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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 22 avril 2010


OTTAWA, le jeudi 22 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 30 pour étudier la mesure dans laquelle les Canadiens recourent à des comptes d'épargne libre d'impôt et à des régimes enregistrés d'épargne- retraite.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Comme nous avons le quorum, nous allons débuter.

[Français]

Ce matin nous continuons notre enquête sur les systèmes de pension au Canada. Les piliers du système de pension canadiens sont les suivants : la sécurité de la vieillesse, les pensions publiques et privées et l'épargne personnelle. Nous nous concentrerons sur les incitations fiscales fournies dans le cadre de l'épargne personnelle.

[Traduction]

Conformément à notre ordre de renvoi, nous allons examiner dans quelle mesure les Canadiens ont recours aux comptes d'épargne libre d'impôt et aux régimes enregistrés d'épargne-retraite, ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour accroître l'utilisation de ces instruments d'épargne, ainsi que l'incidence fiscale de l'augmentation de leur utilisation et les façons d'assurer la protection des capitaux versés dans ces instruments.

C'est avec plaisir que nous accueillons ce matin Leo Kolivakis, James Pierlot, Kevin Milligan et Richard Shillington qui ont tous quelque chose à nous dire au sujet de l'épargne retraite et plus particulièrement, des comptes d'épargne libre d'impôt et des régimes enregistrés d'épargne-retraite.

Nous souhaitons donc la bienvenue à Leo Kolivakis, un ancien analyste principal des investissements à la Caisse de dépôt et de placement du Québec et à l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public et actuellement gestionnaire et collaborateur du blogue Pension Pulse.

C'est avec plaisir que nous accueillons également au cours de la première heure de notre séance James Pierlot, membre exécutif de la Section des pensions et des avantages sociaux de l'Association du Barreau de l'Ontario et aussi un expert en matière de pensions. Je crois comprendre que c'est M. Pierlot qui va commencer.

James Pierlot, avocat et conseiller en régimes de retraite, à titre personnel : Merci. Je vais commencer par vous donner un bref aperçu de la situation en ce qui concerne les épargnes des CELI et des REER au Canada.

À la fin de 2009, il y avait quelque 16 milliards de dollars dans les CELI, versés par 4,7 millions de Canadiens. Le solde moyen des comptes était donc de 3 400 $ par cotisant après la première année. Ce rythme de croissance rapide indique donc que le CELI a été bien accueilli par les Canadiens, mais on ne peut pas prévoir que ce rythme se maintiendra. Une bonne partie des capitaux versés dans les CELI au cours de la première année n'est pas constituée d'une épargne nouvelle, mais de transferts vers les CELI à partir d'épargnes non protégées.

Pour se faire une idée de la façon dont les épargnes des CELI peuvent augmenter au Canada, on peut se tourner vers le Royaume-Uni, où des « individual savings accounts » assujettis à des règles semblables à celles des CELI ont été créées il y a dix ans. La population britannique est deux fois plus nombreuse que celle du Canada, et, en juillet 2009, les économies versées dans ces comptes s'élevaient à un total de 37,5 milliards de livres, répartis entre 14,2 millions de comptes.

La création des CELI a été une innovation bienvenue dans la série des options de l'épargne-retraite. Elle a accru les possibilités d'épargnes pour la retraite et donné une nouvelle occasion de concevoir une stratégie d'épargne qui fait appel à la fois au REER et au CELI pour réduire le revenu imposable à la retraite et la récupération des prestations subordonnées au revenu comme le SRG et la SV, la sécurité de la vieillesse.

En général, épargner pour la retraite en cotisant à un REER est préférable si le taux marginal d'imposition du revenu d'un travail économisé est supérieur au taux marginal d'imposition du revenu à la retraite, alors que le CELI est préférable si le taux marginal d'imposition du contribuable pendant sa vie active est, selon les prévisions, inférieur à son taux marginal à la retraite.

Les CELI sont et devraient être un élément important de la planification de la retraite. Pour ce qui est des effets fiscaux, le CELI est l'image inversé du REER. En effet, il n'y a aucune déduction pour les cotisations au CELI, mais les retraits et les gains réalisés sur les placements ne sont pas imposés. Les cotisations sont assujetties à une limite annuelle indexée, et les droits peuvent être reportés. Il y a là un élément punitif pour les Canadiens âgés — pour ce qui est de l'équité d'accès aux épargnes des CELI — dont la possibilité d'accumuler des fonds dans un CELI est bien inférieure à celle des jeunes Canadiens.

Si vous avez 25 ans, vos droits de cotisation de maintenant jusqu'à 65 ans seraient d'environ 323 000 $ en supposant un taux d'inflation normal. Avec un rendement sur l'investissement de 6 p. 100 par an, il serait possible d'accumuler environ 1,3 million de dollars dans un CELI. Cependant, si vous avez 45 ans, vos droits de cotisation jusqu'à 65 ans seraient d'environ 143 000 $, de sorte que vous pourriez accumuler environ 271 000 $ jusqu'à l'âge de 65 ans en supposant le même pourcentage de rendement sur l'investissement. Afin de permettre aux Canadiens plus âgés, de la génération du baby boom, d'épargner davantage pour la retraite, plutôt que d'avoir un plafonnement annuel pour les CELI, un plafonnement à vie serait plus avantageux en ce sens qu'il donnerait un accès égal à l'épargne CELI pour tous les Canadiens.

La description du système d'épargne retraite du Canada comme un ensemble à « trois piliers » doit désormais être familière au comité. Le premier pilier, ce sont les programmes de soutien non capitalisés comme le SRG et la SV; le deuxième, ce sont les programmes partiellement capitalisés comme le RPC et le RRQ; enfin, le troisième est constitué par l'épargne privée conservée dans des régimes à l'abri de l'impôt comme les régimes de retraite et les REER.

Pour les 75 p. 100 des Canadiens qui travaillent dans le secteur privé et ne participent pas à un régime de retraite, les REER et les CELI sont les seules formules disponibles pour l'épargne-retraite. C'est que, aux termes des règles actuelles de l'impôt fédéral sur le revenu, on peut participer à un régime de retraite si son employeur n'en propose pas un à ses employés. Malheureusement, les données disponibles sur l'épargne-retraite privée au Canada ne permettent pas de se faire une idée claire du montant que les Canadiens ont économisé pour leur retraite. Néanmoins, il y a de bonnes raisons de croire que ceux qui travaillent dans le secteur privé n'économisent pas assez dans des REER en prévision de leur retraite.

Selon l'Enquête sur la sécurité financière de 2005 réalisée par Statistique Canada, l'épargne-retraite médiane, pour les ménages canadiens où celui qui gagne les revenus les plus importants est à la retraite ou le sera bientôt, est très faible. Pour le ménage qui a uniquement un REER, il est de 55 000 $; il s'élève à 227 000 $ pour celui qui a un régime de retraite seulement; et à 245 000 $ pour un ménage qui a à la fois un régime de retraite et un REER.

Si on suppose une retraite à 60 ans, cette épargne donnerait les revenus mensuels indexés suivants : pour une famille qui a des REER seulement, 218 $ par mois; un régime de retraite seulement, 900 $ par mois; et un régime de retraite et un REER, 972 $ par mois. Cela donne à penser qu'un problème lié à l'épargne-retraite pourrait être en train de se développer.

Une autre façon d'examiner la situation est de voir quelle est la valeur de l'épargne-retraite privée au Canada, qui est actuellement entre 1,8 et 1,85 billion de dollars. Si on distribue ce montant de 1,85 billion de dollars entre la population active et les retraités, on obtient une accumulation d'environ 146 000 $ par personne. Étant donné que l'âge moyen de la population active est d'environ 40 ans, cela laisse entendre que le taux d'accumulation, d'après le montant total des épargnes-retraites qui existent à l'heure actuelle au Canada, n'est pas adéquat.

Le problème semble être encore plus grave si on tient compte du fait que de façon générale l'épargne-retraite des travailleurs du secteur public est de cinq à sept fois plus élevée que celle des travailleurs du secteur privé. Un travailleur du secteur public qui gagne 70 00 $ en fin de carrière aura accumulé environ 850 000 $ dans son fonds de pension après 30 ans de service. Si on prend un ménage à deux revenus de ce niveau salarial, cela représente 1,7 million de dollars. Ce sont là des multiples des chiffres donnés par Statistique Canada pour ce qui est des fonds de pension accumulés par les familles à l'âge de la retraite.

Nous avons donc un régime à deux niveaux. Il y a le régime du secteur public dans lequel 85 p. 100 des travailleurs participent à des régimes de retraite qui assurent de bonnes pensions, et le régime du secteur privé où 75 p. 100 des travailleurs n'ont aucun régime de retraite, n'ont pas la possibilité d'en avoir un et accumulent beaucoup moins d'épargnes pour la retraite.

Il ne s'agit pas de prétendre que les gens du secteur public ne gagnent pas leur pension ni qu'il faut réduire les pensions du secteur public. Je ne veux pas faire d'observations sur la rémunération globale dans le secteur public, à savoir si elle est équitable ou non. Je veux tout simplement faire une comparaison entre les possibilités d'accumuler des pensions dans le secteur public vis-à-vis du secteur privé et voir comment on pourrait rendre les règles du jeu plus équitables et offrir les mêmes possibilités au secteur privé.

Là-dessus, je conclus mes observations et je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Conviendrait-il d'entendre M. Kolivakis d'abord?

Des voix : Oui.

Leo Kolivakis, analyste indépendant en matière de pensions, à titre personnel : Je suis honoré d'avoir été invité à prendre la parole devant ce comité et de lui faire part de mes réflexions sur l'épargne-retraite et sur la façon dont nous pouvons améliorer le système canadien de pensions.

Permettez-moi tout d'abord de vous dire qui je suis et d'aborder ensuite la question qui retient notre attention. Je suis un analyste indépendant en matière de pensions et l'auteur d'un blogue financier intitulé Pension Pulse. J'ai travaillé à titre d'analyste principal en matière de placements au sein de deux des plus importants régimes publics de retraite au Canada, ce qui m'a permis d'acquérir une solide expérience dans la gestion traditionnelle et alternative d'actifs, comme les fonds de placements spéculatifs et le marché du capital à risque privé.

Avant de faire des recommandations particulières, j'aimerais dire un mot sur la conjoncture actuelle. La crise financière de 2008 a mis en évidence de graves lacunes dans le système financier mondial. Elle a aussi mis en lumière la vulnérabilité de l'économie réelle aux bouleversements financiers. La fermeture des marchés de crédit a entraîné la plus grave récession mondiale de l'après-guerre, ce qui a provoqué une hausse du chômage et obligé les gouvernements à réagir vigoureusement en vue de stabiliser leurs économies.

La réaction budgétaire et monétaire sans précédent à cette crise a eu pour effet de stabiliser l'économie mondiale, mais nous ne sommes pas pour autant à l'abri du danger. Il importe notamment de comprendre que la réaction budgétaire a entraîné une augmentation de la dette publique dans tous les pays développés. En outre, les autorités monétaires ont inondé le système financier de liquidité.

Les taux d'intérêt réduits à des niveaux anormalement bas se sont révélés très avantageux pour les banques qui continuent de réaliser des bénéfices énormes grâce à leurs opérations boursières. Toutefois, ces taux ont obligé les épargnants à accepter une marge de risque plus élevée pour reconstituer leur épargne. Malgré la hausse des marchés d'actions enregistrés un peu partout dans le monde depuis mars 2009, les taux d'intérêt très bas ont aggravé les déficits de pensions des régimes publics et privés de retraite à prestations déterminées, la baisse des taux réels entraînant une hausse de leurs passifs beaucoup plus sensible que la hausse de leurs actifs.

Partout dans le monde, les régimes publics de retraite sous-capitalisés ont réagi en augmentant les taux de cotisations et l'âge de la retraite, en réduisant les rajustements au titre du coût de la vie et en opérant des coupures dans les prestations. Tout compte fait, ce sont néanmoins les contribuables qui risquent d'écoper si les régimes publics de retraite sous-capitalisés n'arrivent pas à corriger leurs déficits de pensions sans cesse grandissants.

Les régimes de pensions à prestations déterminées sont en voie de disparaître, les entreprises les remplaçant par des régimes à cotisations déterminées, ce qui a pour effet de les libérer du risque de la retraite et de le reporter sur les travailleurs, ceux-ci devant maintenant se débrouiller dans le nouveau monde du « capitalisme de casino », dominé par les grandes banques internationales, les fonds spéculatifs et les fonds de souscription privés.

Ce qui est plus inquiétant, c'est que les fonds de pensions publics ont augmenté la part des ressources qu'ils confient à des fonds spéculatifs, à des fonds de souscription privés, à des fonds de placements immobiliers commerciaux, à des fonds d'infrastructure et à d'autres formes de placement dans l'espoir d'obtenir des rendements plus élevés. Des billions de dollars canalisés vers ces types de placements sont en train de préparer la voie à la prochaine crise financière. Et comme aucune autre réforme financière importante n'apparaît à l'horizon, ce n'est qu'une question de temps avant que l'économie mondiale ne soit à nouveau aux prises avec un risque systémique susceptible de compromettre les rêves de retraite de millions de travailleurs et de pensionnés.

Dans une telle conjoncture, il n'est pas étonnant de voir que la réforme des régimes de pensions suscite peu d'intérêt. Toutefois, je signale que le changement de conjoncture que je viens de décrire milite en faveur de l'adoption par le Canada et par d'autres pays de mesures audacieuses destinées à renforcer le système de pensions. Si nous ne prenons pas de telles mesures, d'autres travailleurs et pensionnés se heurteront à la perspective d'une retraite vécue dans la pauvreté. Le présent comité a entendu plusieurs experts représentant les intérêts des secteurs public et privé. Vous avez analysé les données de manière très approfondie et je me garderai donc de vous en soumettre d'autres.

Permettez-moi plutôt de vous proposer quelques recommandations que je classerai en deux catégories : celle qui se situe dans une perspective à long terme et celle qui se situe dans une perspective à court terme. À court terme, nous devons modifier la réglementation concernant les Fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR) et supprimer les retraits automatiques à l'âge de 71 ans. En outre, les travailleurs autonomes de plus de 71 ans qui travaillent devraient être autorisés à cotiser immédiatement à leur FERR. Une telle mesure entraînera des pertes pour le FISC, mais permettra à ces travailleurs autonomes de reconstituer leur épargne-retraite.

La création du CELI est un pas dans la bonne direction, mais il aura un effet négligeable pour la plupart des Canadiens qui s'efforcent déjà de maximiser leurs cotisations à un REER, s'ils en ont un. Les personnes à revenu élevé qui disposent d'un revenu discrétionnaire beaucoup plus élevé n'éprouveront aucune difficulté à placer des fonds dans un CELI, mais les ménages à faible revenu et à revenu moyen trouveront difficile d'épargner. Même s'ils y arrivent, ils devront investir prudemment ou devenir des génies financiers pour faire en sorte que ces mécanismes en vaillent la peine.

La seule véritable solution à long terme à la crise des pensions est la création d'un régime de retraite universel et obligatoire (RRUO) qui tient compte des besoins en matière de retraite de tous les Canadiens faisant partie de la population active. Les régimes actuels à prestations déterminées, qui procurent une protection aux enseignants, aux policiers, aux pompiers et aux employés du secteur public, devraient voir leur portée élargie à tous les Canadiens.

Le président : Pourriez-vous parler un peu plus lentement pour les interprètes et les journalistes qui travaillent très fort et de façon très efficace? C'est difficile de vous suivre.

M. Kolivakis : Je suis désolé.

En plus de créer un régime universel et obligatoire, il faut apporter immédiatement au système canadien des pensions une modification fondamentale qui compenserait en grande partie l'effet du rendement cyclique médiocre des placements comme celui de 2008.

Le plafond de 10 p. 100 du passif auquel la Loi de l'impôt sur le revenu assujettit les excédents des régimes de pension à prestations déterminées a récemment été porté à 25 p. 100. Cette augmentation devrait permettre d'accroître les réserves pour éventualité au cours des années à rendements élevés, réserves qui serviront de mesure de sauvegarde pour les années où les placements produisent des rendements médiocres. Toutefois, au niveau fédéral, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), permet aux promoteurs de régime de suspendre les cotisations dès qu'un excédent est supérieur à 5 p. 100 du passif. Il en résultera d'autres déficits de pension qui pourraient être généralement évités si la réglementation du BSIF était modifiée de manière à porter ce taux de 5 à 25 p. 100, comme dans le cas de la réglementation liée à la Loi de l'impôt sur le revenu. Il serait peut-être temps d'envisager l'abolition générale des régimes de pension privés et le remplacement par des régimes publics à prestations déterminées.

La mise en place d'un régime universel et obligatoire dans une période de compression budgétaire peut sembler une entreprise très difficile. Mais si on procède de la bonne manière, les avantages qu'en tireront les entreprises, les particuliers et, en bout de ligne, les gouvernements et l'économie, excéderont sensiblement les coûts. Tous les intervenants peuvent jouer un rôle en vue de façonner ce nouveau régime de pension, mais tous devront faire des concessions pour en assurer le succès. Il faut se rappeler que, en matière de pension, tout se paie.

Enfin, je ne saurais trop insister sur la nécessité d'accorder une attention prioritaire à l'administration des régimes de retraite. Plutôt que de concentrer les pouvoirs de gestion entre les mains d'un ou de deux fonds de pension, nous devrions établir à plusieurs endroits au pays de nouveaux régimes à prestations déterminées qui seraient assujettis à des normes de gouvernance mondialement reconnues.

Cela dit, même les meilleures normes de gouvernance ne garantissent pas l'absence de déficit de pension dans les régimes à prestations déterminées. Nous devons mettre en commun nos ressources collectives pour trouver une façon de créer un système de pension viable à long terme répondant aux besoins de tous nos citoyens en matière de retraite. Tous les Canadiens ont droit de prendre leur retraite dans la dignité et la sécurité.

Le président : Merci à tous les deux de vos exposés. Je pourrais peut-être commencer par vous demander de commenter une suggestion qui nous a été faite par un témoin précédent : nous devrions peut-être envisager de créer un nouveau programme national de régime enregistré d'épargne-retraite afin de régler tous les problèmes, en commençant par les coûts jusqu'à l'accessibilité. Quelqu'un voudrait-il faire des commentaires à ce sujet?

M. Pierlot : Je pense qu'on peut justifier l'établissement de ce qu'on a qualifié de RPC supplémentaire ou Régime de pensions du Canada supplémentaire. On ajouterait un régime à cotisations déterminées ou des comptes de type REER au RPC. C'est ce que vouliez dire, n'est-ce pas?

Le président : Oui.

M. Pierlot : Je ne sais pas si c'est la bonne solution. La vraie question est de savoir qui est mieux placé pour offrir ces instruments : le secteur privé, ou public? On trouve des exemples des deux ailleurs dans le monde.

On ne peut pas encore répondre à cette question, parce que nous n'avons pas donné au secteur privé la chance d'essayer. La structure fiscale et réglementaire de l'épargne-retraite au Canada est si complexe que très peu de gens la comprennent. Nous sommes confrontés à deux solitudes. En gros, un employeur peut financer un régime à prestation déterminée, ou un régime à cotisation déterminée. Il n'y a rien entre les deux.

Qui plus est, aucune option n'est offerte à de nombreux particuliers. Si je comprends bien, 80 p 100 des travailleurs sont maintenant indépendants ou au service de petites entreprises. Ces organisations n'ont aucune ressource, ou des ressources insuffisantes, pour mettre sur pied des régimes de pension. La solution pourrait résider dans un RPC supplémentaire, ou dans la modification des règles fiscales, qui régissent les régimes de pension, pour permettre la création de régimes interentreprises auxquels ces gens pourraient s'inscrire. Or, ce n'est pas possible dans la structure réglementaire actuelle.

L'établissement d'un RPC supplémentaire pourrait prendre du temps et coûter cher, comme on l'a montré au Royaume-Uni. Par conséquent, je préférerais qu'on essaie de changer les règles fiscales pour faciliter la création de grands régimes de retraite interentreprises qui se feraient concurrence dans le secteur privé. De cette façon, les employés des petites entreprises et les travailleurs autonomes qui sont ceux qui ont le plus de difficulté avec l'épargne-retraite, pourraient participer en s'inscrivant. Si cela ne fonctionne pas, nous pourrions passer à un Régime de pensions du Canada supplémentaire.

M. Kolivakis : J'ai un point de vue différent de M. Pierlot à cet égard. Les solutions du secteur privé pour remédier au problème des régimes de pension n'ont mené qu'à des échecs colossaux. Rien n'a fonctionné, des fonds communs de placement aux régimes de pension à prestations déterminées. En y pensant bien, vous comprendrez que ces options ne peuvent pas être aussi rentables que les grands régimes à prestations déterminées du secteur public. En effet, ces derniers peuvent rassembler des montants énormes, et sont donc beaucoup plus en mesure de réduire leurs frais de gestion externes. Ils internalisent aussi nombre de ces éléments. Il faut soit créer un régime de pensions du Canada supplémentaire, soit innover et créer de nouveaux régimes à prestations déterminées à l'échelle nationale. Peut-être pourrait-on adopter le modèle suédois, qui comprend plusieurs grands plans de ce genre, ainsi que des normes de gouvernance pour en assurer la surveillance. Je suis très critique de la gouvernance des gros régimes à prestations déterminées du secteur public. Il faudrait accroître énormément la transparence et la reddition de comptes. Par contre, le Health Care of Ontario Pension Plan est un excellent exemple de régime privé interentreprises à prestations déterminées.

J'utiliserais ce modèle, non seulement dans le secteur privé, mais également pour donner accès à tous les Canadiens à un régime de retraite universel. La raison en est simple. Les entreprises n'auraient pas à s'inquiéter de leur régime de retraite à prestations déterminées, et les Canadiens travaillant pour une entreprise, une société d'État ou une municipalité pourraient changer d'employeur sans s'inquiéter de la transférabilité de leur régime de pension. Pour l'instant, il y a trop de gaspillage. Récemment, sur mon blog, j'ai écrit que le Canada avait pris l'initiative de créer un système de soins de santé universels. Le Canada devrait se faire un chef de file une nouvelle fois et créer des régimes de retraite universels. Le secteur privé aura toujours sa place, mais à mon avis, c'est au secteur public que doit incomber la gestion de la plus grande part des régimes de pension. Le secteur privé le sait. Les banques, les sociétés de fonds mutuels et les compagnies d'assurances se battent bec et ongles contre l'établissement de régimes de pension à prestations déterminées publics et la création d'un régime de retraite universel parce qu'elles savent qu'elles ne peuvent pas y faire concurrence. Certains régimes à prestations déterminées du secteur public au Canada réussissent exceptionnellement bien. On pourrait aussi citer d'excellents exemples de régimes privés interentreprises. Il faut modifier la prestation des régimes de retraite aux Canadiens, parce que le système actuel ne convient pas à la majorité d'entre eux.

M. Pierlot : M. Kolivakis et moi-même sommes d'avis différent, mais peut-être moins qu'il ne l'a laissé entendre. En 2008, j'ai rédigé un article proposant exactement ce qu'il vient de recommander. Les régimes publics, comme le Healthcare of Ontario Pension Plan, le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario et le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario sont très bien gérés, et leurs coûts d'exploitation s'élèvent à environ 30 à 35 points de base. Ce modèle, qui fonctionne très bien dans le secteur public, est ce que je propose de mettre en œuvre dans le secteur privé. Le problème, c'est que la recommandation de M. Kolivakis, ainsi que la mienne, ne peuvent être mises en œuvre en vertu des règles en place au niveau fédéral à l'égard de l'impôt sur le revenu.

Le président : Aucune de ces solutions n'est applicable.

M. Pierlot : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Tout le monde s'entend pour dire que les frais de gestion des REER sont trop élevés.

Le sénateur Green : Peut-être pas autour de cette table.

Le sénateur Ringuette : C'était le cas des experts qui ont comparu devant notre comité. Je ne me considère pas spécialiste des REER, alors je me fie à l'expertise de nos témoins à l'égard de ces frais.

On nous a dit d'envisager d'imposer un montant maximal à vie pour les REER. Qu'en pensez-vous?

M. Pierlot : Je suis tout à fait d'accord avec cette idée, puisque j'ai été le premier à la proposer dans un article du C.D. Howe Institute publié en 2008. Dans le système fiscal fédéral actuel, les gens qui épargnent grâce à des régimes à cotisations déterminées et à des REER et ceux qui investissent dans des régimes de retraite à prestations déterminées sont loin d'avoir le même accès au report d'impôt, parce que la méthode employée pour équilibrer le droit d'épargne entre les deux instruments sous-estime grandement la valeur d'un bon régime de retraite à prestations déterminées. Dans l'article que j'ai publié, j'ai étudié les chiffres en détail avec l'aide d'un actuaire, qui a effectué certains calculs détaillés dans le texte. On montre ainsi clairement que, au long de votre carrière, le pourcentage de revenu que vous pouvez reporter dans un régime de retraite à prestations déterminées est de beaucoup supérieur à celui d'un REER ou d'un régime de retraite à cotisations déterminées. Dans certains cas, c'est même le double.

Avec un maximum à vie, si vous choisissez un plafond strict de 2 millions de dollars, il serait indexé en fonction de l'inflation, peu importe le type de régime de retraite. Tout le monde pourrait reporter l'impôt sur ses épargnes dans la même mesure. Cela permettrait à n'importe qui de la classe moyenne de mettre de côté suffisamment de revenu pour sa retraite.

De surcroît, peu de gens savent que certains accumulent des dizaines de millions de dollars en REER. Notre système limite les cotisations au REER, alors qu'en fait, l'objectif consiste à limiter l'accès à l'épargne donnant droit au report de l'impôt. La seule façon d'y arriver qui soit juste pour tous les Canadiens, c'est d'appliquer un montant maximal à vie.

Le sénateur Ringuette : Vous avez compilé beaucoup de données. Auriez-vous un plafond à recommander au comité?

M. Pierlot : Dans mon article publié en 2008 de concert avec l'Institut C.D. Howe, j'ai proposé un montant d'environ 1,5 million de dollars. Un plafond de un à deux millions de dollars conviendrait. Dans le régime de retraite du secteur public, quiconque gagne de 40 000 à 130 000 $ par année peut accumuler de 1,4 à 1,5 million de dollars en revenu de retraite. En vertu des règles fiscales actuelles, si vous cotisez au régime de retraite à prestations déterminées le plus généreux qui soit, vous pouvez accumuler des revenus de pension d'une valeur marchande d'environ 2 millions de dollars, c'est pourquoi j'ai choisi un plafond de 1,5 million de dollars. Les règles régissant actuellement les régimes à prestations déterminées le permettent, alors que ce n'est pas le cas des règles des régimes à cotisations déterminées.

M. Kolivakis : Je ne connais pas bien les montants maximum à vie qu'on puisse contribuer au REER, mais je peux vous citer les données de John Crocker, président-directeur général de Healthcare of Ontario Pension Plan, qui dans un récent article pour le Toronto Star disait que les régimes de retraite à prestations déterminées visent à remplacer environ 67 p. 100 de votre revenu lorsque vous prenez votre retraite. Il a dit que, pour qu'un particulier puisse toucher annuellement 50 000 $ en revenu de retraite, il devait épargner l million de dollars s'il n'en accumulait que la moitié, soit 500 000 $, il toucherait 25 000 $ par année en revenu de retraite.

Il faut tenir compte de l'horizon de placement. Supposons que vous prenez votre retraite au cours d'une année comme 2008 et que vos épargnes au titre d'un régime de pension à cotisations déterminées ou d'un REER ont été durement touchées; si vous êtes chanceux, mon père, qui est médecin, m'a montré un article intitulé « What Happened to my Retirement? » On y disait que les docteurs âgés recommencent à pratiquer. Ils sont travailleurs indépendants, ont subi les affres de la crise, et doivent donc travailler plus longtemps, parce qu'ils n'ont pas suffisamment accumulé de revenu de retraite. Les médecins ont la réputation de prendre de mauvaises décisions d'investissement.

C'est toujours le même problème. Kevin Gaudet, président de la Fédération canadienne des contribuables, a écrit dans un récent article que notre régime de pension est à deux vitesses : l'une pour le secteur public, et l'autre pour le secteur privé. Selon lui, la solution réside dans les régimes à cotisations déterminées, mais comme je le dis dans mon blogue, c'est loin d'être le cas.

En ce qui concerne ces régimes, encore une fois, il faut tenir compte de l'horizon de placement. Si vous prenez votre retraite au cours d'une année ébranlée par une crise financière, vous pourriez avoir de mauvaise surprise. Votre revenu de retraite en souffrira. On suppose un rendement sur les investissements de 6 p. 100, mais je pense qu'il faudra être très chanceux pour toucher autant à l'avenir. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater le faible rendement des obligations en ce moment et les dettes astronomiques qui sèment le chaos un peu partout dans le monde. Cela m'inquiète. On s'attend ensuite à ce que les gens investissent judicieusement et qu'ils contribuent généreusement à leur REER. Or, cela n'arrivera pas. C'est une utopie. Voilà ce qui me préoccupe. On s'attend à ce que les gens puissent eux-mêmes mettre de côté des revenus pour leur retraite, mais c'est utopique, cela ne fonctionne pas.

Le sénateur Ringuette : Ils n'ont tout simplement pas l'expertise nécessaire.

M. Kolivakis : Non, vous avez raison; en passant, les ratios des frais de gestion au Canada sont honteusement élevés. Ils sont parmi les plus élevés du monde. C'est scandaleux.

Le sénateur Ringuette : Oui, c'est vrai. Je suis tout à fait avec vous.

J'essaie de voir comment le régime de pension universelle que vous proposez pour tous les Canadiens fonctionnerait. Comment fusionner les régimes de pension entre les employés et les employeurs, le RPC actuel et les caisses de retraite publique?

M. Kolivakis : C'est une bonne question, à laquelle j'ai une réponse. Je communique fréquemment avec l'ancien actuaire en chef du Canada, Bernard Dussault, ainsi qu'avec Susan Eng, vice-présidente de la défense des droits pour l'Association canadienne des individus retraités. On a suffisamment de cerveaux au Canada, du côté de l'actuariel comme de celui de l'investissement, pour décider de ce qui doit être fait. Quelles hypothèses d'investissement sont réalistes? Comme je l'ai dit dans mon article, tout le monde doit faire des concessions.

Les syndicats du secteur public doivent en faire également. On ne peut plus prendre sa retraite à 65 ans, on le fait plutôt à 67. L'espérance de vie est plus longue. Je pense que c'est David Dodge, il était ici hier, qui a dit il y a environ deux mois que nous devions discuter entre adultes de ce à quoi nous avons droit. Si tout le monde veut un régime de pension généreux, mais que nous ne trouvons pas comment le financer équitablement, ça ne fonctionnera jamais. Certains s'y opposeront toujours.

Par contre, si on en vient au constat que cela ne fonctionne plus — et en passant, je n'ai même pas abordé la question des régimes de pension municipaux. Je ne vous parle même pas de cette pagaille. Il faut fusionner tous ces régimes de pension et trouver une façon rentable de verser des prestations de retraite au plus grand nombre de Canadiens possible.

Si vous voulez savoir quel est le plus important problème pour les travailleurs indépendants, sachez que selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, c'est de savoir comment ils pourront accumuler suffisamment d'argent pour prendre leur retraite. Ils veulent avoir accès à un régime à prestations déterminées, mais ne peuvent pas se le permettre et cela ne leur est pas offert. Il faut trouver une solution. Je ne sais pas si la volonté politique y est, mais j'envoie personnellement des courriels à de nombreux politiciens pour les inciter à aller de l'avant. Le Canada a les ressources nécessaires pour le faire, mais la volonté politique? Je n'en suis pas si sûr.

[Français]

Le sénateur Massicotte : On reçoit beaucoup d'information et je crois qu'il est important de comprendre l'information qu'on reçoit. Le ministère des Finances nous informe que seuls ceux qui gagnent plus de 125 000 $ par année en moyenne peuvent s'attendre à un remplacement de moins que 70 p. 100 de revenu moyen à la date de la retraite.

Effectivement, tous les Canadiens en moyenne auront au moins 50 p. 100 de plus que le revenu de remplacement. Même parmi ceux qui ont un revenu supérieur à 125 000 $ par année, 70 p. 100 ont un montant élevé de contributions non utilisées dans leur REER et ne contribuent pas au maximum.

Lorsqu'on examine les données démographiques, on remarque que le problème se situe dans le secteur privé. Les employés du secteur public ont un régime de retraite assez généreux comparativement à celui du secteur privé. Seulement le tiers des employés d'entreprises privées sont couverts par un régime de retraite et, forcément, deux tiers de ces employés ne le sont pas.

On arrive à la conclusion que le problème majeur dans le secteur privé, c'est que les gens n'épargnent pas suffisamment. Je ne parle pas de ceux qui gagnent un revenu inférieur à 50 000 $, mais bien des employés de secteurs haut de gamme qui n'épargnent pas assez.

Dans une telle situation, deux questions se posent. Faut-il créer un système national ou gouvernemental qui force ces gens à épargner à un taux de pourcentage plus élevé? C'est un débat d'ordre philosophique. Devrait-on imposer un taux d'épargne à ces gens? Est-ce que le contribuable devrait les subventionner par le biais du programme de REER ou via un autre programme, surtout lorsqu'on sait que le problème ne vise pas les gens les plus démunis de la société?

Le troisième débat touche la gouvernance, le professionnalisme et surtout le coût de gestion des fonds du REER qui est beaucoup trop élevé. On dit qu'un programme national ou une collectivité de gestion résoudrait tous ces problèmes. Tout le monde demande un REER plus élevé et tout le monde demande plus de générosité de la part du gouvernement. Mais cet argent doit venir de quelque part, sans doute du contribuable.

Pourquoi subventionner des gens qui gagnent un revenu déjà assez élevé? Je ne suis pas convaincu de l'efficacité d'un programme de collectivité subventionné pour aider ceux qui gagnent un revenu plus élevé à épargner.

[Traduction]

M. Pierlot : Si je comprends bien, vous voulez savoir pourquoi on devrait créer un système qui aiderait les gens dont le revenu est plus élevé?

Le sénateur Massicotte : Je comprends qu'il faut établir une structure pour encourager les gens à épargner. Là où cela me pose problème, et je joue l'avocat du diable, c'est que je ne vois pas pourquoi nous devrions nous préoccuper des REER, qui constituent, indirectement, des comptes d'épargne subventionnés, si les gens qu'on essaie d'aider sont ceux dont les revenus sont les plus élevés? C'est là que le bât blesse. Pourquoi le Canadien moyen devrait-il subventionner ces gens pour qu'ils épargnent davantage? Je parle ici de ce qui donne droit à une aide fiscale.

Je comprends l'idée d'un programme national d'épargne. Cela se justifie. Les gens n'épargnent pas suffisamment dans le secteur privé. Peut-être faut-il leur donner un petit coup de pouce, pour employer l'expression d'un autre. Mais pourquoi les subventionner? C'est vraiment en quoi consiste un REER.

M. Pierlot : Je ne suis pas d'accord pour dire qu'un REER est une subvention. Un REER est un report d'impôt. En fait, le gouvernement favorise l'épargne dans un REER, parce que l'impôt dont on se prive aujourd'hui sera perçu plus tard, avec intérêt, en présumant, bien sûr, que l'argent ait été investi correctement par le particulier.

Voilà qui met en lumière un réel problème dans le rendement des REER. Lorsqu'on y perd de l'argent, le gouvernement en souffre aussi puisque si le montant retiré derrière est réduit, les impôts le sont également.

Je pense qu'il est tout à fait dans l'intérêt du gouvernement de s'assurer que ces montants sont mieux gérés.

À mon avis, il ne s'agit pas vraiment d'une subvention, parce que le concept d'un REER, c'est qu'il permet le report d'impôt. On ne perçoit pas cet impôt dès maintenant, mais seulement plus tard; en d'autres mots, il est ajusté en fonction de l'intérêt. On ne peut pas dire qu'il s'agit d'une subvention. Je crois qu'il s'agit d'épargne pour le particulier comme pour le gouvernement.

Il y a en fait de bonnes raisons macroéconomiques à long terme qui expliquent pourquoi on devrait inciter les gens dont le revenu fait partie des fourchettes moyennes ou supérieures à économiser davantage par l'entremise de ces instruments, parce qu'au bout du compte, lorsque les baby boomers prendront leur retraite, l'impôt sur le revenu de la population active sera réduit. Par quoi sera-t-il remplacé? Si on a investi dans des REER et dans des régimes de pension — et si vous regardez l'impôt associé à ces régimes aujourd'hui, vous constaterez que cela est considérable — vous tirez des revenus d'impôt qui remplaceront la perte dans la population active. Voilà pour le REER.

Je suis plutôt d'accord avec vous à l'égard du CELI. Il s'agit d'une image inverse d'un REER : l'argent placé dans ce compte n'est plus imposé. Je pense que les effets de ce compte sont légèrement différents d'un REER, parce que les épargnes ainsi accumulées sont à l'abri de l'impôt.

Le CELI est un excellent instrument. Je crois qu'il est profitable pour les gens à faible revenu, puisqu'ils ne perdent ainsi pas le droit de toucher de suppléments de revenu garanti, et ainsi de suite. Toutefois, puisque ces revenus d'impôt sont perdus à jamais, je pense qu'il faudrait y imposer un maximum à vie, afin de limiter les avantages de cet instrument pour les gens à revenu très élevé.

M. Kolivakis : Je suis d'accord avec M. Pierlot. Je ne considère absolument pas le REER comme une subvention. En fait, il avait tout à fait raison sur un point : les REER sont un moyen de reporter l'impôt. Au bout du compte, le gouvernement percevra des impôts lorsque vous retirerez des montants de vos REER. Cependant, si vous n'investissez pas judicieusement ou si vous êtes gravement touchés par une crise financière, vous en souffrez, mais le gouvernement aussi.

Les intérêts se rejoignent. Je pense que nous défendons le même point. Le gouvernement comme les particuliers ont intérêt à ce que ces investissements donnent un bon rendement à long terme, sur la durée de votre vie. Toutefois, pour l'instant, ce n'est pas ce qui se passe.

Je ne suis pas d'avis que la plupart des gens obtiennent un bon rendement dans leurs REER. Si on étudiait la question de près, je pense qu'on se rendrait compte qu'au cours des 20 dernières années, le rendement était plutôt faible. Je ne suis donc pas d'accord.

Et si on établit un régime de pension universel, les REER et les comptes d'épargne libre d'impôt perdent de leur pertinence. Soyons réalistes : les comptes d'épargne libre d'impôt sont une vraie farce pour les gens à revenu élevé. N'importe qui peut mettre 5 000 $ de côté par année. C'est ce que j'appelle un problème de richesse, parce que les gens aisés n'ont aucune difficulté à épargner 5 000 $ par an. Ce sont les gens à faible revenu qui en ont; ils peinent à mettre de l'argent de côté dans leurs REER. Une grande part de la population en ce moment fait face à ce problème, pour diverses raisons. Le Canada doit aussi faire face à une bulle immobilière.

Je m'inquiète des perspectives à long terme au Canada. Tout va comme sur des roulettes et tout le monde vente l'économie canadienne qui s'en est sortie relativement indemne. J'ai l'impression qu'on passera un moment difficile dans les cinq prochaines années. Si c'est le cas, ça ne fera qu'exaspérer le problème des pensions.

Je préférerais qu'on n'emploie pas d'expressions du genre : « nous subventionnons une certaine portion de la population », qui risquent de créer une lutte des classes. Je veux qu'on trouve une solution dans l'intérêt de l'ensemble des Canadiens, peu importe leur niveau de revenu.

Le sénateur Massicotte : J'hésite encore à dire que les REER ne sont pas des subventions, parce que de toute évidence, le gouvernement renonce à des revenus, et le coût des obligations est de 4 ou 5 p. 100. Voilà ce que cela vaut.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la structure et de la gestion d'un système collectif. On parle toujours de secteur public ou de secteur privé, mais je pense que les expressions ne sont pas toujours employées à bon escient. Supposons qu'on regroupe le capital afin de mieux le gérer, et ainsi diminuer les coûts —. Si vous partez de ce principe, vous comprenez toute la différence, si vous dites que ça ne peut être le secteur privé. Les enseignants font-ils partie du secteur privé? Est-ce ce que vous voulez dire?

À qui incomberait-il de gérer le système? Pourquoi ne pas faire comme au Royaume-Uni ou ailleurs, l'Australie, peut-être? C'est collectif. Faites un appel d'offres dans le secteur public, assorti de critères : les coûts de gestion ne peuvent pas dépasser tant, il nous faut votre historique de rendement et vos principes de gouvernance. Pourquoi ne pas laisser le secteur privé gérer ces fonds?

Il me semble que vous vous butez à dire que ça ne peut pas être le cas.

M. Kolivakis : Permettez-moi de vous expliquer. Le régime de pension australien a été gravement touché. Son rendement a été parmi les plus faibles. Cela n'a tout simplement pas fonctionné. Il faut le dire franchement. Le Canada est doté d'un régime public à prestations déterminées parmi les meilleurs au monde. Nous disposons également d'un important régime privé interentreprises, le Healthcare of Ontario Pension Plan, HOOPP. Dans le secteur public comme dans le secteur privé, le Canada dispose d'excellents régimes à prestations déterminées.

Nous soutenons que c'est le secteur public qui doit s'en charger. Ces régimes privés interentreprises peuvent fonctionner, comme c'est le cas du HOOPP. Toutefois, je pense qu'il faut aller encore plus loin, parce que si on établit la bonne structure qui reflète la population canadienne dans son ensemble, le régime sera d'autant plus efficient. Vous n'aurez pas à vous inquiéter de l'avenir des retraités et des personnes handicapées si Nortel fait faillite, ce qui fait tout un scandale. Je pourrais vous parler des grandes entreprises.

Le sénateur Massicotte : Soyez plus précis. Pourquoi est-ce différent? Les gestionnaires des fonds de pension publics dans la fonction publique géraient auparavant des régimes semblables dans le secteur privé. Ce n'est pas une question de compétence. Quelle est donc la différence? Comment l'expliquez-vous?

M. Kolivakis : C'est une question de coûts. On est en mesure d'offrir le service pour des coûts beaucoup moindres.

Le sénateur Massicotte : Beaucoup moindre que les gros régimes privés et publics, comme le CN ou le CP?

M. Kolivakis : Le CN est un bon exemple d'un régime privé bien géré, mais oui, on peut faire concurrence à ces régimes privés et offrir des services à moindre coût.

Le sénateur Massicotte : Je conviens qu'on peut y faire concurrence, et vous recommandez qu'on opte pour le secteur public de toute façon. J'essaie de comprendre pourquoi.

M. Kolivakis : Pour les mêmes raisons pour lesquelles nous avons un système de soins de santé publique. Des soins de santé sont encore offerts dans le secteur privé, mais pourquoi? C'est un bien public. C'est la raison pour laquelle nous avons des soins de santé publique.

Les raisons qui justifient un système de soins de santé publique justifient également la création d'un régime de pension universel public. On serait ainsi en mesure d'offrir le service à des coûts beaucoup moindres. Ce ne sera pas parfait, mais je pense sincèrement que c'est le secteur public qui devrait prendre l'initiative d'assurer la prestation de ces services. Je ne sais pas si M. Pierlot est d'accord avec moi.

M. Pierlot : J'aimerais dire quelques mots. Nous prenons bonne note de vos questions. Il faut se demander pourquoi les membres des régimes de retraite à cotisations déterminées ou autres n'obtiennent pas de si bons résultats que ceux qui sont membres des régimes de retraite du secteur public. Cela revient à la concordance des intérêts des agents et des mandants, et à la gouvernance des régimes. Les gestionnaires des régimes publics ont un mandat, ainsi que des incitatifs salariaux afin qu'ils maximisent leur rendement et gèrent les régimes dans l'intérêt des membres.

C'est également vrai pour les régimes de retraire des employeurs du secteur privé. Lorsqu'un régime privé atteint le milliard de dollars ou plus, ces coûts d'exploitation s'élèvent à 0,3 ou 0,35 p. 100, ce qui est tout à fait comparable à un régime du secteur privé, et son rendement sur l'investissement est également comparable à un régime du secteur public.

D'après ce que j'ai vu des taux de rendement, la gestion des plans et la gouvernance, cela n'a rien à voir avec le secteur privé ou public. Tout repose sur la gouvernance et la structure des incitatifs destinés aux personnes qui gèrent le plan. Ces règles s'appliquent tant au secteur public qu'au secteur privé.

Le sénateur St. Germain : Merci messieurs de comparaître aujourd'hui. Monsieur Kolivakis, vous avez mentionné quelque chose au sujet des banques. Quelle est la valeur de l'érosion subie par la richesse des aînés qui traditionnellement comptent sur les taux d'intérêt perçus sur les CPG, les certificats de placement garanti et autres produits du genre? Je n'ai toujours investi que dans ce genre de produits. Le taux d'intérêt est maintenant de 0,25 p. 100 ou 1 p. 100 et la Banque du Canada a pour politique de maintenir ce faible taux d'intérêt. L'assise financière de nos aînés a dû subir énormément d'érosion, de sorte qu'ils devront dépenser leur capital.

M. Kolivakis : Je suis tout à fait d'accord.

Le sénateur St. Germain : Vous avez évoqué les énormes profits réalisés lors du commerce des valeurs mobilières.

M. Kolivakis : C'est exact.

Le sénateur St. Germain : Selon vous, où se trouve l'équilibre? Selon moi, les salaires et les primes de rendement ridicules accordés par les banques aux cadres supérieurs sont déraisonnables.

Écoutez, je crois que nous avons un bon système bancaire, mais je pense qu'il existe un équilibre et je me demande si nous ne sommes pas déséquilibrés à l'heure actuelle en raison des politiques de la Banque du Canada et de l'attitude générale des banques.

Je vais vous parler de mon expérience personnelle. Dans mes affaires, que je dirige très peu depuis que je suis devenu sénateur, j'ai toujours obtenu des taux d'intérêt basés sur le taux préférentiel majoré d'un 0,5 p. 100. Et puis, tout d'un coup, comme un cheveu sur la soupe, il y a environ neuf mois, on est revenus me voir pour me dire que mon taux d'intérêt allait être augmenté. Je n'avais pas besoin d'emprunt. Ils m'ont dit que par conséquent, cela ne me toucherait guère. Mais qu'en est-il pour ceux qui sont toujours activement en affaires? Le taux d'intérêt a tout simplement été arbitrairement majoré, sans excuse.

Le niveau d'érosion me préoccupe en raison des problèmes qui en découlent, qu'il s'agisse de fiducies de revenu ou autres produits, où nos aînés ont perdu beaucoup d'argent.

M. Kolivakis : J'ai l'impression que la dernière crise financière a frappé les aînés de plein fouet et c'est pourquoi je parle de la pauvreté liée à la retraite des personnes plus âgées. Nous faisons face à une crise, surtout en ce qui a trait aux personnes âgées. À l'heure actuelle, tandis que les taux d'intérêt sont faibles, la Banque du Canada et la Réserve fédérale suivent essentiellement un ancien modèle selon lequel la façon de relancer l'économie est de se pencher sur les profits des banques.

Ces banquiers, qui sont essentiellement aux États-Unis, ont supprimés de leurs livres une grande quantité de prêts irrécouvrables, et afin de recapitaliser le système financier, on a réduit les taux d'intérêt à presque rien afin que les banques puissent emprunter à très faible coût, et par la suite, elles ont investi partout dans le monde dans des marchés émergents et des obligations de sociétés, de sorte qu'elles font d'immenses profits dans le commerce des valeurs mobilières.

Le sénateur Ringuette : Avec notre argent.

M. Kolivakis : Il ne s'agit pas uniquement des banques américaines. Les banques canadiennes font également d'énormes profits. Si vous jetez un coup d'œil sur les rapports annuels des principales banques canadiennes et américaines pour le dernier trimestre, jetez-y un coup d'œil et vous verrez quels pourcentages de recettes proviennent des opérations du marché financier par rapport aux activités traditionnelles liées aux prêts.

Si vous allez sur le site de la Banque du Canada et que vous examinez le crédit aux entreprises accordé par les banques commerciales, vous verrez qu'il est toujours négatif. Je pense qu'il se situe à moins 14 p. 100. Elles ne prêtent pas aux petites et moyennes entreprises parce qu'il n'y a rien pour les inciter à le faire. À l'inverse, elles veulent négocier dans les marchés financiers et réaliser des gains considérables, et elles continueront à le faire tant et aussi longtemps que les taux d'intérêt resteront peu élevés. Toutefois, les faibles taux d'intérêt obligent les personnes âgées à prendre des risques qu'ils ne devraient pas prendre s'ils veulent conserver — excusez-moi?

Le sénateur Ringuette : Tant et aussi longtemps que nous leur fournirons des liquidités.

M. Kolivakis : Tout à fait. L'affaire des banques, c'est de faire de l'argent, mais quand elles font tellement d'argent sur les échanges plutôt que de prêter aux petites et moyennes entreprises et qu'elles profitent de la crise financière pour augmenter le coût d'emprunt, même aux bons prêteurs d'argent, on se rend compte que tous les prétextes sont bons pour gagner encore plus d'argent. Cela m'inquiète.

Je suis d'accord avec vous pour dire que les aînés ont été très durement touchés. Nous n'avons pas encore de données officielles, mais je crois que, si vous en discutez avec Statistique Canada après la publication du prochain recensement, vous constaterez qu'ils ont été durement touchés.

M. Pierlot : Je ne suis pas spécialiste du secteur bancaire, alors je serai bref.

J'estime que les faibles taux d'intérêt au Canada ne font en fait que refléter la tendance mondiale. Les taux d'intérêt sont faibles dans le monde entier. Je sais que les banques ont augmenté les taux qu'elles utilisent pour prêter de l'argent. C'est sans doute, en partie du moins, parce qu'elles cherchent à compenser leurs pertes et à éviter de consentir trop de prêts à risque comme elles l'ont fait par le passé. Ce n'est là qu'une conjecture.

Et si les aînés se trouvent dans une situation économique difficile, c'est que la valeur nette de ceux qui partent à la retraite est très peu élevée. La valeur nette médiane de quelque 13,3 millions de ménages au Canada était de 148 000 $ en 2005, soit 75 000 $ par soutien économique. D'après une étude qu'a publiée récemment Jack Mintz sur l'adéquation du revenu de retraite, la valeur nette du ménage typique, non pas des ménages à revenu élevé, mais des ménages à revenu moyen, au moment de la retraite, est d'environ 300 000 $. Ce montant comprend l'épargne pour la retraite, et biens immobiliers, tout.

Les faibles taux d'intérêt et les taux de rendement moins élevés sur les placements contribuent certainement à la situation précaire dans laquelle se trouvent les aînés, mais je pense que le problème est sans doute davantage attribuable au fait que les taux d'épargne pendant la vie active ont été insuffisants.

M. Kolivakis : Pourrais-je répondre très brièvement?

Le président : Certainement.

M. Kolivakis : Qu'arrivera-t-il si nous sommes plongés dans une nouvelle crise financière et que le Canada et les États-Unis se retrouvent, comme c'est le cas au Japon, dans une situation de déflation, où les taux d'intérêt se maintiennent à 0 p. 100 pendant 10 ou 20 ans? Voilà ce qui m'inquiète quand il s'agit des disparités de revenu des aînés, car ils seront très durement touchés.

Le sénateur St. Germain : Tout à fait. Prenons le cas de quelqu'un qui a épargné 400 000 ou 500 000 $ et qui a coutume de toucher un rendement de 6 p. 100 sur ses placements qui lui rapportent 24 000 $ par an. Dans la situation actuelle, leurs placements ne leur rapportent rien, si bien qu'ils se mettent à gruger leur capital, et qu'à force de dépenser, ils se retrouveront dans la pauvreté. Nous prenons toutes sortes de mesures pour les aider.

Je suis d'accord. Le CELI est une bonne idée, d'après moi, mais ceux qui gagnent entre 50 000 et 60 000 $ par an et qui élèvent des enfants ne pourront pas en profiter. Ils n'ont tout simplement pas le revenu disponible dont ils ont besoin pour faire des placements. Merci de m'avoir permis d'intervenir.

Le sénateur Massicotte : Si dans 20 ans nous nous retrouvions dans la même situation que le Japon, que faudrait-il faire d'après vous?

M. Kolivakis : Dans une telle situation, les revenus du gouvernement seraient touchés.

Le sénateur Massicotte : Que feriez-vous?

Le président : Que préconisez-vous pour prévenir pareille situation?

M. Kolivakis : Pour la prévenir? Je crois que la réponse réside dans ce que fait Ben Bernanke et presque tous les dirigeants des banques centrales du monde. Non seulement ils impriment des billets, mais ils ont recours à des opérations non marchandes, comme l'assouplissement quantitatif, pour tenter d'éviter à tout prix la déflation. Ce qui m'inquiète dans ce scénario, c'est que tous les moyens sont bons, si bien que le niveau d'endettement atteint des sommets inégalés sur les marchés obligataires du monde entier et que la crise qui frappe la Grèce en ce moment pourrait bien frapper les autres pays d'Europe.

Le sénateur Massicotte : Que feriez-vous de différent? Vous dites que vous êtes d'accord avec ce qu'elles font.

M. Kolivakis : Je ne suis pas ici pour commenter les politiques de la Banque du Canada ou d'autres banques centrales. Pour ce qui est de ce qu'elles font, elles ont en quelque sorte décidé de tenter de recapitaliser le système bancaire et de garder les taux les plus bas possible pendant le plus de temps possible. En faisant cela, c'est comme lorsqu'on étire un élastique. Lorsque les justiciers des obligations flairent le sang, ils n'hésitent pas à frapper et à court- circuiter votre risque de dette souveraine, peu importe où vous vous trouviez, que ce soit en Grèce, au Canada ou aux États-Unis. Ils s'en fichent dorénavant. Ces spéculateurs sont là pour faire de l'argent.

Les taux du marché vont augmenter très rapidement, et c'est une autre crainte que j'ai. Si cela se produit, si les taux d'intérêt commencent à augmenter très rapidement, nous aurons une autre vague.

Le sénateur Massicotte : Les fonds de pension et tous leurs investissements deviendraient-ils indépendants?

M. Kolivakis : Les fonds de pension seront touchés parce que ce sont des investissements à long terme sur des marchés boursiers, dans l'immobilier, des actifs privés à long terme. Ils seront durement touchés s'il y a une autre vague.

Le sénateur Massicotte : À moins qu'ils aient l'argent comptant comme vous l'avez prédit.

M. Kolivakis : Ça ne peut pas se produire à cause de la politique en matière d'investissement. Ils seront durement touchés à moins qu'ils se soient préparés.

Le président : Sur cette note joyeuse, je voudrais remercier nos témoins. Ils ont manifestement suscité beaucoup d'intérêt chez les membres du comité.

Permettez-moi de vous présenter notre prochain groupe de témoins : Kevin Milligan et Richard Shillington. M. Milligan se joint à nous par vidéoconférence. Il est professeur à l'Université de la Colombie-Britannique. Il a publié plusieurs documents sur la retraite, dont Tax-Preferred Savings Accounts and Marginal Tax Rates : Evidence on RRSP Participation, The Retirement Incentive Effects of Canada`s Income Security Programs, The evolution of elderly poverty in Canada, and Lifecycle Asset Accumulation and Allocation in Canada.

Nous recevons également à Ottawa Richard Shillington, statisticien à Informetrica Limited. Il a rédigé plusieurs articles sur la retraite, notamment, The Dark Side of Targeting : Retirement Saving for Low-Income Canadians et Hit the Least Vulnerable in Cutting « MTRS »; et son livre électronique, Retirement Planning for the Rest of Us.

Ça promet d'être une séance intéressante. Monsieur Milligan, vous avez la parole.

[Français]

Kevin Milligan, professeur adjoint d'économie, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Merci de m'avoir invité à parler devant le comité.

Je vais vous parler brièvement de trois points principaux. Après quoi je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

Je vais vous parler d'abord du REER. J'attire l'attention sur l'ampleur de la participation aux REER, puisque nombreux sont ceux qui déplorent qu'elle ne soit pas suffisante. Les gens ont souvent des raisons fort valables de ne pas cotiser. Les Canadiens âgés du quartile inférieur de la répartition des revenus reçoivent déjà des prestations de retraite suffisantes pour maintenir leurs niveaux de vie après la retraite même sans REER. Par ailleurs, le taux d'imposition réel sur l'argent retiré du REER peut être extrêmement élevé, ce qui fait du REER un choix peu judicieux pour les aînés à faible revenu. En outre, il se peut que les Canadiens qui cotisent à un régime de retraite professionnel solide n'aient pas besoin d'épargnes supplémentaires pour maintenir leurs niveaux de vie. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que tous les Canadiens cotisent également aux REER.

J'aurais quelques observations à faire au sujet du compte d'épargne libre d'impôt. Je crois que le CELI est une addition intéressante à notre régime fiscal et qu'il offre à beaucoup plus de Canadiens la possibilité de défiscaliser de l'épargne. Ce qui nous préoccupe, c'est l'impact à long terme du CELI sur le régime fiscal. La première année, les droits de cotisation n'étaient que de 5 000 $ par Canadien. Cependant, avec le temps, l'impact du CELI sera beaucoup plus considérable. Par exemple, en 20 ans, les droits de cotisation d'un couple marié totaliseront 200 000 $.

Il s'ensuit que, sauf pour les Canadiens les plus riches, il n'y aura plus d'impôt personnel sur le revenu du capital. L'efficience de l'économie trouve peut-être son compte, mais il faut tenir compte des incidences à long terme du CELI sur le régime fiscal. Le CELI aura sur les recettes fiscales et sur la progressivité du régime fiscal un impact considérable.

Troisièmement, je voudrais vous proposer un nouveau crédit d'impôt pour encourager l'épargne. Notre système d'épargne actuel ouvrant droit à l'aide fiscale souffre de deux défauts. D'abord, il existe de subtils obstacles psychologiques de nature non économique à la participation. Beaucoup de Canadiens sont intimidés par la complexité du régime fiscal, les formulaires à remplir et l'obligation de parler de placements avec un banquier. Ces obstacles peuvent influer grandement sur la participation.

Le second défaut, c'est que l'avantage fiscal est dans une large mesure à long terme et le peu d'intérêt immédiat pour celui qui envisage d'ouvrir un compte. Rares sont ceux qui aiment dresser des feuilles de calcul et des plans financiers qui tiennent compte d'avantages fiscaux à venir. Ces deux défauts pointent vers une conclusion : le meilleur moyen d'augmenter la participation, c'est de faciliter l'ouverture du compte, que ce soit pour les REER ou les CELI.

Des petits changements aux règles en vigueur peuvent avoir un effet sur les investisseurs avertis amateurs de feuilles de calcul. Cependant il est à peu près certain qu'ils cotisent déjà. Pour augmenter la participation à l'épargne défiscalisée, il faut quelque chose de plus audacieux. Je propose un crédit d'épargne qui serait versé dans le REER ou le CELI dès l'ouverture du compte. Ce serait analogue au Bon d'études canadien qui fait partie du REER.

Ce crédit d'épargne offre trois avantages. Premièrement, il fait coïncider l'avantage fiscal avec le moment psychologiquement exigeant de l'ouverture du compte. Deuxièmement, il peut être ciblé en faveur des groupes de revenus qui peuvent avoir besoin d'être incités à ouvrir un compte. Troisièmement, il en coûte beaucoup moins au fisc d'aborder un avantage ponctuel qu'une subvention annuelle à l'épargne.

Une fois le compte ouvert, l'épargnant reçoit un renforcement positif des états trimestriels de la banque. Une fois dans le système, il commencera à s'y sentir à l'aise. L'objectif du crédit d'épargne est d'attirer des épargnants au système.

Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions. Je suis impatient d'entendre maintenant M. Shillington.

Le président : Bon nombre de Canadiens sont intimidé par la complexité du régime fiscal. J'oserais même dire que c'est le cas de tous les Canadiens sauf peut-être pour ce qui est des avocats fiscalistes.

Monsieur Shillington, vous avez la parole.

Richard Shillington, Informetrica limitée, Valeur possible des comptes d'épargne libre d'impôt : Je vous remercie de cette occasion qui m'est donnée de vous parler des comptes d'épargne libre d'impôt. Tout au cours de ma carrière j'ai publié des études au sujet de l'efficacité de la sécurité de la vieillesse, du supplément du revenu garanti et du régime de pension du Canada, au sujet de la littératie en matière financière; au sujet de la façon dont ces programmes fonctionnent pour les personnes âgées. Je suis très heureux d'avoir cette occasion.

J'ai commencé à m'intéresser à la question lorsque j'ai fait publier une étude par l'Institut C.D. Howe montrant que les REER étaient un très mauvais investissement pour les Canadiens qui, plus tard au cours de leur vie, recevaient le supplément du revenu garanti. Pour en comprendre les raisons, il faut comprendre comment fonctionne le SRG.

Environ 38 p. 100 des personnes âgées reçoivent le SRG. La majorité des personnes âgées qui prennent leur retraite sans régime de pension d'un employeur seront admissibles au SRG. Les prestations de SRG sont réduites de 50 ¢ pour chaque dollar en revenu. Le revenu qui a une incidence sur le SRG comprend notamment les retraits d'un REER, les revenus d'investissement et certaines formes de gains. En plus de réduire les prestations en vertu du SRG, ces sources de revenu sont également assujetties à l'impôt sur le revenu. Donc, le taux d'imposition réel sur le revenu pour ceux qui reçoivent un SRG est d'au moins 50 p. 100, parfois de 75 p. 100 et dans d'autres cas de 100 p. 100 et même davantage. Les experts dans ce domaine le savent très bien.

Prenons exemple : une personne âgée reçoit la sécurité du revenu et retire 1 000 $ de son REER. Pour la prochaine année d'imposition, sa prestation de SRG sera réduite de 500 $. En outre, il lui faudra peut-être verser 200 $ d'impôt pour ce retrait de 1 000 $ de REER. Si cette personne a un logement social, le loyer augmentera de 300 $. Les 1 000 $ se sont évaporés. En outre, selon son revenu et sa province de résidence, il est possible que la franchise pour les médicaments prescrits augmente, de même que le coût des soins à domicile, des repas livrés à domicile, ainsi que les frais de CHSLD pour le couple. Pour un récipiendaire de SRG vivant dans un logement social dont le loyer correspond à 30 p. 100 du revenu, le taux d'imposition est presque certainement à 100 p. 100.

Pour ceux qui reçoivent le SR, les REER sont comme un fonds mutuel facturant le rachat des parts à 50 p. 100 en fin de période, pour parler en termes financiers, tout en étant imposable pour l'ensemble de la somme, avant facturation. Les CELI pourraient donc être avantageux avec deux groupes tout à fait différents. Sur l'échelle de répartition des revenus, ils sont diamétralement opposés. Pour les Canadiens qui savent qu'ils auront un faible revenu à la retraite, les CELI sont une façon d'épargner pour leur retraite, tout en évitant la récupération du SRG. Les CELI n'étaient pas ma solution privilégiée aux problèmes de récupération du SRG, mais c'est l'option qui est offerte.

Pour les Canadiens extraordinairement riches, les CELI sont une façon de transmettre des actifs à leurs enfants, entre vifs, pour accumuler des sommes colossales allant jusqu'à un million de dollars, tout en étant admissibles à la sécurité du revenu à la retraite, puisque les CELI ne sont pas admissibles pour la récupération du SRG.

À mon avis, le CELI proposé comporte deux problèmes. Les Canadiens à faible revenu pourraient s'en prévaloir, mais il leur faudrait pour cela des conseils financiers. Je ne pense pas qu'ils en reçoivent. J'ai fait l'expérience, auprès de ma banque. J'y suis allé et j'ai demandé à la personne à la réception qui serait avantagé par un CELI, comparé à un REER. On ne pouvait pas me répondre. Au cours des 30 dernières années, il n'y a jamais eu de publicité pour nous prévenir que les REER étaient un investissement déplorable pour 38 p. 100 de la population. Au cours des deux dernières années, je n'ai pas vu de publicité visant à aider les gens à choisir entre des REER et des CELI. Je crois qu'il n'y en pas.

Pour les Canadiens à faible revenu ou à revenu modeste, dont la plupart n'ont pas de régimes de retraite de leurs employeurs, les CELI sont préférables aux REER. Pourtant, les conseils financiers que l'on reçoit sont uniformes. Pour les Canadiens à revenu élevé, les REER et les CELI ont tous deux des avantages et des inconvénients, selon les circonstances. Pour les Canadiens à faible revenu, les CELI sont une option et les REER, un risque. Dans un article publié par l'Institut C. D. Howe, je disais que c'était une forme de fraude, et on a contesté ces propos. Je disais que les belles promesses des REER ne se réaliseraient pas et ceux qui fournissaient ce genre de conseils étaient au courant. Je pense que le terme que j'ai choisi est juste. Pour les CELI, le premier problème, c'est le manque de conseils financiers pour les épargnants. Le deuxième problème auquel ont fait allusion les témoins précédents, c'est la création d'une échappatoire fiscale financière qui, à long terme, peut permettre d'accumuler des sommes colossales d'un million de dollars pour quelqu'un qui pourrait toucher le SRG, ce qui ferait perdre toute crédibilité au régime. Il devrait y avoir une sorte de maximum à vie. Pour les gens dont je m'inquiétais dans Retirement Planning for the Rest of Us, un maximum à vie de 100 000 $ de CELI serait satisfaisant, en général.

Voilà qui termine l'exposé que j'avais préparé, mais après avoir entendu les propos de la dernière heure, j'aimerais encore dire quelque chose, si vous le permettez, pour que vous compreniez bien la situation d'environ la moitié des Canadiens qui prennent leur retraite, sans avoir de régime de pension. Pour cette catégorie de gens, le revenu moyen est de 15 000 $ et 80 p. 100 d'entre eux ont un revenu de moins de 20 000 $. Sont-ils pauvres ou non? Tout dépend de la mesure de la pauvreté. Il y a longtemps que je pense à la façon de mesurer la pauvreté, puisque j'ai publié un document d'information sur la pauvreté en 1989. Le taux de pauvreté chez les personnes âgées varie énormément, selon le seuil de revenu, mais précisons que 80 p. 100 d'entre eux ont un revenu inférieur à 20 000 $. Je vous explique. La sécurité de la vieillesse représente environ 6 000 $. Le régime de pension du Canada verse au maximum 10 000 $, avec en moyenne 7 000 $ pour les hommes et 5 000$ pour les femmes. Ces deux régimes combinés donnent 13 000 à 14 000 $. Les prestations de sécurité du revenu garanti au maximum d'environ 6 000 $, et de 3 000 $ en moyenne. On arrive au total de 15 000 $. En fait, plus vous recevez du RPC, moins vous recevez en SRG. Si vous avez épargné dans un REER, vos prestations de SRG seront réduites. Tant que vous recevez le SRG, il sera difficile d'avoir un revenu supérieur à 18 000 ou 19 000 $.

On a posé des questions au sujet de la situation des personnes âgées. Observons simplement que pour être admissible au SRG, une personne vivant seule doit avoir un revenu inférieur à 15 000 $, à l'exclusion de la SV, ce qui correspond à 38 p. 100 des personnes âgées. Je pense qu'on pourrait faire mieux.

Le président : Merci, monsieur Shillington.

Le sénateur Harb : Monsieur Milligan, récemment, la Colombie-Britannique a adopté une sorte de régime de pension. Sans trop entrer dans les détails, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, si ce régime fonctionne bien et s'il mériterait de servir de modèle pour le reste du pays?

M. Milligan : Ma réponse sera brève. Des discussions ont eu lieu au sujet d'un régime de pension parrainé par la province, pour la Colombie-Britannique et l'Alberta. On parlait du régime ABC. On dit que cela pourrait servir de modèle pour modifier notre régime de pension. La question est la suivante : ce changement vise à régler quel problème, au juste?

Quand je vois certaines de ces propositions, je crains que l'objectif visé ne justifie pas les moyens envisagés. Dans certains secteurs, le secteur public a un grand rôle à jouer et nous pouvons améliorer ce que fait le secteur privé. Dans d'autres secteurs, le secteur privé se débrouille assez bien.

Ce que je crains, quand j'entends ce genre de proposition, c'est qu'on propose une grande innovation qui remplacerait non seulement ce que le secteur public peut bien faire, mais aussi qu'on empiète sur ce que le secteur privé fait déjà bien.

Le sénateur Harb : Les médecins ne peuvent pas cotiser à un régime de retraite et d'après les statistiques, ils quittent le pays par milliers. Ils déménagent aux États-Unis et ailleurs, en partie parce qu'ils sont trop durement touchés. D'après un témoin précédent, les médecins ne peuvent pas recevoir des conseils adéquats, mais, en fait, c'est parce qu'il y a des incidences fiscales. La Loi de l'impôt sur le revenu ne leur permet pas d'agir ainsi parce qu'ils sont considérés comme des travailleurs autonomes et, par conséquent, il faudrait modifier la loi si l'on veut qu'ils puissent mettre en place un régime, quel qu'il soit. Voilà pourquoi je m'intéresse à ce qu'essaie de faire la Colombie-Britannique. Je pense que ce problème pourrait être réglé par un régime comme celui dont vous parlez, malgré les lacunes qu'il pourrait avoir.

M. Milligan : Je ne veux pas être trop pessimiste à l'égard du plan de la Colombie-Britannique ou de l'Alberta. Je n'ai pas les détails de ces plans devant moi et je ne les ai pas étudiés en détail, mais j'ai examiné des comptes rendus de ces plans, et la question que je pose toujours, c'est quel problème exactement ils tentent de résoudre. Le problème dont vous avez parlé mérite certainement qu'on s'y attaque.

Le sénateur Harb : Monsieur Shillington, vous avez fait allusion au fait que vous ne conseilleriez pas aux gens qui ont un faible revenu de cotiser à un REER. Selon les statistiques, il y a très peu de gens ayant un faible revenu qui cotisent à un REER. En fait, moins de 10 p. 100 des gens qui ont un revenu de moins de 30 000 $ par an cotisent à un REER, de sorte que vos vœux se sont réalisés.

L'un des témoins qui ont comparu devant notre comité disait en quelque sorte un peu le contraire de ce que vous avez dit au sujet des personnes âgées. Il a dit que les personnes âgées étaient les plus grands épargnants. En fait, les personnes âgées qui comptent sur le système public pour leurs pensions sont dans une bien meilleure situation que bon nombre d'autres Canadiens, car, comme vous l'avez mentionné, ils ont un revenu annuel qui s'élève à environ 15 000 $, ils ont accès à des logements sociaux, à des médicaments, au transport, et cetera. C'est ce qu'il disait.

Un témoin que nous avons entendu précédemment ce matin a dit qu'il y a une crise chez les personnes âgées, car bon nombre d'entre elles vivent en dessous du seuil de pauvreté. Deux témoins qui ont comparu avant vous ont donc parlé de cette question et je vous demanderais si vous pouviez nous en parler également brièvement?

M. Shillington : Mes vœux se sont réalisés en ce sens que nous avons maintenant le compte d'épargne libre d'impôt, de sorte qu'il est possible ainsi aux gens qui sont destinés à gagner un faible revenu à la retraite d'épargner de façon efficace, bien qu'ils ne le feront que si quelqu'un est prêt à le leur conseiller, et je ne vois pas cela se produire.

Je suis pas mal certain de savoir qui vous a dit que les personnes âgées étaient dans une meilleure position que d'autres segments de la population, et il a tout à fait raison dans certains cas. En Ontario, une personne célibataire reçoit environ 6 000 $ en aide sociale. Si cette personne reçoit de l'aide sociale pour des raisons d'invalidité, ce montant est alors de 9 000 $. À l'âge de 65 ans, ce montant atteint 13 000 ou 14 000 $. Oui, lorsqu'on passe de 64 à 65 ans, si on n'a pas d'autres sources de revenu, le revenu double. Ce témoin avait tout à fait raison.

Je ne sais pas exactement quelle est la solution. J'espère que la solution ne consiste pas à réduire le montant de 13 000 ou 14 000 à 6 000 $. Le taux de pauvreté chez les personnes âgées peut varier énormément selon la façon dont on le mesure. Quoi qu'il en soit, le taux de pauvreté chez les personnes âgées a diminué considérablement au cours des 25 à 30 dernières années, peu importe la façon dont on le mesure, grâce à une croissance du régime de pension du Canada et la maturation du programme, une croissance du taux de participation des femmes et à la croissance de leur revenu de pension. Le taux de participation des femmes a augmenté surtout dans le secteur public qui a le meilleur régime de pension. Le revenu du RPC augmente et le régime de pension augmente, mais j'imagine que toutes ces choses ont une fin. Il est peu probable, je pense, qu'il y ait une augmentation du taux de participation des femmes. Cela ne présage rien de bon pour toute amélioration de la situation à l'avenir.

Le sénateur Harb : Est-ce que la solution serait d'avoir un revenu annuel garanti?

M. Shillington : On ne peut pas répondre à cette question en deux ou trois minutes. Tous ceux que je connais qui ont un avis sur la question sont pour cette idée. Je suis pour un revenu annuel garanti équivalant au seuil de la pauvreté et un taux d'imposition raisonnable. Bon nombre d'autres personnes sont pour un revenu annuel garanti de 6 000 $ et un taux d'imposition de 100 p. 100. Les opinions sont très variées.

Le sénateur Hervieux-Payette : Monsieur Shillington, j'ai été un peu surprise que vous ne soyez pas très enthousiaste au sujet des régimes d'épargne-retraite. J'ai ici un bref compte rendu du rapport de la BMO au gouvernement. On peut y lire que les sonnettes d'alarme sonnent toujours, comme si nous étions au bord d'un précipice. Je crois que nous avons pris des précautions il y a quelques années et que nous avons raison d'intervenir aujourd'hui, mais de manière préventive et non pas en situation de panique. Êtes-vous d'accord avec moi? Sommes-nous dans une situation de panique lorsqu'on parle des régimes de retraite, aujourd'hui? Sommes-nous à la veille d'une énorme crise?

M. Shillington : Je suis mathématicien de formation et j'ai travaillé toute ma carrière dans cette ville, et je sais donc que l'on perçoit les données différemment selon la place que l'on occupe.

Si ce qui nous intéresse avant tout ce sont les taux de remplacement, par exemple savoir quelle partie de la population risque de voir son niveau de vie diminuer considérablement, alors on peut oublier tous ceux dont j'ai parlé qui ont des revenus de moins de 15 000 ou 20 000 $. Je ne pense toujours pas qu'il s'agisse de beaucoup d'argent et je pense que la plupart d'entre nous ne voudraient pas voir leur mère vivre seule avec un tel revenu dans une grande ville. Même les niveaux de revenu absolus sont un problème.

En ce qui concerne le revenu relatif, je crois que tout le monde s'entend sur le fait que le vrai problème avec les taux de remplacement, c'est que les gens du secteur privé qui ont un revenu moyen à élevé ont eu pour la plupart une carrière. S'ils n'ont pas de régime de retraite, cela veut sans doute dire qu'ils n'avaient pas d'assurance-médicaments ou d'assurance dentaire. Je parle ici d'expérience. Le montant médian dans le REER d'une personne qui n'a pas de régime de retraite, au moment où elle prend sa retraite, est d'environ 50 000 $. Ce n'est pas beaucoup d'argent. Par conséquent, ceux qui subiront la plus grosse baisse de revenus — comme la plupart des gens le savent — ce sont les gens qui ont un revenu moyen à élevé et qui travaillent dans le secteur privé. Ce sont ceux dont le niveau de vie changera le plus. Je pense que ce n'est pas une bonne chose sur le plan social.

Le sénateur Hervieux-Payette : Selon le rapport de la BMO, une des propositions consiste à éliminer l'âge de 71 ans pour la conversion du REER en FERR. Pensez-vous que, de façon générale, cette conversion fait une grande différence?

M. Shillington : Pour la population dont on parle et les problèmes dont on discute en ce moment, je pense que ce n'est pas pertinent. Les gens qui sont touchés par cette décision sont ceux qui passent leurs hivers en Floride ou en France.

M. Milligan. J'aimerais me faire l'écho des remarques de M. Shillington. En ce qui concerne une crise éventuelle, je pense que nous pouvons voir la tendance des revenus de retraite qui se profile jusqu'ici.

Je pense que l'on irait trop loin si l'on disait qu'il existe une crise. Comme M. Shillington l'a signalé, il y a un segment de la population — les groupes qui touchent un revenu moyen à élevé —, qui n'a pas de régime de retraite parrainé par l'employeur. Je sais que vous avez déjà discuté au comité quel serait le taux approprié de remplacement du revenu de préretraite, soit 70, 60 ou 50 p. 100. Le fait qu'il existe ou non un problème dépend en bonne partie de ce que vous considérez comme un revenu de remplacement approprié.

Pour ce qui est de la crise, M. Shillington en a parlé. Quand vous parlez d'un taux de remplacement de 50 p. 100 pour une personne à revenu élevé, par opposition à un taux de remplacement de 70 p. 100, c'est ce qui va déterminer si ces personnes passeront leurs hivers en Floride ou en France. Parmi les questions de politique sociale dont on devrait se préoccuper, celle-ci n'est pas la première sur ma liste.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'espère qu'on ne se fera pas accuser d'avoir dit cela. Selon la conclusion du rapport, le gouvernement devrait envisager une augmentation graduelle obligatoire des cotisations au RPC afin de doubler le montant des prestations de retraite maximums actuelles, qui passerait à 19 000 $.

Est-ce que cela correspond à votre argument selon lequel vous n'aimeriez pas voir votre mère vivre avec 15 000 $ seulement?

M. Shillington : Je crois que la seule façon de remédier au problème que l'on vit, c'est d'augmenter de façon obligatoire le rôle d'un instrument comme le RPC, pour commencer. Les gens qui ne s'inquiètent pas de leur revenu pourraient se retirer, mais on devrait certainement encourager les gens à participer à un RPC élargi.

Il faut se rendre compte que c'est une solution pour la population qui a aujourd'hui 30 ou 40 ans. Ce n'est pas une solution pour la population de 50 à 65 ans. C'est une solution à long terme.

J'aimerais revenir sur le taux de remplacement, qu'il soit de 70 ou de 50 p. 100. Nous savons que le Régime de pensions du Canada est conçu pour remplacer 25 p. 100. Souvenez-vous que 25 p. 100, ce n'est pas la même chose que 70 p. 100. Ce n'est pas comparable.

Ce ne sont pas du tout les mêmes chiffres. Le Régime de pensions du Canada remplace 25 p. 100 de votre revenu à vie. Le 70 p. 100 s'applique généralement à votre revenu avant votre retraite, ou les cinq dernières années avant celle-ci. Vingt-cinq pour cent de votre revenu à vie, c'est comme 10 p. 100 de vos cinq meilleures années et 25 p. 100, c'est 25 p. 100 de 40 000 $ maximum. Pour quelqu'un qui touche un revenu de 100 000 $, le RPC ne lui offre pas 25 p. 100, ni même 10 p. 100. Il touchera environ 5 p. 100, n'est-ce pas?

Si l'on pense que 70 p. 100, c'est plus qu'il n'en faut pour les personnes à revenu élevé, j'aimerais alors que le favoritisme fiscal s'arrête une fois que le Régime de pensions à prestations déterminées fournit plus de 50 p. 100 de leur revenu aux participants à revenu élevé. Cependant, je doute que cela arrive.

Les gens qui touchent un revenu très élevé et qui ont un régime de pension à prestations déterminées toucheront quand même 70 p. 100, même si je crois comprendre que tout le monde reconnaît qu'ils n'en ont pas besoin et pourtant, à mon avis, on subventionne ce régime par l'entremise de notre système fiscal.

M. Millligan : Je n'ai rien à ajouter.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ce que l'on a observé ces deux dernières années, c'est que beaucoup des gens qui ont mis de l'argent de côté dans leur REER l'ont vu disparaître, parfois à la vitesse de la lumière. On nous dit que nous allons répéter la même erreur dans l'avenir. Il y a des gens qui sont venus et qui ont proposé que l'on crée un régime de pension supplémentaire du gouvernement, en disant qu'on ne devrait pas dépendre uniquement du secteur privé, parce que les intérêts des retraités et de ceux qui gèrent le régime ne sont peut-être pas les mêmes, quels que soient les frais dont on parle.

Comment pouvons-nous avoir le meilleur des deux mondes, c'est-à-dire minimiser le risque tout en ayant un régime qui n'empêche pas le secteur privé de participer; quel mécanisme peut-on créer pour éviter cette situation?

Étant donné que je viens du Québec, je sais que la Caisse de dépôt a perdu 40 milliards de dollars. On ne peut pas dire que, si le gouvernement administre la caisse, nous sommes protégés de la crise. Cependant, je crois que le Régime de pensions du Canada est un organisme gouvernemental, mais qui traite avec des experts en matière d'investissement qui viennent du secteur privé.

Je me préoccupe beaucoup des conflits d'intérêts. Comment éviter ces conflits d'intérêts — comment éviter que les gens investissent dans des produits qui leur profiteraient avant de profiter aux retraités? Dans le passé, cela s'est révélé être la grosse lacune de notre système.

Peut-être avez-vous tous les deux des lignes directrices que vous pourriez nous donner. Comment pourrions-nous avoir le meilleur des deux mondes?

M. Shillington : Le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec participent actuellement en partie au marché des actions, de sorte qu'on aura des chutes de 30 à 40 p. 100 de façon régulière. C'est presque assuré. Je suis suffisamment âgé pour me rappeler l'époque où le Régime de pensions du Canada se limitait aux obligations des provinces à long terme.

Le sénateur Hervieux-Payette : Oui, Ontario, Québec, et cetera.

M. Shillington : C'est une décision qui a été prise. En participant au marché des actions, il faut reconnaître qu'il y aura des années de rendement négatif. Si je me souviens bien, le marché boursier affiche de 25 à 30 p. 100 d'années à rendement négatif. C'est un élément.

Pour ce qui est des conflits d'intérêts, je suis très déçu de voir que nous sommes toujours dans une situation où le Canadien moyen qui souhaite savoir s'il doit acquérir un REER et quel type de REER ou bien s'il devrait plutôt investir dans un CELI n'a personne pour le conseiller, sauf la personne qui lui vendra ses produits financiers. Si vous avez un revenu élevé, vous pouvez débourser les 250 $ l'heure pour obtenir les conseils de quelqu'un qui a votre intérêt à cœur et vous permettra de réduire votre taux marginal d'imposition de 2, 3 ou 5 p. 100. Toutefois, la différence entre ces deux scénarios est un taux d'imposition de 50 à 75 p. 100 pour la personne à faible revenu.

C'est comme si on décidait de remplacer sa voiture par une bicyclette et que l'on se rendait chez un concessionnaire pour demander conseil. Les gens n'ont aucun endroit où aller.

Il y a sept ou huit ans, lorsque j'ai publié un article dans lequel je disais que les REER étaient toxiques — c'est-à-dire de la fraude à l'égard des personnes à faible revenu —, à cette époque, cela faisait 30 ans que nous avions de la publicité uniforme disant que tout le monde devrait maximiser son REER, même si les spécialistes ici même, à Ottawa, savaient que c'était faux pour une grande partie de la population, soit pour 38 p. 100 des gens. Ces conseils erronés n'ont pas été donnés qu'à un petit nombre de personnes. De fait, la publicité n'a pas changé. Tout le monde devrait maximiser ses économies.

J'aimerais bien qu'une institution financière — non pas une banque mais une organisation — ait un site web où les gens pourraient aller et dire voilà ma situation. Quelle sera l'incidence sur mon taux d'imposition au moment de la retraite si je suis propriétaire d'une maison, j'encaisse mon REER et je rembourse mon hypothèque, et qu'en est-il des CELI par rapport à d'autres produits?

J'offre une version pilote de ce genre de système sur mon site Web pour lequel je n'ai aucun client. Je n'en ai pas trois mais aucun. Si un organisme fédéral offrait quelque chose de semblable, cela pourrait être très utile. Je ne peux pas vous dire la grande quantité de courriels que je reçois. J'en reçois de Canadiens ordinaires en raison de l'attention médiatique qui a été portée sur certaines choses que j'ai faites. J'en reçois deux ou trois par semaine me demandant des conseils financiers : « Pouvez-vous m'aiguiller vers quelqu'un qui peut me donner des conseils? »

Je sais qu'ils occupent un logement social ou qu'ils reçoivent le supplément de revenu garanti. Combien de conseillers financiers comprennent l'incidence de leur source de revenu sur leur admissibilité à une subvention pour une maison de soins infirmiers? Personne. J'exagère peut-être un peu, mais il n'y en a très très peu. Personne n'a décidé d'offrir des conseils à 80 p. 100 des Canadiens qui ne peuvent pas payer 200 $ l'heure pour des conseils financiers.

M. Milligan : En ce qui touche les frais de gestion et les conseils que les gens peuvent recevoir du système financier, je suis favorable à bien des choses que M. Shillington a dites. Ce qui est intéressant pour moi, c'est qu'il existe des possibilités d'investissement à faible coût. Sur le plan financier personnel, j'ai acquis certains de ces produits, mais il semble que les gens ne les choisissent pas toujours, peut-être parce qu'ils reçoivent de mauvais conseils. C'est curieux de voir que ce n'est pas parce que ces possibilités n'existent pas, mais plutôt parce que les gens n'y ont pas recours.

On pourrait adopter certaines mesures pour essayer de régler ce problème. Une des solutions pourrait être davantage de sensibilisation, au moyen de sites Web et d'autres ressources. Je ne sais pas si les choses pourraient vraiment s'améliorer. On dirait que les gens ne souhaitent pas apprendre ces choses.

Une façon de faire qui pourrait être intéressante, c'est le crédit canadien à l'épargne que j'ai mentionné plus tôt. Qu'adviendrait-il si on offrait un montant uniquement lorsque quelqu'un ouvre un compte peu coûteux. De cette façon, lorsqu'une banque essaierait de vous vendre un nouveau CELI auquel serait lié un chèque du gouvernement, elle ne pourrait effectuer cette opération que si elle se servait d'un compte à faible coût. Ce serait facile à mettre en œuvre et cela permettrait d'harmoniser les intérêts des banques avec ceux des investisseurs.

Le sénateur Hervieux-Payette : Merci pour vos conseils. Pourriez-vous nous envoyer une note décrivant comment cela fonctionne afin que nous puissions fournir de l'information exacte et compréhensible aux gens. Dans un communiqué de presse récent sur la littératie en matière financière, on indiquait que 70 p. 100 des gens ne peuvent pas comprendre ce qu'ils lisent. Selon ma propre expérience, j'ai déjà rencontré des professionnels ayant des diplômes universitaires qui ne comprennent pas le système. Si les gens ayant une éducation supérieure ne comprennent pas, comment ceux qui n'ont pas suivi d'études postsecondaires peuvent-ils faire un choix qui soit dans leur meilleur intérêt? Monsieur Shillington, peut-être avez-vous des conseils à nous prodiguer sur cette question.

M. Shillington : On pourrait mettre en œuvre un organisme neutre non axé sur le marché qui aurait pour mandat de fournir des sites Web et d'autres façons d'informer les gens.

Un couple d'aînés a communiqué avec moi. Ils avaient partagé leurs rentes en transférant des revenus d'une personne à l'autre et avaient économisé quelques centaines de dollars d'impôt sur le revenu. Un des membres du couple vit dans une maison de soins infirmiers où les coûts sont subventionnés. Cette subvention est entièrement fondée sur le revenu de cette personne, et non pas sur le revenu familial. Ils ont transféré 5 000 $ d'un conjoint à l'autre pour épargner quelques centaines de dollars d'impôt sur le revenu, et le coût de leur logement en maison de soins infirmiers a par la suite augmenté de 5 000 $. Comment peut-on s'attendre à ce que les gens anticipent ce genre de choses?

Moins vous avez de revenus, plus vous recevez de prestations pour les soins à domicile, les maisons de soins infirmiers et le remboursement des médicaments d'ordonnance. Aucun organisme n'a à s'assurer que l'effet combiné de tous ces programmes est logique. Pour les personnes à très haut revenu, nous savons qu'on déploie beaucoup d'efforts pour s'assurer que le traitement fiscal du revenu de dividendes est logique entre les entreprises et les particuliers. Il existe notamment des crédits d'impôt pour s'assurer que les effets combinés des programmes provinciaux et fédéraux sont logiques. Personne n'agit ainsi pour les gens à faible revenu. On agit de façon séparée et les divers ordres de gouvernement disent qu'ils vont cibler et réduire les prestations uniquement pour ceux qui en ont le plus besoin, de sorte qu'ils ciblent les programmes en essayant de récupérer des coûts, mais les effets combinés créent des problèmes.

Une solution consiste à offrir aux gens des conseils financiers raisonnables et faciles à comprendre auxquels ils peuvent se fier et qui ne proviennent pas des marchands. Ensuite, il faut simplifier le système afin que les gens puissent prendre des décisions intelligentes et raisonnables et être traités équitablement.

Le président : Pour mémoire, et pour m'assurer de bien comprendre, si vous me le permettez, vous avez mentionné plus tôt l'effet des retraits des REER. Des témoins antérieurs nous ont signalé et suggéré que c'était tout à fait adéquat d'en retirer des montants qui seraient considérés comme étant un revenu et sur lesquels on paierait de l'impôt. Toutefois, il ne faudrait pas en tenir compte relativement au Supplément de revenu garanti et à d'autres programmes semblables. J'imagine que vous êtes du même avis.

M. Shillington : Oui. Si vous recevez une déduction d'impôt au moment de votre cotisation à un REER, eh bien vous devez être imposés au moment du retrait. Je suis tout à fait d'accord. Cependant, si on retire de l'argent d'un REER, cela aura une incidence sur les prestations du Supplément de revenu garanti, tandis que si l'on retire de l'argent d'un compte bancaire non enregistré, cela n'aura aucune incidence sur vos prestations du Supplément de revenu garanti. En outre, si vous convertissez votre maison en rentes, cela n'aura pas d'incidence sur vos prestations du Supplément de revenu garanti. Seuls les retraits de votre REER auront une incidence sur vos prestations du Supplément de revenu garanti. Cela me dépasse.

Le président : Je comprends.

Le sénateur St. Germain : Êtes-vous d'accord pour dire que l'âge limite des retraits du REER devrait être à la discrétion du titulaire du REER et non pas en fonction d'un certain âge préétabli? Cela pourrait peut-être aider ces personnes.

M. Milligan : Il est opportun d'avoir un âge limite. La raison pour laquelle nous permettons l'abri fiscal, c'est pour économiser en vue de la retraite. S'il n'y avait pas d'âge limite, les gens pourraient accumuler d'importantes sommes d'argent qu'ils transféreraient par l'entremise de leur succession tout en évitant de payer de l'impôt sur le principal. Je serais préoccupé si on n'avait pas d'âge limite. Que l'âge adéquat soit à 69,70 ou 71 ans, je laisse le soin aux actuaires de décider.

M. Shillington : C'est une question qui ne m'intéresse pas, parce qu'elle ne touche pas les populations les plus pauvres.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Shillington, vous avez dit que les gens n'ont aucun endroit où se tourner pour avoir des conseils adéquats. Je ne peux m'empêcher de penser que nous finançons, à hauteur de millions et de millions de dollars par année, un organisme qui s'appelle l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, qui devrait assumer cette responsabilité. Elle devrait au moins reconnaître le besoin flagrant de conseils financiers impartiaux pour des gens vivant de leurs pensions ou de leurs REER notamment. Il existe un endroit pour eux, mais l'organisme ne répond pas aux besoins.

L'été dernier, j'ai visité toutes les résidences pour personnes âgées de ma région. Le 1er juillet 2009, les personnes âgées du Canada ont reçu une augmentation de la prestation de la sécurité de la vieillesse, mais en raison de cette augmentation de 350 $ par année, leur prestation au titre du Supplément de revenu garanti a été réduite de 500 $ par année. Les plus pauvres de nos aînés, à compter du 1er juillet, ont reçu une perte nette de revenu en raison d'une augmentation moyenne des prestations de la sécurité de la vieillesse de 200 $. Dans tous les centres pour ainés que j'ai visités dans ma région, on m'a demandé ce qui s'était produit parce que de fait ces gens auraient moins d'argent pour vivre en raison de cette augmentation. Ce que vous avez décrit, c'est la réalité pour au moins 80 p. 100 des retraités à faible revenu qui touchent des prestations du Supplément de revenu garanti.

Corrigez-moi si j'ai tort en ce qui a trait au CELI. La dernière fois que j'ai examiné les statistiques sur les Canadiens à faible revenu et à revenu élevé, les Canadiens à revenu élevé qui touchent un revenu de 100 000 $ et plus représentent environ 2 p. 100 de la population canadienne, tandis que les personnes à faible revenu — au-dessous du seuil de la pauvreté — représentent environ 15 p. 100 des Canadiens.

Comme je l'ai dit, ces chiffres sont peut-être légèrement erronés parce que je ne les ai pas examinés depuis un certain nombre d'années. Vous dites que le CELI est avantageux soit pour les personnes à très faible revenu ou bien pour celles qui ont un revenu très élevé. C'est un programme qui coûte cher en raison des impôts non perçus et qui ne visent pas 83 p. 100 de la population.

M. Shillington : Je pense que vous ne m'avez pas bien compris. Lorsque j'ai parlé des CELI, je pense que l'expression « à faible revenu » était peut-être un peu trop forte. Les CELI offrent un mécanisme très utile pour empêcher la récupération des prestations du Supplément de revenu garanti, ce qui aidera les personnes à faible et moyen revenu qui n'ont pas de régime de retraite et cela leur est très utile. Le problème, c'est le manque de littératie en matière financière, et un organisme qui aide les gens à se renseigner, alors je pense que c'est une chose utile.

Il y a suffisamment de preuves pour dire que les personnes à revenu extrêmement élevé qui ont cotisé le maximum à leur REER et qui maintenant prennent de l'argent qui n'est pas à l'abri de l'impôt pour le transférer dans un CELI, c'est peut-être en partie raisonnable, mais il devrait y avoir des limites.

Je pense que le recours au CELI est raisonnable. Ce n'était pas ce que je proposais d'abord pour le problème du Supplément de revenu garanti, mais c'est ce que nous avons et cela pourrait être utile. Toutefois, pour être utile, nous avons besoin d'organismes qui vont offrir de l'information raisonnable aux personnes qui ne peuvent pas débourser des milliers de dollars pour obtenir des conseils financiers.

M. Milligan : Pour poursuivre brièvement en ce qui a trait à la question d'éducation financière, je vais continuer d'insister pour la création d'un crédit canadien à l'épargne. On pourrait également s'en servir en tant qu'outil pour donner des incitatifs afin d'améliorer l'éducation financière. Les sites web et les dépliants ne fonctionnent pas à l'heure actuelle. Je ne vois pas pourquoi on pense qu'en améliorant ce qu'on fait déjà on obtiendrait de bien meilleurs résultats.

Si la seule façon de recevoir le crédit canadien à l'épargne était de le déposer dans un nouveau compte et que l'institution financière vous offre un programme conçu par un organe d'éducation financière neutre, comme dans le système scolaire de certaines provinces on reçoit quelques fois des subventions tant et aussi longtemps qu'on offre le programme public tel qu'il a été conçu. Ainsi, on pourrait recevoir notre 500 $ à notre banque locale par l'entremise du crédit canadien à l'épargne, mais on ne pourrait le recevoir que si la banque nous donne le programme d'éducation neutre et public. De cette façon, vous intégrez quelqu'un dans le système qui a le potentiel d'obtenir un compte à faible coût. Et la personne obtient un peu de conseils financiers neutres. Je pense que ce serait une importante amélioration par rapport à la situation actuelle.

Le sénateur Moore : Merci aux témoins d'être venus. Monsieur Shillington, un témoin de ce matin, M. Kolivakis, qui citait John Crocker du Healthcare of Ontario Pension Plan disait, je crois, que pour obtenir un taux de remplacement de 67 p. 100, il faudrait cotiser un million de dollars tout au long de sa vie active, et je pense en terme de CELI. Vous avez dit qu'il crée des échappatoires fiscales et que vous recommandez une limite à vie de 100 000 $.

J'essaie de concilier le besoin apparent que les gens ont d'épargner pour la retraite et la déclaration de M. Crocker qui parle d'un million de dollars. Qu'il s'agisse d'un million ou d'un demi-million de dollars, vous parlez plutôt de 100 000 $. Sur quoi fondez-vous ce chiffre? À la lumière des observations de M. Crocker, pensez-vous qu'il devrait être modifié ou qu'il faudrait imposer une limite?

M. Shillington : Si on considère que l'incitatif fiscal à l'épargne est une subvention, eh bien, il faudrait que cette subvention ait une limite. Si vous retournez à la politique sur les prestations de retraite du livre vert de 1983, on y recommandait un plafond non pas des cotisations au REER, mais une limite au montant du REER.

Le sénateur Moore : Donc, une limite à vie?

M. Shillington : Sur la taille et non les cotisations. Une fois que votre REER aurait atteint un seuil où vous pourriez obtenir des prestations de retraite équivalant à une fois et demie le salaire moyen, à ce moment-là, la subvention publique prendrait fin. Vous pourriez continuer à cotiser, mais à ce moment-là, vous feriez cavalier seul. Vous n'auriez pas l'effet de levier du report d'impôt.

Je pense que cela devrait être le principe général. Je ne suis pas certain du mécanisme qui ferait en sorte qu'une fois que vous avez économisé suffisamment d'argent pour vous assurer des prestations de retraite liées au salaire moyen, à ce moment-là, vous n'auriez plus droit à l'incitatif fiscal. Si les gens pensent qu'il ne s'agit pas d'une préférence, eh bien alors ils ne devraient pas s'opposer à la perte de l'incitatif fiscal, n'est-ce pas?

Le sénateur Moore : Comment avez-vous calculé ce montant de 100 000 $? Cela semble peu d'après ce que tous nos autres témoins nous ont dit.

M. Shillington : Ma principale préoccupation, c'est la planification de la retraite pour tous ceux qui n'ont pas de régime de pension de l'employeur garanti par la bourse la mieux garnie, celle du gouvernement du Canada.

Les personnes qui prennent leur retraite à l'heure actuelle et qui n'ont pas de régime de pension de l'employeur ont en moyenne 50 000 $ dans leur REER et elles en perdent la moitié à cause du SRG. Si je pouvais trouver un mécanisme qui leur permettrait d'économiser 100 000 $ — c'est-à-dire 100 000 $ en cotisations qui grossiraient pour atteindre un montant plus élevé au moment de leur retraite —, la plupart d'entre elles en seraient satisfaites, parce que les personnes qui travaillent à des emplois ordinaires sans avantages et qui ont trois enfants qui iront peut-être à l'université n'économiseront pas des millions de dollars, quoi que vous fassiez.

Le sénateur Moore : Ils n'en ont pas les moyens.

M. Shillington : Non, pas s'ils font réparer les dents de leurs enfants et envoient un ou deux d'entre eux à l'université et ainsi, pour cette moitié de la population, les 38 p. 100 qui reçoivent le SRG, peu importe que le plafond soit de 100 000 $ ou de 500 000 $. Cela ne les touchera pas. Ils n'économiseront jamais un million de dollars. Même si le plafond était de 2 millions de dollars, comme certains le souhaiteraient parce qu'ils connaissent des gens qui trouvent que le plafond d'environ 20 000 $ par personne n'est pas suffisant, cela ne touchera pas cette population. J'ai dit bien clairement quel était mon parti pris. Ce qui m'intéresse, c'est un système qui permettrait aux gens dont le revenu est inférieur à la moyenne d'économiser assez d'argent pour leur retraite sans que le gouvernement ne récupère toutes leurs économies.

M. Milligan : Pour enchaîner sur ce que disait M. Shillington, je comprends sa préoccupation pour le reste de la population qui n'a pas de régime parrainé par l'employeur, mais, pour l'ensemble de la population, même ceux qui ont un régime de retraite, même ceux qui ont des revenus élevés, je ne vois pas à quoi servirait un plafond à vie pour la bonne raison que nous avons déjà des mécanismes de report qui permettent de reporter les droits de cotisation inutilisés lorsque les gens sont jeunes. La vaste majorité des ménages avait bien d'autres responsabilités lorsqu'ils étaient jeunes, comme M. Shillington le disait, pour aménager leur maison, payer pour leurs enfants et tout le reste qui les empêche d'utiliser beaucoup leur droit de cotiser à ce moment de leur vie. Puis, ils frappent la cinquantaine et c'est le moment d'enrichir leur pension et ils ont accumulé d'importants droits de cotisation inutilisés.

La seule raison d'avoir un plafond à vie serait de permettre aux gens d'utiliser ces droits de cotisation lorsqu'ils sont plus jeunes, puisque les personnes plus âgées ont le droit de faire les cotisations qu'elles n'ont pas faites lorsqu'elles étaient plus jeunes. La seule raison d'être d'un plafond à vie serait de permettre aux gens de cotiser lorsqu'ils sont jeunes. Sauf que les jeunes ne sont pas en mesure d'économiser.

Cette insistance sur les plafonds à vie m'intrigue beaucoup puisque nous avons un mécanisme de report. Je me demande si ce n'est pas tout simplement un moyen pour certains de faire augmenter en douce les limites globales. Si c'est cela leur intention, très bien. Plaidons pour une limite plus élevée, mais faisons-le en conservant le système actuel, c'est-à-dire une limite annuelle avec droit de report, plutôt que d'essayer de le faire de manière détournée au moyen de plafonds à vie. À mon avis, des plafonds à vie ne serviraient à rien.

Le sénateur Ringuette : J'aurais une autre question pour le professeur Milligan. Je croyais qu'on pouvait reporter les droits de cotisation à un REER pendant une période de cinq ans. Vous ne pouvez pas accumuler les droits de cotisation pendant 10 ou 20 ans et, au bout de 20 ans, vendre votre maison et mettre tout le produit de la vente dans un REER.

M. Milligan : C'est exact, madame le sénateur. À l'origine, lorsque le mécanisme de report est entré en vigueur, au début des années 1990, les droits de cotisation pouvaient être reportés pendant sept ans.

Cependant, cette restriction a été abolie au milieu des années 1990 de sorte que l'on peut reporter les droits indéfiniment. Ainsi, les droits de cotisation que vous n'utilisez pas à 20 ans, vous pouvez, exactement comme le disait le sénateur, les accumuler et vous en servir à 60 ans. Ce que vous dites était vrai à l'origine, mais cela a été modifié vers le milieu des années 1990.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Shillington, vous avez parlé d'un rapport préparé en 1983. Pouvez-vous nous dire de quel rapport il s'agit pour que nous puissions essayer de l'obtenir?

M. Shillington : Vos analystes le reconnaissent certainement et le professeur Milligan le connaît peut-être aussi. Il s'agit d'un livre vert, d'un document de travail sur la politique en matière de pension. Je crois que c'était en 1983, sinon un an avant ou un an après.

Le président : Votre mémoire est-elle meilleure que la nôtre, professeur Milligan?

M. Milligan : Non, je regrette, mais je ne me rappelle pas cette publication.

Le président : Nous le trouverons.

M. Shillington : Si votre personnel de recherche ne peut pas le trouver, qu'il m'appelle. J'en ai un exemplaire dans ma bibliothèque.

Le président : Très bien. Merci infiniment pour cette offre. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci tous les deux pour votre témoignage très intéressant et très utile.

M. Milligan : Merci beaucoup.

Le président : Je vous en prie.

M. Shillington : Merci.

Le président : Merci tout particulièrement à vous, professeur Milligan, de vous être levé si tôt.

M. Milligan : Tout le plaisir est pour moi.

Le président : Chers collègues, notre réunion prend fin.

(La séance est levée.)


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