Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 21 avril 2010


OTTAWA, le mercredi 21 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 16 h 28 pour étudier la mesure dans laquelle les Canadiens recourent à des comptes d'épargne libre d'impôt et à des régimes enregistrés d'épargne-retraite.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour mesdames et messieurs. Je déclare la séance ouverte.

[Français]

Cet après-midi, nous continuons notre enquête sur les systèmes de pensions au Canada. Les piliers du système de pensions canadien sont les suivants : la sécurité de la vieillesse, les pensions publiques et les pensions privées, et l'épargne personnelle. Nous nous concentrerons sur les incitations fiscales fournies dans le cadre de l'épargne personnelle.

[Traduction]

L'ordre de renvoi nous indique que notre étude porte sur la mesure dans laquelle les Canadiens recourent à des comptes d'épargne libre d'impôt et à des régimes enregistrés d'épargne-retraite, sur les mesures fédérales qui pourraient être prises pour augmenter l'utilisation de ces instruments d'épargne ainsi que les coûts, pour l'impôt, d'une utilisation accrue de ces instruments, et sur les moyens possibles d'assurer la protection de ces épargnes.

Nous accueillons aujourd'hui deux témoins qu'il est pratiquement inutile de présenter : M. Gordon Pape et M. David Dodge. Je vais commencer par M. Pape, l'auteur réputé de divers ouvrages sur les retraites, y compris 6 Steps to $1 millions, Get Control of Your Money, Retiring Wealthy in the 21st Century et The Retirement Timebomb. Il est également l'éditeur de Internet Wealth Builder, The Income Investor et Mutual Funds/ETFs Update. Vous êtes, monsieur Pape, un homme manifestement très occupé. C'est un plaisir de vous revoir après quelques années. Je crois savoir que vous avez préparé un exposé préliminaire et je vous invite à nous en faire part.

Gordon Pape, éditeur, The Income Investor, Mutual Funds/ETFs Update, The Canada Report et the Internet Wealth Builder à titre personnel : Je suis ravi d'être parmi vous. J'espère pouvoir contribuer de façon utile à vos débats et j'ai pour cela l'intention de vous faire part de quelques idées qui se distinguent de celles exprimées dans les témoignages que vous avez entendus jusqu'à maintenant.

Je dois vous préciser dès le début que je ne suis pas économiste, ni actuaire, ni spécialiste des retraites. Je suis un auteur. Mes réflexions sur la planification de la retraite reposent sur les recherches que j'ai faites pour écrire plus de 30 livres, auxquels le président a été assez aimable de faire allusion, et sur les relations que j'ai pu avoir avec de nombreux Canadiens lors des séminaires que j'ai donnés, en échangeant avec de nombreuses personnes, par écrit et au téléphone, et à l'occasion de rencontres personnelles.

Le fait de me pencher sur les systèmes de planification de la retraite m'a amené, avec le temps, à conclure que notre système canadien est l'un des meilleurs au monde. Nous avons de la chance. Cela dit, je suis d'avis qu'il est possible de l'améliorer. J'ai toute une gamme d'opinions sur ce sujet, mais je vais tenter aujourd'hui de limiter mes commentaires au mandat précis du comité, en particulier, à son troisième point, soit les façons dont il serait possible de protéger les épargnes investies dans les REER et les CELI.

De façon précise, je me permets respectueusement de recommander au comité d'étudier quatre initiatives et, s'il le juge pertinent, de recommander leur mise en œuvre. La première serait la création d'un régime enregistré national d'épargne-retraite, qui serait géré par des professionnels, auquel tout Canadien pourrait choisir d'adhérer et que les REER de groupe pourraient également utiliser. La justification d'une telle approche est que, en me fiant à mon expérience, la majorité des gens qui détiennent un REER n'ont que peu ou pas de connaissance du domaine des investissements. Nous leur avons accordé certains incitatifs fiscaux très avantageux pour les inciter à cotiser à ces régimes, et nous les avons ensuite laissés à eux-mêmes pour gérer leur argent de façon intelligente. Cela revient un peu à pousser un jeune enfant dans une piscine en espérant qu'il va découvrir comment nager avant de couler.

Je sais fort bien que de nombreuses personnes demandent l'aide de conseillers professionnels pour gérer leurs REER et, parfois, mais pas toujours, qu'elles bénéficient de bons conseils. Les conseillers qui vendent des produits peuvent se trouver parfois en situation de conflit d'intérêts, au détriment de leurs clients. Je serais ravi d'approfondir cet aspect si le comité le désire, mais ce n'est pas le thème principal dont je veux vous entretenir aujourd'hui.

Les investisseurs isolés sont confrontés à un autre problème, celui des coûts élevés. Je sais, pour avoir consulté les témoignages précédents, que c'est une question qui vous préoccupe réellement. Les ratios de frais de gestion des fonds communs de placement sont nettement plus élevés dans notre pays qu'ils ne le sont aux États-Unis. Je conviens que c'est un aspect qui fait débat dans une certaine mesure, mais ils sont indubitablement plus élevés. Ils amputent, de façon importante, les rendements qu'obtiennent les investisseurs sur leurs REER. Cela va encore s'aggraver lorsque la TVH entrera en vigueur en Ontario et en Colombie-Britannique le 1er juillet 2010.

Le fait de disposer d'un régime enregistré national d'épargne-retraite pourrait résoudre la totalité de ces problèmes. Cela permettrait tout d'abord aux personnes voulant y adhérer d'avoir la garantie que leur argent sera géré au mieux. En second lieu, cela ferait disparaître toute possibilité de conflit d'intérêts. Un tel régime permettrait aussi de réduire sensiblement les coûts. La semaine dernière, un témoin a expliqué à ce comité que l'écart des coûts entre les fonds communs de placement vendus à des particuliers et les régimes de retraite institutionnels est de 1,6 point de pourcentage par année. Un régime enregistré national d'épargne-retraite serait encore moins coûteux. Je sais que le comité s'intéresse aux coûts. Un régime enregistré national d'épargne-retraite ne coûterait rien au gouvernement puisque les dépenses seraient couvertes par le fonds de la même façon que les dépenses des fonds communs de placement le sont actuellement. Nous disposons déjà d'un prototype d'un tel régime avec l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada. Ce nouveau régime pourrait être géré par une direction de l'OIRPC ou par un nouvel organisme, mais les principes resteraient les mêmes : aucune interférence du gouvernement et liberté d'investir n'importe où dans le monde.

À ce sujet, je peux vous faire part de statistiques que vous ignorez puisqu'elles viennent d'être calculées à ma demande. Au cours de la décennie prenant fin le 31 décembre 2009, le taux annuel moyen de rendement composé sur les biens gérés par l'OIRPC a été de 5,61 p. 100. Lorsqu'on sait que nous avons vécu deux effondrements majeurs du marché pendant cette époque, c'est là un excellent rendement, et il est meilleur que celui obtenu par la plupart des fonds communs de placement. Il est supérieur au rendement annuel moyen des fonds canadiens d'actions, des fonds canadiens de placement équilibré et des fonds canadiens d'obligations au cours de la même décennie. Je ne dispose d'aucune preuve statistique, mais je crois que, dans ce pays, la vaste majorité des REER ont été loin d'obtenir un rendement aussi élevé de 5,61 p. 100 au cours de cette décennie.

Il y a une autre chose que je tiens à vous dire dans ce domaine : la participation à un régime enregistré national d'épargne-retraite serait facultative. Il n'y aurait aucune obligation. Les gens désireux de continuer à faire appel aux services de leurs propres conseillers ou voulant gérer leur argent eux-mêmes seraient libres de le faire.

Ma seconde recommandation, pour protéger les actifs des REER, est d'éliminer progressivement le Régime d'accession à la propriété et le Régime d'encouragement à l'éducation permanente. Si les objectifs de ces deux régimes sont fort louables, ces programmes détournent de l'argent des REER dont l'objectif essentiel est d'épargner pour la retraite. Je vais vous donner quelques chiffres qui ont été compilés à ma demande la semaine dernière par l'Agence du revenu du Canada. Depuis la création du Régime d'accession à la propriété, en 1992, les Canadiens ont retiré presque 24,3 milliards de dollars de leurs REER pour acheter des maisons. Les retraits destinés à alimenter le Régime d'encouragement à l'éducation permanente, qui a été lancé en 1999, ont totalisé presque 866 millions de dollars. Ces chiffres tiennent compte des données fiscales de 2009 traitées jusqu'à la fin de la semaine dernière. En combinant ces deux montants, c'est donc plus de 25 milliards de dollars qui ont été détournés de l'épargne-retraite et utilisés à d'autres fins. On peut, bien sûr, affirmer que cet argent doit être remboursé, mais une partie ne l'est jamais. Les gens l'intègrent tout simplement à leurs revenus et acquittent les impôts sur le montant à rembourser chaque année. D'après l'ARC, plus de 4 milliards de dollars empruntés dans le cadre de ces deux régimes ont déjà été retirés sous forme des revenus et n'ont donc pas été remboursés. Environ 4,7 milliards de dollars ont été remboursés. Cela nous laisse actuellement environ 13,6 milliards de prêts en cours. Si on se fie à la façon dont les choses se sont passées jusqu'à maintenant, environ 4,8 milliards de dollars de ce montant, ou 35 p. 100, ne seront jamais remboursés. Cela fait grimper les pertes pour l'épargne-retraite à presque 9 milliards de dollars.

Mais ce n'est pas tout. Il faut également tenir compte de la diminution de croissance d'un REER imputable à ces prêts. Dans mes livres, j'ai étudié cette question de divers points de vue. Dans l'un d'eux, j'analyse les répercussions de ces prêts sur deux personnes de 30 ans, dont l'une a emprunté 20 000 $ dans le cadre du Régime d'accession à la propriété, soit le plafond à l'époque où j'ai fait cette analyse, alors que l'autre n'a rien emprunté. En prenant pour hypothèse une période de remboursement de 15 ans et un taux annuel moyen de rendement composé de 8 p. 100, la personne qui a prélevé 20 000 $ pour acheter une maison se retrouve à 65 ans avec un REER d'une valeur inférieure de 127 000 $ à celle qui a laissé son argent dans le régime. Comme le plafond d'emprunt dans le cadre du RAP a été relevé récemment à 25 000 $, la perte éventuelle d'épargne-retraite est encore plus importante.

Comme de nombreux membres de ce comité s'en souviennent, au départ, le Régime d'accession à la propriété ne devait être qu'une mesure temporaire pour stimuler un marché du logement moribond pendant la récession du début des années 1990. Je suis d'avis que ce régime a dépassé sa durée de vie utile, en particulier maintenant que les gens peuvent verser leurs épargnes dans un CELI pour acheter une maison ou pour poursuivre des études, s'ils le veulent. Les REER devaient, au départ, être des régimes de retraite individuels destinés aux personnes dont l'employeur n'offrait pas de régime de retraite. Je propose que nous en revenions au principe de départ.

Ma troisième proposition est de mettre fin aux retraits forcés des régimes de retraite et de laisser les gens sortir leur argent des REER quand ils en ont besoin, et non pas selon un calendrier conçu pour permettre au gouvernement d'accéder plus rapidement à des recettes fiscales. Certains vous ont suggéré d'autoriser à détenir un REER jusqu'à un âge plus avancé. Pour moi, j'irais plus loin et proposerais d'abandonner complètement le concept de fonds enregistré de revenu de retraite, le FERR, et de permettre aux gens de conserver leur REER pendant toute leur vie, en imposant leurs retraits au moment où ils décident de les faire. De toute façon, la totalité de cette épargne finira par être imposée lors du décès du dernier conjoint survivant. Mme Tina Di Vito, directrice générale, Planification de la retraite au BMO Groupe financier vous a fait cette suggestion la semaine dernière, à ce que je voie dans la transcription de son témoignage, et je suis tout à fait d'accord avec elle.

Ma quatrième recommandation serait d'arrêter de considérer les retraits d'un REER comme un revenu pour l'attribution de prestations gouvernementales, comme le Supplément de revenu garanti ou les crédits d'impôt subordonnés au revenu. Les retraits des REER ne constituent pas plus des revenus réels que les retraits d'un compte d'épargne ne sont des revenus. Je conviens que les gens doivent être imposés sur leurs retraits parce qu'ils ont bénéficié d'une déduction au moment où ils ont cotisé, mais les pénalités financières qui leur sont imposées par le système devraient s'arrêter là. Je vois que vous allez entendre demain M. Richard Shillington, d'Informetrica Limited. Il a beaucoup écrit sur ce sujet et j'espère qu'il aura beaucoup plus de choses à vous dire dans ce domaine.

Monsieur le président, c'était là les principaux points que je voulais porter à l'attention du comité aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Je m'attendais, monsieur Pape, à ce que vous nous fassiez un certain nombre de recommandations, et ce fut bien le cas. Je vous remercie de cet exposé précis et concis. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir limité vos commentaires aux questions relevant du mandat du comité.

Le sénateur St. Germain : Monsieur Pape, merci de cet excellent exposé. Il était concis et précis et vous avez visé juste dans plusieurs domaines. En défendant votre proposition de régime enregistré national d'épargne-retraite, vous avez indiqué que des conseillers financiers sont en situation de conflit d'intérêts. Pouvez-vous nous expliquer l'origine de ce conflit?

M. Pape : Avec plaisir. Je vais le faire dans le contexte précis des fonds communs de placement parce que c'est un instrument très largement représenté dans les REER, et qu'il constitue un bon exemple en la matière.

Au Canada, nous appliquons des frais administratifs. Il s'agissait au départ, pour l'essentiel, d'assurer aux conseillers financiers une rémunération pour les conseils qu'ils donnent à leurs clients. Ces frais administratifs sont versés aux conseillers par les entreprises qui gèrent les fonds communs de placement. Le montant de ces frais administratifs varie selon le type de parts de fonds commun de placement qui sont vendues et selon le type de fonds.

Pour vous donner un exemple précis, et c'est ce que vous observerez dans toute l'industrie, Fidelity va verser aux conseillers 1 p. 100 de la valeur annuelle de tous les fonds d'actions et de placement équilibrés détenus par un client, 1 p. 100 pour les fonds achetés en acquittant les frais à l'acquisition, 0,5 p. 100 pour les fonds avec frais de sortie, mais le conseiller obtient plus sur ceux-ci au début. Toutefois, si le client décide d'acquérir un fonds du marché monétaire ou un fonds à revenu fixe, comme un fonds en obligations, les frais administratifs ne sont alors que de 0,25 p. 100. Donc, en prenant des parts pour lesquelles les frais sont facturés lors de l'achat, le conseiller est fortement incité à encourager le client à acheter ce type de part dans un fonds d'actions ou un fonds de placement équilibré pour toucher ces frais de 1 p. 100, alors qu'il n'a aucun intérêt à recommander l'achat d'un fonds à revenu fixe dont les frais administratifs ne sont que de 0,25 p. 100, même si, au moment, cela serait à l'avantage du client. Le conseiller n'a également aucun intérêt à inciter le client à échanger ses fonds contre d'autres types de titres comme, par exemple, des fonds négociés en bourse, parce que si l'argent sort des livres et que les parts de Fidelity sont vendues, le conseiller ne touche plus de frais administratifs de la société gérant le fonds commun de placement.

En me fiant aux études que j'ai consultées, j'aimerais croire que la plupart des conseillers privilégient les intérêts de leurs clients, mais ils n'y sont en rien tenus par la loi. Nous avons même vu de nombreux cas, en particulier pendant l'effondrement du marché de 2008-2009, dans lesquels de personnes plus âgées avaient placé des parts trop importantes de leurs actifs dans des titres ou dans des fonds d'actions et ont eu à s'en mordre les doigts.

C'est pourquoi je parle de la possibilité de conflit d'intérêts quand vous traitez avec un conseiller financier, sauf lorsqu'il s'agit d'un régime à commission. Dans ce cas, le conseiller n'a droit à aucun frais administratif. Nous pourrions vouloir instaurer dans ce pays un régime incitant tous les conseillers à choisir d'être rémunérés à commission, mais cela ne relève pas du mandat de ce comité. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur St. Germain : Vous avez également recommandé d'éliminer le calendrier des retraits obligatoires. En vous fiant à vos compétences et à votre expérience, le gouvernement a-t-il instauré ce calendrier pour obliger à vider les REER pour verser leur contenu dans les FERR avant le temps? Cherchait-il uniquement à encaisser des revenus plus rapidement?

M. Pape : Cela semble certainement être le cas, même si, bien évidemment, je n'ai pas été invité aux discussions ayant mené à l'époque à cette décision. Voyez les taux de retrait des FERR. À titre d'exemple, une personne âgée de 71 ans y prélève 7,38 p. 100 au cours de la première année, et ce pourcentage augmente chaque année, comme les membres du comité le savent. Nous répétons en permanence aux gens que, à cet âge, une part importante de leurs actifs devrait être placée dans des titres à revenu fixe. Le montant peut varier selon l'auteur des conseils mais, en règle générale, je dirais à des personnes âgées de 71 ans et plus qu'elles devraient placer au moins 60 p. 100 de leur épargne dans des titres à revenu fixe. Vous ne trouverez pas aujourd'hui de titres à revenu fixe permettant d'obtenir un rendement s'approchant de cela. Les taux sur les certificats de placement de montants élevés des banques sont de 2 p. 100, et ceux sur les montants faibles de 3,85 p. 100, et vous dites aux gens qu'ils doivent retirer 7,38 p. 100 de leur fonds. D'un coup, vous réduisez automatiquement leurs actifs.

Le sénateur Gerstein : Monsieur Pape, pour me préparer à notre réunion, j'ai lu quelques articles figurant sur votre site Web. Je vous le précise, parce que, jusqu'à maintenant, je n'ai pas acheté votre livre, mais je suis fortement tenté de le faire après avoir entendu votre témoignage aujourd'hui. Dans l'un de vos articles intitulé « Retiring Wealthy in the 21st Century », vous faites remarquer que les Canadiens de moins de 40 ans sont naturellement rebutés à l'idée d'investir des montants importants pour une retraite qui est encore loin. Vous précisez que les conséquences seront très coûteuses si on ne parvient pas à renverser cette tendance. Vous ajoutez que le fait de détourner de l'argent destiné à l'épargne-retraite pour procéder à d'autres achats, comme celui d'une maison, peut sembler une bonne idée au moment, mais que cela aura pour effet de réduire sensiblement vos revenus lorsque vous cesserez de travailler, à moins que vous n'ayez pris des contre-mesures bien adaptées.

Vous nous avez dit avoir lu les transcriptions de nos délibérations de la semaine dernière, et vous savez donc que l'un de nos témoins, M. Malcolm Hamilton, a expliqué que l'achat d'une maison est presque impossible à reporter à plus tard et que la plupart des gens ne peuvent effectivement pas le reporter. Ils doivent procéder à cet achat quand ils sont jeunes. Il nous a également expliqué que le fait de rembourser votre prêt hypothécaire vous facilitera la vie, et non le contraire, lorsque vous parviendrez à l'âge de la retraite.

Que pensez-vous du point de vue de M. Hamilton? Nous dites-vous, M. Pape, que les personnes jeunes ne devraient pas acheter de maison à moins d'être également en mesure d'économiser de l'argent pour leur retraite, comme vous l'indiquez clairement dans les points marquants que j'ai relevés dans la publication qui figure sur votre site Web?

M. Pape : Je n'affirme certainement pas que les personnes jeunes ne devraient pas acheter de maison. J'ai lu le témoignage de M. Hamilton. Il est très compétent, mais je ne suis pas toujours d'accord avec lui.

Ce que je tiens à dire, sans perdre de vue l'objectif, est que nous disposons maintenant d'autres solutions pour épargner à l'abri de l'impôt pour l'achat d'une maison avec le CELI. Ce compte n'existait pas lorsque j'ai écrit le livre et fait ces commentaires. Il existe aujourd'hui. L'objectif des REER a toujours été de constituer un revenu de retraite. Si quelqu'un veut économiser pour acheter une maison, il peut maintenant le faire en plaçant son argent dans un CELI. Je propose tout simplement de ne pas mélanger les deux. Ne détournons pas l'argent destiné à la retraite vers d'autres formes d'épargne.

Le sénateur Gerstein : Vous êtes quelqu'un de très connu qui a beaucoup écrit et j'aimerais que vous alliez au bout de cette question. Étant donné les dispositions de la Loi sur l'impôt et de toutes les mesures dont nous disposons aujourd'hui, laissez-vous entendre que les personnes jeunes ne devraient acheter une maison que si, ce faisant, elles sont encore en mesure d'épargner pour leur retraite?

M. Pape : Non, ce n'est pas ce que je propose. La décision leur appartient. C'est leur choix.

Le sénateur Gerstein : Cela ne m'a pas paru tout à fait clair quand j'ai lu les points saillants de votre exposé. Je suppose que je devrais acheter le livre.

M. Pape : Le livre a été rédigé il y a 10 ans, alors que le compte d'épargne libre d'impôt n'existait pas. Le régime en vigueur aujourd'hui est différent. Je ne me présenterais pas devant votre comité en proposant de laisser tomber le Régime d'accession à la propriété si le compte d'épargne libre d'impôt n'avait pas été créé. Maintenant que nous l'avons, je trouve que c'est une solution de remplacement viable.

Le sénateur Gerstein : Une fois encore, je me reporte à ce qu'a dit M. Hamilton qui semble avoir un point de vue différent du vôtre sur cette question importante. Il a expliqué au comité que les Canadiens sont terrorisés quand on leur annonce qu'ils n'auront pas de revenus suffisants pour leur retraite et qu'ils devront manger de la nourriture pour chien. Il ne croit pas que de tels avertissements soient justifiés. Il nous a rappelé qu'aucune génération de Canadiens n'a jamais épargné suffisamment pour sa retraite afin d'obtenir un revenu de remplacement de l'ordre de 70 p. 100 de celui obtenu pendant la vie active. Manifestement, vous n'êtes pas d'accord. Votre article intitulé « Retiring Wealthy in the 21st Century », commence par une description d'Emma, qui mange la moitié d'une boîte de macaroni pour son dîner et dont le téléphone a été débranché parce qu'elle n'avait plus les moyens de payer la facture. Croyez-vous que l'analyse de M. Hamilton, dans l'analyse qu'il fait de la situation, néglige un point important que, vous, vous prenez en compte?

M. Pape : Je m'en voudrais d'affirmer que M. Hamilton a laissé quelque chose de côté.

Le sénateur Gerstein : Que voudriez-vous qu'on retienne de ce que vous dites?

M. Pape : Il y a aujourd'hui des Canadiens, et ils m'adressent fréquemment des courriels, qui ne parviennent pas à conserver le niveau de vie que nous estimons qu'ils devraient avoir et qu'ils jugent convenir. Qu'ils mangent de la nourriture pour chien ou des boîtes de macaroni, ou quoi que ce soit d'autre, je sais qu'il y a des gens dont la situation financière n'est pas bonne. Je crois comprendre que le comité, pour l'essentiel, cherche des idées sur la façon d'aider à réduire ce nombre de personnes.

Le président : Dans le prolongement de la question du sénateur Gerstein, l'un des éléments proposés par M. Hamilton auquel nous semblons faire référence assez souvent, mais je ne sais plus avec certitude si l'idée est de lui ou d'un autre témoin, serait d'adopter un plafond à vie et non plus un plafond annuel des cotisations dans un REER. Je crois que c'est M. Hamilton qui a signalé, à tort ou à raison, mais je dois reconnaître que cela m'a séduit, que les gens qui ont des enfants et une hypothèque, peut-être une maison, et qui dépensent l'essentiel de leur revenu disponible, peuvent à l'occasion encaisser des montants importants, peut-être sous forme d'héritage ou en vendant leur maison quand ils vieillissent, et que c'est à ce moment-là qu'ils pourraient investir un montant important dans leurs REER. Ils ne peuvent toutefois pas le faire parce qu'il y a un plafond qui s'applique chaque année au lieu de couvrir toute la durée de vie. Que pensez-vous d'un plafond à vie, et que pensez-vous du plafond de 5 000 $ imposé pour le CELI?

M. Pape : Monsieur le président, au sujet d'un plafond à vie, j'ai effectivement lu ce témoignage et je sais que cette question a été soulevée à quelques occasions. Cela me paraît irréaliste, surtout parce que je demande comment vous calculeriez le plafond à vie? Les revenus des gens augmentent quand ils vieillissent. Aurez-vous des plafonds différents pour une personne gagnant 25 000 $ par année à 25 ans et pour une autre gagnant 100 000 $ ou 150 000 $ à 40 ans? Cela me paraît tout simplement irréaliste.

Les modalités actuelles d'application des REER font que, dans de nombreux cas, des gens sont autorisés à verser des montants importants dans leurs REER s'ils touchent un héritage ou obtiennent de l'argent autrement. Toutefois, si le comité veut étudier l'idée d'un plafond à vie, il me semble qu'il pourrait alors envisager tout simplement la possibilité de supprimer le plafond. Pourquoi plafonnons-nous l'épargne? Pourquoi y a-t-il une limite?

En ce qui concerne le compte d'épargne libre d'impôt, je voulais également attirer votre attention sur un autre point, sans pour autant vous surcharger avec toutes sortes d'idées. Puisque vous avez soulevé la question, oui, je suis d'avis qu'il faudrait revoir le plafond de 5 000 $ pour les gens de plus de 50 ans. Nous savons fort bien que le CELI est un instrument merveilleux, peut-être l'outil le plus efficace pour épargner qui ait été mis en place dans ce pays depuis les REER, mais les personnes plus jeunes peuvent manifestement en profiter beaucoup plus que les personnes plus âgées. J'aimerais beaucoup que cet aspect des choses soit pris en compte et, peut-être, que le plafond imposé aux personnes nées après une année donnée soit relevé.

Le sénateur Massicotte : Nous avons reçu quantité de documents du ministère des Finances, que vous avez probablement vus, dans lesquels ils prennent en bloc les programmes d'épargne structurés, soit les régimes de retraite et la sécurité de la vieillesse, pour calculer les revenus de remplacement que les gens peuvent obtenir. Nous avons un problème puisque les personnes appartenant à la tranche supérieure des revenus moyens ne peuvent pas obtenir 70 p. 100 de leur revenu pendant la vie active, si c'est le bon chiffre.

Ces chiffres ne tiennent pas compte de la valeur des biens immobiliers. Ils comprennent uniquement les régimes d'épargne organisés. Nous avons entendu quelques témoins qui l'ont mentionné et il est exact que, pour nombre de gens, leur maison représente une part importante de leur épargne. Nous avons même entendu un spécialiste nous affirmer que ces chiffres sont très trompeurs parce que quantité de gens, quand ils parviennent à l'âge de la retraite, ont fini de rembourser leur hypothèque et que leur maison représente un avoir propre important. Toutefois, nous avons également entendu un autre spécialiste nous dire qu'il y a un problème parce que beaucoup de gens veulent continuer à vivre dans leur maison et qu'ils ne sont pas prêts à déménager avant beaucoup plus tard dans leur retraite.

Nous ne disposons pas au Canada de mécanismes relativement peu coûteux pour utiliser ces épargnes et permettre à ces gens de profiter de cet avoir. Je sais que vous avez été le porte-parole au Canada d'une entreprise offrant des prêts hypothécaires inversés et que c'est précisément ce que vous proposez. C'est une solution probablement plus populaire aux États-Unis qu'ici. On pourrait prétendre que c'est une excellente façon de rentabiliser cet avoir sans réellement vendre la maison et c'est une modalité qui me paraît attrayante.

Un spécialiste nous a également signalé que le coût du capital est relativement élevé au Canada et a recommandé que le gouvernement instaure d'autres modalités de prêts hypothécaires inversés qui soient moins coûteuses.

Qu'en pensez-vous? Vous connaissez très bien les marchés financiers. Vous êtes le porte-parole de cette entreprise. Est-ce une solution peu coûteuse, ou est-elle dépendante du coût du capital et nous ne réalisons pas réellement quel est ce coût?

M. Pape : Je tiens à préciser un point. Je me suis occupé du Canadian Home Income Plan; il y a plusieurs années, au moins cinq ans et même peut-être plus. Toutefois, je connais bien le fonctionnement de ce système. J'ai également lu les témoignages entendus par le comité sur cette question.

J'ai toujours trouvé qu'une personne devrait pouvoir utiliser la valeur nette de son logement. Vous avez tout à fait raison; la valeur des logements représente des montants énormes dont les gens devraient pouvoir se servir, mais nous devons le leur permettre de la façon la plus efficace possible. Il y a plus d'un programme à leur être offert maintenant. Je crois qu'il y en a deux. De toute façon, c'est une solution trop coûteuse. C'est un programme très coûteux. Il se trouve tout simplement que c'est le seul que nous ayons.

S'il y a une façon de permettre aux gens d'accéder à la valeur nette de leur logement, en proportion de leurs revenus, il faut alors absolument veiller à ce que cet argent soit utilisé à bon escient, et c'est ce que j'ai essayé de dire avec insistance pendant les années où j'ai été leur porte-parole. Il ne faut pas que vous preniez simplement l'argent et le dépensiez pour faire une croisière. Pour l'essentiel, cet argent devrait être investi de façon très conservatrice. Je dis bien « très conservatrice » parce qu'avec la législation fiscale que nous avons actuellement dans ce pays, le coût de ce prêt devient alors un coût d'investissement. Il s'agit d'un prêt pour investir et vous pouvez déduire les intérêts payés sur ce prêt. Vous pouvez alors investir l'argent de façon conservatrice et, en réalité, déduire les coûts du prêt et obtenir l'argent sans avoir à payer d'impôt sur celui-ci.

En tenant compte de ceci, je suis d'avis qu'il s'agit là de programmes viables en autant qu'il y ait à la fois un mécanisme de protection et des garanties que les gens ne perdront pas leurs maisons. Il devrait y avoir un mécanisme quelconque pour s'assurer que l'argent est utilisé de la façon dont, à mon avis, le comité voudrait qu'il le soit, c'est-à- dire pour aider les gens qui éprouvent peut-être certaines difficultés financières. La recommandation qui vous a été faite était que le gouvernement mette en place un tel régime par l'intermédiaire de la SCHL. Je n'ai pas vraiment tenu à approfondir ma réflexion sur cette question, tout simplement parce qu'il ne me semblait pas que cela relevait du mandat du comité.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais maintenant en venir aux conflits touchant les conseillers ou les courtiers en investissement. Vous avez fait allusion aux fonds négociés en bourse qui sont, en règle générale, très diversifiés. Si je ne me trompe, les preuves empiriques devraient montrer que huit fois sur dix ils obtiennent des rendements totaux supérieurs à ceux des fonds gérés sérieusement. Vous pourriez peut-être dire aux membres du comité quels sont les coûts moyens d'un fonds négocié en bourse, privilégiant les actions, en regard des coûts dus à la possession et à la gestion de fonds commun de placement privilégiant également les actions. Lequel semble avoir le meilleur rendement à long terme? Quel est ce coût en regard de celui des fonds utilisés par la plupart des gens, soit les fonds communs de placement gérés sérieusement et non pas les fonds négociés en bourse? Combien de particuliers ont recours aux fonds négociés en bourse?

M. Pape : Vous touchez là à plusieurs points. Tout d'abord, je tiens à revenir à la formulation originale. Je trouve qu'elle induit en erreur. Standard & Poor publie un rapport trimestriel dans lequel ils évaluent le rendement des fonds communs de placement gérés sérieusement en regard, par exemple, de l'indice composite TSX ou d'un quel qu'autre indice servant à mesurer le fonds. Ils parviennent toujours à la conclusion que le pourcentage des fonds gérés sérieusement obtenant un rendement supérieur à celui de l'indice est inférieur à 50 p. 100. Ce que Standard & Poor ne nous dit pas est que tous les fonds indexés et tous les fonds négociés en bourse ont un rendement inférieur à l'indice par définition, ce qui fait que leur rendement inférieur est de 100 p. 100. Je l'ai signalé à quelques occasions à Standard & Poor en leur indiquant que ce que nous avons vraiment besoin de savoir et quelle est la contre-performance relative des fonds gérés sérieusement en regard des fonds indiciels, parce que la façon dont ils présentent l'information donne une fausse impression au grand public. C'est le premier point.

Votre second point concerne les coûts relatifs. Les fonds négociés en bourse aux coûts les plus faibles, et ce serait par exemple les iShares de départ et ce genre de chose, dont les coûts sont de l'ordre de 0,2 p. 100, et peuvent atteindre 0,5 p. 100 ou 0,55 p. 100 selon l'indice précis qu'ils utilisent. Un fonds commun de placement, en moyenne, un fonds de placement en actions, aura des coûts de l'ordre de 2,5 p. 100. Certaines entreprises ont des ratios de frais de gestion plus faibles sur leurs fonds. Ce pourrait être, par exemple, Phillips, Hager & North, qui appartient maintenant à la Banque Royale, Leith Wheeler à Vancouver, Mawer Investments, et cetera, mais, en règle générale, vous allez probablement obtenir un facteur de quatre à cinq pour les coûts annuels, sur un fonds commun de placement en actions destiné à des particuliers par opposition à un fonds négocié en bourse indexé de façon beaucoup plus large.

Il y a un autre point concernant les fonds négociés en bourse. Ils ne sont plus tous aussi diversifiés. Certains d'entre eux sont devenus plus spécialisés. Plus ils le sont, et plus il est difficile pour un particulier investisseur de s'y retrouver et plus le ratio des frais de gestion a tendance à être élevé. Certains de ces fonds spécialisés négociés en bourse ont des ratios de frais de gestion de plus de 1 p. 100. Les investisseurs doivent réaliser quels sont les coûts des fonds négociés en bourse et être en mesure de réellement comparer des pommes et des oranges pour faire la comparaison avec les fonds communs de placement ordinaires.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais revenir à la question des frais administratifs au sujet de laquelle vous nous avez donné un exemple. Tous les exposés que le comité a entendus jusqu'à maintenant ont traité de ce thème récurrent : la question des frais des régimes de retraite. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois savoir que ce sont les provinces qui accordent leurs permis de pratique aux conseillers financiers, conformément aux dispositions de leurs législations respectives.

M. Pape : Ils relèvent des pouvoirs des commissions provinciales des valeurs mobilières.

Le sénateur Ringuette : C'est exact. Comment pourrions-nous faire des recommandations concernant les conflits d'intérêts au sujet des frais administratifs puisque l'attribution des permis autorisant les conseillers à exercer leurs activités relève des provinces?

M. Pape : Tout d'abord, je n'ai pas suggéré que le comité fasse des recommandations dans ce domaine. J'ai utilisé l'exemple des frais administratifs et des conflits d'intérêts dans le contexte de la création d'un régime enregistré national d'épargne-retraite, qui serait géré par un organisme indépendant et qui ne serait donc pas exposé à ce type de conflit d'intérêts systémique. Je n'ai pris l'exemple des conflits d'intérêts que pour montrer que l'un des avantages de la mise en place d'un tel régime enregistré national d'épargne-retraite pourrait être d'éliminer l'une des préoccupations qu'on peut éventuellement avoir dans ce domaine.

Le sénateur Ringuette : Je comprends. Toutefois, ce faisant, vous avez attiré l'attention sur les conflits d'intérêts auxquels sont confrontés les conseillers financiers.

M. Pape : Oui. Ce n'est pas nouveau. C'est une question bien connue dans les milieux financiers qui a déjà fait l'objet de débats. Si les comptes à commission sont apparus, c'était précisément pour tenter de palier à ce problème. Si une relation conseiller-client repose sur des commissions, les frais administratifs disparaissent alors. Le conseiller ne se fait pas verser de frais administratifs. Le client reçoit un type différent de part, appelée part F, pour laquelle il n'a pas de frais administratifs à payer. Le conseiller n'a alors plus de raison de privilégier un fonds à revenu fixe, un fonds de placement en actions ou un fonds équilibré, et cetera.

Je ne sais pas quel est le pourcentage actuel de comptes à commission, mais je sais que ces comptes sont minoritaires. Je m'entretenais la semaine dernière avec un courtier et lui en ai demandé ce qu'il en était de ses comptes à commission. Il m'a répondu qu'il n'envisagerait pas d'en prendre un d'une valeur inférieure à 100 000 $ parce que cela ne serait pas rentable pour lui, de facturer de frais annuels de 1 à 1,5 p. 100. En réalité, ces comptes sont destinés uniquement aux personnes à revenus élevés.

Le sénateur Massicotte : Le Royaume-Uni doit adopter une loi interdisant tous les frais administratifs et ne permettant que le système de commissions. Êtes-vous d'accord?

M. Pape : Oui. J'aimerais qu'il en soit ainsi ici. Bien sûr, le Royaume-Uni peut prendre ce type de décision, mais ce n'est pas possible dans ce pays avec le partage des pouvoirs.

Le sénateur Ringuette : Ma seconde question me ramène à votre affirmation voulant que les retraits des REER ne soient pas réellement des revenus. Pourriez-vous élaborer un peu?

M. Pape : C'est archi simple. Les REER sont de l'épargne. Point final. Si vous prenez de l'argent sur lequel vous avez déjà payé des impôts et l'investissez dans un REER et l'en retirez, c'est toujours de l'épargne. Ce sont des revenus que vous avez personnellement mis de côté et non pas un revenu qui vous est versé par une tierce partie. Nous avons accepté, pour le Compte d'épargne libre d'impôt, que tout retrait n'entre pas dans le calcul des prestations subordonnées au revenu, des crédits d'impôt ou à quoi que ce soit d'autre auquel vous pourriez avoir droit. Comme je l'ai dit dans mon exposé, j'estime que puisque nous avons un allègement fiscal à l'entrée, nous devons payer à la sortie. Toutefois, pourquoi pénalisons-nous les gens en déduisant 50 cents de chaque dollar de leur Supplément de revenu garanti quand ils ne font que retirer leurs propres épargnes. Je suis certain que M. Richard Shillington va vous le dire demain, parce qu'il a étudié la question et que c'est le spécialiste en la matière, un tel système dissuade les gens à faible revenu d'épargner dans un REER.

Le sénateur Ringuette : Je suis d'accord avec vous, même si vous devez reconnaître qu'au départ, la cotisation au REER est une déduction.

M. Pape : C'est pourquoi je dis qu'il faut taxer les retraits d'un REER, mais les pénalités financières ne devraient pas aller au-delà et toucher les autres prestations subordonnées au revenu.

Le sénateur Ringuette : Vous dites que l'Agence du revenu du Canada devrait produire un genre de tableau indiquant le montant de vos cotisations à votre REER sur une base annuelle et le montant d'impôt que vous avez économisé.

M. Pape : Je ne suggère pas du tout cela, madame le sénateur. Je dis de taxer l'argent du REER comme un revenu, mais de ne pas considérer qu'il s'agit d'un revenu pour le calcul du SRG ou pour toute autre forme de crédit d'impôt subordonné au revenu. C'est tout. Il faut l'imposer de façon normale, mais ne pas élargir cette pénalité à d'autres domaines.

Le sénateur Ringuette : Cela fait quelques années que je désire que ce comité se penche sur les prêts hypothécaires inversés, parce que j'aimerais savoir comment ils fonctionnent et s'ils sont une bonne chose pour les Canadiens. Vous avez indiqué qu'il s'agit là de programmes coûteux pour les Canadiens. Pourriez-vous préciser?

M. Pape : Comme je vous l'ai dit, cela fait de nombreuses années que je n'ai plus de lien avec la société qui offre de tels prêts hypothécaires. C'est donc de l'histoire ancienne. Je sais que, comme on estime qu'il s'agit d'hypothèques à long terme, que l'emprunteur n'est pas tenu de faire des remboursements tant que la maison n'est pas vendue, ou jusqu'au décès du dernier conjoint survivant. Comme c'est toujours le cas pour les hypothèques, plus la durée est élevée et plus le sont les taux. La Canadian Home Income Plan Corporation vient d'ouvrir une banque à charte fédérale appelée HomeEquity Bank, une filiale de la HOMEQ Corporation. Ses dirigeants affirment que, comme il s'agit là d'un établissement de dépôt, cela leur donnera accès à de l'argent moins cher qui leur permettra de facturer des taux moins élevés pour les prêts hypothécaires inversés. Je ne sais pas s'il en est déjà ainsi. Tout ce que je sais est ce que j'ai lu dans la presse sur cette question.

Le sénateur Ringuette : S'agit-il d'une banque à charte fédérale?

M. Pape : Oui. Elle s'appelle HomeEquity Bank.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je suis intriguée par votre exemple des deux personnes de 30 ans, dont l'une dispose de 20 000 $ et l'autre a une maison. Lorsque je prendrai ma retraite, je vendrai ma maison, déménagerai dans une copropriété, ferai un versement initial et préparerai un nouveau budget. Après avoir vécu 30 ans dans ma maison, le taux d'intérêt sera probablement plus élevé que celui de 5,6 p. 100 que vous considérez comme avantageux.

De la façon dont vous avez présenté la situation, placer l'argent dans un REER au lieu de la consacrer à l'achat d'une maison serait une meilleure solution. En d'autres termes, si vous devez faire un choix, placez votre argent dans un REER. En ce qui concerne le revenu, la maison n'est pas imposable. Le profil que vous faites éventuellement en la vendant vous appartient. Lorsque vous prenez votre retraite, vous commencez à retirer l'argent du REER, que vous ajoutez à vos autres sources de revenus. Vous faites l'addition jusqu'à un certain point. Vous pouvez avoir différentes sources de revenus et finir par payer un montant plus élevé. Vous ai-je bien compris? Que vouliez-vous dire exactement avec les deux personnes âgées de 30 ans qui doivent décider ce qu'elles feront de leur argent?

M. Pape : Permettez-moi de préciser. Je voulais souligner le fait que nous détournons des avoirs des REER. L'un des mandats qui incombent au comité est d'étudier comment protéger les avoirs placés dans les comptes d'épargne libre d'impôt et dans les REER. Je voulais attirer votre attention sur le fait que c'est là un détournement de l'épargne- retraite. Je ne dis pas que posséder une maison est un tort. Je dis que si nous épargnons pour notre retraite en plaçant de l'argent dans un REER, faisons que cet argent serve à la retraite et pas à autres choses.

Le problème qui se pose avec la maison est que nous ignorons comment évoluera le marché immobilier. Nous avons vu ce qui s'est passé aux États-Unis. Sur certains marchés du Canada, la hausse de la valeur des biens immobiliers n'atteint pas 5,6 p. 100 par an. La situation est stagnante depuis de nombreuses années sur certains marchés alors que, dans d'autres, elle a explosé, comme à Vancouver et à Toronto, par exemple. La croissance a été beaucoup plus faible à Winnipeg et dans les Maritimes.

L'autre problème est celui que nous évoquons tout le temps. Fort bien, vous pouvez accumuler de l'argent dans votre maison, mais vous ne pouvez pas utiliser cet argent. Vous avez parlé de vendre la maison et de déménager dans une copropriété. Vous êtes-vous informée récemment des prix de ces derniers? Ils ne sont pas donnés. Si vous vendez votre maison en faisant un profit, il se peut que vous deviez presque tout consacrer à l'achat de votre logement en copropriété. Rien de tout cela n'est sûr.

Rien n'est sûr non plus à propos des REER. Je ne prétends en aucun cas dire que quelque chose est sûr. Je me contente simplement de revenir au premier principe. Que voulons-nous faire avec les REER. Nous les avons instaurés à l'époque de John Diefenbaker pour permettre d'épargner pour la retraite. Nous avons ensuite mis en place d'autres programmes pour faire d'autres choses, et nous avons détourné des REER, jusqu'à maintenant, quelque 25 milliards de dollars pour faire ces diverses choses.

Nous avons également mis sur pied un autre programme appelé compte d'épargne libre d'impôt, et nous disons aux gens d'y placer leurs économies. Ils peuvent y économiser de l'argent pour acquérir une maison et pour poursuivre des études. Ramenons les REER sur la bonne voie. C'était tout ce que je voulais dire, madame le sénateur.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai compris que, afin d'éviter de devoir payer des frais important pour l'administration d'un fonds, vous recommandez la mise sur pied d'une société indépendante à laquelle tout le monde pourrait avoir accès, que la personne soit travailleur autonome ou au service d'entreprise qui n'offre pas de régime d'épargne, afin de constituer un REER. Toutefois, si nous examinons le marché actuellement, à ce qu'il me semble, au cours des années à venir et probablement pendant longtemps, même un taux de 5,6 p. 100 semblerait élevé. Je ne crois pas que nous reviendrons à des rendements de 15 ou 20 p. 100, ou 18 p. 100. Nous étions dans une bulle artificielle. Si je me fie à ma mémoire, lorsque j'ai fait mes études, une entreprise qui réalisait un profit de 8 p. 100 était une excellente entreprise. Aujourd'hui, les gens considèrent cela comme un rendement faible.

Si nous revenons au principe de base, comment pensez-vous que cette organisation nationale parviendra à assurer un rendement à ces personnes? Le risque est important. Quel serait, selon vous, le rendement moyen obtenu par les gens sur une période d'une dizaine d'années?

M. Pape : Le taux réel pour 10 ans, au 31 décembre 2009, est de 5,61 p. 100 pour l'OIRPC. Voilà les vrais chiffres. Cela s'est produit au mauvais moment. Les chiffres que j'ai tendance à utiliser lorsque je réalise mes propres calculs pour des gens qui investissent de façon prudente oscilleront entre 5 et 6 p. 100. Il est bien évident que ce serait bien de viser 8 p. 100, mais vous devriez prendre davantage de risques pour y parvenir. Étant donné ce qui s'est produit au cours des 10 dernières années, je ne crois pas que le taux de 5,6 p. 100 qu'a obtenu l'OIRPC soit une cible irréaliste pour l'avenir.

Le sénateur Massicotte : Je suis tout à fait d'accord avec la suggestion faite par l'un des spécialistes qui a affirmé que la psychologie des gens est telle que si les gens doivent faire des démarches pour y adhérer, et que nous ne les y poussons pas, ils ne le feront pas. Êtes-vous d'accord? En d'autres termes, l'adhésion au régime devrait-elle être automatique, et il incomberait alors à ceux que ne veulent pas y participer de le faire savoir?

M. Pape : Je ne suis pas du tout d'accord avec cette approche. Je suis en profond désaccord avec tout ce qui serait obligatoire en la matière. Le témoignage auquel vous faites allusion, à ce dont je me souviens, disait quelque chose d'un peu différent. Il s'agissait d'encourager les gens à investir réellement dans les REER.

J'ai oublié les chiffres cités au comité, mais je crois que le montant total des REER est maintenant de l'ordre de 600 milliards de dollars. Beaucoup de cet argent est mal géré. Le régime national auquel je pense serait simplement conçu pour inciter les gens qui ne sont pas à l'aise avec la façon dont on s'occupe actuellement de leur argent, qu'il le fasse eux-mêmes ou que quelqu'un d'autre s'en occupe, à décider de participer à ce fonds. Je ne crois pas qu'il faudrait instaurer beaucoup d'incitatifs pour que les gens le fassent. Nombreux sont ceux qui en verraient immédiatement les avantages, et nombre de REER de groupe le verraient aussi. Vous allez vous heurter à l'opposition du secteur des services financiers. C'est une question de politique, et je vous laisse vous en occuper.

Le président : Je vous remercie, monsieur Pape, d'avoir témoigné aujourd'hui. Ce fut fort intéressant. J'espère que cela vous a autant plu qu'à nous.

M. Pape : C'est bien le cas. Merci beaucoup de cette occasion.

Le président : Nous comptons bien vous revoir à l'avenir.

Avant que je ne vous présente notre prochain témoin, nous avons ici un document remis par un témoin qui est en anglais uniquement. Puis-je avoir votre permission pour le remettre aux membres du comité? J'ai besoin de l'unanimité.

Des voix : D'accord.

Le président : Chers collègues, nous sommes ravis d'accueillir à nouveau parmi nous l'un de nos témoins habituels. J'espère que vous vous sentez à l'aise, monsieur Dodge. C'est un plaisir de vous revoir. Il y a quelque chose qui manque et j'ai enfin réalisé ce que c'est la horde de journalistes et de photographes qui vous suivait dans votre vie antérieure. J'ignore pourquoi vous avez cessé aussi rapidement de retenir leur intérêt. Sachez cependant que vous n'avez en rien reculé dans notre estime. Pour nous, vous êtes au sommet et nous vous remercions de prendre le temps de comparaître devant nous et de nous faire part de vos opinions sur les REER et le CELI.

M. Dodge est maintenant conseiller principal pour la firme Bennett Jones, président du conseil d'administration du C.D. Howe Institute, et chancelier de l'Université Queen's, dont certains d'entre vous ont entendu parler. Vous pouvez constater qu'il y a beaucoup d'admirateurs dans la pièce.

Donc, monsieur Dodge, je vous souhaite à nouveau la bienvenue et vous donne la parole.

[Français]

David Dodge, conseiller principal pour la firme Bennet Jones LLP, Chancelier, Université Queen's, à titre personnel : Je vous remercie, monsieur le président. Vous, les sénateurs, avez entendu jusqu'à maintenant plusieurs témoins qui sont beaucoup plus experts que moi. Je ne suis pas sûr que je puisse vous être d'une aide supplémentaire. Néanmoins, j'essaierai de répondre à vos questions au mieux de mes connaissances.

Laissez-moi d'abord faire quelques brèves remarques générales pour lancer les discussions, gardant à l'esprit que votre mandat est d'étudier d'une part, la mesure dans laquelle les Canadiens ont recours à des comptes d'épargne libre d'impôt et à des régimes enregistrés d'épargne retraite, et d'autre part, les dispositions fédérales qui pourraient être prises pour augmenter l'épargne en vue de la retraite compte tenu des coûts budgétaires de telles dispositions.

Je vais mentionner cinq points dans mon introduction.

D'abord, pour autant que ce troisième pilier de notre système d'épargne-retraite soit sous-utilisé, il n'en demeure pas moins très utile, bien que susceptible sans doute d'être amélioré.

Deuxièmement, les Canadiens doivent sacrifier une partie significative de leur consommation pendant qu'ils travaillent s'ils veulent jouir d'un niveau élevé de consommation une fois qu'ils sont retraités. En d'autres termes, ils doivent épargner plutôt que consommer une fraction relativement élevée des gains qu'ils tirent du travail durant leur vie active. En outre, les fractions des gains courants qui doivent être épargnées pour que le revenu après la retraite corresponde à une proportion donnée des gains précédents la retraite, augmentent rapidement en fonction des niveaux de revenus.

Le rapport que j'ai écrit pour le C.D. Howe fournit des estimations des fractions correspondantes. C'est dans le tableau 1.

Troisièmement, les travailleurs canadiens à revenu moyen ou moyen-supérieur n'épargnent pas assez, en moyenne, pour s'assurer d'un taux de remplacement de 50 ou 60 p. 100 de leur revenu préretraite — et a fortiori, d'un « étalon-or » de 70 p. 100.

Il va sans dire que les préférences et les besoins en matière de taux de remplacement varient selon les individus. Il n'y a pas de norme précise en ce qui concerne le taux de remplacement qui doit être ciblé ou l'âge à laquelle la retraite doit être prise. En somme, il n'y a pas de « juste » taux d'épargne.

[Traduction]

S'il n'y a pas en soi de justes taux d'épargne, le plafond imposé pour les REER de 18 p. 100 des gains actuellement admissibles au report de l'impôt est à peu près satisfaisant, ou même plus que satisfaisant, pour tous les contribuables, exception faite des 4 ou 5 p. 100 aux revenus les plus élevés. Là aussi, vous pouvez voir comment cela fonctionne au tableau 1.

D'autres personnes qui ont comparu devant vous ont prétendu que le plafond des gains devrait être relevé, et je ne suis pas nécessairement en désaccord. Toutefois, je pense que plafonner les cotisations à 18 p. 100 des gains annuels, avec le report des cotisations inutilisées, semble convenir dans l'ensemble, comme vient de vous le dire M. Pape.

N'oublions pas que ce régime a été mis en place à la fin des années 1950, puis révisé au début des années 1970, pour tenter de permettre aux gens de faire à leur propre compte ce que faisaient les régimes à prestations déterminées.

Permettez-moi maintenant de vous faire deux derniers commentaires, parce qu'il me semble que ce sont ceux qui peuvent réellement retenir l'intérêt du comité. S'il n'y a pas de juste taux d'épargne, il est important que les gens aient accès à des moyens d'investissement leur assurant un rendement net réel raisonnable, en tenant compte des risques, sur leurs épargnes pendant leur vie active, et c'est précisément ce dont vous parliez avec M. Pape, mais il faut aussi qu'ils aient accès à une pension adaptée ou à d'autres moyens leur assurant des revenus pour le reste de leur vie une fois en retraite.

J'espère que nous y reviendrons, monsieur le président, parce que je suis d'avis que, par de nombreux côtés, notre problème le plus important ne tient pas tant au processus d'accumulation, mais aux moyens auxquels les gens doivent faire appel.

On peut prétendre que le problème le plus grave touchant notre système actuel de REER est la disette de moyens de placement facilement accessibles et efficients pour les particuliers, et même encore pire, un manque de régimes de retraite efficients ou à faibles coûts pour les particuliers.

Hormis les régimes à prestations déterminées parrainés par les employeurs, ou les régimes hybrides, il n'existe pas de façon efficiente pour les particuliers de faire face au risque de devoir prendre leur retraite au mauvais moment, c'est-à- dire lorsque leurs avoirs financiers sont dévalorisés ou les taux d'intérêt bien inférieurs à leur tendance à long terme.

En théorie, les particuliers pourraient acheter chaque année et mettre dans leurs REER des rentes différées, mais le coût de ces produits est très élevé pour les particuliers. Dans la pratique, la principale solution qui s'offre aux détenteurs d'un REER, ou en vérité à la plupart des régimes de retraite à cotisations déterminées, alors que les rendements sont très faibles et que les éléments d'actif ont perdu de leur valeur, est tout simplement de retarder leur départ en retraite et d'attendre que les taux d'intérêt et les prix des actifs retrouvent leur niveau antérieur.

Il arrive bien évidemment que des personnes aient de la chance et prennent leur retraite au bon moment, avec des actifs beaucoup plus importants qu'elles ne l'auraient imaginé. Toutefois, le problème qui se pose alors est celui du partage des risques. Pour les gens ordinaires, dans un REER où, en vérité, même dans un régime de retraite à cotisations déterminées, il est très important de trouver des façons d'atténuer ces risques de situations défavorables au moment de votre départ en retraite. C'était bien sûr le grand avantage offert par les régimes à prestations déterminées que nous avions. Ce risque était atténué et étalé dans le temps sur tous les employés, mais, au bout du compte, c'est malheureusement le parrain du régime qui l'assumait. Toutefois, c'était là un élément important, celui du partage des risques, et je ne crois pas que les témoins y aient accordé autant d'attention qu'ils auraient pu le faire.

C'était là mes commentaires préliminaires. Je vais sincèrement m'efforcer de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Dodge. Comme d'habitude, vos commentaires ont été utiles et précis. Si vous me permettez d'abuser de ma fonction de président, puisque vous avez fait allusion au témoignage de M. Pape, que pensez-vous de l'idée d'un programme national de REER à participation volontaire?

M. Dodge : C'est une solution qui s'efforce, tout à fait à juste titre, de s'attaquer au problème actuel d'efficience des investissements. Vous pourriez retenir cette sorte de solution partielle uniquement, et je suis en cela tout à fait d'accord avec M. Pape, parce qu'il s'agit d'un régime volontaire. Vous pouvez également mettre sur pied une formule quelconque de moyens hybrides trouvant un moyen d'atténuer partiellement les risques dont j'ai parlé précédemment, et qui pourraient peut-être prendre la forme d'un ajout au RPC. Ce sont là des questions qui peuvent donner lieu à un débat intéressant. La question fondamentale est que la personne qui achète isolément des services de gestion d'investissement, soit les services d'acquisition et de cession de parts d'un régime de retraite, est confrontée à un coût énorme. Cette personne doit économiser beaucoup plus qu'elle ne le devrait si elle appartenait à un groupe, qu'on retienne la suggestion de M. Pape ou de quelqu'un d'autre.

Le sénateur St. Germain : Monsieur Dodge, c'est toujours un plaisir de vous voir.

M. Pape et d'autres témoins nous ont dit qu'une personne ne devrait pas être obligée à un certain âge de retirer les montants investis dans un REER pour les verser dans un FERR. Aujourd'hui, c'est à l'âge de 71 ans. Il a proposé d'éliminer les FERR. À 73 ans, c'est une question que j'étudie.

M. Dodge : Je vais répondre à votre question en m'en remettant aux principes, parce qu'il est difficile de dire si ce doit être 70, 71 ou 72 ans. Quel est le vrai principe sous-jacent? Lorsque nous avons créé ce moyen de placement, il s'agissait de permettre aux personnes, qui n'étaient pas couvertes par un régime de retraite d'entreprise ou du secteur public d'obtenir le type des résultats qu'ils auraient pu obtenir dans ce genre de régime. Quels étaient les régimes disponibles au départ? Pour l'essentiel, il s'agissait de régimes permettant le report de revenus. En remontant aux années 1920 et 1930, vous reportiez une partie de vos revenus pendant que vous travailliez, qui vous était versée par l'entreprise ou par quelqu'un d'autre par la suite. Plus tard, nous avons repris ces modalités pour mettre sur pied les régimes enregistrés. Il s'agissait pour l'essentiel d'étaler vos revenus sur votre durée de vie. C'était là l'idée.

Les REER sont donc apparus dans cette forme, et lorsque M. Benson a refondu la législation sur l'impôt en 1969- 1970, et qui a été adoptée en 1971, ils apparaissaient comme un flux financier parallèle. Nous avons pris grand soin en 1975-1976, en révisant les modalités des REER, de nous assurer de disposer d'un régime équilibré pour que personne ne puisse cumuler pension et traitement. Nous avons lancé cette idée d'un facteur d'équivalence afin qu'une personne ne puisse pas encaisser en même temps une retraite à prestations déterminées et un REER. C'était l'idée. Si c'est le concept fondamental auquel vous pensez, l'idée serait alors de payer tout au long de votre durée de vie, aussi longue soit-elle. Bien évidemment, dans un régime à prestations déterminées, le montant est versé comme une rente. En réalité, vous pouvez prendre une rente à même votre REER. Le problème est que vous vous adressez à titre individuel et non pas en groupe à une compagnie d'assurance. Cette compagnie d'assurance applique des critères de sélection défavorables, ce qui l'amène à vous facturer des montants très élevés.

Il s'agissait pour l'essentiel d'obtenir une rente qui durerait toute votre vie, avec une sorte quelconque de prestations au conjoint survivant après votre décès. Dans ce contexte, fixer un âge auquel vous commenciez à encaisser votre retraite était tout à fait logique. Nous avons retenu l'âge de 71 ans. Nous l'avons ramené à 69 ans pendant quelques années pour revenir ensuite à 71 ans. Je ne saurais vous dire si c'est l'âge qui convient réellement, mais, de façon conceptuelle, c'est la bonne chose à faire.

Le sénateur St. Germain : Comment ces faibles taux d'intérêt de 0,25 p. 100 sur les épargnes ont-ils touché les personnes âgées? Elles doivent prélever de l'argent à même leur capital. Beaucoup de gens sont dans cette catégorie.

M. Dodge : J'ignore la réponse à cette question. Bien évidemment, si les gens avaient, comme l'a recommandé M. Hamilton, un portefeuille d'obligations bien structuré, et que certaines de ces obligations arrivaient à expiration chaque année, il est certain que le réinvestissement de ces fonds ne se ferait pas au même taux obtenu sur les obligations arrivées à expiration. Cela ne fait aucun doute.

Le problème le plus important qui se pose est celui des personnes qui arrivent juste à l'âge de la retraite ou qui voudraient prendre leur retraite. Ces taux d'intérêt très faibles ont fait exploser les coûts des rentes. Il est tout d'abord très coûteux d'acheter une rente aujourd'hui. En second lieu, cela a incité les gens à investir davantage dans des actions qui ne l'auraient fait autrement.

Lorsque vous êtes parvenu à ce point dans le cycle des taux d'intérêt, et ce sont de longs cycles, vous pouvez très certainement vous retrouver dans une situation tout à fait désavantageuse.

Le sénateur Harb : Monsieur Dodge, en parcourant le document publié par le C.D. Howe Institute, on ne peut s'empêcher de relever une petite conclusion flagrante vers la fin qui met en évidence deux choses. Tout d'abord, l'institut, comme vous, conclut qu'il faut disposer d'un moyen permettant aux gens d'investir leur épargne. Vous y avez fait allusion dans vos commentaires. La seconde chose que vous dites dans ce document est qu'il y a un mécanisme de compensation quand on parle d'épargne. Vous pouvez avoir une qualité de vie inférieure maintenant, en disposant de moins d'argent à dépenser et pour soutenir votre famille et vous-même, ce qui vous permet d'épargner pour obtenir une meilleure qualité de vie plus tard, ou avoir moins plus tard. Vous soumettez cette question à discussion.

Il semble que la Colombie-Britannique ait décidé de mettre en place un système provincial qui permettra aux particuliers, travailleurs autonomes ou autres, d'adhérer à un tel système qui sera géré à l'échelle de la province. Êtes- vous d'avis que c'est une solution qui conviendrait également pour le gouvernement du Canada? Les Canadiens devraient-ils adopter cette approche s'il s'avérait que l'expérience britanno-colombienne donne de bons résultats?

M. Dodge : Il y a là deux questions. L'une concerne la phase d'accumulation et l'autre la phase de sortie. Un instrument qui permet l'achat d'une rente à la fin à des tarifs de groupe, en utilisant les tableaux d'espérance de vie de l'ensemble de la population, à l'opposé de ce qu'une compagnie d'assurance facturerait à un particulier, serait d'une très grande utilité. Cela ne concerne pas que la phase d'accumulation, mais aussi la phase de sortie.

Je ne suis pas ici en train de blâmer les compagnies d'assurance. Mon père a travaillé pour Canada Life, et je me souviens qu'il m'expliquait que l'un des principes qu'utilisait cette compagnie était que les rentiers allaient vivre éternellement et que les acheteurs d'assurance-vie allaient mourir immédiatement. Chaque compagnie d'assurance doit tenir compte des faits de la vie.

Constituer des groupes est très utile, non seulement pour permettre une meilleure gestion de l'actif pendant l'accumulation, mais également pour permettre d'appliquer un coût raisonnable à la sortie. Pour nombre de personnes, même si ce n'est pas pour tout le monde, les rentes, aussi ennuyeux que cela puisse paraître, sont sans aucun doute la meilleure façon de sortir d'un régime, parce que vous obtenez alors une protection pour le reste de votre vie.

Le sénateur Harb : L'un des témoins nous a dit qu'il n'y a pas dans notre pays de crise des retraites et que nous faisons tout simplement face à une crise économique qui a causé la pagaille, et qu'il se trouve qu'une grande partie de l'argent des caisses de retraite et des REER, et de ce genre de placements, a été victime du ralentissement économique. Partagez-vous ce point de vue?

M. Dodge : J'hésite à utiliser le terme de crise quand il n'y a pas de crise réelle. Nous avons un problème, mais c'est un problème que nous connaissons bien. Avec le temps, nous pouvons examiner tous ces cycles, et nous en avons connu plusieurs depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il y a des périodes au cours desquelles les taux d'intérêt ont été très faibles et d'autres au cours desquelles ils ont été très élevés. Qu'il s'agisse de taux nominaux ou réels ne change pas beaucoup la situation.

Lorsque nous parlons des gens qui épargnent pour leur retraite, nous traitons de mécanismes qui s'étalent sur plusieurs décennies. Entre le moment où une personne commence à travailler et celui de son décès, un particulier vivra probablement trois ou quatre de ces cycles. C'est très difficile dans le contexte des REER ou dans celui des régimes de retraite à cotisations déterminées, mais nous devons essayer d'adoucir ces cycles. Les comptables et les actuaires, en particulier les organismes comptables de normalisation, ont beaucoup aggravé la situation pour nous tous. Néanmoins, c'est ce à quoi nous savons que nous serons confrontés, au moins en nous fiant à la façon dont les choses se sont déroulées par le passé, et certainement en remontant aussi loin qu'au XIXe siècle. Nous devons réfléchir à des façons d'y parvenir, assez rapidement, parce que les travailleurs moyens, dans leur large majorité, n'aiment pas les risques, et nous avons réellement besoin de moyens pour répartir de façon raisonnable ces risques.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Dodge, permettez-moi de vous remercier au nom de tous les Canadiens pour continuer à vous occuper des questions de politique publique et contribuer à l'analyse de ces questions. Nous en profitons tous et le pays vous est redevable de votre contribution.

J'aimerais savoir ce que vous pensez des régimes à prestations déterminées et à cotisations déterminées. Nous savons que les deux tiers de toutes les entreprises privées n'ont pas de régime de retraite et que, chez celles qui en ont, on a observé, au moins au cours des dernières années, une tendance marquée à privilégier les régimes à cotisations déterminées et non pas à prestations déterminées. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez. Cela exerce certainement une influence sur la sécurité du revenu des personnes retraitées. Est-ce là un choix important pour nous comme pays en ce qui concerne la certitude socio-économique, les taux d'épargne et les investissements à long terme en infrastructures? Si c'est important, devrions-nous faire quelque chose pour favoriser les régimes à prestations déterminées? Quand nous disposons d'un excédent, les tribunaux sont saisis pour savoir à qui il appartient. Est-ce une question importante et, si oui, que devrions-nous faire pour favoriser les régimes à prestations déterminées?

M. Dodge : Nous sortons ici un peu du sujet, mais la vraie question est de savoir comment nous pourrons nous y prendre pour partager dans une certaine mesure les risques. C'est ce que faisaient les régimes à prestations déterminées, tels qu'ils étaient conçus au départ. Nous avons maintenant ce que nous pouvons appeler des régimes hybrides, qui comportent un volet important à prestations déterminées, mais également de meilleurs éléments de partage des risques avec les commanditaires. Je suis l'un des derniers à penser que c'est là une bonne idée qui profite aux travailleurs, et en réalité aux employeurs également.

Permettez-moi d'aborder cette question sous deux angles, soit celui de la première question que vous avez posée et celui de l'explication de l'implication de la Banque du Canada dans ces questions, soit ce que cela signifie pour l'efficience de nos marchés des capitaux quand nous n'avons pas de régimes de retraite qui veulent investir dans ces actifs à long terme parce qu'ils ont un passif à long terme, dont les infrastructures sont un élément, même si le prix actuel au marché de ces éléments d'actifs peut être volatil dans le temps? Cela ne les préoccupe pas. Ils savent qu'ils auront des obligations dans 40 ans, mais pas l'année prochaine. Il nous semble qu'un système de caisse de retraite qui prendrait ces sortes d'actifs et améliorerait le fonctionnement des marchés de capitaux présenterait des avantages énormes.

Dans la mesure où nous tenons pratiquement notre comptabilité à la minute, il semble que vous essayez de gérer une retraite année par année, et le fait que nous allions sur le marché fait croire qu'à chaque fois que nous y allons nous créons un excédent ou un déficit imaginaire et nous nous emballons tous à ce sujet. Si nous créons un excédent, nous disons que la loi de l'impôt ne vous permet pas de verser plus de cotisations et de les déduire de vos impôts. Si nous créons un déficit fiscal, alors vous devez le payer intégralement très rapidement. Cela décourage l'efficience même des marchés de capitaux que vous voudriez avoir. C'est une question différente de celle que vous discutez ici aujourd'hui, mais je crois qu'elle est importante. Nous nous demandons ici s'il y a moyen, dans le cadre du système actuel d'épargne des particuliers, le système des REER, d'élaborer des outils pour gérer ces épargnes de façon efficiente durant la vie et de vous permettre de sortir du régime d'une façon efficiente lorsque vous prenez votre retraite. De cette façon, vous abordez en partie certains de ces éléments de risque et vous rendez les choses très difficiles.

Le sénateur Massicotte : Je crois savoir que l'Australie s'est dotée d'un programme auquel tout le monde est inscrit automatiquement, mais dont les gens ont également le droit de se retirer. La justification en est que vous devez pousser un peu les gens à épargner, peut-être parce qu'ils sont ignorants des questions financières ou que les calculs de coûts sont trop complexes, et nous devrions alors mettre sur pied au Canada un programme s'inspirant de l'exemple australien avec lequel tout le monde serait poussé à épargner. Que pensez-vous d'un tel type de programme?

M. Dodge : Il me semble qu'on dispose de quantité de preuves, pas uniquement dans ce domaine, mais dans beaucoup d'autres, que si vous inscrivez les gens à quelque chose, que ce soit en les abonnant à un magasine ou à la câblodistribution, alors que votre abonnement est automatiquement reconduit sans que vous ayez à faire quoi que ce soit, cela a un effet énorme sur le comportement des gens. On dispose de quantité de preuves qui montrent que le fait de pousser les gens fait grimper les taux de participation, quel que soit le domaine. Que ce soit là une bonne et une mauvaise chose peut faire l'objet de discussion.

Dans ce domaine, je suis passablement volontariste et je dirais que les gens devraient réellement être tenus de faire la démarche, de s'inscrire afin de savoir à quoi s'ils s'engagent au début, mais je ne crois pas qu'on puisse mettre en doute les preuves qui laissent entendre que ce type de coup de pouce donne réellement des résultats.

Le sénateur Greene : J'aimerais vous demander d'où vient le taux de remplacement de 70 p. 100. Nous avons eu un témoin la semaine dernière qui a défendu énergiquement un taux de 50 p. 100, en faisant l'hypothèse que votre maison est payée et que vous n'avez plus d'enfant à la maison. Cette question m'est apparue importante à étudier pour nous parce que, si l'objectif à atteindre est de 70 p. 100, nous devons alors être beaucoup plus créatifs avec nos solutions que nous le serions s'il est uniquement de 50 p. 100.

J'aimerais savoir d'où vient ce 70 p. 100 et comment il est justifié.

M. Dodge : Dans ce domaine, c'est un peu comme l'appréciation de la beauté. Cela dépend de la personne qui parle. Par le passé, on a estimé qu'un travailleur d'usine prenant sa retraite aurait besoin de 70 p. 100 de ses revenus pendant sa vie active pour survivre. Il faut garder à l'esprit que, à cette époque, il n'y avait pas de RPC, ni de sécurité de la vieillesse. Vous deviez vous débrouiller tout seul.

Je crois que ce qu'on appelle la norme idéale de 70 p. 100 est enracinée dans le temps. Je ne pense pas qu'il y ait de bon chiffre, et c'est ce que j'ai dit dans mes remarques préliminaires. Par contre, je crois que Malcolm Hamilton exagère quand il affirme que tout le monde peut vivre avec 50 p. 100 de ses revenus antérieurs. Cela nous ramène un peu à ce que vous discutiez précédemment en vous demandant si vous pourriez effectivement libérer la totalité de la valeur que représente votre maison. Beaucoup estiment que vous n'avez plus besoin d'une maison aussi grande lorsque vous prenez votre retraite. En me fiant à mon expérience, vous avez pourtant besoin d'encore plus de place en prenant votre retraite, parce qu'en plus de vos enfants, il y a leurs enfants et leurs conjoints, et cetera, qui viennent vous rendre visite. La notion de liquidation ou de monétisation n'est pas claire du tout. Je ne crois pas qu'on puisse dire que personne n'a besoin de plus de 50 p. 100 de ses revenus antérieurs. Il ne faut pas non plus oublier que quantité de gens ne sont jamais propriétaires de leur domicile.

Je ne pense donc pas qu'il y ait de bon chiffre. C'est pourquoi nous avons été assez prudents dans notre document pour dire que si 70 p. 100 est l'idéal à atteindre, 60 p. 100 n'est pas mal du tout. Vous vous retrouvez encore sur le podium. Vous n'êtes peut-être pas sur la première marche, mais vous êtes encore sur le podium. Il se peut que 50 p. 100 suffisent pour les personnes aux revenus les plus élevés. Vous avez le choix de ce que vous voulez faire quand vous prenez votre retraite, voyager parce que vous ne pouviez pas le faire lorsque vous aviez un emploi, ou parce que les enfants étaient là, ou est-ce tout à fait le contraire, vous serez satisfait de rester vous bercer sur votre perron lorsque vous serez en retraite. C'est un choix personnel. Il n'y a pas de bon chiffre.

Le sénateur Ringuette : C'est toujours un plaisir de vous compter parmi nous, même si c'est sur un sujet différent cette fois-ci.

Nous avons relevé une affirmation commune chez tous les experts que nous avons entendus qui estiment que les frais imposés aux détenteurs individuels de régimes de retraite sont excessifs, et vous l'avez d'ailleurs dit vous-même.

Lorsque j'ai interrogé les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, je voulais obtenir la moyenne du montant des frais et ils m'ont répondu que c'est environ un taux composé de 3 p. 100. Si vous prenez un investissement à 3 p. 100 sur une base annuelle, lorsque vous arrivez à la 20e année de cette première année d'investissement, le capital investi alors a disparu à cause des frais. Vous avez ajouté que nous devons nous pencher sur un autre type de frais, facturés au moment du retrait, qu'on pourrait appeler les frais de rente ou de pension. À votre connaissance, de quel type de frais s'agit-il et comment sont-ils calculés?

M. Dodge : La vente par une compagnie d'assurance de rentes individuelles est une proposition risquée pour les motifs que je vous ai déjà donnés, soit que la personne qui s'adresse à vous pour acheter cette rente pense qu'elle va vivre très longtemps. Si vous ne pensez pas vivre très longtemps, vous n'achetez pas de rente. Quand elles traitent avec des particuliers, elles font face à un risque réel et les frais sont très élevés.

Le sénateur Ringuette : Par exemple?

M. Dodge : Cela revient à calculer combien vous devez payer pour bénéficier d'un revenu de 1 000 $ pendant toute votre vie. Dans le cas d'un homme de 65 ans avec une conjointe, cela voudra dire 12 ou 13 000 $ par millier de dollars de revenu. Au niveau d'un particulier isolé, il pourra lui en coûter entre 17 000 et 18 000 $. Cela fait une grande différence.

Ce n'est pas une critique des compagnies d'assurance. Il s'agit pour elles de constituer un groupe suffisamment diversifié pour leur permettre de parvenir à modéliser votre espérance de vie en regard de la durée de vie réelle au sein du groupe.

Il y a un certain nombre de régimes plus petits qui se heurtent exactement au même problème. Nous constatons, par exemple, que les enseignants vivent plus longtemps que prévu lorsque les régimes ont été mis sur pied au départ. C'est ainsi qu'il s'avère que les professeurs de l'Université Queen vivent beaucoup plus longtemps après leur retraite que nous ne l'avions prévu. Les groupes peuvent également éprouver des difficultés, mais il y a des façons de les gérer dans le temps. C'est très difficile à faire pour un particulier.

Cela revient un peu à ce que M. Pape disait dans un contexte différent. Vous avez besoin dans ce domaine d'un collectif pour vous aider à réduire les coûts de gestion pendant la phase d'accumulation, ce qui vous permet d'en faire profiter le groupe. Vous partagez les risques entre tous les membres du groupe en retraite.

Le sénateur Moore : Monsieur Dodge, nous ne sommes pas habitués à vous voir sans être accompagné du sous- gouverneur Paul Jenkins. Il nous manque également.

Je voulais vous interroger sur quelques-uns des derniers commentaires qui figurent dans votre exposé, soit que les gens n'ont pas suffisamment de moyens pour épargner de façon efficiente pour leur retraite, en particulier s'ils la prennent au mauvais moment, comme avec la baisse actuelle du marché que nous subissons encore dans une certaine mesure.

La semaine dernière, l'un des témoins nous a dit qu'il faudrait disposer d'une certaine marge de manoeuvre pour pouvoir augmenter le montant de cotisation d'une personne dans son REER afin de compenser la perte qu'elle pourrait avoir subie du fait de la diminution récente de la valeur au marché de ses actifs.

Qu'en pensez-vous?

M. Dodge : C'est délicat. Nous savons que ces cycles vont se manifester. Vous ne pouvez pas dire que le pauvre Pierre est arrivé au mauvais moment et qu'il faudra lui consentir des conditions spéciales, à moins que vous ne soyez prêts à dire en même temps à Jean qui a obtenu de bons résultats que vous allez lui en prendre une partie. C'est bien évidemment ce que font les régimes à prestations déterminées de grands groupes. Toutefois, je ne voudrais pas être le ministre qui devrait prendre de telles mesures au niveau individuel.

Le sénateur Moore : Vous nous avez dit qu'il n'y a pas suffisamment de moyens d'économiser pour la retraite. Avez- vous des idées à nous soumettre? Vous nous avez dit que les rentes sont coûteuses et ne constituent donc pas une solution pour les particuliers.

M. Dodge : Vous avez entendu des idées sur divers types de modalités collectives qui pourraient présenter un intérêt. N'importe laquelle apporterait des progrès par rapport à ce que nous avons actuellement, que ce soit celle dont a parlé Gordon Pape ou celle envisagée par Keith Ambachtsheer quand il a comparu devant le comité. Il y a de nombreuses façons de procéder. À titre personnel, je trouve que cela bride un peu votre liberté de choix, mais ce n'est pas nécessairement un mal.

Le sénateur Moore : Vous étalez les risques.

M. Dodge : Tout à fait, vous étalez les risques. Cependant, que vous vous y preniez d'une façon ou d'une autre, vous devez constituer un groupe assez large. Vous pourriez avoir un vaste régime auquel tous les travailleurs du secteur manufacturier pourraient décider d'adhérer, mais vous allez avoir besoin d'un groupe important, ou d'un régime dans une province, ou d'une solution s'approchant de celle de Keith Ambachtsheer.

Le sénateur Moore : Quand vous parlez d'un groupe important, vous voulez dire au moins 100 000 personnes? Qu'en pensez-vous?

M. Dodge : Il vous faudra au moins atteindre ce nombre si on se fie aux régimes importants qui ont obtenu d'assez bons résultats. Le CN a géré un bon régime pendant de nombreuses années. Je ne sais pas s'il faut atteindre les chiffres que vous avez mentionnés, mais plus le groupe sera important et plus vous pourrez étaler les risques.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur Dodge, je vous souhaite la bienvenue. C'est un plaisir de vous revoir.

Il y a deux écoles de pensée, le 50 p. 100 et le 70 p. 100, dépendamment de ce qu'on appelle « épargne pour notre retraite ». Par contre, l'âge moyen pour le Canada augmente de façon assez rapide chaque décennie. Si on pense qu'il faut commencer à retirer 7,5 p. 100 dès l'âge de 71 ans, je me dis que cela ne peut pas durer très longtemps.

J'ai fait un calcul rapide. Si on fait l'exercice d'enlever un montant chaque année équivalent à 7,5 p. 100, et ce, chaque année, il en résulte que vers l'âge de 82 ou 83 ans, on se retrouve avec presque rien; et d'après les statistiques, les femmes peuvent vivre plus longtemps.

À quel moment peut-on songer à retirer 5 p. 100 au lieu de 7,5 p. 100 ou à avoir le choix de commencer à retirer 5 p. 100? Si on a d'autres revenus, le problème ne se pose pas. Toutefois, s'il s'agit du seul revenu que l'on a et qu'on veut demeurer dans notre maison et qu'on nous oblige à retirer le 7,5 p. 100, j'ai bien l'impression qu'on va finir très pauvre à l'âge 85 ans.

D'après vous, le 7,5 p. 100 est-il fondamental? Est-ce un principe duquel on ne peut dévier? Quels seraient les désavantages d'avoir le choix entre le 5 p. 100 et le 7,5 p. 100?

Si je ne veux que 5 p.100 de mes REER dès mes 71 ans parce que je n'ai pas besoin de plus et que j'espère vivre jusqu'à 100 ans et que je ne veux pas me retrouver pauvre les dernières années de ma vie, est-ce possible? Cela peut sembler hypothétique, mais on visite des résidences de personnes âgées où l'on voit de telles situations. Évidemment, ces gens paient des frais mensuels. Un jour, ils n'auront peut-être plus les moyens d'habiter là où ils habitent. Peut-être n'y aura-t-il plus de résidences pour personnes âgées moins dispendieuses qui pourront les accueillir. Ils devront déménager et à 85 ans, ce n'est pas très facile. C'est cette réalité que l'on voit lorsqu'on se promène dans les comtés. On a beau être sénateur, on parcourt les comtés.

Ces critères ne semblent pas convenir à tous. Pourquoi ne serait-ce pas flexible? Il pourrait y avoir un plancher et un plafond. De toute façon, tôt ou tard, il y aura de l'impôt à payer. Quelle serait la règle qui ferait qu'on serait obligé de retirer 7,5 p. 100 de nos REER à partir de l'âge de 71 ans?

M. Dodge : Je vais répondre en anglais parce que c'est une question assez complexe.

[Traduction]

Cela nous ramène à ce que j'ai dit plus tôt. Le concept de départ était que le rentier reçoive une rente à vie et que son conjoint ou sa conjointe ait droit, après le décès du rentier, à un pourcentage calculé à l'avance de cette rente. Toutefois, ce n'est pas une solution efficace pour les particuliers, et c'est la raison pour laquelle nous avons inventé ce que nous avons appelé le Fonds enregistré de revenu de retraite. À l'époque, nous estimions qu'il devrait être calqué d'aussi près que possible sur le modèle des rentes.

Il est bien évident que cela ne vaut pas une rente. Avec une rente, vous avez éliminé le risque du moment de votre décès, parce que vous l'avez payé. Devrions-nous modifier ces règles pour le FERR? Cela me paraît un point de vue qu'il est tout à fait possible de défendre. Vous le poussez beaucoup plus loin que ce que nous avons fait au moment de sa création, et vous avez peut-être raison. Je préférerais, quant à moi, trouver des façons efficientes de permettre aux gens de convertir les actifs qu'ils ont accumulés en rentes. C'est ainsi que vous vous protégez contre la probabilité que vous ou votre conjointe viviez plus de 40 ans, environ, après votre départ en retraite.

Je ne crois toutefois pas qu'il y ait une solution facile pour y parvenir dans le contexte du FERR, parce que celui-ci ne comporte pas d'éléments de partage des risques.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Cela voudrait dire qu'on prendrait ce montant, on le verserait dans un fonds qui nous assurerait d'un montant égal pour le reste de nos jours, donc jusqu'à 100 ans. C'est ce que vous prétendez?

Lorsque l'argent est dans le REER et qu'on administre notre REER, automatiquement, il faut retirer 7,5 p. 100 la première année de notre retraite et il en va de même chaque année et il ne reste plus un sou au bout de 12 ou 13 ans.

[Traduction]

M. Dodge : Le principe, et c'est important à comprendre, nous a permis d'essayer d'obtenir une approximation, si imparfaite soit-elle, de ce que serait le flux d'une rente. Ce n'était pas que le gouvernement voulait récupérer son argent ou quoi que ce soit du genre. Nous avons essayé d'amener tous ces moyens à faire à peu près la même chose. C'est difficile parce que certains sont beaucoup plus efficaces que d'autres pour y parvenir réellement.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous n'avez pas résolu mon problème. Je serai pauvre à 85 ans.

Le président : Il y a une façon de résoudre le problème, mais elle ne va pas vous plaire et je ne vais donc pas en faire état.

M. Dodge : Lorsque vous retirez de l'argent, cela n'implique pas nécessairement que vous deviez le dépenser au cours de cette même année. Relativement peu d'entre nous auront par contre la chance de disposer de cette marge de manoeuvre, parce que c'est tout ce dont disposent nombre de gens comme épargne privée.

Le sénateur Murray : Monsieur Dodge, je suis curieux de savoir ce que vous pensez, à la fois en termes de politique fiscale et de politique sociale, de la suggestion de Gordon Pape voulant que, si les retraits des REER doivent être imposables, les revenus qu'ils constituent ne devraient par contre pas être déduits des prestations de Supplément de revenu garanti et des autres prestations subordonnées au revenu. En second lieu, sa suggestion la plus sérieuse, si j'ai bien compris, était de n'imposer aucun plafond à nos cotisations dans nos REER. À titre d'ancien sous-ministre des Finances, êtes-vous horrifié par cette solution, et si oui, dans quelle mesure?

M. Dodge : Ayant été formé au sein du ministère des Finances, j'ai un point de vue différent.

Il y a deux questions intéressantes, qui sont passablement différentes. Mon âge fait que j'ai connu toute l'époque de la mise en place de la plupart de ces mesures.

Le président : Le problème est aussi que vous vous en souvenez.

M. Dodge : C'est en 1965, que nous avons instauré le RPC et mis en place la version moderne du SRG. En lisant dans le hansard ce qui s'est dit à l'époque, nous avions tous ces anciens combattants qui n'avaient pas eu beaucoup de possibilités d'acquérir de richesse et nous leur avons facilité la vie au cours des premières années d'existence du RPC. Toutefois, les autres n'en profitaient pas et c'est pourquoi nous avons mis en place le programme de Supplément de revenu garanti pour tenter de faire face au problème passablement grave de la pauvreté des personnes âgées dans ce pays. Nous espérions alors que, avec le temps, lorsque le RPC serait arrivé à maturité et que les gens auraient accumulé des prestations dans le RPC, que le SRG s'étiolerait progressivement en quelque sorte. C'était ce que nous prévoyions à l'époque parce que nous avions des prestations du RPC qui, pour le travailleur moyen, seraient supérieures à celles du SRG et que cela serait une bonne solution. Le travailleur moyen aurait eu toutes ces années devant lui, en n'étant pas allé à la guerre, pour cotiser réellement et accumuler des fonds. Dans les années 1960, lorsque le programme a été mis sur pied, nous espérions qu'en réalité, avec le temps, le SRG disparaîtrait. Dans les faits, ces deux programmes se sont avérés très efficaces pour résoudre le problème des personnes âgées dans ce pays. Le système composé du RPC et de la SRG a effectivement atteint les objectifs qu'on lui prêtait dans les années 1960.

En même temps, nous avons toujours considéré les pensions comme des revenus reportés. Il s'agissait de revenus, comme tous les autres types de gains, mais des revenus reportés par rapport au moment où vous étiez au travail. Vous en profiteriez plus tard dans le cours de votre vie et, ils seraient bien sûr comptabilisés comme des revenus, tout comme nous comptabilisons aujourd'hui les revenus de pension comme des revenus aux fins de la SRG. Vous pouvez vouloir changer toute cette organisation, mais, en regard des principes, nous faisons ce qui convient en comptabilisant les retraits de REER comme des revenus. En vérité, ils ont pour effet, au bout du compte, de réduire l'accession au crédit d'impôt. Vous pouvez vouloir le modifier, mais c'est tout à fait la bonne chose à faire, au moins en principe. Si nous commençons à y apporter des modifications, nous allons modifier de façon très importante tout le système de protection des personnes âgées. Lorsque vous commencez à vous attaquer au premier pilier, vous devez surveiller attentivement les conséquences que cela pourrait avoir. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas le faire, mais vous devez réaliser que la situation actuelle découle d'une logique.

Pourriez-vous me rappeler votre second point?

Le sénateur Murray : Pas de plafond sur les cotisations

M. Dodge : En revenant à la question du sénateur Greene, il s'agissait ici de trouver une solution qui permettrait aux gens de faire à peu près la même chose que dans un bon régime de retraite d'entreprise, et 18 p. 100 du revenu n'est peut-être pas le bon pourcentage. Ce devrait peut-être être 19 p. 100. Cela fluctue en fonction des taux d'intérêt. Cela a découlé d'une drôle d'idée que nous avions au sujet de la règle des 9, et cetera. Il s'est cependant avéré, si vous consultez le tableau, que le résultat n'est pas mal du tout. Cela fait assez bien le travail, et vous pouvez accumuler des fonds et les reporter. L'ajout du report au programme a été une modification très importante et très précieuse.

Si nous voulons ici, avec les REER, fournir une solution de remplacement aux prestations de retraite d'un régime d'entreprise, je crois alors que la limite de 18 p. 100 convient bien. Vous ne supprimez pas le plafond. L'argent s'accumule avec le temps, et c'est fonction de vos gains. Le mécanisme fonctionne comme il le doit.

Quelques-uns des témoins que vous avez entendus se sont demandé si le plafond réel de revenus, qui est d'environ 120 000 $, est trop faible. C'est terrible de faire appel à de vieux souvenirs, mais quand nous avons démarré tout ceci, une fois encore à la suite de la Loi sur l'impôt de 1972 et des révisions qui y ont été apportées en 1975 et 1976, le plafond était d'environ cinq fois les revenus moyens. C'est à peu près à ce niveau que le plafond s'impose. Vous pouviez cotiser environ 18 p. 100, soit environ cinq fois les revenus moyens de l'époque. Nous avons ensuite gelé ce plafond pour une longue période et il a été abaissé plusieurs fois pour arriver à un niveau à peine supérieur à deux fois les revenus moyens. Nous l'avons laissé remonter un peu depuis.

Il peut y avoir des raisons relativement bonnes à aller plus haut dans l'échelle des revenus que nous ne sommes actuellement, soit environ 2,7 ou 2,8 fois les revenus moyens. Cela serait relativement simple à faire. Pour nombre de nos professionnels et de nos techniciens, les gens qui se trouvent dans la tranche des 15 p. 100 en haut de l'échelle, mais pas dans celle des 3 ou 4 p. 100 de la répartition des revenus, cela serait assez avantageux, parce qu'ils finissent à un moment, au cours de leur carrière, à avoir quelques années pendant lesquelles ils peuvent gagner quelques centaines de milliers de dollars. Ce ne serait pas le niveau moyen de leurs revenus, mais un niveau qu'ils pourraient atteindre quelques années. Pour moi, cela serait conforme à tous les principes. Jusqu'où remonter le plafond est un choix de politique, mais je serais d'accord pour le remonter.

Le président : Je vous remercie, chers collègues, et vous aussi M. Dodge. Comme toujours, nous avons apprécié votre sagesse. Avec votre mémoire institutionnelle, vous êtes vraiment un élément de notre patrimoine national. Certains d'entre nous ont vécu cette période, mais n'ont pas nécessairement votre mémoire. D'autres ne l'ont pas connu et aiment réécrire l'histoire. Fort heureusement, vous, vous avez à la fois la mémoire et l'expérience. Il est très important, comme vous l'avez souligné, de connaître le contexte et de savoir comment nous en sommes arrivés là. Vous l'avez très bien fait ce soir et nous vous en remercions.

Nous allons maintenant ajourner la séance que nous reprendrons demain matin à 10 h 30.

(La séance est levée.)


Haut de page