Délibérations du comité sénatorial spécial sur
l'Antiterrorisme
Fascicule 5 - Témoignages du 28 juin 2010
OTTAWA, le lundi 28 juin 2010
Le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, qui est saisi du projet de loi S-7, Loi visant à décourager le terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, se réunit aujourd'hui, à 12 h 59, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Hugh Segal (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous voici réunis à l'occasion de la sixième réunion du Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, pour la troisième session de la 40e législature. Nous avons la chance aujourd'hui d'accueillir l'honorable Vic Toews, ministre de la Sécurité publique, député et membre du Conseil privé. Il est accompagné de quelques collaborateurs de son ministère, d'où émane le projet de loi dont nous sommes saisis. Le projet de loi S-7, qui donne le droit aux Canadiens qui ont subi des pertes ou des dommages à la suite d'actes terroristes d'avoir recours aux tribunaux canadiens et qui apporte des modifications corrélatives à la Loi sur l'immunité des États, a franchi l'étape de la deuxième lecture au Sénat le 17 juin; nous nous penchons donc aujourd'hui pour la première fois sur ce projet de loi.
Le ministre, qui a d'autres obligations à remplir auprès d'autres comités sénatoriaux cet après-midi, sera avec nous pendant une heure. Ses collaborateurs resteront plus longtemps pour répondre aux questions des membres du comité auxquelles le ministre n'aura pas eu le temps de répondre. Le ministre a préparé une déclaration préliminaire. Nous sommes enchantés de l'accueillir aujourd'hui.
L'honorable Vic Toews, C.P., député, ministre de la Sécurité publique : Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour parler d'un texte de loi très important, soit le projet de loi S-7, Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme.
Comme nous le savons tous, le terrorisme à l'échelle mondiale représente toujours une grave menace à notre sécurité. Les actes de terrorisme continuent de faucher la vie de civils innocents et de causer des pertes et la dévastation à l'échelle mondiale. Le rapport de la Commission d'enquête sur la tragédie du vol d'Air India rappelle très clairement que le Canada et la population canadienne ne sont pas immunisés contre cette menace.
Le Canada, ainsi que ses alliés et partenaires en matière de sécurité, est toujours déterminé à protéger ses citoyens et ses intérêts contre les actes de terrorisme et il a mis en œuvre plusieurs mesures afin de prévenir, de décourager, de perturber et de contrer le terrorisme ici comme ailleurs. Nous avons, dans le cadre de notre engagement inébranlable, lancé en avril 2010 une autre initiative, soit le projet de loi S-7 — auparavant le projet de loi C-35 —, qui complétera nos outils actuels de lutte contre le terrorisme. Le projet de loi vise à décourager le terrorisme et à répondre aux besoins des victimes d'actes de terrorisme en leur offrant la possibilité d'obtenir réparation pour les pertes attribuables à de tels actes.
Je profite de l'occasion aujourd'hui pour approfondir certains éléments clés de ce projet de loi. J'aimerais, en particulier, expliquer brièvement la cause d'action avancée et la façon dont elle permet de répondre aux besoins des victimes. J'aimerais également dire quelques mots sur la façon dont le projet de loi ciblera les États qui soutiennent les auteurs d'actes de terrorisme.
Dans notre programme électoral, nous nous sommes engagés à adopter des dispositions législatives pour permettre aux Canadiens qui sont touchés par des actes de terrorisme d'intenter des poursuites contre ceux qui soutiennent les organisations terroristes, ce qui comprend le recouvrement de fonds des États reconnus comme des promoteurs du terrorisme. Le projet de loi S-7 honore cet engagement en permettant à une victime de terrorisme dont la cause d'action est liée de façon réelle et importante au Canada d'intenter des poursuites devant un tribunal canadien contre, d'une part, les auteurs d'actes terroristes, ce qui englobent les particuliers, les organisations et les entités terroristes figurant sur la liste pertinente du Code criminel, et, d'autre part, les personnes qui soutiennent le terrorisme, notamment les particuliers, les organisations, les entités terroristes figurant sur la liste ainsi que les États étrangers désignés par le gouvernement. Je m'attarderai sur ce dernier point dans quelques instants.
Au même titre que toute autre question litigieuse au civil, il incombera bien entendu aux tribunaux de déterminer si le lien qui existe entre la cause et le Canada est suffisant pour qu'une cause en particulier soit étudiée et jugée. Les tribunaux tiennent normalement compte de plusieurs facteurs afin de déterminer si une cause peut être entendue, y compris le lien qui existe entre l'administration où la déclaration est déposée et le demandeur ainsi que le défendeur et la participation d'autres parties à la poursuite.
Le projet de loi S-7 stipule de plus que les victimes d'actes de terrorisme peuvent intenter des poursuites contre les terroristes et les personnes qui les soutiennent pour pertes ou dommages attribuables à des actes de terrorisme qui ont été perpétrés à un endroit ou à un autre dans le monde le 1er janvier 1985 ou après. Cette disposition est importante, car la rétroactivité du projet de loi permettra aux victimes d'actes de terrorisme commis par le passé de demander réparation. En rendant ce projet de loi rétroactif à 1985, nous transmettons également un message clair au monde entier que les auteurs d'actes de terrorisme ou ceux qui les soutiennent demeurent tenus responsables jusqu'à ce jour.
Le projet de loi S-7 démontre que le Canada joue un rôle de chef de file contre les auteurs d'actes de terrorisme et ceux qui les soutiennent, y compris les États étrangers qui sont présumés appuyer ou avoir appuyé le terrorisme. Pour ce faire, nous envisageons d'apporter, au moyen du projet de loi, des modifications à la Loi sur l'immunité des États pour autoriser le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre des Affaires étrangères, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique, d'inscrire sur une liste les États étrangers qui sont présumés avoir appuyé une entité terroriste qui figure déjà sur la liste conformément au Code criminel.
Comme vous le savez, lever l'immunité d'un État représente une décision stratégique déterminante au chapitre des affaires étrangères qui ne peut être prise à la légère. Voilà pourquoi nous fonderions une telle décision sur un mécanisme rigoureux et des critères concrets. En effet, nous estimons que le soutien accordé à des entités terroristes désignées en vertu du Code criminel — qui figurent sur une liste dressée à l'aide d'un processus d'analyse approfondie et efficace — permet de justifier l'inscription d'un État.
Pour dresser la liste des États qui soutiennent le terrorisme, le ministre des Affaires étrangères formulera tout d'abord, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique et avec l'aide des membres de la collectivité du renseignement, une recommandation au gouverneur en conseil. Si le gouverneur en conseil estime qu'il existe effectivement des motifs raisonnables de croire que l'État proposé a soutenu des activités terroristes, cet État sera inscrit sur la liste et son immunité sera levée.
Des mesures de protection sont prévues. En vertu du projet de loi, le ministre des Affaires étrangères, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique, sera tenu de revoir tous les deux ans la liste des États pour déterminer si ces États devraient continuer d'y figurer. Les États inscrits sur la liste pourront également présenter une demande au ministre des Affaires étrangères pour être retirés de la liste. La décision de supprimer le nom de l'État de la liste sera prise par le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre des Affaires étrangères, après consultation avec le ministre de la Sécurité publique.
Dès qu'ils figureront sur la liste, les États qui soutiennent le terrorisme pourront faire l'objet d'une poursuite pour dommages et pertes subis à la suite d'actes de terrorisme commis par des entités qu'ils ont appuyées. Si un jugement était favorable à une victime, le défendeur, y compris un État inscrit sur la liste, sera obligé de se plier à la décision du tribunal ou ses biens seront saisis.
Le projet de loi S-7 prévoit des mesures pour que le gouvernement puisse venir en aide aux demandeurs qui ont obtenu gain de cause. Le projet de loi prévoit en effet que les ministres des Affaires étrangères et des Finances fourniront leur aide, aux termes de leur mandat et dans une mesure raisonnable, pour désigner et retracer les biens sous compétence canadienne qui appartiennent à un État étranger contre lequel un jugement a été rendu.
Dès réception d'une demande en bonne et due forme d'un demandeur ayant obtenu gain de cause, les ministres passeront le tout en revue, comme il se doit, y compris toute demande similaire présentée auparavant. Les ministres transmettront ensuite l'information pertinente à la partie chargée de l'exécution du jugement.
Bien entendu, les ministres devront veiller à ce que les mesures appliquées ne puissent aller à l'encontre des intérêts du Canada. Le ministre des Affaires étrangères devra également être d'avis que les mesures appliquées ne seront pas préjudiciables aux relations du Canada sur la scène internationale.
J'aimerais également souligner qu'avant la diffusion de toute information, celle-ci sera étudiée minutieusement de façon à s'assurer que les ministres se conforment aux obligations juridiques prévues, notamment celles prévues par la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Charte canadienne des droits et libertés.
Vous conviendrez, j'en suis convaincu, que l'adoption d'un processus judiciaire peut être relativement contraignante. C'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit d'obtenir réparation pour les pertes subies à la suite d'événements aussi dévastateurs et traumatisants que les actes de terrorisme. Par conséquent, pour appuyer du mieux possible les victimes d'actes de terrorisme et leur épargner l'anxiété liée à la soumission répétée à des procédures stressantes, le projet de loi S-7 exigera également que les tribunaux canadiens puissent reconnaître les jugements rendus à l'étranger qui sont favorables aux victimes. Cependant, pour que cela se produise, les critères en vertu de la Loi canadienne visant à reconnaître au Canada les jugements rendus à l'étranger doivent être respectés dans chaque cause. De plus, tout jugement contre les États étrangers doit viser ceux qui sont déjà inscrits sur la liste des États qui soutiennent le terrorisme. Cette disposition permettra aux tribunaux canadiens de reconnaître les jugements fiables rendus à l'étranger en faveur d'une victime d'un acte de terrorisme tout en nous accordant la marge de manœuvre nécessaire nous permettant de ne pas tenir compte des jugements rendus pour motifs politiques ou par des tribunaux dont les pratiques judiciaires sont douteuses.
Le projet de loi S-7 est un projet de loi rigoureux et pertinent qui complétera efficacement nos mesures actuelles de lutte contre le terrorisme. Il contribuera à dissuader davantage les actes de terrorisme tout en répondant aux besoins des victimes. Il est la preuve que le Canada joue un rôle de chef de file contre les terroristes et ceux qui soutiennent le terrorisme sur la scène internationale.
Je tiens à vous remercier de votre attention. J'accepterais maintenant volontiers de répondre à vos questions, au meilleur de mes connaissances. Il s'agit d'un projet de loi assez technique; c'est pourquoi j'ai en ma compagnie des personnes très compétentes qui pourront répondre à vos questions de nature juridique ou technique.
Le président : J'aimerais souligner à mes collègues que Mme Larisa Galadza est la directrice principale intérimaire de la Direction des politiques sur la sécurité nationale et que Mme Agnes Levesque est avocate aux Services juridiques du ministère.
Puis-je demander à mon vice-président, le sénateur Joyal, s'il souhaite entamer la série de questions?
Le sénateur Joyal : Merci. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, à vous et à vos collaborateurs. J'espérais que le sénateur Furey, qui est le porte-parole en ce qui concerne le projet de loi, entamerait la série de questions, mais je suis heureux de le faire.
Le président : Je vais d'ailleurs poser une question qui émane du sénateur Furey, si vous ne la posez pas vous-même d'abord. Il a appelé alors qu'il se trouvait sur la pelouse de la Colline du Parlement le jour du tremblement de terre.
Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, savez-vous s'il y a d'autres États qui ont mis en œuvre une initiative similaire au projet de loi S-7? Si c'est le cas, pourriez-vous nous mentionner les différences qui existent en termes de loi habilitante? Pourriez-vous nous brosser un portrait plus global des mesures prévues par le projet de loi?
M. Toews : En effet, d'autres États ont mis en œuvre des initiatives législatives similaires, notamment les États-Unis. Bien entendu, il existe de grandes différences entre les lois. Par exemple, le projet de loi du Canada prévoit une disposition de rétroactivité applicable à compter du 1er janvier 1985. Et à ma connaissance, la loi des États-Unis ne comprend pas une telle disposition. Il existe quelques autres distinctions, si je peux le dire ainsi.
Le sénateur Joyal : Laissez-moi préciser ma question pendant que vos collaborateurs consultent leurs documents. Quel processus les États-Unis suivent-ils pour établir la liste — je parle ici précisément de la liste des États étrangers, qui constituerait évidemment une modification à la Loi sur l'immunité des États — en vertu de leur législation concernant l'antiterrorisme?
M. Toews : À ma connaissance, il est assez similaire. D'après les notes que j'ai en main, au Canada, on peut par exemple intenter une poursuite contre les auteurs d'actes terroristes et les personnes qui soutiennent le terrorisme, y compris les États qui sont considérés par le gouvernement comme des États qui soutiennent le terrorisme. Aux États-Unis, on peut intenter une poursuite contre un État qui est considéré comme un promoteur du terrorisme ou encore un agent ou un employé officiel qui, dans le cadre de son travail pour l'État, commet ou soutient des actes de terrorisme. Le Département d'État des États-Unis est chargé d'établir et de tenir à jour la liste des États promoteurs du terrorisme.
Larisa Galadza, directrice principale intérimaire, Direction des politiques sur la sécurité nationale, Sécurité publique Canada : Ce que dit monsieur le ministre est exact : les États-Unis ont bel et bien une disposition qui concerne l'inscription des États promoteurs du terrorisme à une liste. Cependant, leur projet de loi qui permet un recours au civil ne s'applique pas précisément au terrorisme. La liste est indépendante et elle est publiée tous les ans. À l'heure actuelle, Cuba, l'Iran, le Soudan et la Syrie sont des États qui figurent sur cette liste et un certain nombre de pays, par exemple l'Irak, la Libye, le Yémen et la Corée du Nord, ont été retirés. Ces exemples vous donnent une idée des pays qui y figurent, mais il s'agit d'une liste bien précise qui est établie tous les ans.
Le sénateur Joyal : Pourquoi avez-vous décidé d'inclure une disposition de rétroactivité à compter de 1985? Si on regarde tout ce qui s'est passé dans le monde — j'essaie de me rappeler où en était le terrorisme en 1985 —, ça remonte à loin. Le contexte est bien différent depuis 2001. Pourquoi avez-vous choisi cette date?
M. Toews : D'après les témoignages qui ont été faits au gouvernement et à ses représentants sur la question de la rétroactivité, il en est ressorti que l'année 1985 a été un moment crucial où le terrorisme et son incidence sur notre pays ont modifié la relation du Canada avec les terroristes du monde entier.
Évidemment, il y a eu quelques incidents précis, comme l'attentat à la bombe perpétré contre le vol d'Air India en 1985. Cependant, de façon générale, je peux dire que l'année 1985 a été considérée, d'une certaine manière, comme cruciale, dans la mesure où le terrorisme n'était plus une question étrangère, mais plutôt une question qui concernait très concrètement les Canadiens. Afin de permettre aux victimes de remonter jusqu'en 1985, c'est l'année qui a été retenue.
Le sénateur Joyal : Selon vous, depuis 1985, y a-t-il eu d'autres incidents qui pourraient concerner des Canadiens ou ouvrir la voie à des poursuites contre des États étrangers?
Je pense à la Libye, en particulier. Comme vous le savez, au moment de l'incident, la Libye a nié toute responsabilité. Toutefois, à la suite des pressions exercées par la communauté internationale, la Libye a reconnu qu'elle avait financé ces activités et a accepté, dans une certaine mesure, la responsabilité d'indemniser les victimes. Je pense à la Libye parce que c'est un cas que tout le monde connaît bien. Avez-vous d'autres exemples en tête pour lesquels vous croyez qu'une rétroactivité aussi grande permettrait de viser d'autres pays que ceux qui ont été impliqués dans l'incident d'Air India que vous avez mentionné?
M. Toews : Je n'ai visé aucun pays en particulier, et c'était voulu. Nous sommes ouverts à toutes les possibilités. Nous ne voulons pas influer sur l'examen que le tribunal fera de ces questions. Nous avons considéré l'année 1985 comme un tournant.
Le sénateur Joyal : Selon moi, le problème qui se pose, c'est qu'un pays doit être inscrit sur la liste des terroristes, selon la loi. Par exemple, si je voulais poursuivre un pays, en tant que citoyen canadien, pour un incident survenu dans les années 1990, comment pourrais-je y parvenir si ce pays ne figure pas sur la liste aujourd'hui? Nous avons beau dire aujourd'hui que nous voulons qu'un certain pays figure sur la liste noire parce que c'est un État voyou, mais il demeure que ce pays, 20 ans plus tôt, pouvait se trouver dans un contexte fort différent. Comment peut-on faire en sorte que l'application de cette rétroactivité soit fidèle à la réalité?
M. Toews : C'est une question complexe. Je pense que cela illustre le problème de la rétroactivité dans un cadre législatif. Le gouverneur en conseil examinera ces questions pour déterminer s'il ajoute des pays à la liste, mais on doit mettre l'accent sur la dissuasion, dans l'avenir, plutôt que simplement sur les questions d'indemnisation.
L'argument que vous avancez, c'est qu'un pays pouvait être considéré comme un État voyou en 1986, et avoir complètement redoré son image en 2000.
Le sénateur Joyal : Le cas de la Libye est un exemple éloquent.
M. Toews : Pour ne pas les nommer, certains pays peuvent être revenus dans le droit chemin, si on veut. C'est une question complexe que le gouverneur en conseil devra examiner. S'agit-il d'un État voyou qui finance le terrorisme depuis longtemps? Par le passé, y a-t-il eu des incidents qui démontrent que ce pays peut avoir financé des activités terroristes, puis qu'il a cessé de le faire, et qu'au cours de cette période, certaines activités qui ont été menées pourraient avoir causé des dommages? Le gouverneur en conseil se penchera sur ces questions. Ce n'est pas une décision facile à prendre, mais lorsqu'on choisit la rétroactivité, cela entraîne ce type de problèmes, à la fois juridique et politique.
Sénateur, comme vous le savez, le principe général de l'immunité des États est un principe fondamental pour nos relations extérieures. C'est pour cette raison, par exemple, que nous avons choisi de faire exception à la règle plutôt que de simplement faire preuve d'une ouverture totale en permettant à tout un chacun d'intenter une poursuite contre n'importe qui. L'élimination de ce principe fondamental pourrait causer bien des problèmes, à mon avis.
Nous continuons de soutenir ce principe général de l'immunité des États et de faire des exceptions dans des cas particuliers, parce que c'est un principe fondamental pour les relations entre les pays. L'exemple que vous avez présenté est difficile à comprendre, mais nous ne pouvons pas nécessairement nous permettre de ne pas en tenir compte. Nous devrons probablement composer avec cette situation.
Le sénateur Tkachuk : Le 11 septembre 2001, 25 Canadiens ont perdu la vie. Dans les années 1990, des Canadiens ont été tués à l'étranger. Je connais deux Canadiens qui ont été victimes d'actes de terrorisme en Israël. Des Canadiens ont perdu la vie dans d'autres incidents; l'attentat perpétré contre le vol d'Air India en est un exemple.
Le sénateur Joyal : Je suis désolé de vous interrompre, monsieur le ministre, mais j'aimerais présenter le même argument. Les événements du 11 septembre sont un exemple éloquent parce que des Canadiens ont été tués, mais dans ce contexte, contre qui devons-nous intenter une poursuite? Devons-nous poursuivre le gouvernement afghan dirigé par les talibans qui ont fourni la formation, l'argent, et cetera, aux terroristes? Ajouteriez-vous l'Afghanistan à la liste des pays à poursuivre? Cet exemple illustre bien ce que je veux dire.
Le président : Force m'est de constater que comme c'est le cas pour toute poursuite intentée auprès d'un tribunal, le plaignant doit appuyer son argumentation sur les faits et le contenu. La question de savoir qui est visé par la poursuite doit être établie en droit, et le juge pourra dire que la cause a été bien ou mal présentée, comme c'est le cas pour les autres causes dont est saisi un tribunal. Personne ne peut s'attendre à ce qu'un projet de loi puisse faire obstacle à cette proposition.
Le sénateur Joyal : Le pays doit faire partie de la liste. Tout part de là.
M. Toews : D'un point de vue politique, comment prenez-vous la décision d'inscrire un pays sur la liste lorsque ce pays est revenu dans le droit chemin? Par exemple, nous pouvons supposer que l'Afghanistan a participé, dans une certaine mesure, aux attaques terroristes du 11 septembre, mais aujourd'hui, l'Afghanistan est un de nos alliés. En 2010, devons- nous ajouter l'Afghanistan à la liste pour permettre les poursuites contre ce pays? Voilà une décision difficile sur le plan politique que les gouvernements devront prendre.
Selon une autre proposition, monsieur le sénateur, nous pourrions simplement inscrire sur cette liste tous les pays qui n'ont pas signé de traité d'extradition avec le Canada, c'est-à-dire environ 111 pays. Je prévois qu'il sera difficile d'aller de l'avant avec cette proposition puisqu'elle ébranlerait considérablement le principe de l'immunité des États dans le monde et qu'elle pourrait causer énormément de problèmes en ce qui concerne les relations extérieures. C'est une approche restrictive qui poserait des problèmes au gouvernement, mais c'est l'approche la plus responsable.
Le sénateur Smith : Je pense que vous avez expliqué le choix de 1985 avec l'incident du vol d'Air India. J'étais présent lors du décollage de l'avion. Je ne l'oublierai jamais. Je me souviens d'avoir vu quelques hommes qui regardaient par le hublot au moment du décollage. Ils portaient des turbans, et l'un d'entre eux était rouge. J'ai vu leurs visages. C'est par pur hasard que je les ai vus, et cet incident tragique réveille toujours chez moi beaucoup d'émotion.
Je me demande si, dans le cas d'Air India en particulier, un recours collectif est intenté ou s'il revient à chacun de déposer une poursuite? Que se produit-il dans une telle situation?
M. Toews : Cela n'a aucune incidence sur les pouvoirs généraux dont disposent les tribunaux aujourd'hui en ce qui concerne l'application des recours collectifs. Il faut satisfaire à certains critères. Ce type de situation n'a pas d'incidence sur le tribunal ou, selon moi, n'empêche pas le tribunal de faire appel aux recours collectifs, qui comportent un ensemble d'autres difficultés, surtout dans ce contexte.
Le sénateur Smith : Il y a les poursuites au criminel et au civil, sans oublier les coûts. Je pense qu'une partie du problème découle du procès de deux ou trois personnes qui ont été acquittées. Évidemment, certaines personnes possédaient des éléments de preuve et si elles étaient intervenues pour dire ce qu'elles savaient, les résultats auraient peut-être été différents.
Il ne s'agit que d'hypothèses, évidemment. Compte tenu des conclusions auxquelles est arrivé le juge Major, si quelqu'un revient sur son témoignage, ou présente des informations nouvelles, pour quelque raison que ce soit, cela ouvre-t-il de nouvelles possibilités? Je ne pense pas que cela puisse être le cas lors d'une poursuite au criminel, mais lors d'une poursuite pour réparations civiles, peut-être.
M. Toews : Oui, et vous avez soulevé un argument très pertinent concernant le rôle du tribunal de soumettre à la population des faits qui n'auraient pas été rendus publics autrement. Dans le cas d'une poursuite au criminel, où il incombe à la Couronne d'étayer chaque élément de la poursuite hors de tout doute raisonnable, un accusé n'est pas obligé de comparaître et, dans les faits, aucun commentaire ne peut être formulé concernant un accusé qui ne présente pas de témoignage. L'issue d'une poursuite au criminel peut être très différente d'une poursuite au civil. À cet égard, l'un des exemples les plus éloquents est l'affaire People v. Simpson aux États-Unis, à l'issue de laquelle O.J. Simpson a été acquitté d'un meurtre au criminel, mais a été reconnu coupable de délits ayant causé la mort de deux personnes pour laquelle il avait été accusé au criminel.
Les poursuites au civil ont fait ressortir des points que les poursuites au criminel n'ont pas fait ressortir. Dans un procès civil, le défendeur n'a pas le droit de refuser de témoigner. Il est obligé. S'il choisit de ne pas témoigner, on peut conclure qu'il est coupable.
Les poursuites au civil ont un effet bénéfique sur l'intérêt public, surtout lorsqu'il est question du terrorisme. Les renseignements et les connaissances du public représentent un avantage qu'il ne faut pas sous-estimer dans ce genre de poursuites.
Le sénateur Smith : Il existe peut-être là un potentiel, si je me fie à mon instinct.
M. Toews : Le fait qu'une personne soit acquittée au criminel n'empêche pas qu'une action puisse la mettre en cause et la déclarer responsable en vertu de cette procédure pourvu que toutes les autres conditions soient respectées.
Le sénateur Smith : C'est également à une autre échelle, selon la prépondérance des probabilités, par opposition à hors de tout doute raisonnable. Il y a une différence entre ces deux échelles.
En théorie, si les preuves étaient accablantes contre un État voyou comme la Corée du Nord selon lesquelles un échange militaire a eu lieu pendant lequel nous avons perdu des Canadiens, serait-il possible de mettre cela en application?
M. Toews : J'essaie de réfléchir rapidement à toutes les possibilités.
Le sénateur Smith : Même si vous obtenez un jugement, je ne sais pas comment vous feriez pour recevoir un sou de cet État voyou ou de tout autre État voyou.
M. Toews : C'est une question tout à fait différente qu'il faut clarifier. Par exemple, même l'aide accordée par les deux ministres à la victime consiste essentiellement à trouver les capitaux au Canada. Le Canada ne devient pas l'exécuteur du jugement. Cela demeure dans la procédure civile. Dans bien des cas, le jugement est symbolique plutôt que réel pour ce qui est de percevoir de l'argent.
Le sénateur Smith : Et les États voyous ne disposent peut-être pas des actifs.
M. Toews : Je dois préciser que même aujourd'hui, si une personne est impliquée dans un acte terroriste, par exemple, au Canada, elle ne peut pas simplement être poursuivie par le procureur général compétent mais elle peut aussi être tenue responsable dans un procès civil. Des ramifications civiles en découlent. Cela peut se produire même s'il s'agit d'un acte terroriste.
Toutefois, cela permet de ramener l'État étranger à l'ordre quant à sa participation à un incident terroriste.
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, vous avez dit que la tragédie d'Air India était le pire acte terroriste commis dans notre pays, mais je ne crois pas qu'il s'agissait d'une affaire d'État. Nous ne blâmons aucun État pour cet acte de terrorisme. Je tiens simplement à apporter cette précision.
M. Toews : C'est un bon point. Nous mettons l'accent sur la manière dont nous réagissons au terrorisme en général, et dans le cas où des États et des organisations appuient le terrorisme, il existe alors un mécanisme qui permet de prendre des mesures à l'égard de leur participation. C'est pourquoi j'hésite à aborder l'affaire d'Air India, parce qu'elle aurait dû changer l'attitude des Canadiens à propos de la réalité du terrorisme étant très présente dans la vie des Canadiens et dans le contexte canadien. Je ne fais aucun commentaire sur tout acte parrainé par l'État.
Le sénateur Jaffer : Je suis inquiète. Peut-être que les gens ici dans cette salle comprennent, mais les gens qui nous regardent ne comprennent peut-être pas. Je ne veux pas que personne pense que l'explosion de l'appareil d'Air India a donné naissance à ce projet de loi, parce qu'il n'a jamais été question de mettre cette tragédie sur le compte d'un État.
Je veux m'assurer qu'il n'est aucunement question de la participation d'un État dans l'attentat contre le vol d'Air India. J'ai passé la matinée avec le premier ministre de l'Inde, qui est déterminé à se pencher sur ce dossier dans son pays. Je tiens à garantir qu'il n'est pas question de faire porter le blâme à l'État dans ce dossier.
M. Toews : Je serai clair : le choix de la date ne vise aucun État en particulier.
Le sénateur Jaffer : Je tenais à faire cette précision. Merci.
Monsieur le ministre, depuis que le sénateur Tkachuk a présenté le projet de loi S-7, un point me préoccupe. J'aimerais que vous clarifiiez l'article 31 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, qui est ainsi libellé :
L'agent diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction pénale de l'État accréditeur. Il jouit également de l'immunité de sa juridiction civile et administrative [...]
Je présume que nous sommes signataires de l'article 31 de cette convention.
M. Toews : Oui.
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, j'ai besoin de votre aide pour comprendre comment nous pouvons débattre ce projet de loi tout en étant signataires de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.
M. Toews : Ce projet de loi propose une exception précise à cette exemption. J'ai indiqué avoir une préférence pour inscrire les pays sur une liste plutôt que d'avoir des critères généraux qui pourraient mettre beaucoup de pays dans cette catégorie. Je crois que cela nuirait au principe fondamental de l'immunité des États qui est si essentiel aux relations étrangères.
À mon avis, le gouvernement doit bien réfléchir de manière à décider si l'immunité de certains États devrait être levée. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi cette voie.
Agnes Levesque, avocate, Services juridiques, Sécurité publique Canada : À l'article 6 de la Loi sur l'immunité des États, le Canada a choisi de restreindre l'immunité des États en cas de décès ou de dommages corporels, ou de dommages aux biens ou de la perte de ceux-ci. Cette restriction à l'immunité des États existe déjà au Canada et, comme le ministre Toews l'a dit, nous ajoutons peu à cela.
Le sénateur Jaffer : Pouvez-vous me rappeler lorsque la convention est entrée en vigueur, avions-nous des réserves à cet égard? Dans l'avenir, que ferons-nous si on intente des poursuites contre nous? Souvent, et le ministre le sait très bien, lorsque le projet de loi est accepté, on se demande s'il est « à l'épreuve de la Charte ». Évidemment, il n'est pas question de la Charte, mais ce projet de loi devant nous est-il « à l'épreuve de la Convention de Vienne »?
Mme Levesque : Si je peux vous revenir sur cette question, je serais plus en mesure de vous donner une réponse complète.
Le sénateur Jaffer : J'aimerais avoir une justification détaillée; nous aurons peut-être ensuite d'autres questions à poser au ministre.
Le sénateur Wallin : Je pense que tout le monde connaît le sens. Si un acte de terrorisme est commis en sol américain, comme le 11 septembre, on ne poursuit pas l'Amérique. La question consiste à savoir avec qui en Afghanistan fait-on affaire, compte tenu que les gouvernements et les systèmes ont changé?
Comment fait-on pour trouver un responsable? Si on met le tout par écrit, est-ce que quelqu'un invoquera la Charte — parce que vous avez raison, il n'est pas question de la Charte ici — ou, selon moi, intentera une action auprès de l'ONU en passant par vous?
S'est-on penché sur l'inversion du fardeau de la preuve? Il y a les cas d'Air India et des 18 de Toronto, mais d'autres cas pourraient être mentionnés.
M. Toews : D'après ce que je comprends, même si nous adoptons une convention internationale, cela ne nous prive pas du droit de restreindre l'application de cette convention d'une manière ou d'une autre par les poursuites judiciaires appropriées. C'est ce que nous faisons dans ce cas précis. Nous limitons le principe général.
Je ne veux pas entrer en détail dans les aspects juridiques, puisque nous obtiendrons l'avis de quelqu'un à cet égard, mais nous limitons l'application générale de cette règle fondamentale de la relation entre États dans le monde moderne.
Prenons le cas du 11 septembre. Les dommages ont été causés aux États-Unis. Le proche d'un Canadien tué là-bas prétend qu'un certain pays est derrière cet incident; un État a en quelque sorte donné son appui à l'une des organisations terroristes inscrites sur la liste. On connaît l'identité de l'organisation terroriste inscrite et on détermine l'État qui a fourni les fonds ou une autre forme de soutien à l'individu. Le proche en question va devant un tribunal canadien pour intenter une action contre l'État qui a appuyé cet acte terroriste en particulier. Le tribunal déterminera ensuite si le pays figure sur la liste. Si c'est le cas, le pays peut faire l'objet de poursuites. Dans le cas contraire, personne ne peut intenter des poursuites contre ce pays.
Le président : Puis-je poser une autre question à ce sujet? Le paragraphe 4(4) du projet de loi indique que le tribunal a le droit de rejeter une action sauf si le plaideur a demandé l'arbitrage dans le pays où l'allégation a été formulée selon laquelle la source de l'activité avait été inspirée.
En ce qui concerne deux organisations visées — le Hezbollah et le Hamas — , l'Iran nie tout lien avec elles, excepté sur le plan spirituel. Des diplomates de l'Iran sont venus dans mon bureau pour expliquer ce démenti le plus clairement possible.
Ces organisations figurent sur la liste. Si un Canadien croyait avoir subi des préjudices en raison d'activités organisées par ces individus et qu'il présentait une cause devant un tribunal canadien, l'Iran nierait d'abord tout lien. Ensuite, l'Iran pourrait vouloir établir un processus d'arbitrage interne en vertu du droit international, qui pourrait durer une éternité, retirant ainsi dans un sens le droit de cause en pratique au Canadien qui a voulu se prévaloir de cette loi dans ce but. Pour faire suite à la question du sénateur Wallin, pouvez-vous nous expliquer comment cela pourrait fonctionner?
Mme Levesque : Pour ce qui est de l'article 4, il est dit que le tribunal pourrait refuser si le demandeur n'a pas permis l'arbitrage. Le paragraphe n'exige pas que l'arbitrage soit terminé ni que le différend soit réglé. Je crois aussi qu'un tribunal tiendrait compte du fait que le demandeur intente rapidement une action en justice autant que du fait qu'il tarde à le faire. Je crois qu'il se baserait sur les faits.
M. Toews : De toute évidence, la situation que vous signalez — c'est-à-dire que le pays ne fait aucunement preuve de bonne foi — pourrait certainement être prise en considération par les tribunaux canadiens.
Le président : C'est très utile.
Le sénateur Wallin : Pour préciser, selon votre argument, nous serions protégés si quelqu'un décidait de poursuivre le Canada, parce que certains membres des 18 de Toronto s'avéraient être des citoyens canadiens, parce que nous ne sommes pas sur la liste. Donc, je suppose que nous remonterions au pays d'inspiration ou de formation.
M. Toews : Dans ce cas précis, nous ne traitons pas avec un État étranger. Le point que je tenais à faire valoir, c'est qu'un acte terroriste ne signifie pas que d'autres poursuites civiles sont exclues. Par exemple, si le gouvernement canadien était en quelque sorte complice dans un acte terroriste, cela donnerait lieu à une cause d'action en vertu de nos lois en vigueur. Alors, rien ne changerait cela d'aucune façon.
Le président : Même si le sénateur Baker n'est pas officiellement membre du comité, nous sommes heureux de l'accueillir aujourd'hui.
Le sénateur Baker : Je souhaite la bienvenue au ministre. Lorsqu'on pense à une réglementation rétroactive ou rétrospective, on pense au ministre dans les années 1980, alors qu'il s'en est pris aux banques à charte au point de vue des salaires, au moment où il exerçait d'autres fonctions. Il est allé directement à la Cour d'appel du Manitoba, où il a malheureusement perdu, mais c'était un noble effort.
C'était la législation rétrospective. Bien sûr, nous n'avons aucun problème ici parce qu'il s'agit de la législation civile. S'il s'agissait de la législation pénale, l'inculpé serait protégé par l'alinéa 11g) de la Charte.
Ma première question vise à découvrir exactement à quoi sert le projet de loi. Les États-Unis ont beaucoup d'expérience dans les litiges liés aux actes de terrorisme, et je ne sais pas s'ils ont déjà remporté un litige concernant le terrorisme. De l'argent a été versé. Heureusement, les États-Unis ont ce qu'ils appellent la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, qui permet au gouvernement de débourser de l'argent et de demander réparation à l'État concerné.
Le projet de loi fait mention d'une cause d'action; il indique : « toute personne qui a subi des pertes ou des dommages ». Ces pertes ou ces dommages sont-ils liés aux paramètres énoncés dans l'article 6 de la Loi sur l'immunité des États? Est-ce notre point de départ?
Mme Levesque a mentionné que, à l'article 6 de la version anglaise de la Loi sur l'immunité des États, il était question de « death or bodily injury ». Ce sont les mots que vous avez employés. Si je me souviens bien, quand nous avons adopté la loi en 1985, il était aussi question de « personal injury », c'est-à-dire dommages à la personne.
Mme Levesque : Je n'étais pas là en 1985.
Le sénateur Baker : Ce n'est pas dans la législation actuelle?
Mme Levesque : Ils s'y trouvent tous les trois — « death, personal or bodily injury ».
Le sénateur Baker : À votre avis, cela englobera-t-il le droit d'intenter des actions relativement aux dommages à la personne?
Mme Levesque : À l'article 4 du projet de loi, sous l'en-tête « cause d'action », on peut lire « toute personne qui a subi des pertes ou des dommages... » Ce serait au tribunal que reviendrait la responsabilité d'interpréter le sens du mot « pertes » et de déterminer la portée de son application. Si vous subissez des dommages...
Le sénateur Baker : Oui. Nous modifions considérablement l'article 6 de la Loi sur l'immunité des États, et le projet de loi propose essentiellement l'inclusion d'un article 6.1, après l'article où il est question des types de dommages à l'égard desquels l'État ne bénéficie pas de l'immunité. Est-ce exact? Il s'agit de l'article 6 de l'actuelle Loi sur l'immunité des États.
Mme Levesque : L'article 6.1 que propose le projet de loi retirerait leur immunité aux États qui soutiennent le terrorisme.
Le sénateur Baker : Oui, mais de quelle immunité s'agit-il? Il retire l'immunité dont il est question à l'article 6, qui le précède :
L'État étranger ne bénéficie pas de l'immunité de juridiction dans les actions découlant :
a) des décès ou dommages corporels;
b) des dommages aux biens ou pertes de ceux-ci.
M. Toews : Si vous me permettez d'intervenir, je voudrais m'assurer de bien comprendre. Est-ce que vous cherchez à savoir s'il y a une incohérence entre les pertes dont il est question dans la Loi sur l'immunité des États et ce que contient le projet de loi? Vous voulez savoir s'il y a un écart quelconque par rapport à cette loi, de sorte qu'un État pourrait quand même dire que nous avons retiré l'immunité à l'égard de certains dommages, mais pas de tous les dommages, et que l'immunité existe donc toujours en partie?
Le sénateur Baker : Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question. La version française de l'article 6 est différente de la version anglaise. Elle est très différente et, quand nous avons adopté la loi, nous ne l'avons pas remarqué. Le français parle uniquement de dommages corporels.
Dans l'affaire United States of America v. Friedland, la Cour d'appel de l'Ontario a statué que cela engloberait les dommages à la personne. Par contre, la Cour suprême du Canada a dit dans Schreiber c. Canada que, non, la Loi sur l'immunité des États n'englobe pas les dommages à la personne; elle n'englobe que les décès et les dommages corporels, et la version anglaise ne devrait pas être suivie.
J'essaie de savoir quels types de pertes et de dommages prévus dans cette nouvelle loi sont différents de ceux que nous avons actuellement.
Mme Levesque : J'aimerais attirer votre attention sur l'article 3 de la loi, qui dit que « l'État étranger bénéficie de l'immunité de juridiction devant tout tribunal au Canada ».
Si nous y ajoutons l'article 6.1 proposé, nous disons qu'il n'y a pas d'immunité de juridiction au Canada lorsque l'État étranger a soutenu le terrorisme, en rapport avec cette cause d'action. Nous allons ensuite à la cause d'action, où l'on parle de toute personne qui a subi des pertes ou des dommages. Par conséquent, je crois que nous sortons de l'application de l'article 6.
Le sénateur Baker : Si je comprends bien, vous dites que ce projet de loi va offrir à toute personne la possibilité d'intenter des actions pour ce que nous considérons être des pertes et des dommages à la personne normaux. Cela engloberait non seulement les dommages corporels, mais aussi les dommages psychologiques et mentaux. Cela irait au- delà des limites des dommages habituels pour lesquels nous pouvons normalement intenter une action. Est-ce exact?
Mme Levesque : Oui. Ce serait aux tribunaux de décider, mais c'est ce que je comprends.
Le sénateur Baker : Ce serait aux tribunaux de décider? Quel est l'objectif?
Mme Levesque : L'objectif est de permettre à toute personne ayant subi des pertes ou des dommages au Canada ou à l'étranger de...
Le sénateur Baker : Par conséquent, l'objectif n'est pas d'établir un lien avec ce qui existe déjà dans l'article 6 de la Loi sur l'immunité des États. Dès l'article 6, on parle de décès ou de dommages corporels.
Mme Levesque : C'est exact.
Le sénateur Baker : Aucun lien n'est établi. C'est sans rapport. C'est un aspect tout à fait nouveau que les tribunaux vont devoir examiner. Est-ce bien cela?
Mme Levesque : C'est ce que je comprends.
Le sénateur Baker : Soit dit en passant, je pense que la meilleure explication au fait que l'on remonte à 1985, c'est que la Loi sur l'immunité des États est entrée en vigueur au Canada cette année-là. Il serait donc logique pour vous, monsieur le ministre, de remonter au 1er janvier 1985.
Aux États-Unis — et je suis la loi de très près relativement à ces questions —, je ne suis au courant d'aucun cas qui a été jugé en faveur de la personne ayant intenté l'action, mais il y a eu des résultats positifs. Je l'ai déjà dit. En vertu de la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, l'État a pris une responsabilité légale au titre de laquelle des montants ont été accordés, et c'est ensuite à l'État de décider de percevoir ou non cet argent. Savez-vous si le gouvernement envisage d'adopter une mesure semblable au Canada?
M. Toews : Non, cette loi ne contient aucune disposition semblable. Sénateur Baker, vous dites qu'il n'y a eu aucun résultat positif, mais des jugements ont bel et bien été prononcés.
Le sénateur Baker : Des tonnes de jugements : 6 000.
M. Toews : C'est exact. Des jugements dont la valeur s'élève à environ 19 milliards de dollars. Pour ce qui est de la perception de cet argent, c'est une question tout à fait différente.
Le sénateur Baker : Vous avez raison.
M. Toews : Pour ce qui est de savoir si nous avons établi un processus semblable selon lequel les gens pourraient poursuivre le gouvernement et le gouvernement percevrait ensuite l'argent, non, nous ne l'avons pas fait.
Le sénateur Plett : J'aimerais souhaiter la bienvenue parmi nous à mon député. Monsieur le ministre, j'aimerais avoir quelques explications sur la rétroactivité qui est proposée dans le projet de loi.
Vous avez parlé de la réadaptation de certains pays qui sont ensuite retirés de la liste. Si je vole une centaine de voitures et que je décide de me réadapter, je dois tout de même être puni pour avoir volé une centaine de voitures. J'essaie de comprendre le principe. Si un pays prend part à un acte de terrorisme et qu'il fait l'objet d'une poursuite, et qu'il choisit ensuite de se réadapter — je peux comprendre que l'on puisse le retirer de la liste —, pourquoi ne paierait-il pas pour ce qu'il a fait dans le passé?
M. Toews : Supposons que vous avez volé une centaine de voitures dans un pays où ce n'est pas illégal de voler une centaine de voitures et que, 25 ans plus tard, quelqu'un décide d'en faire un crime et de vous tenir responsable du vol que vous avez commis il y a 25 ans. Vous allez dire que ce n'est pas juste; aucune loi ne vous l'interdisait à l'époque.
Il ne s'agit pas d'un processus pénal, mais d'un processus civil. Les mêmes éléments s'appliquent en partie dans l'examen de l'immunité des États. L'État n'avait aucune responsabilité à cet égard il y a 25 ans — absolument aucune responsabilité. Cela dit, qu'il y ait eu une responsabilité ou non, nous réalisons que cette activité est mal sur le plan moral ou autre, et nous n'irons pas plus loin sur cette question de comportement.
Alors, quand le gouvernement doit décider d'inclure dans la liste un pays qui se trouve dans une telle situation, doit- il tenir compte de ce qui s'est produit il y a 25 ans, lorsque l'immunité était absolue pour ce type de comportement?
Je sais que c'est un exemple un peu approximatif, mais le vôtre l'était également. Le fait est que c'est un aspect dont le gouvernement va devoir tenir compte quand viendra le temps de décider si un pays doit être inscrit ou non sur cette liste. Je crois que c'est mieux que de simplement jeter sur la liste, par exemple, tout pays avec lequel nous n'avons pas conclu de traité d'extradition, et il y en a 111, ce qui signifierait que ces pays pourraient désormais faire l'objet de poursuites civiles alors que ce n'était pas le cas auparavant.
Pour ne pas compromettre nos relations avec ces 111 pays, nous allons décider avec beaucoup de circonspection quels pays seront inscrits sur cette liste. Nous allons tenir compte de divers facteurs. J'imagine que parmi ces facteurs, il y aura la nature de nos relations avec ce pays et des relations qu'il entretient sur la scène internationale.
De plus, il m'a été signalé que les poursuites civiles actuelles pouvaient faire l'objet d'un délai de prescription. Si nous nous contentons de dire qu'il est possible d'intenter des poursuites, jusqu'à quand pourra-t-on remonter? Jusqu'à sept ans, à cause du délai de prescription?
Le sénateur Plett : Je comprends ce que vous dites. Je suis en faveur de ce projet de loi, monsieur le ministre, mais c'est une très mince consolation pour les victimes du terrorisme qui vont constater que nous avons retiré un certain pays de la liste.
M. Toews : Je comprends.
Le sénateur Wallace : Merci. J'aimerais aborder la question de l'exécution des jugements. C'est une excellente chose que ce projet de loi crée une cause d'action, mais c'en est une autre, comme le sénateur Baker y a fait allusion, que de faire verser aux victimes les dommages et intérêts qui leur ont été accordés par un jugement.
Dans votre exposé, vous mentionnez que votre ministère — et je crois que cela concerne également un autre ministère — pourrait aider les demandeurs à identifier les propriétés localisées au Canada qui pourraient faire l'objet d'une saisie dans le cadre de l'exécution d'un jugement. Vous avez dit que ces renseignements pourraient être communiqués aux parties pour l'exécution du jugement. Bien entendu, les ministres devront d'abord vérifier que cela ne va pas à l'encontre des intérêts du Canada.
Je me demande ce que cela veut vraiment dire. Nous sommes dans une situation où les tribunaux ont prononcé un jugement contre l'auteur d'un acte de terrorisme, et où des biens qui se trouvent au Canada devraient pouvoir être utilisés pour exécuter le jugement, mais il semble y avoir une sorte de réserve que vous avez mentionnée au sujet de la collaboration du gouvernement dans un cas comme celui-ci. Je me demande simplement ce que cela signifie.
Mme Galadza : Cela s'inscrit dans le cadre du mandat. Il s'agit précisément d'identifier et de localiser ces biens. Il n'y a rien qui concerne l'exercice d'un autre pouvoir qui consisterait à saisir ces biens.
M. Toews : Je crois que le sénateur faisait référence à mes commentaires dans lesquels je disais qu'un pays figurait sur la liste et que nous avions un jugement qui le condamnait. Les ministres ont fait savoir que ce pays est propriétaire d'un immeuble situé au centre-ville de Toronto. La réserve que j'ai exprimée est qu'il faut se demander si cela risque de nuire aux intérêts du Canada. Existe-t-il une disposition législative précise qui interdit au Canada de communiquer ce renseignement parce que cela risquerait d'être préjudiciable à notre information?
Mme Galadza : Je ne connais pas de disposition législative à ce sujet. Il y a bien sûr les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Nous pouvons vous transmettre plus tard des détails au sujet de ce qui est prévu par cette loi.
Le sénateur Wallace : Très bien. Je me demandais simplement ce que voulait dire cette dernière déclaration. Il serait utile que vous fassiez cela.
Mme Levesque : Cet article a pour but d'introduire une certaine souplesse dans l'examen de chacun des faits. Au moment de la demande, le gouvernement doit examiner les différents intérêts en jeu avant de communiquer des renseignements.
Cela n'empêche pas le demandeur d'obtenir ces renseignements d'une autre façon et d'essayer d'exécuter le jugement contre, par exemple, ce bien. Le demandeur pourrait certainement le faire, même si cette information ne lui est pas communiquée directement par le ministre des Finances ou par le ministre des Affaires étrangères.
M. Toews : Cela ne répond toujours pas à la question du sénateur. Quelle est la disposition qui donne au gouvernement du Canada le pouvoir de refuser de fournir au demandeur qui a obtenu gain de cause les renseignements qu'il possède au sujet d'un bien?
Mme Levesque : Ce pouvoir est énoncé dans un article la Loi sur l'immunité des États.
M. Toews : À quel article?
Mme Levesque : Je devrais le savoir par cœur.
M. Toews : C'est une excellente question. C'est une situation inhabituelle dans la mesure où il s'agit d'un demandeur qui a gagné sa cause et obtenu un jugement en sa faveur. Le gouvernement dispose toutefois d'un certain pouvoir discrétionnaire et peut décider de ne pas lui communiquer ces renseignements même si le pays en cause a été complice d'activités terroristes.
Le sénateur Wallace : L'objet manifeste du projet de loi est d'aider les victimes de terrorisme.
Mme Levesque : Cette disposition se trouve au paragraphe 12(1) de la Loi sur l'immunité des États, qui prévoit que le ministre des Affaires étrangères peut aider le demandeur à identifier et à localiser des biens, à moins qu'il n'estime que cela serait préjudiciable aux intérêts du Canada sur le plan des relations internationales ou aux autres intérêts du Canada. Le ministre des Finances s'occupe d'identifier les biens financiers, alors que le ministre des Affaires étrangères est responsable de l'identification des propriétés de l'État étranger. Cela se trouve au paragraphe 12(1) de la Loi sur l'immunité des États.
L'amendement au paragraphe 12(1) de la Loi sur l'immunité des États qu'introduit le paragraphe 12.1(2) du projet de loi S-7 est rédigé comme suit :
Dans le cadre de l'exercice de ce pouvoir, le ministre ne peut communiquer aucun renseignement produit par ou pour une institution fédérale sans l'autorisation de celle-ci, ni aucun renseignement qui n'a pas été ainsi produit sans l'autorisation de la première institution fédérale à l'avoir reçu.
Le président : Sénateurs, le ministre Toews doit s'acquitter d'autres obligations devant des comités sénatoriaux cet après-midi. Je suis ravi que Mme Emmanuelle Deault-Bonin, analyste principale des politiques, Sécurité publique Canada, ait accepté de rester pour répondre à d'autres questions.
M. Toews : Je dois préciser, monsieur le président, que j'ai effectivement d'autres obligations, mais qui ne concernent pas un autre comité sénatorial. Je ne voudrais pas que le compte rendu indique que j'ai disparu et que je n'ai pas comparu devant un comité sénatorial.
Le président : Nous ne voudrions pas que vous disparaissiez, monsieur le ministre. Ce ne serait pas dans l'intérêt national, quelles que soient les circonstances. Merci de nous avoir consacré votre temps.
Le sénateur Joyal : Madame Levesque, j'aimerais revenir à la procédure à suivre pour signifier un jugement. Le Canadien qui aurait obtenu un jugement favorable devrait suivre une procédure pour saisir un bien. L'article 31(2) de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques énonce :
L'agent diplomatique n'est pas obligé de donner son témoignage.
Comment pourriez-vous obliger l'agent diplomatique d'un autre pays visé par une décision judiciaire à témoigner en cour pour confirmer que le bien en question appartient effectivement à ce gouvernement? La Convention de Vienne dit clairement que l'agent diplomatique n'est pas obligé de livrer son témoignage.
Mme Levesque : Aux termes de la Loi sur l'immunité des États, l'État ne bénéficie pas d'une immunité, mais la loi prévoit une exception. Avec ce projet de loi, il y aurait une exception dans la Loi sur l'immunité des États. Il n'y aurait pas d'immunité. Si le tribunal demande des preuves et que l'État en question refuse de les lui fournir, le tribunal pourrait alors se fonder sur les preuves qui lui auront été présentées, y compris celles présentées par le demandeur.
Le sénateur Joyal : Cela soulève la question des représailles. Par exemple, supposons que le gouvernement du Canada a obtenu une décision contre la Corée du Nord et que ce pays possède des biens au Canada. La personne qui a obtenu le jugement pourrait saisir ce bien ou demander au tribunal l'autorisation de le saisir. Qu'est-ce qui empêcherait le gouvernement de la Corée du Nord de saisir des biens canadiens ou de nuire aux intérêts canadiens en Corée en guise de représailles, étant donné que cela n'est pas prévu par la Convention de Vienne?
Mme Levesque : Ce serait au gouvernement de la Corée du Nord de prendre une décision en fonction de son système juridique, de l'application de ses lois et des traités dont il est signataire.
Le sénateur Joyal : C'est le problème que pose ce projet de loi. Vous n'avez pas répondu à la question au sujet des procédures prévues par le droit international permettant au Canada de répudier la Convention de Vienne pour lever l'immunité en matière pénale dans des cas qui n'ont pas été prévus par la Convention de Vienne. Le Canada a-t-il informé les États cosignataires de la Convention de Vienne, ou a-t-il l'intention de le faire?
Je sais que la convention a été déposée auprès du secrétaire général des Nations Unies dans le but d'informer ses partenaires que, d'une façon générale, le Canada a décidé de s'attribuer le pouvoir de poursuivre certains membres des Nations Unies dans les cas prévus par le projet de loi.
Si un pays décidait de rouvrir la convention sans en avertir ses partenaires, comme le ministre l'a dit, il se placerait dans une situation délicate. Le monde ne serait pas comme il est s'il n'y avait pas les immunités sur lesquelles certains États membres s'appuient.
Mme Levesque : Il faudra que je transmette plus tard ma réponse au comité. Le ministère des Affaires étrangères a peut-être des commentaires à faire au sujet de l'approche que pourrait adopter le Canada.
Le sénateur Tkachuk : Autorisez-vous les poursuites à des fins commerciales?
Mme Levesque : Oui.
Le sénateur Joyal : Le Canada a-t-il informé la personne responsable de la Convention de Vienne qu'il envisageait de renoncer à l'aspect pénal de la convention?
Mme Levesque : Je ne sais pas.
Le président : Ce serait quelque peu inquiétant si le gouvernement donnait un tel avis avant même que le projet de loi n'ait été adopté en troisième lecture par le Sénat avant d'être transmis à la Chambre des communes. Nous voulons que le processus parlementaire soit respecté.
Le sénateur Joyal : Nous comprenons. Je demande simplement quelle serait la procédure. Je suis certain que le Canada souhaitera évaluer les répercussions qu'un tel avis pourrait avoir sur ses partenaires, et c'est ce que j'essaie de comprendre.
Je ne demande pas que le Canada donne cet avis avant que le projet de loi soit adopté. Nous ne savons pas encore s'il le sera.
Je veux savoir quelle procédure sera suivie de façon à mieux comprendre les réactions que pourraient avoir certains autres pays à l'égard de ce projet de loi.
Mme Galadza : Je ne connais pas ce processus particulier, mais il est important de le savoir. Nous allons vérifier et transmettre ce renseignement par écrit au comité.
Le sénateur Jaffer : Le sénateur Tkachuk a déclaré que nous pouvons intenter des poursuites civiles, mais la Convention de Vienne s'applique uniquement au processus pénal. Est-ce exact?
Le président : Le projet de loi traite de responsabilité civile.
Le sénateur Jaffer : Nous parlons de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.
Le sénateur Joyal : La différence, monsieur le président, est que nous parlons de biens appartenant à un État. Il ne s'agit pas d'une entreprise commerciale. Nous nous intéressons aux propriétés d'un État, ce qui est visé par l'article 31 de la Convention de Vienne. La convention énumère les exceptions que le sénateur Tkachuk a mentionnées, au sujet des activités commerciales. Ce sont deux genres d'activités tout à fait différentes.
Le président : Je viens de penser au fait que, dans le cas de certains pays dont nous avons parlé, il y a des équivalents de leurs sociétés d'État qui exercent des activités commerciales au Canada et qui sont partie à des litiges commerciaux pour diverses raisons.
D'après ce que j'ai compris, le projet de loi a pour but de repousser les limites et d'assouplir les dispositions relatives à l'immunité des États pour qu'une personne qui s'estime lésée par un État puisse intenter des poursuites contre cet État. À ce moment-là, tous les actifs que cet État possède par l'intermédiaire de sociétés d'État ou d'autres organismes dans notre pays pourraient être identifiés puis saisis, si le demandeur obtient gain de cause.
Le sénateur Jaffer : Dans le même ordre d'idées, je voudrais savoir comment la Convention de Vienne s'intègre à cette mesure.
Le président : Effectivement, et à ce propos, je répète que les collaborateurs du ministre ont accepté de nous fournir des informations détaillées sur ce sujet.
Le sénateur Joyal : Je suis sûr qu'il faudrait tenir compte des réactions possibles contre les intérêts canadiens dans les pays figurant sur cette liste. Je vais vous donner un exemple. Je ne veux pas mentionner de pays en particulier, parce que ce n'est pas la bonne façon de faire les choses, mais un pays dont les biens seraient saisis au Canada pourrait certainement être tenté de saisir des biens appartenant à des intérêts canadiens et de les retenir jusqu'à ce que le litige avec le Canada soit réglé.
Le président : Les retenir en dépôt fiduciaire
Le sénateur Joyal : Exactement. Ça pourrait arriver. Avez-vous examiné ce genre de répercussion?
Mme Galadza : Le projet de loi contient une disposition qui permet ce type d'évaluation sur deux points. Le premier type d'évaluation est le processus d'établissement de la liste des pays en cause et le processus qui amène le gouverneur en conseil à réfléchir, en particulier, aux répercussions d'une telle liste sur les relations internationales. Le deuxième type d'évaluation touche la communication des renseignements concernant les actifs qu'un pays pourrait posséder au Canada et la latitude qui est accordée au ministre des Affaires étrangères et au ministre des Finances de ne pas divulguer cette information si un ministre, ou les deux, estime que cela serait préjudiciable à la conduite des affaires internationales.
Le sénateur Joyal : Dans un procès civil, lorsque vous intentez une action, vous avez le droit dans certaines circonstances de saisir des biens pour que votre jugement puisse être exécuté. C'est ce qu'on appelle des mesures provisoires en vue de préserver un droit futur.
Pouvez-vous nous confirmer si le Canadien qui poursuivrait un État pourrait prendre ce genre de mesure, c'est-à- dire de prendre des mesures provisoires contre l'État dans le cas où il obtiendrait un jugement favorable?
Mme Levesque : Oui, l'article 8 du projet de loi S-7 propose de modifier le paragraphe 11(3) de la Loi sur l'immunité des États. L'article 11 de la Loi sur l'immunité énonce que le tribunal ne peut accorder une injonction ou une exécution en nature contre l'État sans le consentement écrit de celui-ci. Il y a toutefois une exception qui précise que cette disposition ne s'applique pas aux organismes d'un État étranger ni, avec la modification, à un État étranger inscrit sur cette liste.
Le président : Je veux être sûr de bien comprendre, parce que c'est là un point important; si je pense avoir une cause d'action, un avion s'est écrasé et j'ai perdu un être cher et je pense qu'il existe des preuves prima facie indiquant que le pays A a apporté son soutien à cet acte de terrorisme, je pourrais alors demander, aux termes des dispositions que vous venez de citer, une injonction pour que ces biens soient saisis.
Mme Levesque : Oui.
Le président : Avant de poursuivre les autres activités juridiques que permettrait ce projet de loi, je pourrais exercer mon droit légal d'intenter des poursuites pour que ces biens soient en fait disponibles dans le cas où j'obtiendrais un jugement favorable, et bien sûr, la partie adverse pourrait présenter des arguments contre l'injonction, si ce gouvernement figure sur la liste. Voilà qui est très utile.
Mme Levesque : Il y a aussi une modification qui a été apportée à l'article 12 de la Loi sur l'immunité des États, qui parle de la saisie de propriétés, non pas en tant que mesure provisoire, mais de mesure définitive.
Le sénateur Joyal : Pour l'exécution d'un jugement.
Le président : Conformément à un jugement.
Mme Levesque : Oui, les deux aspects sont donc couverts.
Le sénateur Jaffer : J'avais quelques réserves avant d'entendre notre témoin, mais maintenant j'en ai encore plus. Je trouve gênant qu'un pays puisse figurer sur la liste un jour et en disparaître le lendemain. N'allez-vous pas faire du profilage de pays? Un jour nous avons un problème avec un pays donné et le lendemain, à cause de nos intérêts nationaux, ou parce que d'autres déclarations ont été faites, ce pays est « réhabilité ». Comment va fonctionner ce système?
Mme Galadza : Il y aura un processus d'examen et d'évaluation rigoureux par le gouverneur en conseil. Nous effectuons ce genre d'évaluation avec les organismes terroristes aux termes du Code criminel et nous allons mettre sur pied un processus très semblable pour dresser la liste de ces États.
Vous dites qu'un jour, un pays est sur la liste, et que le lendemain, il n'y est plus. En fait, tous les deux ans, il ferait l'objet d'un examen, et dans ce contexte, un État inscrit pourrait demander à être retiré de la liste. Des dispositions existent pour le traitement rapide de ce type de demande.
Les principes fondamentaux de l'immunité des États sont importants. Le processus doit être rigoureux afin de garantir qu'on ne trouve, sur la liste, aucun pays qui ne devrait pas y être. Voilà pourquoi la disposition de deux ans existe et s'ajoute aux autres mécanismes.
Le président : Les représentants savent-ils si cet intervalle de deux ans et le processus visant à évaluer qui restera sur la liste, qui y sera ajouté ou qui en sera retiré permettent aux Canadiens de donner leur point de vue sur la question? À votre connaissance, s'agit-il d'un processus interne qui ne s'applique qu'au sein du gouvernement et qui dépasse les limites des consultations publiques?
Mme Galadza : Ce processus sera établi par le ministère des Affaires étrangères; nous n'avons pas encore demandé au ministère de participer à des consultations.
Le président : Il vous reste encore à établir le processus?
Mme Galadza : Oui, c'est bien ça, et cela se fera au titre des règlements qui seront publiés dans la Gazette du Canada, mais, comme je l'ai dit, ce sera le ministère des Affaires étrangères qui établira les détails du processus.
Le sénateur Jaffer : J'ai une inquiétude : les litiges avancent lentement. Peut-être que lorsque vous répondrez, vous pourriez nous dire ce qui se passe lorsqu'un pays se voit retirer de la liste une fois la procédure à mi-parcours. Que se passe-t-il alors? Peut-être que vous pourriez simplement répondre à cela par écrit.
Pourquoi n'acheminons-nous pas ces affaires à la Cour pénale internationale? Si l'on songe au paragraphe 7(2) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui porte sur les crimes contre l'humanité, pourquoi ne pourrions- nous pas demander à la cour internationale d'instruire ces affaires? Pourquoi souhaitons-nous le faire ici?
Mme Levesque : Je crois qu'on ne peut engager des procédures devant la cour internationale; cela se ferait seulement s'il s'agissait d'un État. Cela permet aux victimes d'introduire une instance.
Le sénateur Jaffer : De ce que je comprends, nous aiderons les victimes, est-ce bien cela?
Mme Levesque : C'est exact.
Le sénateur Smith : De prime abord, le projet de loi semble noble et décent, et je crois qu'il a des objectifs louables. Toutefois, j'ai bien peur qu'il ne soit qu'un ramassis de banalités. Autrement dit, il serait vraiment plat, mais pourrait-il être utile, de quelque façon que ce soit, dans les situations réelles où il pourrait être appliqué?
Nous avons d'abord entendu dire — et je crois que cela était sincère — que l'adoption de la limite de 25 années a été influencée par l'incident du vol Air India, qui s'est déroulé il y a 25 ans. Or, cela n'est pas vraiment pertinent parce qu'aucun État ne se rattache à l'événement. Oui, il y avait bien au Canada certaines personnes d'une collectivité bien précise provenant principalement du Panjab qui auraient aimé voir leur État devenir indépendant. Toutefois, aucun État n'est mêlé à cette histoire.
Ironiquement, s'il y avait un État à blâmer dans l'affaire Air India, ce serait le Canada. J'imagine qu'aux termes de la common law et du droit de la responsabilité délictuelle, le pays a fait preuve de négligence. Ce que le juge Major a conclu, c'est que si la GRC et le SCRS avaient travaillé ensemble, rien de tout cela ne serait probablement arrivé. Voilà qui semble donc, de prime abord, tomber dans la catégorie de la négligence.
Je ne me rappelle plus en quelle année a eu lieu l'attentat de Lockerbie, mais s'il y avait des Canadiens à bord de ce vol, comme c'était il y a moins de 25 ans — la Libye n'est plus un État inscrit —, cela ne s'appliquerait pas.
Le projet de loi semble noble et avoir des objectifs louables, mais je cherche encore une situation réelle à laquelle il pourrait s'appliquer. Et même s'il s'appliquait à une situation — disons en lien avec la Corée du Nord —, on n'arriverait jamais à obtenir de l'argent de ces États voyous.
Le président : Soyons justes envers les collaborateurs du ministre : le ministre a lui-même essayé de montrer que le principal objectif de ce projet de loi est de décourager le terrorisme et il a souligné une ambiguïté possible concernant son applicabilité aux événements passés.
Le sénateur Smith : Vous faites le lien avec l'affaire Air India; seriez-vous en train d'établir des attentes irréalistes? Les personnes pourraient être encore plus déçues à l'idée qu'elles n'ont rien fait et que si elles avaient uni leurs efforts, rien de tout cela ne se serait passé. Et tout à coup, nous entendons cela. Je déteste vraiment créer des attentes élevées pour des personnes irréalistes... Ce n'était que des rêvasseries, et ce n'est pas vraiment une question, mais peut-être que j'en aurai fait réagir certains.
Mme Levesque : J'aimerais vous ramener au libellé du projet de loi, qui propose la création d'une cause d'action contre ceux qui commettent des infractions terroristes. Je serais punie en application du Code criminel. En outre, il faut savoir s'il s'agit d'un État étranger, d'une entité inscrite, d'une autre personne ou d'un partisan du terrorisme. Ça ne se limite pas à mettre le doigt sur un État qui aurait soutenu des activités terroristes; c'est plus vaste que cela. La cause d'action qui est créée ici l'est à la fois pour les auteurs de crime et ceux qui les appuient.
Le sénateur Smith : Ça, c'est si l'on suppose qu'ils ont des actifs dans des pays où l'on peut prendre des mesures contre eux. Je ne vois vraiment aucune situation réelle qui réponde à ces critères.
Mme Levesque : Je crois que cela arrive pour chaque demande où le défendeur pourrait n'avoir aucun actif.
Le président : Il ne fait aucun doute que le Canada a conclu des ententes en matière de sanctions contre certains pays, dans des situations où une partie de leurs actifs étaient ébranlés dans cette partie du monde. Parfois, il arrive qu'il n'y ait aucun actif dans cette partie du monde, mais cela ne signifie pas que nous n'avons pas signé, avec des alliés, des ententes en matière de sanctions contre des pays qui sont de mauvais joueurs dans divers dossiers.
Pour être honnête, il faut dire que le même problème se pose également lorsqu'il s'agit de déterminer si le Canada a des actifs ou s'il mène des activités commerciales en lien avec ces sanctions. Je m'attends à ce qu'une partie de tout cela s'applique également ici.
Le sénateur Wallace : Ma question revient à ce qu'a dit le sénateur Smith pour ce qui est d'être en mesure d'exécuter le jugement que rendrait le Canada aux termes de cette loi. Comme vous l'avez souligné, s'il y a des actifs contre le débiteur judiciaire au Canada, ils pourraient servir à l'exécution du jugement.
Toutefois, j'ai en tête une situation où il y aurait des actifs connus dans d'autres pays. Mon commentaire se rattache peut-être plus au projet de loi et à l'application des jugements, en général.
Y a-t-il des pays avec lesquels nous aurions des accords de réciprocité et dans lesquels nous pourrions appliquer un jugement rendu par un tribunal canadien? Par exemple, si nous savions qu'un État voyou ou une organisation qui a agi comme débiteur judiciaire avait des actifs en Suisse, serions-nous en mesure de faire enregistrer ce jugement en Suisse et de voir à son application contre ces actifs?
Mme Levesque : Je crois que oui. Je ne suis pas certaine des règles qui sont en vigueur en Suisse, mais d'après les principes établis, on devrait demander au tribunal étranger de reconnaître le jugement canadien, après quoi il pourrait être exécuté dans le pays visé, au titre de la législation de l'endroit.
Le sénateur Smith : Je ne crois pas que ce projet de loi permettrait cela, est-ce que je me trompe?
Le sénateur Wallace : Non, mais il fournirait une cause d'action. Il permettrait à l'instance d'être introduite et au jugement d'être enregistré contre l'auteur du crime, puis la prochaine étape pourrait s'enclencher. À mon avis, voilà l'avantage que présente le projet de loi.
Mme Levesque : Oui. Le projet de loi fournit une cause d'action pour laquelle on obtient un jugement, qui sera comme tout autre jugement pouvant être exécuté dans un pays étranger après avoir été reconnu par ce pays ou son tribunal.
Le sénateur Wallace : Sans le projet de loi, on ne pourrait même pas obtenir de jugement, comme c'est le cas aujourd'hui.
Mme Levesque : Oui.
Le sénateur Baker : Voilà une question très difficile à aborder, et les témoins méritent qu'on les félicite pour leurs réponses. Après réflexion, si vous voulez modifier l'une ou l'autre de vos réponses, veuillez simplement en aviser le comité par écrit en lui présentant l'interprétation qui devrait avoir été donnée.
La plupart des litiges passés que l'on associe à la Loi sur l'immunité des États au Canada se rattachent à autre chose qu'au terrorisme. Plusieurs affaires se rattachent à la torture, par exemple. Est-ce que le ministère a réfléchi à la possibilité d'élargir la portée du projet de loi de sorte à inclure ces autres domaines? Beaucoup d'observations vous ont- elles été présentées à cet égard?
Mme Galadza : Lorsqu'on a apporté des modifications antérieures au projet de loi, on a proposé d'élargir la définition. Toutefois, l'objectif de cette loi est tout spécialement de décourager le terrorisme. Voilà son principal objectif, et cela se rattache au terrorisme en ce sens que le Code criminel le définit, énumère une liste d'entités, et cetera.
Le sénateur Baker : Pour ce qui est de votre cause d'action et des mots que vous avez utilisés dans la version anglaise, êtes-vous certaine, dans la mesure du possible, que la version française y correspond bien?
Mme Levesque : Nous essayons de faire notre travail avec le plus de rigueur possible. Parfois, il y a des différences entre les deux langues, mais les tribunaux savent présenter des interprétations des plus justes, qui sont fidèles à l'intention du Parlement.
Le sénateur Baker : L'interprétation, c'est habituellement ce qui est le plus restreint, est-ce que je me trompe?
Mme Levesque : Cela dépend de la disposition qui doit être interprétée.
Le sénateur Joyal : J'aurais une chose à ajouter au sujet de l'exécution d'un jugement à l'étranger. Pourriez-vous regarder dans votre dossier pour voir s'il est déjà arrivé qu'un pays réussisse à exécuter un jugement contre un autre pays dans un État tiers? En gros, voilà la question qu'a posée le sénateur Wallace.
Mme Levesque : Je peux certainement le vérifier.
Le sénateur Joyal : Il faudrait vérifier s'il s'agit de questions théoriques ou s'il existe un précédent que nous pourrions examiner.
Mme Levesque : Si l'on parle ici d'exécuter un jugement contre un État, cela dépend, en partie, de si l'État dans lequel nous souhaitons exécuter le jugement en est à l'étape de la levée de l'immunité.
Le sénateur Joyal : Au titre de la Loi sur l'immunité des États.
Mme Levesque : Au titre de la loi concernant l'immunité et pour les besoins du jugement rendu au Canada. Bien qu'il puisse y avoir des jugements qui soient reconnus contre l'État, par exemple pour des activités commerciales, je ne suis pas certaine qu'un scénario similaire ait déjà été mis à l'essai dans des tribunaux d'autres pays.
Le sénateur Joyal : La question est vraiment particulière, et c'est pour cette raison que je crois qu'il n'existe aucun précédent. Bien entendu, il pourrait en exister un dont je ne serais pas au courant. Voilà pourquoi j'aimerais en savoir davantage.
Mme Levesque : Oui. Cependant, comme je l'ai dit plus tôt, la cause d'action n'est pas toujours présentée contre les États étrangers; parfois, elle est présentée contre des entités inscrites ou d'autres partisans du terrorisme. On peut avoir un jugement contre une personne du pays A et essayer d'exécuter un jugement dans le pays B, lorsqu'on sait que la personne a des actifs dans ce second pays. Je suis certaine que cela est déjà arrivé, mais je confirmerai cela.
Le sénateur Joyal : Merci. Mon autre question se rattache à la déclaration du ministre, plus précisément au deuxième paragraphe de la page 5.
Mme Galadza : Au paragraphe qui commence par « Comme vous le savez... ».
Le sénateur Joyal : Oui. Je vais le lire pour les personnes qui nous écoutent.
Comme vous le savez, lever l'immunité d'un État représente une décision stratégique déterminante au chapitre des affaires étrangères, décision qui ne peut pas être prise à la légère. Voilà pourquoi nous fonderions une telle décision sur un mécanisme rigoureux et des critères concrets.
J'aimerais mettre l'accent sur « un mécanisme rigoureux et des critères concrets ».
Selon l'article 83.01 du Code criminel, auquel l'article 2 du projet de loi fait référence, une « entité inscrite » est un « pays inscrit ».
« entité inscrite » Entité inscrite sur la liste établie par le gouverneur en conseil en vertu de l'article 83.05.
On nous renvoie à l'article 83.05 du Code criminel, qui prévoit que :
[...] toute entité dont il est convaincu [...] qu'il existe des motifs raisonnables de croire :
a) que, sciemment, elle s'est livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l'a facilitée;
b) que, sciemment, elle agit au nom d'une entité visée à l'alinéa a), sous sa direction ou en collaboration avec elle.
Dans le projet de loi S-7, le paragraphe 6.1(2) que l'on propose d'ajouter à la Loi sur l'immunité des États dispose que :
[...] tout État étranger s'il est convaincu [...] qu'il existe des motifs raisonnables de croire que cet État soutient ou a soutenu le terrorisme.
Quel est le « mécanisme rigoureux » dont a parlé le ministre? Est-ce un nouveau mécanisme qui sera adopté au moyen de la réglementation? Que sont les critères concrets?
Mme Levesque : Il faut créer le mécanisme, mais la notion de soutien du terrorisme est définie dans la loi actuelle; je vous renvoie aux articles 83.02 à 83.04 et 83.18 à 83.23 du Code criminel, où la notion est expliquée. Le gouverneur en conseil devra déterminer s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'un État soutient le terrorisme. Objectivement parlant, il devra déterminer si l'État étranger a fourni ou réuni des biens pour certaines activités — je lis les notes inframarginales —, ou encore rendus disponibles des biens ou des services dans l'intention de les voir utiliser pour une activité terroriste, notamment. C'est sur ces éléments que le gouverneur en conseil devra se fonder pour établir s'il existe des motifs raisonnables de croire que l'État étranger a soutenu le terrorisme.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, ce serait aux mêmes motifs que ceux qui sont énoncés dans le Code criminel; il n'y aurait pas d'autre mécanisme.
Mme Levesque : D'autres facteurs sont en cours d'examen. La recommandation viendra du ministre des Affaires étrangères, après consultation du ministre de la Sécurité publique. D'autres facteurs viendront s'ajouter aux activités qui sont expressément nommées dans le Code criminel.
Le sénateur Joyal : Oui, car il est possible que le ministre des Affaires étrangères ou le ministre de la Sécurité publique détiennent de l'information provenant du renseignement.
Mme Galadza : L'article 83.05 du Code criminel prévoit l'inscription sur une liste de toute entité terroriste, et le projet de loi S-7 prévoit l'établissement d'une liste pour les États.
Mme Levesque a fait référence au fait que le Code criminel contient des assises concrètes qui pourraient nous servir. Vous avez tout à fait raison; des renseignements supplémentaires pourraient s'ajouter. C'est pour cette raison que le ministre des Affaires étrangères, après consultation du ministre de la Sécurité publique, présente une recommandation au gouverneur en conseil pour faire en sorte qu'aucun aspect ne soit mis de côté.
Le sénateur Joyal : Grâce à ce que lui apportent les ministres de la Sécurité publique et des Affaires étrangères, le gouverneur en conseil a accès à des renseignements privilégiés auxquels les victimes n'ont peut-être pas accès. Une victime qui décide de poursuivre un État fonde son argumentation sur les éléments de preuve dont elle dispose pour convaincre le juge qu'il existe des motifs raisonnables de croire que cet État s'est livré à une activité terroriste, l'a soutenue, l'a facilitée ou y a participé.
Je vois une très grande différence entre ce que je peux présenter devant un tribunal en ma qualité de citoyen et ce que le gouverneur en conseil peut conclure quant aux motifs raisonnables en se fondant sur des renseignements dont je ne peux disposer.
Le président : Je veux m'assurer de bien comprendre la question. Vous cherchez à savoir sur quoi se fonderait la Couronne pour ajouter ou retirer un État de la liste. Il est vrai qu'elle pourrait avoir accès à des renseignements exclusifs dont la population ne peut disposer. Mais j'ai pensé à quelque chose : les allégations avancées par les Canadiens qui ont l'impression d'avoir été lésés, qui croient qu'on leur a porté préjudice, et qui veulent se prévaloir du droit d'action rendu possible par le projet de loi et plaider leur cause en justice, devront tout de même satisfaire au critère de la personne raisonnable pour être reconnues comme éléments de preuve valides. C'est l'obligation normale que chaque tribunal applique dans chaque affaire au civil. En aucune façon cherche-t-on ici à modifier ce principe.
Le sénateur Smith : Vous partez du principe que la cour a compétence pour l'ajouter à la liste.
Le président : Non, c'est la Couronne qui a compétence pour ajouter un État à la liste; toutefois, en tant que citoyen, je pourrais demander un bref de mandamus qui intimerait à la Couronne d'ajouter un État à la liste, si je croyais avoir un tel droit. J'agirais ainsi en me fondant sur les éléments de preuve que je présenterais à l'appui d'un bref de mandamus — ma suggestion.
Un citoyen a encore le droit d'agir s'il a l'impression que la Couronne fait preuve d'incompétence ou de négligence parce qu'elle n'ajoute pas une certaine entité à la liste. Un habitant d'un pays qui se retrouve sur la liste a lui aussi le droit, s'il est convaincu que son pays fait injustement l'objet de diffamation, de demander un bref de mandamus pour forcer la Couronne à retirer l'État de la liste si les méthodes traditionnelles qui s'offrent à lui n'ont rien donné.
Le sénateur Smith : Vous avez réussi votre examen du Barreau.
Le président : Je n'ai jamais mis les pieds dans une faculté de droit sauf pour faire campagne. J'ai connu mes derniers succès pas très loin d'ici, à l'Université d'Ottawa.
Mme Levesque : Si je puis, je crois qu'il serait utile de faire une distinction entre les processus. L'un d'eux concerne le gouverneur en conseil, qui doit déterminer s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'un État étranger a soutenu des activités terroristes. Une fois que l'État est ajouté à la liste, le demandeur se présente devant le tribunal pour savoir si, selon la prépondérance des probabilités, l'État a soutenu une entité inscrite. Ce n'est pas le même critère.
Pour avoir suffisamment d'éléments de preuve, j'imagine que le demandeur aurait accès aux mêmes mécanismes que ceux qui sont utilisés lors de procès afin d'interroger et de contre-interroger le défendeur, l'entité inscrite ou la personne qui s'est livrée à une activité terroriste. Par la suite, si l'État étranger décide de comparaître, il peut être interrogé et contre-interrogé à son tour en tant que défendeur. Il est aussi possible de présenter des demandes d'accès à l'information, conformément à la Loi sur l'accès à l'information. Il faut y aller au cas par cas. Il revient au demandeur de peser ses chances de succès.
Le président : J'aimerais ajouter quelque chose. Le principe tenu pour établi par le ministre un peu plus tôt veut que dans une affaire au civil — droit que donne le projet de loi —, le fait qu'un État décide de ne pas comparaître pour répondre aux allégations du demandeur car il ne pense pas relever de la compétence de notre pays ne limite en rien — supposant que tout soit conforme — le droit du juge de rendre une décision fondée sur la responsabilité civile, peu importe que l'État soit considéré comme un État voyou ou non. La procédure civile ne s'arrête pas parce que le défendeur refuse de comparaître. Je tiens à ce que ce soit bien clair.
Mme Levesque : Non. Ma collègue se reporte également à l'alinéa 4(3)b) du projet de loi, qui dispose que la prescription est suspendue si on est incapable d'établir l'identité de l'entité inscrite, de la personne ou de l'État étranger. Tout cela donne au demandeur plus de temps pour entreprendre une action en justice.
Le sénateur Joyal : La difficulté qu'on a à prouver le lien entre l'État et l'acte terroriste présumé me laisse toujours perplexe. Le gouvernement aurait accès aux renseignements nécessaires pour faire ajouter le pays à la liste, renseignements dont je ne pourrais disposer dans leur totalité en ma qualité de simple citoyen. Comment un simple citoyen peut-il gagner sa cause contre un État en se servant uniquement des renseignements publiés dans les journaux? Je dispose de moyens limités pour établir le lien de responsabilité entre les terroristes qui ont causé des dommages et l'entité ou l'État qui, selon moi, aurait financé, facilité ou rendu possible une telle activité.
Le président : Est-ce qu'un de nos témoins souhaite nous éclairer sur ce point?
Mme Levesque : Je crois que ce serait la même chose dans la plupart des cas où une personne cherche à poursuivre un État; elle pourrait éprouver de grandes difficultés à obtenir de l'information. Mais il ne faut pas oublier, comme il a été mentionné, que le juge examinera les éléments de preuve dont il est saisi pour déterminer la prépondérance des probabilités. Si aucun élément ne vient réfuter les allégations du demandeur, la cour en tiendra compte.
De plus, la cause d'action dans ce cas-ci serait de permettre à une personne de poursuivre l'État étranger pour avoir appuyé le terrorisme, et non de fournir des preuves que l'État étranger a directement contribué aux activités terroristes. L'alternative est que la victime n'ait pas à prouver que la participation de l'État étranger a directement causé les torts subis.
Le sénateur Tkachuk : Il s'agit d'un projet de loi contre le terrorisme. Le simple fait qu'aucun État ne veuille que son nom figure sur cette liste n'aura-t-il pas un effet dissuasif?
Mme Levesque : On pourrait le croire, en effet.
Le sénateur Tkachuk : Surtout pour les deux pays nord-américains, où tous ces États aiment investir leur argent. Si tous les pays civilisés avaient des lois comme celle-ci, ce serait difficile pour les terroristes d'amasser l'argent nécessaire pour commettre leurs actes. Les pays non civilisés sont ceux qui commettent des actes de terrorisme. Le simple fait d'inscrire sur une liste les pays ayant commis des actes d'État pourrait aider à prévenir le terrorisme à l'avenir.
Le sénateur Joyal : Le ministre a fait référence à des critères concrets. Ces critères seront-ils publiés sous forme de réglementation par le gouverneur en conseil ou le seront-ils sous forme de mécanisme interne et confidentiel?
Mme Galadza : Comme nous l'avons déjà dit, les critères comprennent ceux énumérés dans le Code criminel. Le mécanisme concret par lequel ces critères s'appliqueront de même que le processus qui s'y rattache sont actuellement en cours d'élaboration.
Le sénateur Joyal : Vous ne savez pas s'ils seront rendus publics sous forme de réglementation?
Mme Galadza : Je ne peux pas le dire pour le moment, mais nous pouvons vous revenir là-dessus quand nous aurons consulté nos collègues pour connaître leurs intentions.
Le président : En tant que comité, nous pourrions faire connaître notre point de vue sur la façon dont le processus devrait être rendu public. Nous pourrions vous faire part de notre position si nous décidons de nous prononcer là- dessus. Le sénateur Jaffer avait une question complémentaire.
Le sénateur Jaffer : Vous n'avez pas à répondre à ma question aujourd'hui. Qu'arriverait-il si un pays était retiré de la liste en plein milieu d'un litige? Notre gouvernement serait-il toujours impliqué? Comment cela fonctionne-t-il? Nous savons que même le plus simple des litiges prend plus de deux ans avant de se régler.
Mme Levesque : Il faut voir si le nom du pays figurait sur la liste lorsque les procédures ont été entamées, et non au moment où le jugement est rendu.
Le sénateur Jaffer : Je suis désolée, je ne voulais pas vous interrompre. Et si nous retirons ce pays pour l'intérêt national, que se passe-t-il? Notre gouvernement continuerait-il d'appuyer le plaideur pendant le processus? Je suis confuse.
Le président : Reprenons l'exemple de la Lybie, puisqu'il en a déjà été question. Disons que cette loi avait été en place après les attentats d'Air India, que les Canadiens auraient été affectés par cet acte de terrorisme et qu'ils auraient intenté une action. La Lybie se trouvait alors sur la liste, mais les procédures ont pris un certain temps à se régler. Entre-temps, la Lybie a été retirée de la liste. Si je comprends bien ce que Mme Levesque a dit, si le pays était inscrit sur la liste ab initio, alors les poursuites suivent leur cours. Comme nous le savons tous, et les professionnels assis à cette table le savent mieux que moi, la grande majorité des procès civils se règlent par un arrangement devant le tribunal. C'est une autre façon, pour une victime, d'arriver à une entente. Selon la place qu'occupe le pays parmi les pays civilisés, celui-ci pourrait vouloir trouver un arrangement pour d'autres raisons d'intérêt public touchant les relations extérieures, et pourrait demander, comme c'est le cas dans bon nombre d'arrangements, qu'il ne soit tenu responsable de rien, bien qu'il soit disposé à trouver un terrain d'entente pour prouver sa bonne foi. Ce type d'entente serait toujours possible même après l'entrée en vigueur de cette loi.
Le sénateur Jaffer : J'aimerais ajouter quelque chose à ce que mon collègue vient de dire. Si le pays refuse tout arrangement, le Canada continuerait-il d'appuyer la personne qui aura intenté les poursuites si le pays ne fait plus partie de la liste?
Mme Levesque : La participation du gouvernement canadien est définie au paragraphe 12(1) de la Loi sur l'immunité des États. Cette disposition s'applique une fois que le verdict est connu. Quand un jugement est rendu, le ministre des Affaires étrangères et le ministre des Finances peuvent, comme le prévoit le paragraphe 12(1), identifier et localiser les actifs de l'État visé, dans le cadre de leur mandat en tenant compte des relations internationales ou si, de l'avis de l'un ou l'autre des ministres, cela est préjudiciable aux autres intérêts du Canada. Je crois que ce sont là les limites des obligations prévues par la loi pour ce qui est de l'aide accordée.
Le sénateur Jaffer : Ce paragraphe me dérange. Et si nous passons par tout le processus, mais qu'une fois arrivé au jugement, le Canada retire le pays de la liste. Le ministre des Affaires étrangères considère maintenant que ce serait préjudiciable à nos intérêts d'aller plus loin. Que se passe-t-il?
Mme Galadza : Un jugement est un jugement des tribunaux.
Le sénateur Jaffer : Je comprends cela. Mais qu'arrive-t-il si le Canada refuse d'aider à identifier les biens du pays?
Mme Levesque : Il est toujours possible d'appliquer le jugement de la même façon qu'on appliquerait n'importe quel autre jugement. Il s'agit, pour le plaignant, d'obtenir les renseignements par d'autres moyens.
Le sénateur Jaffer : Je pensais que l'objectif de ce projet de loi était d'aider notre gouvernement à identifier les propriétés de notre pays pour le plaignant. C'est du moins ce que j'avais compris.
Le président : Après le jugement.
Le sénateur Jaffer : Après le jugement, exactement. C'est ce que j'avais compris; mais si le pays est retiré de la liste pour quelque raison que ce soit avant que la personne n'ait reçu le jugement, notre pays aidera-t-il cette partie à identifier les biens de l'État en cause?
Le président : Permettez-moi d'examiner la question et de donner ma réponse personnelle à cette question très pertinente de la part du sénateur Jaffer.
Si nous étions en train d'examiner la possibilité de retirer le pays A de la liste alors que ce pays fait déjà l'objet de poursuites devant les tribunaux, et si j'étais le ministre des Affaires étrangères, ou le sous-ministre, ou la personne responsable de cette partie du monde, je recommanderais au gouvernement du Canada, avant de retirer le pays de la liste, de s'assurer de sa bonne foi et de lui demander sa collaboration relativement à ce cas devant les tribunaux. Ce serait la procédure normale aux Affaires étrangères. Il n'y a qu'à penser à ce qui est fait entre le gouvernement britannique et d'autres et le gouvernement de la Libye relativement aux règlements offerts aux survivants des victimes de l'attentat de Lockerbie. Rien n'a été ordonné par les tribunaux, et tout cela faisait partie des relations extérieures entre les pays.
Le sénateur Jaffer : Je propose, monsieur le président, que cela fasse partie de nos observations quand nous en serons rendus là.
Le président : Absolument.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais ajouter quelque chose. Aucun gouvernement ne prendra de décision en vase clos. Ils tiendront compte du point de vue de la population de leur pays avant de faire quoi que ce soit. Je suis certain qu'il y aura des négociations sur la façon de faire. Comme pour tout le reste, ils ne feront pas que leur mettre des bâtons dans les roues, si je puis dire.
Le sénateur Joyal : Le gouvernement a-t-il l'intention de faire de cette loi une loi du Parlement pour en discuter à des forums internationaux sur la lutte contre le terrorisme avec les partenaires du Canada, de sorte que d'autres États pourraient suivre l'exemple du Canada?
Le sénateur Tkachuk : Je crois que les Nations Unies encouragent déjà les pays à adopter une loi comme celle-ci, si je ne m'abuse.
Mme Galadza : Oui, c'est vrai pour le financement des activités terroristes. Les discussions sont déjà entamées à plusieurs forums internationaux. De quelle façon ce projet de loi pourrait avoir une incidence, je ne saurais le dire, mais ce serait certainement une initiative de la part d'Affaires étrangères. Cependant, vous avez raison quand vous dites que l'un des objectifs de ce projet de loi est de montrer un leadership international dans le dossier de la lutte contre le financement des activités terroristes et l'aide accordée par les États pour ce type d'activités.
Le président : Le CANAFE, qui est l'un des outils dont nous disposons pour la lutte contre le financement des activités terroristes, est l'une des organisations qui pourraient fournir des renseignements pour aider, comme le sénateur Jaffer l'a dit, les parties à accéder aux biens qui pourraient faire l'objet d'un jugement.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis certain que vous conviendrez avec moi que les agents de Sécurité publique Canada nous ont rendu un service inestimable en nous aidant à examiner ce processus complexe. Je tiens à vous remercier tous les trois d'être venus ici. Il est possible que nous vous rappelions à propos des renseignements que vous avez accepté de nous fournir.
Mesdames et messieurs les sénateurs, le comité examinera les possibilités pour lundi prochain; comme le Sénat semble parti pour siéger, nous nous réunirons à ce moment. Nous avons déjà reçu des demandes à comparaître devant le comité, aussi nous allons les examiner. Le comité vous reviendra très rapidement avec les plans putatifs pour lundi.
Le sénateur Jaffer : Puis-je demander si le comité a l'intention de se pencher sur les questions soulevées par les témoins d'Affaires étrangères?
Le président : Voilà une brillante idée. Je vais m'assurer que le comité examine cette question.
Merci beaucoup à vous tous. Si quelqu'un présente une motion d'ajournement, je vais l'adopter.
Le sénateur Joyal : Je présente une motion en ce sens.
Le président : La séance est levée.
(La séance est levée.)