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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 31 mars 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 15 pour étudier la mesure dans laquelle tous les Canadiens recourent à des comptes d'épargne libre d'impôt et à des régimes enregistrés d'épargne-retraite.

Le sénateur Céline Hervieux-Payette (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Bienvenue, cet après-midi, nous commençons notre enquête sur les systèmes de pension au Canada. Les piliers du système de pension canadien sont les suivants : la sécurité de la vieillesse, les pensions publiques et les pensions privées et l'épargne personnelle. Nous nous concentrerons sur les incitations fiscales pour l'épargne personnelle désignée pour la retraite.

[Traduction]

Nos ordres de renvoi prévoient que notre comité examinera dans quelle mesure les Canadiens ont recours aux comptes d'épargne libres d'impôt, ou CELI, et aux régimes enregistrés d'épargne-retraite, ou REER, ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour accroître l'utilisation de ces instruments d'épargne, ainsi que l'incidence fiscale de l'augmentation de leur utilisation et les façons d'assurer la protection des capitaux versés dans ces instruments.

Nous accueillons aujourd'hui des représentants du ministère des Finances et de l'Institut C.D. Howe, qui nous feront part de leur point de vue sur les REER, les CELI et l'épargne-retraite.

[Français]

C'est avec plaisir que nous accueillons, du ministère des Finances, M. Baxter Williams, directeur, Division de l'impôt des particuliers, de la Direction de la politique de l'impôt. La parole est à vous.

[Traduction]

Baxter Williams, directeur, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Merci pour cette introduction. Pour commencer, nous vous avons fourni de la documentation qui présente des statistiques sur l'épargne-retraite. Aujourd'hui, je me limiterai à parler de ces statistiques et à répondre aux questions que vous pourriez soulever à leur sujet.

Pour vous mettre en contexte, au cours de la dernière année, le gouvernement a entrepris des discussions avec les Canadiens sur les pensions et la sécurité du revenu de pension. Depuis 2006, le gouvernement a également pris des mesures concrètes pour améliorer le système de revenu de retraite du Canada et réduire le fardeau fiscal des pensionnés et des aînés. Ces mesures comprennent l'examen triennal du Régime de pensions du Canada, le RPC, en mai 2009, le lancement de vastes consultations et l'annonce de mesures pour renforcer les régimes de pension agréés sous réglementation fédérale, l'amélioration des règles fiscales qui régissent les pensions et les REER, l'entrée en scène du compte d'épargne libre d'impôt, qui est, j'ajouterais, l'amélioration la plus importante en matière d'épargne-retraite donnant droit à une aide fiscale depuis la création des REER, ainsi que la formation d'un groupe de travail sur la littératie financière.

De plus, les ministres des Finances des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont procédé à un examen du système de revenu de retraite. En mai 2009, ils ont mis sur pied un groupe de travail fédéral-provincial-territorial présidé par M. Ted Menzies, secrétaire parlementaire du ministre des Finances.

Le rapport du groupe de travail a été soumis aux ministres des Finances lors de leur rencontre de décembre 2009, à Whitehorse, par M. Jack Mintz, directeur de recherche du groupe. De façon générale, le rapport confirme la solidité du système de revenu de retraite du Canada. Les ministres ont confié à des hauts fonctionnaires la tâche d'analyser les nombreuses idées qui ont été proposées.

Le 24 mars dernier, le ministre des Finances a lancé des consultations en ligne, de même qu'une série de tables rondes, d'allocutions et de rencontres informelles d'un bout à l'autre du pays, afin de recueillir le point de vue des Canadiens sur la façon de maintenir la solidité du système de revenu de retraite du Canada. Dans ce contexte, le gouvernement a publié un document de consultation, qui a été remis aux membres du comité, et qui contient des propositions du domaine public visant à corriger les problèmes que semble présenter le système d'épargne-retraite. Les ministres des Finances discuteront de ces propositions et des démarches à venir au cours de leur prochaine rencontre.

Je vais reprendre certains éléments de l'introduction. Le système de revenu de retraite financé par le gouvernement repose sur trois piliers, que j'aimerais résumer brièvement. Le premier comprend les programmes de la Sécurité de la vieillesse, la SV, et de Supplément de revenu garanti, le SRG. Ces programmes procurent un revenu minimum garanti aux aînés qui répondent aux exigences établies en matière de résidence. Le gouvernement y verse actuellement environ 33 milliards de dollars par année.

Le deuxième pilier englobe le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, qui assurent un niveau minimum de remplacement du revenu à tous les travailleurs canadiens.

Enfin, le troisième pilier, sur lequel je veux m'attarder plus longuement, comprend les régimes enregistrés d'épargne- retraite à impôt différé et à participation volontaire, soit les RPA et les REER, qui encouragent et aident les Canadiens à épargner pour la retraite et contribuent à combler l'écart entre les prestations de retraite gouvernementales qu'ils recevront et les objectifs de retraite qu'ils se sont fixés. La dépense fiscale associée aux REER et aux RPA s'élève à environ 20 milliards de dollars par année.

Les plafonds de cotisations et de prestations pour les REER et les RPA sont établis de telle sorte que la plupart des gens puissent épargner suffisamment pendant une carrière de 35 ans pour toucher une pension équivalant à 70 p. 100 de leurs gains avant la retraite. On considère généralement que cette proportion est suffisante pour maintenir le même niveau de vie à la retraite. En 2010, les cotisations annuelles aux REER et aux RPA à cotisations déterminées sont limitées à 18 p. 100 du revenu d'emploi, jusqu'à concurrence d'un maximum de 22 000 $ par année pour les REER et de 22 450 $ par année pour les RPA. Pour ce qui est des RPA à prestations déterminées, la prestation annuelle maximale pour 2010 est de 2 p. 100 des revenus d'emploi par année de service, jusqu'à concurrence d'un peu moins de 2 500 $.

En ce qui concerne le calcul de la proportion de 70 p. 100, il est important de rappeler que les REER et les RPA maximums s'ajoutent aux prestations de retraite qui proviennent du RPC et de la SV.

J'aimerais maintenant vous présenter plusieurs tableaux qui fournissent des statistiques de base sur la participation à ces régimes.

Le premier tableau donne un aperçu global des taux estimés de remplacement du revenu que les Canadiens peuvent viser selon leur niveau de revenu. Il s'agit là d'une présentation simplifiée. Nous nous sommes basés sur un taux d'épargne annuel, nous avons supposé des cotisations continues tout au long de la carrière de l'épargnant, et nous avons estimé le taux de rendement des REER ainsi que le calcul des rentes versées à la retraite.

Le graphique donne une idée des prestations qu'une personne pourrait recevoir à la retraite, si l'on tient compte du fait que l'épargne personnelle sera combinée aux revenus provenant des régimes de retraite publics ou gouvernementaux.

La partie bleue représente le pourcentage des gains préretraite qui seront remplacés par les prestations de SV et de SRG, tandis que la partie grise indique le pourcentage qui sera remplacé par le RPC. Ensemble, ces deux parties représentent les prestations gouvernementales.

La vice-présidente : Puis-je vous interrompre? Nous n'avons pas de couleur. Pourriez-vous nous dire laquelle est laquelle? Nous avons une partie foncée, une grise et une blanche. De cette façon, nous pourrons comprendre le code.

M. Williams : C'est ça le problème avec la technologie. Je parlais de la partie inférieure. C'est la partie noire, et c'est celle qui représente la portion de revenu remplacée par la SV et le SRG. La partie grise est celle qui devrait être versée par le RPC aux personnes qui ont travaillé. La partie supérieure — celle qui est blanche sur votre document — représente la portion de revenu que la personne doit remplacer au moyen de l'épargne personnelle.

Je vais apporter des précisions sur nos calculs. Nous regardons globalement ce que les Canadiens ont épargné, selon leur revenu, dans une année donnée. Dans ce cas-ci, c'est l'année 2006. Nous supposons que leur niveau d'épargne sera le même tout au long de leur vie active. Puis, selon notre estimation des rendements sur les capitaux épargnés, nous avons une idée du revenu dont ils disposeront à la retraite.

Il s'agit d'un graphique simplifié, qui donne une bonne vue d'ensemble de la situation ainsi qu'un point de départ pour déterminer si le système de revenu de retraite actuel est adéquat. Comme vous pouvez le constater, il y a des personnes à faible revenu, mais elles peuvent aisément obtenir un taux de remplacement de 70 p. 100 par la combinaison de toutes les sources de revenu. Le plus important demeure probablement le fait que ces personnes obtiennent un taux de remplacement élevé à la retraite en raison de leur faible revenu au cours de leur vie active.

J'aimerais également faire remarquer qu'à l'autre extrémité, vous pouvez constater une réduction des taux de remplacement du revenu obtenus grâce aux régimes de retraite gouvernementaux, principalement parce que nous limitons le montant total des contributions au REER et au RPA. Ces personnes devront surtout avoir recours à l'épargne personnelle afin d'atteindre le niveau d'épargne voulu à la retraite. Je crois que cela résume assez bien le graphique.

J'aimerais maintenant examiner la question en tenant compte des plafonds des régimes d'épargne et des droits de cotisation excédentaires prévus dans le système, par rapport à l'épargne nécessaire pour obtenir un taux de 70 p. 100. Comme je l'ai mentionné, les plafonds de cotisation et de prestation pour les REER et les RPA sont établis de façon à permettre à la plupart des personnes d'obtenir un taux de remplacement de 70 p. 100 par rapport à leur revenu avant la retraite. Cependant, comme je l'ai déjà dit, ces niveaux d'épargne nécessaires équivalent à moins de 18 p. 100 des revenus pour la plupart des Canadiens, parce que les plafonds REER viennent s'ajouter aux revenus remplacés par les régimes de pension publics.

Dans le tableau « Montant des droits de cotisation excédentaires à un REER », pour chaque niveau de revenu de la première colonne, la colonne 2 indique le pourcentage de ce revenu qui sera remplacé par les prestations de retraite publiques. Ce tableau reprend en bonne partie l'information qui est présentée sur le premier tableau. Il montre qu'une personne dont le revenu se situe entre 20 000 $ et 40 000 $ peut obtenir le taux de remplacement souhaité de 70 p. 100 grâce aux régimes de retraite publics.

La troisième colonne montre l'écart entre les prestations publiques et le taux de remplacement ciblé de 70 p. 100. En d'autres termes, quel est le taux de remplacement qu'il faut obtenir au moyen de l'épargne personnelle? La colonne 4 indique le pourcentage du revenu annuel qui doit être affecté à l'épargne afin d'atteindre le taux de remplacement de 70 p. 100.

La cinquième colonne donne le pourcentage des droits de cotisation excédentaires à un REER dont disposent les épargnants pour atteindre le taux de remplacement de 70 p. 100. D'une certaine façon, cela illustre la situation excédentaire qui résulte des plafonds actuels relativement à la marge d'épargne des Canadiens en vue de maintenir leur niveau de vie à la retraite.

Le prochain tableau présente la situation sous une perspective légèrement différente. Il montre comment les gens utilisent actuellement leurs droits de cotisation à l'épargne-retraite. Je parle du tableau « Droits inutilisés de cotisation à un REER (2006) ». Cela indique encore une fois que le système actuel est adéquat dans la mesure où il donne la possibilité aux gens d'épargner. Le tableau montre le montant total des droits inutilisés de cotisation à un REER dont disposaient les Canadiens en 2006, selon leur revenu. Le montant total des droits inutilisés de cotisation à un REER pour l'ensemble des Canadiens, qui s'élevait à près de 470 milliards de dollars en 2006, montre bien que le plafond de cotisations fixé à 18 p. 100 du revenu donne lieu à des droits de cotisation excédentaires pour la plupart des Canadiens.

C'est généralement parmi les personnes à faible revenu que les droits de cotisation inutilisés sont les plus élevés. La troisième colonne indique la proportion de personnes ayant un revenu d'emploi qui ont des droits inutilisés de cotisation à un REER. Si vous regardez au bas de la colonne, vous aurez également une idée du pourcentage de la population qui se trouve restreinte par les plafonds REER actuels.

Au total, 91 p. 100 des Canadiens disposent de droits inutilisés de cotisation à un REER. On peut donc en déduire que seulement 9 p. 100 des gens sont restreints par les plafonds actuels de cotisations à des REER et à des RPA. Les Canadiens les plus touchés par ces plafonds sont principalement ceux qui ont un revenu élevé, c'est-à-dire de plus de 100 000 $.

Le sénateur Moore : Au sujet de la colonne 2, vous avez mentionné que le montant total des droits inutilisés de cotisation à un REER était d'environ 470 milliards. N'est-ce pas plutôt 470 billions?

M. Williams : Non, il s'agit bien de milliards.

Le sénateur Moore : On peut lire au haut de la colonne : « En milliers de dollars ».

M. Williams : C'est exact. Il s'agit bien de milliards parce que le nombre au bas est de 467 millions. Vous ajoutez donc trois zéros.

Le sénateur Moore : D'accord, je vois ce que vous voulez dire.

La vice-présidente : C'est plus logique.

M. Williams : Nous n'aurions aucune raison de hausser le plafond si le nombre était de 470 billions.

La vice-présidente : Cet argent n'est pas utilisé; nous pourrions l'épargner au complet dans les limites du programme.

M. Williams : C'est exact.

Le prochain graphique illustre la participation à des régimes de pension enregistrés par niveaux de revenu. Il s'agit en fait du pourcentage d'épargnants par rapport à toutes les personnes ayant un revenu d'emploi, pour chaque tranche de revenu.

La partie bleue représente le pourcentage de personnes qui cotisent seulement à un RPA. La partie jaune représente celles qui cotisent uniquement à un REER. La partie bleue correspond aux Canadiens qui bénéficient d'un régime de pension.

La vice-présidente : J'aimerais m'assurer que nous comprenons bien.

M. Williams : La partie grise, au bas du graphique, représente les Canadiens qui contribuent seulement à un régime de pension. La partie au-dessus représente ceux qui contribuent personnellement à un REER en plus de leur participation à un régime de pension. La partie supérieure blanche indique le pourcentage de gens qui contribuent uniquement à un REER.

Ce tableau reflète le premier que je vous ai montré, qui illustrait la capacité des gens à obtenir un taux de remplacement du revenu à la retraite, selon leur niveau de revenu. Le taux de participation augmente beaucoup en fonction du revenu. La plupart des gens dont le revenu se situe dans les tranches inférieures pourraient obtenir le niveau d'épargne voulu à la retraite au moyen des régimes de retraite publics. Pour les personnes dont les besoins à la retraite sont plus élevés — c'est-à-dire celles dont le revenu excède 45 000 $ par année —, le taux de participation à un régime de pension donnant droit à une aide fiscale est relativement élevé, soit entre 80 et 90 p. 100. La participation à un régime de pension est plus forte parmi les gens à revenu moyen. La proportion de gens qui contribuent uniquement à un REER tend à être plus grande chez ceux qui ont un revenu élevé.

Le tableau suivant illustre la participation annuelle à des RPA ou à des REER pour des particuliers dont les gains sont supérieurs à 30 000 $. La tendance a été relativement stable au cours des 15 dernières années. Le taux de participation à un régime de retraite a connu une diminution modérée. Cette baisse est en quelque sorte contrebalancée par la croissance du nombre de personnes qui cotisent à un REER.

Ces statistiques ne tiennent toutefois pas compte des économies versées dans un compte d'épargne libre d'impôt. Le compte d'épargne libre d'impôt, le CELI, a été créé dans le cadre du budget de 2008. Il s'agit d'un compte d'épargne enregistré, souple et à usage général, qui permet aux Canadiens de gagner un revenu de placement sans payer d'impôt. Les Canadiens âgés d'au moins 18 ans peuvent cotiser jusqu'à 5 000 $ par année dans un CELI, et les droits de cotisation inutilisés sont reportés aux années suivantes.

Bien que le CELI ait été conçu comme un instrument d'épargne à usage général, certains observateurs ont souligné ses avantages aux fins de l'épargne-retraite. Plus particulièrement, le CELI constitue un meilleur stimulant pour les personnes à faible et à moyen revenu qui risquent de faire l'objet de taux marginaux d'imposition plus élevés à la retraite que pendant leurs années d'activité.

Lorsque les personnes qui épargnent au moyen d'un REER font des retraits, elles peuvent subir une réduction du montant de Supplément de revenu garanti auquel elles ont droit ou une réduction de la valeur du crédit d'impôt accordé aux personnes âgées en fonction de leur âge. Contrairement à la diminution du taux de rendement sur l'épargne dans le cas d'un REER, les gains acquis au moyen d'un CELI et les montants qui en sont retirés ne sont pas pris en compte dans le calcul des prestations fédérales ou des crédits d'impôt fédéraux fondés sur l'étude du revenu. Le CELI permet aussi aux personnes âgées de plus de 71 ans qui ne peuvent cotiser à un REER de continuer d'épargner au moyen d'un instrument d'épargne intéressant au plan fiscal.

Le CELI n'a été créé qu'en 2009. Par conséquent, nous ne disposons pas encore de données sur la participation ou sur l'épargne au moyen de cet instrument. Cependant, des études réalisées dans le secteur privé nous donnent une idée du succès du CELI à ce jour. Selon un rapport d'Investor Economics et les données d'un sondage réalisé par Ipsos Reid, les Canadiens avaient ouvert quatre millions de CELI à la fin de décembre 2009. La valeur du capital que les Canadiens ont investi dans des CELI s'élevait à environ 16 milliards de dollars. C'est une première année plutôt fructueuse.

Le CELI a aussi été très populaire auprès des personnes qui sont à l'âge de la retraite ou qui s'en approchent. Un sondage distinct réalisé par Léger Marketing pour la Banque de Montréal a révélé qu'à la fin de février 2009 le tiers des personnes de plus de 65 ans et le quart de celles qui sont âgées de 55 à 64 ans avaient ouvert un CELI.

Afin de mieux comprendre, je pense qu'il convient d'examiner le total de l'actif que détiennent les ménages canadiens. Il est important de reconnaître que l'actif détenu au titre d'un régime de retraite ne constitue qu'une seule source de richesse pouvant répondre aux besoins des Canadiens en matière d'épargne-retraite. D'autres éléments qui figurent dans le dernier tableau, comme les biens immobiliers, l'épargne non enregistrée et les actifs non financés, constituent une part importante de la valeur nette des ménages et peuvent être utilisés comme des sources de revenu de retraite qui s'ajoutent à ce que prévoit le système des trois piliers.

Je termine ainsi mes propos. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter cette information cet après-midi.

[Français]

La vice-présidente : Merci, je pense qu'on a pas mal de choses à examiner. La première question revient au sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Merci, madame la vice-présidente.

[Traduction]

Monsieur Williams, je lis la déclaration du ministre à ce sujet, et j'essaie de comprendre où se situe le problème. Je regarde votre tableau sur le pourcentage de revenu existant que nous pouvons remplacer au moyen du système actuel. Cette projection a été faite par Jack Mintz, je crois. Aux niveaux de revenu les plus élevés, le pourcentage des gains remplacés varie de 50 à 60 p. 100. Cependant, une étude réalisée il y a quelques semaines révèle qu'un taux de remplacement de 70 p. 100 n'est pas nécessaire pour les revenus de plus de 100 000 $ et que les gens disent souvent que le taux peut être inférieur.

M. Williams : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Où est le problème? Il ne semble pas y avoir de problème. Le problème vient peut-être du fait que certaines personnes n'épargnent pas autant. C'est une moyenne pour tous les Canadiens. Est-ce que les gens épargnent suffisamment? Quand on lui pose la question, Jack Mintz semble conclure qu'il n'y a pas de problème grave. Pourtant, David Dodge a laissé entendre qu'il y avait un grave problème. Pouvez-vous nous dire qui a raison là-dessus et s'il y a ou non un problème?

M. Williams : Je suis spécialisé dans le domaine de l'analyse des caractéristiques de l'épargne au moyen d'instruments d'épargne-retraite donnant droit à une aide fiscale. J'imagine qu'à un moment donné vous allez recevoir Jack Mintz comme témoin. En ce qui concerne l'établissement de rapports sur les résultats de recherche, il serait mieux placé que moi pour vous parler des études.

D'une perspective globale, le système répond assez bien aux besoins des Canadiens en matière d'épargne. Le document de consultation du ministre publié le 24 mars contient d'autres tableaux ou graphiques qui montrent, en pourcentage, le revenu moyen des personnes âgées de même que notre classement mondial. Ces données confirment que, dans l'ensemble, notre système réussit très bien à garantir aux personnes âgées un remplacement du revenu suffisant.

Le sénateur Massicotte : J'ai l'impression qu'il n'y a pas de problème, pourtant on parle beaucoup de modifier le programme de pension. Il y a une volonté politique de le passer au crible.

Cependant, si cela est exact, il y a deux aspects sur lesquels votre ministère devrait se concentrer. Bien sûr il y a un problème concernant l'insolvabilité de certains régimes de retraite, un problème de faillite ou de solvabilité susceptible de toucher une partie limitée mais importante de notre population.

L'autre aspect préoccupant, c'est le nombre croissant de régimes de retraite qui sont à cotisations déterminées plutôt qu'à prestations déterminées. Pas moins de 75 p. 100 de tous les nouveaux régimes de retraite d'entreprises sont à cotisations déterminées. Cela signifie que les retraités n'ont aucune idée de ce que sera leur revenu à la retraite. À mon avis, cela risque de créer de l'insécurité et même de causer des dommages importants à notre économie. Dans des endroits où il n'y a pas de programme de pension, l'épargne n'atteint pas moins de 12 à 14 p. 100, ce qui signifie que les gens épargnent et qu'ils ont peur de dépenser. Certains craignent que cela se produise au Canada aussi. Y a-t-il une solution? Les entreprises en ont assez. Ce n'est pas à elles de gérer les investissements futurs, et elles ne veulent plus les garantir. Le gouvernement ne pourrait-il pas faire quelque chose pour favoriser les prestations déterminées et éliminer ce risque? Cela pourrait ravager l'économie si on ne fait rien. Pouvez-vous formuler des observations à ce sujet? Y a-t-il un risque?

M. Williams : On pourrait parler longuement des incidences macroéconomiques des différents choix en matière d'épargne. À mon avis, rien de solide ne me permet de penser que de telles situations puissent devenir un problème.

Le sénateur Massicotte : Dans un rapport, la Banque du Canada affirme que c'est le cas. Dans son discours, David Dodge est allé dans ce sens. Il est plutôt inquiet.

M. Williams : Il est plutôt inquiet de quoi?

Le sénateur Massicotte : Il est inquiet du fait que les régimes de retraite d'entreprises sont de plus en plus à cotisations déterminées plutôt qu'à prestations déterminées.

M. Williams : On note une certaine tendance vers l'adoption des régimes à cotisations déterminées.

Le sénateur Massicotte : Ils comptent pour 75 à 80 p. 100 de tous les nouveaux régimes de retraite. Le régime à prestations déterminées est en train de disparaître. Seul le tiers des employés non gouvernementaux ont un régime de retraite, et 80 p. 100 de ces 33 p. 100 ont un régime à cotisations déterminées. Oubliez les prestations déterminées.

M. Williams : Vous soulevez des points intéressants, mais j'hésite à en parler parce qu'ils sont un peu hors de mon domaine de spécialité.

Le sénateur Harb : Monsieur Williams, votre exposé arrive au bon moment.

Ma question a trait à la consultation. Nous sommes confrontés à des problèmes de taille, mais le gouvernement ne semble pas vouloir consacrer plus de six à huit semaines à l'établissement d'un plan d'action. Pouvez-vous nous dire quand on peut s'attendre à ce qu'un plan d'action soit établi?

M. Williams : Pour ce qui est des prochaines étapes, je peux vous parler un peu du processus qui a été suivi à ce jour. Comme je l'ai indiqué au début de mon intervention, c'est une occasion pour le gouvernement fédéral de consulter la population de façon plus générale, mais il a entrepris des discussions sur des questions liées aux régimes de retraite avec les ministres des Finances des provinces au cours de la dernière année. Il est difficile de prédire ce qui va découler de ce processus, puisque les consultations ne sont pas terminées et que les ministres ne se sont pas rencontrés.

Le sénateur Harb : Il y a des attributions et un programme d'établi pour ces discussions. Dans une large mesure, le programme établi pourrait définir le résultat.

Vous avez dit que les avoirs de retraite au dernier trimestre de 2009 s'élevaient à 1,8 billion de dollars.

M. Williams : Oui.

Le sénateur Harb : Dans quelle mesure peut-on comparer ce montant à celui de 2008? En 2009, le marché a connu une baisse considérable. Combien en reste-t-il?

M. Williams : Je ne dispose pas de ces statistiques.

Le sénateur Harb : Il y a eu des pertes importantes dans le marché. Le sénateur Massicotte a mentionné que certains fonds de pension privés avaient perdu beaucoup d'argent. J'imagine que bon nombre des personnes que les données de ces graphiques concernent ont investi leurs REER dans des actions et dans des fonds mutuels. Le ministère des Finances du Canada ne dispose-t-il pas de données sur les pertes enregistrées dans les REER à cause de la crise économique?

M. Williams : Dans quelle mesure croyez-vous que cette information puisse vous aider à comprendre le problème?

Le sénateur Harb : Manifestement, nous essayons de mener une consultation parce que nous avons l'impression qu'il y a une crise ou un problème, mais nous ne semblons pas savoir quelle en est l'ampleur.

M. Williams : Oui.

Le sénateur Harb : En tant que membre de ce comité, je pense qu'il serait utile pour nous de savoir quelle est l'ampleur du problème. Je ne sais pas.

Est-ce que le gouvernement prévoit s'intéresser à l'incidence de la crise économique sur les REER, par exemple?

M. Williams : Le processus de consultation n'est pas limité quant au type d'information que nous recueillons. C'est un aspect qui pourrait bel et bien être examiné.

Pour ce qui est de la structure sur laquelle je me fonde pour examiner la question des REER, nous tendons à nous concentrer sur une plus longue période. Comme vous le savez, les marchés sont naturellement volatils. Ils se sont redressés quelque peu. Pour la période qui a précédé 2008, le marché a connu une croissance plutôt solide. De notre point de vue, du point de vue des politiques fiscales, nous examinons les taux de rendement à plus long terme que ce à quoi on pourrait s'attendre.

Le sénateur Harb : Les fonds de pension publics sont maintenant gérés soit par les gouvernements provinciaux ou par le gouvernement fédéral. En tant que particulier, si je veux investir dans des REER, je dois trouver un mécanisme pour orienter mon investissement. Serait-il possible pour le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces, de créer un système national, si l'on peut dire? Vous, monsieur Williams, vous pourriez verser une partie ou la totalité de vos REER dans cette énorme caisse de fonds publics. Ainsi, vous n'auriez pas à vous inquiéter, comme vous le faites maintenant, à propos de savoir si vous allez obtenir ou non un rendement, parce que c'est géré par un groupe de personnes qui ont l'expertise requise pour le faire. Dès que les fonds publics produiront un revenu, votre investissement produira un revenu. Vous pouvez donc dormir sur vos deux oreilles. Vous n'avez pas à vous inquiéter du fait que, si l'entreprise s'écroule, elle emporte votre argent avec elle.

Faudrait-il modifier les lois fédérales pour permettre ce genre d'initiative? Comment cela serait-il possible?

M. Williams : Le document de consultation en traite comme d'une solution possible. Nous chercherions à mieux comprendre les facteurs qui y sont associés.

De ce que je comprends, c'est que toute modification apportée au RPC doit être approuvée aussi bien par le gouvernement fédéral que par les provinces. Je vous conseille toutefois de demander l'avis de quelqu'un qui connaît mieux ce domaine pour en comprendre la mécanique.

Le sénateur Harb : Je pense que vous avez fait un travail extraordinaire en essayant de décomposer pour nous les statistiques. Nous comprenons qu'essentiellement il existe une corrélation entre le niveau de revenu des particuliers et les cotisations aux REER. Je vous en remercie beaucoup.

M. Williams : Tout le plaisir a été pour moi; merci.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais revenir à la diapositive 3, qui porte sur le montant des droits de cotisation excédentaires à un REER. Je veux m'assurer de comprendre ces données correctement.

Dans le cas d'une personne qui gagnait 20 000 $ en 2006, est-ce que les prestations de pension publiques, qu'elles proviennent du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec, remplacent 72 p. 100?

M. Williams : C'est bien cela, au moyen des prestations du Supplément de revenu garanti et de leurs prestations du RPC.

Le sénateur Ringuette : Vous ajoutez ensuite les épargnes des RPA et des REER. Vous ajoutez à ces 72 p. 100 une partie du régime de pension d'employeur-employé.

M. Williams : C'est exact. Regardez-vous ce graphique-ci?

Le sénateur Ringuette : Non, je regarde celui à la page 3. Je veux le lire correctement. Vous venez de dire 72 p. 100 pour une personne qui gagne 20 000 $. Ce n'est pas clair. Que représentent les 72 p. 100?

M. Williams : Il faut regarder le chiffre, les 72 p. 100, et aussi le revenu disponible avant la retraite, qui est de 20 000 $. Ensuite, il faut voir ce que la personne peut s'attendre à obtenir comme prestations versées par le gouvernement, par exemple les prestations de vieillesse et les prestations de retraite. Cette somme correspondrait à 72 p. 100 du revenu disponible avant la retraite.

Le sénateur Ringuette : Ensuite on descend à 40 p. 100.

M. Williams : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : On a 40 p. 100. Êtes-vous en train de dire que dans le cas d'un Canadien qui gagnait 40 000 $ en 2006, une combinaison des prestations de pension publiques et de prestations du régime de pension de l'employeur- employé fournirait seulement 40 p. 100 de ses revenus pour la retraite?

M. Williams : Non.

Le sénateur Ringuette : Alors il y a quelque chose qui cloche avec vos chiffres, parce que ce doit être constant ici.

M. Williams : Lorsqu'on se rapproche de 40 000 $, l'admissibilité au SRG diminue et on est près du maximum qu'on peut recevoir en prestations du RPC, donc le revenu total qu'on reçoit du gouvernement n'augmentera pas aussi rapidement.

Le sénateur Ringuette : Je comprends ça. Cependant, vous ajoutez dans cette même colonne les épargnes des RPA et des REER, qui correspondent aux cotisations employeur-employé à un régime de retraite.

Le sénateur Moore : Sont-elles comprises dans le calcul?

M. Williams : Non, elles ne sont pas comprises dans le calcul.

Le sénateur Ringuette : Ce graphique ne dresse pas un bon portrait.

M. Williams : Je crois que oui.

Le sénateur Ringuette : Il n'est pas constant.

M. Williams : Si une personne est admissible au SRG, par exemple, nous en tenons compte. Parmi ceux qui gagnent 20 000 $ par année, certains ont également des épargnes privées en vue de leur retraite. Ces épargnes privées réduisent leur admissibilité au Supplément de revenu garanti.

Le sénateur Ringuette : Oui, nous comprenons la façon dont le système fonctionne.

M. Williams : Il serait trompeur de vous donner le montant maximum de Supplément de revenu garanti que ces personnes pourraient recevoir, parce que, en fait, quand on examine les données, elles recevront moins que le maximum, car une partie de ce montant sera remplacé par un revenu provenant de leurs REER et RPA. Le calcul ne comprend pas directement les revenus provenant des REER et des RPA; il sert plutôt à reconnaître que nous prenons ces revenus en considération pour déterminer l'admissibilité au Supplément de revenu garanti. Je crois qu'on pourrait l'indiquer plus clairement.

Le sénateur Ringuette : Je fais référence aux chiffres dans votre colonne et dans la deuxième colonne.

Le sénateur Moore : Ce sont les prestations de pension publiques.

Le sénateur Ringuette : Non, parce qu'il est écrit « prestations de pension publiques par les épargnes des RPA et des REER ».

M. Williams : Oui.

Le sénateur Ringuette : Cette colonne ne devrait pas y être, parce qu'elle ne reflète pas la réalité des salariés en dollars de 2006 qui cotisent peut-être à un régime de retraite, qu'il s'agisse d'un régime public, privé ou les deux.

M. Williams : Le premier graphique que je vous ai montré est censé vous donner une idée générale des épargnes privée et publique par revenu. Le deuxième graphique, ou le tableau, est censé montrer simplement les épargnes publiques et indiquer quel montant supplémentaire une personne doit mettre de côté dans des épargnes privées afin d'arriver au taux de remplacement de 70 p. 100. J'admets que la remarque entre parenthèses pourrait être mieux formulée pour qu'elle soit plus claire. Il s'agit davantage d'une note de bas de page pour expliquer que nous tenons compte de l'incidence des épargnes privées des gens sur leur admissibilité aux prestations de Supplément de revenu garanti.

Si le portrait global vous intéresse, le premier graphique donne une vue d'ensemble du genre de remplacement de revenu que les gens pourraient s'attendre à recevoir à la retraite, en fonction des revenus obtenus au cours de leur vie professionnelle.

Le sénateur Ringuette : Je suis désolée de vous interrompre...

M. Williams : Pas du tout.

Le sénateur Ringuette : Je reviens à la diapositive 3. Nous avons parlé de la deuxième colonne, qui ne devrait pas y être parce qu'elle ne représente pas vraiment l'évaluation que fait le gouvernement des taux de remplacement des prestations de pension publiques par les épargnes des RPA et des REER, par rapport aux différentes échelles de gains qui figurent à la colonne 1.

Passons à la colonne 3, qui indique l'écart pour obtenir un taux de remplacement de 70 p. 100. Devons-nous comprendre qu'il s'agit d'un pourcentage des gains?

M. Williams : La colonne 3 est un calcul mécanique. Essentiellement, on prend 70 p. 100 et on soustrait la colonne 2. Une personne qui gagne 40 000 $ par année doit épargner suffisamment d'argent au moyen d'épargnes privées pour arriver à un taux de remplacement de 30 p. 100 afin d'avoir un taux de remplacement global de 70 p. 100 à la retraite.

Le sénateur Ringuette : Par conséquent, afin d'obtenir 70 p. 100 de son revenu, une personne qui gagne 40 000 $ aurait besoin de remplacer 30 p. 100.

En fait, tout cela ne contribue pas du tout à ce que nous voulons savoir.

Si nous prenons les différentes échelles de gains qui figurent à la colonne 1, nous devons savoir quel est le taux de remplacement des prestations de pension publiques pour les gens qui gagnent 20 000 $. Quelle est la valeur monétaire de l'écart? Ces 40 plus 30, qui donnent 70, qui correspondent à 70 p. 100, ne nous donnent pas la somme qu'une personne doit investir dans un régime de cotisations employé-employeur, un REER ou un compte d'épargne libre d'impôt afin d'obtenir les 70 p. 100 de revenu dans le futur.

M. Williams : Cette information se trouve à la colonne 4. Nous essayons de décortiquer le montant étape par étape. La colonne 4 donne le pourcentage...

Le sénateur Ringuette : S'agit-il de valeurs en dollars?

M. Williams : C'est le pourcentage du revenu d'emploi qu'une personne devrait économiser afin d'arriver à ce taux de remplacement de 30 p. 100. Une personne qui gagne 40 000 $ par année aurait besoin d'économiser 8 p. 100 de son revenu.

Le sénateur Ringuette : Dans quoi?

M. Williams : Dans un REER. Ces 8 p. 100 représentent 3 200 $ de revenu. Nous essayons simplement de décortiquer le montant étape par étape.

Le sénateur Ringuette : Combien d'argent une personne qui gagne actuellement 40 000 $ peut-elle investir dans un REER conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu?

M. Williams : Un peu moins de 8 000 $.

Le sénateur Ringuette : Moins de 8 000 $.

M. Williams : C'est 7 200 $.

Le sénateur Ringuette : Vous dites que le montant d'argent que la Loi de l'impôt sur le revenu permet d'investir dans un REER est de 8 000 $, et que cela est suffisant actuellement pour atteindre l'objectif de retraite de 70 p. 100. Est-ce exact?

M. Williams : C'est exact. C'est plus que suffisant; c'est ce que dit le tableau.

La vice-présidente : Pour compléter ce que vous dites, une personne peut investir 8 p. 100 de 40 000 $ pour arriver à 70 p. 100; 8 p. 100 de 40 000 $ équivaut à 3 200 $. Si cette personne pouvait investir 7 200 $ plus 3 200 $, soit 10 400 $, elle atteindrait les 70 p. 100, n'est-ce pas?

M. Williams : Pas tout à fait. Pour atteindre les 70 p. 100, une personne doit mettre 3 200 $ annuellement dans un compte d'épargne. Nous disons que nous avons donné aux gens suffisamment de place dans leurs REER de sorte que s'ils le voulaient, ils pourraient économiser plus qu'il ne le faut pour atteindre les 70 p. 100. En fait, au lieu d'investir 3 200 $ annuellement, ils pourraient investir 7 200 $.

La vice-présidente : Le compte d'épargne libre d'impôt s'ajoute-t-il aux 7 200 $?

M. Williams : En plus, les gens pourraient investir 5 000 $ par année dans un compte d'épargne libre d'impôt. C'est pour ça que lorsqu'on tourne la page et qu'on examine les droits inutilisés de cotisations à un REER, on constate que les personnes dont le revenu est inférieur ont tendance à des droits inutilisés de cotisations à un REER assez élevés.

La vice-présidente : Il faut être en mesure de mettre de l'argent de côté.

M. Williams : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Puis-je continuer?

La vice-présidente : Pour une minute ou deux.

Le sénateur Ringuette : J'allais à la diapositive 4, troisième colonne, qui indique la proportion de personnes ayant un revenu d'emploi qui ont des droits inutilisés de cotisation à un REER.

M. Williams : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Plus les revenus sont bas, plus la proportion est élevée. J'y vois un problème. Les personnes ayant un faible revenu sont celles qui sont le moins en mesure de cotiser à un REER. Par conséquent, à mon avis, le cycle de la pauvreté se poursuit — et la pauvreté est encore plus importante lorsque les gens sont à l'âge de la retraite.

Naturellement, 88 p. 100 des gens qui gagnent moins de 15 000 $ ne peuvent pas épargner en vue de la retraite. Disons que le Canadien moyen gagne entre 25 000 $ et 35 000 $.

La vice-présidente : Sénateur Ringuette, le salaire moyen au Canada est de 44 000 $. Prenons les statistiques que Statistique Canada nous donne.

Le sénateur Ringuette : Est-ce le salaire moyen individuel ou le salaire d'une famille?

La vice-présidente : C'est le salaire individuel.

Le sénateur Ringuette : Si on prend l'échelle de gains de 45 000 $ à 55 000 $, 93 p. 100 de ces personnes ayant un revenu d'emploi ont des droits inutilisés de cotisation à un REER. C'est très élevé. Au lieu de passer par le CELI, n'aurait-il pas été mieux d'augmenter le crédit d'impôt relatif aux cotisations à un REER pour les Canadiens à faible revenu, et ainsi d'essayer d'augmenter la portion inutilisée de l'admissibilité? Cela n'aurait-il pas aidé les Canadiens de classe inférieure et de classe moyenne à augmenter leur revenu de retraite, et ainsi, de réduire la nécessité probable d'établir un régime public, au lieu d'augmenter les épargnes des gens qui peuvent épargner encore plus d'argent que ce que la Loi de l'impôt sur le revenu permet de mettre dans un REER? L'enjeu et la crise, c'est que tout le monde craint qu'il n'y ait pas suffisamment d'épargne-retraite pour les Canadiens lorsqu'il sera temps pour eux de prendre leur retraite.

M. Williams : J'aimerais faire quelques remarques générales. Si on se compare avec d'autres pays, comme l'a fait l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE — et les comparaisons figurent dans le document de consultation qui a été publié —, on constate que le Canada s'en tire plutôt bien lorsqu'il s'agit de s'attaquer aux questions de pauvreté chez les aînés.

J'aimerais également parler en particulier du système de REER, et dire que l'objectif visé par le système de REER est de reconnaître qu'au cours de la vie professionnelle d'une personne, il faut mettre de côté une partie du revenu afin de tenir compte du fait qu'il y aura une période au cours de laquelle la personne ne travaillera plus. Le régime fiscal est conçu pour faire en sorte qu'une personne puisse mettre ce revenu de côté, et elle n'est pas imposée à ce sujet avant le moment où elle a besoin de ce revenu.

Une seconde question se pose, à savoir s'il faut offrir un allègement fiscal, particulièrement aux aînés à faible revenu, mais cela a peu à voir avec le système de REER et davantage à voir avec le système fiscal général. À ce propos, le gouvernement a pris certaines mesures, par exemple il a augmenté le montant en raison de l'âge de 1 000 $. Il s'agit d'un crédit général en raison de l'âge qui est offert pour réduire les impôts des aînés à revenu moyen. Le gouvernement l'a fait deux fois. Il y a d'autres mesures, comme augmenter le crédit pour revenu de pension, qui est une compensation qui, essentiellement, équilibre les impôts sur le premier montant correspondant au revenu de retraite provenant des régimes privés qu'une personne âgée recevrait.

Ce sont des mesures directes qui ont été prises afin de réduire le fardeau fiscal qui pèse sur les aînés à revenu moyen, mais ces mesures ont été prises à l'extérieur du système de REER.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Je n'ai pas eu réponse à ma question.

La vice-présidente : On y reviendra.

[Traduction]

Le sénateur Gerstein : Merci de votre exposé, monsieur Williams. Vous avez indiqué que, même si vous ne disposiez pas de données solides pour le moment, vous croyez qu'environ 4 millions de comptes d'épargne libres d'impôt ont été mis sur pied depuis le lancement du programme.

M. Williams : C'est ce que révèlent les premiers indicateurs.

Le sénateur Gerstein : Combien de Canadiens sont titulaires d'un REER aujourd'hui?

La vice-présidente : Si vous souhaitez que votre collègue se joigne à vous, il n'y a aucun problème.

M. Williams : Nous pourrons vous revenir sur cette question et vous fournir des statistiques générales.

Le sénateur Gerstein : Combien de Canadiens cotisent à un REER? À quoi correspond, selon vous, le bassin de Canadiens qui pourraient éventuellement détenir un REER? Nous vous serions reconnaissants si vous pouviez fournir ces deux chiffres au comité.

M. Williams : Certainement.

Le sénateur Gerstein : Selon ce que je comprends, les REER coûtent environ 8,5 milliards de dollars au Trésor public. Les cotisations à des REER représentent approximativement une perte de 13,1 milliards de dollars en recettes fiscales, moins environ 4,5 milliards de dollars, soit les impôts perçus sur les retraits.

Compte tenu du vieillissement de la population, peut-on conclure qu'il y aura moins de cotisations et davantage de retraits? Est-ce que le changement démographique va entraîner une diminution du coût net que les REER représentent pour le Trésor public?

M. Williams : La question est intéressante. Certaines études universitaires ont été réalisées à ce sujet. En principe, on s'attendrait à observer une réduction, ou de nouveaux revenus, au fur et à mesure que la population prendra de l'âge et que les gens commenceront à retirer de l'argent de leurs REER. En même temps, la majorité des estimations montrent également que la valeur totale des capitaux placés dans des REER demeurera relativement importante. Étant donné que la population qui cotise à des REER s'accroîtra au fil du temps, et compte tenu de la croissance naturelle du pays, il se pourrait que les REER ne deviennent pas une source de revenus.

Le sénateur Gerstein : Je ne sous-entendais pas cela. Si je comprends bien, avant 2007, les REER devaient être convertis en FERR, c'est-à-dire en fonds enregistré de revenu de retraite, à l'âge de 69 ans.

M. Williams : C'est exact.

Le sénateur Gerstein : Dans le budget de 2007, le gouvernement a changé cette règle en faisant passer l'âge à 71 ans.

M. Williams : En effet.

Le sénateur Gerstein : Quelles sont les répercussions de cette modification? Est-ce que, d'une manière ou d'une autre, on pourrait envisager d'augmenter la limite d'âge encore une fois? Quel genre de conséquences cela entraînerait-il pour les Canadiens?

M. Williams : Nous pourrions vous fournir les coûts que cela représenterait. Encore une fois cela a à voir avec l'objectif du système actuel et avec le fait qu'il est conçu de manière à permettre aux gens de mettre de côté de l'argent qu'ils pourront utiliser à la retraite.

En ce qui concerne la conversion en FERR à l'âge de 71 ans, si on compare cet âge à l'âge moyen auquel les travailleurs prennent leur retraite, soit autour de 62 ans, si je ne me trompe pas, il y a déjà un écart substantiel. On peut raisonnablement s'attendre à ce qu'à 71 ans, la grande majorité des travailleurs aient pris leur retraite. Il y aurait une répercussion fiscale, mais pour ce qui est de l'argent dépensé à cet égard, la question est de savoir si cela soutient les objectifs du programme des REER, qui est de permettre aux gens d'épargner de l'argent en vue de leur retraite, ou si cela permettrait simplement aux gens de différer le paiement d'impôts, pour constituer un héritage, par exemple.

Le sénateur Moore : Merci d'être présent aujourd'hui, monsieur Williams. Selon l'information qui nous a été fournie sur les comptes d'épargne libres d'impôt, 24 p. 100 des Canadiens qui ont répondu au sondage ont ouvert un compte de ce genre. Est-ce qu'il s'agit d'une donnée fiable? Savez-vous quelle était la taille de l'échantillon?

M. Williams : Non, je ne sais pas quelle en était la taille. Cependant, si l'on tient compte des efforts que les institutions financières ont déployés pour faire la promotion des CELI, de leur volonté de faire en sorte que ces produits soient disponibles et de l'intérêt général qu'ils ont suscité, les nombres que vous voyez sont très plausibles. Le programme a été assez populaire. Les statistiques sont utiles en tant qu'indicateurs préliminaires à cet égard.

Le sénateur Moore : D'un autre côté, il est indiqué que 71 p. 100 des personnes interrogées étaient au courant de l'existence de ce type de compte. Dans la foulée de la question du sénateur Ringuette, je me demande qui est en mesure d'avoir un tel compte. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question.

Il y a quelques années, le gouvernement fédéral a assoupli les règles sur le montant de la mise de fonds nécessaire pour obtenir un prêt hypothécaire pour l'achat d'une maison. Compte tenu de l'effondrement de l'économie et dans un contexte où les gens perdent leur emploi, je ne sais pas trop combien de personnes se sont retrouvées en défaut de paiement sur leur prêt hypothécaire.

Cependant, ce qui m'intéresse vraiment, c'est une étude que le Conference Board of Canada a publiée hier. On y rapporte les propos de Diana MacKay, la directrice de l'éducation et de la santé :

La qualité et le coût du logement constituent des facteurs qui ont une incidence majeure sur la santé des Canadiens. Cependant, environ un cinquième des ménages canadiens n'ont pas les moyens de s'offrir des habitations de bonne qualité et de faire, à la fois, d'autres dépenses pour leur santé, comme l'achat d'aliments sains ou l'inscription à des activités récréatives.

L'allusion à l'alimentation me semble troublante.

Selon les statistiques, quelle proportion de ces 20 p. 100 sont dans l'impossibilité de cotiser à un REER ou à un CELI? Vous nous avez parlé du pourcentage des gens qui sont en mesure de le faire selon vous, mais combien ne le sont pas?

M. Williams : Le second tableau que j'ai présenté donne une bonne idée à ce sujet. On peut également jeter un coup d'œil au tableau suivant. On dirait qu'il n'y a pas de pagination.

Le sénateur Moore : C'est à la page 5.

M. Williams : Je ne peux pas répondre directement à votre question concernant le nombre de personnes qui peuvent se permettre d'acheter une maison en plus de...

Le sénateur Moore : ...bénéficier de ces différents programmes.

M. Williams : Vous pouvez constater que, comme on pouvait s'y attendre, le taux de personnes à faible revenu qui cotisent à un REER est très faible. Si l'on revient à l'idée des trois piliers, cela nous ramène à l'idée qu'il y a trois systèmes complémentaires grâce auxquels nous apportons un soutien pour les revenus de retraite.

Le système des REER cible vraiment les personnes à revenu moyen ou élevé, qui doivent s'assurer d'un niveau d'épargne personnel beaucoup plus élevé pour maintenir leur niveau de vie à la retraite. Pour les personnes à faible revenu en particulier, les régimes de retraite universels remplaceront une proportion substantielle du revenu.

Cependant, il s'agit d'une généralisation, et il y a tout de même des personnes à faible revenu qui épargnent malgré tout — et vous voyez que le chiffre est tout juste au-dessus de 15 p. 100 pour la tranche de revenu la plus basse. L'avantage d'un instrument comme le CELI, pour ces personnes, c'est qu'un instrument de ce genre leur procurera un meilleur rendement de l'épargne. C'est pour cela que les CELI sont considérés comme un avantage pour les personnes à faible et à moyen revenu.

Le sénateur Moore : Ce sont des économies pour l'avenir, pour des rénovations domiciliaires, par exemple.

Est-ce que le gouvernement envisage de quelque manière que ce soit d'établir des règlements concernant l'utilisation de l'argent que les Canadiens placent dans leur compte d'épargne libre d'impôt? C'est de leurs dollars après impôt qu'il s'agit. Est-ce qu'il y a des options qui sont envisagées et dont nous devrions être mis au courant?

M. Williams : Pas à ma connaissance. J'espère que je serais au courant de ce genre de chose.

Le sénateur Moore : Merci.

Le sénateur Greene : En ce qui concerne le taux relativement bas de participation au programme des REER, notamment dans les tranches de revenu les moins élevées, dispose-t-on de données ou d'informations qui expliqueraient ce phénomène? Il est évident, d'abord, que les gens qui ont un faible revenu doivent composer avec un budget plutôt serré, et qu'il est difficile pour eux d'épargner. Cependant, peut-être que les gens ne comprennent pas ce que sont les REER. Peut-être qu'ils ne sont pas au fait du programme. Peut-être qu'ils n'ont pas adopté une culture de l'épargne, ou ils croient peut-être que, quand ils seront vieux, quelqu'un prendra soin d'eux. Peut-être croient-ils qu'il y aura un changement de gouvernement et qu'un nouvel ensemble de règles sera établi quand ils seront vieux. Avez-vous des informations à ce sujet?

M. Williams : Je crois que vous avez fait une ébauche assez exacte de certaines causes possibles. Je n'ai pas d'informations précises. Comme je l'ai dit précédemment, il est raisonnable de croire que les personnes à faible revenu vont s'en remettre, dans une certaine mesure, aux régimes de retraite universels pour répondre à leurs besoins financiers durant leur retraite. Mais je n'ai aucune information sur les motifs qui pourraient inciter à l'épargne pour ce qui est des personnes qui ont les revenus les plus faibles.

Le sénateur Greene : Est-ce que le ministère réalise des sondages à ce sujet?

M. Williams : Nous ne faisons pas de sondages, à ce que je sache, mais nous nous sommes penchés sur la question des besoins en matière d'épargne pour soutenir le processus fédéral-provincial-territorial en appuyant la recherche dans ce domaine. J'imagine qu'on pourrait cependant s'attendre à ce que les gens, qu'ils soient riches ou non, souhaitent conserver...

Le sénateur Greene : Les REER sont offerts depuis plusieurs décennies. Je me serais attendu à ce que des informations aient été recueillies, au cours de ces nombreuses années, sur les raisons qui font en sorte que les gens se comportent comme ils le font lorsqu'ils décident de cotiser ou non à un REER.

M. Williams : Nous avons examiné la question des incitatifs fiscaux liés aux REER pour les personnes à faible revenu. Cet examen a laissé entrevoir qu'elles seraient frappées d'un taux marginal d'imposition assez élevé, en raison de la perte de prestations fondées sur le revenu. En outre, parce que ces gens ont moins d'argent à épargner et, possiblement, moins besoin de le faire, il n'est pas surprenant que le résultat soit celui que nous observons pour ce qui est de l'épargne dans les REER. En un sens, il faut se dire que les REER ne sont pas l'instrument principal qui permettra aux personnes à faible revenu de satisfaire à leurs besoins financiers pendant leur retraite.

Le sénateur Ringuette : Alors comment feront-ils?

M. Williams : Ils vont utiliser les régimes de retraite universels.

Le sénateur Ringuette : Si le revenu d'une personne se situe entre...

Excusez-moi, Sénateur Greene.

Le sénateur Greene : Ça va.

Le sénateur Ringuette : Si vous gagnez 20 000 ou 30 000 $, et que vous devez payer pour une habitation, le chauffage et votre alimentation, il ne vous reste rien à épargner.

D'un autre côté, si vous vous situez dans la tranche de 150 000 à 200 000 $, un compte d'épargne libre d'impôt est très intéressant, parce que vous avez beaucoup d'argent qu'il vous est possible d'épargner. Quand une personne a cotisé au maximum à son REER, pour obtenir tous les crédits d'impôt possibles, elle peut prendre l'argent qu'il lui reste et le placer dans un compte d'épargne libre d'impôt. Cela fournit des liquidités aux banques, mais ça enlève de l'argent au gouvernement, qui pourrait peut-être offrir de meilleures conditions de logement ou des habitations à coûts moindres aux Canadiens.

D'une manière ou d'une autre, c'est un cercle vicieux. Je suis désolée.

M. Williams : Ça va.

[Français]

La vice-présidente : J'aimerais remercier le témoin. On ne peut pas régler, avec ces deux mesures particulières, tous les problèmes des citoyens canadiens. Il n'est pas évident de faire des épargnes quand on est presque au seuil de la pauvreté, il faut tenir compte de la région et le coût de la vie qui n'est pas le même partout au pays.

Nous vous remercions de votre contribution. Nous vous avons demandé quelques informations additionnelles que vous pourrez faire parvenir à notre greffière, s'il vous plaît.

M. Williams : Oui.

La vice-présidente : On va prendre une pause de quelques minutes pour permettre à notre prochain témoin de se joindre à nous.

(La séance est suspendue.)

———————-

(La séance reprend.)

La vice-présidente : Nous allons maintenant entendre le point de vue de M. Alexandre Laurin, analyste principal des politiques à l'Institut C.D. Howe.

M. Laurin a écrit deux articles sur l'épargne et la retraite au Canada, dont un s'intitule The Piggy Bank Index : Matching Canadians' Saving Rates to Their Retirement Dreams, avec David Dodge et Collin Bosby; et un autre qui s'appelle Saver's Choice : Comparing the Marginal Effective Tax Burdens on RRSPS and TFSAS, avec Finn Poschmann.

Alexandre Laurin, analyste principal de la politique, Institut C.D. Howe : Madame la vice-présidente, honorables sénateurs, je vous remercie.

[Traduction]

Je suis très heureux d'être présent aujourd'hui et je vous remercie pour cette occasion de m'adresser à vous.

L'Institut C.D. Howe s'intéresse à la politique sur les régimes de retraite depuis quelques années. En 2007, nous avons créé un programme de recherche sur cette question. Je vais vous parler de quelques-unes des publications que nous avons produites dans le cadre de ce programme pour répondre à vos questions.

Je vais commencer par vous parler de la proportion des Canadiens qui épargnent au moyen de CELI et de REER. Statistique Canada a publié récemment — je crois que c'était la semaine dernière — une étude sur le pourcentage de travailleurs canadiens qui cotisent à un régime d'épargne retraite privé. Cette étude montre que, pour n'importe quelle année, une proportion d'environ 60 à 65 p. 100 des salariés ne cotisent pas à leur REER. Il n'y a donc que 35 p. 100 d'entre eux qui y cotisent.

À première vue, ce taux peut sembler modeste. Il ne faut cependant pas oublier qu'environ le tiers des gens à faible revenu peuvent s'attendre à ce que, durant leur retraite, au moins 70 p. 100 de leur rémunération brute soit remplacée par des prestations gouvernementales provenant de la SV, du RPC, du SRG et d'autres programmes, par exemple des prestations provinciales ou le crédit pour TPS. Cotiser à un REER n'est pas très important pour eux.

Nous devons donc nous concentrer sur les 60 p. 100 qu'il reste, c'est-à-dire les personnes qui devront avoir épargné dans un régime privé pour maintenir leur niveau de vie à la retraite. De ce 60 p. 100, environ la moitié cotisent à leur REER, ce qui demeure un faible taux. Mais nous devons également inclure les personnes qui cotisent à un régime de pension agréé ou à un autre type de régime de pension privé. Si nous les prenons en compte, la proportion de Canadiens qui épargnent dans des régimes d'épargne privés en vue de leur retraite passe à environ 82 p. 100 des 60 p. 100 de la population qui nous préoccupe le plus. C'est un taux beaucoup plus encourageant.

Il reste toujours environ 18 p. 100 des particuliers qui devraient investir dans des régimes privés en prévision de leur retraite, mais qui ne le font pas. Cela équivaut à environ 3 millions de Canadiens. Au cours d'une année donnée, un nombre considérable de Canadiens ne cotisent pas régulièrement à un REER ou à un RPA.

Combien les Canadiens cotisent-ils à leur REER en moyenne, et ce montant sera-t-il suffisant pour atteindre leur niveau de vie souhaité à la retraite? J'ai récemment rédigé une étude en collaboration avec David Dodge et Colin Busby. Nous avons calculé la proportion du revenu avant la retraite que divers particuliers doivent épargner tout au long de leur vie active pour profiter d'une source de revenu de retraite adéquate et sûre.

Nous avons estimé que si une personne désire prendre sa retraite à l'âge de 65 ans et remplacer 70 p. 100 de son revenu de travail — il s'agit de l'hypothèse standard — elle doit économiser chaque année de 10 à 21 p. 100 de son revenu avant impôt si elle cotise pendant 35 ans, ce qui correspond à une période de vie active normale aux fins d'épargne. Ce pourcentage est inférieur à 20 p. 100 pour les Canadiens à revenu élevé et se rapproche de 10 p. 100 pour les Canadiens à faible revenu.

Cependant, le taux d'épargne moyen réel des particuliers est beaucoup moins élevé. Dans le cas des particuliers de moins de 60 ans, le taux d'épargne annuel dans un REER est d'environ 3 p. 100 des gains nets retirés d'un REER. Si nous ajoutons cette épargne aux cotisations des employés et des employeurs aux régimes de retraite enregistrés, le taux d'épargne total moyen atteint environ 7 p. 100.

Nous savons que de nombreuses personnes ne cotisent pas à un REER. Si nous excluons toutes ces personnes, cela fait augmenter le taux d'épargne. Le taux d'épargne moyen des cotisants à un REER seulement correspond à environ 7 p. 100 de leur revenu annuel. Si nous ajoutons à ces cotisations celles versées par les employés et les employeurs dans les régimes de retraite enregistrés, le taux d'épargne total passe alors à environ 8,5 p. 100.

C'est le taux d'épargne des particuliers qui versent des cotisations. Cependant, il ne s'agit que de moyennes. Nous ne devrions pas faire trop de déductions à partir de ces données parce qu'il s'agit de moyennes d'une population disparate. Une grande proportion de la population épargne peu, tandis que d'autres investissent d'importantes sommes. Si nous comparons le taux d'épargne réel à celui que nous avons calculé pour profiter d'une retraite confortable — c'est-à-dire, 10 à 21 p. 100 par année — nous constatons que ce taux d'épargne n'est pas suffisant.

Il y a un autre aspect sur lequel j'aimerais attirer votre attention. Il est possible que nous fassions fausse route en émettant l'hypothèse qu'il faut un taux de remplacement de 70 p. 100. Ce n'est peut-être pas la bonne définition. Il est probable qu'un taux d'épargne de 70 p. 100 soit trop élevé, ou encore trop faible. À cet égard, Statistique Canada a produit des travaux dignes d'intérêt. Plutôt que de se fonder sur une proportion du revenu brut, Statistique Canada a pris en compte la demande de biens et de services avant la retraite pour établir le taux de remplacement adéquat. En se servant d'un micro modèle de simulation du cheminement de vie, Statistique Canada a examiné la question suivante : Dans quelle mesure ces personnes sont-elles en mesure de maintenir leur niveau de demande après leur retraite? On a constaté qu'il y a actuellement 20 p. 100 des particuliers, c'est-à-dire un nouveau retraité sur cinq, qui partent à la retraite avec un taux de remplacement de moins de 75 p. 100 de leur demande moyenne pendant leur vie active. Il s'agit de la demande moyenne pendant leur vie active, et non de celle pendant la dernière année précédant leur retraite. Les chercheurs ont considéré que 75 p. 100 de la demande pendant la vie active correspond à un faible taux de remplacement.

La vice-présidente : Vous avez dit 75 p. 100 de la vie active en moyenne. Faites-vous allusion à une vie active d'environ 35 ans? Autrement dit, vous avez échelonné le salaire sur une période de 35 ans?

M. Laurin : Il pourrait s'agir d'une période de 30 ans. C'était une longue période.

Les chercheurs ont aussi fait des projections. Ils prévoient qu'une augmentation constante de la proportion de nouveaux retraités auront un faible taux de remplacement de leur demande, proportion qui passera de 20 p. 100 actuellement à près de 45 p. 100 au cours des 40 prochaines années, en raison principalement d'un recul qu'ils prévoient des régimes de retraite professionnels et des régimes de pension de l'État.

Parlons maintenant des CELI. Je n'ai aucune donnée sur ces comptes. Ils sont trop récents. Cependant, nous pouvons prévoir au cours des prochaines années qu'il y aura une augmentation de l'utilisation des CELI. Leur gain de popularité se fera en partie au détriment des REER. C'est l'hypothèse que nous émettons en supposant qu'il n'y aura pas de changement important dans les impôts — c'est-à-dire, les taux d'imposition et la récupération des prestations versées par le gouvernement demeureront les mêmes et aucun changement réel ne sera apporté au régime de transfert fiscal. Nous devons supposer que le fardeau fiscal global sera vraisemblablement plus élevé lors du retrait des revenus accumulés à même les REER au moment de la retraite qu'il ne l'était lorsque les cotisations aux REER ont été faites. Ainsi, le fardeau fiscal à la retraite sera plus élevé sur les retraits des revenus accumulés dans les REER que le taux d'imposition réel qui s'appliquait au moment de la cotisation aux REER. Par le fait même, il sera plus avantageux sur le plan fiscal d'économiser dans des instruments d'épargne retraite à impôt prépayé comme les CELI et les REER. C'est le cas pour de nombreux Canadiens. Cet aspect est illustré dans une étude que j'ai cosignée avec Finn Poschmann, qui a été publiée récemment. Les gens vont se tourner vers ces instruments. La demande de CELI augmentera probablement à mesure que les avantages fiscaux liés à l'épargne dans un CELI en prévision de la retraite deviendront plus évidents pour un nombre plus élevé de gens.

Qu'en est-il des mesures fédérales qui pourraient être prises en vue d'augmenter l'utilisation de ces instruments d'épargne? Jusqu'à maintenant, les décideurs ont mis l'accent sur les régimes de retraite à prestations déterminées, et ils avaient de bonnes raisons de le faire. Dans un document publié avant le budget fédéral cette année, Bill Robson, président et directeur général de l'Institut C.D. Howe, propose quelques façons d'améliorer l'épargne dans les REER ou les régimes de retraite à cotisations déterminées. Sa principale recommandation consiste à offrir davantage de possibilités de report d'impôt aux cotisants des REER et des régimes de retraite à cotisations déterminées, qui profitent de possibilités moins généreuses que la plupart des cotisants des régimes de retraite à prestations déterminées en raison des réductions d'impôt relatives au facteur d'équivalence et d'une plus grande souplesse en ce qui concerne le temps dont ils disposent pour bénéficier d'un report d'impôt.

De plus, dans le document que j'ai rédigé en collaboration avec David Dodge et Colin Busby, nous avons calculé que les taux d'épargne dépassaient le seuil de 8 p. 100 pour les REER surtout chez les particuliers à revenu élevé. Fondamentalement, il serait illégal d'économiser suffisamment d'argent pour la retraite. Pour les gens qui préfèrent prendre leur retraite tôt — c'est-à-dire, à l'âge de 63 ans ou avant l'âge de 65 — et qui cotiseraient pendant plus de 33 ans plutôt que pendant 35 ans, et qui, par conséquent, auraient économisé pendant moins longtemps, environ 30 p. 100 d'entre eux auraient besoin d'épargner plus de 18 p. 100. Il est donc nécessaire d'instaurer davantage de règles de report d'impôt. Il ne faut pas en déduire que les gens vont réellement profiter de ces possibilités de report, mais celles-ci seraient formidables si on voulait les utiliser.

Par ailleurs, les gouvernements qui désirent renforcer les incitatifs pour l'épargne dans les régimes de retraite privés doivent songer à accroître les possibilités d'épargne dans les instruments à impôt prépayé, comme les CELI. L'une des solutions serait de donner aux contribuables une plus grande latitude en leur permettant de répartir leurs droits de cotisation inutilisés entre leur REER et leur CELI. Puisque les droits de cotisation inutilisés au REER sont élevés, pourquoi ne pas trouver une façon de transférer une partie des droits inutilisés au REER dans le CELI et vice versa, ou d'accroître légèrement le plafond d'épargne dans les CELI?

D'autres stratégies qui pourraient être adoptées seraient d'améliorer le cadre législatif ou réglementaire entourant les REER et les régimes de retraite à cotisations déterminées afin de soumettre ces régimes aux mêmes règles qui s'appliquent aux régimes de retraite à prestations déterminées. De nombreuses suggestions intéressantes sont présentées dans le document d'information rédigé par Bill Robson, notamment, faire passer l'âge auquel les gens doivent convertir leurs REER en FERR ou en fonds de revenu viager (FRV) de 71 à 73 ans; offrir des droits à pension aux personnes touchant des revenus de leur FERR ou de leur FRV peu importe leur âge, comme c'est le cas pour les rentiers des régimes de retraite; offrir aux détenteurs de FERR les mêmes possibilités de fractionnement du revenu avec le conjoint que les rentiers des régimes de retraite; réduire les désavantages fiscaux des REER collectifs en permettant aux promoteurs et/ou aux participants de déduire certaines dépenses administratives qui sont actuellement imposées à l'actif du régime découlant de revenus externes et supprimer les prélèvements à la source pour les cotisations versées par l'employeur.

Pour les REER collectifs, l'employeur ne peut déduire les cotisations versées à l'A-E et au RPC. Toutefois, dans le cas des régimes de retraite à prestations déterminées et les régimes de retraite à cotisations déterminées, l'employeur peut le faire. Cela représente un désavantage pour les promoteurs de REER collectifs. La règle est la même pour les dépenses administratives. Il n'y a aucune raison qu'il en soit ainsi.

D'autres changements pourraient être apportés à la Loi de l'impôt sur le revenu. Par exemple, certains obstacles compliquent actuellement l'établissement de régimes multi-employeurs. Nous devrions supprimer ces obstacles, et nous devrions permettre le versement de rentes dans les régimes de retraite à cotisations déterminées, particulièrement vers l'âge de la retraite.

La prochaine question concerne le coût sur le plan fiscal. Autrement dit, qu'en coûtera-t-il au gouvernement si les gens avaient davantage recours aux REER?

Les REER ont une incidence sur les recettes fiscales de deux façons : la première est le moment de la perception de l'impôt sur le revenu; la deuxième est l'accumulation dans le régime de revenus de placement à l'abri de l'impôt.

La première façon a une incidence en termes de report d'impôt. Cette incidence est relativement facile à quantifier. J'ai calculé une augmentation d'un point de pourcentage du taux d'épargne dans les REER, ce qui représente une augmentation assez importante compte tenu du taux d'épargne actuel d'environ 4 p. 100. Cela réduirait les recettes fédérales pour l'année en cours d'environ 1,4 milliard de dollars. Cependant, ce n'est pas le coût réel, parce qu'au fil du temps, toutes les pertes seraient récupérées — peut-être pas la totalité, mais une bonne partie d'entre elles — lorsque les revenus accumulés dans les REER seraient imposés lors du retrait. Dans les faits, la question de savoir s'il y a un coût dépendra du taux d'imposition réel sur l'épargne dans les REER et les retraits des revenus accumulés dans les REER au moment de la retraite. C'est l'écart entre les taux d'imposition qui déterminera s'il y a un coût.

La deuxième chose qui a des répercussions importantes sur les recettes est l'accumulation de revenus de placement libres d'impôt. Tant les CELI que les REER offrent cet avantage fiscal. Nous savons que cela représente des coûts importants. Cet avantage fiscal coûte au Trésor de 4,5 à 8,5 milliards de dollars par année, selon la valeur des revenus de placement. Oui, les coûts sont élevés, mais ils sont statiques. Il faut toutefois faire une nuance : l'impôt sur les revenus de placement est l'une des sources de recettes publiques les moins efficaces sur le plan économique, sinon la moins efficace de toutes, en raison de son effet négatif sur l'investissement. Nous devons tenir compte de toutes les conséquences pour l'économie.

Selon une étude économique réalisée par le ministère des Finances Canada en 2004, le fait de réduire de 1 $ l'impôt sur les gains en capital des particuliers a entraîné un gain de bien-être de 1,30 $, ce qui représente un gain de bien-être de 30 ¢ par dollar de réduction d'impôt.

Je ne dis pas que c'est ce qui se produit avec les revenus non imposés qui sont investis dans les REER. Cette étude date de 2004, et de nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Ce qu'il faut toutefois retenir, c'est que la non- imposition des revenus de placement des CELI et des REER entraîne des coûts. Si le gouvernement doit équilibrer son budget, il a intérêt à imposer d'autres sources de revenus. Il est inutile d'imposer cette source de revenus. Par exemple, le gouvernement pourrait taxer la consommation, une solution beaucoup plus avantageuse et moins dommageable pour l'économie.

La dernière question porte sur les façons dont les économies placées dans ces instruments d'épargne pourraient être protégées. Le problème, c'est que les gens qui placent de l'argent dans un REER en vue de leur retraite sont essentiellement laissés à eux-mêmes. Nous en sommes conscients. Ils risquent de ne pas placer les bons montants, de payer des frais de placement trop élevés et de prendre trop de risques ou de ne pas prendre le bon type de risque. Cela s'est produit. Un bon exemple est la récente crise financière. Une façon d'augmenter la sécurité de l'épargne-retraite privée serait de donner des orientations aux investisseurs et d'encourager l'établissement de nouvelles formes de régimes de retraite professionnels qui sont plus vigoureux que les REER du point de vue des risques d'investissement et de longévité et qui ne s'effondreront pas lorsque l'économie dérape.

Comme il a été proposé dans l'étude de Bill Robson, la solution pourrait consister à établir des régimes hybrides qui se situent à mi-chemin entre les régimes traditionnels à cotisations déterminées et à prestations déterminées et qui comportent différentes formules de partage du risque entre les employeurs et les employés. Les régimes à prestations cibles sont un très bon exemple.

Finalement, nous devrions rendre le cadre réglementaire plus propice à l'établissement de régimes aussi novateurs. Les changements réglementaires qui ont été proposés plus tôt constitueraient certainement un bon point de départ. On peut espérer que cette solution permettrait à un plus grand nombre de Canadiens de mettre en commun les risques et de gérer leurs fonds de façon efficace, tout en respectant — et il s'agit d'un point important — la diversité des besoins.

Je serais heureux maintenant de répondre aux questions.

[Français]

La vice-présidente : Vous amenez une perspective qui sera très utile au comité, surtout en ce qui a trait au mandat que nous avons défini à savoir la protection des argents mis de côté. Il ne suffit pas de mettre de l'argent de côté. Si on ne retrouve pas ces fonds parce qu'ils n'ont pas été investis prudemment, la situation sera problématique. Récemment, on a remarqué une baisse considérable des fonds de pension. La reconstruction d'un fonds de pension ne se fait pas rapidement.

Le sénateur Ringuette : J'ai trouvé vos commentaires des plus intéressants. Vous avez cité une liste d'études. Serait-il possible d'en obtenir un exemplaire?

M. Laurin : Certainement. D'ailleurs, la greffière en a déjà un exemplaire.

La vice-présidente : On parle de l'étude de M. Robson?

M. Laurin : Oui.

Le sénateur Ringuette : Vous avez parlé d'une nouvelle étude de Statistique Canada qui diffère en ce qui a trait au taux de 70 p. 100 du revenu basé sur la consommation. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ce modèle?

M. Laurin : Statistique Canada parle d'un modèle de microsimulation. Ce modèle est très compliqué à produire. Un petit groupe à Statistique Canada a travaillé sur ce projet pendant plusieurs années. Ils se sont appuyés sur une base de données constituée de plusieurs milliers de Canadien et d'autres données.

Le sénateur Ringuette : Comme les prix à la consommation et les tendances?

M. Laurin : Les tendances, en effet. En plus, il faut modéliser tout le système d'imposition canadien et plusieurs autres aspects. Ils utilisent un modèle différent de tous les autres. L'avantage de ce modèle est qu'il permet de regarder dans quelle mesure les individus sont capables de remplacer leur niveau moyen de consommation lorsqu'ils prennent leur retraite. Cet aspect est très important, car il constitue le but ultime.

Le sénateur Ringuette : Vous avez certainement piqué ma curiosité avec les résultats de cette analyse.

M. Laurin : Vous pourriez les inviter.

Le sénateur Ringuette : Je crois qu'il sera de mise que nous leur demandions de venir nous démontrer leur modèle.

Vous étiez dans la salle, tout à l'heure, lorsque nous avons entendu le témoin précédent?

M. Laurin : Oui.

Le sénateur Ringuette : J'essaie de faire une analyse, sans ordinateur, en me basant sur les chiffres qu'on nous a fournis. Je constate, d'une part, qu'un grand nombre de Canadiens à faibles revenus, et un peu moins de Canadiens à revenus moyens, après avoir subvenu à leurs besoins essentiels, ne disposent pas de suffisamment d'argent pour investir dans un Régime enregistré d'épargne-retraite, ou du moins très peu. J'ai posé la question au témoin précédent. On parle de fournir des crédits dans un système additionnel d'épargne. Le TFSA dont il est question semble une solution de dernier recours. Seuls les Canadiens ayant contribué le montant maximal à leur Régime enregistré d'épargne-retraite pourront ensuite investir 5 000 $ supplémentaires dans un compte d'épargne non taxable.

Je pense que c'est le modèle : les gens contribueront le montant maximum qu'ils pourront dans le régime enregistré d'épargne-retraite, et après ils contribueront pour un montant de 5 000 $ ou le maximum, dans un compte d'épargne libre d'impôt. Est-ce ce que démontre votre modèle?

M. Laurin : Premièrement, je n'ai aucune idée de la façon dont les gens ont investi dans leur CELI jusqu'à maintenant, de la répartition des gens selon le revenu.

Il y a deux volets à votre question. Le premier, c'est de savoir s'il reste assez d'argent aux gens à faibles et à moyens revenus, à la fin du mois, pour épargner en vue de leur retraite. Cette question est intéressante.

Ce dont on se rend compte, si l'on regarde la documentation, c'est que la question des incitatifs a son importance et que c'est beaucoup plus facile pour les gens qui ont déjà un régime de retraite. Lorsqu'on est dans une situation où l'employé investit une partie et que l'employeur investit aussi une partie des revenus dans le régime de retraite, cela incite les gens à investir. Mais lorsque, par contre, on doit prendre la décision par nous-mêmes, à la fin de l'année, d'investir dans un REER, il n'en reste jamais assez.

Le sénateur Ringuette : C'est ce que je dis.

M. Laurin : Je suis d'accord avec vous sur ce point qui a été soulevé à plusieurs reprises.

Le deuxième volet de votre question était de comparer le CELI au REER : pour la plupart des gens à revenus moyens ou faibles, il est plus avantageux d'investir dans un CELI que dans un REER.

Le sénateur Ringuette : Pourquoi?

M. Laurin : Parce que si on regarde le fonctionnement du régime d'imposition pour les gens qui ont des revenus de retraite, pour un particulier vivant seul, 50 sous sont déjà enlevés sur le premier dollar imposable. C'est la récupération fiscale du Supplément de revenu garanti. Après, on va en rajouter. Ce dont on se rend compte, c'est que dans la fourchette des premiers 20 000 $ imposables que l'on retire, les taux d'imposition sont élevés, et après, cela devient plus plat.

Mais il est bien entendu que c'est ce qui fait que le taux moyen, à la retraite, est très élevé pour les premiers revenus imposables que l'on retire et plus on a de revenus, plus ce taux moyen diminue. C'est le contraire de lorsque l'on travaille.

Donc, ce qui se passe, c'est que pour ces gens qui ont des revenus faibles et moyens, n'importe qui peut faire les calculs —c'est très compliqué, mais on peut les faire — et on se rend compte qu'il est certainement plus avantageux d'investir dans un CELI.

Le sénateur Ringuette : Au niveau de la Loi sur l'impôt, pour un individu, par exemple, avec un revenu de 40 000 $ par année, payant le maximum de contributions, savez-vous quel est le pourcentage de crédits d'impôt qu'il reçoit, pour le montant d'investissement, comparativement à quelqu'un qui gagne 80 000$, le double, et qui met le maximum dans un REER?

Est-ce qu'on devrait se pencher sur la Loi sur l'impôt afin qu'elle offre plus d'incitatifs aux gens à faibles et à moyens revenus? Est-ce que ce serait un des éléments sur lequel le comité devrait se pencher?

M. Laurin : Premièrement, ce n'est pas un crédit d'impôt, c'est simplement que le revenu épargné n'est pas imposé. Et puis la partie qui s'assimile à un crédit d'impôt, c'est en fait un remboursement d'impôt qui a été perçu à la source. Donc ce n'est pas la même chose. Si on n'a payé aucun impôt à la source, il n'y a aucun crédit, rien ne nous revient lors de la production de notre rapport d'impôt, cela dépend toujours de plusieurs facteurs. Donc, ce n'est pas un crédit d'impôt.

Est-ce que le gouvernement devrait ajouter un incitatif additionnel afin que les gens épargnent pour leur retraite? Cela reviendrait simplement à subventionner l'épargne des gens à plus faible revenu. Est-ce qu'on veut vraiment faire cela? Je ne me suis pas penché sur la question.

Le sénateur Ringuette : C'est un domaine dans lequel on ne fait que commencer nos recherches. Il ne semble pas y avoir eu d'études pour voir s'il n'y a pas lieu, au niveau d'incitatifs, d'aider selon l'information qu'on nous a remise tout à l'heure. Ce sont des gens à revenus moyens et faibles qui, semble-t-il, seront dans un état de revenus extrêmement précaires à la retraite. C'est épouvantable!

M. Laurin : Plusieurs gens à faibles revenus seront en meilleure situation lorsque viendra le temps de la retraite. Peut-être parce qu'ils ne paient plus d'impôts du tout. Ou encore, ils reçoivent plusieurs paiements du gouvernement, il y a les paiements de la sécurité de la vieillesse, dont le Supplément de revenu garanti; si on a travaillé durant notre vie, et le RPC. Donc c'est cumulatif. Et puis il y a tous les autres paiements de transfert comme la TPS. Les provinces ont leur propre paiement de transfert. Donc si on accumule tout cela, en Ontario par exemple, la personne âgée de plus 65 ans, reçoivent entre 16 000 $ et 17 000 $ en paiements de transfert. Si on fait l'addition de tous ces paiements de transfert, provinciaux et fédéraux, si on tient pour acquis qu'on veut remplacer 70 p. 100 du revenu, déjà 17 000 $, ce n'est pas si mal. Donc les gens à faibles revenus...

Le sénateur Ringuette : Les pauvres restent pauvres. Est-ce que vous avez en votre possession les tableaux, comme vous venez de l'indiquer, pour de l'Ontario et pour les différentes provinces?

M. Laurin : Je n'ai rien de préparé. Pour l'Ontario, j'ai déjà fait un graphique à ce sujet, je me souviens donc du chiffre. C'est quand même un certain travail de calculer cela pour toutes les provinces. Cela devrait être semblable un peu partout.

La vice-présidente : J'avais deux petites questions de clarification sur votre présentation. Vous avez dit, tantôt, que le compte d'épargne libre d'impôt se fait au détriment du régime d'épargne-action.

Pourquoi avez-vous dit « au détriment »? J'aimerais que vous m'expliquiez en quoi cela nuit, parce que c'est ainsi que je l'ai interprété.

M. Laurin : Ce que je voulais dire au fond, c'est que, sans nécessairement nuire, ce sont des épargnes qui auraient été destinées au REER qui vont se retrouver dans le CELI.

La vice-présidente : Quel est le désavantage à cela?

M. Laurin : Ce n'est pas un désavantage, ce n'était pas le bon terme.

La vice-présidente : Tantôt, vous avez dit que si on relevait la limite de 71 à 73 ans, pour chaque année augmentée, 1,4 milliard de dollars, cela voudrait dire plus ou moins 2,8 milliards de dollars?

M. Laurin : Je me suis peut-être mal exprimé. C'est le coût fiscal pour augmenter le taux d'épargne d'un point de pourcentage. Le taux d'épargne dans les REER.

La vice-présidente : Donc, ce n'était pas d'augmenter l'âge?

M. Laurin : Non, ce n'était pas pour l'âge.

La vice-présidente : Autrement dit, si on passait — dans le REER, je pense que c'est 18, maintenant?

M. Laurin : Non, le taux d'épargne actuel. Le taux d'épargne est aux alentours de 4 p. 100 du revenu. Si on le faisait passer à 5 p. 100 du revenu, cela coûterait approximativement 1,4 milliard. Cela ne coûtera pas, parce qu'on récupère cet argent dans le futur, mais le coût initial serait d'environ 1,4 milliard de dollars.

La vice-présidente : Juste pour compléter la série de questions du sénateur Ringuette, j'aimerais savoir si on pourrait avoir, sous une forme dégradée, disant que le 44 000 $ par année est le salaire moyen, mais de 20 000 à 44 000 $, on va inciter les gens, vous dites qu'ils sont mieux traités par le régime, sauf qu'ils ne sont pas très bien traités en termes de revenus.

Si pour chaque dollar mis de côté, au lieu de déduire de leur revenu, on déduisait 1,50 $, par exemple, vous, vous dites que si on augmentait, autrement dit si on veut qu'ils mettent 5 000 $ de côté, on leur donnerait une déduction de 7500 $, par exemple. Donc, à ce moment-là, mettons qu'ils gagnent 36 000 $ par année, donc ils paient de l'impôt, cela leur enlèverait quelques milliers de dollars, donc il y aurait moins d'impôt à payer.

On essaie de voir les incitatifs. On n'a pas 56 000 moyens, mais c'est une des façons qui pourraient être envisagées. Je vous pose la question.

M. Laurin : Cela reviendrait à subventionner l'épargne des gens à faible revenu.

Le sénateur Ringuette : Mais on subventionne les épargnes des gens à haut revenu.

M. Laurin : Je ne vois pas exactement comment on fait, mais ce n'est pas cela la question. La question, c'est est-ce qu'on veut vraiment... c'est payé à même nos taxes, la sécurité de la vieillesse, par exemple.

La vice-présidente : La même chose.

M. Laurin : On peut aussi en donner plus à la fin. On n'est pas obligé de subventionner lorsqu'on fait l'épargne. Et de toute façon, ce n'est pas vraiment ces gens qui nous concernent le plus. Les gens, vraiment, qui doivent épargner et qui ne le font pas, ce sont des gens qui ne sont pas à faible revenu.

La vice-présidente : Non? Vous n'avez pas mentionné dans quelle catégorie ils étaient.

M. Laurin : Ce que j'ai dit, c'est qu'il y a à peu près le tiers, à 40 p. 100, qui n'ont pas nécessairement besoin d'épargner pour remplacer leur consommation à la retraite. Ils n'ont pas nécessairement besoin d'épargner parce que la sécurité de la vieillesse, le RPC, et cetera, va être suffisant. Mais pour les autres, c'est surtout ceux-là, c'est à peu près trois millions de Canadiens.

La vice-présidente : Donc, il y a seulement 50 p. 100 qui en donne et l'autre 50 p. 100 sur le 60, ils ne mettent rien de côté. C'est cela?

M. Laurin : Il y a 50 p. 100, c'est pour le REER. Par contre, il faudrait ajouter les contributions aux autres régimes de retraite. Donc le 50 p. 100 monte jusqu'à 82 p. 100.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Monsieur Laurin, vous avez dit que l'objectif d'avoir un revenu de retraite équivalant à 70 p. 100 du revenu gagné était peut-être trop élevé ou trop faible et qu'il était fondé sur la consommation avant la retraite. Quand cette norme a-t-elle été fixée? Qu'est-ce que la consommation englobe? Y a-t-il lieu de se pencher sur la question?

M. Laurin : Je ne sais pas quand ce taux est devenu la norme. Nous savons que le taux de revenu du régime de pension de la fonction publique fédérale correspond à 70 p. 100 du salaire brut. Peut-être que ça vient de là.

Le sénateur Moore : Vous pourriez peut-être chercher à savoir quand cette norme a été établie et nous revenir là- dessus.

Compte tenu de la consommation avant la retraite, beaucoup de gens que je connais réduisent leurs dépenses, se débarrassent de certaines choses et consomment moins. Qu'est-ce qui est inclus dans la consommation?

M. Laurin : Vous parlez maintenant du travail de Statistique Canada.

Le sénateur Moore : Vous ne vous préoccupez pas de ce genre de considérations?

M. Laurin : Je sais ce que la consommation englobe, mais ça n'a rien à voir avec les 70 p. 100.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que le taux était fondé sur la consommation avant la retraite.

M. Laurin : Oui. En règle générale, on prévoit environ 70 p. 100 du salaire brut. La consommation dépend du revenu après impôt et du nombre de personnes à charge.

Le sénateur Moore : Est-ce qu'il s'agit du montant d'argent qu'on dépense sur tout?

M. Laurin : Oui, hormis les impôts, les personnes à charge et certains autres éléments dont Statistique Canada tient compte.

Le sénateur Moore : Ce besoin diminue à la retraite. Je me demande donc pourquoi il faut se baser sur la norme des 70 p. 100.

M. Laurin : La norme des 70 p. 100 est une règle générale. Pour des personnes qui gagnent un revenu élevé, 70 p. 100 semble beaucoup. Peut-être que 50 p. 100 serait suffisant pour leur retraite, en particulier au fur et à mesure qu'elles avancent en âge. Une personne qui gagne un revenu moins élevé aurait probablement besoin de 80 à 90 p. 100. La norme des 70 p. 100 n'est donc pas arbitraire. Ces 70 p. 100 ne sont pas basés sur la consommation; ils sont basés sur le salaire.

Le sénateur Moore : Oui, il s'agit du revenu avant la retraite. Nous comprenons ça.

M. Laurin : C'est la norme que nous utilisons dans notre publication avec David Dodge, car cette norme est utilisée presque partout.

[Français]

La vice-présidente : Le temps passe, il est déjà 18 h 15. D'abord, je veux vous remercier de votre présentation, monsieur Laurin. Je pense que mes collègues vont réaliser qu'on ne fait que commencer nos travaux et qu'on a encore pas mal de chemin à faire. On vous remercie pour vos clarifications. D'ailleurs, votre collègue, M. Dodge, va venir nous rencontrer, donc on pourra compléter les questions.

Je pense que la question principale que nous n'avons pas abordée aujourd'hui, c'est la question démographique et, justement, le 70 p. 100 pour ceux qui sont à plus faible revenu lorsqu'il y aura moins de payeurs de taxes. C'est peut- être une des questions les plus angoissantes. J'attire votre attention sur ce point parce qu'on ne l'a pas abordé aujourd'hui et je crois qu'il faut la regarder parce que, présentement, on tient pour acquis que tout ce qui est là présentement peut rester là, mais encore faut-il s'assurer qu'on soit capable de financer cette portion qui vient en partie de l'État.

(La séance est levée.)


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