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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 6 - Témoignages du 28 avril 2010


OTTAWA, le mercredi 28 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 20 pour étudier le projet de loi S-3, Loi mettant en œuvre des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et la Colombie, la Grèce et la Turquie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

Le sénateur Céline Hervieux-Payette (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : La séance est ouverte. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie cet après-midi le projet de loi S-3, Loi mettant en œuvre des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et la Colombie, la Grèce et la Turquie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

[Traduction]

Le 23 mars 2010, le leader du gouvernement au Sénat a présenté le projet de loi S-3, dont nous avons été saisis le 31 mars 2010. Mes honorables collègues se rappelleront l'audience que nous avons tenue sur le projet de loi S-8, le 9 décembre 2009. Le projet de loi S-3 reprend le projet de loi S-8, qui est mort au Feuilleton à la prorogation du Parlement le 30 décembre. Comme ce fut le cas pour l'examen du projet de loi S-8, nous accueillons aujourd'hui les représentants du ministère des Finances, qui nous exposeront quelles sont, d'après le ministère, les répercussions de la mesure législative sur les plans fiscal et commercial ainsi que ses effets sur notre politique étrangère.

[Français]

Nous accueillons M. Alain Castonguay, chef principal, Conventions fiscales, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt; M. Tim Wach, directeur, Développement législatif et conseiller législatif en chef, Direction de la politique de l'impôt; et M. Parry Athenaios, expert-conseil, Conventions fiscales, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt.

[Traduction]

Les témoins travaillent tous à la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances. Sans plus tarder, nous serions heureux d'entendre votre déclaration préliminaire.

Alain Castonguay, chef principal, Conventions fiscales, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Merci. Nous comparaissons aujourd'hui pour vous entretenir du projet de loi S-3, Loi mettant en œuvre les trois nouveaux traités fiscaux conclus avec la Colombie, la Grèce et la Turquie.

Le Canada possède le réseau de traités fiscaux le plus étendu. Nous en avons conclu 87, nombre qui passera à 90 lorsque les trois plus récents entreront en vigueur.

Il est intéressant de souligner que la Grèce et la Turquie sont les deux derniers pays membres de l'OCDE avec lesquels nous n'avions jamais conclu de traité fiscal. C'est une étape marquante. Les trois nouveaux traités s'inspirent du modèle de l'OCDE, auquel le Canada et les autres pays recourent dans toutes les négociations. On dénombre environ 3 500 traités, dont la plupart reposent sur ce modèle.

Les traités fiscaux du présent projet de loi visent à éliminer la double imposition et les obstacles commerciaux ainsi qu'à favoriser les investissements et les échanges, en répartissant les droits fiscaux entre les deux signataires, en réduisant les préjudices des retenues fiscales figurant dans les lois de chaque pays et en veillant à ce que nos investisseurs et nos contribuables ne soient pas désavantagés par rapport à ceux des autres pays.

Il va sans dire que la double imposition n'est pas éliminée systématiquement. C'est pourquoi les traités comprennent également un mécanisme permettant aux deux signataires de résoudre tout problème de double imposition.

Les traités fiscaux comportent un autre objectif important : la prévention de l'évasion fiscale. C'est pourquoi les dispositions de ces traités facilitent l'échange d'information entre les autorités fiscales des pays signataires, échange sans lequel nous ne pourrions pas appliquer nos lois fiscales pour imposer le revenu gagné à l'étranger.

Si le Canada et les trois autres pays adoptaient cette année leurs projets de loi respectifs, les traités fiscaux seraient mis en œuvre cette année et entreraient en vigueur l'an prochain. Nous avons appris récemment que la Grèce avait mené à bien son processus d'approbation, et que la Colombie et la Turquie avaient déposé les projets de loi nécessaires à cette fin.

Je termine là-dessus.

[Français]

La vice-présidente : Vous avez mis combien de temps, outre la prorogation, pour préparer ce projet de loi tout de même assez volumineux? Et combien de temps ont duré vos négociations?

M. Castonguay : Pour les négociations, dans le cas de la Colombie cela a été assez expéditif : environ un an et demi.

Dans le cas de la Grèce et de la Turquie, c'est un peu spécial. Il s'agit même de négociations hors normes; car elles ont pris dans un cas à peu près 20 ans et dans l'autre cas plus que cela.

Dans le cas de la Grèce, je crois qu'il s'agit de 25 ans. Et ceci, pour plusieurs raisons. Plusieurs fois, dans le cas de la Turquie, nous étions sur le point de régler; soit nous ou la Turquie apportions un changement à notre loi domestique ou dans notre politique de traité et cela faisait en sorte que le contenu du traité n'était plus à jour et qu'il fallait le refaire. Cela a pris du temps. Mais c'est exceptionnel, car la plupart des négociations prennent environ deux ou trois ans.

La vice-présidente : Je me doutais qu'il y avait eu des délais assez longs dans certains cas et nous n'en sommes souvent conscients qu'à la fin du processus. On souhaite tous qu'il n'y ait pas de prorogation cette fois-ci afin que nous puissions transmettre le traité à la Chambre des communes dans les meilleurs délais.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais poursuivre dans la même veine. Je suis au Sénat depuis sept ans — déjà — et nous approuvons plusieurs traités. On nous dit toujours que c'est standard, que nous suivons un modèle international développé par l'ONU, par exemple. Nous recevons un sommaire énonçant les différents taux d'imposition et on nous dit que le reste c'est standard. Mais si c'est aussi standard, pourquoi cela prend autant de temps pour négocier une entente internationale?

M. Castonguay : D'abord, quand on dit que c'est standard, effectivement il y a toujours des petites différences. Dans un cas donné, nous insistons pour inclure notre vision des choses dans le traité. L'autre partie n'étant pas toujours d'accord, c'est pour cette raison que cela prend du temps. On peut passer beaucoup de temps sur une disposition parce que l'autre pays approche la problématique d'une façon complètement différente et que cela prend du temps avant de réconcilier nos vues. Évidemment, c'est donnant-donnant.

Le sénateur Massicotte : Quels sont ces points? Pouvez-vous nommer deux ou trois points discutables ou négociables?

M. Castonguay : Par exemple, dans le modèle de l'OCDE, la taxation des pensions se fait dans le pays de résidence seulement. Nous, on ne suit pas ce modèle. On a déjà indiqué d'ailleurs à l'OCDE au Canada que nous ne souscrivions pas à cette façon de voir les choses. Ceci pour une raison très simple; au Canada, les contributions pour les régimes de retraite sont déductibles d'impôt. C'est comme une taxation qui est différée dans le temps. Évidemment, cela suppose que la personne qui commencera à retirer les bénéfices de son régime de retraite sera imposable au Canada. Si la personne déménage dans un autre pays, à ce moment-là, si on suit le modèle de l'OCDE, nous ne serions pas en mesure de l'imposer. Nous insistons donc pour avoir une fiscalité à la source sur ces montants et il faut convaincre l'autre partie du bien-fondé de nos arguments.

Le sénateur Massicotte : Toute négociation est relative au taux et ce serait 90 p. 100 de la négociation; est-ce bien cela?

M. Castonguay : Non, il ne s'agit pas seulement des taux. Cela peut être plein d'autres choses. Des fois, c'est une question de un ou deux mots et cela peut être très technique.

Chaque pays a sa façon de faire qui est un peu différente ou marginalement différente de celle de l'OCDE et chacun tient à la cohérence dans son réseau de traités. Un pays qui a 50 ou 60 traités voudra voir ses traités considérés d'une certaine façon et nous voudrons aussi la même chose; il faut donc trouver une façon de réconcilier les deux.

Le sénateur Massicotte : Alors la prochaine fois que vous nous direz qu'il s'agit d'une entente standard internationale, on ne devrait pas vous écouter parce qu'il n'y a rien de standard autour de ça.

M. Castonguay : On peut exprimer des choses de façon différente, mais faire en sorte que la substance des traités soit la même.

Il y a des choses qu'il faut concéder à l'autre pays si on veut obtenir une entente. Je vais vous donner un exemple de divergence. Ces trois traités ont une disposition qui dit que la norme pour une entreprise qui fait affaires dans un autre pays n'est imposable que lorsque cette entreprise est un établissement stable. Cette expression est définie dans les traités. Plusieurs pays en voie de développement disent qu'ils veulent avoir une disposition nonobstant celle qui fait en sorte que les personnes qui vont dans votre territoire et qui n'ont pas d'établissement stable, mais qui rendent des services chez nous dans notre pays, on voudrait aussi être capable de les imposer. C'est une dérogation à notre approche. C'est quelque chose qui doit être négocié. À la fin on regarde la balance des compromis qui se font de chaque côté.

Le sénateur Massicotte : Quand on regarde le tableau qui dicte le taux d'imposition, les dividendes et les intérêts, c'est toujours le même taux qui s'applique. Ils aimeraient que ce soit différent, mais c'est toujours le cas.

M. Castonguay : Oui. C'est pour cela que les taux peuvent être différents d'un pays à l'autre. Des pays insistent pour avoir des taux plus élevés, c'est leur politique.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi est-il plus élevé dans les trois cas dont on parle?

M. Castonguay : Dans le cas de la Turquie, ce n'est pas une négociation récente, cela a été négocié il y a très longtemps. La politique de la Turquie si vous regardez le tableau qui inclut les retenues à la source, dans tous leurs traités, on peut distinguer grosso modo une différence entre les traités que la Turquie a avec les pays développés comme le Canada, la Grande-Bretagne, les États-Unis, où les taux ont tendance à être plus élevés parce que les investissements nets se font plus en Turquie, donc ils sont du point de vue du traité un pays de source, donc ils ont intérêt à taxer le revenu gagné dans leur pays. Dans le cas où la Turquie est l'investisseur net dans l'autre pays, ils ont tendance à avoir des taux plus bas pour limiter la taxation de leurs propres investisseurs.

Le sénateur Massicotte : Une autre question, s'il vous plaît. On a beaucoup de traités, on en a 87 et on travaille sur six activement. Un inclut la France et un autre, l'Italie, notamment. Pourtant, on fait beaucoup d'affaires avec les Français. Je suis surpris qu'on n'ait pas de traité. Y a-t-il une raison?

M. Castonguay : On a un traité avec la France. Le protocole a été signé l'an dernier par la France et le Canada.

Le sénateur Massicotte : Il est signé, mais il ne s'applique pas.

M. Castonguay : Il faut continuer les procédures pour que cela devienne en vigueur. Je crois que dans ce cas on va procéder par ordre en conseil, car nous sommes habilités pour le faire.

Le sénateur Massicotte : Il reste les formalités?

M. Castonguay : Oui.

Le sénateur Massicotte : Cela remplace un traité existant?

M. Castonguay : Non il remplace seulement deux clauses d'un traité existant, c'est simplement un amendement mineur pour étendre la portée du traité à la Nouvelle-Calédonie et inclure un nouvel article sur l'échange d'informations.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi n'avons-nous pas d'ententes avec l'Espagne?

M. Castonguay : On a un traité qui date de 1976 et on négocie avec eux.

La vice-présidente : Vous ne voulez pas dire que la France n'a pas de traité avec le Canada?

M. Castonguay : On a un traité en vigueur.

La vice-présidente : Ce sont des modifications qui viennent au fur et à mesure.

M. Castonguay : C'est ça.

Le vice-présidente : Quelle est la taille de votre section qui négocie les traités, parce que j'ai l'impression que vous auriez peut-être besoin de plus de monde pour faire vos études.

M. Castonguay : J'ai trois personnes qui travaillent pour moi et dans le cours de nos négociations, on est assisté par des gens de Revenu Canada.

La vice-présidente : Je veux que mes collègues sachent que lorsqu'on a des ressources limitées et 200 pays à couvrir, vous allez au plus rapide. Quand les gens sont prêts à négocier, vous êtes prêts.

M. Castonguay : C'est sûr qu'il faut faire des choix avec les ressources que l'on a.

Le sénateur St. Germain : Le sénateur Massicotte a posé ma question.

Le sénateur Massicotte : Ce sera 20 $.

[Traduction]

Le sénateur Harb : L'article 6 porte sur les revenus immobiliers. Si quelqu'un possède un bien immobilier en Grèce, en Turquie ou en Colombie, il est fort probable que c'est ce pays qui imposera le revenu qui en sera tiré.

M. Castonguay : Tout à fait.

Le sénateur Harb : Si le pays en question impose moins ce genre de revenu, le Canada cherche-t-il à obtenir le montant qu'il aurait reçu si son régime fiscal s'était appliqué, ou le contribuable est-il imposé une seule fois?

M. Castonguay : Lorsque le pays où le revenu gagné détient le droit d'imposer celui-ci — en l'occurrence le revenu mobilier —, c'est lui qui a la préséance. Le pays de résidence du contribuable doit offrir une compensation pour éviter la double imposition.

Si l'autre pays détermine que l'impôt à payer s'élève à 30 $, alors que nous aurions exigé 40 $, nous accordons un crédit d'impôt de 30 $ pour que l'impôt total versé ne soit pas supérieur à ce que nous aurions perçu.

Le sénateur Harb : Néanmoins, il s'agit en quelque sorte d'une double imposition pour ce contribuable, n'est-ce pas?

M. Castonguay : On parle plutôt d'imposition partagée. L'autre pays obtient 30 $, et le Canada perçoit le reste.

Le sénateur Harb : Une mine est-elle considérée comme un bien immobilier aux termes de cet article?

M. Castonguay : Oui.

Le sénateur Ringuette : Je me dois de vous demander à combien se chiffre le coût des négociations entamées il y a 25 ans avec ces trois pays.

M. Castonguay : Je ne peux répondre à votre question étant donné que j'ai été affecté à ma présente section en 2006.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous me donner une approximation?

M. Castonguay : Je ne pense pas que nous avons négocié d'une façon constante pendant ce laps de temps. Il y a eu des périodes où les négociations ont été suspendues ou consistaient simplement en des conversations téléphoniques ou en des échanges de lettres. Je n'oserais même pas vous donner une approximation.

Les négociations se déroulent dans l'un ou l'autre pays. En règle générale, elles comprennent deux séries. Dans le cas qui nous intéresse, il en a fallu davantage.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Monsieur Castonguay, je suis un peu déçue que votre collègue, M. Lalonde, ne soit pas avec vous; on est habitué de le voir en votre compagnie.

Concernant ce projet de loi, son prédécesseur était devant ce comité le 12 octobre.

M. Castonguay : Décembre, je crois.

Le sénateur Ringuette : Le 10 décembre, je m'excuse. À ce moment, j'ai posé à M. Lalonde des questions très spécifiques. Vous étiez présent. Quelles étaient les estimations pour prendre 25 ans, négocier ces contrats, quelles étaient les estimations de la fraude pour négocier ces traités? Je l'ai demandé à trois reprises en décembre. Je n'ai pas eu de réponse encore.

La vice-présidente : Pourriez-vous reprendre votre question, je ne la comprends pas?

Le sénateur Ringuette : Je vais citer exactement la même question que j'ai posée à trois reprises à M. Castonguay et à M. Lalonde en décembre dernier, et la question est :

[Traduction]

À combien estime-t-on l'évasion fiscale entre le Canada et les trois pays en question?

M. Castonguay : M. Lalonde avait alors répondu, je crois, que nous agirions en conséquence si nous avions les chiffres en main.

Pour enquêter sur l'évasion fiscale, il faut avoir accès à l'information pertinente. Si nous voulons contrer l'évasion fiscale internationale, c'est-à-dire lorsque quelqu'un place de l'argent dans un autre pays pour éviter de payer l'impôt, il faut être en mesure de poser des questions aux autorités fiscales de ce pays pour découvrir notamment le montant des investissements et du compte bancaire de cette personne.

Nous ignorons à combien se chiffre à l'évasion fiscale entre le Canada et les trois pays en question, mais nous savons par contre que nous disposerons des outils permettant de réduire au maximum son ampleur. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous concluons des traités, car ils nous permettent de savoir qu'il y a une masse critique de Canadiens qui possèdent une entreprise dans un autre pays ou gagnent un revenu susceptible d'être imposé au Canada. Nous signons des traités fiscaux pour nous doter des outils donnant accès à l'information sur ces Canadiens.

Le sénateur Ringuette : Voici la quasi-réponse que m'a donnée M. Lalonde en décembre :

Je crois comprendre qu'il y a un suivi. L'agence fait partie du Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux, ou CICAFI. Grâce à cette organisation, les pays examinent spécifiquement les nouvelles opérations qui visent à l'évitement et à l'évasion fiscaux. L'agence effectue cet examen. Elle a reçu des fonds pour poursuivre ces deux phénomènes à l'échelle internationale.

Quelques instants plus tard, M. Lalonde a promis qu'il communiquerait la question à l'Agence du revenu du Canada pour que nous obtenions des réponses sur ces trois pays. Nous attendons encore ces réponses, alors qu'on nous demande pour la deuxième fois d'adopter le projet de loi. Vous avez évoqué un peu plus tôt qu'une équipe de trois personnes menait les négociations. Il doit donc y avoir d'autres priorités qui, je l'espère, ont à voir avec des chiffres plus importants pour un autre pays sur lequel se penche le Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux. Vous échangez fort probablement des renseignements avec l'Agence du revenu du Canada. J'espère, du moins, que c'est réciproque.

M. Castonguay : L'Agence du revenu du Canada est seule responsable de l'administration de nos traités et de l'application générale de la loi.

Si vous avez des questions à lui poser, nous pourrons certainement les lui communiquer.

Le sénateur Ringuette : Des questions, nous en avons posé en décembre. Nous sommes rendus à la fin d'avril, et nous attendons encore les réponses. Il y a eu prorogation du Parlement. Cette prorogation, si j'ai bien compris, ne visait nullement le ministère des Finances ni l'Agence du revenu du Canada.

J'aurais quelques questions sur les estimations. Compte tenu du temps et de l'argent que les Canadiens investissent dans la négociation de ces traités, peut-on dire qu'il y a optimisation des ressources, pour reprendre l'expression de la vérificatrice générale? Nous pouvons difficilement l'établir sans les renseignements que nous demandons.

Sur quels critères vous fondez-vous pour déterminer les pays avec lesquels vous devriez en priorité signer un traité fiscal, exercice auquel vous consacrerez les 20 ou 25 prochaines années?

M. Castonguay : Je vous répéterai tout d'abord que de telles négociations ne durent jamais aussi longtemps. Les renseignements émanent de diverses sources : au Canada, les entreprises ou le ministère des Affaires étrangères peuvent nous signaler les pays intéressés à conclure un traité fiscal avec nous. Nous analysons alors le régime fiscal de l'autre pays ainsi que le volume des échanges entre nos deux pays et des investissements de l'un à l'autre pour déterminer si le seuil critique minimal est atteint afin de justifier les négociations d'un tel traité. Faut-il dans un premier temps éliminer la double imposition? L'autre pays administre-t-il efficacement son régime fiscal? C'est de cette façon que nous prenons nos décisions et établissons nos priorités avec les ressources limitées dont nous disposons.

Le sénateur Ringuette : Depuis décembre, je fais partie d'une délégation qui s'est déjà rendue en Argentine pour s'entretenir avec des parlementaires. La possibilité d'un traité entre nos deux pays a été soulevée, ce qui, à juste titre, réjouit les Argentins car ils prévoient que, le cas échéant, de nombreux Canadiens prendront leur retraite dans leur pays ensoleillé.

Voilà pourquoi je tiens à connaître notamment quelles sont les répercussions et quelle est la valeur d'un tel traité. Sans vouloir vous offenser, je vous dirai qu'on nous demande d'adopter un projet de loi alors que nous ignorons quelles en sont les répercussions. J'ai certaines réserves.

Le sénateur Moore : Monsieur Castonguay, vous avez évoqué dans votre déclaration préliminaire l'entrée en vigueur et la mise en œuvre. Je constate qu'il y a une légère différence d'un pays à l'autre.

C'est avec la Turquie que les choses sont les plus simples. Voici ce qui est énoncé dans la convention avec ce pays :

Chacun des États contractants notifie à l'autre l'accomplissement des procédures requises pour la mise en œuvre du présent accord dans cet État. L'accord entre en vigueur à la date de réception de la dernière de ces modifications.

Supposons que le projet de loi est adopté au Canada en mai. Que se passerait-il alors en Turquie? Ce pays s'apprête- t-il également à adopter un projet de loi analogue?

M. Castonguay : Je crois que c'est effectivement le cas. De toute évidence, les choses se font différemment en Turquie. Cependant, le projet de loi a été présenté et il est actuellement examiné.

Le sénateur Moore : Comment savez-vous officiellement que le projet de loi a été adopté? Recevez-vous un exemplaire du projet de loi adoptée? Le ministère des Finances de ce pays ou un ministère analogue vous avise-t-il officiellement de son adoption? Quelle est la procédure?

M. Castonguay : Habituellement, un pays envoie une note diplomatique au Canada pour l'informer que toutes les procédures requises ont été accomplies, et nous faisons de même. Le traité entre en vigueur à la date de la réception de la deuxième note diplomatique.

Le sénateur Moore : Qu'est-ce que vous envoyez? Votre ministère ou le ministre envoie-t-il une notification aux autres pays concernés?

M. Castonguay : C'est la responsabilité du ministère des Affaires étrangères.

Le sénateur Moore : Lorsque le projet de loi est adopté au Canada, c'est ce ministère qui fait parvenir à l'autre pays la notification nécessaire, n'est-ce pas?

M. Castonguay : Tout à fait. Nous travaillons en étroite collaboration avec ce ministère parce qu'il est responsable de l'administration de l'ensemble des traités conclus par le Canada. Nous l'informons donc naturellement du déroulement des procédures. Il a également d'autres sources d'information, notamment de notre ambassade dans ce pays.

Le sénateur Moore : C'est alors que l'accord entre en vigueur. Il est mis en œuvre le 1er janvier de l'année suivante, n'est-ce pas?

M. Castonguay : Tout à fait.

Le sénateur Moore : Donc, s'il était adopté, le présent projet de loi serait mis en œuvre en 2011.

Le traité envisagé avec la Grèce est intéressant. Compte tenu des difficultés financières de ce pays, nous avons des inquiétudes quant à sa capacité ou à sa volonté de satisfaire aux obligations de ce traité?

M. Castonguay : Rien ne me permet d'en douter. En fait, ce traité sera bénéfique à la Grèce parce qu'il favorisera les investissements et les échanges bilatéraux. Elle a déjà adopté le projet de loi nécessaire et elle attend que nous fassions de même.

Le sénateur Moore : Et où en sont rendues la Colombie et la Turquie à ce chapitre?

M. Castonguay : Je n'ai pas beaucoup de détails. Entre autres choses, leurs modalités et leurs comités sont différents, mais les projets de loi ont été déposés.

Le sénateur Moore : Vous informe-t-on officiellement de leur adoption ou est-ce nos ambassadeurs dans ces pays qui vous tiennent au courant?

M. Castonguay : Nous nous adressons aux responsables sur place ou à l'ambassade.

Le sénateur Moore : Vous avez évoqué la quantité de traités que vous administrez. On parle de 200 pays. Les trois pays qu'ajoute ce projet de loi constituent-ils une priorité pour vous? J'essaie de savoir à quoi vos trois collègues et vous consacrerez vos efforts. Ces trois traités ont-ils la priorité?

M. Castonguay : À mon avis, le gros du travail a été effectué. Il suffit de s'assurer que les autres pays satisferont à leurs obligations et mettront en œuvre les projets de loi en question. Dans la mesure du possible, nous prenons les mesures à notre disposition pour faciliter le tout.

Le sénateur Moore : Ont-ils la priorité?

M. Castonguay : De toute évidence, ils ont effectivement la priorité. Absolument! Nous voulons que ces traités soient mis en œuvre le plus tôt possible après l'adoption des projets de loi.

Le sénateur Greene : Je pense que c'est un projet de loi remarquable, et j'espère que nous l'adopterons le plus tôt possible. À mon avis, nous méritons un traité fiscal avec ces trois pays, et vice versa.

J'aurais une question d'ordre général au sujet de traités que nous avons déjà conclus avec d'autres pays. Plusieurs de ces pays sont intéressants, c'est le moins qu'on puisse dire. Avons-nous déjà dû annuler un traité fiscal avec un pays parce que celui-ci avait changé de régime ou avait manqué à ses obligations en vertu de ce traité? Quelles seraient les répercussions d'une telle annulation?

M. Castonguay : Je crois qu'aucun traité n'a été annulé pour ces motifs-là. Le Canada a effectivement mis fin à un seul traité fiscal, celui avec l'Afrique du Sud à l'époque de l'apartheid, et ce, conformément à la politique du gouvernement à ce chapitre.

Le sénateur Moore : Avons-nous conclu un nouveau traité avec ce pays?

M. Castonguay : Oui.

Le sénateur Greene : Ce fut la seule annulation?

M. Castonguay : Oui.

Le sénateur Greene : Toutes les fois qu'il y a eu un changement de régime dans un pays avec lequel nous avions signé un traité fiscal, les intérêts des Canadiens ont été protégés, n'est-ce pas?

M. Castonguay : C'est l'avantage d'avoir signé un traité fiscal. La plupart des pays accordent une importance primordiale aux traités fiscaux sur le plan juridique.

Le sénateur Massicotte : Un pays peut-il en tout temps mettre fin unilatéralement à un traité?

M. Castonguay : Oui, il existe une disposition à cet égard. C'est la dernière.

Le sénateur Massicotte : En donnant un préavis de 30 jours, je crois?

M. Castonguay : En fait, c'est un préavis de six mois.

[Français]

La vice-présidente : Est-ce que notre pays a une évaluation des systèmes de taxation par l'OCDE, la capacité de perception, l'administration même du système de taxation? On n'est certainement pas sur un pied d'égalité au point de vue informatique et en même temps sur les grandes lignes de la taxation. La taxe sur les entreprises, la taxe sur les particuliers, la TVA, on sait qu'il y a des pays qui viennent finalement se financer beaucoup plus par les taxes sur les produits et services que sur les impôts aux particuliers.

Quand vous étudiez les projets de loi, est-ce qu'on a une bonne idée de l'évaluation des systèmes là-bas afin de ne pas être défavorisé? En fait, cela va être autant à l'avantage de l'un que de l'autre?

M. Castonguay : Les conventions s'appliquent seulement à l'impôt sur le revenu, pas aux autres types d'impôt. Il faut avoir une assez bonne idée du fonctionnement du système fiscal de l'autre pays. Évidemment, il n'y a rien de plus transparent qu'un système fiscal. Aujourd'hui, c'est assez facile de se renseigner, de même que de se renseigner de façon informelle auprès de collègues pour déterminer la nature du système fiscal.

Ce qui est important pour nous, c'est qu'ils ont une administration fiscale efficace. Il y a des responsabilités sous une convention d'administrer la convention, d'être capable d'avoir une bonne relation avec l'autre pays. On va leur demander des renseignements, on va vouloir régler des cas de double imposition lorsqu'ils vont survenir. Donc c'est un paramètre important dans la décision de savoir si cela vaut la peine d'avoir un traité.

La vice-présidente : Donc, avant d'entreprendre des négociations à toute vitesse, il faut vous renseigner sur l'interlocuteur qui est en face.

M. Castonguay : Absolument.

La vice-présidente : Dans un cas, on a signé le 14e jour de juillet 2009 pour la Turquie, le 29e jour de juin 2009 pour la Grèce et le 21 novembre 2008 pour la Colombie. J'avais plutôt l'impression qu'il y avait une relation entre le traité de libre-échange et la convention fiscale. D'après ce que je peux voir, le traité de libre-échange est venu par après et la convention fiscale n'était toujours pas en vigueur.

M. Castonguay : Si je ne m'abuse, les deux ont été signés en même temps en novembre 2008.

La vice-présidente : D'accord.

Le sénateur Massicotte : Question supplémentaire, je répète les choses qu'on peut lire; un des défis pour la Grèce, c'est qu'il y a bien du monde qui ne paie pas ses impôts. On en parle ouvertement dans les journaux. C'est un régime qu'on essaie de redresser comme dans d'autres pays. Est-ce que cela nous concerne? En d'autres mots, on a des taxes qu'on ne pourrait pas récupérer à cause du manque de discipline si vous voulez? Ici, on a une discipline plus agressive, plus respectueuse. Les Grecs vont payer leurs taxes ici. Est-ce qu'on est gagnant ou perdant dans cet échange?

M. Castonguay : C'est difficile à dire. Je ne voudrais pas porter de jugement sur la qualité de l'administration fiscale.

Le sénateur Massicotte : Et si c'était le cas?

M. Castonguay : C'est difficile à dire. S'il y a des problèmes de collection d'impôts en Grèce qui affectent les citoyens de ce pays, je ne sais pas dans quelle mesure cela a un impact sur notre traité et ce qui affecte la taxation des Canadiens qui font affaires ou qui résident là. On présume que tout le monde respecte ses obligations fiscales.

Le sénateur Massicotte : On ne connaît pas la réponse.

M. Castonguay : C'est difficile à dire.

[Traduction]

Le sénateur Gerstein : Ai-je bien compris? Avez-vous dit que le ministère des Affaires étrangères vous dicte essentiellement la marche à suivre en ce qui concerne les conventions en matière d'impôts sur le revenu?

M. Castonguay : Il nous conseille sur les mesures à prendre, ce dont nous tenons compte avant de prendre une décision. Nous prenons également d'autres critères en considération.

Le sénateur Gerstein : Votre évaluation, je pense, tient compte notamment de la situation politique du pays — par exemple, l'Afrique du Sud —, de l'économie mondiale, de la double imposition, des investissements et des mesures pour contrer l'évasion fiscale?

M. Castonguay : Tout à fait.

Le sénateur Gerstein : Est-ce que je ferais erreur si je disais que le principe de l'optimisation des ressources n'est peut- être pas beaucoup appliqué ou ne l'est pas du tout?

M. Castonguay : Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris.

Le sénateur Gerstein : Parmi les 87 pays avec lesquels nous avons conclu des traités qui sont en vigueur, on retrouve naturellement des pays importants et des petits pays. Il y a de nombreux pays dans le monde, et vous négociez avec certains d'entre eux. Je veux simplement faire valoir que le principe de l'optimisation des ressources n'est pas au cœur des négociations.

M. Castonguay : Nous entamons des négociations, puis nous signons des traités lorsque nous établissons que les échanges bilatéraux le justifient.

Le sénateur Gerstein : Des investissements et des échanges bilatéraux.

M. Castonguay : Absolument.

La vice-présidente : J'ai participé aux négociations du traité fiscal avec l'Allemagne, négociations qui se sont passablement éternisées. On cherchait entre autres à prévenir certains investissements. Nous avons été pénalisés, et l'Allemagne l'a été également parce que la double imposition est rédhibitoire. Les entreprises commerciales tiennent certainement à ces traités fiscaux, surtout à ceux avec des pays qui exportent beaucoup.

Lorsqu'une taxe est prévue dans le budget, elle entre en vigueur dès le dépôt de celui-ci, contrairement à ce qui se passe pour un traité fiscal découlant d'un projet de loi. Comme vous l'avez signalé, le traité fiscal n'entre en vigueur qu'un an après l'adoption du projet de loi.

M. Castonguay : Nous établissons une distinction entre d'une part la double imposition du revenu net, qui est fonction de l'année civile pour les particuliers et d'une période de 12 mois pour les sociétés, et d'autre part les retenues à la source qui, je pense, sont ponctuelles. En règle générale, l'objectif consiste à donner un certain délai aux autorités fiscales respectives, d'où la date du 1er janvier de l'année suivante que nous préconisons. Naturellement, il y a des exceptions.

La vice-présidente : Vous avez l'impression que les ministères ou les agences du revenu se préparent en fonction de cette date, mais vous estimez également que les trois pays adopteront les projets de loi nécessaires. Vous avez confiance, n'est-ce pas?

M. Castonguay : Effectivement. L'année est loin d'être finie. Je suis très confiant. Je serais surpris qu'on n'y parvienne pas.

[Français]

Le sénateur Mockler : Je comprends aussi, monsieur Castonguay, étant donné que j'ai déjà vécu l'expérience de négocier des conventions, que ce n'est certainement pas facile, surtout lorsqu'on fait affaires avec des pays. Lorsqu'on regarde les 25 dernières années, je suis un de ceux qui croient qu'on n'a pas besoin d'être une armée pour mener à terme des conventions, peu importe à quel niveau.

Ce qui est important ici, lorsqu'on regarde le projet de loi, selon ma compréhension, c'est qu'on a un mécanisme de négociation à l'intérieur qui nous permet de faire l'application de la convention. Est-ce que vous pouvez nous faire une description assez précise, en tenant compte des trois pays et du projet de loi que nous avons devant nous pour considération, du processus de développement de ce mécanisme? Est-ce que vous pouvez nous le décrire avec un exemple?

M. Castonguay : Dans le cas des trois autres pays, ils ont déjà des conventions fiscales et dans certains cas un réseau assez étendu. Comme nous, ils ont déjà des gens dont c'est le mandat d'administrer des traités existants. Dans notre cas c'est l'Agence du revenu du Canada, et ces trois-là vont s'ajouter. L'expertise est là, le savoir et tout le reste. Il va s'agir, lorsque les traités entrent en vigueur, d'établir entre l'agence et l'administration fiscale de l'autre pays, une relation. Le mécanisme envisage l'échange d'informations spécifiques pour des contribuables, l'échange d'information sur des évolutions de nos systèmes fiscaux respectifs qui peuvent affecter l'application du traité.

Le plus important, évidemment, c'est la résolution de cas de double imposition lorsqu'ils surviennent, auquel cas les administrations des deux pays échangent des lettres ou se rencontrent, lorsque le volume le justifie, pour régler ces cas.

Le sénateur Mockler : Vraisemblablement, un autre point est intéressant, c'est la question de la vie privée de la personne. On pourrait l'intituler « Privacy consideration ». Est-ce que vous pouvez nous assurer que ce projet de loi est conforme aux exigences de la Loi sur la protection de la vie privée des personnes?

M. Castonguay : Vous posez une question intéressante. Évidemment, ici au Canada, nous avons des lois qui protègent la confidentialité de l'information que le contribuable fournit lorsque, par exemple, il produit sa déclaration de revenus. Le traité lui-même assure que, lorsque l'information est échangée dans l'autre pays, le même standard s'applique. Le traité stipule, à l'article 26, que l'autre pays a l'obligation de traiter l'information de façon confidentielle. Il y a donc une disposition autonome dans le traité qui assure cela.

Le sénateur Mockler : Pour faire suite à la question de notre collègue, le sénateur Ringuette, pour ce qui est des 25 années dont on parle, et je ne voudrais pas faire la liste des 87 traités que nous avons mis en œuvre, on a certainement eu dans cette période des hauts et des bas dans les négociations, ou, devrais-je dire, des bris de négociation pour des raisons spécifiques, que ce soit la terminologie ou la conjoncture, peut-être, pour certains de ces pays, qui fluctuent aussi en fonction de la situation économique du continent ou du pays en question.

Ma question est la suivante : sur ces 25 années, pouvez nous dire quelle est la période durant laquelle on a vraiment sérieusement discuté pour conclure les ententes?

M. Castonguay : Je peux vous parler du temps où j'étais ici, car c'est moi qui ai conclu les deux traités avec la Turquie et la Grèce. Je peux seulement vous parler de ce que je connais. Effectivement, dans le cas de la Grèce, cela a pris une semaine complète de négociation; c'était en juin 2007, si je me souviens bien.

Dans le cas de la Turquie, il restait seulement un ou deux points qu'on a réglés par courriel. Cela faisait très longtemps qu'on était prêt à régler la question avec la Turquie, mais c'était difficile d'avoir le même niveau d'engagement de l'autre côté. Je ne peux pas vous expliquer, à l'interne ce qui s'est passé, mais, à un moment donné, c'est devenu une priorité pour eux aussi de régler la question, alors ils l'ont fait.

Le sénateur Mockler : Quand?

M. Castonguay : Première partie de l'année 2007, je crois.

Le sénateur Mockler : Merci beaucoup. Madame la vice-présidente, le sénateur Moore vient juste de me rappeler qu'il y a le cas de l'autre pays. Pouvez-vous me dire quelle était la période de temps pour la Colombie?

M. Castonguay : Pour la Colombie nous avons eu trois négociations à partir de l'automne 2007; je crois que c'est en avril 2008 qu'on a conclu. Je ne suis pas vraiment sûr, mais cela a pris un peu plus qu'un an.

La vice-présidente : Petit détail, est-ce que généralement vous vous entendez sur les paramètres qui vont être négociables? Évidemment, cela peut toujours évoluer dans le temps. Qui est demandeur, d'habitude? Est-ce nous ou les autres?

M. Castonguay : Il n'y a pas de réponse fixe. Des fois, c'est nous, des fois, c'est l'autre pays. Pour ce qui est de la façon de faire, chaque pays a un modèle; on échange les modèles et on essaie de les concilier jusqu'à ce qu'il y ait une entente.

Le sénateur Massicotte : On va le dire, ces ententes sont très importantes pour notre pays. Nous en avons besoin, de notre côté. Les négociations sont dures et vous êtes notre représentant; en fin de compte, si ce n'est pas une bonne négociation, c'est quand même votre responsabilité. Dans le département, comment choisit-on le négociateur? Comment peut-on choisir le meilleur? C'est que ces choses-là durent longtemps. Si on lit les journaux et qu'ils disent que ce n'est bon à rien, c'est parce que c'est vous qui n'êtes bons à rien! Comment est-ce qu'on arrive à avoir toujours le meilleur négociateur?

M. Castonguay : Je ne sais pas si on peut présumer qu'on a le meilleur négociateur. Pour l'instant, c'est mon travail de faire cela, jusqu'à ce que mon patron décide qu'il peut en trouver un meilleur.

Pour ce qui est de la longueur des négociations, évidemment, on préfère ne pas conclure si c'est un mauvais deal. C'est pour cela que, parfois, cela prend du temps.

La vice-présidente : Si je me souviens bien, ceux qui exercent votre fonction sont rarement là pour quelques mois. Ils sont généralement là pour un bon nombre d'années, et il y a une mémoire et une expertise qui sont développées. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de renouvellement, mais cela veut dire qu'il y a quand même des gens qui, avec le temps, apprennent — je ne dirais pas sur le tas parce que c'est quand même complexe; ce sont des gens qui connaissent cela et qui introduisent d'autres personnes à ce secteur, c'est évident.

Le sénateur Massicotte : J'espère que ce n'est pas seulement des gens plaisants et des bonnes personnes, parce que les négociateurs, c'est dur aussi. Aujourd'hui, notre témoin a l'air très plaisant et très gracieux, mais j'espère qu'il n'est pas toujours comme ça!

La vice-présidente : Je crois qu'un bon négociateur doit aussi être capable d'avoir une main de fer dans un gant de velours; c'est comme cela que nous vous voyons, monsieur Castonguay.

S'il n'y a pas d'autres questions, je vais clore la réunion et remercier mes collègues.

Le sénateur Ringuette : J'aurais une suggestion. J'aimerais bien, avant de terminer notre étude sur ce projet de loi, que l'Agence de Revenu Canada vienne devant nous pour nous donner de l'information et nous entretenir sur l'histoire du « joint international tax shelter information center ». Quel est notre rôle là-dedans? Si c'est international, on finance cette organisation à travers l'agence?

La vice-présidente : Je pense que cela sort du contexte ici. Toutes les autres conventions sont gérées par le même organisme. J'ai l'impression que vous êtes sorti des rapports subséquents une fois la convention signée. C'est l'Agence du revenu qui fait le suivi. Je n'aurais pas de problème qu'on les invite dans un cadre plus large. On peut les mettre dans une rencontre potentielle à un moment donné.

Le sénateur Ringuette : Sur ce projet de loi, c'est leur implication parce qu'ils seront chargés de la mise en œuvre.

La vice-présidente : Ils en appliquent déjà 87 autres. Le mécanisme ne s'appliquera pas seulement à ce groupe. Si on veut les entendre sur la façon dont ils l'appliquent, je n'aurais pas de problème. J'aurais un problème à retarder l'application de celui-ci qui est déjà retardé et qui peut nuire à des intérêts canadiens, à savoir des gens qui veulent investir en Grèce — ils ont peut-être besoin d'investissement par les temps qui courent, c'est une petite remarque en passant — et je pense que la Colombie compte sur nous. J'ai rencontré hier le ministre de l'Industrie. Ces gens à l'heure actuelle ont besoin des pays développés pour pouvoir créer des emplois. Les Canadiens qui investissent là-bas sont l'une des pierres angulaires pour faire des affaires dans ces pays.

Je n'ignore pas la Turquie, qui a une économie quand même assez robuste. À moins que mes collègues veuillent qu'on les entende, je suis à votre disposition, mais je pensais que c'était assez urgent qu'on passe à l'adoption du projet de loi à la prochaine séance. Nous pourrions faire venir les gens de l'Agence du revenu pour connaître leur implication et savoir quelles sont les tractations entre les deux pays. Est-ce qu'il y a beaucoup de volume? Est-ce que cela se fait régulièrement? Nous qui avons des investissements à l'extérieur nous savons que nous payons nos taxes au Mexique pour nos maisons là-bas, ce n'est pas difficile. Il faut avoir les documents et suivre la législation aux deux endroits. On a besoin de ce genre d'outils de saine gestion fiscale.

Messieurs, je vous remercie de votre présence, et merci à mes collègues.

(La séance est levée.)


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