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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 24 mars 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. C'est notre première séance depuis la reprise des travaux du Parlement. Bienvenue à tous. Le sénateur Kochhar est le plus récent membre à se joindre au comité, et je constate que le sénateur St. Germain est de retour pour un autre mandat.

Le sénateur St. Germain : J'étais ici il y a 17 ans et je suis content de revenir sous la direction experte du président, le sénateur Meighen, et de la vice-présidente, le sénateur Hervieux-Payette.

Le président : Merci. Je transmettrai vos bons mots et vos salutations au sénateur Hervieux-Payette.

Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins.

[Français]

Honorables sénateurs, cet après-midi, nous examinons la situation actuelle du régime financier canadien et international.

[Traduction]

Nos premiers témoins aujourd'hui viennent de la Banque de développement du Canada. Ils nous parleront du point de vue de la BDC et de sa réaction à la crise financière et économique mondiale.

Pour nous situer, dans le cadre de sa réponse à la crise financière et économique mondiale, le gouvernement fédéral s'est engagé à fournir — et j'imagine qu'il l'a fait — 350 millions de dollars en capital à la BDC et à accroître à 1,5 milliard de dollars la capacité de crédit de la société d'État. Les témoins nous parleront sans aucun doute de ces mesures durant leur témoignage.

Nous entendrons le témoignage de Mme Edmée Métivier, vice-présidente exécutive, Financement et consultation, ainsi que de MM. Peter Lawler, premier vice-président, Exploitation, région de l'Ontario, et Glenn Egan, vice- président, TIC, Capital de risque.

Comme les acronymes posent toujours problème, que signifie TIC?

Glenn Egan, vice-président, TIC, Capital de risque : TIC signifie « Technologies de l'information et des communications ».

Le président : Merci.

[Français]

Madame Métivier, vous avez peut-être une déclaration liminaire à nous présenter et je vous cède la parole. Je vous souhaite en même temps la bienvenue.

[Traduction]

Edmée Métivier, vice-présidente exécutive, Financement et consultation, Banque de développement du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci. Il nous fait plaisir de vous faire rapport au sujet de la dernière année. Je ferai ma déclaration, puis je répondrai avec plaisir à vos questions.

Je crois comprendre que vous aimeriez en apprendre davantage sur ce que la Banque de développement du Canada, la BDC, a réalisé au cours de la dernière année. Les 12 derniers mois ont été difficiles pour les entrepreneurs canadiens et la BDC a répondu à leur appel en portant son soutien à des niveaux records. Nous avons rempli notre mandat en comblant l'écart important qui s'était creusé sur le marché du crédit durant la crise financière. Comme il était mentionné dans un récent rapport du Conference Board du Canada, nous avons joué le rôle d'amortisseur pour l'économie canadienne durant ces moments difficiles.

Je vous parlerai des progrès réalisés durant l'année, des défis que nous avons dû relever, et que nous continuons de relever, ainsi que du rôle que la banque exercera durant les 12 prochains mois et par la suite.

[Français]

Mais avant, une brève description de BDC. Nous offrons notre soutien aux entrepreneurs par l'entremise de 1 800 employés à travers un réseau pancanadien d'une centaine de succursales. Nous sommes un prêteur complémentaire aux banques du secteur privé. Nous offrons différents types de soutien, du financement, du capital de risque et des services de consultation. Nous soutenons 28 000 entrepreneurs canadiens.

En premier, permettez-moi de vous parler de nos activités de prêts, ce qui représente en fait la majeure partie de nos activités.

En général, nous avons une plus grande tolérance au risque comparativement aux banques du secteur privé, ce qui nous permet de compléter les services qu'elles offrent. Notre portefeuille de prêts se chiffre présentement à 12 milliards de dollars.

Nos clients, soit 28 000 entreprises canadiennes, ont généré des ventes d'à peu près 160 milliards de dollars, dont tout près de 22 milliards de dollars à l'exportation.

Bien que notre réseau de centres d'affaires soit modeste par rapport aux six grandes banques canadiennes, qui comptent plus de 6 000 succursales à travers le Canada, nos 600 directeurs et directrices de compte sont en contact avec des milliers d'entrepreneurs chaque mois. Ces relations constantes nous permettent de prendre le pouls du marché et de comprendre la réalité quotidienne des entrepreneurs canadiens.

Nous gardons également le contact avec nos entrepreneurs en effectuant des sondages périodiques.

Notre plus récent sondage auprès des entrepreneurs et des professionnels révèle que seulement le tiers d'entre eux, soit 34 p. 100, sont d'avis que la récession est terminée. Bien que les indicateurs économiques semblent en fait indiquer que la récession soit terminée, plus de la moitié des répondants, soit 53 p. 100, pense le contraire. Ces données nous portent à croire, que même si la reprise s'est installée, de nombreuses entreprises continuent de ressentir les effets de la récession. Il est toutefois encourageant de constater que la vaste majorité d'entre elles, 86 p. 100, vise à augmenter leur revenu et les bénéfices en 2010, tandis que 83 p. 100 veulent prendre de l'expansion.

Plus de la moitié, 59 p. 100, compte accroître leurs activités de marketing cette année, tandis que 57 p. 100 ont l'intention de développer de nouveaux produits ou de nouveaux services. Ce sont là des statistiques encourageantes.

[Traduction]

Bien que les conditions du crédit aient été difficiles pour de nombreux entrepreneurs durant la dernière année, surtout dans le secteur de la fabrication, les services de financement et de titrisation de la BDC ont en fait augmenté et dégagé des résultats records. Nous avons prêté aux entreprises canadiennes, au cours de la dernière année, plus d'argent que jamais durant nos 65 années d'existence.

Au cours des neuf premiers mois de l'exercice 2010, nous avons affiché un montant record de 3,4 milliards de dollars au titre des prêts acceptés, soit une hausse de 51 p. 100 par rapport à la même période de l'an dernier. Les opérations réalisées dans le cadre du Programme de crédit aux entreprises, le PCE, ont largement contribué à ces résultats.

Le « P » de PCE est davantage compris comme un partenariat, un partenariat ayant pour but d'appuyer les entreprises solvables dont l'accès à du financement a peut-être été compromis pendant la récession.

Le PCE est un programme collectif auquel participent les institutions financières canadiennes, Exportation et développement Canada et la BDC. Ce programme, créé en janvier 2009, avait pour but de s'assurer qu'un montant d'au moins 5 milliards de dollars, sous forme de financement supplémentaire, soit mis à la disposition des entreprises canadiennes. Ce montant a maintenant été dépassé.

Dans le cadre de notre participation au PCE, notre objectif est multiple. Nous avons pris part à des activités de syndication, pour remplacer des prêteurs qui se retiraient; nous avons partagé, avec des institutions financières, un nombre grandissant d'opérations commerciales à parts égales; nous avons acheté des participations dans des prêts hypothécaires commerciaux; et nous avons mis en place le programme Garantie marge de crédit d'exploitation.

Durant les neuf premiers mois de l'exercice 2010, notre portefeuille de financement a atteint 12,2 milliards de dollars, soit une hausse de 16 p. 100 depuis la fin de notre dernier exercice financier le 31 mars 2009.

De même, au cours des 12 derniers mois, nous avons injecté des liquidités dans le marché du financement de matériel, de véhicules et de crédit-bail grâce à la Facilité canadienne de crédit garanti, la FCCG. Cette facilité d'une valeur de 12 milliards de dollars a été créée en janvier 2009 aux termes du budget fédéral dans le cadre du Plan d'action économique du Canada. La FCCG a stimulé l'activité économique au pays en soutenant les ventes de véhicules et de matériel par l'achat de titres à terme adossés à des créances mobilières. Le programme a aussi favorisé la participation accrue des investisseurs et la confiance plus marquée envers le marché canadien des titres adossés à des créances mobilières et, dans une plus large mesure, envers le financement de véhicules et de matériel.

En septembre, nous avons annoncé que les fonds restants dans la Facilité canadienne de crédit garanti seraient attribués selon le principe du premier arrivé, premier servi, jusqu'à la fin du programme, le 31 mars 2010. Depuis septembre, nous avons acheté des titres d'une valeur totale de 1,65 milliard de dollars.

Dans un autre secteur d'activité, les clients ont accepté près de 50 financements subordonnés d'une valeur totale de 36,2 millions de dollars durant les neuf premiers mois de l'exercice 2010, soit une hausse de 22 p. 100 par rapport à l'exercice précédent. Nos activités de financement subordonné sont définies comme des prêts à risque plus élevé ou des quasi-capitaux propres.

Nos services de consultation ont légèrement diminué par rapport à la même période de l'exercice précédent, ce qui traduit les contrôles rigoureux des dépenses exercés par les entrepreneurs durant le ralentissement économique. Néanmoins, nous avons obtenu 1 773 mandats de consultation durant les neuf premiers mois de l'exercice, soit un résultat supérieur aux prévisions au début du présent exercice.

Nos services de consultation traduisent notre désir de créer des relations constructives à long terme avec les entrepreneurs. Nous prenons le « D » dans BDC, qui est synonyme de « développement », très au sérieux. Nous nous préoccupons de la réussite à long terme des entrepreneurs canadiens, ce qui explique pourquoi nous leur offrons des services de consultation de qualité à des tarifs abordables.

Bien que l'économie semble se rétablir, le climat des affaires n'est pas uniforme et reste fragile. Les défis que la BDC a relevés durant la dernière année traduisent des préoccupations plus importantes au sein de l'économie canadienne, surtout lorsqu'il est question de financement à risque.

Dans le secteur canadien de la haute technologie, c'est-à-dire celui qui permet aux entrepreneurs de mettre en marché les innovations d'entreprises prospères résultant des investissements dans la recherche et développement au Canada, les choses continuent d'être très difficiles. En tant que nation, nous avons fait des investissements publics considérables dans la recherche et développement, mais il nous reste à voir si ces investissements déboucheront sur la création d'entreprises technologiques gagnantes à l'échelle mondiale, comme Research in Motion. Nous devons mieux commercialiser nos activités de recherche et développement et privilégier une plus forte orientation vers celles-ci.

Le rôle du gouvernement en vue de catalyser ces changements est tout aussi important que son soutien aux programmes de recherche et développement initiaux. Je suis convaincue que le redressement de ce secteur exigera de l'argent, de la patience et du doigté ainsi que les efforts combinés des législateurs, des décideurs politiques et des divers intervenants. La BDC est à l'affût de toutes les occasions d'aider et de faire de son mieux.

Le total des placements autorisés durant les neuf premiers mois de l'exercice 2010 s'est élevé à 55 millions de dollars, ce qui est supérieur de près de 7 millions de dollars à l'an dernier, soit le mieux que nous pouvions faire dans les circonstances. En période de récession, les occasions prometteuses sont moins nombreuses sur le marché, compte tenu du manque de capitaux des entreprises individuelles et des sociétés à capital de risque.

En janvier, la BDC a reçu 75 millions de dollars en capital dans le cadre du Budget fédéral de 2008. Ces fonds seront investis dans le fonds Tandem, un nouveau fonds de capital de risque pour les entreprises en fin de croissance sous gestion privée de 300 millions de dollars dont la clôture a eu lieu durant le troisième trimestre du présent exercice.

Pour conclure, nous tenons à souligner que de nombreuses entreprises canadiennes ont été touchées par le resserrement du crédit en 2008 et 2009 et qu'elles continuent de l'être. Nous avons établi des partenariats avec des institutions financières en vue de continuer à combler les écarts sur les marchés du crédit, en intensifiant nos activités, en lançant de nouvelles initiatives au besoin et en continuant de rechercher des moyens d'appuyer les entrepreneurs de notre pays.

Dans le nouveau budget fédéral, le gouvernement a reconnu qu'il fallait poursuivre le partenariat dans le cadre du PCE. Nous sommes très bien positionnés pour continuer à financer les entreprises solvables et nous travaillons très fort pour leur offrir du soutien à la fois direct et indirect. Nous avons la ferme conviction que nous sommes et que nous resterons un instrument judicieux et utile ainsi qu'une source de renseignements sur le marché dans le domaine de l'entrepreneuriat au Canada.

J'espère que ma présentation sur les activités de la BDC vous sera utile. Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à vos questions. Merci de votre attention.

Le président : Merci, madame Métivier. J'ai le nom de quelques intervenants. Avec votre permission, j'aimerais profiter de mon poste et vous poser une question en premier. Vous avez dit que le Budget de 2008 avait octroyé des fonds au PCE. Est-ce que les programmes que vous avez mentionnés sont visés par des dispositions de temporisation quelconques?

Mme Métivier : Le PCE a été élaboré comme un programme, mais il s'agit en fait d'un partenariat. Des capitaux propres de 350 millions de dollars ont été prévus dans le Budget de 2008 pour le PCE. De ce montant, 250 millions étaient destinés aux activités de prêt courantes de la BDC et 100 millions étaient réservés au programme de garantie. Le programme de garantie comporte une disposition de temporisation, dans 24 mois il me semble. Tout le reste du montant, les 250 millions de dollars, a servi aux activités de prêt.

Le PCE ne comporte pas de disposition de temporisation puisqu'il est un partenariat, tant qu'il sera axé sur le marché. Par exemple, si une institution financière s'intéresse à une transaction ou à une entreprise et veut partager le risque, particulièrement en ce qui a trait au financement à terme, elle communique avec la BDC et nous examinons la transaction avec elle. Le PCE continuera d'être axé sur le marché parce qu'il fonctionne parfois sur demande et parce qu'il constitue un partenariat avec l'institution financière.

Au sujet des 250 millions de dollars qui nous ont été fournis en capital, nous utilisons habituellement un ratio d'environ 10 pour 1 pour être capables de fonctionner. Après 12 mois, à la fin de février, nous avions versé 2,6 milliards de dollars en prêts à différentes entreprises canadiennes dans le cadre du PCE. Une grande partie de ces prêts ont été faits en partenariat avec toutes les institutions financières du Canada.

Le sénateur Harb : Merci beaucoup de votre présentation et de votre travail.

Dans votre exposé, vous nous avez dit clairement et franchement que le secteur de la haute technologie avait des défis à relever. Vous avez nommé ces défis, comme le manque de capital de risque ou encore le nombre insuffisant d'entrepreneurs en mesure d'instaurer des mécanismes novateurs qui peuvent propulser ces entreprises. Vous avez dit que la BDC est à l'affût de toutes les occasions d'aider et de faire de son mieux.

Qu'avez-vous fait exactement pour tenter de faire bouger les choses? Vous avez reçu de l'argent du gouvernement fédéral. Votre mandat vous permet une certaine marge de manœuvre. Vous savez que la situation du capital de risque est pathétique au Canada. En fait, un grand nombre d'entrepreneurs et de personnes qui viennent au pays en repartent en se plaignant du manque de fonds de capital de risque.

Je ne comprends pas pourquoi. J'ai envie que quelqu'un comme vous, qui possède le leadership nécessaire, réunisse ces intervenants autour d'une table pour qu'on cesse de blâmer les autres et qu'on tente de formuler des recommandations pour qu'une personne ou une entité fasse bouger les choses. Quelle entité autre que la BDC peut assumer ce rôle?

Mme Métivier : C'est une bonne question. J'y répondrai de façon générale, puis je demanderai à mon collègue, M. Egan, de répondre de façon plus précise au sujet de ce marché.

La situation du capital de risque n'est pas nouvelle. C'est ainsi, comme vous le savez, probablement depuis le début des années 2000, depuis la bulle technologique. La situation s'est empirée avec les années et la récession n'a pas aidé.

Cela dit, la BDC a fait beaucoup ces dernières années pour assurer la présence de capital de risque au Canada. Nous avons investi directement dans un grand nombre d'entreprises au cours des dernières années. M. Egan pourra vous en parler davantage.

Nous investissons aussi dans d'autres fonds. Nous n'investissons pas toujours directement dans les entreprises. Nous le faisons parfois indirectement pour que d'autres gestionnaires de fonds soient en mesure d'investir avec nous. Ce n'est pas toujours facile d'être le seul joueur.

L'année passée, nous avons aussi créé Tandem, que j'ai mentionné tout à l'heure. C'est un fonds pour les entreprises en fin de croissance dans lequel nous travaillons avec divers partenaires, pour un montant total d'environ 300 millions de dollars.

La BDC peut faire beaucoup de choses, mais elle ne peut soutenir l'industrie à elle seule. Peut-être que M. Egan voudrait ajouter quelque chose à ce sujet.

M. Egan : Le financement des fonds de capital de risque provient de diverses sources. Le gouvernement en est une. Il est actuellement la source la plus importante et la plus active. Nous aimons jeter un coup d'œil au marché du capital de risque des États-Unis, qui est le marché le plus solide et le plus en santé au monde. Son financement provient surtout de caisses de retraite. Par exemple, une caisse de retraite de quelques milliards de dollars investira un petit pourcentage dans cette catégorie d'actifs.

Les États-Unis fonctionnent ainsi parce que leur industrie du capital de risque est beaucoup plus vieille que celle du Canada. Nous co-investissons actuellement avec des fonds de la Silicon Valley, de Boston, qui comptent huit, dix ou douze fonds établis depuis plus d'un quart de siècle. Cette catégorie d'actifs est familière aux caisses de retraite américaines, et elles réinvestissent sans cesse dans les grands fonds de catégorie 1.

Le Canada n'a simplement pas encore de tradition ou de gestionnaires de fonds de longue date pour intéresser les caisses de retraite à cette catégorie d'actifs.

Les particuliers sont une autre source de financement des fonds de capital de risque. À un moment donné, les fonds de travailleurs en Ontario versaient 40 p. 100 de tous les fonds de capital de risque mis à la disposition des entreprises ontariennes du secteur de la haute technologie. Comme vous le savez, l'avantage fiscal dont profitaient les particuliers qui investissaient dans des fonds d'investissement de travailleurs a été éliminé, alors dans les faits ce secteur s'est effondré. Nous verrons la disparition progressive de ces fonds au cours des prochaines années.

Mais ce qui est grave, c'est qu'en plus de manquer de capital pour investir dans de nouvelles entreprises, le soutien en capital offert aux entreprises lancées il y a cinq, six, sept ou huit ans a disparu, ce qui place les centaines d'entreprises que nous avons aidées dans une situation précaire. Le fardeau repose maintenant sur les fonds de capital de risque qui existent, mais qui se font de plus en plus rares.

Les investisseurs stratégiques sont la dernière source de capital de risque. Il faut alors de grandes organisations en santé qui versent de petites sommes ciblées pour avoir une idée des nouvelles entreprises en démarrage. Les États-Unis ont beaucoup de grandes organisations mondiales comme ça, et le Canada en a peu. Nous devons attirer les investisseurs stratégiques américains au Canada pour les inciter à investir. Malheureusement, en situation de récession, ces entreprises demandent habituellement de limiter les investissements stratégiques.

Le Canada a subi les conséquences négatives de tout cela. Les fonds de travailleurs n'arrivent plus à mobiliser de capitaux pour aider l'industrie. Les caisses de retraite ont jugé que, peut-être à juste titre, vu notre expérience, cette catégorie d'actifs ne valait pas le risque d'investir auprès des gestionnaires qui ont un portefeuille d'entreprises canadiennes en début de croissance, et les investisseurs stratégiques se sont retirés en raison de la crise économique. Nous nous retrouvons dans une situation qui pourrait difficilement être pire.

Que fait alors la BDC? Elle a une stratégie en deux volets, dans le cadre de laquelle nous sommes actuellement un associé commanditaire dans 20 fonds de capital de risque et un investisseur direct dans plus de 150 entreprises.

Laissez-moi vous parler de notre rôle en tant qu'investisseur indirect. J'aime comparer les nouveaux fonds de capital de risque à un centre commercial. Dans un centre commercial, vous avez besoin d'une locomotive, comme un magasin Sears ou Canadian Tire, à chaque extrémité du centre commercial. Vous pouvez ensuite ajouter les boutiques au centre. La BDC a été très efficace dans son rôle de « locomotive », d'associé commanditaire, en lançant plusieurs fonds. Tandem, le seul fonds de capital de risque au Canada pour les entreprises en fin de croissance, n'aurait pu voir le jour si la BDC n'avait pas utilisé l'investissement de notre actionnaire et n'était pas devenue la locomotive de ce fonds. Nous l'avons fait 20 fois à ce jour.

Ce n'est pas une tâche facile. Nous avons besoin de co-investisseurs dans un fonds tout comme nous avons besoin d'un investisseur direct. Les entreprises ont besoin de co-investisseurs. Malheureusement, le marché est actuellement très difficile. Moins d'une poignée d'associés commanditaires sont prêts à investir dans des fonds canadiens.

Je ne crois pas que la situation soit désespérée, mais nous devons être patients. La BDC est le chef de file dans la capitalisation de nouveaux fonds de capital de risque, en plus d'aider les nouveaux gestionnaires et ceux déjà en place. Ça ne se fait pas du jour au lendemain.

Le sénateur Harb : Serait-il possible, par exemple, d'organiser une rencontre d'intervenants — vous en avez parlé —, de réunir tous les joueurs pour étudier les options possibles?

Vous avez parlé des caisses de retraite. Le président et le gouvernement aimeraient se pencher sur ce sujet. Par exemple, des milliards de dollars sont investis dans des REER individuels. Les titulaires de REER ne peuvent les investir dans leurs propres entreprises que dans une certaine mesure. Devrait-il y avoir un mécanisme qui permettrait à ces personnes de prendre le montant qu'elles désirent dans leur REER pour ensuite le risquer dans leurs propres entreprises?

On peut aborder cette question de différentes façons. Nous convenons tous qu'il y a un problème. Il n'est pas nouveau, nous en entendons parler depuis des années, mais on dirait que nous ne savons pas comment nous en sortir.

Vous semblez comprendre exactement ce qui se passe. Je suis content que vous ayez parlé d'une locomotive, parce qu'il faut souvent que quelqu'un soit le premier. Bon nombre d'investisseurs veulent savoir qui sont les autres investisseurs, car personne ne veut être le premier. Il est bien de prendre le risque d'être le premier, mais il faut aussi faire quelque chose pour inciter les autres à participer.

M. Egan : L'année passée, nous avons beaucoup réfléchi à ce que nous pouvions faire. Nous avons décidé d'organiser des tables rondes à divers endroits au Canada. Nous avons invité des associés commanditaires, des gestionnaires, des chefs de la direction d'entreprises financées par du capital de risque et de nombreux intervenants à des séances privées, avec animateur, que nous avons tenues partout au pays. Notre chef de la direction ainsi que des membres de notre haute direction et de notre équipe responsable du capital de risque y ont assisté. Nous avons recueilli de l'information et des commentaires au cours de séances de remue-méninges sur les bons et les mauvais aspects. Nous avons résumé cette information et avons préparé — je crois que nous ne l'avons pas encore publié — un sommaire de ces recommandations ainsi que des répercussions de ce qui s'est passé au cours de la dernière année. Depuis que ces tables rondes ont eu lieu, la situation a changé et la situation du capital de risque a empiré. Nous avons une proposition, qui sera publiée bientôt, je crois.

Le sénateur Gerstein : De toute évidence, votre organisation, la BDC, ainsi qu'Exportation et développement Canada, EDC, et Financement agricole Canada, FAC, avez joué un rôle majeur dans le Plan d'action économique établi l'année dernière. Je vous félicite, vous et vos collègues.

Madame Métivier, à la page 2 de votre déclaration liminaire, vous avez dit que la BDC est un prêteur complémentaire, ce qui signifie que vos services de prêt visent à compléter ceux des banques du secteur privé. À la page 4, vous avez mentionné avoir affiché au cours des neuf premiers mois du présent exercice un montant record de 3,4 milliards de dollars au titre des prêts acceptés, soit une hausse de 51 p. 100 par rapport à la même période de l'an dernier.

Mme Métivier : C'est exact.

Le sénateur Gerstein : Quelle est la différence entre vos critères d'octroi de crédit du présent exercice et ceux des exercices précédents? Entre vos critères et ceux des banques? Pour ce qui est des défaillances, quel changement prévoyez-vous par suite des transactions que vous avez effectuées au cours de l'année?

Mme Métivier : Ce sont toutes de bonnes questions.

Je peux peut-être expliquer ce qu'est la complémentarité, parce qu'elle figure dans la Loi sur la BDC. Nous devons d'abord voir la complémentarité du point de vue de l'entrepreneur. Si je suis un entrepreneur dans le marché, j'ai un projet. La BDC investit principalement dans des projets. Si vous voulez du financement de la BDC, c'est habituellement parce que vous avez un projet d'expansion, un nouveau produit sur le marché, ou parce que vous envisagez un nouveau marché ou simplement du nouveau pour votre entreprise.

Le sénateur Gerstein : Êtes-vous en train de dire que ces prêts sont différents du capital ou des marges de crédit d'exploitation?

Mme Métivier : Oui, exactement.

Le sénateur Gerstein : Mais vous offrez des marges de crédit d'exploitation.

Mme Métivier : Non. Ce qui nous distingue des institutions financières est que nous offrons toutes sortes de prêts pour des termes d'au moins trois ans, en moyenne. Nous offrons aussi des prêts à long terme.

Permettez-moi de revenir en arrière. Tous les clients et toutes les entreprises de la BDC ont une autre institution financière. C'est aussi de cette façon-là que la BDC est complémentaire. Nos 28 000 entreprises clientes sont aussi les clientes d'autres institutions financières parce qu'elles ont besoin de services de dépôt et de fonds d'exploitation. Elles viennent habituellement voir la BDC parce qu'elles ont un projet ou parce qu'elles ont besoin d'un fonds de roulement pour des projets à long terme. C'est habituellement pourquoi elles viennent nous voir. Tous nos clients sont un client que nous partageons avec une autre institution financière.

Si je suis un entrepreneur, je cherche du financement à terme sur le marché. Ce qui distingue la BDC est son goût accru pour le risque, pour les prêts à terme et pour la flexibilité de remboursement. Nous sommes habituellement flexibles en ce qui concerne les paiements. Si votre entreprise est cyclique et ne génère des produits que huit mois sur douze, nous ajusterons votre calendrier de paiements en conséquence.

Vous m'avez demandé si nous avions modifié nos exigences en matière de crédit l'année passée. Nous ne l'avons pas fait. Pourquoi? Simplement parce qu'il faut comprendre que c'est la disparition d'un grand nombre de prêteurs étrangers qui est venue empirer la crise de crédit ou de liquidité qui a sévi dans le marché en 2008. Ils ont quitté le marché canadien en laissant un vide derrière eux. Le PCE a donc été créé pour tenter de combler ce vide.

Les institutions financières ont continué d'octroyer des prêts, mais en étant peut-être un peu plus prudentes en raison de la récession qui était en cours. Le rôle de la BDC était alors de voir à ce que les entreprises canadiennes continuent d'avoir accès à du crédit. Nous n'avons donc pas changé nos critères d'octroi de crédit.

Je ne peux pas parler au nom des institutions financières parce que je ne connais pas leurs exigences en matière de crédit. Toutefois, dans de nombreux cas, une institution financière qui ne pouvait pas ou ne voulait pas aider une entreprise a appelé la BDC pour lui demander d'examiner les exigences en matière de crédit de cette entreprise.

Les activités de la BDC diminuent en temps de récession, habituellement. Quand il n'y a pas de mesures de resserrement du crédit ou de crise de liquidité, les activités de la BDC diminuent parce que nous offrons des prêts pour des projets et que les entrepreneurs n'investissent habituellement pas dans des projets en temps de récession. Les entrepreneurs conserveront leur fonds de roulement pour l'exploitation de l'entreprise plutôt que d'envisager de nouvelles installations ou un nouveau marché. Ils sont plus prudents au moment d'investir.

La particularité de cette récession-ci est qu'il y a eu un vide dans le marché causé par la disparition d'un grand nombre d'institutions financières étrangères. Les activités de la BDC ont augmenté en grande partie parce que nous travaillions beaucoup en partenariat avec les institutions financières.

En ce qui concerne votre dernière question au sujet des délinquances, j'aimerais expliquer les types de risques que nous prenons. Un portefeuille de prêts dépréciés signifie qu'une entreprise ne peut même pas payer ses intérêts. Elle se trouve dans une situation si difficile qu'elle ne peut payer ni son capital ni ses intérêts.

Le portefeuille de prêts dépréciés de la BDC est passé de 2,9 p. 100 à environ 4,5 p. 100 en un an. On pouvait constater le stress que subissaient les entreprises canadiennes simplement en observant l'augmentation de nos portefeuilles dépréciés. Cette année, nous allons probablement nous retrouver avec une provision pour créances douteuses qui sera deux fois plus élevée, voire un peu plus, que celle de l'année passée. Nous avons pu absorber une partie du choc qui a secoué le marché.

Le sénateur Gerstein : Je vous remercie de vos explications. En ce qui concerne les prêts à terme que vous octroyez, est-ce que la marge de crédit d'exploitation qu'une entreprise pourrait recevoir est la plupart du temps conditionnelle à votre octroi d'un prêt à terme, ou s'agit-il de deux choses distinctes?

Mme Métivier : Ce sont deux choses distinctes. Si le fonds de roulement d'une entreprise est insuffisant, nous nous assurerons qu'elle a une facilité d'exploitation. Il s'agit de deux transactions différentes. L'une se fait auprès de l'institution financière, l'autre auprès de la BDC, selon la situation. Oui, nous voulons parfois dans certains cas nous assurer que l'entreprise a une facilité d'exploitation pour son fonds de roulement.

Le président : Madame Métivier, si vous jugez qu'une entreprise et son projet ont de l'avenir et que vous voulez y contribuer, irez-vous jusqu'à recommander vous-même l'entreprise à une des six grandes banques?

Mme Métivier : Oui. Nous recommandons des clients à des institutions financières et elles font de même avec nous.

Le sénateur Greene : J'aimerais reprendre où nous avons laissé avec les questions du sénateur Gerstein. Madame Métivier, vous avez dit que vos critères d'octroi de crédit sont restés les mêmes, qu'ils n'ont pas été modifiés, et que vos créances irrécouvrables ont doublé.

Mme Métivier : Les créances irrécouvrables ont augmenté.

Le sénateur Greene : Vous avez environ 28 000 clients. Pendant la récession, le pourcentage de demandeurs acceptés par la BDC par rapport à ceux qui ont été refusés a-t-il changé?

Mme Métivier : C'est une bonne question. Je dirais que, dans certains cas, nous avons constaté une légère augmentation parce que nous n'avons pas jugé solvables certains demandeurs qui nous avaient été recommandés.

Le sénateur Greene : Vous parlez d'une augmentation du nombre de demandeurs refusés?

Mme Métivier : Oui. Il est arrivé quelques fois qu'une institution financière nous demande de participer à une transaction que nous ne jugions pas solvable. Mais la plupart du temps, la situation est restée relativement stable.

Le sénateur Greene : Au sujet de la récession, pouvez-vous nous donner deux ou trois exemples de contributions importantes qu'a faites la BDC pour améliorer la solvabilité du Canada et pour atténuer les problèmes de crédit des entreprises? Je ne veux pas nécessairement que vous me donniez des noms d'entreprises, mais quelques exemples qui prouvent l'importance de votre travail.

Mme Métivier : Je vous répondrai de façon générale, puis M. Lawler vous donnera quelques exemples.

Vous voulez connaître les réalisations de l'année dernière dont nous sommes le plus fiers. À la BDC, nous sommes extrêmement fiers de plusieurs choses. Premièrement, en tant qu'organisation, nous avons réussi à accroître rapidement le niveau d'activités de la banque de 3 milliards de dollars en 2009 à plus de 4 milliards de dollars d'activités de financement cette année. Deuxièmement, la FCCG est une autre de nos grandes fiertés parce que nous n'avions alors ni l'expérience ni l'expertise pour mettre en place un programme comme celui-là. Nous avons réussi à le mettre en place et à distribuer les fonds comme il le fallait.

Troisièmement, il y a nos activités soutenues en matière de capital de risque, puisque nous étions alors presque seuls. Nous avons réussi grâce aux employés de la BDC. Je veux insister là-dessus. Quatrièmement, nous avons été en mesure d'aider des secteurs pour qui les temps étaient très difficiles, comme le secteur de l'automobile. Nous n'avons abandonné aucun secteur pendant la récession.

Peter Lawler, premier vice-président, Exploitation, région de l'Ontario, Banque de développement du Canada : Je vais donner deux exemples des retombées des activités de la BDC dans des industries précises. Commençons par l'industrie de l'automobile, dont je m'occupe en tant que premier vice-président pour la région de l'Ontario. C'est une industrie importante pour l'économie ontarienne. Un fabricant de pièces automobiles, au moment où l'industrie des pièces automobiles connaissait ses pires difficultés, a vu son bailleur de fonds, dont le siège est aux États-Unis, se retirer subitement du marché. C'était une très bonne entreprise qui employait 1 000 personnes dans le sud de l'Ontario. Tout à coup, un de ses projets ne pouvait plus se faire. La BDC a aidé l'entreprise à réaliser son projet en lui fournissant du financement à terme, et l'a aidée à trouver un prêteur canadien qui acceptait de prendre en charge ses installations d'exploitation. J'ai récemment eu le plaisir de leur rendre visite et l'entreprise se porte aujourd'hui exceptionnellement bien.

Mon prochain exemple porte sur une entreprise de la région de Toronto spécialisée dans la technologie, qui prenait de l'expansion et embauchait du personnel. Du jour au lendemain, son prêteur n'a plus été en mesure de financer son projet. L'entreprise était en train de construire un nouveau siège social pour ses 350 employés. La BDC a pu assurer le financement que les prêteurs habituels ne pouvaient pas offrir en raison des exigences propres à l'entreprise.

Plusieurs situations semblables se sont produites au cours de la dernière année. Dans le marché de l'Ontario, les activités de la BDC sont en hausse de 49 p. 100 pour ce qui est des sommes prêtées jusqu'à la fin février 2010. Ce sont là deux brefs exemples des retombées des activités de la BDC dans l'industrie.

Le sénateur St. Germain : Connaissez-vous la répartition par secteur? Monsieur Lawler, vous avez parlé de l'industrie de l'automobile. Est-ce qu'il y a des secteurs particuliers? Connaissez-vous la répartition des défaillances par secteur, ou savez-vous dans quel secteur les défaillances sont plus courantes? Je viens de la Colombie-Britannique et je me demande si vous avez de l'information sur le secteur forestier.

Mme Métivier : C'est une bonne question, mais je ne suis pas en mesure de vous fournir de détails sur une industrie donnée. La BDC est active dans tous les secteurs, y compris le secteur forestier. Au cours de la dernière année, nous avons effectué de nouvelles transactions dans le secteur forestier, mais je ne sais pas si la proportion de prêts dépréciés dans ce secteur est plus élevée que la moyenne de la BDC.

Notre portefeuille est fortement axé sur le secteur manufacturier du pays. Comme vous le savez, ce secteur traverse une période de transition depuis deux ou trois ans en raison de la concurrence extérieure.

En période de récession, nous privilégions aussi beaucoup le tourisme, ce qui concerne votre région. Nous avons un important portefeuille touristique en Colombie-Britannique parce que c'est une valeur à long terme.

Nous travaillons avec diverses entreprises du monde des transports, partout au pays. Le secteur des transports est intéressant parce qu'il sert d'un indicateur avancé, c'est-à-dire qu'il ressent les effets de la récession avant tout le monde et qu'il fournit normalement des indices relatifs à la reprise économique.

Nous suivons les transports de près, comme nous commençons à déceler des signes d'activité dans le secteur de l'expédition, ce dont on se réjouit. Ça révèle que nos fabricants produisent et que leur production est expédiée vers les régions où elle doit être vendue. C'est un bon signe.

Nous nous sommes actifs dans beaucoup d'autres secteurs en ce moment. Je ne peux pas répondre à votre question sur la répartition par secteur pour l'instant, mais nous pouvons vous revenir là-dessus si vous le désirez.

Le sénateur St. Germain : Investissez-vous dans des projets du secteur immobilier? Parce que quand la crise de 2008 a éclaté, ce secteur a été durement touché.

Mme Métivier : En effet.

Le sénateur St. Germain : Les banques se retiraient; les six grandes banques ont pris leurs jambes à leur cou. Elles avaient conclu des accords informels — comme c'est coutume — avec de grands promoteurs, et elles les ont tout simplement abandonnés. Celles qui sont revenues ont exigé des frais administratifs et autres tellement insensés que le coût de financement des projets en question a sérieusement augmenté.

Avez-vous des projets dans le secteur immobilier?

Mme Métivier : L'immobilier est au cœur de nos activités. Nous gérons un important portefeuille immobilier composé principalement de prêts immobiliers commerciaux. Nous ne nous finançons pas de projets destinés aux particuliers. Par exemple, nous ne finançons pas la construction de condominiums ou d'habitations de ce genre. Nous finançons habituellement des projets immobiliers commerciaux. L'immeuble doit avoir une vocation commerciale.

Les prêts commerciaux ont connu une grande croissance l'an dernier, tout simplement parce que les prêteurs à terme ne souhaitaient pas offrir de financement à long terme. Je parle de prêts hypothécaires commerciaux remboursables sur 20, 25 ou 30 ans. Nous collaborons avec les institutions financières à ce sujet, c'est la majeure partie du soutien que nous offrons. Nous avons offert beaucoup de soutien dans ce domaine.

Le sénateur St. Germain : Est-ce que le montant que vous pouvez investir dans un projet immobilier est limité? Le Conference Board du Canada vous a accordé des notes parfaites. Prévoyez-vous continuer sur la même voie? Pour combien de temps? Prévoyez-vous revenir à votre ancienne situation? À quel moment pensez-vous le faire, le savez- vous?

Mme Métivier : J'espère pour ma part poursuivre notre collaboration avec les institutions financières. Nous avons été en mesure de collaborer avec elles dans le cadre de grandes transactions. Comme je le mentionnais plus tôt, nous avons participé à deux grandes syndications.

Avant la récession, il y avait beaucoup d'institutions bancaires au Canada. Des banques étrangères s'étaient installées ici, des banques américaines aussi. Les services de la BDC étaient moins en demande. Nous croyons que la situation actuelle va se poursuivre pour encore quelques années, parce que je n'imagine pas un retour rapide des banques étrangères. En collaboration avec les institutions financières, nous allons continuer à réaliser des transactions semblables à celles des 24 derniers mois. Nous présumons qu'il en sera ainsi pendant encore un certain temps.

Le sénateur St. Germain : Devez-vous respecter une limite de prêt?

Mme Métivier : Notre conseil supervise certaines transactions. Je dirais qu'en temps normal nous sommes à l'aise avec la fourchette de 50 à 60 millions de dollars. C'est notre zone de confort. Avons-nous dépassé cette fourchette dans certains cas? Absolument.

Le sénateur Greene : J'ai une petite question concernant ce que vous disiez. Pourquoi les banques étrangères ne reviendraient-elles pas faire des affaires ici?

Mme Métivier : Elles reviendront, un jour.

Le sénateur Greene : Notre économie est pourtant dans un meilleur état que d'autres, et ces banques doivent bien faire des affaires quelque part.

Mme Métivier : Certaines banques étrangères ont effectué un retour, mais de façon plutôt timide, à mon point de vue. Il faut d'abord que le système financier américain se remette, puis il prendra éventuellement de l'expansion. J'en suis convaincue.

Le président : Ce qui m'amène à vous demander ceci : si les banques reviennent un jour, allez-vous vous retirer gracieusement de ce secteur dans lequel vous êtes actif, ou conserverez-vous votre place?

Mme Métivier : La BDC a toujours été et sera toujours un instrument de politique gouvernementale, et donc notre rôle est de colmater les brèches du marché. Nous réagissons au marché, c'est-à-dire que s'il continue à y avoir une demande, nous y répondrons. Si la demande diminue, nous envisagerons de nous retirer quelque peu et nous attendrons la prochaine tempête. C'est comme ça que nous fonctionnons.

[Français]

Le président : Si vous me permettez, j'aimerais bien accepter votre offre de fournir au comité les documents sur l'analyse sectorielle dont le sénateur St. Germain a parlé tantôt.

Mme Métivier : Nous en avons pris note, monsieur le président.

Le président : Je vous en remercie. Vous pouvez l'envoyer à notre greffière, cela sera grandement apprécié.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Je vous remercie tous d'être venus témoigner. Votre capital s'est accru de 350 millions de dollars. À combien s'élevait ce capital avant l'augmentation? De plus, votre capacité de crédit a augmenté de 1,5 milliard de dollars. Quelle était votre capacité auparavant?

Mme Métivier : Je vais parler du capital de la banque. J'ai n'ai pas les chiffres exacts avec moi, monsieur le sénateur, je m'en excuse. Je crois, tout de même, que nous avons en ce moment un capital d'environ 2 milliards de dollars, peut- être un peu plus. La moitié est constituée de capital-actions ordinaire, qui est investi par notre actionnaire, le gouvernement du Canada, tandis que l'autre moitié, ou presque, est probablement constituée des bénéfices non répartis de la banque parce que, comme vous le savez, nous sommes rentables.

Je dois revenir sur ce que j'ai dit. Notre capital se situe plutôt à près de 3 milliards de dollars en ce moment, parce que nous avons reçu des sommes additionnelles pour la FCCG. Environ 900 millions de dollars ont été mis de côté pour ce programme. En gros, notre actionnaire a investi près de 2 milliards de dollars dans la BDC, et nous versons un dividende annuel sur ces actions ordinaires, lorsque nos bénéfices sont suffisants.

Pour en revenir à votre question, le montant de 350 millions de dollars nous a été versé en plus du capital que nous avions parce que, pour chaque dollar dont vous disposez, vous pouvez en prêter 10. Le financement, à la BDC et dans le monde de la finance, fonctionne ainsi.

Lorsque mon collègue ici présent détient un dollar en capital, il ne peut pas investir plus que ce dollar; les investissements en capital de risque sont donc pénalisés. Mais en ce qui concerne les prêts, chaque tranche de 350 millions de dollars que je détiens me permet de prêter 3,5 milliards de dollars. On multiplie par 10.

Le sénateur Moore : Vous avez 350 millions de dollars de plus, mais vous ne savez combien vous aviez au départ. C'est ce que vous dites? Combien aviez-vous, 1 milliard de dollars?

Mme Métivier : Nous avions près de 2 milliards de dollars. Je n'ai pas les chiffres exacts. Nous avons obtenu 350 millions de dollars de plus.

Le sénateur Moore : En plus de ça, oui.

Mme Métivier : Ensuite, nous avons reçu 900 millions de dollars de plus pour la FCCG, pour un total de près de 3 milliards de dollars.

Le sénateur Moore : Et votre capacité de crédit a été augmentée de 1,5 milliard de dollars. À combien se chiffrait-elle auparavant?

Mme Métivier : C'était le total pour la BDC, le plafond inscrit dans notre loi. Nous ne pouvions pas dépasser 1,5 milliard de dollars, alors le gouvernement a rehaussé ce plafond pour pouvoir réinvestir dans la BDC. Il a augmenté le plafond à 3 milliards de dollars. C'est le plafond actuel.

Le sénateur Moore : Donc, votre plafond était de 1,5 milliard de dollars et il a été augmenté à 3 milliards de dollars?

Mme Métivier : Exact.

Le sénateur Moore : Dans le haut de la page 4 de votre déclaration liminaire, vous mentionnez les services de financement et de titrisation de la BDC. De quoi s'agit-il? Pouvez-vous l'expliquer au comité et au public? Que signifie « services de titrisation »?

Mme Métivier : Cette expression fait référence à la FCCG, une facilité de crédit dont la mise en oeuvre a été confiée à la BDC. Dans le Plan d'action économique du Canada, on nous a demandé de relancer le marché des titres adossés à des créances mobilières, parce qu'il ne fonctionnait pas adéquatement. On a demandé à la BDC de mettre en place un programme d'achat de titres adossés à des créances mobilières.

Le sénateur Moore : Oui, je m'en souviens.

Mme Métivier : Le terme générique est « titrisation ». Ça signifie, par exemple, que si M. Egan et moi décidons de chacun nous acheter une voiture — les véhicules et l'équipement étant les catégories possibles —, nous concluons un contrat de location auprès d'un concessionnaire ou d'un fabricant de voitures. Par la suite, les deux contrats sont regroupés et vendus sur le marché.

Supposons maintenant que M. Lawler a un peu d'argent de côté et qu'il décide d'investir. S'il aime le rendement de ce titre adossé à des créances mobilières, ce papier, il investira son argent et l'achètera. C'est comme ça que ça fonctionne. On appelle ça la « titrisation ».

Le sénateur Moore : Vous disposiez d'une facilité de 12 milliards de dollars à cet effet, n'est-ce pas?

Mme Métivier : Oui.

Le sénateur Moore : À la page 6, vous dites « depuis septembre ». Vous parlez sans doute de septembre 2009.

Mme Métivier : Oui.

Le sénateur Moore : « Nous avons acheté des titres d'une valeur totale de 1,65 milliard de dollars. »

Mme Métivier : C'est exact.

Le sénateur Moore : Vous disposez donc encore d'une grande capacité.

Mme Métivier : Le programme prend fin le 31 mars.

Le sénateur Moore : C'est ce que je constate, oui.

Mme Métivier : La première fois que nous nous sommes tournés vers le marché pour y acheter un titre, nous avons payé un montant donné. Toutes les entreprises qui ont choisi de nous vendre leurs titres étaient en mesure d'obtenir le financement directement sur le marché. La BDC a vraiment joué son rôle. Elle a fixé le prix sur le marché et certains joueurs, que ce soit GMAC ou Ford à l'époque, ont réussi à obtenir l'argent dont ils avaient besoin ailleurs.

Par conséquent, en septembre, nous avons pris la décision de ratisser plus large, et c'est ce que nous avons fait. Notre portefeuille de titres adossés à des créances mobilières aura une valeur d'un peu plus de 4 milliards de dollars, une fois que les transactions en cours seront conclues.

Le sénateur Moore : Avez-vous vraiment obtenu un montant de 12 milliards de dollars à ces fins, ou aviez-vous obtenu une extension de crédit que vous pouviez utiliser au besoin?

Mme Métivier : Nous avons reçu 900 millions de dollars en capital. Avec ce montant, nous empruntons la différence sur le marché. Nous utilisons notre capital et nos emprunts pour faire les achats dont nous avons besoin. Nous prêtons selon la même logique. Pour chaque dollar, je peux en prêter 10. Nous empruntons la différence sur le marché.

Le sénateur Moore : Auprès de qui empruntez-vous cet argent?

Mme Métivier : Nous l'empruntons d'investisseurs qui cherchent une cote triple A. La BDC jouit d'une cote triple A auprès du gouvernement canadien.

Le sénateur Moore : Lorsque la Facilité canadienne de crédit garanti a été annoncée, on a précisé que la BDC utiliserait les points de référence pertinents du marché et les relations historiques en matière d'écarts de taux d'intérêt afin de s'assurer du rendement adéquat, en tenant compte des risques, des titres adossés à des créances mobilières achetés.

Mme Métivier : Oui.

Le sénateur Moore : Quel est le rendement prévu?

Mme Métivier : Nous prévoyons un rendement d'environ 150 points de base pour le coût de financement de la BDC, ce qui correspond au taux du marché. C'est axé sur le marché.

Le sénateur Moore : J'ai trouvé le fonds Tandem intéressant. Au bas de la page 8, vous dites que, en janvier, la BDC a reçu 75 millions de dollars en fonds de capital de risque dans le cadre du Budget fédéral de 2008. Vous faites référence à janvier 2010 ou 2009?

Mme Métivier : Nous avons reçu l'argent un an après l'annonce. Nous avons mis un an à susciter l'intérêt d'autres joueurs pour le fonds. En fait, le fonds est dorénavant clos.

Le sénateur Moore : Avez-vous obtenu l'argent en janvier 2010?

Mme Métivier : C'était en 2009. L'année dernière.

Le sénateur Moore : Ces fonds seront investis dans le fonds Tandem, un nouveau fonds de capital de risque pour les entreprises en fin de croissance sous gestion privée de 300 millions de dollars dont la clôture a eu lieu durant le troisième trimestre du présent exercice.

J'aimerais savoir ce que vous entendez par « en fin de croissance ». Vous parlez de « clôture », est-ce que des particuliers pouvaient investir dans ce fonds? Qui d'autre pouvait y investir, de telle sorte qu'il y avait une date butoir et que le fonds a été clos à 300 millions de dollars?

M. Egan : Je vais d'abord répondre à la première partie de la question, sur la signification de « en fin de croissance ». La vaste majorité des investissements faits par la BDC en capital de risque sont réalisés dans des projets en début de croissance, c'est-à-dire avant l'obtention de revenus. Il peut être autant question d'un chercheur dans un laboratoire universitaire que d'un technologue dans une grande entreprise qui décide de se lancer lui-même en affaires. De nos jours, les investisseurs « en début de croissance » sont peu nombreux, mais c'est la spécialité de la BDC.

Par le passé, même dans les moments forts du financement par capital de risque, nous avons constaté que, au fur et à mesure que les entreprises évoluent, il faut habituellement traverser plusieurs tours de financement. Il peut y avoir un tour de lancement, plusieurs tours en début de croissance et parfois un tour d'expansion.

Il faut avoir un investisseur de fin de croissance. Généralement, ce sera le dernier tour de financement par capital de risque avant que l'entreprise n'ait des flux de trésorerie positifs et, avec un peu de chance, se retrouve sur un marché boursier.

Le sénateur Moore : S'agit-il du volet commercial, ou faut-il inclure tout ce que vous avez mentionné dans la commercialisation?

M. Egan : Le Canada avait besoin d'un fonds de capital de risque qui, d'une part, serait axé sur les entreprises matures nécessitant un tour de financement en fin de croissance et qui, d'autre part, miserait sur des gestionnaires qui savent ce dont les entreprises ont besoin, à part de l'argent, pour devenir rentables et entrer en bourse avec succès. Au Canada, le financement en fin de croissance n'était pas suffisant, c'est pourquoi nous avons concentré nos efforts sur la création d'un fonds pour les entreprises en fin de croissance.

Par « clôture », on sous-entend que, selon le secteur dans lequel le fonds investit et le moment auquel il le fait, les associés commanditaires souhaitent qu'il y ait un minimum de capital dans ce fonds avant le lancement des activités, de manière à assurer sa survie.

Le sénateur Moore : Je comprends cela, mais qui sont ces autres investisseurs, les associés dont vous parlez?

M. Egan : Il y a d'autres associés commanditaires, parmi lesquels figure EDC, un associé important. Puis, il y a surtout des organisations gouvernementales et des fonds de fonds.

Le sénateur Moore : Les fonds de fonds. Nous en avons déjà entendu parler autour de cette table.

Le sénateur Ringuette : Permettez-moi de commencer en soulignant le rôle essentiel, selon moi, que votre organisation a joué dans le milieu des affaires. J'ai quelques questions importantes.

La Loi sur le financement des petites entreprises du Canada s'applique-t-elle aux prêts que vous consentez aux entreprises?

Mme Métivier : Non. Elle ne s'applique pas. La Loi sur le financement des petites entreprises du Canada est un programme administré par Industrie Canada.

Le sénateur Ringuette : Elle ne s'applique aucunement à votre portefeuille de prêts douteux, qui a doublé?

Mme Métivier : Non.

Le sénateur Ringuette : C'est particulier. Les six grandes banques ont accès au prêt garanti à 80 p. 100.

Mme Métivier : Pas nous.

Le sénateur Ringuette : Vous dites que vous n'y avez pas accès?

Mme Métivier : Non, nous n'y avons pas accès.

Le sénateur Ringuette : Lorsque vous avez parlé d'investisseurs intéressés par le rachat de créances, vous avez affirmé devoir emprunter de l'argent. Quel est votre taux d'intérêt?

Mme Métivier : Le coût de financement de la BDC est le même que celui du gouvernement du Canada, parce que nous empruntons par l'intermédiaire de l'organisme central qu'est le ministère des Finances. Essentiellement, nous empruntons par l'intermédiaire du Canada. Le coût de financement est identique.

Le sénateur Ringuette : À combien ce coût s'élève-t-il?

Mme Métivier : C'est une très bonne question. Je n'ai pas la réponse ici, aujourd'hui. Je ne peux pas répondre, mais je peux vous revenir sur cette question.

Le sénateur Ringuette : Pouvez-vous fournir une réponse approximative?

Mme Métivier : Approximativement, le coût se situe entre 50 et 100 points de base, auquel on doit ajouter les frais d'exploitation de la banque, parce qu'il y a bel et bien des frais rattachés à cette exploitation.

Habituellement, nous fixons un prix sur le risque, ce qui veut dire qu'il faut ajouter une prime. Si nous prêtons à quelqu'un d'autre, il devra aussi payer une prime en fonction de son propre risque.

La BDC fait des emprunts qui s'ajoutent à son capital afin de parvenir à mener ses activités. C'est un processus habituel pour nous.

Le sénateur Ringuette : Il y a quelques minutes, vous avez mentionné, au sujet de la Facilité canadienne de crédit garanti, que vous empruntiez auprès d'investisseurs. Qui sont ces investisseurs?

Mme Métivier : Je donnais un exemple de ce qu'est la titrisation. Dans un marché typique, les investisseurs investiraient dans des titres adossés à des créances mobilières. Dans notre cas, la BDC a agi en tant qu'investisseuse parce qu'il n'y avait pas d'intérêt au sein du marché.

Le sénateur Ringuette : L'argent investi provenait-il de la même source, à savoir le gouvernement fédéral?

Mme Métivier : Oui, au moyen d'emprunts.

Le sénateur Ringuette : Par l'intermédiaire du Conseil du Trésor?

Mme Métivier : Du ministère des Finances.

Le sénateur Ringuette : Le coût de ces prêts est d'environ 1,5 p. 100, soit 50 à 100 points de base auxquels s'ajoute le coût connexe à la banque, et ainsi de suite. Soyons généreux, disons que c'est 1,3 p. 100. De l'autre côté de l'équation, votre rendement prévu est de 1,5 p. 100. On parle d'un rendement de 0,2 ou de 0,3 p. 100, s'il n'y a pas de perte de capital de risque.

Mme Métivier : Non, les titres adossés à des créances mobilières sont évalués au coût majoré de 150.

Examinons un exemple de prêt pour mieux comprendre. Le prêt que nous consentons à une entreprise correspond au coût de financement pour la BDC, en plus de la prime de risque. Un entrepreneur paiera probablement de 5 à 6 p. 100, ce qui sera suffisant pour le coût de son emprunt, les frais d'exploitation de la banque et la prime de risque. Nous devons être rentables. Nous devons aussi assumer les frais d'exploitation de la banque et les pertes futures, advenant qu'il y en ait dans un portefeuille.

Dans le calcul de la prime que nous percevons auprès nos clients, il faut tenir compte du fait que nous prenons un plus grand risque. Nous ne sommes pas une solution à rabais sur le marché. Ce n'est pas le cas.

Le sénateur Ringuette : Je l'espère bien, puisque vous êtes financés par les contribuables du Canada.

Mme Métivier : Nos actions ordinaires rapportent un dividende chaque année. Nous sommes rentables.

Le sénateur Ringuette : À la page 6, vous affirmez que, en septembre, les fonds restants dans la Facilité canadienne de crédit garanti seront attribués selon le principe du premier arrivé, premier servi, jusqu'à la fin du programme, le 31 mars 2010. Depuis septembre, vous avez acheté des titres d'une valeur totale de 1,65 milliard de dollars. Quand exactement cet achat a-t-il été fait?

Mme Métivier : Je ne connais pas la date exacte, mais c'était à l'automne. Nous avons fait trois ou quatre transactions.

Le sénateur Ringuette : Non, quand avez-vous entamé le processus de rachat de titres selon le principe du premier arrivé, premier servi?

Mme Métivier : Nous avons commencé en septembre. Plusieurs transactions sont cumulées dans le montant de 1,65 milliard de dollars. Je n'ai pas les dates exactes, mais je pourrais vous les fournir si vous le souhaitez. Chaque transaction a fait l'objet d'un communiqué de presse. Je pourrais vous les fournir.

M. Egan : J'ai les dates. Il s'agit de janvier pour un montant de 1,3 milliard de dollars, et de décembre pour un montant de 0,3 milliard de dollars.

Le sénateur Ringuette : Le 28 octobre, quelques-uns de vos collègues, MM. Wayne Foster et Paul Buron ainsi que Mme Paula Cruikshank, ont témoigné devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je leur ai posé des questions sur le rachat de contrats de location de voitures correspondant au montant de 1,65 milliard de dollars auquel vous faites référence.

Je vais paraphraser des propos tenus à la réunion du 28 octobre 2009 du Comité sénatorial permanent des finances nationales, pendant laquelle on nous a mentionné que vous aviez tenté une première fois de susciter l'intérêt de divers constructeurs automobiles au Canada en ce qui a trait à leurs plans de location et d'achat de voitures.

Mme Métivier : Oui.

Le sénateur Ringuette : Il n'y avait pas de preneurs.

Mme Métivier : À cette époque.

Le sénateur Ringuette : Il n'y avait pas de preneurs, et le marché privé faisait son boulot. Le 28 octobre, des membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales se sont dits satisfaits de cette situation, puisque vous n'auriez pas à emprunter d'argent, garanti par les contribuables canadiens, pour aider le secteur de la location et de l'achat d'automobiles.

Mme Métivier : Oui.

Le sénateur Ringuette : Il n'y a pas eu de suite. Nous vous avons conseillé de ne pas tenter un deuxième tour de financement si le marché privé faisait son boulot et que vous n'aviez pas de preneurs, de ne pas dépenser l'argent des contribuables. À ce moment, notre avis était que le marché privé faisait son boulot. Pourtant, vous avez tout de même procédé à l'achat de contrats de location et d'achat de voitures d'une valeur totale de 1,65 milliard de dollars.

Mme Métivier : Oui.

Le sénateur Ringuette : De qui les avez-vous achetés? Quel était le risque de lancer un deuxième tour?

Mme Métivier : Les critères de risque étaient les mêmes qu'au premier tour. Nous ne les avons pas changés. Cette décision a été étudiée avec le ministre des Finances et approuvée par le ministère des Finances. Le marché des titres adossés à des créances mobilières n'avait pas retrouvé le rendement souhaité, et ne l'a toujours pas fait. Il ne fonctionne pas comme il le faisait il y a deux ans. Nous avons procédé à un deuxième tour, et un certain nombre de joueurs désiraient profiter de nos investissements. Le programme cesse à la fin du mois de mars. Il a rempli ses objectifs. Ce qui nous semblait d'abord être un écart d'environ 12 milliards de dollars dans le marché s'avère beaucoup moins important.

Le rôle de la BDC était de rassurer le marché quant à la valeur de ce type de transaction. N'oubliez pas que nous achetons des entreprises qui ont une cote de crédit. Nous n'achetons pas de risques inacceptables pour les contribuables ou la BDC.

Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Il nous reste un certain nombre de transactions à conclure. On nous a demandé de rétablir le marché, dans la mesure du possible. C'est le rôle que la BDC devait jouer.

Le sénateur Ringuette : Pouvez-vous fournir aux membres de ce comité, par l'entremise du président et de la greffière, la liste des organisations?

Mme Métivier : Oui, pour celles qui sont publiques. Chaque achat fait l'objet d'une déclaration publique. Nous pouvons fournir tout ce qui relève du domaine public.

Le sénateur Ringuette : Pouvez-vous nous fournir le montant?

Mme Métivier : Oui, nous le pouvons.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

Concernant le capital de risque, on vient de parler des compagnies qui ont utilisé le programme et à quelle hauteur. L'un des objectifs du programme était d'aider les compagnies manufacturières. On parlait de véhicules — les automobiles pour les particuliers, les camions pour les affaires, les grues, les camions-citernes, bref les véhicules à caractère commercial versus les voitures personnelles. J'aimerais connaître la proportion entre les cas où l'on aidait des entreprises à acquérir des véhicules pour leur entreprise versus les cas des particuliers, c'est-à-dire les individus.

Je pense qu'il serait intéressant, pour nous, de voir qui ont été les bénéficiaires, excluant évidemment les compagnies qui ont pu profiter de capital frais après avoir fait la fabrication, donc aider une industrie en difficulté, qu'on a mis d'autres sommes d'argent aussi pour les aider.

Concernant le capital de risque, j'aimerais savoir si la Caisse de dépôt a encore des accords avec la BDC, pour faire des ententes — pas des prêts —, faire des investissements pour leur compte. Ces ententes se sont-elles poursuivies? Existent-t-elles encore et si oui, pour quel montant?

Mme Métivier : Elles n'existent plus. Nous avons eu, comme vous le savez, une entente avec la Caisse de dépôt pour une période d'environ six ans. Elle s'est terminée cette année et n'a pas été renouvelée, tout simplement parce que, comme tout bon partenariat, il avait une durée de vie. Je pense que la Caisse de dépôt voulait prendre un virage différent et se concentrer un peu plus sur le Québec. Comme vous le savez, nous avons une vue pancanadienne et nos intérêts, nos investissements se font à travers le Canada. Cette entente est terminée maintenant.

Le sénateur Hervieux-Payette : Concernant le capital de risque, M. Glenn Egan disait de la dernière phase qu'elle était difficile. On parle de quelle taille d'investissement? Je crois comprendre que quand on parle de l'inventeur qui commence son projet, il s'agit de petites sommes versus ce qu'on devra investir pour la fabrication commerciale. Je me demandais de quelle proportion de montant on parlait, entre quoi et quoi pour cette phase.

[Traduction]

M. Egan : Ce n'est pas simple, parce que certains éléments dépendent du secteur. Il va sans dire qu'un investissement en début de croissance ou au lancement, dans une bonne partie du domaine des technologies comme les technologies propres, les technologies vertes, l'énergie ou les TIC, peut être aussi peu élevé que de 0,5 à 2 millions de dollars. C'est un de nos principaux types d'activités. Dans le domaine des sciences de la vie, par exemple, la découverte de médicaments, un investissement de lancement peut être petit ou beaucoup plus grand.

En fin de croissance, soit au dernier tour de financement par capital requis par une entreprise pour essuyer ses dernières pertes avant la rentabilité, les montants dépendent du bilan auquel les marchés publics s'attendent au moment où une société devient cotée en bourse. Au minimum, ces tours sont généralement de 10 à 20 millions de dollars, et peuvent atteindre jusqu'à 50 millions de dollars. Ce sont d'importants montants, qui varient selon les secteurs. Il n'y a pas de réponse toute faite à cette question.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Étant donné que les fonds et le capital de risque ont des standards, quel est le taux de succès de vos investissements? Même si nous savons que vous allez prendre un peu plus de risques que les fonds privés, vous avez quoi comme performance?

[Traduction]

M. Egan : Avez-vous une autre question plus facile? Il s'agit d'une excellente question, mais c'est difficile d'y répondre. Contrairement à un prêt, quand on fait un investissement de capital de risque en début de croissance, c'est habituellement pour une période de cinq à huit ans, peut-être dix. De nos jours, il faut parfois attendre plus de dix ans avant d'obtenir un rendement. La BDC était une investisseuse modeste, de petite envergure, qui a pris de l'ampleur dans les années 2000. Nous ne faisons que commencer à récolter le fruit de nos meilleurs investissements.

Pendant plusieurs années consécutives, nous avons accumulé d'importantes pertes en raison de l'insuccès de notre portefeuille de sociétés vulnérables. Cette situation a été aggravée par la détérioration de notre environnement de co- investissements lorsque nombre de nos co-investisseurs se sont retirés de transactions qui n'étaient plus avantageuses pour eux.

Cette année, nous nous sommes réellement sortis de la crise. Nous respecterons les prévisions que nous avions pour l'année. Le marché des fusions et des acquisitions et le marché public se sont ouverts. Nous entrevoyons des issues positives, mais de toute évidence les dernières années n'auront pas été très fructueuses.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : J'espère que vous comprenez que je m'attendais à ce que vous me fassiez une réponse semblable, je ne m'attendais pas à ce que vous disiez que neuf entreprises sur dix sont devenues profitables. Je pense que l'idée que vous ayez du capital de risque était justement d'aider des inventeurs canadiens à manufacturer de nouveaux produits, à intégrer le marché plutôt que de payer des crédits d'impôt pour la recherche et développement et se retrouver avec une entreprise acquise par des intérêts étrangers alors qu'on a tout payé. Le but, c'est de les garder ici.

Votre entreprise prévoit-elle des améliorations pour les années qui viennent, dans le sens de mettre l'emphase sur certains secteurs, par exemple, comme les technologies vertes ou même dans le domaine médical, les secteurs où la nouvelle technologie peut vraiment jouer un rôle déterminant?

[Traduction]

M. Egan : D'abord, je vais parler des activités de notre portefeuille, qui est plutôt étoffé. Nous finançons par capital de risque plusieurs sociétés qui tentent de s'inscrire en bourse afin de poursuivre leurs activités et de devenir de nouvelles entreprises d'attache, établies à long terme au Canada. La nature même du capital de risque fait en sorte que de nombreuses sociétés échouent, sans compter qu'un bon nombre d'entre elles sont achetées par des sociétés plus importantes, souvent étrangères. C'est ainsi que les choses fonctionnent. Ce n'est pas forcément négatif, parce que les entrepreneurs apprennent, grandissent et développent des compétences. Les grands entrepreneurs sont ceux qui souhaitent tenter leur chance de nouveau et qui finissent par fonder les entreprises d'attache que nous recherchons.

En ce qui a trait aux secteurs, nous revoyons notre approche. Nous sommes organisés par secteur. Nous avons un groupe des sciences de la vie et un groupe des TIC. Récemment, nous avons réorienté notre groupe des technologies de pointe sur l'énergie, l'environnement et les technologies propres. Il s'agit d'un secteur en pleine croissance, où l'on trouve désormais d'autres fonds de capital de risque prêts à co-investir avec nous. Chaque année, nous examinons nos centres d'intérêt et nous orientons nos investissements vers les secteurs et les sous-secteurs qui nous semblent les plus susceptibles d'attirer du capital de risque et de créer les entreprises les plus révolutionnaires.

Voulez-vous savoir autre chose?

Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai une dernière question difficile. Auparavant, il y avait un programme spécial pour les investisseuses. Pourquoi l'avez-vous abandonné?

Mme Métivier : Je vais répondre. Je m'en souviens parce que j'avais mis ce programme sur pied à l'époque. Le secteur était surtout consacré au financement subordonné et aux quasi-capitaux propres.

Nous ne l'avons pas abandonné. Nous soutenons toujours les femmes entrepreneures dans notre portefeuille, tant au moyen de financement traditionnel que de quasi-capitaux propres. Pour ce qui est du capital de risque, lorsque nous recevons une bonne proposition, c'est une bonne proposition, peu importe si elle provient d'une femme ou d'un homme. Ça n'a pas d'importance.

De plus en plus, ce que nous constatons chez les femmes entrepreneures, et on me le répète souvent, c'est qu'elles veulent être traitées de la même manière que les autres par la BDC. Nous ne faisons pas de distinctions fondées sur le sexe ou l'origine culturelle. Notre groupe de 28 000 entrepreneurs est des plus diversifiés. Nous avons des entreprises appartenant à des Autochtones, nous avons des entreprises appartenant à de nouveaux immigrants. Nous tentons essentiellement de refléter la société canadienne.

Nous n'avons pas abandonné le programme mais, après un certain temps, nous étions d'avis que les femmes obtenaient de bons services et qu'elles ne faisaient pas l'objet de discrimination. Désormais, c'est notre manière de faire des affaires.

Le sénateur Hervieux-Payette : Dans ce même ordre d'idées, combien y a-t-il de femmes parmi les analystes et les personnes qui traitent avec les entrepreneurs?

Mme Métivier : À la banque, nous reflétons la société. Je suis fière de dire que nous avons reçu deux ou trois prix au cours des trois dernières années. L'année dernière, je crois, nous avons remporté un prix national pour la diversité. Si vous visitez l'un de nos centres d'affaires, vous constaterez que nous représentons la société dans laquelle nous exerçons nos activités, tant en ce qui a trait à l'origine culturelle qu'au sexe. J'irais même jusqu'à dire qu'il en est de même au sein de notre équipe de direction.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne termine pas avec une question, mais plutôt avec une suggestion pour votre prochain rapport avec de belles photos en couleur que nous recevons ici au Parlement. Il n'y avait aucune entrepreneure dans les photos, il n'y avait que des hommes. C'est pourquoi je vous ai posé la question. Pour refléter la réalité, ce serait bien d'avoir un équilibre, puisqu'il s'agit d'un trait caractéristique de votre organisation.

Mme Métivier : J'en prends note, merci.

Le président : Nous allons procéder à une deuxième série de questions, mais ne vous sentez pas obligés, chers collègues, de tous y participer. Si vous le faites, vous devez vous limiter à une question.

Le sénateur St. Germain : C'est merveilleux que vous soyez ici, madame Métivier, en tant que femme à la tête de cette table ronde. C'est encourageant.

En Colombie-Britannique, nous avons beaucoup de collectivités axées sur une seule industrie. Un dossier lié à l'industrie forestière a retenu mon attention. Il y a eu un cas d'incapacité à rembourser un prêt, ce que j'appellerais une défaillance, et j'aimerais connaître quel processus s'applique dans de tels cas.

Y a-t-il une quelconque forme de clémence lorsqu'il est question d'une municipalité qui dépend d'une seule industrie, comme celle à laquelle je pense, mais dont je préfère taire le nom? Ces cas sont-ils assujettis au processus habituel, ou bénéficient-ils d'un traitement particulier?

J'aimerais que vous nous suggériez quelque chose sur le plan politique, parce que nous subissons une pression énorme. Ils disent « c'est vous le gouvernement, on paie nos impôts et on veut continuer à payer nos impôts ». Je peux comprendre qu'il y a des limites à ce que vous pouvez faire, parce que vous devez protéger les intérêts des contribuables, mais est-ce que des considérations exceptionnelles s'appliquent pour ce genre de circonstances?

Mme Métivier : Pour les entreprises qui traversent une période difficile, la BDC a un groupe de comptes spéciaux, c'est-à-dire un groupe d'experts chargés de trouver des façons d'aider les entreprises à se remettre sur pied.

Nous sommes des prêteurs patients. Nous pouvons repousser les paiements. Tant et aussi longtemps que nous faisons confiance à son propriétaire, à sa direction et à son modèle d'entreprise, une entreprise pourra compter sur notre appui.

Lorsqu'une entreprise traverse une période difficile, certains éléments doivent être présents. L'entreprise doit avoir un plan. Sans plan, sans l'engagement de la direction, nous ne pouvons pas vouloir plus que la direction.

Ensuite, il faut un modèle d'entreprise fonctionnel. Pendant la récession, nous avons constaté que certains modèles ne fonctionnaient pas, qu'ils ne permettaient pas aux entreprises de sortir d'une récession. Nous tenons compte de ça, aussi.

L'équipe que nous avons au Canada, en Colombie-Britannique et ailleurs, évaluera cette entreprise et son état au moment où elle a amorcé la période de transition ou la période difficile. Si elle était en bonne santé et qu'elle avait prouvé sa capacité à être rentable par le passé, nous l'aiderons à s'en sortir. Si elle n'était pas en bonne santé, nous nous demanderons pourquoi. Est-ce la faute de la direction ou de la façon dont l'entreprise fait des affaires? Ces entreprises sont difficiles à sauver.

La frontière entre une banque commerciale, ce qu'est fondamentalement la BDC, et les subventions est plutôt mince, mais nous ne faisons pas de subventions. Si une entreprise n'a pas le modèle ou les compétences en gestion nécessaires pour lui permettre de traverser une période difficile, la décision de la BDC peut parfois être sévère, parce que nous devons nous assurer de ne pas persévérer dans l'erreur. Ce sont des décisions difficiles à prendre.

Fondamentalement, conformément à la Loi sur la Banque de développement du Canada, nous devons être autosuffisants et rentables, ce qui signifie que nous devons être en mesure de produire un rendement qui nous permet d'assumer nos pertes, nos frais d'exploitation et nos transactions.

Sur le marché, nous avons la réputation d'être des prêteurs patients. Si la réalisation devient notre seule option pour une entreprise, c'est parce que nous avons épuisé les autres manières de lui venir en aide.

Je crois fermement à ce principe. Je suis avec la BDC depuis dix ans et, avant cela, je travaillais pour une autre institution financière. Ce sont deux modèles différents. Nous sommes beaucoup plus patients à la BDC.

M. Lawler : J'ajoute quelques éléments aux propos de Mme Métivier, au sujet de la patience. Cette année, jusqu'à la fin de février, nous avons repoussé les paiements de capital sur des prêts totalisant 1,6 milliard de dollars pour aider les entrepreneurs à traverser les moments difficiles.

De plus, la BDC se démarque par ses services de consultation offerts aux entreprises canadiennes qui ont besoin d'un coup de main pour connaître davantage de succès. C'est un des services offerts par la BDC. Nous sommes l'une des rares organisations à offrir des services de consultation à de petites et moyennes entreprises, partout au pays. C'est un aspect important de nos activités. Partout au Canada, nous avons des spécialistes capables d'aider les entreprises à raffiner leur modèle et de leur permettre d'aspirer à un succès durable à long terme.

Le sénateur Ringuette : Tout comme le sénateur St. Germain, je viens d'une région où la foresterie occupe une place très importante. Lorsque vous nous fournissez des renseignements sur les secteurs, pouvez-vous aussi nous donner, pour le secteur de la foresterie, les statistiques sur l'apport de vos prêts par rapport à celui de votre capital de risque? Était-ce pour le renouvellement de l'équipement ou pour de nouvelles technologies vertes?

Mme Métivier : Vous voulez dire le but du prêt?

Le sénateur Ringuette : Oui.

Mme Métivier : Je crois que oui, mais veuillez comprendre que, l'année dernière, de nombreuses transactions effectuées dans le secteur de la foresterie ne concernaient pas forcément des projets, parce qu'il n'y a pas eu beaucoup d'investissements. Il s'agissait peut-être de soulager leur besoin en fonds de roulement, ce que nous faisons parfois, mais nous pouvons jeter un coup d'œil au but principal.

La plupart des activités en foresterie sont financées par des prêts traditionnels. Le capital de risque sert surtout aux nouvelles technologies ou à la recherche et au développement de technologies de pointe.

Le sénateur Ringuette : Ça m'étonne, parce que vous avez dit précédemment que vous ne touchiez pas aux flux de trésorerie.

Mme Métivier : Nous offrons un soutien au fonds de roulement. Je vous donne un exemple. Si une entreprise affirme qu'elle doit augmenter son fonds de roulement en vue d'un nouveau contrat, nous pouvons lui offrir du financement à terme pour ce faire. Ça dépend toujours des projets. C'est là que ça se décide. Ce n'est pas une facilité conçue pour l'exploitation.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais que vous donniez le plus d'informations possibles sur le secteur de la foresterie.

Le sénateur Gerstein : Merci aux témoins pour leurs merveilleuses présentations aujourd'hui. J'aimerais vérifier plusieurs choses pour m'assurer d'avoir bien compris. Avez-vous dit qu'une partie du mandat de la BDC consiste à être autosuffisant?

Mme Métivier : Oui.

Le sénateur Gerstein : Avez-vous également dit que, depuis la date de votre lancement, vous avez accru les bénéfices non répartis de 1 milliard de dollars?

Mme Métivier : Depuis 1995. La Loi sur la Banque de développement du Canada date de 1995. Au préalable, comme vous le savez sans doute, c'était la même institution, mais elle était connue sous un autre nom, qui contenait le mot « fédérale ». Je ne m'en souviens plus, mais c'était un nom assez long.

Le sénateur Gerstein : Depuis 1995, vous avez augmenté vos bénéfices non répartis de 1 milliard de dollars.

Mme Métivier : Presque, oui.

Le sénateur Gerstein : Vous ai-je également entendu dire que vous avez toujours versé un dividende?

Mme Métivier : Nous l'avons fait, depuis 1997.

Le sénateur Gerstein : Bon an, mal an, vous avez toujours versé un dividende.

Mme Métivier : Nous avons toujours été rentables. Nous versons des dividendes, et nous en verserons probablement un cette année aussi.

Le sénateur Gerstein : Par conséquent, en tant que comité, nous pouvons avoir la satisfaction de savoir que les contribuables canadiens ont tiré profit de leurs investissements dans la BDC.

Mme Métivier : Nous en sommes très fiers, sénateur.

Le sénateur Gerstein : Nous de même. Merci.

Le sénateur Moore : J'ai une question et une demande.

Le fonds de capital de risque Tandem est géré au privé. Qui le gère?

M. Egan : Il y a deux cadres supérieurs, tous deux chevronnés. Ils ont beaucoup d'expérience, l'un en capitaux privés, et l'autre en capital de risque.

Je ne sais pas si leurs noms sont du domaine public ou non. Je peux vous retrouver ces noms dans le communiqué de presse.

Le sénateur Moore : Veuillez fournir ces renseignements à la greffière. J'aimerais savoir qui gère le fonds et qui sont les autres partenaires, leurs noms et leurs investissements respectifs.

M. Egan : Je crois que les noms des principaux investisseurs sont du domaine public.

Le président : Puis-je poser une dernière question?

Il reste peu d'éléments après toutes ces questions pertinentes. On a fait le tour de la question.

Madame Métivier, vous en avez peut-être fait mention dans votre réponse au sénateur St. Germain. Je m'intéresse à ce que vous avez appris en traversant la crise économique qui nous a tous frappés, à ce que vous avez appris en tant que banque. Je crois vous avoir entendue dire que vous accordez désormais une grande importance aux modèles d'entreprise et à la direction.

La banque survivrait-elle à une autre crise similaire? Vraisemblablement, personne ici n'a vécu la grande dépression. Cependant, la dernière crise est la pire chose que nous avons eue à vivre, et nous savons maintenant que ce genre de situation est possible. En tant que dirigeante de la banque, vous savez qu'une crise peut survenir.

Qu'avez-vous appris, qu'avez-vous changé et disposez-vous d'un cadre législatif suffisamment souple pour corriger les lacunes potentielles, qui échappent probablement à toutes nos prévisions?

Mme Métivier : C'est une excellente question. J'aimerais parler de ce que nous avons appris, parce qu'il s'agit d'une troisième récession dans l'histoire de la BDC. Cela vous donne une idée de mon âge.

Cette récession n'était pas comme la précédente. À la BDC, nous disposons d'une tonne de renseignements sur les entreprises canadiennes au pays. Nous avons de l'information sur chaque entrepreneur et chaque entreprise qui a fait affaire avec la BDC au cours des 30 dernières années. Nous recueillons les données, ce qui nous permet d'examiner, entre autres, les taux d'échec. Nous tirons des leçons de chaque récession.

Mais celle-ci était très différente des deux précédentes, que nous avons traversées au début des années 1980 et pendant les années 1990. Essentiellement, la récession a été causée par une crise de liquidité qui a entraîné une pénurie momentanée de crédit sur le marché. Pour les prêteurs ou les banquiers comme nous, c'était comme tenter de voir où ça nous menait, mais c'était difficile de prédire l'avenir.

Cela étant dit, nous avons appris que, en tant qu'instrument de politique gouvernementale, la BDC devait toujours être prête, ce qui signifie que nous devons disposer des compétences nécessaires, au sein de l'organisation, pour remédier à une crise.

Nous avons discuté précédemment de ces compétences. La BDC agit en fonction du marché, elle occupe autant de place que nécessaire, ou aussi peu de place que nécessaire. Cependant, un minimum de compétences est requis pour intervenir et combler une lacune. C'est ce que nous avons appris, surtout avec ce type de récession. C'est la première leçon.

La direction de la BDC se penche sur la façon de rester prête et de maintenir un niveau de compétences adéquat, de manière à être capable de s'imposer avec succès, au besoin. Il s'agit d'une des plus importantes leçons tirées de cette récession.

Deuxièmement, s'il faut construire quelque chose à partir de rien, ce qui a été le cas, par exemple, pour la FCCG, on doit le faire dans les règles de l'art, en faisant preuve de diligence raisonnable. On ne peut risquer de compromettre le bilan ou les activités de la BDC d'une manière qui pourrait nuire à l'avenir de l'organisation.

En ce qui a trait à votre dernière question, à savoir si la loi nous permet de prendre les mesures nécessaires pendant une crise comme celle des 24 derniers mois, je dirais que nous avons probablement atteint les limites de cette loi. Comme vous le savez, nous allons entamer notre examen législatif au cours des 12 prochains mois. Par conséquent, nous réfléchissons à nos besoins et à l'éventuelle nécessité de modifier la loi pour le Canada de demain.

Comme instrument de politique gouvernementale, la BDC a prouvé sa valeur. Monsieur le président, vous avez commencé cette réunion en manifestant votre inquiétude au sujet des aspects généraux du marché financier mondial. Peu de pays en Amérique du Nord ou même en Europe peuvent compter sur une banque de développement comme la BDC.

Au Canada, nous croyons qu'être prêts grâce à une banque de développement permet une circulation de l'argent ou du crédit plus rapide que si nous partons de zéro. Selon moi, ça fait aussi partie de l'apprentissage lorsque, de votre côté, vous réfléchissez à la nécessité d'une banque de développement au Canada, ainsi qu'aux raisons derrière cette nécessité.

Le président : Voilà qui est très bien dit.

En terminant, permettez-moi de vous poser une dernière question. Êtes-vous d'accord avec la séparation de la BDC, de FAC et d'EDC, et croyez-vous qu'il doit continuer d'en être ainsi?

Mme Métivier : Les trois mandats sont différents, et nous ne prenons pas part à l'élaboration des politiques. Comme vous le savez, nous exécutons les politiques gouvernementales. Cette question s'adresse sans doute à des personnes à l'extérieur de la BDC. Les enjeux dépassent ceux de la BDC. Je n'oserais pas me prononcer à ce sujet.

Le sénateur Harb : Bonne réponse.

Le président : Pourtant, nous devrons répondre à cette question. Qui d'autre que vous serait en mesure de nous guider? Visiblement, nous devrons nous tourner vers d'autres personnes.

Je vous remercie de votre présence ici ce soir. Nous apprécions la franchise et l'exhaustivité de vos propos. Cet échange a été fructueux. Si vous pensez à des questions qui nous ont échappé ou à des renseignements que vous avez oublié de fournir, veuillez les ajouter aux nombreux renseignements que vous avez gracieusement accepté de nous fournir.

Mme Métivier : Monsieur le président, chers membres, c'était un honneur pour nous d'être ici aujourd'hui. Merci.

(La séance est levée.)


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