et les corps policiers soient en mesure de maximiser une série grandissante de moyens et de techniques d'enquête, conformément aux mesures de protection et aux mécanismes d'examen nécessaires.
[Français]
Bien qu'ils soient imparfaits et qu'ils pourraient toujours être améliorés, divers mécanismes structurels et politiques ont été mis en place entre les services par le gouvernement. L'un des meilleurs exemples est la création du Centre intégré d'évaluation des menaces, dont ma collègue Mme Beauregard vous parlera en détail plus tard.
Comme le souhaite le comité, j'aimerais parler brièvement des liens existants entre le terrorisme et le crime organisé. Il va de soi que le crime organisé n'est rien de plus qu'une forme d'activités criminelles; ceux qui s'y livrent sont dans la mire des organismes d'application de la loi.
Cela ne veut pas dire que le SCRS n'est pas au courant de la menace pour la sécurité publique que représente le crime organisé. Lorsqu'il existe des liens entre le crime organisé et les menaces dont il est question à l'article 2 de notre loi — l'espionnage, le terrorisme et les activités influencées par l'étranger —, le service peut faire enquête et, selon la loi, nous pouvons communiquer des informations aux organismes d'applications de la loi qui pourraient intenter des poursuites, fédérales ou provinciales.
Cependant, la situation actuelle est différente et bien que par le passé, le SCRS ait mené des enquêtes sur le crime organisé sur le plan stratégique, le contexte actuel de la menace a obligé le service à transférer une part importante des ressources à la lutte contre le terrorisme.
En terminant, j'aimerais simplement réitérer le fait que le service est convaincu que le comité est un important forum pour ce genre de discussions, dont notre pays ne pourrait se passer. Dans toutes les démocraties, y compris le Canada, il faut que les services de sécurité soient dignes de la confiance que leur accordent les citoyens et qu'ils servent les représentants parlementaires.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner de cet esprit à votre comité et je répondrai à vos questions avec plaisir.
Monik Beauregard, directrice, Centre intégré d'évaluation des menaces : Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le comité pour vous parler du rôle du Centre intégré d'évaluation des menaces, le CIEM.
Dans les prochaines minutes, j'aborderai les sujets suivants. D'abord, le mandat et la structure du CIEM, l'évolution de la menace terroriste à l'échelle internationale au cours des cinq dernières années et les conséquences que cette évolution a eues pour le Canada et, finalement, j'aborderai brièvement le lien entre le crime organisé et le terrorisme.
[Traduction]
Le Centre intégré d'évaluation des menaces, ou CIEM, a vu le jour après l'adoption, en 2004, de la politique de sécurité nationale appelée Protéger une société ouverte : La politique de sécurité nationale du Canada, qui reconnaissait qu'il fallait unir et coordonner nos efforts pour mieux assurer la sécurité des Canadiens et tirer le meilleur parti des fonds consacrés à cette initiative. La politique prévoyait la création d'un centre intégré d'évaluation pour veiller à ce que les analyses soient communiquées en temps opportun et de manière efficace à tous ceux qui en ont besoin. Le CIEM a donc pour objectif principal de produire des évaluations exhaustives, intégrées et à jour de la menace terroriste qui pèse sur les intérêts canadiens, tant au pays qu'à l'étranger.
Il convient de souligner que le mandat du CIEM a été revu et élargi à trois reprises depuis la création de l'organisme en 2004. Le CIEM rédige maintenant des avertissements qui traitent notamment des risques de recours à la violence grave contre des personnes ou des biens pour atteindre un objectif politique. En 2007, le conseiller à la sécurité nationale a ajouté aux sphères de compétences du CIEM les menaces terroristes qui pèsent sur les infrastructures essentielles canadiennes, tant au pays qu'à l'étranger. Enfin, le CIEM joue le rôle d'expert principal en évaluation des menaces terroristes et des menaces de violence grave contre les personnes ou les infrastructures pendant des événements spéciaux comme, récemment, les Jeux olympiques ou les sommets du G8 et du G20, qui se tiendront le mois prochain.
Le CIEM s'appuie sur les ressources de l'ensemble des services de sécurité et de renseignement. Son effectif se compose donc d'analystes en détachement venant de divers ministères et organismes fédéraux. Le CIEM est un excellent exemple d'organisme pangouvernemental, mais il avait besoin de locaux sécurisés. On a donc décidé, dès le début, qu'il s'installerait dans l'immeuble du SCRS et qu'il en deviendrait une direction à part entière.
Le CIEM travaille, d'une part, avec l'appareil du renseignement, qui s'est engagé à lui prêter des analystes et, d'autre part, avec le SCRS, qui lui fournit tout le soutien dont il a besoin pour bien fonctionner. À cette double relation devait également être associé un processus de gouvernance participatif afin que tous les intervenants aient voix au chapitre lorsque viendrait le moment de définir l'orientation stratégique du centre.
Le directeur du CIEM relève directement du directeur du SCRS qui, pour sa part, donne des conseils au conseiller à la sécurité nationale, ou CSN. Le directeur du SCRS et le CSN coprésident un comité de sous-ministres appelé Conseil de gestion du CIEM, qui a pour mandat d'examiner le rendement du centre et de donner des conseils sur son orientation stratégique, notamment sur les changements à court ou long terme dans ses activités ou son mandat.
[Français]
J'ai déjà fait allusion au fait que la structure du CIEM est basée sur un modèle intégré de partage et d'analyse des informations et des renseignements sur la menace terroriste.
En pratique, le CIEM analyse les informations et les renseignements que les organismes qui en font la collecte et d'autres partenaires lui fournissent. Il est important ici de souligner que le CIEM est un centre d'évaluation et qu'il n'analyse que les informations qui sont recueillies et qui lui sont communiquées par d'autres.
Comme il doit absolument y avoir un échange d'informations pour que le CIEM puisse s'acquitter de son mandat, tous les analystes qui y sont détachés ont directement accès aux bases de données de leur organisme d'attache.
[Traduction]
Le CIEM a également été créé pour que le Canada puisse contribuer davantage aux efforts déployés à l'échelle internationale pour lutter contre le terrorisme. Il travaille donc en étroite collaboration avec les centres d'intégration étrangers des principaux partenaires du Canada au chapitre du renseignement, à savoir : les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il entretient aussi des relations avec plusieurs centres d'intégration européens.
[Français]
Maintenant que je vous ai donné ce que j'espère être un meilleur aperçu du rôle du CIEM, j'aborderai la question qui vous préoccupe d'abord et avant tout, c'est-à-dire les menaces qui pèsent sur le Canada.
Les menaces terroristes auxquelles le Canada doit faire face émanent de ce qu'on pourrait plus ou moins qualifier de quatre sources différentes.
Premièrement, l'extrémisme islamiste, donc Al-Qaïda et les groupes qui y sont affiliés; deuxièmement, l'extrémisme islamiste d'origine intérieure inspiré de l'idéologie d'Al-Qaïda; troisièmement, les autres groupes terroristes internationaux; et, quatrièmement, l'extrémisme national.
Toutefois, par souci de concision — et parce que M. Bisson vient juste de vous parler de l'extrémisme d'origine intérieure —, je limiterai mes propos à l'extrémisme islamiste que représente Al-Qaïda et les groupes qui y sont affiliés et qui demeurent la menace terroriste la plus importante à laquelle sont confrontés les pays occidentaux, dont le Canada.
Comme vous le savez, Al-Qaïda a précisé à plusieurs reprises que le Canada est une cible. Même si les efforts soutenus de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme ont affaibli les instances dirigeantes d'Al- Qaïda et miné leurs activités de financement et de recrutement, Al-Qaïda demeure une menace pour le Canada et ses intérêts à l'étranger.
[Traduction]
L'idéologie anti-occidentale et anti-israélienne d'Al-Qaïda est très présente dans les messages de l'organisation. Comme Al-Qaïda subit d'intenses pressions dans les zones tribales du Pakistan où ses membres se sont réfugiés, ce sont de plus en plus ses groupes affiliés en Afghanistan et au Pakistan, au Maghreb, au Sahel, en Irak et dans la péninsule d'Arabie qui mènent les activités opérationnelles. Les groupes affiliés à Al-Qaïda se concentrent sur des objectifs et des opérations à l'échelle régionale, mais l'incident survenu à Noël et l'attentat à la bombe raté du mois dernier à Times Square montrent que ces groupes ont une volonté nouvelle et inquiétante et, dans une certaine mesure, les moyens de monter des attaques loin de leur territoire.
L'attentat manqué de Noël représente également un changement de stratégie de la part d'Al-Qaïda et de ses groupes affiliés, qui sont passés d'attaques bien planifiées et coordonnées à des attentats opportunistes de moindre envergure. L'attaque en question a été planifiée assez rapidement, en fonction des connaissances d'une recrue et de sa capacité à voyager.
Les messages affichés récemment sur Internet et la propagande d'Al-Qaïda font l'éloge des attaques opportunistes et plutôt simples comme celle perpétrée par le major Hasan à Fort Hood; ils encouragent ce type d'attaque qu'ils qualifient officiellement de jihad personnel, agitant le spectre du jihadiste qui agit seul. Ces nouvelles tendances, ainsi que les préoccupations soulevées par plusieurs cas récents d'extrémisme d'origine intérieure montrent clairement que la menace terroriste se diversifie.
Enfin, je vais répondre à votre question sur les liens entre le crime organisé et le terrorisme. Les groupes criminels organisés se méfient des organisations terroristes dont les opérations à caractère religieux ou idéologique ont souvent un effet négatif important sur les intérêts économiques. Par contre, les groupes criminels organisés tiennent généralement à maximiser leurs profits et à poursuivre leurs activités illégales.
Les terroristes tentent habituellement, eux aussi, d'éviter les contacts avec les groupes criminels organisés, mais ils ont parfois été obligés de participer aux activités illicites de ces groupes pour obtenir des marchandises illégales ou des services, comme le passage de clandestins, dans lesquels ces groupes ont un savoir-faire.
De nombreuses organisations terroristes se sont livrées à des activités criminelles pour appuyer leurs opérations et se procurer des fonds. Elles ont donc régulièrement fait le trafic de migrants, acquis illégalement des armes et utilisé ou gardé en leur possession de faux documents d'identité. Pour financer leurs activités, elles ont commis des crimes tels que fraude, enlèvements, contrebande de marchandises et trafic de stupéfiants. Ces activités criminelles varient en complexité, allant de délits mineurs ponctuels à des activités beaucoup plus structurées et organisées.
[Français]
Par conséquent, les facteurs que je viens de mentionner réduisent les risques que des groupes criminels organisés et des organisations terroristes forment des alliances solides et durables. Comme les groupes criminels organisés sérieux tiennent à maximiser leurs profits, ils n'ont pas l'habitude de compromettre leurs intérêts ou d'attirer inutilement l'attention sur eux en coopérant avec des organisations terroristes.
En conclusion, les efforts déployés à l'échelle internationale pour lutter contre le terrorisme ont porté atteinte aux instances dirigeantes d'Al-Qaïda, à leurs sources de financement et à leurs capacités opérationnelles, ce qui a entraîné une intensification des opérations menées par leurs groupes affiliés. Al-Qaïda demeure néanmoins une organisation solide dont il ne faut pas sous-estimer la détermination à commettre des attentats contre l'Occident. Les terroristes et les extrémistes utilisent Internet plus souvent et de façon plus astucieuse pour faire de la propagande, radicaliser, recruter, amasser des fonds et planifier des opérations. Leurs activités et leurs tactiques sont de plus en plus sophistiquées sur le plan technologique, comme en témoigne le complot de Noël dont l'auteur a réussi à contourner les mesures de sécurité des transporteurs aériens.
J'espère que j'ai réussi à vous démontrer qu'il existe une collaboration plus étroite que jamais entre les partenaires du milieu du renseignement aux national et international et que le CIÉM en est un excellent exemple. Des centres d'intégration ont été créés au Canada et dans de nombreux pays occidentaux précisément pour faciliter la coordination des efforts dans la lutte contre le terrorisme.
Le président : Je vais maintenant demander au commissaire adjoint, M. Michaud, de la Gendarmerie royale du Canada de bien vouloir nous faire sa présentation.
[Traduction]
Commissaire adjoint Gilles Michaud, Enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale, Gendarmerie royale du Canada : Bonjour et merci, monsieur le président et chers membres du comité. Je salue le rétablissement de ce comité important comme moyen d'informer les décideurs et le public canadien des efforts que les organismes d'application de la loi et de sécurité déploient pour maintenir le Canada et les Canadiens à l'abri du danger que représente le terrorisme au pays et à l'étranger.
[Français]
Cette mobilisation publique n'est pas quelque chose que nous avons toujours bien réussi, mais nous tentons d'améliorer cet aspect. J'ai soumis au greffier de votre comité deux exemples récents d'efforts à ce titre : le discours de notre commissaire prononcé en octobre 2009 devant l'Association canadienne des études de renseignement et de sécurité, et un document de travail que nous avons rédigé en juin 2009 intitulé Démystifier la radicalisation. Ces deux documents sont disponibles sur le site web de la GRC.
[Traduction]
Comme l'ont indiqué mes homologues du CIEM et du SCRS, la menace est réelle. Elle plane à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières. Il importe également de noter que certains Canadiens se rendent à l'étranger pour obtenir de la formation en conduite d'actes terroristes pour ensuite se livrer aux activités criminelles violentes que leur inspirent leurs opinions extrémistes. Par exemple, nous avons entendu parler de jeunes de la communauté somalienne de Toronto qui se seraient rendus en Somalie pour combattre aux côtés d'al-Shabaad, qui figure sur la liste des organisations terroristes, ici au Canada.
En fait, les terroristes sont des criminels et il incombe aux organismes d'application de la loi canadiens de faire enquête sur les activités criminelles et de recueillir des éléments de preuve pour poursuivre les terroristes. Ainsi, je vais prendre les prochaines minutes pour vous parler du rôle de la GRC dans la lutte contre le terrorisme, de l'approche intégrée de maintien de l'ordre à l'égard des activités terroristes, de certaines des améliorations apportées aux Enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale au cours des dernières années, de nos défis et, enfin, du lien entre le crime organisé et les groupes terroristes.
L'adoption de la Loi sur le Service canadien de sécurité, en 1984, a entraîné le transfert de la responsabilité relative au renseignement de sécurité de la GRC au SCRS. En même temps, la Loi sur les infractions en matière de sécurité établissait que la responsabilité première de la GRC était de faire enquête sur les infractions criminelles pouvant représenter une menace pour la sécurité du Canada.
En 2001, la Loi antiterroriste a plus clairement défini le rôle des organismes d'application de la loi quant à la neutralisation des menaces terroristes en créant des infractions directement liées au terrorisme en vertu du Code criminel. Ces dernières années, on a dénombré plusieurs poursuites fructueuses aux termes de la Loi antiterroriste. Je tiens à souligner que c'est grâce à la collecte d'éléments de preuve et du processus de justice pénale que nous optimisons la transparence, la surveillance et l'obligation de rendre compte au public à l'égard des mesures prises, tout en respectant les droits et les libertés des personnes.
Cela étant dit, l'application de dispositions pénales relatives à la sécurité nationale est une entreprise difficile et complexe. Pourquoi? Une des principales raisons tient à la portée des menaces, comme l'ont si habilement souligné mes collègues un peu plus tôt.
Stimulées par les percées technologiques, la mondialisation et les sociétés de plus en plus sans frontières, les menaces comportent de multiples facettes; elles proviennent de plus d'endroits qu'auparavant et répondent à des motifs plus diversifiés que jamais.
Il est donc important de miser sur les actifs, l'expérience, l'expertise et les mandats prescrits par la loi de divers organismes au Canada pour protéger la population canadienne. Comme on vous l'a signalé, le CIEM est un exemple de cette intégration, alors que du point de vue de l'application de la loi, nous avons quatre équipes intégrées de la sécurité nationale, basées respectivement à Montréal, Toronto, Ottawa et Vancouver. Ces équipes, qui œuvrent sous la direction de la GRC, sont formées de membres de divers organismes canadiens d'application de la loi, du SCRS et du Service des poursuites pénales du Canada. L'efficacité de ces unités est très bien illustrée par les récentes poursuites fructueuses d'individus comme Momin Khawaja à Ottawa, Saïd Namouh à Québec, Prapaharan Thambithurai à Vancouver et les membres du groupe des 18 à Toronto. La poursuite de ces affaires a également contribué à l'interprétation de la Loi antiterroriste et, par l'entremise de décisions judiciaires, a donné une orientation aux enquêteurs de partout au pays.
[Français]
Les recommandations du juge O'Connor et celles que votre comité a présentées dans son rapport de février 2007 ont aussi permis d'apporter des changements positifs dans la façon dont la GRC s'acquitte de son mandat en matière de sécurité nationale. Nous avons notamment amélioré la formation des enquêteurs, qui participent à des enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale, en ajoutant une séance de sensibilisation culturelle pour tous nos employés.
De plus, nos activités sont maintenant contrôlées de façon centralisée à partir de mon bureau à Ottawa; ce qui permet une meilleure surveillance et une plus grande cohérence sur le plan des activités à risque élevé comme le partage de renseignements avec des partenaires étrangers et les activités d'enquête sur des secteurs de nature délicate tels que le monde universitaire et de la religion.
Les mandats des divers ministères et organismes gouvernementaux qui s'acquittent des responsabilités relatives à la sécurité nationale au Canada sont distincts l'un de l'autre et se complémentent. La collaboration entre les communautés canadiennes de la sécurité, du renseignement et de l'application de la loi est essentielle. Je réitère les commentaires de mes homologues du SCRS voulant que la relation entre les divers organismes soit meilleure que jamais; je sais que vous l'entendez probablement et que vous vous demandez si nous le dirions si ce n'était pas le cas, mais je peux vous assurer qu'elle l'est véritablement.
La GRC et le SCRS, par exemple, ont renouvelé le protocole d'entente qui dresse les grandes lignes de notre relation de travail. Nous tenons également des séances de formation conjointes pour nos enquêteurs qui sont mieux sensibilisés à l'égard de nos mandats respectifs et les comprennent davantage.
Je tiens également à souligner que les priorités de la GRC en matière d'enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale sont fondées par les priorités du SCRS et de la conception de la menace par le service. Vous trouverez de plus amples renseignements sur ce que la GRC a spécifiquement fait pour répondre aux recommandations du juge O'Connor dans l'annexe de 20 pages d'un rapport du Comité permanent de la Sécurité publique et nationale de la Chambre des communes. Cette annexe a été rendue publique en juin 2009.
Toutefois, des défis demeurent. Et soyons honnêtes avec nous-mêmes, ils perdureront toujours. Cela dit, nous devons continuer de chercher des solutions. En guise d'exemple notable, le défi que représente l'utilisation du renseignement comme élément de preuve est prioritaire pour la GRC et le SCRS, et ce, même s'il reste du travail à faire sur cette question toujours non résolue. La publication prochaine du rapport du juge Major sur l'enquête relative à l'attentat à la bombe perpétré sur le vol 182 d'Air India pourrait nous fournir des lignes directrices utiles quant à ce problème complexe.
[Traduction]
Il devient plus difficile de nous acquitter de notre mission en matière de sécurité nationale, alors que la nature de la menace évolue et que nos responsabilités relatives à l'application de la loi s'élargissent — même si ce sont nos responsabilités intrinsèques — pour englober la lutte contre les activités terroristes. Nous n'avons donc pas le droit d'échouer compte tenu des éventuelles conséquences terribles d'un tel échec sur la sécurité publique.
Cela signifie que nous devons traiter quotidiennement une quantité extraordinaire de renseignements sur les menaces et évaluer tous les éléments d'information que nous recevons — qu'ils nous viennent du public, par l'entremise de notre Réseau-info sécurité nationale; de nos partenaires d'infrastructures essentielles du secteur privé, par l'intermédiaire de notre système de signalement d'incidents suspects; de nos partenaires nationaux, comme le SCRS ou le CIEM; ou de nos partenaires internationaux, comme le FBI. Lorsqu'elle est informée d'une menace crédible, peu importe la source, la GRC se mobilise et y consacre toutes les ressources nécessaires.
Comme vous pouvez l'imaginer, cela met une forte pression sur les moyens dont nous disposons, car alors que davantage de ressources internes de la GRC sont affectées au programme de sécurité nationale, la pression exercée sur d'autres programmes s'accroît.
Toutefois, je ne saurais trop insister sur le fait que la GRC fait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger le public, contrer les menaces terroristes et traduire les criminels devant la justice toutes les fois que c'est possible.
Enfin, le lien entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme est également complexe. Bien que nous sachions qu'il existe des liens étroits entre les éléments extrémistes et le commerce de la drogue dans des régions comme l'Afghanistan, c'est un domaine que nous tentons de mieux comprendre et qui révèle la complexité grandissante des menaces. Nous savons que des organisations criminelles mènent des activités illégales à l'appui de groupes ou d'individus terroristes. Nous ne pouvons toutefois clairement établir qu'elles agissent en toute connaissance de cause.
En conclusion, je crois que la seule façon de protéger nos droits et libertés, sans sacrifier la sécurité, c'est de criminaliser la menace terroriste qui plane sur les Canadiens. L'approche d'application de la loi fonctionne, et elle fonctionne bien, à condition que nous travaillions de concert avec nos partenaires et exploitions au mieux notre capacité à assurer la protection des Canadiens.
Voici ce qu'a dit notre commissaire devant l'Association canadienne pour les études de renseignement et de sécurité, ou ACERS, dans son discours d'octobre que j'ai mentionné plus tôt :
Pour son pouvoir efficace et démocratique de dissuasion en matière de criminalité, pour sa capacité de jeter des ponts et pour son rôle centralisateur de tous les efforts destinés à protéger la population canadienne dans un contexte où les menaces se font complexes, j'estime que le temps est venu de donner aux organismes d'application de la loi les moyens de boucler la boucle sur la sécurité nationale.
Linda Goldthorp, directrice générale, Direction générale de production de renseignements, Défense nationale : Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de me donner l'occasion de faire une déclaration liminaire devant votre comité aujourd'hui. En tant que directrice générale à la Production de renseignements, je relève du Chef du renseignement de la Défense, qui est actuellement le major-général Matthew Macdonald, au sein des Forces canadiennes et de la Défense nationale. Le Chef du renseignement de la Défense, ou CRD, a pour responsabilité de fournir tout un éventail de services de renseignement à la Défense nationale et aux Forces canadiennes, en se concentrant sur le soutien aux opérations des Forces canadiennes et le respect des exigences en matière de renseignement de défense stratégique du ministère et des Forces canadiennes. Cela inclut la communication de renseignements de défense à d'autres ministères fédéraux.
Le rôle du CRD consistant à fournir des renseignements sur les menaces terroristes qui pèsent sur le Canada et le reste du monde est assez limité. Nous n'avons que très peu de moyens pour suivre l'évolution du terrorisme international et l'analyser, et nos efforts à ce chapitre se concentrent essentiellement sur les menaces terroristes dans les zones où les Forces canadiennes sont déployées.
Nous augmentons ces moyens lorsque nous devons appuyer une mission autorisée des forces spéciales canadiennes, comme dans le cas d'enlèvements de ressortissants canadiens à l'étranger.
Au pays, notre mandat est également plutôt limité et vise surtout à répondre aux exigences des Forces canadiennes ou de la Défense nationale. À titre d'exemple, nous évaluons les menaces relatives au transport sécuritaire des armes et de l'équipement des Forces canadiennes sur le territoire national, et nous utilisons les travaux de nos collègues ici présents, du SCRS, du CIEM et d'autres partenaires, pour bien comprendre la situation et soutenir les missions des Forces canadiennes autorisées par un ministère. Par exemple, nous aidons les Forces canadiennes lors de la tenue d'événements au Canada ou pour appuyer des opérations autorisées d'application de la loi.
J'aimerais ajouter un mot au sujet du rôle particulier de l'Unité nationale de contre-ingérence des Forces canadiennes, ou UNCIFC, unité qui relève directement du Chef du renseignement de la Défense. L'UNCIFC a pour responsabilité d'offrir des services de renseignement de sécurité et de contre-ingérence au ministère et aux Forces canadiennes, dans le but de détecter et de contrer les menaces sur la sécurité de la Défense nationale et des Forces canadiennes que font peser des services de renseignement étrangers ou encore des individus ou des groupes impliqués dans des activités d'espionnage, de sabotage, de subversion ou bien des activités terroristes, extrémistes ou criminelles. Dans le cadre de son mandat, l'UNCIFC doit travailler aussi bien à l'intérieur du territoire canadien qu'à l'appui d'opérations effectuées par les Forces canadiennes déployées à l'étranger.
Je suis maintenant prête à répondre à toutes les questions du comité ayant trait au mandat et aux attributions du Chef du renseignement de la Défense.
Le président : Merci beaucoup. J'ai ici une liste de sénateurs désireux de vous interroger. Permettez-moi de me tourner vers le sénateur Joyal, qui est aussi vice-président du comité et qui a siégé aux côtés du sénateur Smith à ce comité par le passé, pour voir s'il souhaite poser des questions à notre groupe d'experts.
Le sénateur Joyal : Ma première question s'adresse à M. Bisson ou à M. Michaud. Quelles initiatives avez-vous prises pour tenter d'atteindre votre objectif de sensibilisation accrue des Canadiens ou de participation citoyenne? Il me semble que nous sommes en sécurité tant que nous pouvons entretenir, avec les citoyens ou des groupes au Canada, une relation susceptible de nous faciliter la tâche.
Aucun de vous, dans son allocution, n'a abordé cette question qui est selon moi cruciale dans l'approche globale de maintien de la sécurité au pays.
Autrement dit, je réfute l'idée selon laquelle la sécurité est l'affaire de la police, du SCRS et de la GRC, et que le reste de la population canadienne peut s'en tenir à ses préoccupations habituelles parce que vous veillez bien sur elle. Même si je n'en doute pas, je crois que c'est insuffisant pour garantir la sécurité dans notre pays. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus?
M. Michaud : C'est une bonne question. Au fond, les communautés nous aident à assurer la sécurité de la population. Nous avons un programme de sensibilisation en place dans différentes collectivités, qui se fonde sur la stratégie de police communautaire qu'applique la GRC depuis maintenant plus de 130 ans. Grâce à ces initiatives, nous essayons de faire participer les communautés en leur expliquant notre rôle, d'asseoir notre crédibilité et de les sensibiliser aux menaces qu'elles pourraient déceler dans leur environnement immédiat. Autrement dit, tout en les informant de notre mission et de la façon dont nous travaillons, nous leur demandons de s'engager à nous aider à assurer la sécurité des Canadiens.
Par ailleurs, nous avons une ligne de signalement des crimes, comme je l'ai dit dans mon allocution, qui s'adresse à la population canadienne dans son ensemble. Elle est accessible sur le site web de la GRC. Les gens peuvent appeler pour communiquer des informations à la GRC ou au SCRS. Cette ligne est ouverte 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine. Tous ceux qui appellent peuvent conserver leur anonymat, et les renseignements qu'ils nous donnent seront transmis à la GRC, dans le cadre du programme de sécurité nationale, ou au SCRS. C'est de ces deux manières que nous faisons appel à la collaboration du public.
Enfin, j'aimerais faire un lien avec l'incident de New York. Un citoyen vigilant a vu quelque chose qui lui a semblé louche. Il en a fait part aux autorités compétentes, et c'est ce qui a permis de faire avorter la tentative d'attentat que nous connaissons maintenant. C'est cette forme de vigilance que nous demandons à la population canadienne d'avoir. Les gens peuvent être sûrs que toute information, crédible ou pas, sera prise au sérieux et examinée adéquatement.
Le sénateur Joyal : Cela est-il officialisé, dans le cadre d'un comité consultatif ou de relations que vous développez et entretenez, par exemple, avec différents groupes culturels au Canada? Selon toutes vos déclarations — et vous avez cité les quatre principaux groupes —, vous surveillez les extrémistes islamistes. Existe-t-il une façon d'aider la communauté islamique à mieux comprendre les systèmes que vous partagez? Comment vous y prenez-vous?
M. Bisson : Nous participons également à des programmes de sensibilisation destinés à la communauté musulmane. Toutes les fois que nous en avons l'occasion, quelle que soit la tribune, nous les prévenons de la menace.
L'affaire du groupe des 18 de Toronto en est un bon exemple : avant la couverture médiatique, nous avons informé la communauté de ce que diraient les médias. Depuis, des membres de la communauté nous ont fait part de leurs préoccupations à l'égard d'individus radicaux qui étaient sur le point de quitter le Canada. Cela a fonctionné. Nous essayons de maintenir le dialogue à différents niveaux avec le public, comme avec les milieux universitaires et d'autres groupes.
M. Michaud : Si je puis me permettre, j'ajouterais que le contact avec ces communautés se fait par l'intermédiaire de leurs représentants et avec les jeunes aussi. Nous avons mis en œuvre divers programmes pour expliquer à ces jeunes à quoi sert la police, ce qu'elle fait et comment. Il est à espérer que par ce biais nous leur enseignerons le rôle de la police canadienne, lequel peut différer de la façon dont la police s'acquitte de ses devoirs dans leur pays d'origine. Il s'agit de gagner la confiance de toutes ces communautés et d'être crédibles à leurs yeux.
Le sénateur Joyal : Mes collègues voudront peut-être approfondir le sujet, mais avant, j'aimerais poser une question à Mme Goldthorp.
Aucun d'entre vous n'a fait référence au contexte international. Pourtant, je trouve que depuis environ cinq ans, la situation a changé. Cela peut avoir une incidence sur la façon dont se présentent les problèmes de sécurité au Canada actuellement.
Pourriez-vous nous donner votre avis là-dessus? Si je me fie à votre expérience, madame Goldthorp, c'est un domaine que vous maîtrisez plutôt bien; mais les autres pourront ajouter leurs commentaires. Je crois que nous ne pouvons pas réfléchir à la question de la sécurité uniquement en fonction d'Oussama ben Laden. Selon moi, la donne a changé. J'aimerais avoir votre opinion experte, car vous surveillez l'évolution de la situation au quotidien.
Mme Goldthorp : Bien sûr, l'évaluation des problèmes reliés au terrorisme international dépasse le cadre des frontières. Nous qui travaillons dans les services de renseignement sommes bien placés pour le savoir. J'ignore si c'était l'objet de votre question, mais je crains de ne pouvoir vous parler du lien direct pouvant exister entre les Forces canadiennes engagées à l'étranger et notre sécurité intérieure.
Il est clair que lorsqu'on déploie des membres des Forces canadiennes à l'étranger, on met leur vie en danger. Il faut bien connaître les risques, comme les risques d'attaque terroriste, d'insurrection, de piraterie, d'espionnage et même les risques pour la santé. Les menaces sont multiples. Quand le gouvernement du Canada prend la décision de déployer des militaires, il doit tenir compte de tous ces dangers.
Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration liminaire, nous ne nous concentrons pas précisément sur le terrorisme; nous examinons l'ensemble des risques associés au déploiement à l'étranger.
M. Michaud : J'ajouterais, si vous me le permettez, car vous ne le savez peut-être pas, que depuis 2005, on a dénombré plus de 20 incidents à l'étranger, dans lesquels des citoyens ou des biens canadiens ont fait l'objet d'attaques terroristes. Il suffit de se rappeler l'attentat de Mumbai et du nombre d'enlèvements de ressortissants canadiens à l'étranger pour avoir une bonne idée de la réalité actuelle. Avant 2005, il n'y avait pas autant d'incidents de ce genre.
Cela a des conséquences directes sur la sécurité des Canadiens, non seulement à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur de nos frontières, parce que cela nous oblige à changer notre attitude et à réorienter nos ressources en fonction des menaces qui pèsent sur les Canadiens à l'étranger. Il reste que nos ressources sont limitées. Nous essayons de les répartir au mieux, entre ici et l'étranger, mais au bout du compte, un Canadien est un Canadien, et nous nous devons de le protéger où qu'il se trouve. Cela a des répercussions sur notre mode de fonctionnement.
[Français]
M. Bisson : En fait, c'est ce qui se passe au plan international qui dicte la façon dont on va réagir à l'intérieur du pays. On parle d'Al-Qaïda en Afghanistan et d'Al-Qaïda en Irak, qui sont devenus des catalyseurs, des agents moteurs qui ont motivé le concept de radicalisation dont j'ai parlé. Il faut suivre de près les situations qui se produisent en Irak, en Iran et au Pakistan, car elles servent de catalyseurs à ce qui se passe à l'intérieur du pays.
Dans un deuxième temps, ma collègue a parlé de la menace d'Al-Qaïda et ses organisations affiliées dans la péninsule arabique, de la menace d'Al-Shabab qui a un certain niveau d'affiliation avec Al-Qaïda en Somalie, et de ce qui se passe avec Al-Qaïda dans les pays du Maghreb. C'est donc la menace internationale qui dirige ce qui se produira en termes de réaction interne.
Dans cette même veine, j'aimerais mentionner que c'est l'une des raisons pour lesquelles le SCRS a déployé plus d'agents à l'extérieur du pays afin de pousser les frontières et être à l'affût de savoir quels sont les catalyseurs qui motiveront les personnes sur lesquelles on devra porter attention.
Bref, ce sont les événements internationaux qui dictent la réaction et les priorités du SCRS pour ce qui va se passer de façon domestique.
Mme Beauregard : Les pressions faites sur Al-Qaïda dans les territoires du Pakistan ont amené un changement d'approche de leur part. Ce sont maintenant leurs groupes affiliés qui prennent la relève. Il y a deux ans, on n'aurait pas pensé que certains de ces affiliés tenteraient de commettre des attentats à l'extérieur de leur région. Le groupe Al- Qaïda est directement lié aux attentats ratés du 25 décembre dernier dans la Péninsule arabique.
L'inquiétude s'intensifie face à l'augmentation des capacités des groupes affiliés et leur intention de commettre des attentats contre l'occident à l'extérieur de leur région. L'incident du 25 décembre dernier dans la Péninsule arabique a bien démontré cette capacité à frapper à l'extérieur de leur région.
Il faudrait voir quels sont les intérêts canadiens en jeu à l'extérieur du Canada. Je mentionnerais la présence d'Al- Qaïda au Maghreb, qui représente une menace en particulier pour les intérêts canadiens dans cette région.
Il faut aussi étudier l'évolution de la menace non seulement contre l'Occident, mais d'autres régions également et voir dans quelle mesure elle menace les intérêts canadiens à l'étranger. C'est ce qui nous concerne de plus en plus.
[Traduction]
Le sénateur Wallin : J'ai deux questions, mais je vais les combiner, car je crois qu'elles sont liées. La première m'a été inspirée par les observations du commissaire adjoint Michaud.
Est-ce que les renseignements admis en preuve et les normes applicables varient selon qu'on a affaire à un acte criminel de droit commun ou à un acte terroriste? Dans le même ordre d'idées, dispose-t-on des outils adéquats pour combattre, prévenir ou contrer les attaques terroristes? J'aimerais en savoir un peu plus sur cette question, sur les deux ou trois principales mesures que vous préconiseriez, que ce soit dans le cadre du projet de loi C-17 ou au moyen de changements apportés aux lois sur l'immigration, les transports ou l'immunité des États, par exemple. Pourriez-vous, à tour de rôle, nous exposer vos priorités?
M. Michaud : Je vais répondre à la première partie de votre question de savoir si les renseignements obtenus peuvent être présentés en preuve. En fin de compte, les informations recueillies peuvent constituer des preuves, mais nous devons respecter certains critères pour que les tribunaux criminels les admettent. Ce n'est pas parce que nous disposons de renseignements que nous devons nécessairement les divulguer. Il y a toujours des considérations à prendre en compte pour protéger nos arrières en matière de sécurité nationale, ainsi que des règles concernant la participation de tiers qui s'appliquent à certaines informations. Nous sommes confrontés à des dilemmes, parce que parfois, nous savons des choses que nous ne pouvons communiquer aux tribunaux pour des raisons qui dépassent le processus judiciaire. C'est là que la situation se complique.
Quelle est la solution? Actuellement, c'est le resserrement de la collaboration entre le SCRS, la GRC et d'autres organismes d'application de la loi qui s'efforcent de combler certaines lacunes. Mais cela ne suffira pas. Comme je l'ai dit dans mon discours, pour les solutions, nous attendons de voir les recommandations contenues dans le rapport du juge Major qui paraîtra en juin.
M. Bisson : Je suis d'accord avec mon collègue. Les renseignements peuvent devenir des preuves, mais ils n'en sont pas toujours. Nous sommes parfois confrontés à des dilemmes. Un comité du ministère de la Justice du Canada se penche là- dessus, avec tous les partenaires concernés, afin de résoudre ce problème.
Nous recevons des informations ou des renseignements de différentes sources, y compris étrangères, et c'est sur quoi reposent nos enquêtes. À un moment donné, dans le processus, nous pouvons déterminer qu'il ne s'agit plus d'une enquête relevant du renseignement, mais d'une enquête criminelle; c'est alors que nous transmettons le dossier, ou la direction de l'enquête, à la GRC.
Il faut que ce que nous transmettons à la GRC soit suffisant pour lui permettre de faire son travail. Par conséquent, nous négocions avec elle pour déterminer quels renseignements peuvent être utilisés comme preuves. C'est ainsi que nous avons procédé dans la plupart des affaires, notamment celle impliquant Khawaja et le groupe des 18 de Toronto. Nous avons réussi à trouver des façons, avec la GRC, de répondre à la nécessité de transformer des renseignements en preuves. Mais il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant de régler ce problème.
Le sénateur Wallin : Peut-on le résoudre par la voie législative? Je sais que vous attendez d'en voir l'issue, mais le Parlement a été saisi d'autres dossiers en ce sens, et vous pourriez aussi proposer d'autres mesures susceptibles de rendre les choses plus faciles. Nous sommes notamment au courant des restrictions particulières qui s'appliquent dans l'affaire du groupe des 18 de Toronto, en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je cherche quelques exemples concrets.
M. Bisson : En ce moment, nous travaillons avec le ministère fédéral de la Justice à l'élaboration de recommandations, destinées à notre ministre, concernant le rapport entre renseignement et preuve. Nous y avons consacré beaucoup de temps et d'efforts, mais il n'y a pas de solution facile à ce problème.
Le sénateur Smith : C'est en quelque sorte une question philosophique. Ce n'est peut-être pas votre question préférée, dans les circonstances, mais c'est au moins une question non partisane.
Il convient de se rappeler que ce comité a été créé à la suite des événements du 11 septembre 2001. C'est un comité spécial qui est rené de ses cendres à plusieurs reprises, mais qui n'est pas encore un comité permanent. L'existence de ce comité est liée au fait qu'on a adopté des mesures législatives, dans le sillage du 11 septembre, permettant certaines intrusions dans les droits civils et humains. Nous étions tous d'accord sur le principe, mais nous voulons un certain équilibre.
Nous avons ici des représentants des services de sécurité. Je ne vais pas vous interroger à propos du G20, mais j'ai été complètement renversé de voir que cela allait nous coûter un milliard de dollars, parce qu'on ne parle pas d'une augmentation de 25 ou même de 50 p. 100, mais de bien plus encore.
Revenons-en à l'existence de ce comité, justifiée par la volonté de trouver un équilibre en matière de droits civils et humains. On aurait pu faire toutes sortes de choses, pour des raisons que je n'invoquerai pas ici, depuis les années 1960. J'ai eu plusieurs occasions de me rendre dans des pays situés de l'autre côté du Rideau de fer, et j'ai traversé Checkpoint Charlie à de nombreuses reprises. C'est une époque depuis longtemps révolue, mais qui voudrait revenir à une telle situation entre États?
J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez, en raison de la possibilité que le coût du G20 devienne une sorte de point de référence pour le comité sur la sécurité et le gouvernement. Je ne vais pas m'en prendre au gouvernement parce qu'il dit avoir demandé aux intervenants concernés ce dont ils avaient besoin; et ces derniers lui ont répondu.
Comment justifiez-vous ces montants, en sachant ce que pensent les Canadiens de la façon dont doivent être dépensés les deniers publics? On peut faire bien des choses, mais je crois que vous comprenez l'essence de ma question. J'aimerais avoir votre avis.
Le président : Pour placer les choses dans leur contexte, je vous rappelle que la dernière rencontre du G8 s'était tenue à Kananaskis, en Alberta. Maintenant, nous nous apprêtons à accueillir le G8 et le G20 dans deux villes différentes. Les chiffres ont à peu près doublé par rapport à ce qu'ils étaient pour Kananaskis, ce qui n'est pas nécessairement justifié. Je laisse à d'autres le soin d'en juger. Je tenais donc à rappeler certains faits, dans l'intérêt de nos témoins, et toujours sans esprit partisan. Je vous invite à répondre à cette intéressante question.
M. Michaud : Je ne suis pas parfaitement au courant de tous les détails entourant les sommets du G8 et du G20. Toutefois, je sais que ce sont deux événements majeurs qui se tiennent pratiquement en même temps. À Kananaskis, il n'y avait qu'un événement. Le G8 se tiendra dans le nord de Toronto; et durant la même fin de semaine, ou un jour plus tard, il y aura le G20. En soi, cela pose de sérieux défis pour la sécurité. Quand on examine les coûts, en plus des menaces, on doit tenir compte de l'endroit et du moment, autant d'éléments qui peuvent faire grimper la facture.
Loin de moi l'intention de parler à la place du ministre, mais je crois que les coûts associés aux sommets du G8 et du G20 feront l'objet d'un débat en Chambre demain. On en saura plus à ce moment-là.
Le sénateur Jaffer : Merci pour vos exposés très instructifs.
Je siège à ce comité depuis septembre 2001. À l'époque, nous avions quelques difficultés à reconnaître les membres du SCRS et de la GRC. Je trouve qu'on a parfois tendance à oublier qu'il y a des Canadiens comme moi. Je crois que vous avez réussi à appréhender le groupe des 18 de Toronto parce que vous avez pu recueillir de précieux renseignements auprès de la communauté.
Est-ce que vous pourriez me dire, à tour de rôle, le pourcentage de minorités visibles qu'on retrouve dans vos groupes respectifs?
M. Bisson : Au SCRS, 13 p. 100 de nos effectifs sont issus des minorités visibles. Nous travaillons fort pour recruter des membres de ces communautés. Nous avons besoin de leurs connaissances linguistiques et culturelles pour nous acquitter de notre mandat.
Mme Beauregard : Au CIEM, le pourcentage est légèrement inférieur, mais nous essayons de l'augmenter. Notre travail consiste à faire des analyses, c'est-à-dire à passer au crible une grande quantité d'informations. Nous ne menons pas d'activités opérationnelles comme le SCRS ou la GRC. Toutefois, si les minorités étaient mieux représentées, cela nous aiderait à mieux comprendre la culture des pays où certains de ces groupes exercent leurs activités. Nous cherchons à recruter des gens possédant les compétences linguistiques qui nous intéressent et étant au courant de la situation.
Sur les 30 analystes, trois sont issus de minorités visibles.
M. Michaud : Malheureusement, je n'ai pas ces données ici, mais je vais les trouver et vous les communiquer.
Le problème que vous avez soulevé nous complique la tâche. J'ai parlé un peu plus tôt de la façon dont nous entrions en contact avec les différentes communautés, en parlant avec les jeunes dans le but de bâtir la confiance et d'expliquer le travail des policiers. Nous avons pour objectif de recruter des membres de différentes communautés au sein de notre organisation. C'est difficile de trouver les personnes ayant les compétences linguistiques qui nous permettent de comprendre l'information que nous recevons.
Nous avons des lacunes à combler à ce chapitre. Je vous fournirai les statistiques que vous avez demandées pour la GRC et le programme national de sécurité.
Mme Goldthorp : Moi non plus, je n'ai pas ces données ici, mais je pourrai vous les envoyer plus tard.
Le sénateur Jaffer : Actuellement, près de 17 p. 100 de la population canadienne est issue des minorités visibles. Je dois donc féliciter le SCRS, car lorsque nous avons créé ce comité, en 2001, il y avait beaucoup à faire. À en juger par les chiffres que vous nous avez donnés, vous avez fait un excellent travail. Merci. Les communautés se sentent plus en sécurité quand on les inclut, et cela permet d'obtenir de meilleurs renseignements.
Je n'entends plus beaucoup parler des tables rondes que vous organisiez avec les communautés. Lorsque Jim Judd dirigeait l'organisation, j'entendais parler des nombreuses tables rondes tenues avec la communauté musulmane. Étant musulmane moi-même, je sais qu'à cause des actions d'un petit groupe, on met tout le monde dans le même sac. Je vous félicite d'avoir informé la communauté avant la conférence de presse. C'était très respectueux de votre part et je vous en remercie.
Quelles autres mesures avez-vous l'intention de prendre, tous autant que vous êtes, pour que les membres des communautés se sentent Canadiens à part entière?
M. Bisson : Nous nous efforçons de participer à toutes les activités de sensibilisation auxquelles nous sommes conviés, même lorsque nous n'en sommes pas les organisateurs. Nous assistons également aux tables rondes auxquelles nous sommes invités. Mes directeurs régionaux y prennent part toutes les fois qu'ils le peuvent. Je ne suis pas sûr que nous en fassions assez. À l'avenir, notre direction des communications sera aussi ouverte que possible pour transmettre notre message.
Le sénateur Jaffer : Du temps de Jim Judd, le SCRS organisait des tables rondes. Si je me fie à ce que vous dites, vous ne le faites plus, même si vous sensibilisez les gens autrement. Je ne vous accuse de rien; je ne fais que poser une question.
M. Bisson : Je ne me rappelle pas que nous avions coutume d'organiser des rencontres avec le public. Habituellement, il s'agissait d'initiatives concertées entre nous, la GRC et Sécurité publique Canada. En fait, c'est davantage Sécurité publique Canada que le SCRS qui s'en occupait.
Le président : Si je me souviens bien, la politique nationale de sécurité adoptée en 2004 — et c'est tout à l'honneur de l'administration précédente — prévoyait la création d'un groupe consultatif multiethnique très représentatif pouvant prendre part à un processus consultatif. Est-ce que ce groupe se réunit encore, et si oui, le fait-il en marge des activités auxquelles M. Bisson a fait allusion?
M. Michaud : Oui, il se réunit encore. D'ailleurs, la prochaine rencontre aura lieu les 12 et 13 juin à Halifax; et j'y serai. C'est en plus des initiatives de sensibilisation du SCRS et de la GRC.
J'ai parlé de ce qui se faisait à l'échelle nationale et locale. Nous utilisons également les stratégies des forces policières communautaires pour aller au-devant des communautés.
Enfin, dans ma déclaration liminaire, j'ai parlé de la formation que nous donnons à nos employés pour les sensibiliser aux autres cultures. Cette formation est dispensée par des représentants des communautés. C'est une autre façon de travailler avec les différents groupes.
Le sénateur Jaffer : Lors d'un exposé présenté par le SCRS devant le comité des affaires étrangères, nous avons appris que vous aviez plusieurs pays dans le collimateur; que vous établissiez le profil de certains pays. Les pays donnés en exemple étaient tous musulmans. Est-ce que vous continuez à cibler ces pays ou est-ce que vous avez étendu votre profilage à d'autres États?
M. Bisson : Nous n'établissons pas de profil pour des pays en particulier. Les événements qui surviennent dans le monde nous dictent quels pays doivent retenir notre attention. Le Sri Lanka était et continue d'être un sujet de préoccupation pour nous, à cause des Tigres de libération de l'Eelam tamoul, ou TLET, et des combats qui ont fait rage l'an dernier. L'avenir des TLET nous inquiète toujours.
Nous sommes également inquiets de la situation en Afrique, depuis l'enlèvement de MM. Fowler et Guay et les autres rapts perpétrés en Somalie. La péninsule d'Arabie suscite aussi quelques préoccupations. Les événements mondiaux nous disent sur quels pays nous devons nous focaliser.
Mme Beauregard : Le CIEM regarde où se trouvent les intérêts canadiens à l'étranger, au-delà des ambassades, les intérêts commerciaux, et fait une évaluation de la menace dans les pays en question.
M. Michaud : À la GRC, nous faisons ce qu'a expliqué M. Bisson. Nous ne ciblons pas des pays ou des communautés. Nous visons des criminels, sur qui nous enquêtons. Les pays ou les communautés nous importent peu; ce qui nous intéresse, ce sont les criminels.
Mme Goldthrop : À la Défense nationale, notre grande priorité, c'est de suivre l'évolution de la situation dans les pays où les Forces canadiennes sont déployées. Nous le faisons aussi dans des pays qui nous préoccupent ou nous intéressent depuis longtemps — autrement dit, des États qui possèdent une puissance militaire considérable et qui pourraient inquiéter le Canada. Nous surveillons également la situation dans d'autres pays où les problèmes de sécurité pourraient entraîner l'intervention des Forces canadiennes — une opération de stabilisation de la paix ou, éventuellement, une opération destinée à appuyer l'évacuation de civils. Enfin, nous surveillons également les États dont nous savons qu'ils poursuivent des programmes d'armes de destruction massive ou qu'ils possèdent de telles armes et sont susceptibles de représenter une menace pour le Canada.
Le sénateur Tkachuk : Soyez les bienvenus, et merci. Que faites-vous de la menace terroriste intérieure, comment l'expliquez-vous et comprenez-vous la radicalisation de personnes qui ont passé la majeure partie de leur vie, sinon toute, ici?
M. Bisson : Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, il n'y a pas qu'une voie qui mène à la radicalisation, mais une conjonction de plusieurs phénomènes. Beaucoup d'universitaires se sont penchés sur la question. J'ai fait référence aux événements sur la scène internationale et à Internet, aux combats en Afghanistan, en Irak et au sentiment de persécution du monde musulman, ainsi qu'aux chefs religieux très habiles qui essaient d'exploiter la situation, notamment par le biais d'Internet et d'autres tribunes.
Le phénomène que nous avons observé également à Toronto, c'est que le processus de radicalisation est enclenché lorsque les individus sont très jeunes. Dans le cas d'un certain leader du groupe, les discussions ont commencé dès l'école secondaire, après les cours. Certains jeunes ont de la difficulté à s'adapter au Canada et d'autres se sentent brimés dans leurs droits. C'est un ensemble de facteurs, et pas un facteur unique, qui incite quelqu'un à se radicaliser.
M. Michaud : Si j'avais la réponse à cette question, je serais probablement déjà riche. Nous essayons de comprendre ce phénomène, pas seulement ici, au Canada, mais également aux États-Unis et au Royaume-Uni. Comme l'a indiqué M. Bisson, nous avons certaines pistes d'explications. Toutefois, le plus important, c'est d'essayer de comprendre ce qui pousse un radical à faire usage de la violence. C'est ce qui nous intéresse. Les radicaux comme tels ne nous inquiètent pas outre mesure; ceux qui nous préoccupent sont ceux qui veulent exprimer leurs opinions par la violence. C'est ce processus que nous devons chercher à comprendre pleinement.
Le sénateur Tkachuk : Les terroristes comme ceux qui font partie d'Al-Qaïda, ne parlent pas souvent d'actes de guerre; mais à en juger par leurs convictions et leurs sites Web, ils sont en guerre contre nous. C'est ce qu'ils disent. Les individus qui se radicalisent participent à l'effort de guerre, pour autant que je sache; d'autres peuvent voir les choses différemment, mais il me semble que tous se rejoignent.
Personne n'a employé le mot « trahison ». Ces actes sont dirigés contre des États, pour les déstabiliser; alors, aussi saugrenu que cela puisse paraître, l'objectif de ces groupes est de dominer l'Occident. C'est ce qu'ils disent. C'est ce qu'ils clament, professent et écrivent sur leurs sites web. Ils ne s'en cachent pas. Cela fait partie de leur idéologie.
Auparavant, nous avions sur notre territoire des espions et des communistes infiltrés. Probablement que la plus grande organisation terroriste de tous les temps était communiste. Mais où est la différence? Pourquoi ne les juge-t-on pas pour trahison? Pourquoi ne les considère-t-on pas comme des traîtres? Pourquoi leur laisser croire que ce sont des terroristes, un mot qui fait plus hollywoodien que « traître », alors que ce sont des gens qui font preuve d'une extrême déloyauté à l'égard de leur propre pays? Pourquoi ne les traite-t-on pas ainsi?
M. Michaud : Malheureusement, je ne peux répondre à cette question. Il faut l'aborder d'un point de vue légal, et je ne possède pas les compétences suffisantes pour parler de la différence entre trahison et toute autre accusation de terrorisme prévue dans le Code criminel.
Le sénateur Tkachuk : Comment pouvez-vous identifier une personne qui se rend coupable de trahison, alors, si vous ignorez cela?
M. Michaud : Je ne saurais l'expliquer. Il faudrait que je consulte le Code criminel et que j'essaie de l'analyser pour faire la différence.
Le sénateur Tkachuk : Quelqu'un d'autre a-t-il une idée? Aidez-moi. Vous avez affaire à des traîtres. C'est ainsi qu'on doit qualifier ces terroristes qui ont grandi ici, n'est-ce pas?
M. Bisson : C'est la première fois que je participe à une discussion de ce genre. Il n'est fait aucune mention de trahison dans la Loi sur le SCRS. On y parle plutôt d'espionnage, de terrorisme et d'influence étrangère; et c'est là-dessus que j'enquête.
En 2001, la Loi antiterroriste a permis de combler certaines lacunes du Code criminel, mais on ne se prévaut pas encore complètement des droits qu'elle nous confère, selon moi. Nous conseillons également — car c'est notre rôle — notre ministre sur le type de mesure législative qui permettrait de renforcer les activités du SCRS et d'application de la loi. Je ne parlerai pas de la pertinence d'ajouter la notion de trahison. Le but, c'est de neutraliser ceux qui dirigent leur haine contre la communauté.
Le sénateur Wallin : J'aimerais revenir à ma première question, au sujet des instruments juridiques à notre disposition. Vous venez de dire qu'on ne les exploite pas suffisamment, n'est-ce pas?
M. Bisson : Quand on examine la Loi antiterroriste, on doit se demander quoi faire pour satisfaire aux conditions. Je trouve que les décisions des tribunaux, des juges, sont très instructives. Pourrait-on appliquer cette mesure législative aux individus formés à l'étranger? Est-ce envisageable? On n'a pas encore essayé.
Nous savons que de jeunes Canadiens — et c'est maintenant du domaine public — ont trouvé le moyen d'aller s'entraîner dans des camps à l'étranger. Malheureusement, nous en perdons parfois la trace et ignorons quand ils rentrent au pays, le type de formation qu'ils reçoivent et leurs intentions, une fois qu'ils sont de retour au Canada. Il nous faut évaluer le bien-fondé de ce genre de mesure législative.
Le sénateur Tkachuk : Posons-nous alors l'autre question, sur la différence entre criminels et terroristes. Selon moi, les terroristes figurent dans la catégorie des traîtres, des gens qui tentent de déstabiliser un pays en faisant le plus de victimes civiles possible pour servir une entité étrangère quelconque.
Quant aux criminels, ce sont ceux qui attaquent les dépanneurs ou font du trafic de drogues, par exemple. On les qualifie de criminels, ce qu'ils sont sans aucun doute, mais y a-t-il une hiérarchie? Considérez-vous qu'il faut s'attaquer d'abord aux terroristes? Comment fixez-vous vos priorités à la GRC?
Le président : Si je puis me permettre d'ajouter une précision, je dirais que nous avons, au Canada, une loi qui criminalise certaines activités menées par des bandes de motards et, par effet ricochet, les liens que ces groupes entretiennent normalement avec des comptables, des avocats, des propriétaires, et cetera. Si je comprends bien la question de mon collègue, on veut savoir s'il est possible d'établir un lien permettant de dire que certaines personnes, comme dans le crime organisé, appuient des réseaux terroristes et pourraient être accusées de crime grave, parce que le terrorisme est sévèrement puni dans notre société.
M. Michaud : Je vais répondre à cette question à deux volets.
Premièrement, vous voulez savoir comment la GRC établit ses priorités dans les enquêtes qu'elle mène. Nous enquêtons sur des criminels, et si j'utilise le terme « criminel » pour qualifier les auteurs d'actes terroristes, c'est parce que c'est ainsi que cela figure maintenant dans le Code criminel. Les personnes reconnues coupables d'infractions en vertu du Code criminel sont appelées des criminels. Je tenais à ce que ce soit clair.
Ensuite, vous voulez savoir comment nous établissons un ordre de priorité, dans nos dossiers, à la lumière des menaces qui pèsent sur la vie des gens. Vous avez fait référence à différents types de criminels et de liens avec le terrorisme. Toutes les informations que nous recueillons sur un individu qui menace la vie d'autrui sont traitées en priorité par la GRC. Pour faire une comparaison avec un cas de fraude, par exemple, si nous devons répartir les ressources, nous en mettrons davantage sur le traitement du dossier de l'individu susceptible d'attenter à la vie d'autres personnes, et si le danger est imminent, nous y consacrerons encore plus de ressources. C'est à ce niveau que nous faisons la différence entre ceux que vous qualifiez de criminels et les terroristes. Si un terroriste présente une menace pour la vie des autres, nous nous en occuperons avant n'importe quel autre criminel.
Le sénateur Furey : Monsieur Bisson, dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait allusion au fait qu'il est indispensable que le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, et les agents d'application de la loi puissent utiliser une gamme sans cesse croissante d'options et de techniques d'enquête. Pourriez-vous donner au comité quelques exemples de ce que vous voulez dire par là?
M. Bisson : Par exemple, comme vous le savez, le domaine d'Internet et de la technologie de l'information croît rapidement. Les personnes qui font l'objet de nos enquêtes ont recours à de nouvelles méthodes. Par conséquent, nous devons développer une technologie qui nous permettra de réussir les interceptions.
En outre, à un moment donné, on avait déposé un projet de loi sur l'accès légal, ce qui revêt une grande importance pour une organisation comme la mienne et pour l'application de la loi.
Lorsque les gens ont recours à de nouvelles techniques pour mener leurs activités, nous avons l'occasion de demander à la Cour fédérale de nouvelles techniques d'enquête pour réussir nos interceptions. Il faut toujours nous adapter à l'environnement.
Le sénateur Furey : Êtes-vous en train de nous dire que nous y arriverons au moyen d'une mesure législative? Ai-je bien compris ce que vous dites?
M. Bisson : En ce qui concerne l'accès légal, il est important d'avoir des textes de loi appropriés.
Le sénateur Furey : Monsieur Michaud, vous avez parlé de la criminalisation des menaces terroristes à l'égard des Canadiens. Selon vous, quel moyen le comité devrait-il favoriser pour atteindre ce but le plus rapidement possible?
M. Michaud : De quoi parlez-vous?
Le sénateur Furey : Dans votre exposé, vous avez dit que le seul moyen de protéger nos droits et libertés sans sacrifier la sécurité consistait à criminaliser la menace terroriste à l'égard des Canadiens. Comment voulez-vous que nous procédions?
M. Michaud : Il s'agit de reconnaître que le régime pénal fonctionne. Si nous parvenons à criminaliser tous les types de menaces qui existent, nous pourrons vivre dans ce pays démocratique où, en fin de compte, il faut répondre de nos actes et rendre des comptes au public canadien par l'intermédiaire du système judiciaire. C'est ce que j'entendais par ces observations.
Le président : J'aimerais comprendre vos propos parce qu'il s'agit d'un point fort important. Êtes-vous en train de dire que, de votre point de vue, pour respecter vos obligations de protéger les Canadiens contre la menace terroriste et l'obligation générale de protéger les droits de tous les citoyens, la présomption d'innocence et la transparence dans le système, le meilleur moyen consisterait à traiter les menaces terroristes par les procédures habituelles du droit pénal? On parle ici de l'enquête, de la preuve et de l'application régulière de la loi dans nos tribunaux. Je tiens à ce que ce soit clair, car il s'agit d'un élément important pour d'autres discussions que nous aurons relativement à certains textes de loi.
Si tel est le conseil que vous nous donnez et que je n'ai pas mal interprété vos propos, cette observation pourrait être d'une grande valeur. Si j'ai mal compris, pouvez-vous reformuler vos propos, de sorte que ce soit plus utile?
M. Michaud : C'est exact. C'est exactement ce que je dis.
Le sénateur Furey : Madame Beauregard, actuellement, comment se passe la circulation de l'information entre les organisations? À votre avis, quel est le plus grand obstacle à cette circulation de l'information?
Mme Beauregard : Dans la pratique, chaque analyste détaché qui se trouve physiquement au Centre intégré d'évaluation des menaces, le CIEM, a un accès direct. L'analyste transporte son matériel informatique avec lui et est relié à ses bases de données. Que l'employé soit détaché, par exemple, à l'Agence des services frontaliers du Canada, à la GRC, à la Défense nationale ou au Bureau du Conseil privé — nous avons 14 partenaires co-situés dans nos bureaux —, il a toujours accès directement à ses bases de données principales. Il a accès à tout ce que l'organisation hôte diffuse dans ces bases de données.
Nous avons également accès aux renseignements de connaissance de la situation. Par exemple, si le SCRS ou la GRC est en train de mener une enquête, l'organisation en question échange ses renseignements avec nous. Cependant, nous ne pouvons pas les publier pour ne pas porter atteinte aux opérations qu'elle est en train de mener. Nous avons les renseignements nécessaires pour maintenir une vue d'ensemble de la situation et nous sommes prêts à les utiliser dès que nous en avons le feu vert.
De manière générale, je suis plutôt satisfaite de la circulation de l'information et du fait que nous exploitons toutes les différentes sources d'information. Nous avons également accès aux renseignements bruts de nos alliés. En fin de compte, la mise en commun de tous ces éléments permet d'obtenir une évaluation complète.
Le sénateur Furey : Le processus est-il semblable sur la scène internationale?
Mme Beauregard : Sur la scène internationale, nos plus proches alliés sont les quatre que j'ai mentionnés. Il y a le National Counterterrorism Center, le NCTC, aux États-Unis; le Joint Terrorism Analysis Centre, le JTAC, au Royaume-Uni; le National Threat Assessment Centre, le NTAC, en Australie; et le Combined Threat Assessment Group, le CTAG, en Nouvelle-Zélande. Encore une fois, nous sommes reliés par un système informatique qui permet aux analystes de communiquer entre eux par courriel.
Nous échangeons les résultats des évaluations, quand elles sont terminées. De plus, nous sommes l'intermédiaire qui diffuse les résultats de nos quatre partenaires à nos partenaires nationaux, pour qu'ils y aient également accès.
Nous avons également d'autres technologies de l'information. Nous pouvons faire des vidéoconférences sécurisées avec nos alliés; les analystes peuvent ainsi se réunir dans une salle et lancer des idées au sujet d'une question particulière. Notre principal obstacle est le décalage horaire, mais nous avons très bien réussi à nous rencontrer pour discuter d'enjeux communs.
Le sénateur Furey : En tant que civil, je ne sais pas s'il s'agit de la réalité ou de la fiction, mais nous entendons parfois dire qu'il est difficile pour une organisation d'obtenir les renseignements d'une autre organisation, car elle garde jalousement ses connaissances. Est-ce le cas de nos propres groupes canadiens, ou est-ce que la circulation de l'information se fait librement et efficacement?
Mme Beauregard : La circulation de l'information me convient bien.
Le sénateur Marshall : Pourriez-vous nous parler du respect des renseignements personnels des gens et de nos droits en tant que Canadiens? Les rapports sur le terrorisme ou sur toute autre activité criminelle portent toujours sur les droits de la personne et tentent de déterminer s'il y a eu atteinte à ces droits. S'agit-il d'un obstacle, selon vous? Quel effet cela a-t-il sur ce que vous essayez de faire? Lorsqu'on compare la situation du Canada et celle des États-Unis quant à la réaction au terrorisme, on constate que les Américains semblent prendre des mesures correctives plus dynamiques. Pouvez-vous nous en toucher un mot? Le Canada semble plus modéré. Nous sommes moins enclins à faire fi des droits de la personne. Nous tentons plutôt de les défendre, ce qui ne semble pas le cas aux États-Unis. Pouvez-vous nous parler de cette question?
Mme Beauregard : Nos évaluations destinées à une vaste diffusion ne précisent aucun nom. Quand il s'agit de renseignements que nous avons reçus, mais pour lesquels nous n'avons pas eu le feu vert pour les diffuser, nous n'abordons pas ces sujets particuliers dans nos documents.
Nous rédigeons notamment des documents portant sur des événements à venir. Prenons par exemple les sommets du G8 et du G20. Nous allons préparer des documents qui sont principalement destinés aux agents locaux d'application de la loi, à l'administration municipale, au secteur privé et aux secouristes opérationnels. Ces documents vont leur donner une idée de ce que pourrait engendrer une manifestation prévue, si quelques participants radicaux y assistent et si elle devient violente. Je répète que nous ne précisons aucun nom. Nous le faisons dans le but de fournir les renseignements nécessaires pour maintenir une vue d'ensemble de la situation.
Le sénateur Marshall : Je pensais plus à des cas particuliers où quelqu'un s'est fait arrêter. Quelles preuves pouvez- vous utiliser? Comment pouvez-vous recueillir cette information? Comment poursuivez-vous cette personne en justice? On dirait que l'on se préoccupe davantage des droits de la personne que de la sécurité de l'État. D'après ce que je perçois, nous nous préoccupons plus des droits de la personne au Canada qu'aux États-Unis, qui semblent concentrer davantage ses efforts sur la sécurité de l'État et de ses citoyens.
Je voulais principalement savoir si nous étions allés trop loin avec le respect des droits de la personne. Actuellement, est-ce un obstacle à ce que vous essayez de faire? En tant que parlementaires, nous aimerions savoir si les lois que nous avons adoptées constituent un grand obstacle au maintien de la sécurité de nos collectivités. C'était le but de ma question.
Mme Beauregard : Le mandat du CIEM consiste à évaluer les menaces potentielles.
Le sénateur Marshall : Un autre témoin pourrait-il répondre à cette question? J'aimerais savoir si ma perception des situations américaine et canadienne est bonne. Suis-je à côté de la plaque? La situation canadienne ressemble-t-elle davantage à celles de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande? Où nous situons-nous par rapport à ces pays?
M. Bisson : Il y a peut-être lieu de penser cela, puisque le respect des renseignements personnels des citoyens américains est très important aux États-Unis. Il peut parfois s'écouler beaucoup de temps avant que nous recevions des renseignements concernant les citoyens américains parce qu'on doit d'abord en autoriser la divulgation à un certain niveau.
Si l'on revient à l'épisode du 25 décembre et à l'accident de M. Heatley, où il a été arrêté, ainsi qu'un certain nombre d'Américains, on a parlé de ces événements dans les journaux. Dès qu'une personne est accusée, les renseignements deviennent publics. Ce n'est plus une question de confidentialité, car ils deviennent publics.
Au Canada, notamment dans le cas de Toronto, il y a eu une ordonnance de non-publication. La décision rendue nous empêchait probablement d'apprendre tous les faits au fur et à mesure. Cependant, les jugements ont été rendus publics. Je ne crois pas qu'il y ait plus ou moins de respect des renseignements personnels aux États-Unis et au Canada à cet égard.
M. Michaud : Il me faut convenir des observations de M. Bisson. Si nous nous comparons à d'autres pays, nous pourrions emprunter une voie sur laquelle nous ne voulons peut-être pas nous engager. C'est pourquoi j'ai parlé, dans ma déclaration préliminaire, de l'équilibre entre la sécurité et les droits et libertés des personnes.
Nous sommes liés par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Notre manière d'échanger des renseignements est fonction de cette loi. Nous ne fournissons pas volontairement de données précises quant à l'identification d'une personne tant qu'elle n'est pas accusée et que les renseignements ne sont pas publics. Cela alimente-t-il parfois des rumeurs, des perceptions fautives ou des malentendus? C'est probablement le cas, mais le système travaille pour nous à cet égard, en fin de compte.
Le président : J'aimerais exercer la prérogative de la présidence pour poser une question sur le phénomène de l'isolation et de la radicalisation que nous avons observé dans tous les pays occidentaux. De fait, nos alliés britanniques, américains, australiens et français se sont penchés sur des moyens d'être à l'avant-garde et de comprendre le cycle de la radicalisation et de l'isolation au sein de divers groupes.
Selon vous, en ce qui a trait à ce travail, le Canada est-il rendu là où il le devrait? Devrions-nous faire plus d'efforts à cet égard?
M. Michaud : Nous en faisons davantage. Avec nos alliés, nous nous efforçons d'approfondir ce phénomène. Nous en apprenons beaucoup grâce à nos homologues. Nous sommes en contact avec les États-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni et nous faisons appel à d'autres pays pour mieux comprendre la situation et connaître leurs expériences qui pourraient nous être utiles. Quand nous parlons de radicalisation, Sécurité publique Canada mène différentes initiatives continues en collaboration avec ses homologues américains pour mieux comprendre la situation et trouver des solutions à ce problème.
Mme Beauregard : Nous avons constaté un bon nombre de cas au sud de la frontière. Plus récemment, en novembre dernier, il y a eu la fusillade à Fort Hood. Nous avons également constaté le phénomène dans d'autres pays alliés et occidentaux. Nous avons adopté une démarche proactive à cet égard dans le processus d'autorisation sécuritaire pour ce qui est des mises à niveau et des mises à jour des membres des Forces canadiennes et des employés de la Défense nationale. Cette démarche vise également les nouvelles recrues. Par ailleurs, nous analysons cette question de manière proactive, car nous voulons nous assurer qu'un tel événement ne reviendra pas nous hanter au Canada.
Le sénateur Jaffer : Nous vous avons demandé ce que vous faites dans le cadre de votre travail. Y a-t-il quelque chose que nous, en tant que parlementaires, pouvons particulièrement faire pour aider à prévenir la radicalisation?
Le président : Si vous voulez prendre le temps de réfléchir à la question, il n'y a pas de problème.
M. Michaud : Je crois que c'est une excellente question à laquelle je ne suis pas prêt à répondre pour l'instant.
Mme Goldthorp : Vous ne serez sans doute pas surpris d'entendre la représentante de la Défense nationale affirmer que nous croyons pouvoir très bien faire beaucoup de choses que nous sommes tenus d'effectuer dans un environnement opérationnel où le rythme est assez rapide. Nous avons fait un travail remarquable au cours des dernières années. Cependant, je doute qu'un fonctionnaire, quel qu'il soit, vous dise que la capacité actuelle est appropriée.
Compte tenu de l'éventail des menaces potentielles qui peuvent se produire au Canada, il y a toujours une obligation de les anticiper et de songer à de nouveaux domaines 'd'expertise que nous devons développer. Par exemple, dans le domaine des technologies émergentes, nous sommes très au fait des cybermenaces, et il faut donc réfléchir davantage au savoir-faire. En tant que collectivité du renseignement, nous devons être en mesure de réagir aux cybermenaces. En outre, il nous faut une capacité résiduelle pour pouvoir penser stratégiquement à d'autres technologies émergentes. Dans notre vie quotidienne, nous avons tous affaire aux nouvelles technologies comme les ordinateurs portables, les cellulaires nouvelle génération, et cetera. On peut utiliser toutes ces technologies à bon et à mauvais escient. Nous devons avoir une capacité résiduelle pour pouvoir anticiper les menaces « nouvelle génération ».
Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir à Mme Beauregard. Dans votre exposé, vous avez mentionné que le Canada a des partenariats avec les centres de fusion du Royaume-Uni, des États-Unis, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Je comprends que nous n'avons pas de partenariat avec la France. Les centres de fusion européens se concentrent sur les questions sans tenir compte des institutions, comme c'est le cas des autres, si j'ai bien compris.
La population maghrébine et certains pays de l'Afrique de l'Ouest sont des éléments très importants de la démographie de la France. Étant donné que vous avez ciblé le Maghreb comme étant une source de menace potentielle, pourquoi le Canada n'a-t-il pas une base de coopération institutionnelle plus vaste avec la France?
[Français]
Mme Beauregard : Ma réponse comporte deux volets. Tout d'abord, en France, le centre de fusion est beaucoup plus tactique. Notre analyse se fait à un niveau plus stratégique. Nous faisons aussi de la détection de menace. L'UCLAT, qui est notre équivalent du côté français, est vraiment très tactique. La relation ne peut donc pas se faire au même niveau.
Par contre, les centres de fusion européens sont plus coordonnés. À ce titre, les Français et les Espagnols ont pris les devants. Dès janvier 2010, ils ont entamé des démarches dans le but de coordonner, à partir de Madrid, leurs efforts de coopération.
Les Français et les Espagnols ont de bonnes informations sur le Maghreb. Les relations bilatérales nous permettent de partager certaines informations par le biais des agents de liaison en poste dans ces pays. Une certaine quantité d'information circule. Toutefois, il reste du travail à faire pour enraciner plus profondément ces relations.
Le président : Le CIÉM a une relation assez étroite au niveau institutionnel avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie les États-Unis et la Grande-Bretagne. Toutefois, pour le moment, malgré un partage d'information fidèle, il nous manque cette relation institutionnelle avec nos alliés français.
Mme Beauregard : C'est en quelque sorte la situation. D'emblée, la relation avec nos proches alliés, particulièrement, se fait beaucoup plus facilement, et ce, grâce aux liens technologiques. Avec les autres alliés, on doit utiliser des voies plus conventionnelles.
M. Bisson : Notre relation avec les services français est très forte et fluide. On se rencontre très souvent et les échanges de renseignements sont assez volumineux. Ils connaissent notre expertise et nous connaissons la leur, ce qui donne lieu à beaucoup d'échanges entre les services français et notre service.
Le sénateur Joyal : Ma question suivante concerne la Loi sur les secrets officiels.
[Traduction]
J'ai lu de nombreux commentaires relativement à la loi; on dit qu'elle est désuète et qu'il faudrait la revoir et la remanier. Pouvez-vous nous dire quelle priorité nous devrions lui accorder?
M. Michaud : Non, je ne le peux pas.
Mme Beauregard : Moi non plus.
M. Bisson : Je croyais que la loi avait été modifiée. Je crois que la Loi sur la protection de l'information a remplacé la Loi sur les secrets officiels.
Le sénateur Joyal : Pour être plus précis, dans une affaire de l'Ontario, un tribunal a interprété la loi d'une manière plus restrictive qu'il aurait fallu, selon le SCRS.
Avez-vous des observations à faire à cet égard?
M. Bisson : Cette affaire ne m'est pas familière.
M. Michaud : Je suis au courant de cette affaire, mais je ne suis pas en mesure d'émettre des observations à ce sujet.
Le sénateur Joyal : Sur la scène internationale, quand le gouvernement du Canada prend une mesure, dans ses relations avec un pays étranger, qui pourrait avoir des répercussions sur les intérêts canadiens dans ce pays ou ailleurs, vous consulte-t-on avant de prendre la décision, ou est-ce que vous réagissez après-coup? Faites-vous partie intégrante de l'étude préalable à la décision, ou est-ce que vous en tenez compte une fois que le cheval a quitté l'écurie?
M. Bisson : Notre rôle consiste à offrir des services de renseignement au gouvernement canadien, et nous espérons que le renseignement l'aidera à élaborer des politiques, mais les décisions politiques reviennent au gouvernement.
M. Michaud : On nous consulte relativement aux politiques, mais il revient au gouvernement de prendre les décisions.
Mme Goldthorp : Habituellement, les gouvernements prennent des décisions auxquelles nous réagissons. Cependant, à certaines occasions, comme lorsque nous aidons les Forces canadiennes d'un point de vue logistique, on nous consulte dans le cadre de processus liés aux menaces qui peuvent émaner de ces décisions. En général, nous fournissons une réponse, mais il y a des occasions où l'on nous consulte.
Le sénateur Joyal : Il ne semble pas y avoir de politique définie. Personne ne remettrait en question qu'il appartient au gouvernement de prendre des décisions politiques. Cependant, il semble juste de s'attendre à ce que le gouvernement vous demande votre avis quant aux répercussions possibles quand il doit prendre une décision qui va nuire à la sécurité des Canadiens et des intérêts canadiens à l'étranger. Ainsi, le gouvernement comprendrait clairement les conséquences de ses décisions. Peut-être suis-je trop rationnel. Ce n'est peut-être pas ainsi que les choses se passent.
Madame Goldthorp, si j'ai bien compris, vous avez dit que si le gouvernement du Canada décidait d'envoyer des troupes canadiennes au Congo, il consulterait la Défense nationale pour savoir si suffisamment de personnes et de matériel sont prêts à y être envoyés. Je peux le comprendre. Cependant, de manière générale, en ce qui concerne les relations avec les États étrangers et le renforcement des liens que pourrait vouloir faire le gouvernement, j'aimerais savoir dans quelle mesure on a recours à vos services avant de prendre une décision.
Le président : Je vais ajouter une petite mise en garde. Au Royaume-Uni, nos homologues ont décidé de structurer un groupe de sécurité nationale plus horizontal, qui regroupe les chefs de tous les services. Je ne doute pas que nos collègues du Bureau du Conseil privé ou d'ailleurs analysent les renseignements qu'ils reçoivent de différentes sources et qu'ils les rendent disponibles d'une certaine façon au premier ministre et aux ministres. Or, il n'en demeure pas moins que le Canada a une relation de cloisonnement. Dans un sens, tous les services répondent par l'intermédiaire de leur ministre et, dans certains cas, ils répondent au même ministre tout simplement en raison de la manière dont le gouvernement est organisé.
D'autres pays — nos amis américains, comme d'habitude, et récemment la nouvelle administration du Royaume- Uni — ont adopté une démarche plus horizontale. Tous les conseils que vous pouvez donner au comité quant à ce que je crois être le sens de la question de mon collègue nous seraient très utiles.
M. Bisson : Je ne crois pas que nous travaillons en cloisonnement. Le Bureau du Conseil privé a un certain nombre de comités relevant des sous-ministres adjoints. Ces comités se penchent sur des questions que l'on soulève ensuite auprès des sous-ministres, qui sont tous membres de la collectivité du renseignement et qui se rencontrent autour de la même table. C'est le rôle du conseiller national pour la sécurité d'examiner ces questions et d'être bien informé pour renseigner les décideurs. Il y a donc un dialogue permanent, et ce n'est rien d'extraordinaire. Il y a régulièrement des échanges quant aux enjeux qui peuvent avoir des répercussions sur le gouvernement du Canada.
Mme Beauregard : Pour faire suite aux propos de M. Bisson, le Bureau du Conseil privé a un mécanisme qui lui permet de coordonner la collectivité du renseignement, qui définit annuellement les priorités en matière de renseignement. On peut supposer que les priorités sont établies conformément au programme stratégique.
En ce qui a trait à l'évaluation, nous examinons ces priorités et nous rédigeons un rapport. Nous veillons à ce que notre évaluation soit pertinente par rapport à ces priorités, car elle renseigne les décideurs politiques.
M. Michaud : Je n'ai rien d'autre à ajouter aux observations de mes homologues.
Mme Goldthorp : Comme je l'ai mentionné, comprendre les menaces du milieu dans lequel sont déployés les membres des Forces canadiennes, c'est au cœur de notre métier. C'est d'abord et avant tout le rôle du chef du renseignement de la Défense.
Parfois, il s'agit d'un processus délibéré comme, par exemple, la région dont je vous ai parlé, où nous nous sommes engagés dès le début à déterminer quelles seraient les menaces de l'établissement potentiel de bases logistiques pour appuyer les Forces canadiennes à l'étranger. D'autres fois, ce n'est pas un processus délibéré comme quand le gouvernement du Canada a décidé, il y a quelques années, de soutenir une opération d'évacuation des non-combattants au Liban. De toute évidence, les circonstances ont été au centre des préoccupations des décideurs du gouvernement du Canada lorsque cette opération a été lancée.
De même, quand on a lancé une opération pour soutenir les victimes du tremblement de terre en Haïti, le processus a été beaucoup moins réfléchi. Cependant, dans le cadre du processus précédant le déploiement de tout membre des Forces canadiennes, il y a toujours une évaluation de la menace, ce que nous faisons pour soutenir les Forces canadiennes. Ces évaluations de la menace examinent le vaste éventail des questions relatives à la santé, à l'environnement, à la santé publique, aux menaces liées au terrorisme, aux menaces d'espionnage, et cetera. Il s'agit bel et bien d'un processus délibéré, que ce soit fait dès le début ou un peu plus tard, et la prise de décision par le gouvernement du Canada est fonction de la force des choses.
Le sénateur Joyal : Monsieur Michaud, si vous pensiez l'avoir échappé belle, j'ai une autre question à vous poser.
À la deuxième page de votre mémoire vous dites ce qui suit :
Mais les défis demeurent — et soyons honnêtes avec nous-mêmes — ils perdureront toujours. Cela dit, nous devons continuer de chercher des solutions. En guise d'exemple notable, le défi que représente l'utilisation du renseignement comme élément de preuve est prioritaire pour la GRC et le SCRS, et il reste du travail à faire sur cette question toujours non résolue.
Vous parlez précisément de cet enjeu ainsi que d'autres questions. Pourriez parler brièvement de celui-ci et de l'autre?
M. Michaud : J'ai parlé plus tôt du défi que présentait l'utilisation du renseignement comme élément de preuve et des mesures que nous prenons pour collaborer avec le SCRS afin de veiller à ce que nous puissions, aussi souvent que possible, utiliser les renseignements dont ils disposent pour apporter des preuves.
Les autres problèmes qui surviennent sont des questions comme celles de la technologie de l'information, dont nous avons parlé, et la façon dont les divers groupes l'utilisent pour communiquer et diffuser leurs messages. Cela nous pose également un défi de taille.
Un autre problème est le relâchement de la vigilance. C'est pourquoi je suis heureux de constater que le comité a été recréé. J'ai l'impression qu'au fur et à mesure que les événements du 11 septembre s'éloignent, la vigilance non seulement des décisionnaires, mais aussi du public canadien se relâche.
Oui, nous avons réussi et, finalement, nous avons été en mesure de raconter notre histoire devant les tribunaux. Nous possédions des dossiers qu'initialement, les médias ont refusé de considérer comme de véritables menaces. Toutefois, à mesure que les éléments de preuve étaient présentés et rendus publics, on a pris conscience de l'étendue de la menace qui existait ici. Donc, lorsque je parle du relâchement de la vigilance, je ne pense pas uniquement aux décisionnaires. Je pense aussi au public canadien.
Cependant, nous devons trouver un juste équilibre entre la menace et ce que vous avez entendu aujourd'hui, et ne pas être alarmistes. Nous travaillons d'arrache-pied, et tous les organismes coopèrent bien. Je crois fermement que nous contrôlons ce que nous connaissons. L'autre difficulté à surmonter, c'est l'inconnu.
Nous avons parlé des terroristes locaux, de la façon dont nous sommes en train de passer des menaces découlant de cellules terroristes à des menaces provenant de personnes qui se radicalisent et décident de prendre les choses en main. Il est difficile d'identifier ces gens et de les surveiller. Ils n'annonceront pas leurs intentions publiquement. Voilà donc le genre de menaces et de problèmes auxquels nous faisons face. Comment pouvons-nous les inciter à se manifester et nous assurer que nous savons d'où vient la menace?
Le président : Merci beaucoup. En ce qui concerne le dernier point auquel le commissaire adjoint a fait allusion, il est clair que, dans le cadre de la collecte des renseignements sur la criminalité et du travail policier normal, des activités sont entreprises — parfois par des agents d'infiltration — en vue de repérer la menace et de mieux identifier les groupes ou les personnes qui sont susceptibles de participer à des activités qui pourraient prendre un caractère criminel et pour lesquelles ils sont ensuite poursuivis devant les tribunaux, en fonction de la preuve.
Si j'ai bien compris les poursuites judiciaires dont ont fait l'objet le groupe des 18 de Toronto, c'est en fait l'un des mécanismes auxquels nos services de police et de sécurité ont eu recours pour contribuer à prévenir ce qui aurait pu être une série d'actes criminels très graves commis à l'endroit des Canadiens.
Notre comité et les gens pour lesquels nous travaillons peuvent-ils avoir l'assurance que le genre de travail d'infiltration qui est nécessaire pour assurer ce degré de protection n'est aucunement diminué et que, comme le sénateur Jaffer l'a souligné, ceux qui représentent l'ensemble des Canadiens et sa multitude de couleurs et d'ethnies contribuent, dans la mesure du possible, à ce travail de manière à accroître au maximum les sources d'information dont vous disposez légalement pour accomplir le travail qui doit être fait pour prévenir la menace terroriste telle qu'elle existe à l'heure actuelle au Canada?
M. Michaud : D'abord, le SCRS est responsable de la recherche du renseignement sur le terrorisme. La GRC ne s'en occupe plus depuis 1984.
Le président : Je comprends.
M. Michaud : Cependant, soyez assurés que, dès que l'information nous est communiquée, nous faisons appel à toutes nos ressources et notre capacité afin de nous assurer que nous pouvons nous employer à prévenir la menace. La pire chose qui pourrait se produire au Canada serait que quelque chose tourne mal parce que nous avons manqué une partie de l'information ou certains renseignements. C'est ce que nous nous efforçons d'éviter.
M. Bisson : Il est important de signaler que le rôle du SCRS est d'intervenir avant que la menace se matérialise. Il va de soi que, pour enquêter, nous avons recours à un certain nombre de techniques et que l'utilisation d'agents en fait partie. C'est assurément le travail auquel nous et nos agents du renseignement nous livrons.
Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord avec vous au sujet du relâchement de la vigilance. C'est ce manque de vigilance qui a entraîné les événements du 11 septembre. Cela faisait plus de 10 ans que des actes de terrorisme étaient commis, dont un attentat terroriste sur le World Trade Center en 1993. Il y a également eu l'incident du USS Cole. Ces actes de violence nous sont connus depuis longtemps.
Je ne sais pas lequel d'entre vous a mentionné que les actes de terrorisme avaient diminué, en ce sens qu'il s'agit maintenant d'actes isolés commis par une seule personne et non d'attentats à grande échelle comme les événements du 11 septembre. Est-ce imputable aux politiques que les pays occidentaux ont mises en œuvre pour combattre le terrorisme? En d'autres termes, ont-ils perdu leur capacité d'organiser des actes à grande échelle, et ont-ils été forcés de commettre les actes plus modestes dont les journaux ont parlé récemment — actes qui ont également été contrecarrés —, ou s'agit-il d'un changement délibéré de politique de leur part?
M. Bisson : Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un changement délibéré de politique de leur part. Le noyau d'Al-Qaïda a été touché. Donc, commander et surveiller des opérations comme celles du 11 septembre leur sont difficiles en ce moment, compte tenu de la réduction de leur capacité. Cependant, si les incidents du 25 décembre avaient réussi, le fait qu'ils aient été organisés en très peu de temps et que leurs auteurs aient eu accès à des gens dont les passeports en règle leur permettaient de voyager les aurait rendus, dans une certaine mesure, tout aussi spectaculaires et beaucoup moins coûteux à réaliser. Oui, ils ont été forcés de passer à des opérations plus modestes et de saisir chaque occasion qui s'offre.
Le sénateur Smith : Monsieur le président, je n'ai pas vraiment une question, mais je veux que vous ajoutiez mon nom à la liste des gens qui veulent discuter de l'orientation que nous prendrons. À mon sens, certaines questions et leurs réponses clarifient le contexte à donner au comité et semblent indiquer quelques-uns des prochains témoins que le comité pourrait faire comparaître.
Le président : Vos propos sont utiles. Nous y reviendrons, une fois que nous aurons terminé d'interroger nos invités de marque.
Le sénateur Wallin : Je comprends pourquoi vous vous efforcez de faire ajouter au Code criminel les mesures, légales ou autres, à prendre pour contrer les activités terroristes, de sorte que vous puissiez agir de cette manière. Par conséquent, les mots « criminel » et « terroriste » sont presque interchangeables dans le libellé, ce qui n'aidera pas à garder le public informé des dangers que pose le terrorisme et à combattre le relâchement de la vigilance dont vous avez parlé. Est-ce la meilleure stratégie à adopter, parce que c'est ce qui va se produire? Nous avons évidemment des mesures législatives qui visent le terrorisme, mais elles cherchent surtout à modifier des lois déjà en vigueur. Est-ce le moyen le plus efficace, ou est-ce la façon dont nous devrons nous attaquer au problème? Serait-il utile de bénéficier de certaines mesures précises qui dépasseraient la portée des lois actuelles et qui seraient conçues précisément pour cerner une menace terroriste, par opposition à une activité criminelle?
M. Bisson : Un certain nombre d'enquêtes menées par le SCRS n'aboutissent pas à des poursuites criminelles. Une question qui pourrait être perçue comme une menace à un moment donné, pourrait être considérée comme une entrave aux entrevues à un autre, et cetera. Il y a aussi le processus que nous appelons « repousser leurs frontières » et qui tente d'empêcher les gens qui sont jugés interdits de territoire d'entrer au Canada. Nous disposions également du processus des certificats de sécurité, mais il nous pose des difficultés que nous nous efforçons de résoudre en ce moment. Ce processus nous permet d'essayer d'expulser les gens qui, autrement, seraient peut-être interdits de territoire. Nous devons envisager un certain nombre de moyens et de lois.
M. Michaud : J'aimerais ajouter ma réponse à la question : est-ce le meilleur moyen? C'est le meilleur moyen si nous cherchons à nous assurer que nous sommes transparents, car le manque de transparence semble toujours être la raison pour laquelle les gens protestent. Chaque fois que nous menons des procédures judiciaires dans un environnement classifié et que les gens ne sont pas autorisés à prendre connaissance de la preuve et des renseignements, ils ont toujours l'impression que le gouvernement cherche à cacher quelque chose, ce qui n'est pas le cas. À mon avis, la meilleure façon de concilier ces exigences à notre désir de faire preuve de responsabilité et de transparence dans nos actions est de criminaliser ces actes, de sorte que nous puissions intenter des poursuites. Cependant, ce ne devrait pas être la seule façon.
Le sénateur Furey : Quelle est votre principale préoccupation par rapport à Internet? Est-ce la manière dont il est utilisé pour propager des idéologies, et diffuser et échanger des renseignements, ou est-ce la façon dont on s'en sert pour semer le chaos?
Mme Beauregard : À l'heure actuelle, c'est son utilisation pour propager des idéologies et, en particulier, les signes qui indiquent une radicalisation en ligne orchestrée par des anglophones. Ils ont besoin d'Internet pour communiquer et pour recruter leurs disciples. En ce moment, la cybermenace est plus souvent parrainée par des États que par des terroristes.
Le sénateur Joyal : Pourriez-vous nous donner un exemple?
Mme Beauregard : Nous avons été témoins, par exemple, de quelques attaques publiques contre des sites web estoniens orchestrées par la Russie. Dans les médias, on peut trouver de nombreux exemples de cyberattaques parrainées par des États qui visent à dégrader les systèmes d'autres pays.
Le président : Comme question complémentaire, pourrais-je vous demander si la sécurité et la protection informatiques font partie du travail que vous accomplissez pour protéger les Canadiens contre le terrorisme? L'un des membres du groupe d'experts a mentionné que la protection de l'infrastructure fondamentale des Canadiens était l'un des buts que nous poursuivions maintenant. La sécurité informatique fait-elle partie du mandat proprement dit de votre organisation? Elle ne relève peut-être pas de votre direction, mais fait-elle partie de votre mandat, ou incombe-t-elle entièrement à un autre organisme?
Mme Beauregard : Voulez-vous dire les menaces terroristes visant notre infrastructure informatique?
Le président : Je parle des systèmes technologiques sur lesquels reposent les activités des gouvernements, des banques, du ministère de la Défense et du contrôle de la circulation aérienne, de ce genre de systèmes fondamentaux.
Mme Beauregard : Cela fait partie du mandat du CIEM.
M. Bisson : Cela relève également du SCRS.
Le président : Cela s'applique aussi à la GRC et à nos collègues de la Défense nationale.
Le sénateur Joyal : Depuis la publication du rapport O'Connor dans le cadre de l'affaire Maher Arar, qu'est-ce qui a changé dans vos services, compte tenu de la recommandation qui concernait divers dirigeants de l'organisme auquel vous appartenez?
M. Bisson : Un certain nombre de recommandations s'appliquaient au SCRS, et elles ont toutes été mises en œuvre.
M. Michaud : C'est aussi le cas de la GRC. Plus précisément, nous avons apporté des modifications afin que toutes nos activités soient supervisées centralement à partir d'Ottawa. Cela permet d'assurer une certaine uniformité et un meilleur respect des politiques, en particulier en ce qui a trait aux échanges de renseignements. Tout type d'échange de renseignements avec des partenaires étrangers est maintenant effectué par mon bureau à Ottawa. La formation a été améliorée. Nous attendons toujours les résultats de la surveillance accrue de la sécurité nationale. C'est donc un rapport que nous avons hâte d'examiner. Voilà le genre de choses qui ont changé au cours des trois dernières années.
Le président : Madame Goldthorp, votre domaine de compétence englobe-t-il l'utilisation de renseignements constructifs pour protéger les bases militaires des Forces canadiennes au Canada et les collectivités où elles se trouvent? Je n'aurais pas mentionné Kingston, mais je tiens à remercier le sénateur Smith de l'avoir fait.
Mme Goldthorp : En un mot, la réponse à votre question est un oui assujetti à certaines réserves précises. Par exemple, nous ne participerions pas à la recherche du renseignement à l'échelle nationale. Manifestement, toute question ayant trait à des menaces contre des bases militaires des Forces canadiennes relèverait de nous, mais il va de soi que nous travaillerions étroitement avec nos collègues des services du renseignement.
Le président : Chers collègues, s'il n'y a plus d'autres questions, permettez-moi de remercier en votre nom M. Michaud, Mme Beauregard, M. Bisson et Mme Goldthorp du temps qu'ils nous ont consacré. Avant de lever la séance, nous devons discuter du sujet abordé par le sénateur Smith, et nous devons également régler une petite question d'ordre administratif.
C'était la première fois que Mme Beauregard comparaissait devant un comité sénatorial, et je tiens à lui faire part de notre reconnaissance non seulement pour sa clarté et sa précision, mais aussi pour le professionnalisme dont elle a fait preuve. C'est très rassurant et réconfortant pour nous tous. Nous espérons qu'elle comparaîtra encore longtemps devant des comités sénatoriaux et que ces interventions seront aussi constructives.
Chers collègues, nous pouvons continuer la séance publique sans télédiffusion pour discuter de deux éléments. D'abord, il y a la question soulevée par le sénateur Smith. Mais avant de l'aborder et avec la permission du sénateur, quelqu'un doit présenter une motion, conformément à l'article 104 du Règlement qui stipule qu'un comité doit déposer un rapport des dépenses effectuées pendant la session précédente. Étant donné que le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme n'a pas été créé pendant la première ou la deuxième session de la présente législature, le rapport des dépenses engagées pendant la deuxième session de la 39e législature n'a pas encore été déposé. Le montant s'élève à 12 330 $ au total. J'ai besoin que quelqu'un présente une motion qui autorisera la présidence à déposer ce rapport au Sénat à la première occasion. Merci.
Le sénateur Smith a soulevé la question de l'orientation que nous prendrons. Je vous dirai ce que je pense que vous savez déjà par rapport à certains de nos plans, mais ceux-ci sont à la disposition du comité. Nous avons commencé à programmer une série de témoignages d'experts qui nous fourniront, non pas le point de vue de la police ou du SCRS — qu'ils ont été extrêmement obligeants et attentionnés de nous communiquer, à mon avis —, mais une analyse légèrement plus détaillée, intellectuelle et fondée sur la recherche de la façon dont ont évolué les circonstances entourant le terrorisme, de certains des nouveaux ensembles de données disponibles à ce sujet, et de la manière dont ils devraient déterminer les types de textes législatifs et de mécanismes qui sont envisagés — pas seulement ces derniers, mais les autres dont nous pourrions être saisis. Deux groupes d'experts viendront témoigner; un le 7 juin et l'autre le 14. Nous n'avons fait aucun plan pour les dates qui suivent parce que nous ignorons pendant combien de temps le Sénat siégera au cours de la période dont nous disposons. Je pense que nous sommes en mesure de faire circuler les noms des témoins potentiels qui ont accepté de comparaître devant nous, certains en personne, d'autres par téléconférence, au cours des deux séances. Je le fais avec plaisir, et j'invite notre greffière, Mme Reynolds, à offrir au comité tous les conseils techniques dont il aura besoin au cours de ses discussions.
Le sénateur Smith : C'est au comité de décider. Toutefois, compte tenu des questions et des réponses qui ont été données aujourd'hui et du fait que notre comité comprend plusieurs nouveaux membres qui n'ont pas entendu une bonne partie des faits qui nous ont été exposés auparavant, il serait peut-être logique d'organiser une séance d'information sur les problèmes qui sont survenus après les événements du 11 septembre et sur la mesure législative qui a été adoptée pour tenter de les régler. À cette époque, quelques personnes ont contesté certaines dispositions devant la Cour suprême. Celle-ci a convenu qu'elles avaient raison sur quelques points et nous a dit que nous devions faire quelque chose; la séance d'information expliquerait aux membres ce que nous avons fait.
Les questions du sénateur Tkachuk, qui étaient excellentes, ont soulevé un autre point. Peut-être pourrions-nous demander à la personne responsable au ministère de la Justice de répondre à des questions portant, par exemple, sur le sujet du meurtre, de la tentative de meurtre et du complot en vue de commettre un meurtre dans le contexte de quelqu'un qui souhaite la mort de quelqu'un d'autre après l'échec d'un mariage ou d'une idylle, comparativement aux mêmes accusations dans le contexte d'un acte terroriste. Elle pourrait aussi nous dire s'il y a une différence fondamentale entre les deux.
Je ne veux pas trop me comporter comme un avocat. J'en suis un, mais l'une des raisons pour lesquelles j'entretenais d'assez bons rapports avec bon nombre de mes clients est que je délaissais le jargon juridique et m'exprimais dans un langage de tous les jours. Que tentons-nous d'accomplir? Quelle est l'ampleur de notre mandat? Quels sont les sujets sur lesquels nous voulons porter notre attention? Peut-être qu'on pourrait nous fournir des renseignements généraux de ce genre.
Le président : Il faut reconnaître que, grâce aux deux analystes qui travaillent avec nous, nous avons fait circuler certains documents qui effleurent certaines des questions soulevées par le sénateur Smith sans les cerner complètement. Il y a un document intitulé « Définition du terrorisme au Canada, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie et en France : Analyse comparative » qui date de 2006; un document intitulé « Les avocats spéciaux au Royaume-Uni (R.-U.) », rédigé par Jennifer Bird en 2008; un rapport de synthèse intitulé « La « '' Patriot Act '' des États-Unis et la loi antiterroriste du Canada : principales différences entre les deux approches législatives », également rédigé par Jennifer Bird; une analyse du projet de loi C-17, préparée à l'intention de nos collègues de l'autre endroit; et une analyse des réalisations de notre comité. Cette analyse comprend d'anciennes études menées par le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme et des renseignements généraux qui remontent à 2004; les projets de loi dont nous avons été saisis; la manière dont ils ont été gérés; les décisions de la Cour suprême à ce sujet; la façon dont nous avons réagi à celles-ci; les renseignements que nous avons renvoyés à la Chambre et les amendements.
Cette liste n'est peut-être pas aussi complète qu'elle pourrait l'être mais, au moins, c'est un pas dans la direction que le sénateur Smith a indiquée.
Jennifer Bird, analyste, Bibliothèque du Parlement : La bibliothèque a préparé un autre document à l'époque où l'on envisageait de présenter la version originale de la mesure législative sur l'antiterrorisme. Il expliquait les principales considérations législatives de ce projet de loi. Nous pouvons fournir ce document au comité. Ainsi, vous aurez une vue d'ensemble de la loi et de ce qu'elle accomplissait à l'époque.
Le sénateur Joyal : C'était à l'époque où l'on avait demandé au comité d'étudier l'objet de la loi, n'est-ce pas?
Mme Bird : Oui, pendant l'étude préalable.
Le sénateur Jaffer : Premièrement, je conviens que nous devrions inviter les universitaires à témoigner. Toutefois, dans le passé, quand nous composions un éventail complet de témoins, nous invitions également les communautés touchées à comparaître devant nous et à exprimer leurs points de vue. Je suis certaine que le sénateur Smith possède cette liste, car il a inclus un certain nombre d'entre elles.
Deuxièmement, nous avons des affaires en suspens. La dernière fois que notre comité a siégé, le ministre de la Sécurité publique de l'époque, Stockwell Day, nous a demandé de rédiger un rapport sur les avocats. Nous n'avons jamais terminé ce rapport, car le comité n'était pas complet. Je ne dis pas que nous devrions le terminer, mais nous devrions vérifier si cette demande est toujours valide et si nous devrions faire quoi que ce soit à son sujet.
Le président : Nous attendons toujours de connaître le sort du projet de loi S-7, dont le Sénat est saisi. S'il fait l'objet d'une deuxième lecture à un moment ou à un autre, nous passerons rapidement à l'étude de ce projet de loi parce que la tradition veut que les projets de loi d'initiative ministérielle passent en premier.
Le sénateur Tkachuk : Je pense que le sénateur Joyal a entrepris de poser la question au sénateur Tardif, à savoir quand vous seriez appelé à en parler. Cela fait trois semaines maintenant ou peut-être un mois; je ne me rappelle pas combien de temps s'est écoulé.
Le sénateur Joyal : Trois semaines peut-être; je vérifierai demain, et je vous le ferai savoir.
Le sénateur Tkachuk : En fait, cela fait un mois. Vous nous le ferez savoir, n'est-ce pas?
Le sénateur Joyal : Oui, avec plaisir.
Le président : Si cela convient aux membres du comité, je recommanderais que nous entendions le premier groupe d'experts lundi prochain, puis que nous vérifiions où nous en sommes. Il se peut que nous ayons reçu le projet de loi S-7 d'ici là, ce qui nous donnera une raison d'élargir la gamme de témoins qui pourrait venir l'examiner. Elle pourrait comprendre divers groupes communautaires qui s'intéressent à la question. Je pense que c'est une chose à laquelle le comité de direction devrait sérieusement réfléchir et dont il devrait faire rapport. Pour ce genre d'analyse du contexte, nous devrions vraiment avoir l'esprit ouvert par rapport à la façon dont ces groupes pourraient participer.
Je voudrais éviter — et vous me direz la meilleure façon d'y parvenir — que nous ayons un débat animé à propos des bons et des méchants. Ce n'est ni constructif, ni canadien. Toutefois, je crois que nous voulons effectivement trouver un moyen de garantir que notre comité est prêt à entendre une série de groupes, de divers types et de divers horizons, qui auront des opinions bien arrêtées à ce sujet, dont, bien sûr, des gens qui sont du côté de la défense des libertés civiles.
Le sénateur Jaffer : Monsieur le président, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, si je peux me permettre de le dire. J'estime que, si nous entendons le gouvernement, ou du moins les gens qui ont témoigné aujourd'hui, et les universitaires, nous devons entendre les communautés qui sont touchées indirectement par le projet de loi, parce que c'est ce que nous faisons traditionnellement.
Les sénateurs Joyal et Smith m'appuieront à ce sujet. Nous avons trouvé les interventions des communautés très utiles. Donc, tâchons de ne pas mélanger les pommes et les oranges. Veillons à ce qu'elles ne soient pas exclues dans le cadre du projet de loi S-7, alors que nous entendons les deux autres groupes en général. Si nous le faisons, traitons les trois groupes de la même manière parce qu'ils représentent les trois parties du triangle. Je n'aimerais pas que nous oubliions cette partie du triangle.
Le sénateur Marshall : Quel membre du gouvernement réunit toutes les pièces du puzzle? Ces gens doivent relever de quelqu'un ou de certains organismes; sommes-nous en mesure de les entendre? Il y a tous ces acteurs, et nous les entendrons tous, mais sûrement une personne haut placée intègre tous ces éléments.
Le président : Quelqu'un a fait allusion au conseiller national pour la sécurité auprès du gouvernement, et nous pouvons certainement chercher à savoir si cette personne serait prête à comparaître devant nous et à nous expliquer comment les pièces du puzzle s'emboîtent.
Le sénateur Marshall : Oui, comment elles s'assemblent.
Le président : C'est une excellente suggestion.
Sénateur Smith, je pense que nous avons obtenu des suggestions qui nous permettront d'élargir notre liste de témoins. Ainsi, nous ne terminerons pas nos audiences sans avoir entendu divers groupes communautaires. Vous appuyez cette idée.
En plus de votre observation initiale, y a-t-il autre chose que vous aimeriez que nous entreprenions en matière de planification?
Le sénateur Smith : Il serait peut-être plus utile de découvrir qui les nouveaux membres veulent entendre. J'ai prononcé certaines de ces paroles en réponse aux questions que le sénateur Tkachuk avait posées. Je ne pense pas que nous serons en mesure d'accomplir beaucoup de choses avant l'ajournement de l'été mais, avec un peu de chance, nous aurons établi nos priorités.
Le président : Nous vous avons remis une liste où figurent les noms des anciens témoins. J'aimerais inviter les membres à nous communiquer, à moi et au vice-président, le nom ou le titre des témoins particuliers qu'ils aimeraient que nous convoquions à nos audiences du mois de juin ou de l'automne, lorsque nous nous réunirons de nouveau. J'aimerais également inciter le comité directeur, ainsi que notre greffière très serviable et nos analystes très attentifs, à faire tout en leur pouvoir pour que notre programme soit aussi constructif et enrichissant que possible.
S'il n'y a pas d'autres questions, quelqu'un propose-t-il de lever la séance?
Le sénateur Joyal : Je le propose.
Le président : Merci. La séance est levée.
(La séance est levée.)